Mars 2003
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Les clés du décryptage temporel


Dimanche 2 mars


Combien de pages faudrait-il pour écrire une vie? Même en se limitant à l'expression de soi, faisant abstraction de toute la part factuelle du quotidien, est-il possible d'imaginer garder trace des pensées qui nous animent? Je crois que certains diaristes-papier ont des journaux fleuves, de dizaines de milliers de pages. J'avais vu que l'un deux atteignait 3,50 d'épaisseur de feuillets. Hallucinant.

De ce journal que j'écris en ligne, je n'ai aucune idée du nombres de feuilles que cela représente, ni du temps qu'il me faudrait pour le relire (ce que je ferai probablement un jour). Récemment je me suis penché sur mon journal papier, étalé sur 20 ans, et il n'atteignait "que" 450 pages manuscrites. Mais je pense qu'en trois ans d'écriture virtuelle j'ai largement dépassé ce chiffre. Pourquoi vouloir chiffrer? Je l'ignore... Sans doute une façon de mesurer ma pensée dans son rapport au temps? Me rendre compte que ces dernières années ont été pour moi une période d'intense remise en question.

Ce qui m'a amené à ces chiffrages, c'est la relecture d'un an de correspondance venant de mon amie intime. En voulant retrouver par quel cheminement nous étions parvenus à ce degré de proximité, j'ai relu tous ses messages de l'année écoulée. Et finalement, impressionné par ces heures de relecture, je me suis amusé à compter les pages (oui, j'ai de drôles d'idées parfois...) en constatant l'épaisseur de la pile. Plus de soixante pages de mails en petits caractères, l'équivalent d'une centaine de pages d'un livre de poche! Un vrai roman de vie... en seulement un an.

Pourtant, ça n'a rien d'un roman. Ce n'est pas un journal non plus, quoique l'épistolarité se rapproche parfois beaucoup de cette forme d'écriture. C'est un chemin de vie, des pensées qui s'enchaînent selon un axe pré-orienté d'exploration en fonction de l'interlocuteur que je suis. Une vision en profondeur qui traverse toute la sphère d'une vie, mais sans explorer toute l'étendue des strates horizontales du quotidien. Un condensé vu dans l'épaisseur, jusqu'au plus près du coeur.

Ce qui m'a le plus surpris dans cette relecture, c'est de retrouver une pensée qui cheminait, mais à un stade antérieur à celui que je connais maintenant. Je retrouvais des réflexions passées qui construisaient celles d'un présent à venir. Cette vision dynamique, évoluant au fil des mois, éclairée par ce que je sais de ma complice aujourd'hui, prenait un sens nouveau. Une épaisseur qu'elle n'avait pas dans l'instant où elle avait été rédigée, puis lue. Comme si le temps écoulé donnait une dimension supplémentaire.

Je fais ces constats sur une autre personne que moi parce que je bénéficie d'un recul que je n'aurais pas à mon égard. Mais tout ce que je constate, je sais que ça s'applique aussi à mon cas. 

Mais cette relecture ne s'est pas limitée à ce constat du rapport qui existe entre temps et pensée. Elle m'a surtout permis de comprendre beaucoup mieux tout ce qui a fait le lien qui nous réunit aujourd'hui, elle et moi. Dans ce passé recent, j'ai lu comme dans un livre ouvert ses pensées d'aujourd'hui. Tandis qu'elle me livrait en confiance des éléments de sa vie, que nous partagions nos visions respectives des sujets qui nous passionnent, elle me donnait en même temps les clés de son intimité... peut-être au delà de ce dont elle avait conscience (et la réciproque est certainement vraie en ce qui me concerne).

Suivant avec elle tout naturellement ce processus de rapprochement, je ne m'étais pas rendu compte que dans notre passé commun nous nous étions offert des "clés de décryptage temporel" (ouh lala, ça va loin là!). Je veux dire par là que la lente modification de notre relation n'était pas prévue, n'était pas préméditée, n'était pas un objectif. Nous échangions simplement au présent. Dès lors, le partage de nos pensées profondes, intimes, n'anticipait rien: nous avons été sincères, et sans arrières pensées. Ce qui fait que lorsque notre relation d'amitié grandissante s'est muée (par on se sait quelle mystérieuse alchimie) en quelque chose qui va au delà de la stricte amitié... et bien nous avions à la fois les clés actuelles de compréhension de l'autre, issues d'un processus évolutif, mais aussi les clés anciennes données auparavant (ouch, ça devient complexe à expliquer!). Et, c'est là toute la particularité d'une relation épistolaire, ces clés anciennes sont toujours accessibles, par une simple relecture de nos échanges. Alors que dans une relation sans support écrit, il ne reste que la mémoire pour aller chercher dans le passé des clés éclairantes pour le présent. Et en général on ne le fait pas, vu l'imprécision et la séléctivité de la mémoire. Comprenez-vous ce que j'ai tant de peine à transposer en mots? [j'espère que oui, parce que je ne vais pas répéter la démonstration dix fois, hein!].

Dans ces mots de notre passé, il était bien souvent question des rapports d'attirance homme-femmes, ainsi que de nos blessures, attentes, et idéaux respectifs dans ce domaine là. Or nous ignorions qu'un jour ces rapports de séduction/attirance qui animaient nos réflexions pourraient, si ce n'est exister entre nous (ça on le sentait bien un peu), se developper autant. Et c'est dans ce domaine que nous avons donné beaucoup de clés à l'autre. Je sais comment fonctionne ma complice. Et elle sait comment je fonctionne. C'est d'ailleurs une grande part de ce qui nous a rendu complices. Nous savons donc (ou pouvons savoir en nous relisant) ce que l'autre attend au plus profond de lui, une part de ses secrets, de ce qui pourrait le blesser et presque... le briser. Notre transparence nous a mis dans une situation de vulnérabilité qui serait intolérable si elle n'était pas accompagnée de cette confiance et de ce respect qui existe entre nous.

C'est ce mélange du partage d'idées, d'attirance mutuelle, de co-construction en s'épaulant l'un et l'autre, de fragilité exposée, qui fait que notre lien est devenu aussi fort.
Et en retrouvant ces clés de compréhension anciennes, je me suis senti encore plus proche de ma complice, parce que j'ai pris conscience de toute l'épaisseur ce qui nous liait depuis longtemps. Et que cela allait au delà de notre présent.

Je trouve que c'est extraordinaire.




Diarisme mouvant



Samedi 8 mars


Quelques jours d'absence, quelques jours de vacances. Je retrouve le petit monde du diarisme. Drôle de monde dont je me rends compte que je m'en sens de plus en plus éloigné. Comme après chaque prise de distance, il me faut un moment pour réinvestir ces liens bizarres qui existent entre des gens qui ne se connaissent pas. Que sont pour moi tous ces inconnus qui ont en commun avec moi de livrer leurs pensées? Avec combien d'entre eux ai-je pu établir des relations d'affinité, ou même d'amitié (dont je crains toujours le coté éphémère parce que dépendant de cette écriture/lecture partagée)?

Il me semble que plus le temps passe, et plus je me recentre sur ceux qui me sont devenus proches. C'est avec ces rares que j'ai un vrai plaisir à échanger (et parfois seulement par l'interlecture...). J'ai restreint mes lectures, préférant réserver mon attention à ceux (celles) qui me touchent vraiment, régulièrement. Ceux et celles que j'ai l'impression de connaître au delà des lignes livrées au public, par ces confidences échangées de temps en temps. Pourtant, ma curiosité est toujours là et je suis toujours à l'affût de quelque inconnu(e) qui pourrait me séduire par ses mots. Mais je dois bien me rendre à l'évidence: c'est rare.

D'un autre coté je suis quand même les évolutions du diarisme-copinage... dont je me sens vraiment éloigné. Je pense que cette forme d'écriture a aussi sa place, et elle se développe spontanément, mais ce n'est pas une orientation qui m'attire. Je resterai dans l'intime, le personnel. Les relations que j'investirai seront toujours préférentiellement de l'ordre de l'amitié, fût-elle relativement distante, plutôt que du copinage. Ça de passe comme ça dans ma vie, et il n'y a pas beaucoup de raisons pour qu'il en soit autrement dans le cyber-monde.

J'ai vu qu'un nouveau groupe de diaristes était né... Pour le moment, je ne vois pas bien ce qu'il apporte de différent à ce qui existe. Peut-être un peu plus d'exigence... mais pas nécessairement dans le sens qui m'intéresserait. J'ai vu fermer autoritairement le forum de la CEV, punition collective au comportement de certains. J'ai vu aussi une nouvelle fois des chantages à la dénonciation de l'identité d'un diariste et je trouve là qu'il y a vraiment un pourrissement de l'état d'esprit auquel on pouvait s'attendre pour des écrits volontairements placés sous le signe de l'anonymat...

Bref, tout ces éléments ne me conviennent pas. Je me sens en dehors de tout ça. Je voudrais n'avoir même pas à évoquer ces à-cotés du diarisme. D'ailleurs je le fais peu, depuis quelques temps, parce que ça me distraierait de ce qui me semble essentiel.

Toute chose étant appellée à évoluer, je ne m'en formalise pas. Après tout, le phénomène blog est en train d'exploser tout à fait en dehors du diarisme alors qu'il y était plus ou moins intégrable. Toutes ces pratiques de l'écriture de soi vont se diversifier, se démultiplier, se fractionner. Je pense que j'en resterai au bien traditionnel (façon de parler...) «journal intime introspectif» en ligne, sous sa forme la plus classique. Tant que ça me conviendra. Je sais que c'est une forme qui devient minoritaire, ce n'est pas pour autant qu'elle est dépassée.

Peut-être qu'un jour ceux qui y tiennent se rassembleront autour de cette tendance?




