Novembre 2014

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  Bizarre




Mercredi 5 novembre 2014
[Rédigé le 29 octobre, affiné jusqu'au 5 novembre]


Voici un billet du genre que j'affectionne : analytique et bien décortiqué. Ce qui veut dire plutôt long, reprenant des éléments déjà exposés mais assemblés selon l'état d'esprit du moment. Il est assez peu généralisable et je prie d'avance ceux qu'il indisposerait de m'en excuser. Il prolonge mon billet du 9 octobre : Vers quoi ?


Suis-je parvenu au terme de la singulière forme d'écriture que, face au "silence", j'avais adoptée ? Voilà en effet dix ans que j'ai laissé s'installer - sans imaginer quelles en seraient les conséquences - le jeu de dupes qui a consisté à faire comme si je pouvais continuer à écrire un journal "intime-extime"... tout en le sachant lu par la personne qui a motivé l'essentiel de son contenu [toi]. Cette donnée, je n'ai jamais vraiment pu en faire abstraction et m'en suis d'ailleurs régulièrement ouvert ici. La configuration d'une expression à sens unique, à la fois à destination de moi-même, d'un lectorat indifférencié et d'une personne clairement identifiée, m'a posé question dès qu'elle s'est mise en place. Exacerbée au moment de la "rupture", elle s'est atténuée au fil des ans. Peut-être parce que l'absence d'écho laissait finalement davantage de champ libre à mes cogitations ? Quoi qu'il en soit je me suis peu à peu habitué à l'éventualité d'une "présence silencieuse" parmi les lecteurs et, à défaut d'entendre sa voix, c'est la mienne que j'ai trouvée.


Journal-lettre

Ces derniers jours je cherchais un terme permettant de définir ma démarche d'écriture : c'est quoi ce pseudo-journal personnel ? Qu'est-ce qu'il (me) dit de moi ? Parfois je trouve qu'il ressemble fort à un long plaidoyer visant à me "réhabiliter". Mais aux yeux de qui ? Oh, je sais depuis bien longtemps ce qu'il en est : c'est une sorte de longue lettre que j'ai écrite, sous couvert de journal : un journal-lettre. Destinataire ? Moi-même, bien sûr, mais pas que. Qui d'autre ? Impossible d'en savoir plus : l'imaginaire et le rationnel sont trop enchevêtrés pour que je les démêle. Mais la lectrice silencieuse [la représentation que j'en ai] est dans le coup, c'est certain. Dans ce contexte étrange [que j'ai à coeur de voir s'éclaircir] le travail continu d'auto-analyse entre passé et présent m'a permis, je crois, de me forger une solide structure mentale. Et probablement, aussi, de trouver une assurance qui me faisait défaut. Alors pour mon écriture, si pointilleuse, si décorticante, si répétitive mais lentement et sûrement évolutive - je dirais même "constitutive" - m'est venu un terme. Inspiré par le "parlêtre" de Lacan (où "Ça" parle), j'inventerais volontiers un néologisme (?) : le "journal-être" (où "Ça" écrit jour après jour). Il serait une variante du langage, par lequel je me présenterais en continu. Ce terme de "journal-être" m'est venu par homophonie avec celui de "journal-lettre" qui, à ma connaissance, n'existe pas davantage. Ce dernier me parait cependant plus juste que celui de "journal" - que j'utilisais jusque-là - au vu de la tournure qu'ont pris mes écrits...

Le journal-lettre serait cet objet tenant à la fois du journal personnel et de la lettre continue. Deux formes d'écriture qui, avant l'ère de la publication sur internet, n'avaient que peu de chance de se conjuguer, sauf à disposer d'une improbable audience publique ou à communiquer son journal directement au destinataire. Mais mon journal-lettre, lui, doit son existence à internet... et peut-être à une période révolue d'internet, avant l'avènement de l'internet hyper-socialisé. Avec l'arrivée des blogs, puis des réseaux sociaux, j'ai l'impression que l'expression personnelle a perdu en intimité ce qu'elle a gagné en "dialogue" par commentaires interposés.

Ici j'ai fait le choix de rester hors commentaires, dans un registre confidentiel. Ce que j'écris correspond-il pour autant à un journal, fut-il "extime" ? Serait-il en même temps assimilable à une correspondance, alors que je suis le seul intervenant direct tandis que les destinataires sont divers ? Ou bien est-il récit, tribune, prétoire ? Ces questions ne sont pas nouvelles puisque je me les posais déjà en janvier 2003, alors que l'intimité feutrée des diaristes en ligne se voyait bousculée par la nouvelle génération d'écrivants participatifs qu'étaient les blogueurs. Le hasard à voulu que ce soit à ce moment-là que je rencontre pour la première fois "en vrai" quelques diaristes... et que, simultanément, la correspondance avec "ma complice" prenne une tournure plus engageante. La période fut donc fertile en réflexions autour de ma pratique du journal, du relationnel et de la correspondance. Fondamentalement je n'ai cependant rien changé, continuant allègrement à faire coexister journal personnel et récit de vie... puis simili-correspondance détournée. Et là j'en viens à me dire qu'il pourrait finalement s'agir d'autre chose qu'un journal, au regard du travail rédactionnel que j'y consacre...

Ces questions sémantiques ne sont pas anodines et je ne me les poserais pas si les qualificatifs employés n'exercaient pas une influence sur ma façon d'appréhender l'écriture. Or en matière d'écrit chaque terme employé dit quelque chose de l'objectif visé. Vous l'aurez compris : la question du destinataire a toujours été pour moi un élément central. Pour qui écris-je ? [et qu'est-ce que cela me dit de moi ?]. Il m'importe donc d'approcher au plus près le sens précis des termes que j'emploie, particulièrement quand il s'agit de décrire des principes complexes. Or mon écriture sur ce site obéit à une logique éminemment complexe... qui m'indique quelque chose de moi.