Idéal réalisé




Mardi 11 mars


Il m'est presque difficile d'écrire ici en ce moment. Si je le fais, c'est... par esprit de... fidélité (?). Pour ne pas laisser tomber ce journal, et vous qui me lisez. Mais il faut bien avouer que, ces jours-ci, je n'ai rien de particulier à écrire. Ou alors j'en aurais trop... et le temps me manque.

Et puis... je sais pas, mais ce que je vis en ce moment me comble à un tel point que je ne ressens pas le besoin de m'en décharger, ni même d'en garder une trace. Je le vis au présent, et c'est exaltant.

Oui, je suis toujours en relation soutenue avec ma complice et nos échanges sont assez intense. En temps passé ensemble, mais aussi en contenu, en réflexions.

Mais... à l'instant même où j'écris ces mots, je me rends compte de leur incapacité à traduire ce que je ressens. Les mots banalisent, réduisent, minimalisent. Ils sont source d'erreur interprétative. Comment donc pourriez-vous comprendre à quoi je fais allusion sans de très longues explications? Et même ce "mystère" que j'entretiens en restant à la surface des choses contribue à fausser l'image de ce qui se passe. Selon chacun de vos regards, certains se diront "pfff, il vit juste un moment de complicité comme ça arrive à tout le monde, et ça l'exalte un peu". D'autres se demanderont si, d'après mes vagues allusions, je ne serais pas en train de cacher un flamboiement amoureux. D'autres ne comprendront rien à ce charabia.

Mais très peu sentiront que ce que je vis est extra-ordinaire. Assez unique dans son genre. Si, si, j'insiste!

Je me rends compte que je ne suis pas très fort pour rester dans le flou suggestif destiné à la lecture entre les lignes. Mon domaine c'est l'expression directe, sincère, transparente (qui se veut telle...). Or... je ne suis pas sûr de vouloir être transparent en ce moment. Ce que je vis est comparable à un bijou et ce n'est pas quelque chose qu'on montre comme ça, devant n'importe qui. Non non, rassurez-vous, vous n'êtes pas "n'importe qui", mais peut-être aussi qu'il y a parmi vous des "n'importe qui". Des gens que je ne connais pas, qui ne me connaissent pas, qui ne sentent pas le monde de la même façon que moi, et qui ne pourraient pas comprendre ce que je veux signifier. Bon... normalement, le diariste lance son texte, et il est reçu par les lecteurs comme ils l'entendent. C'est normal. Mais là... ben j'ai pas envie que mes écrits soient mal perçus. Et comme c'est un peu complexe à expliquer... et bien je préfère m'abstenir. Pour le moment. Peut-être que ça viendra plus tard.

C'est à ces moments là que j'admire le talent des diaristes qui savent rester dans des métaphores, du non-dit, de l'à peine perceptible. Moi je suis trop direct pour ce genre de choses.

Tout ce que je peux dire, très platement, c'est que je vis en ce moment quelque chose de trés beau. Un partage de confiance comme j'en ai toujours rêvé. C'est magique.

Vous savez quoi? Je crois que mon idéal est devenu réalité. C'est-y pas merveilleux, ça?



Oh, et puis un truc qui me vient, là: je sais maintenant avec qui je peux m'entendre. Les gens qui se posent toujours des questions sur eux-même (ouaaaiiis!), qui doutent (donc savent se remettre en question), et surtout, surtout, qui ne jugent pas. Ni ne donnent leur avis comme s'il était la seule alternative possible. Je ne me sens bien qu'avec les partisans du dialogue vrai, de l'échange, de la communication à double sens.

Les relations que je me suis faites dans ce cyber-monde (au sens élargi) sont significatives à ce sujet. Aussi bien dans le sens du rapprochement qui s'est opéré avec des personnes qui m'étaient totalement inconnnues, que des inimitiés qui sont apparues avec d'autres tout aussi inconnues. Partant d'un même point zéro, les concordances sont frappantes. Et si je compare avec la vie sensorielle, ça m'explique bien des choses sur les rapports que j'entretiens avec des gens que je connais depuis très très longtemps.


* * *


16h 40 (merde, j'ai du boulot, mais je fais une tite pause...)

En fait, j'ai trouvé ce que je peux exprimer de la relation qui me lie à ma complice: exploration. Nous sommes partis à la découverte de nous mêmes (soi-même et l'autre) et nous nous enfonçons toujours plus loin dans les méandres de la jungle de nos esprits dubitatifs, curieux et avides. C'est l'aventure intérieure, déjà assez exaltante, mais faite en duo. Main dans la main, virtuellement parlant, nous avançons en nous épaulant, l'un soutenant l'autre et vice versa, alternativement. Je crois que c'est ça qui rend notre relation assez extraordinaire. Car ce n'est pas si fréquent d'avancer à deux.
Je ne vois que la relation de couple qui puisse y ressembler... mais celle-ci est bien souvent fondée sur une association de manques/besoins et aussi... d'une certaine exigence. Or le hasard (??) a fait qu'avec cette complice rencontrée fortuitement nous ne soyons pas en attente, donc pas pressés de concrétiser quoi que ce soit. C'est tout naturellement que le rapprochement s'est fait, sans aucune "pression" de la part de l'un ou l'autre. Ni même le genre d'attente inconsciente qui fait qu'on se sent irrrrrésistiblement attiré, au point d'en perdre un peu ses capacités de réflexion (voire de pêter les plombs).

Bon, j'ai beau dire que je ne trouve pas les mots pour décrire tout ça, je dois bien me rendre à l'évidence après ce paragraphe: je les cherche quand même...


* * *



Finalement... je pensais n'avoir rien à écrire mais au fil des heures (écriture fractionnée), ma pensée se précise.

Je crois que je comprends un des éléments qui rend la relation que je vis avec ma complice toute particulière. Outre le fait que nous fonctionnons d'une façon similaire en bien des points, ce qui pourrait déjà créer une belle relation d'amitié, il y a aussi le fait que cette amitié est entre homme et femme. Et ça donne une dynamique propre, qui n'existerait pas dans une amitié entre personnes du même sexe.
Parce que, très clairement il y a aussi une part de séduction... que nous explorons en la vivant. Nos échanges étant exploratoires, nous cherchons à décrypter ce que nous ressentons, puis nous en faisons part à l'autre... tout en laissant les choses se faire. Et c'est de cette observation de nos propres réactions, de celles qui en découlent chez l'autre, puis nos propres réactions en retour... que se crée cette dynamique. Et c'est trèèèèèèès instructif sur nous même. Je crois que ça nous permet de nous comprendre en "live", donc d'avoir un retour immédiat propice à un travail de compréhension accéléré. Je crois que c'est ça qui est rare (en tout cas pour moi...).
Parce que nous avons une certaine expérience qui nous permet à la fois de vivre pleinement ce qui nous arrive, sans pour autant nous laisser griser. Et je crois que nous parvenons à nous tenir dans un optimum. Ni trop chaud (ouille risque de brûlure!) ni trop froid (par crainte des brûlures). Nous sommes dans une douce chaleur, bien réconfortante.

Euuuh, pourquoi est-ce que je raconte tout ça moi?
Je crois que j'ai envie de le partager (ouais, je disais l'inverse en commençant, je sais...). Parce que c'est quelque chose qui vaut vachement le coup. C'est ce statut, en marge des idées bien carrées, qui est intéressant. Ce [pas de mot existant] qui semble ne pas avoir de place entre deux formes de relation bien déterminées: l'amour d'un coté, et l'amitié de l'autre. L'un ou l'autre, mais pas de place pour l'hybride. Or... on sait bien que les hybrides cumulent les qualités de leurs deux pôles d'origine...

Une lectrice me disait que l'amitié entre homme et femme c'est une relation qui doit rester "comme frère et soeur". On peut se toucher, éventuellement, même se prendre dans les bras... mais... sans la moindre ambiguité. Ça m'a fait cogiter un moment, parce que de toute évidence je n'ai pas ce genre de relation avec ma complice (dans les mots, à défaut de sa présence...). Et... je me demande même si des relations de frère et soeurs très fortes ne pourraient pas tendre vers quelque chose de plus... intense que ce qui est habituellement caractérisé sous ce vocable (oups, je digresse un peu là...). Bref, je pense qu'il y a quelque chose à explorer entre ces deux sentiments que l'on voudrait absolument dissocier par une limite aussi rigide qu'imprécise.

C'est pas évident, parce qu'il faut vaincre des réticences, des habitudes, des mise en garde... Pensez-donc, un homme marié qui s'aventure dans ces zones mal explorées! Ouh la la, les clignotants d'alarme s'allument de toute part. Pourtant, il est évident que nous n'inventons rien. Bien d'autres ont cherché ces chemins de traverse et les ont plus ou moins trouvés, ont été plus ou moins acceptés par leur entourage.

Pour le moment, je ne vois aucun danger à l'horizon. Juste des tabous, des blocages... que je m'efforce de vaincre tout doucement, un par un. Et pour le moment, ça marche plutôt bien. Alors... pourquoi m'arrêterais-je en si bon chemin?


[Vous aurez constaté qu'entre le début de mon texte et la fin j'ai complètement changé de point de vue. Normal, c'est le but d'un journal que de lire à travers soi. Pas étonnant qu'au fil de la réflexion des éléments apparaissent et des inhibitions se lèvent. J'aurais pu développer différemment une fois que je me rendais compte que, finalement, j'avais des choses à dire, mais j'ai préféré garder la trace de ce cheminement. C'est mon auto-pacte autobiographique: ne jamais effacer (ça m'est arrivé, mais très rarement). Je l'ai souvent dit, je ne fais pas oeuvre littéraire. C'est du matériau brut que je travaille directement, sans retouches (ou si peu...). C'est sans doute un peu plus rugueux que les superbes textes que j'admire chez mes collègues diaristes, plus peaufinés, polis, précis (voui, j'ai des complexes...). Mais... à chacun son style. Pour le moment le mien reste ce fatras de mots et d'idées qui s'assemblent plus ou moins harmonieusement. Cependant... je dois dire que je commence à être tenté par des formes plus élaborées qui, je pense, peuvent parfois donner plus de liberté. Tant pour l'écrivant que pour l'imaginaire du lecteur.]

Et pof, en voila une belle auto-justification, hein?

Il n'empêche que je ressens une vague gêne en mettant ce texte en ligne. C'est trop ou pas assez développé. Mal dégrossi, ébauché à coup de hache... Puissiez-vous y trouver quand même des pistes pour votre propre réflexion...




«Il est clair que je dois encore et toujours travailler ma confiance en moi, que je ne dois pas écouter cette petite voix incrustée qui me répète toujours qu'on ne peut m'aimer simplement, avec mes failles et mes beautés, sans jugement et surtout sans condamnation. Je le sais dans ma tête mais mon coeur a du mal à l'absorber. C'est comme si j'avais toujours besoin de preuves et de re-preuves... C'est malsain. Et c'est illogique en plus.»

Insomnies chroniques (09/03/2003)




«Ma vie va dans tous les sens, dans la contradiction la plus totale. Je veux, puis je ne veux plus, et même parfois les deux en même temps. Je commence de nouveaux projets, puis les abandonne avant même leur avoir donné une chance d'exister et je reprends tout où je l'ai laissé. J'avance, je recule, je piétine. Je vis dans ma propre incertitude. Rien n'est fini. Rien n'est clair. Rien n'est précis. Dans tout ce que je fais, je m'inachève. Comment accepter cette vérité ?»

Regards solitaires (07/03/2003)



Coupé court



Jeudi 13 mars


Il se passe tellement de choses dans ma tête, et dans ma vie, en ce moment, que je pourrais écrire des heures à ce sujet.

C'est un vent de renouveau qui souffle sur ma vie. C'en est profondément troublant et magnifique. Je ne sais pas encore si cet état est éphémère ou destiné à durer, mais tant que je le vis au quotidien, je m'en emplis.

Mais comment le raconter? Je me souviens de quelques fois où je disais ici que ce journal était le réceptacles de mes questionnements, et donc surtout de ce qui me posait problème... mais je crois que j'ai changé d'avis. Mes questionnements sont toujours là, mais ce ne sont plus les mêmes, et ce qui était "problèmes" s'est évanoui. En fait, les seuls problèmes que je peux avoir en ce moment, c'est de savoir comment vivre mon bonheur.

Déjà... l'emploi de ce terme de "bonheur" me pose un problème. Quand on l'évoque, en général, c'est comme une convoitise, des regrets, quelque chose qui a été vécu ou est attendu, mais qui ne se conjugue pas au présent. Or moi je le vis, il est là, je le toucherais si c'était possible. Et puis... n'y a t-il pas comme une indécence à parler de cette sensation bienheureuse? Je ne parle même pas du coté rapidement culcul (ça, je passe par dessus), mais de la gêne à évoquer ce dont tant de gens rêvent.

Mais ce qui stimule le plus mes interrogations, c'est le fait que cet état de félicité (n'ayons pas peur des mots, ils sont si rarement utilisables...) soit obtenu grâce à une ouverture inattendue hors de la sphère que je m'étais impartie. Oui, car j'avais cru (ou voulu croire...) que, puisque je m'étais marié avec celle que j'aimais, c'était avec elle que je trouverai la plus grande part de ce qui pouvait rendre ma vie belle. Et, globalement, ce fût le cas. Ma vie était agréable, avec moments de joie et de tristesse, mais plutôt bien. Je me considérais comme un homme heureux.

Pourtant... il est toujours demeuré au fond de mon moi intime une sorte de manque. Comme une dimension que je ne pouvais pas atteindre. Au fil des années, j'en étais arrivé à penser que je ne pourrais pas l'atteindre. C'était devenu comme une chimère, une légende, un rêve inaccessible. J'étais en passe de l'accepter, devant l'évidence de son impossibilité. Mais je n'avais pas encore renoncé vraiment. Je l'ai souvent écrit ici, le "hasard" m'a amené à internet, où j'ai lentement découvert les possibilité de communication que cela permettait, bien différentes de celles de la vie sensorielle. Alors, d'expérience en expérience, j'ai tâtonné, avec plus ou moins de succès, dans ces "relations virtuelles". Mes premiers espoirs ont été suivis de cruelles désillusions, parfois même de souffrance. Mais je n'ai jamais renoncé. Parce que j'ai très vite senti qu'il y avait, via ces contacts privés des sens habituels, une clé d'accès à la profondeur des êtres. Pour le meilleur... ou pour le pire.

Laissons tomber le pire (que d'ailleurs je n'ai probablement jamais rencontré), pour observer le meilleur. Ces multiples contacts que j'ai pu nouer, avec des intensités différentes, ces personnes avec qui j'ai partagé plus ou moins durablement des réflexions, ces intimités de confiance échangées... tout cela m'a fait prendre conscience de toute la richesse qui pouvait se cacher dans les êtres. J'y passe un temps considérable. Et ça me fait le plus grand bien.

Sauf que... bien souvent on m'a dit que ce n'était pas la vie réelle. Hmoui... et alors? Les mots et les pensées ont-ils besoin d'être exprimés en face à face pour être plus authentiques? Je ne pense pas. Et puis surtout cette forme d'expression a très bien convenu à ma timidité. Mon écriture a été la voix que je n'osais pas émettre. Enfin débarassé de ce handicap, j'ai pu tisser des liens, m'ouvrir aux autres... et découvrir un monde relationnel insoupçonné.

Insoupçonné? Pas vraiment puisque en fait c'est celui dont je rêvais mais auquel j'avais fini par ne plus oser croire. Je me suis donc engouffré à fond dans ce monde là, jamais rassasié. Je crois que je cherchais quelque chose, ou quelqu'un... Un dégré supérieur encore dans l'implication relationnelle. Un idéal. Quelque chose que j'avais approché à quelques reprises avec des confidentes féminines... qui finalement s'étaient révélé être rapprochements de circonstances. Alors je m'étais dit peu à peu que la richesse des échanges que j'avais devait être une sorte de maximum. Et, de fait, ces échanges sont toujours très satisfaisants et source de réel plaisir. Je trouvais ça très bien puisque c'était une nouvelle dimension relationnelle qui élargissait mon horizon. Je répondais ainsi à un désir inconscient... comme si je m'étais senti un peu à l'étroit dans ma relation de couple.

Pourtant, par habitude, par manque d'audace, je crois que je ne m'étais jamais rendu compte que je pouvais trouver hors du couple un complément relationnel. Je croyais qu'affectivement c'était au sein de la relation maritale que se trouvait mon équilibre. D'où mon trouble lorsque je me suis rendu compte que je pouvais aussi trouver "ailleurs" une certaine forme d'intimité partagée. Peu à peu j'ai laissé cette idée s'imposer à moi... Et j'ai su convaincre Charlotte de me laisser cette liberté.

Bon, partager une intimité est une chose. Partager du bonheur en est une autre. Parce que ça se situe au delà. Il n'est plus seulement question d'échange d'idées intimes, mais de vivre du bonheur... avec une autre femme que la mienne.

Selon mes anciennes convictions, selon mon éducation... c'est quelque chose qui ne devrait pas exister. Être marié (ou vivre en couple), c'est combler ses besoins affectifs avec son conjoint. Il m'a donc fallu revoir tout mon système de références pour ne pas me culpabiliser... ce qui aurait nui à la beauté de ce que je vivais.

[J'arrive plus à écrire... Je bloque sur les mots. Je me demande si tout ça a sa place dans ce journal. A quoi sert cet état des lieux que je fais? Qui veux-je convaincre? Pourquoi cette justification et d'aussi longues explications? Est-ce que ça intéresse quelqu'un?
Bon... j'essaie quand même de poursuivre...]


C'est ce que je fais depuis quelques temps. Parce que je ne peux me résoudre à renoncer à un bonheur qui s'offre à moi... sous le seul prétexte que la situation n'aurait pas dû se présenter. Ce serait absurde.

Non, je vis du bonheur avec quelqu'un, et j'y ai droit. Et elle y a droit aussi. Mais cela ne doit pas créer du malheur pour qui que ce soit d'autre. Je ne peux faire souffrir Charlotte. Heureusement, elle accepte qu'une autre femme aie pris beaucoup d'importance dans ma vie. Même si je reste quand même discret sur les détails de cette relation. Ainsi, si je peux lui dire que ça me fait un bien énorme, je n'ai pas encore pu lui dire que je ressentais ce bonheur dont je parle. Parce que je crois que cette idée lui serait peut-être difficile à accepter. Essentiellement parce qu'elle se mettrait à douter de celui qu'elle m'apporte...

Alors j'avance tout doucement, lui dévoilant peu à peu l'importance que cette relation a pris dans ma vie. Je ne peux, ni ne veux la cacher. Ce n'est pas honteux, ce n'est pas "mal". Au contraire, c'est quelque chose de beau et je dois faire preuve de diplomatie pour expliquer les choses dans le détail plutôt que de dire des mots trop brutaux, trop chargés de sens. Je suis intimement convaincu du bienfait qu'on peut retirer du bonheur. Parce que lorsque je suis heureux avec ma complice, je suis heureux avec ma femme. Et inversement... si quelque chose se passe mal avec Charlotte, je me mets à douter de moi, à déprimer... ce qui interragit dans ma relation de complicité.

Le bonheur se partage et est communicatif. Et si Charlotte me laisse ce droit au bonheur avec une autre, je n'aime Charlotte que davantage.