Une correspondance ?

Le terme de journal ne m'ayant pas posé question jusque-là, je vais d'abord observer la notion de "correspondance", nouvellement apparue et plus inattendue. Littéralement, co-respondere, c'est se répondre ensemble, au sens de « relation épistolaire ». Sous cette acception nulle trace de correspondance ici puisque, quoique il y ait des destinataires, moi seul m'y exprime publiquement. Et lorsqu'un(e) de vous m'écrit en privé, c'est par le même canal que je lui réponds. Avec vous [sauf toi] journal et correspondance sont distincts.
Logiquement c'est ainsi qu'aurait dû se poursuivre la correspondance entreprise avec mon ex-partenaire, au départ strictement privée. Mais les aléas relationnels ont fait que, sans que je sache par quels obscurs mécanismes inconscients, le privé s'est vu exposé en public dès 2003. Mes textes "Les clés du décrytage temporel" (2 mars 2003) et "Idéal réalisé" (11 mars 2003) dévoilaient clairement la relation et les dimensions que je lui accordais. Presque immédiatement, dans "Satisfaction" (16 mars 2003) et dans les entrées suivantes, apparaissaient mes premiers doutes sur l'opportunité de ces confidences devant la personne concernée. Mais il faut que je me souvienne aussi qu'à cette période j'étais en plein questionnement sur cette fameuse "complicité" qui venait s'insérer dans ma vie de couple. Il me semblait donc naturel de témoigner de mon cheminement vers une plus grande liberté relationnelle. Et puis ma complice n'exprimait aucune désapprobation quant à mon expression publique la concernant, y compris quand c'est devenu plus compliqué : "Ce que je suis pour elle" (8 juin 2003). Alors peu à peu j'ai commencé à me servir de ce journal pour lui exprimer indirectement ce qui ne parvenait plus à se dire par correspondance ou qu'elle ne parvenait pas à entendre directement... Confusion des genres. Le ver était dans le fruit !

Au moment de la "suspension-arrêt" (septembre 2004) ma partenaire m'a demandé de pouvoir continuer à lire mon journal, ce que j'ai accepté sans réticence puisque j'entendais bien me servir de cet outil pour l'informer de ma progression. Opération dissymétrique puisque de mon côté j'avais eu pour première consigne de ne pas la lire, avant qu'un cafouillage ne m'autorise, par erreur, à accéder à ce que je n'aurais jamais dû lire. Une incroyable bévue [acte manqué ?] sur les conséquences de laquelle je ne reviens pas tant elles furent titanesques. Je ne reviendrai pas davantage sur les raisons qui m'ont poussé à persister dans ma démarche : je les ai déjà largement décrites.

Etymologiquement respondere c'est « répondre à un engagement solennellement pris ». Le sens commun n'accorde plus une telle importance mais faire un petit détour par l'origine sémantique n'est pas sans intérêt  : y a bien eu, avec ma lectrice particulière, des engagements pris [sur aucun parchemin, je vous rassure]. D'abord dans un même sens, explicitement solidaire (« Nous vaincrons ! »), puis dans des sens opposés dès que la "suspension" s'est vue transformée en "arrêt". Durant cette période de flou et d'ambigüité il s'est marqué d'un côté un "engagement" [volontairement ferme] à se désengager d'une relation à forte dominante épistolaire, de l'autre un "engagement" [inconsciemment volontaire...] à... ne pas lâcher. Toutes les difficultés ultérieures allaient provenir des ces "engagements" respectifs non tenus (parce qu'intenables ?). Au début j'ai cru pouvoir accepter de me "désengager" de la relation en "m'engageant" à ne pas l'entretenir. Ça n'a jamais tenu bien longtemps... De l'autre coté ma co-épistolière n'a pas tenu non plus son "engagement" à se "désengager" puisque nos échanges avaient repris après quelques mois, avec manifestation claire de restaurer une amitié. Des deux côtés il y a donc eu incapacité à tenir nos "engagements"... et il en a résulté cinq années d'incertitude et d'atermoiements.

La correspondance, au sens strict, a définitivement cessé en novembre 2009, après un ultime échange par lequel je "m'engageais" [pour de bon, cette fois], à « laisser aller » ma coéquipière. Mais cet engagement à ne pas réitérer mes tentatives a pu être aisément contourné par... ce journal-lettre, qui a continué sur sa lancée. Certes il n'y avait plus de contact direct mais il restait un moyen détourné de "correspondre". Ou plutôt de "répondre" et ainsi tenir mon "engagement" à ne pas lâcher.

J'ai donc continué à écrire "pour moi-même" sous le regard généralement silencieux de lecteurs discrets... et sous celui, supposé mais probable, de ma co-épistolière devenue mutique. Ce contournement a souvent rendu encore plus complexe mon expression, déjà pas simple, tout en ajoutant à son pouvoir auto-analytique une dimension libératrice. Certes, je n'ai jamais pu écrire en faisant abstraction de l'éventualité de ce regard mais cela a probablement eu un avantage indirect. J'ignore de quelle façon cela s'est combiné avec l'auto-censure mais, ce qui est certain, c'est que cela m'a conduit à mesurer mes propos au millimètre près. Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe un tant soit peu impliquant ou signifiant à été évalué, mesuré, jaugé, soupesé, pour coller au plus près de ce qui me semblait "juste" (au sens de "ajusté, approprié, correct"). Un véritable travail de marquetterie...

S'il n'a donc plus été possible de correspondre, au sens strict, il s'est instauré une sorte de "dialogue interne" [terme impropre] à partir de ce que j'imaginais des réactions probables de mon ex-correspondante... au cas où elle me lirait. L'existence de cette "interlocutrice" semi-imaginée fait que je pourrais presque qualifier l'objet littéraire que je donne à lire d'autobiographie à quatre mains. Deux mains libres, les miennes, auxquelles se sont adjointes celles qui écrivaient sous le contrôle intériorisé d'une personne réelle-imaginée. Mouais... tout cela est assez difficile à conceptualiser, en fait... [mais non je ne suis pas fou !]


Une autobiographie ?

Je viens d'utiliser le terme "autobiographie" parce qu'en bien des points il est plus approprié que celui de "journal". Pour autant ce n'est évidemment pas une autobiographie au sens strict puisque ma production est essentiellement centrée autour du relationnel. Et même, depuis dix ans, presque exclusivement sur les impressions émanant d'un seul objet : l'après-relation. Autobiographie partielle, donc, étroitement circonscrite. En même temps je pourrais volontiers utiliser le terme d'autobiographie essentielle tant j'aurais été "travaillé" par cette étonnante suspension relationnelle. Aucun autre évènement ne m'aura poussé aussi loin dans la réflexion autocentrée. Les profondeurs atteintes auront dépassé tout ce que j'aurais pu imaginer. La conjonction de l'écriture et de l'évolution relationnelle m'aura mené très loin, tant à l'intérieur de moi-même que dans la compréhension relationnelle au sens large.

Au début de ce texte j'ai évoqué le sens des mots. Je persiste à croire que plus je clarifierai la teneur de mes écrits, plus je serai à même de comprendre ce qui s'est joué dans ce journal-être, journal-lettre. J'ai trouvé quelques définitions de Françoise Simonet-Tenant[1] dans un texte intitulé « L'autobiographique hors l'autobiographie : la cas du journal personnel » :

« La perspective est principalement rétrospective dans l’autobiographie, ce qui n’est pas le cas du journal. Le journal personnel, suite d’actes d’énonciation égrenés au cours de l’existence, est une perspective aveugle, s’écrivant sans recul sur le passé et avançant en tâtonnant vers l’avenir. Dans l’autobiographie, les faits et sentiments sont décantés et filtrés, composés dans le souci d’une reconstruction de l’existence, parfois ordonnée en destin.  ».

Au vu de ces lignes il apparaît clairement que je me situe davantage dans l'autobiographie que dans le journal, ne serait-ce que par la dimension rétrospective, largement prédominante dans mes écrits alors que les faits du présent y sont rares. Certes c'est depuis un présent mental - et en évolution - que j'écris, mais c'est le passé que j'analyse. Et s'il y a désir de "fixer" un récit convenable, c'est en ayant parfaitement conscience que celui-ci pourrait bien évoluer au fil des ans. C'est à l'évidence ce qui se produit, d'ailleurs. En quelque sorte je réalise des bilans successifs, tentant d'actualiser - toujours provisoirement - un nouvel état de conscience.

« La tenue d’un journal favorise peut-être plus qu’on ne le croit une forme d’écriture- bilan. Le diariste est parfois amené à pratiquer une écriture synthétique, et le journal glisse alors vers la rétrospection d’assez longue portée, se rapprochant du récit autobiographique. »

Dans un chapitre qu'elle consacre aux « journaux au service d'une construction autobiographique », F. Simonet-Tenant les définit ainsi : « Épures d’un destin reconstruit, fruits d’une mémoire à distance, sélective et organisatrice, les bilans témoignent de l’effort pour construire l’image cohérente d’une individualité, voire pour ordonner la vie en destin.

Cela est particulièrement net quand le diariste s’emploie à mettre en évidence dans sa trajectoire un tournant de vie ou un événement fondateur de sa personnalité, repérage qui implique une posture rétrospective et reconstructive destinée à renforcer son identité et à consolider une certaine image de soi. »


Un objet bizarre pour une situation bizarre

Mais qu'en est-il lorsque la fontion analytique et autobiographique du journal se confond avec la volonté semi-consciente de diffuser un message ? Car c'est bien ce que j'ai voulu faire, depuis dix ans...

Et bien cela donne cet objet bizarre que j'appelle "journal-lettre" : un récit rétrospectif qui s'adresse autant à moi-même qu'à une destinatrice muette... mais bien présente. Car quoique j'en sois réduit à laisser mon imaginaire prendre une place croissante, faute de contact avec la réalité, il demeure ce fait réel : ma "correspondante silencieuse" est toujours là. Non seulement "là" en tant que destinatrice fantasmée, mais aussi, et c'est ce qui est troublant, en tant que lectrice réelle. Car au fil du temps, et grâce à la précision diabolique de l'outil de suivi d'audience de ce journal, les lois de la probabilité m'ont conduit au plus près de la certitude quant à son suivi de mes écrits. Dans quelques heures, dans quelques jours, tu liras ces mots. Comme depuis des années.  Et tu resteras silencieuse...

Un peu bizarre mais pourquoi pas ?

Ta pr... La présence de cette observatrice silencieuse, si elle a durablement compliqué mon expression, a probablement eu un rôle majeur resté dans l'ombre jusque-là. Car si j'ai eu besoin de "vider mon sac" et évacuer ainsi l'énorme colère que j'ai ressentie à être exclu d'une relation fort importante, j'ai aussi eu, en même temps, la possibilité de chercher à comprendre ce qui avait pu susciter l'exclusion. Le fait qu'il me soit "impossible" de laisser jaillir ma colère d'un seul coup a permis une diffusion lente, propice à l'introspection.

Il y a une chose dont je ne voulais pas : rejeter cette relation. C'était une option inadmissible, à mes yeux, alors qu'avait existé une telle qualité d'échange. J'ai eu beau en vouloir très fortement, viscéralement, à mon amie de fuir un véritable dialogue... jamais je n'ai pu me résoudre à (l')abandonner.