Décision solennelle



Vendredi 14 mars


J'ai coupé un peu court mon texte précédent. Il m'énervait. Je n'aimais pas le sens qu'il prenait. Trop explicatif, trop justificatif. J'en ai marre de ressentir toujours ce besoin de me justifier. Comme si je devais prouver (à qui?) que ce que je vis n'est pas "mal". Mais ça m'oblige à détailler, à mettre des mots sur des choses qui s'y prêtent peu.

Et puis, comme je l'écrivais il y a quelques jours, je ne suis pas sûr d'avoir vraiment envie de décrire précisément ce qui ne peut (et ne doit?) pas l'être. Hummm... il est peut-être temps que j'essaie d'adopter une écriture différenciée. Garder le ton introspectif lorsque ça m'est nécessaire, mais accepter d'être plus suggestif à d'autres moments. Car ce journal, à l'évidence, n'est plus le même que celui des débuts. Et encore moins ce journal personnel sur papier que je tenais il y a quelques années. Je crois que le moment est venu de tenter autre chose. Manifestement le descriptif sincère a des limites. Et surtout lorsqu'il s'agit d'exprimer ce qui est à la fois personnel et universel. Raconter mes errances, mes doutes, mes questionnements, ça va. Mais entreprendre de parler de ce qui... (pfff, même là je n'aime pas le sens trop étroit des mots...) rapproche deux êtres, c'est à la fois trop banal et trop unique pour le dire avec des mots descriptifs.

Là, par exemple, en ce moment, je fais du descriptif. Les mots s'alignent sans hésitations, parce que leur portée est de peu de sigification. Un mot ou son synonyme, ça ne change pas grand chose. Ecriture libre, ou automatique. C'est reposant, mais ça aide toujours à préciser mes pensées. Par contre, ce que j'écrivais hier... non, ça n'allait pas. Bien souvent je butais sur des mots, parce que le sens ne me convenait pas, était trop ou pas assez précis. Oooh, et puis cette tendance à l'auto-justification! Ça m'horripile, ça me sort par les trous de nez.
Donc... je dois changer quelque chose. Reste à trouver quoi, et comment...

Tout ceci pour dire que désormais je m'autorise à retravailler mes textes, changer des mots, supprimer et ajouter. Je décide solennellement en ce 14 mars 2003, de pouvoir renoncer à l'engagement que j'avais pris de ne pas modifier un texte (lorsque je le faisais, c'était exceptionnel et tout à fait minime, mais je me culpabilisais). Je crois que je suis arrivé au bout d'un certain travail sur moi même, je n'ai plus besoin de me prouver que je suis sincère. Je n'ai plus besoin de cette auto-analyse en continu. Je veux pouvoir me permettre de temps en temps de "tricher" avec les mots. Non pas que je serai moins sincère, mais que je choisirai, plus consciemment, de dire ou ne pas dire. Ou de rester volontairement dans le flou. Ce sont des choses qui m'arrivaient auparavant, mais je ne le vivais pas très bien. Je me culpabilisais en ayant l'impression de ne pas être tout à fait sincère. Maintenant les choses seront claires.

Mais attention, tout restera rigoureusement vrai! En fait, pour vous lecteurs ça ne changera pas grand chose. C'est surtout vis à vis de moi-même que je me donne de la liberté.

Je crois qu'il était temps que j'applique à ce journal les principes que je poursuis dans ma vie. A savoir fuir la culpabilité, et être liiiiiiiiibre! Je ne veux plus m'imposer de contraintes (ouaaiiis, on y croit fort!) par rapport à ce journal. Ni de régularité, ni de longueur, ni de ton, ni de style. Bon... en fait je ne m'en donnais pas tellement, mais j'en veux encore moins.

Merci à la petite abeille qui aura été là au moment où il le fallait pour m'aider à prendre cette décision. Euh... reste plus qu'à la tenir maintenant, hé hé hé. Et tant pis si je n'y parviens pas, l'essentiel est d'avoir décidé de m'émanciper; quel que soit le temps qu'il me faudra pour y parvenir.



Satisfaction



Dimanche 16 mars


Je suis en train d'essayer (sur un autre texte) une écriture plus réfléchie, travaillée, détachée du temps. C'est très différent, comme rapport, de ce qui existe avec ce journal. Ça me donne plus de liberté (écrire de façon fractionnée, sans obligation de conclure dans la même journée), mais il y a des implications nouvelles: trouver un "style" (ou plutôt le sentir, le laisser venir), avoir une écriture plus ouverte, plus universelle (moins egocentrée), et enfin offrir une lecture à plusieurs niveaux, selon l'implication des lecteurs dans ma vie. Et puis... ne pas trop céder à la tentation du perfectionnisme en revenant sans cesse sur les phrases, les mots, leur agencement.

Je sais que je vais conserver ma façon d'écrire habituelle, la plupart du temps. Parce qu'elle est à la fois exutoire et mémoire en devenir. Si je ressens l'envie d'écrire différemment, c'est parce qu'il y a une implication intime. Vous penserez que je suis déjà dans le journal intime... mais il y a toute sorte d'intimité. Il y a ma vie privée, que j'étale avec plus ou moins de complaisance ici (en fait, ce sont plutôt mes impressions que ma vie), et puis il y a... l'intime de l'intime. Ce qui n'est pas du ressort de l'introspection, ni de la narration de faits, mais qui concerne mon vécu profond... et... sera lu par celle qui l'inspire. Je crois que c'est ce qui m'entraine vers cette écriture à double niveau de lecture. Il en aurait certainement été autrement si elle ignorait tout de ce journal. Mais toute notre relation n'aurait pas atteint ce degré de complicité sans ce journal. Il est un des éléments de notre relation et il est normal que mon écriture tienne compte de tout ça.

En fait, il n'y a rien de bien nouveau dans ces différents degrés de lecture selon l'implication des protagonistes puisque je sais depuis longtemps que j'écris en pensant tour à tour à différents lecteurs/lectrices, ou inconnus. Mais là, puisque désormais une relation atteint une dimension nouvelle, il y a un réajustement.

[Tsssss, j'avais pas dit que je cessais de me justifier?]



Hop, autre sujet: ma fille revient d'internat les vendredis soir, et je vais souvent la chercher à la gare, à 30 minutes de la maison. Ça nous donne l'occasion de parler, qu'elle me raconte sa semaine et moi la notre, pour reconnecter nos vies. J'aime bien ce moment privilégié que je passe avec elle. C'est une fille très enjouée, drôle, mais qui sait aussi avoir des réflexions approfondies. C'est d'ailleurs assez intéressant ce moment ou les enfants deviennent adultes (elle a 16 ans). Nous sommes souvent surpris en découvrant tout d'un coup une maturité que nous n'avions pas encore constatée.

Avant-hier, elle s'est mise à me parler de sa difficulté, parfois, à aller vers des gens qui lui plaisaient. Elle avait envie de leur parler, mais sans passer par la case "banalités d'usage". Elle désirait dire simplement "j'ai envie de te parler, parce que tu me sembles intéressant", mais mesurait bien le risque d'incongruité à dire ça de but en blanc. J'ai bien essayé de lui donner quelques pistes, mais moi-même ayant exactement le même problème, je lui ai surtout avoué mon incapacité à lui donner des recettes-miracle.

Ce qui était amusant, c'est qu'elle me parlait d'un garçon. Mais de façon très candide et naturelle. A l'évidence ce garçon l'intéresse et elle aimerait aller vers lui. Elle n'en a pas peur, n'est pas paralysée de timidité, mais voudrait simplement se rapprocher de lui. J'ai guetté du coin de l'oeil ses réactions: aucune gêne ni trace de rosissement. J'avais l'impression de la voir aller vers quelque chose qu'elle ne connaît pas encore mais qui l'attire, de la façon la plus naturelle qui soit. Nos enfants ont toujours eu un bon contact avec le sexe opposé, sans gêne ni timidité. Pour eux ça allait de soi que garçons et filles sont faits pour vivre ensemble. Ils regrettaient d'ailleurs que pour beaucoup d'autres les choses soient nettement plus cloisonnées. Mais là, je sais que ma fille est particulièrement intéressée par un seul garçon, même si ses questions avaient aussi une portée plus générale. Et sa candeur m'a amusé et un peu ému. Je n'ai évidemment pas fait la moindre allusion à quoi que ces soit d'autres que ses préoccupations du moment et je crois que c'est ce qu'il fallait faire. Hier soir, Charlotte à été nettement moins discrète dans ses questions et ma fille l'a très bien senti. Pas stupide, et un soupçon agacée, elle lui à bien dit "je sais très bien à quoi tu penses avec tes questions", mais elle ne s'est pas laissée démonter. Et je l'ai soutenue dans le sens de la veille. Nous n'avons pas à hâter ses réflexions.

Ce que j'apprécie chez nos enfants (mais on doit y être pour quelque chose...) c'est qu'ils ne cèdent pas au mimétisme qui consiste à faire les choses "comme les autres". Ils ne font que s'ils ont envie, et au moment où ils ont envie. Ce n'est pas parce qu'autour d'eux certains s'amusent à "sortir" avec un/une autre qu'ils vont les imiter. Ils ont même un regard assez lucide sur ce genre de choses. Tout comme les modes vestimentaires, ou de langage, qui les font rire. Ils savent, globalement, rester eux-même. Je crois qu'on leur a appris le sens critique... sans pour autant être dénigrants. (Ouais, là c'est le père fier de ses enfants qui parle).