Le désir de protection que j'ai eu à son égard, dont elle n'a peut-être pas du tout eu conscience puisque la douleur me rendait agressif [oui, je le reconnais], m'a probablement maintenu à l'écart de réactions trop impulsives. Et quand je parle de douleur je pense moins à celle issue de mon propre sentiment d'abandon qu'à celle qui découlait de mon incapacité à avoir su rester "l'ami" (et bien davantage) que j'avais cru être pour elle. Il y a eu un moment où je n'ai plus su "écouter" la fille farouche et sauvageonne qu'elle pouvait être en situation de stress ou de détresse. Je n'ai pas su entendre ce que ses réactions exprimaient. Bref : je n'ai pas su garder sa confiance.

Peut-être était-ce mission impossible ? Il y aurait quelque prétention à me croire capable d'aider l'autre en toute circonstance. Mais faute d'avoir pu mettre tout cela en mots... je crois que j'ai porté en moi un très fort sentiment de culpabilité et d'échec : je n'ai pas su faire ! J'ai failli. Je n'ai pas été "à la hauteur".

À force d'avoir décortiqué dans tous les sens cette histoire bizarre je crois être allé loin. En regardant le chemin parcouru j'ai pu prendre conscience que j'avais fait au mieux de mes possibilités. Je n'ai pas à me sentir coupable et il me revient d'être indulgent avec moi-même. Je pense avoir compris l'essentiel de l'enchaînement des réactions. Ne demeurent plus que quelques mystères qui s'articulent autour du renoncement soudain de mon amie. De quoi alimenter mes réflexions pendant encore quelques siècles...




[1] L'autobiographique hors l'autobiographie : le cas du journal personnel (ici)


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L'essentiel



Samedi 8 novembre 2014


Je suis capable de passer des heures, beaucoup d'heures, à peaufiner un texte "structurant" comme le précédent. À la lecture on pourrait croire que le sujet m'obsède, en sachant le nombre d'années que j'ai déjà consacré à parler de "ça". Et bien non, nulle obsession : tout ce que j'élabore ici, aussi longuement que ce soit, se fait sous forme de parenthèses que j'ouvre et ferme sans difficulté aucune.
En dehors des moments que je passe devant le clavier je n'y pense pas. Je ne suis monomaniaque qu'à l'intérieur de ces bulles introspectives, nettement distinctes dans le flux de mon existence.

D'ailleurs ces derniers temps il m'a fallu, pour écrire, me creuser les méninges : je ne trouvais pas d'amorce ! Il faut dire que je n'ai plus grand chose à ajouter. Dès lors pourquoi continuer, vous entends-je me sussurer... Et bien si je m'obstine c'est avec l'objectif de refermer une à une toutes les belles potentialités que j'avais vu s'ouvrir. Difficile de l'ignorer : il m'a été extrêmement difficile
[euphémisme] de renoncer [si toutefois j'y suis parvenu...] aux retrouvailles. Mais je n'ai pas eu envie d'en traîner à vie une amertume. Pour cela j'ai voulu extirper toute trace de la rancoeur qui accompagne l'espoir déçu. Jusqu'aux plus lointaines radicelles. D'où ce travail un peu fastidieux auxquel je m'astreins et sur lequel je reviens inlassablement. C'est comme si je devais éradiquer une plante indésirable : je traque la moindre repousse.

Une fois que l'amorce est trouvée je n'ai plus qu'à tirer et les idées s'enchaînent aisément en phrases et paragraphes. Je reconnais cependant ne plus être attiré comme un aimant vers la page à remplir, ni avide de mettre en mots les idées qui ne se bousculent plus dans ma tête. Il y a bien longtemps que cette frénésie d'écriture ne m'anime plus...

Je me souviens de la période ou j'ai écrit que « ma vie est un roman ». Hum... c'est loin tout ça. Ma vie est devenue trèèèès calme
[vous le sentez le "trop" qui s'insinue ?]. Cela résulte d'un choix : j'ai voulu être tranquille, je le suis. Tranquille dans ma vie, dans mon esprit, dans mes émotions [pour rester libre de penser ?]. D'aucuns pourraient trouver ça ennuyeux mais moi ça me convient bien [quoique, le manque d'émotions...]. Certes je vois les années passer et avec elle mon "pouvoir de séduction" [à supposer qu'il fonctionne encore...] va forcément vers son inéluctable déclin. Si j'étais un peu calculateur je devrais me hâter de profiter de ce "capital" avant qu'il ne disparaisse définitivement. Mais je ne vois pas la vie ainsi. Je ne me mets aucune pression face au temps qui passe, avec tout ce que cela sous-entend comme renoncements à venir. Certes je vieillis... mais je ne m'en aperçois pas. Je profite tout à fait sereinement d'être au faîte de ma vivacité, encore suffisamment en forme pour être parfaitement à l'aise dans mon corps et mes capacités physiques, et déjà nourri d'une grande diversité d'expériences de vie. Voilà une quinzaine d'années que je me sens être entré dans l'optimum d'un "âge d'or" qui, pour le moment, brille davantage année après année. Rien n'annonce qu'il va se ternir, même si je sais que cela viendra. Je verrai bien ce qu'il en sera le moment venu...

Et l'amour, dans tout ça ? Et les rencontres ? Ah, l'amour, les sentiments, les palpitations, les exaltations, les frissons... Et bien il se pourrait que le genre d'épisode intense que j'ai connu il y a dix ans et qui a révolutionné mon regard sur la vie ne se renouvelle jamais. Tout ce que j'aurai découvert et appris sur ce plan-là ne me servirait alors plus à rien. Du moins dans cette vie
[qui pourrait bien n'être qu'unique]. Toutes mes cogitations et remises en question n'auront servi qu'à... me sentir bien "avec" moi-même. En paix, en équilibre, en harmonie. C'est donc loin d'être inutile. Je crois même que c'est l'essentiel...

Finalement on passe sa vie à apprendre des choses qui ne resserviront pas. Mais tout cela s'agrège en ce qu'on appelle "expérience" et, à doses infinitésimales, diffuse en soi et autour de soi.


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Pour quelques pommes



Mardi 11 novembre 2014


J'ai deux pommiers. Je les ai plantés il y a une vingtaine d'années, lors de la création du jardin, parce que Charlotte avait envie d'arbres fruitiers. Il aura fallu quelques saisons pour qu'ils produisent mais maintenant c'est plusieurs dizaines de kilos qui s'offrent chaque automne à la récolte. Trop pour moi seul. Alors j'en apporte au boulot, pour distribuer aux collègues, j'en donne à mes enfants quand ils passent me voir. Et puis j'en ai proposé à Charlotte...

Cet après-midi elle est venue me voir pour récupérer ces pommes. Je l'avais invitée à venir boire un café en début d'après-midi, sachant que mon fils aîné et sa compagne,
après avoir passé la nuit chez moi, seraient probablement encore là. Tant qu'ils étaient présents chacun avait à dire quelque chose, quoique je me sois mis légèrement en retrait dès son arrivée. Mais dès qu'ils furent partis nous nous sommes retrouvés à deux. Et là... silence. De quoi parler ? Après quelques questions sur nos familles respectives, sur le travail... que dire d'autre ? Nous nous connaissons suffisamment pour ne pas désirer en savoir plus, n'avons aucun projet commun et tout ce qui est d'ordre personnel ne sera pas abordé. Il n'y a donc aucune dynamique tournée vers l'avenir. Notre histoire commune est derrière nous.  Alors, malgré les tentatives de relance, vite comblées, c'est le silence qui l'a emporté.

J'ai songé qu'avec toute autre femme la conversation aurait été plus animée. J'ai regardé ce visage, cette bouche qu'auparavant j'embrassais, cette femme que j'aimais et dont autrefois je me sentais si proche. Depuis longtemps devenue "impossible" la proximité s'est muée en une distance sans doute un peu artificielle mais nécessaire. C'était la chose la plus simple à mettre en place..

Alors, parce que faire durer davantage les silences aurait suscité un malaise réciproque, Charlotte s'est éclipsée poliment. Je l'ai raccompagnée à sa voiture en lui souhaitant une bonne semaine et notre bref temps partagé s'est arrêté là. Durant une fraction de seconde j'ai senti venir une infime tristesse, que j'ai aussitôt chassée de mon esprit. Non, tout était bien comme ça. Finalement, de pouvoir passer quelques dizaines de minutes seul à seul sans tensions, n'est-ce pas le plus important ?


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Points de vue



Mercredi 12 novembre 2014

Ce qu'on ne sait pas, on l'imagine. C'est ainsi que pourrait se conclure un film[1] que je viens de voir, dans lequel un mystère s'éclaircit peu à peu en croisant les points de vue de plusieurs protagonistes des mêmes faits. On y voit d'abord chacun se forger une conviction à partir des bribes d'élements qu'il aperçoit et du sens qu'il leur donne. Le spectateur, à partir de ces visions parcellaires, établit ses propres hypothèses avant de comprendre, en voyant d'autres points de vue, qu'il a fait plusieurs fois fausse route...

L'esprit cherchera toujours à établir des ponts de suppositions entre les faits observés. Le besoin de comprendre, de donner du sens, nous est consubstantiel. D'autant plus que cela nous touche...




[1] «Simon Werner a disparu...»


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Analogies



Jeudi 13 novembre 2014


Séance ciné, ce soir, en sortant du travail. Je suis allé voir "Mommy", film de Xavier Dolan à propos duquel j'avais lu une critique enthousiaste. Le fait qu'il soit québecois n'a sans doute pas été étranger à mon choix...

Je pensais que d'être quelque peu familiarisé avec le "parler québecois" allait me dispenser se lire les sous-titres que, par avance, je croyais superflus. Prétention de ma part puisque j'y ai quand même eu fréquemment recours, ma pratique n'étant pas suffisante pour comprendre les expressions les plus fleuries du "joual", cet équivalent de l'argot français. Mais j'ai eu grand plaisir à retrouver ambiances, modes de vies et paysages urbains familiers. Quant au scénario, il m'a ramené vers la difficulté que pouvaient avoir des gens qui s'aiment à s'accepter dans leur différence.

C'est récurrent, ça, chez moi : voir un peu partout des analogies avec des situations de vie fortes en émotions. C'est comme si ce qui n'a pas été compris, ou pas accepté, revenait sans cesse chercher des réponses. Mais l'expérience m'a enseigné que ce genre de quête pouvait finalement cesser, ou s'éteindre, sans savoir vraiment pourquoi. Ma vie est jalonnée de questionnements abandonnés, oubliés. Devenus insignifiants.

D'ailleurs c'est un peu curieux de voir que certaines situations relationnelles engendrent beaucoup de questionnements tandis que d'autres n'en suscitent pas.


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Parler et faire l'amour



Vendredi 14 novembre 2014


Vous avez remarqué ? J'écris que ce journal n'en est plus un et quelques jours plus tard je reviens à une forme qui s'apparente nettement au journal. Allez comprendre...

Allez comprendre aussi pourquoi j'ai narré en continu et quasi exclusivement les suites d'une relation défunte alors que j'en vis une autre depuis plus de six ans ! Il est vrai que pour cette dernière la qualité d'échange et la franchise des discussions ne nécéssitent pas que je m'épanche au dehors. Et puis l'engagement personnel n'est pas le même.

Cette "relation"
[j'hésite à employer ce terme] s'est bâtie sur un postulat : elle ne durera pas. Dès le début A., sentant mes réticences à établir une "relation" un tant soit peu engagée m'a proposé de me laisser aller sans crainte : ce sera intense mais bref. Ensuite elle disparaîtra et je n'entendrai plus parler d'elle. Étonnante perspective, totalement inhabituelle pour moi. J'ai accepté ce pacte qui implique qu'à tout moment la relation peut cesser. Cela joue assurément sur le type d'attachement qui a pu se mettre en place...