Ce qui m'a surpris, agréablement, c'est de constater à quel point nous avons su leur donner des bases de personnalité saines (c'était pas gagné, vu notre état psychologique...). Je suis stupéfié d'entendre qu'à leur âge ils font des déductions et ont compris des choses que je ne sais que depuis quelques années. Par exemple combien il est important de dire aux gens le bien qu'on pense d'eux, ou qu'on n'a rien à perdre à essayer d'aller vers quelqu'un (je simplifie, parce que ma fille développait beaucoup plus que ça). Il faut croire que d'en parler au fil de la conversation, depuis tout ce temps, les a aidé dans leur propre construction. Héééé, j'en suis pas peu fier! Je l'ai souvent dit, ne pas propager ce dont j'avais souffert est vite devenu le premier objectif de ma thérapie. Il semble que j'ai pas trop mal réussi. Et Charlotte pareillement. C'est sans doute ce qui fait toute l'importance de notre cellule familiale et la bonne ambiance qui y règne.

Hier, alors que Charlotte n'était pas là pour le repas à cause de son travail, j'en ai profité pour leur demander, à tous les trois, si le temps que je passais sur internet leur semblait préjudiciable, par rapport à leurs propres attentes. J'étais un chouia gêné quand même. Je leur ai expliqué que parfois je me posais des questions sur cette thérapie au long cours sur internet, craignant qu'à trop vouloir être bien dans ma peau (et donc bien avec eux)... je ne reproduise un peu ce dont précisément j'avais souffert: un manque d'attention et de valorisation de la part de mon père.

Tour à tour, selon la capacité de réflexion de leur âge respectif, ils m'ont dit leur impression. Manifestement ils étaient habitués à cette situation et semblaient ne pas en souffrir. Même s'ils me préferaient davantage disponible. J'ai essayé de leur expliquer qu'on avait pas forcément conscience des manques, puisque moi même adolescent je ne me sentais pas malheureux ni déprimé. Je n'en ai pris conscience que beaucoup plus tard. Ce qui à plongé dans des abîmes de perplexité ma fille, qui se demandait si plus tard elle prendrait conscience de manques alors qu'actuellement elle se sent bien. La discussion était bien intéressante. Ce que je crois, c'est qu'avec le dialogue que nous avons les uns par rapport aux autres, fondés sur la sincérité (y compris de ma part en avouant mes failles), toutes les bases sont réunies pour qu'il ne s'installe pas un silence et un enfermement à l'intérieur d'eux-mêmes. Je crois qu'ils ont conscience, plus ou moins, de nos faiblesses et difficultés d'adultes, tout en sachant qu'on fait tout ce qu'on peut pour qu'ils soient épanouis. Et si parfois ils sont un peu secrets... c'est qu'ils considèrent que c'est leur vie privée. Ils le disent d'ailleurs très clairement lorsqu'ils ont envie de maintenir cette part qui n'appartient qu'à eux.

Il n'y a pas de plus grande satisfaction que d'apporter quelque chose de bon à une autre personne. Et quand il s'agit de la construction de la personnalité de ses enfants, c'est vraiment la plus belle chose qu'on puisse faire. En fait, donner du bonheur aux autres, c'est s'en donner à soi-même.



Euh... alors vous voulez bien m'expliquer ce que cherchent certains en opprimant les autres? Que ce soit dans le petit quotidien ou dans cette nouvelle folie guerrière qui s'annonce contre un un autre oppresseur fou?

Laisse tomber, y'a rien à comprendre. Rien.




Le sens du silence



Lundi 17 mars


Il y a quelques jours, elle m'a fait un superbe cadeau. Ce soir là elle est entrée chez moi, sans que je ne m'y attende, alors que j'étais seul dans mon bureau et que je lui écrivais. Oui, elle était là, avec son sourire que je voyais s'animer pour la première fois. Et elle s'esclaffait de l'effet de sa surprise...

Pourtant, elle ne me voyait pas.

Moi, ravi, je suis resté un peu figé. Plongeant dans son regard, scrutant chacune de ses expressions, découvrant tout un aspect inconnu mais porteur de beaucoup de sens, je la voyais enfin vivre. J'en suis devenu presque muet, fasciné par ce visage devenu si près... mais pourtant toujours tellement loin. Impossible de la toucher, même si je sais qu'elle n'aurait pas fui un geste de ma part, au contraire. Mais non, absolument non, quelque soit notre désir de le faire, nous ne pouvions pas nous toucher.

Je crois que ce sera durablement notre ultime limite. Les sens de la proximité nous sont impossibles à satisfaire. Je ne peux ni la toucher, ni la respirer, ni... la goûter. Seuls les sens de la communication à distance nous sont accessibles. Je lisais ses mots depuis des années, j'avais vu des images de son visage depuis quelques semaines, mais je ne l'avais jamais vue vivre, se mouvoir. Et s'il m'avait fallu longtemps pour oser écouter sa voix, et lui faire entendre la mienne, sachant combien cette voix chuchotée si près de l'oreille pouvait être troublante; ses murmures, son rire, ses silences m'avaient finalement enchanté.


Longtemps j'ai pensé que le monde dit "virtuel" était celui qui est privé du "sensoriel". Et j'utilisais même cette distinction entre la pensée directement transmise par l'écrit et la pensée qui se matérialise via les cinq sens. Mais je sentais bien qu'il y avait quelque chose d'insatisfaisant dans cette séparation trop rigide. Une interpénétration qui faisait qu'on ne pouvait pas trancher aussi nettement. Si je devais maintenant faire une disctinction, j'utiliserais peut être le terme de "tactile", ou de "proche", puisque les seuls sens dont on est vraiment privés dans le cyber-monde, sont ceux du tout près. Le toucher, le goût, et l'odorat. Essentiels pourtant.

Alors je me demande si on ne pourrait pas inventer une nouvelle définition des sens, puisque ces cinq que l'on utilise (pourquoi seulement cinq?) ne sont plus adaptés à notre époque de communication qui fait abstraction des distances. Force est de constater que l'on développe donc une nouvelle adaptation pour pallier ces sens de proximité qui manquent.

Des sens de la communication distante je savais le pouvoir de l'oreille, qui fait entrer dans une dimension nouvelle de l'intimité... pour peu que ce soit le statut d'une relation. Entendre au téléphone les intonations de voix, le débit de parole, les rires, tout cela rend subitement très proche. Et puis cette voix qui passe directement de la bouche à l'oreille, sans emplir l'espace autour, et que personne d'autre n'entend n'en devient que plus intime.

Je mesure maintenant l'importance prépondérante de l'image, fût-elle saccadée et hachée par les limites actuelles de la technique, pour entrer dans l'univers de l'autre. Parce qu'en entrant chez moi c'est aussi son environnement qu'elle me montrait, grâce à son oeil électronique. Elle, ses vétements, son cadre de vie. J'ai pu décoder les infimes variation du visage et tous les degrés du sourire, jusqu'au rire. La profondeur du regard, mais aussi les attitudes... le langage des mains, ou des gestes très féminins, comme ajuster ses cheveux. Parfois, durant quelques secondes fugitives, j'ai pu aperçevoir des fragments de son corps, tout aussi troublants, si ce n'est plus, que si j'étais juste à coté d'elle.


Pourtant, lorsque je ne la vois ni ne l'entends, je peux quand même communiquer avec elle, avec d'autres sens dont je n'avais pas vraiment conscience auparavant. Des sens qui se manifestent sans qu'aucun de ceux qu'on répertorie n'entre en ligne de compte. Car même si ce sont bien les yeux qui lisent, peut-on considérer qu'ils regardent?

Lorsque seuls nos mots se croisent et se répondent dans l'instant, je sais qu'elle est là, de l'autre coté. Je ressens sa présence, même si je ne respire pas le même air, même si je ne sens pas rayonner de son corps un flux d'informations, d'ondes et de fragrances, à peine perceptibles. Sans voir aucun de ses gestes ni aucune de ses mimiques, elle sait me faire ressentir ses émotions, ses rires, ou ses cotés graves.

Plus troublant que le sens de la présence est celui du silence. Ce moment qui se suffit à lui même sans qu'aucun mot ne parle mieux. C'est comme se regarder les yeux dans les yeux. Fixer un écran où rien ne se passe, mais savoir que de l'autre coté elle fixe un même écran, avec nos derniers mots momentanément flottants, suspendus.
Ou entendre, sans inquiétude, le silence d'une respiration presque inaudible. Et savoir que par ce silence passent les idées que des mots trahiraient.

Et que dire de ses intuitions qui lui font deviner que mes mots ont besoin de ses encouragements pour sortir, libérant en retour sa parole?

Je me demande s'il n'existe pas aussi un sens du partage, de l'osmose, de la fusion entre deux êtres. Quelque chose qui rend proche, quelle que soit la distance physique.

Ou peut-être que tous ces sens impalpables n'en font plus qu'un. Un sens qui irradie, rayonne, emplit, inonde, sature. Un sens entier, celui de la plénitude, qui fait que dans cet instant tout n'est que perfection. Absolu.



Comprendre



Mardi 18 mars


L'écriture publique, lorsqu'elle concerne des sujets un peu essentiels, devient délicate. Certains sujets ne se prêtant pas à un descriptif détaillé, je demeure dans un certain flou. C'est volontaire... mais pas forcément judicieux. Parce qu'il existe alors le risque de n'être pas compris dans le sens souhaité.

Ce n'est pas la première fois que mes mots éveillent une certaine souffrance chez d'autres, ou ravivent des blessures, par analogie apparente de situation. Et cette incompréhension peut éventuellement déclencher une réaction blessée. C'est ce qui s'est produit avec mon texte d'hier, puisque une lectrice inconnue m'a dit ne pas me comprendre dans le rapport que j'entretiens avec ma complice. Je regrette alors à la fois d'avoir suscité cette réaction (mais je n'y suis pour rien) et de n'avoir pas su faire passer ce que je voulais décrire. Et puis je n'aime pas être mal perçu, surtout si on me prend pour un égoïste qui oublierait la souffrance de mes partenaires de vie, qu'il s'agisse de Charlotte ou de ma complice. Parce que j'ai toujours ce souci très fortement présent dans ma tête. C'est même un élément capital avec lequel je dois compter, une source de culpabilité latente.