À tel point que, si effectivement nous ne devions plus nous voir, je n'en serais pas vraiment triste. Du moins pas durablement. Ce lien est temporaire et a été investi en conséquence : détachable. Et pourtant il dure !

Depuis six ans nous avons appris à bien nous connaître. Nous nous sommes adaptés l'un à l'autre, malgré nos grandes différences. D'ailleurs cet "apprivoisement" à longtemps représenté l'essentiel de nos conversations, qui elles-mêmes constituaient l'essentiel de la relation. Avec le dialogue comme première composante, nous sommes parvenus,
à la longue, à bien nous comprendre et nous accepter en connaissant les besoins et limites de l'autre. Si bien qu'au début de l'été nous avons vécu durant quelques mois une période de belle entente. J'ai vu A. enfin heureuse, apaisée, détendue, presque sereine. Pour moi c'était une belle satisfaction de la voir sortir des territoires sombres que je l'avais toujours vu parcourir.

Il s'est alors produit quelque chose de totalement inattendu : nos temps de conversation sont entrés en pénurie. Hors de la complexité relationnelle que nous n'avions eu de cesse de simplifier, nous n'avions plus beaucoup à échanger. A tel point que notre bonne entente devient problématique. Un comble !

La seconde composante essentielle de notre relation était l'entente sexuelle. Je pense qu'elle était indissociable du dialogue, avec qui elle se combinait. Je définissais ainsi notre lien : "parler et faire l'amour". Or assez récemment le désir sexuel d'A. s'est avéré être moindre
[hasard ou pas ?]. Au début elle l'a expliqué par l'espacement de nos rencontre qui, il est vrai, a eu tendance à augmenter [parce que moins à dire ?]. Mais cela aurait pu tout aussi bien accroitre son désir. Quelques jours passés ensemble n'ont rien changé à l'affaire : panne de désir. L'idée que nous étions peut-être au bout de ce que nous avions à vivre s'est invitée. Nous en avons parlé, conscients de la précarité relationnelle dans laquelle nous sommes. Hors de nos temps de rencontre il n'y a aucune attache solide.

Je m'accomode fort bien des demi-mesures et des adaptations progressives, laissant place à l'imprévisibilité de l'existence. Par contre A. préfère les situations tranchées : si elle estime que ce que nous pouvons partager n'est pas suffisant, alors elle mettra un terme à cette "relation". C'est du moins avec cette radicalité qu'elle me présente les choses depuis l'origine. Cela a le mérite de la clarté... bien que les faits n'aient cessé de contredire cette fermeté, plus voulue que réelle. Mais je suis souple et très adaptable...



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Réminiscences



Mercredi 19 novembre 2014


Ai rencontré une correspondante, le mois dernier. Longtemps que ça ne s'était pas produit. Sensations agréables, voire plus. D'abord sans suite. Réciprocité de l'appréciation apprise quelques semaines plus tard. Doutes mutuellement levés. Vibrations. Correspondance accrue...

Il ne serait pas judicieux d'en écrire davantage.
Ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Analogies...

Les analogies, les situations ressemblantes, les réminiscences inattendues, les similitudes qui s'invitent spontanément, c'est ma vie parallèle, invisible, silencieuse. Une quête de sens toujours en éveil, prête à se saisir de la moindre situation similaire, ne serait-ce que par un détail. Tout peut m'être nourriture.
Je n'imaginais pas que mes réflexions allaient s'alimenter aussi longtemps à partir d'une expérience riche de contrastes. Longtemps j'ai eu un peu honte de parler autant de "tout ça". Maintenant je considère que j'ai eu la chance de pouvoir le vivre.

Vraiment.


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En sommeil


Samedi 22 novembre 2014


Savoir que "j'intéresse" une femme qui m'intéresse et, plus encore, comprendre à demi-mot que cet intérêt est particulier, voilà qui m'enchante. Il est rare que ce mécanisme s'active, mais lorsque c'est le cas je suis presque rassuré de savoir qu'il fonctionne encore. Rien n'est mort ; seulement en sommeil.



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Va et vient



Dimanche 23 novembre 2014


Tout au long de l'année 2002 une correspondance affinitaire soutenue me conduisait à "rencontrer", par confidences et émotions partagées, ce qu'on appellerait communément "âme-soeur"[1]. J'entrais ainsi dans un degré de proximité et de confiance jamais atteint, représentant un summum confinant à l'idéal. Cela a transformé mon approche des relations humaines et a constitué un nouveau référentiel qualitatif, plaçant haut la barre de la séduction. Mais pas la séduction au sens où on l'entend habituellement...

On sait que ce qui a découlé de cette rencontre n'a pas pu être pérennisé, ce qui ne l
'empêche pas de rester une référence absolue.

On sait aussi que les raisons du déclin restent assez obscures et que, de ce fait, une "quête de sens" est restée active.

Tout cela fait que chaque similitude de situation vécue réactive sensations et réflexions. Bien qu'éteinte la relation reste ainsi "vivante". En attente de résolution. Il y a encore des choses à comprendre, des éléments à assembler, des idées à associer et des déductions à tirer. Ce travail se fait presque à mon insu tant il s'est intégré à mon processus de pensée.

La relation avec l'âme-soeur reste donc "en moi".