Je ne suis pas un salaud qui s'amuserait sans penser aux conséquences de ses actes. Mes doutes sont au coeur de chacune de mes relations et je passe beaucoup de temps à essayer de trouver un chemin d'harmonie entre mes désirs et ceux de mes partenaires. Je ne saurais vivre une relation qui créerait une souffrance pour qui que ce soit, même si je sais qu'il existe une part de difficulté. Et jamais je n'aurais pu qualifier de "beau" avec autant d'instance quelque chose qui aurait négligé la souffrance d'autrui

Alors je précise un peu les choses, au cas ou d'autres auraient pu mal comprendre ce dont il s'agit:
Je n'ai pas choisi délibérément de vivre cette relation parallèle dans le domaine du virtuel. Le hasard à fait que notre rencontre s'est faite par ce biais, et il est certain que cela joue un rôle essentiel. Mais vient un moment ou ce coté impalpable devient un peu difficile à vivre. Si j'ai tenté d'analyser d'autres sens, c'est parce que, en étant privés totalement ou partiellement des cinq principaux, nous sommes plus à l'écoute des sens de substitution. Ce n'est pas par volonté de rester dans une relation éthérée. Ma complice et moi savions parfaitement que nous devrions nous en satisfaire, même si, sans doute, nous ne mesurions pas vraiment ce que cela signifiait quand une plus grande intensité s'installe.

Rien n'avait été prévu entre nous, et ce que nous vivons n'était pas un objectif. C'était dans nos têtes à chacun, secrètement, comme quelque chose d'un peu idéal, et je crois que nous ne pensions pas rencontrer ça un jour. Et même si nous discutions de ce genre de choses, nous ne savions pas qu'ultérieurement nous nous rapprocherions à ce point. Aucun de nous deux n'imaginait, même en rêve, que notre complicité pourrait atteindre cette dimension.

Dès lors, cette impossibilité de nous rencontrer n'était aucunement un handicap. Au contraire, c'était même une sorte de "protection" qui nous a permis de nous livrer avec une étonnante sincérité l'un à l'autre. Si nous avions eu des facilités pour nous rencontrer, sans doute aurions nous été un peu plus... méfiants. C'est pour cette raison que notre éloignement joue un grand rôle dans la dynamique de notre relation. C'est à la fois un stimulant et une limite, et nous tentons de trouver la meilleure façon de pallier à cette impossibilité de rencontre, en l'état actuel des choses.

En donnant ces explications, je suis encore dans un rôle de justification. Peut-être que j'ai du mal à agir en faisant abstraction de ce qu'on pourrait penser de moi. Mais il m'est difficile de m'imaginer mal perçu. Ce journal est un témoignage de ce que je vis, mais il est aussi un instrument de... sociabilisation(?). En me mettant à nu, je sais que je cherche à me faire apprécier de ceux qui peuvent être touchés par mes pensées. Je supporte donc mal, je l'avoue, que l'on me "juge" défavorablement sur des attitudes que je sais ne pas avoir. Et d'autant moins que ce qu'on me dit est longuement argumenté et clairement exposé. J'ai toujours eu le souci de ne pas faire souffrir et je suis quelque peu... blessé, chagriné, qu'on puisse s'imaginer que je suis insensible à cette souffrance. Je sais que les premières relations virtuelles que j'ai vécues il y a quelques années se sont achevées dans un certain tourment, de part et d'autre, et j'en ai acquis une grande méfiance. Je n'ai pas été responsable de ces souffrances, parce que je suis toujours resté fidèle à mes premiers engagements. Si mes partenaires se sont trompées sur elles-mêmes, en me demandant peu à peu davantage que ce que je ne pouvais donner, je n'ai pu que le regretter... mais sans céder à leurs attentes.

Voila ce que je tenais à préciser.


La voie que je choisis est assurément délicate. Vivre une double relation affective, sans qu'elle ne soit clandestine, oblige à beaucoup de clarté avec soi même et envers les personnes concernées. Je vis de grands moments d'émotion et de bonheur avec ces deux personnes qui me sont si chères. Chacune d'elle sait que je le vis avec une autre, même si je ne détaille pas ce qui pourrait déclencher, précisément, une certaine souffrance. C'est un chemin d'exigence que cette transparence, mais aussi un ciment très fort. Parce que mes partenaires savent qu'elles peuvent me faire confiance sur les sentiments que j'exprime. Et cette expression stimule sans doute leur propre sincérité.

Depuis toujours j'évoque confiance et sincérité. Je ne savais pas à quel point c'était important pour moi. Mais maintenant que je vis quelque chose d'aussi particulier, je vois à quel point ce rapport à l'autre est merveilleux. C'est une source d'enrichissement mutuel et personnel. Parce que cela nécessite une grande écoute. De soi d'abord, et de l'autre ensuite, afin de trouver le meilleur chemin d'épanouissement de chacun.

Oui, je sais, ça paraît presque idéaliste. Mais... est-ce un hasard si j'ai choisi ce pseudonyme? Et l'abandon de l'ancien nom de ce journal signifiait probablement, inconsciemment, que j'étais parvenu à réduire l'espace qui sépare mon idéal de la réalité. Quand à Alter et ego... si j'avais su en le choisissant à quel point il pouvait caractériser ce que je vis actuellement...

Hasard ou pas? Ces changements de nom sont survenus juste avant qu'un élément serve de déclic pour passer dans une nouvelle dimension relationnelle avec ma complice. Certaines coïncidences sont troublantes...


Pour finir, j'aimerais que les personnes qui se sentent heurtées par ce que j'écris prennent le temps de me poser quelques questions avant de me désapprouver en se fondant sur des éléments parcellaires. Juste pour vérifier qu'il n'y ait pas une incompréhension initiale. Je sais bien que je m'expose à la critique en publiant en ligne, notamment parce que mes propos peuvent déranger. C'est l'inévitable règle du jeu. Mais il est assez déstabilisant de faire face à un message réfléchi, marqué par le même agacement que celui qu'a ressenti son auteur en me lisant. Quand c'est basé sur une mauvaise interprétation, il est dommage d'en passer là. Et pourtant... il est important pour moi que ceux qui me lisent puissent communiquer sur ce que mes écrits évoquent pour eux. Il faudrait juste se souvenir qu'il peut exister une vulnérabilité du diariste... comme il en existe une chez le lecteur. Mais comment pourrais-je être sincère si je devais anticiper sur toutes les possibles sensibilités? Si un partage d'impressions est toujours apprécié, tout ce qui est critique devrait être formulé avec précautions. La réciproque est vraie puisque mes écrits peuvent heurter...



Note: ma vie étant très occupée en ce moment, entre travail, famille et complicité, je suis un peu en dehors de la vie sociale diaristique. J'ai des courriers en retard...


Utile?



Lundi 24 mars


«Est-ce que tu m'aimes plus qu'elle?», m'a demandé Charlotte hier, au petit matin. Il y a deux jours, c'était un «tu l'aimes...» moins interrogatif qu'affirmatif. Un peu décontenancé, je n'ai pas donné la réponse qu'elle aurait sans doute préféré entendre. Au lieu de ça, j'ai hésité, et ce silence en disait long, je m'en rendais bien compte. Je lui ai répondu qu'on ne pouvait pas comparer. Et de fait, je ne peux, ni ne veux mesurer deux formes d'amour différentes. Tout ce que j'ai pu lui dire, c'est «mais toi je t'aime, sans aucun doute là-dessus». Je ne sais pas mentir, et je ne le veux pas. Si mes mots ne cachent rien, quel que soit le contenu de ce que je dis, on peut aussi leur faire confiance dans l'expression vraie de ce que je ressens. Elle a semblé rassurée, au moins pour cette part qui la concerne. J'ai ajouté que si je devais choisir un jour, c'est elle, Charlotte, que je choisirai.

Mais à quel prix!!!.. Je sais très bien que si une telle situation devait se présenter, le déchirement serait tel que... je ne peux même pas l'imaginer. Je me demande même comment notre couple en ressortirait.

Ben oui... forcément, la complicité que j'ai établi avec ma très très proche amie se transforme en un attachement de plus en plus indéfectible. Et les mots sont faibles. C'est bien plus que ça. Nous passons des heures ensemble, au point que mes nuits n'en sont souvent plus que des moitiés.

Mais... attention, défense de juger, chers lecteurs et lectrices! Pas possible sur des élements parcellaires (mouais, vous ferez bien comme vous voulez en fait...).
Ce n'est pas parce que je passe 3 ou 4 heures par nuit à discuter avec une autre femme que la mienne que quiconque peut comprendre ce qui se passe. Et il ne faudrait surtout pas se fier aux apparences. Surtout pas. Je vous préviens, je mords celles ou ceux qui s'avisent de me juger. Bon, je mords sans méchanceté, hein, mais je montre fermement les limites. Deux lectrices pleines de bonnes intentions en savent quelque chose.

Ouais, parce que... comment dire... comment décrire la nature de la relation exceptionnelle (oui oui, n'ayons pas peur des mots) que je vis avec ma complice? Je serais tenté de dire que ça n'a rien avoir avec l'Amour, avec son grand A majuscule. Mais ce serait un peu exagérer les choses. Il est certain que cela fait partie de ce grand sentiment qu'on appelle amour, au sens le plus large. Mais... hmmmm, ça ne me convient pas trop d'englober ce que nous vivons dans ce schéma trop bien balisé. D'abord parce que cette relation s'inscrit dans le cadre du "Polyamour", cher à Chien Fou, ou de la "Libraimance", décrite par l'Incrédule. Des relations partagées et librement consenties, non dissimulées. Ce qui change considérablement du coté "tu es tout pour moi".

Ensuite parce que ça va bien au delà d'un simple partage d'affinités, de désir, d'attirance. Il y a une dimension nouvelle (du moins pour moi) d'osmose, de partage absolument inoui, que je n'ai jamais connue avec quiconque (bon, même si mon expérience des relations d'ordre amoureux n'est pas considérable). Pas même avec Charlotte, avec qui très vite des incompréhensions fortes étaient apparues, puis des disputes. Donc une certaine forme de souffrance. Il faut dire que nous n'avions alors que 19 ans...

Je ne sais pas si c'est dû à mon âge actuel, qui me donne une certaine capacité à mesurer les choses, comprendre ce qui se passe, et surtout ne pas tomber dans le piège de l'idéalisation, mais cette relation que je vis à quelque chose de profondément bienfaisant. C'est une source de sérénité et de bonheur. Je sais que je répète sans cesse ce mot, mais je n'en vois pas d'autre qui convienne aussi bien.


Je ne suis pas encore prêt à décrire les choses publiquement. Nos échanges de mails, nos discussions, nous donnent les éclaircissements dont nous avons besoin, mais je ne saurais les résumer ici. Et puis... serait-ce nécessaire?

Si j'écris de temps en temps dans ce journal, c'est à titre de témoignage. Parce que je sais que d'autres personnes (ne serait-ce que les diaristes cités) sont intéressés par le sujet et qu'on n'a jamais trop du vécu des autres pour aider notre propre cheminement.


Il est certain que sur chemin d'épanouissement personnel j'entraîne Charlotte. Je sais que ce n'est pas très facile pour elle, et je passe beaucoup de temps à lui expliquer les choses. Ce matin je lui répétais que je ne saurais trouver le bonheur si elle devait en être malheureuse. Ce que je vis ne peut se faire à son détriment. Je n'ai pas le choix: je dois trouver une façon de vivre cet épanouissement de façon entière. Il me faut donc savoir la rassurer sur l'importance qu'elle a à mes yeux, et renouveller souvent cette réassurance. Parce qu'il n'est pas question pour moi de renoncer, ni à notre union (ben évidemment!!!), ni à la merveilleuse source de bien-être qui jaillit de cette relation de [pas de mot existant]. C'est trop important pour ma vie, mon équilibre présent et à venir. Pas dans le sens d'un petit plaisir supplémentaire qui fait du bien, mais dans celui de la connnaissance de soi, porté à un point très haut. Quelque chose d'essentiel, de fondamental. Une des plus belles clé de délivrance des chaînes et boulets que je traîne depuis toujours. Un moyen d'écarter certains barreaux de la prison intérieure qui m'empêche d'aller vers moi-même.

Pfff, que les mots sont dérisoires... Comment résumer en quelques paragraphes un tel changement intérieur? Je me dis que je vais passer pour un exalté. Et peut-être moi-même, si je me relis dans quelques années, aurais-je la même impression. C'est vrai que je le suis, mais... il y a des moments qui le méritent vraiment.

Et je ne cacherai pas que mes yeux sont souvent rougis. La plupart du temps de joie, mais bien souvent aussi suite à des émotions intenses, lorsque je dois expliquer quelque chose de particulièrement fort. Ou lorsque je sens que la situation déclenche un besoin de réassurance, parce que des doutes sont apparus chez l'une ou l'autre quant à la profondeur de l'attachement que j'ai respectivement pour chacune d'elles. Il est certain que cette situation est assez inhabituelle (du moins je crois...). Et les doutes de Charlotte (crainte que je trouve mieux qu'elle) ressemblent à ceux de ma complice (crainte que mon attachement ne soit qu'éphémère). Sans oublier mes propres doutes (crainte que ma complice ne se désintéresse de moi)... ou crainte que Charlotte ne supporte plus la situation et "casse" ainsi tout ce magnifique processus qui s'est engagé.

Oui, je sais, on peut penser que je suis dans la situation "enviable" (?) de celui qui a tous les avantages. Mais je suis aussi le pivot, celui qui doit gérer la situation en double. Le plus exposé à la culpabilité. La situation n'est "facile" pour personne. Ni pour Charlotte qui doit "partager" un homme pour lequel elle voudrait rester exclusive, ni ma complice qui doit aussi accepter l'impalbabilité d'un homme qu'elle n'a jamais vraiment rencontré (et qui partage sa vie avec une autre...).

Bon, j'écris brouillon, pas bien clair... désolé, mais le temps me manque cruellement en ce moment. C'est davantage un journal bloc-note que quelque chose de travaillé. Mais... vu le peu de réactions que je reçois (proche du zéro absolu), je me demande si ce que j'écris est utile. Si ça intéresse quelqu'un, un tout petit signe me serait nécessaire. Parce que sinon, inutile que je décrive ici ce dont je conserve trace fidèle ailleurs.



La voix chaleureuse d'une diariste... afin de donner un peu plus de présence à la virtualité des écrits.





Gêne


Mardi 25 mars


Je suis un peu gêné d'évoquer ce que je vis actuellement. D'une part parce que c'est intime, et que ça ne concerne pas que moi. D'autre part parce qu'il y a un coté indécent à se dire heureux.

Indécent parce que parmi ceux qui me lisent certains vivent probablement des choses douloureuses. Ou bien n'ont pas la chance d'avoir cet accès au bonheur pour tout un tas de raisons.
Indécent aussi parce qu'en ce moment beaucoup de gens sont préoccupés par une guerre hyper-médiatisée. Pourtant, c'est tous les jours qu'il se passe des horreurs quelque part dans le monde, et on ne s'arrête pas de vivre pour autant.

Gêné aussi parce que je redoute un peu que l'on me juge (mais ça je devrais m'en foutre...) en fonction de critères simplistes.
Tout ça fait que j'ai mis le texte précédent avec un délai de réflexion. Mais celle-ci ne m'avance guère.

Et puis c'est connu: les gens heureux ne sont pas intéressants. Peut-être parce qu'on s'identifie peu à eux? Ou bien que cet état n'a jamais posé de problème à quiconque (on s'en doute!).

Bref, une fois de plus me voila embarrassé face à ce journal.





Mercredi 27 mars


Je lis de temps en temps ce qui se passe dans le microcosme diariste francophone. Groupements qui naissent, forums qui apparaissent, privés ou publics... et je me tiens bien loin de tout ça. On lit vraiment des choses... beark, abjectes. Ne surtout pas entrer dans ce panier de crabe, ça n'a rien à voir avec le diarisme. Juste des querelles de petit pouvoir, de bons mots, de descente des têtes qui ne reviennent pas à certains. Berk berk berk! La-men-table!



Mieux qu'un rêve



Jeudi 28 mars


Bouleversé... ému aux larmes en lisant un message magnifique de ma complice, dans lequel elle me précise sa façon de voir l'amour, l'amitié, et l'entre-deux (j'utilise ce mot faute de mieux...). Je me rends compte que j'ai encore du chemin à faire pour être aussi convaincu qu'elle de ce que je découvre depuis peu. Je veux parler de cette idée de liberté.

Depuis quelques jours nous tentons de préciser ce qui caractérise notre relation, et ce qu'elle implique sous toutes ses composantes. Nos échanges se font dans un esprit de sincérité que je n'imaginais même pas dans mes rêves. Et les mots qui sont écrits, dans une subtile harmonie de pudeur et de dévoilement, atteignent une force incroyable. Leur puissance n'est pas celle d'une déflagration, mais au contraire de quelque chose de lent, réfléchi, choisi... et donc extraordinairement marquant. Durablement, profondément, intimement. Il n'y a pas d'onde de choc, mais un rayonnement chaud qui pénètre dans toute la pensée, dans tout le corps.

Je ne pensais pas que la façon de dire les choses, le temps qu'il faut à leur maturation, pouvaient leur donner autant de personnalité. Ce que nous nous écrivons à quelque chose d'inoui. Jamais je n'aurais pensé pouvoir en dire autant, en entendre autant. Partager à ce point avec une aussi belle transparence.

Nos mots me portent aux confins de ce que j'avais exploré. Avec elle, je m'aventure vers l'inconnu. En toute confiance.

Mais je sais aussi que l'intensité de ce que nous touchons me déstabilise parfois. J'ai envie de foncer... et juste après j'hésite, ou fais une pause pour reprendre mes esprits. Je me lance... puis immédiatement attends ses mots encourageant. Je lui donne mes idées... mais ai besoin de savoir l'impact qu'elles ont sur elle. Parce que je n'avance pas seul. Sans elle je n'aurais pas découvert autant de choses.




Le nez dans le guidon


Vendredi 29 mars

Journal flottant, comme vous pouvez le constater. Je diffère les mises en ligne, hésite sur le contenu, le ton, l'utilité même de ces écrits. J'ai tenté l'appel pathétique du diariste qui a besoin, pour avancer, de "retour de lecture"... avec bien peu de succès. Mais quand même deux (!) messages qui me disent que mes mots sont importants et qu'ils aident à la réflexion. Merci, c'est tout ce que je voulais savoir. Et puis je suppose qu'il y a ceux qui n'en auront rien dit, pas suffisamment intéressés pour le signifier... mais qui continuent à me lire. Je fais la même chose en lisant sans mot dire d'autres diaristes.

Pourquoi cette phase un peu détachée du journal? Je ne sais pas vraiment. Il y a sans doute une gêne à aborder quelque chose de finalement très intime, que j'aurais du mal à retranscrire en mots avec la précision souhaitée. Et si c'est pour que ça risque d'être mal compris comme ce fût déjà le cas, inutile de tenter à nouveau l'expérience.
Il y a aussi le fait que je suis au coeur de l'histoire, donc avec une visibilité très réduite. J'ai parfois bien du mal à comprendre toutes les ramifications de ce qui se passe entre ma complice et moi. Ce journal aurait pu m'aider à y voir clair, mais il se trouve que la réflexion est infiniment plus efficace avec ma complice. 