Il y a une différence entre cette relation inachevée et celle que j'ai avec Charlotte. La seconde ne constitue que rarement une référence dans ma perception des choses. C'est comme si elle avait été intégrée à mon parcours, à mon expérience de vie, mais ne me posait plus question. C'est un acquis.
Riche de cette expérience, je la considère comme close. J'ai vécu en couple et ça s'est terminé. Point.
Il en va tout autrement pour la relation avec l'âme soeur : l'incertitude et le doute qui continuent de planer sur les questions laissées sans réponse ont empêché toute solidification. Pour moi rien n'y est acquis ni définitif. Ma pensée n'a pas pu se poser et continue d'errer, bien que mon cheminement m'ait conduit vers d'autres contrées.

Alors, quand une situation du présent ravive mes réflexions autour d'un passé relationnel, c'est toujours vers ce qui s'est vécu auprès de l'âme-soeur qu'elles s'orientent. C'est là que je trouve les analogies et les références qui peuvent à la fois guider mon présent et éclairer le passé, dans un va et vient continu de la pensée.

Car une interrogation demeure, essentielle et dérisoire : qu'est-ce qui m'attire, chez une femme ? Qu'est-ce qui me séduit ?




1- voir ici une interprétation de l'âme-soeur qui m'avait plue.


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Intelligence



Lundi 24 novembre 2014


La question laissée en suspens à la fin de ma précédente entrée m'a subtilement chatouillé, ce matin, tandis que je roulais vers le boulot : qu'est-ce qui me séduit chez une femme ? Qu'est-ce qui m'a plu chez x, y ou z ? Avaient-elles quelque chose de commun ? Plusieurs pistes me sont venues, représentant autant de qualités humaines auxquelles je suis sensible. En premier lieu je mettrais l'intelligence. Pas celle qui consiste à penser plus vite que les autres, mais celle qui consiste à être ouvert d'esprit. J'y associe automatiquement la capacité de remise en question, la possibilité du doute, la sensibilité à autrui. L'intelligence à laquelle je suis sensible c'est aussi l'humilité, l'acceptation de ses propres failles. C'est tout le contraire de l'arrogance et de l'affirmation de soi.

Bon... en même temps, tout est une question de mesure. En toute chose l'excès nuit. Disons que j'apprécie un certain dosage de chacun des éléments énumérés (me voila bien avancé !).

Je ne vais pas détailler les inombrables éléments dont la combinaison peut me séduire mais en y réfléchissant je crois deviner que ce qui m'attire est souvent ce que j'aimerais avoir en moi ou ce en quoi je me reconnais. Comme si je trouvais une sorte de résonance, un "alter ego". Quelqu'un de suffisamment proche pour qu'une connivence apparaisse. Ou quelqu'un qui incarnerait ce vers quoi je tends pour moi-même.

Tout cela n'est pas très original...



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Ami de femmes



Samedi 29 novembre


Un lecteur attentif m'a fait une suggestion : que je me demande ce qui, en moi, plaît aux femmes. Il m'a ainsi permis de m'arrêter sur cette question, qui m'avait traversé l'esprit sans que je cherche à l'approfondir. Ce n'est pas la première fois qu'elle apparaît mais habituellement je me contente de la satisfaction de constater l'attrait, lorsque ça arrive, sans chercher à en comprendre les motivations...

La petite idée a pris sa place dans mon esprit, depuis quelques jours. Ce matin elle semble avoir germé, après avoir légèrement dérivé. Je repensais à la perception qu'ont certaines femmes du genre masculin, qu'elles imaginent volontiers dans un rôle dominant, voire "prédateur", vis à vis du féminin. À chaque fois que je suis témoin de ce genre d'appréciation caricaturale j'ai envie de présenter un autre point de vue, parce que je ne me reconnais pas dans ce masculin-là. Autant que je puisse en avoir conscience, jamais je n'ai eu ce genre de comportement à l'égard d'une femme.

Et là, tout d'un coup, ça a fait "Tilt" ! Si je fais partie de ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce comportement de mâle c'est peut-être que je ne suis pas doté de ses caractéristiques. Je veux dire que je ne suis pas formaté pour me comporter conformément au stéréotype masculin. Je ne suis pas un séducteur (bien que je constate qu'une séduction opère...) et n'ai jamais considéré une femme comme un "objet sexuel" (allusion à des propos tenus par des féministes à l'égard du genre masculin).

Donc si je plais j'en suis le premier étonné (quoique, avec le temps, j'ai admis que ce pouvait être le cas). Et si je ne cherche pas trop à comprendre ce qui en moi plaît... c'est que cela va forcément me renvoyer vers mes doutes sur moi-même. Voila pourquoi j'accueille le phénomène attractif avec joie, tout en me disant qu'il s'agit presque d'une illusion. Un truc qui ne va pas durer. Comme si rapidement j'allais être "démasqué" comme l'homme inintéressant que, tout au fond de moi, je crains encore d'être. Il y a entre la rationalité de mes observations et la représentation dévalorisée que j'ai de moi-même un hiatus prompt à se révéler. Dès lors, comment pourrais-je aller en "conquérant" vers une femme ?

Cependant je dois bien convenir que, depuis que je me suis affranchi de la relation de couple, plusieurs femmes ont été séduites par l'homme que je suis. C'est là que revient la question du lecteur susmentionné : par quoi ont elles été séduites ? Ouais bon, je peux me dire que c'est variable pour chacune d'elle, que quelque chose en moi à touché leurs attentes ou leur histoire personnelle... mais ce serait botter en touche. Il se pourrait que quelque chose dans ma personnalité "plaise aux femmes" (soyons modeste : "aux femmes qui sont venues vers moi").

Tiens... cette précision en dit plus long qu'il n'y paraît : les femmes qui sont venues vers moi. Ce qui laisse entendre que ce sont elles qui m'auraient choisi plutôt que l'inverse. Ce n'est pas tout-à-fait vrai puisque dans quelques rares cas j'ai su manifester [discrètement] une attirance marquée, ou du moins une connivence. Mais le plus souvent je me suis contenté de "répondre" à la sollicitation en me montrant, selon les personnes et mon attirance préalable, plus ou moins intéressé et enthousiaste... Ce qui revient à dire que si une femme ne tente pas l'approche, ce n'est pas moi qui ferai le premier pas. Tout l'inverse de l'approche "traditionnelle" entre hommes et femmes, même si je sais bien que les codes ont fortement évolué [et heureusement pour moi...].

Est-ce que cette attitude non-conquérante joue un rôle dans l'attrait que j'exerce ? J'en doute. Je crains même que cela ne laisse croire à un manque d'intérêt de ma part.

D'après ce que je sais, il y aurait quand même quelque chose qui viendrait de ma différence avec le comportement masculin stéréotypé. Ma capacité à parler dans un registre personnel m'a souvent été soulignée. Il semble que les hommes qui savent parler d'eux-même sur le plan émotionnel soient rares. Il se pourrait donc que, parce que je reste malgré tout porteur d'un point de vue masculin, le dialogue avec moi soit éclairant pour certaines femmes. Mais bon, ça ne suffirait pas à me rendre séduisant. Un ami pourrait faire ça.

Ah, l'amitié. Voilà un point important dans ce qui m'est venu en tête ce matin. En effet j'ai subitement réalisé que j'attachais une importance toute particulière à l'amitié avec une femme. Si je devais établir une hiérarchie entre amitié, sentiments (amoureux) et désir, l'amitié serait au sommet. Bon, je dis que j'ai subitement réalisé ça mais en fait ce n'est qu'une redécouverte : il y a bien longtemps que je sais la place prééminente que j'accorde à l'amitié et mon histoire en témoigne.

Cependant... et c'est là que ça se complexifie un peu, l'attrait physique que je peux ressentir envers une femme se combine avec cette quête d'amitié. Je reste sensible au charme féminin. Le terme "charme" étant à prendre au sens littéral, c'est à dire qu'il ne correspond pas nécessairement à un attrait sexuel direct. En fait je distingue quatre types d'attraits : intellectuel, émotionnel, physique, sexuel.

L'intellectuel c'est ce qui entre dans la sphère de la réflexion, de la connaissance, de l'intelligence (au sens décrit dans ma précédente entrée)

L'émotionnel c'est quelque chose de plus subtil, qui me touche plus en profondeur, que je ne contrôle pas. Quelque chose qui me touche, m'émeut, me fait vibrer, m'emporte.

Le physique c'est une attirance qui provient de la gestuelle, du visage, de la façon de parler et de rire, de la voix, du regard, de la silhouette. C'est l'attrait sensuel qui me donne envie de toucher une femme, de la caresser, de m'approcher avec tendresse.

Le sexuel c'est la part la plus fruste : un désir aux racines obscures qui, sans les autres attraits, ferait de la femme un objet de satisfaction personnelle. Autant dire que cet attrait là est chez moi maintenu sous un contrôle strict... ce qui ne semble pas être le cas de tous les hommes.

Ces quatre attraits se manifestent plus ou moins conjointement, suivant un ordre d'apparition variable. Il va de soi que, selon que je suis en présence réelle ou à distance, voire en l'absence de représentation visuelle, les mécanismes d'attraction en jeu ne seront pas les mêmes.

Ce que je crois avoir compris de moi, aussi, c'est qu'il se pourrait que j'aie besoin de sentir que la combinaison des quatre attraits est possible pour permettre, éventuellement, une approche "totale". En écrivant cela j'entre dans un nouveau champ de complexité...

Il me semble qu'inconsciemment je cherche une forme d'amitié "impossible". C'est à dire une amitié basée sur une grande confiance réciproque... mais de laquelle la notion de désir physique ne serait pas absente. Oui, je sais, c'est compliqué. C'est peut-être même antinomique. Mais si je laisse venir spontanément des mots autour de ça il y aurait : frère et soeur, complicité, tendresse, amitié, confiance, plaisir (satisfaction), "alter ego"... mais aussi attraction physique. Sans que cette dernière se traduise nécessairement par une sexualité, mais sans que celle-ci soit d'emblée "interdite". Je crois que j'ai besoin de sentir que cette limite-là n'est pas absolue.

Peut-être qu'il est là, mon problème [ah bon, j'ai un problème ?] : souhaiter combiner amitié-confiance et désir-tendresse... éventuellement sexualisé.

Me reviennent à l'esprit les femmes avec qui j'ai pu partager diverses combinaisons relationnelles, sexualisées ou pas. Avec attrait physique ou pas. Plus ou moins intellectuelles, plus ou moins émotionnelles. Je ne fais pas vraiment de distinction de nature entre chacune de ces relations, hormis celles qui ont été sexualisées. Mais toutes combinaient à parts variables les trois autres composantes.

Je mettrais cependant à part une autre catégorie (c'est pas que j'aime catégoriser, c'est pour mieux saisir les composantes) : l'attraction sentimentale. Ou plus clairement : l'attraction amoureuse. Elle a été assez largement indépendante des autres composantes attractives. J'ai pu ressentir une attraction amoureuse envers des femmes à peine croisées et ne jamais la ressentir envers telle ou telle femme avec qui plusieurs autres attraits ont été forts et durables.

Bon... tout cela ne nous dit pas ce qui, en moi, attire des femmes.

Peut-être est-ce ce besoin de décortiquer qui, quoiqu'il puisse étonner ou agacer, est utile pour mieux comprendre le mystère de ce qui nous anime ?

Peut-être est-ce le fait que je ne place pas systématiquement au bout de chaque rencontre la "conclusion" sexuelle ?

Peut-être est-ce mon refus, clairement exprimé, de former quoi que ce soit qui ressemble au couple ?

Peut-être est-ce je ne sais quelle "force tranquille" qui émanerait de moi ?

Je ne sais pas, en fait...

Mais ai-je besoin de le savoir ?










Suite : Décembre 2014