C'est ce qui est extraordinaire dans cette relation: quelqu'un qui analyse et commente chacun de mes messages, de façon extrêmement fouillée et perspicace, tout en se plaçant en position inversée dès que j'ai reçu ses réflexions. Le tout dans une dynamique relationnelle qui nourrit ces réflexions (euh... je me demande si c'est clair là?).

Bref, pour le moment je suis un peu "le nez dans le guidon" pour avoir une vision élargie. Certes, je pourrais aussi me contenter de décrire un peu plus précisément de quoi nous parlons, essayer de préciser la nature de notre lien. Mais... non, je n'y suis pas prêt. C'est décidément trop intime.

D'ailleurs, j'ai un peu le même problème de retenue vis à vis de Charlotte... Je lui parle régulièrement de cette complice, mais me contente de rester assez flou sur le contenu précis de nos échanges. Il en ressort une culpabilité que je dois parvenir à supprimer si je veux vivre pleinement la situation. A moi de voir si cela passe par la parole ou par le silence... Mais je ne veux pas d'un silence coupable. Il me le faut délibérement choisi et pleinement assumé. Ou alors aller au devant des explications longues et délicates que je devrais donner à Charlotte. Ça ne me rebute pas, au contraire, mais je ne veux pas le faire par plaisir égoïste. Je ne veux rien imposer à Charlotte qui pourrait la mettre mal à l'aise.

Je me demande quand même si ce n'est pas moi que je devrais mettre bien à l'aise! Je crois que je ne suis pas encore suffisamment exrait de schémas traditionnels de ce que sont l'amour et l'amitié. J'y travaille, justement.



Donner des nouvelles



Dimanche 30 mars


Oh la la, déjà trois entrées écrites et pas encore mises en ligne! Mais qu'est-ce que c'est que ce travail? C'est pas du diarisme sérieux ça!

Ouais... un peu compliqué en ce moment. Mon rapport au journal est encore dans une de ses crises régulières. Pourquoi cette rétention? D'abord, il y a une question de temps. Celui d'écrire, qui me fait défaut et donne ces entrées courtes qui ne me satisfont pas. Celui de mettre en ligne aussi, tout simplement. Parce que je ne prends même pas le temps d'ouvrir mon logiciel de mise en page. Je tape un truc vite fait sur wordpad, enregistré dans un coin en attente d'une suite... qui ne vient pas.

Il y a aussi le problème du contenu. Toujours ce problème à évoquer ce que je vis actuellement. Parce que ça ne passe pas par les mots. Parce que c'est complexe à décrire, et même à analyser. Et puis... bon, même si ma vie tourne autour de ce petit miracle, j'ai du mal à l'avouer (oui, je le fais quand même...). D'où mes tentatives d'ouverture vers "autre chose". Donc cette guerre... que je ne suis que de loin à la radio. Pas vu une seule de ces images apparemment étonnantes. Pas allumé la télé depuis le début de ce grand bazar. Ça m'a énervé dès le début cette débauche d'informations, cette phagocytation de tout le reste. Et puis cette belle unanimité m'agace. Et toutes ces phrases entendues, ces poncifs, ces commentaires sur du vide... ça m'horripile. Tous ces gens qui semblent parfaitement avoir compris ce qui se passait, les vilains américains qui font ça que pour le pétrole (ben voyons, comme tout est simple!)... arrrh, ça m'agace!

Un regard aussi sur ce diarisme contestataire, celui de la critique et de la moquerie, celui du spectacle... arhhhhh, ça m'agace! Merde, il y a vraiment des gens que je n'apprécie pas du tout. Je ne pourrais jamais m'entendre avec ces gens qui se construisent sur le mépris des autres.

Je suis fidèlement attaché à l'écriture intimiste, celle des profondeurs de soi. Et si parfois je me suis laissé entrainer dans autre chose, ce n'était pas un choix de ma part. Je ne me suis jamais senti aussi mal à l'aise que durant cette période polémique qui à suivi la critique de mon journal. Et je sais qu'il m'en reste encore des traces.

Le reste? Et bien rien qui retienne mon attention. Je lis toujours mes diaristes favoris... mais je ne prends même plus le temps ce citer des passages. Je m'en veux un peu de ce silence. J'aimerais communiquer un peu plus, garder ce lien affectif vivace... mais je me contente de passer dans rien dire. Période transitoire.

Je me rends compte qu'en ce moment j'écris davantage pour donner des nouvelles que pour libérer quelque chose. Je fais ça... par souci de fidélité. Ne pas rester sans un mot, ne pas disparaitre. Oh... peut-être un peu par peur que l'on "m'oublie", mais surtout parce que... je sais pas... je ressens une certaine sympathie de la part des lecteurs/lectrices et je n'ai pas envie de les laisser sans nouvelles. De mon coté, j'aime bien savoir ce qui se passe dans la vie de ceux que j'apprécie. Et quand ils sont silencieux trop longtemps, il y a une attente qui s'installe.


Et puis... il faut bien que je retrouve un rythme de vie "normal". La relation ce complicité que je vis de façon très soutenue va devoir s'installer sur un rythme plus modéré. Pas possible de se coucher à 3 h du matin chaque nuit indéfiniment. Pas possible non plus de passer toutes mes soirées devant cet écran. Il y a eu une phase très importante de rapprochement, une soif de découverte, un besoin de contact très fort... mais il faut apprendre à l'installer dans la durée. Ce sera l'enjeu des jours à venir.





Aurais-je changé?



Lundi 31 mars

Il est rare que je découvre un nouveau journal de qualité (selon mes propres critères). C'est à dire réfléchi, pertinent, bien écrit, introspectif, etc... Ils sont rares dans le monde du diarisme. Alors je ne vais pas me priver de citer "Les échos de Valclair" que je viens de découvrir grâce à "Au bonheur du jour" (ouais l'hypertextualité a vraiment ça de bien).

Mais je me pose immédiatement une question: pourquoi ne l'avais-je pas découvert avant? Pourquoi n'ai-je pas vu le petit "nouveau" clignotant sur le site de la CEV? Je devais être préoccupé à ce moment là... Et puis euh... "Valclair", j'avoue que ça ne m'a pas inspiré (ouups, désolé..). Mais bon, dans le même genre d'idée, une amie m'a dit qu'elle s'était un peu méfiée de cet "Idéaliste" lorsque j'avais fait mon apparition sur le net. Les pseudos ont un sens caché qui échappe parfois à celui qui le choisit.

Bref, ce journal m'a plu à la première lecture. Pour moi, c'est toujours bon signe. Généralement ce sont ceux que je suis le plus fidèlement. Je crois que j'ai toujours fonctionné selon ces "coup de coeur". Arghhh, un nouveau journal à lire!

Parcourant les débuts (trois mois d'archives, c'est encore rattrapable), j'ai lu que ce monsieur avait des affinités pour les mêmes diaristes que moi. Et qu'il classait dans le must le même journal que moi. A savoir "Regards solitaires" (ouh la la, je vais faire rougir Eva...). J'ai lu aussi qu'il me citait, au sujet d'un mail qu'il m'avait écrit... et avec lequel je n'avais pas fait le rapprochement d'identité (re-ouuups désolé, ma mémoire n'avait pas encore bien visualisé le pseudo). Je suis donc allé relire l'entrée (écrite by myself) à laquelle il faisait allusion.

Toujours un drôle d'effet de se relire... Je me suis tapé toute une quinzaine. Et... jugement absolument impartial (hum hum...), je ne me suis pas trouvé aussi mauvais que ce que je ressens bien souvent. Allez... j'ai même trouvé que c'était pas mal! Ouais ouais ouais, j'ose le mettre! Mais ce qui a été bizarre... c'est que je ne me souvenais pratiquement plus de ce que j'avais écrit. Je redécouvrais mon système de pensée, presque avec curiosité. Et une autre chose surprenante: j'avais l'impression de ne plus être le même. Comme si depuis trois mois j'avais franchi une étape importante, sans même m'en apercevoir.

Le plus significatif, c'est un détachement de la "communauté diariste" à laquelle je ne crois plus. Paf, la rupture s'est faite. Il y a DES diarismes et je pense que va se produire une scission entre les intimistes et les polémistes. Les sensibles et les agressifs, les vulnérables et les moqueurs. Bon la limite ne sera pas nette, mais il y aura deux tendances opposées. L'avenir dira si j'avais bien vu. Je me souviens que j'avais prédit l'éclatement en plusieurs communauté il y a quelques mois, et c'est chose faite. A mon avis, ce n'est pas fini.

Autre étape importante dans ma vie (au dela du diarisme), ce rapprochement avec ma complice. J'ai changé, c'est évident. Sans bien savoir ni comment ni en quoi, je sais que je ne suis plus le même. Il y a un avant et un après ce passage très important. C'est d'ailleurs un peu vertigineux de se sentir sur ce point d'infléchissement. Je suis encore "dans". Déjà plus dans "l'avant", et pas encore dans "l'après". Ou alors depuis trop peu de temps pour en mesurer les conséquences. Ce que je vis sera un des éléments très marquants de ma vie. Je le sais, je le sens.

Et je ne regrette pas de garder trace de tout ce cheminement intérieur grâce à ce journal. Je me sens acquérir une force intérieure au fur et à mesure que mes doutes trouvent des réponses. Il en reste de très forts, mais nombre d'entre eux se sont déjà effacés. J'élague dans les doutes, je supprime les plus légers pour m'affronter avec une détermination croissante aux plus coriaces. Je sais qu'ils sont à ma portée, je peux les regarder en face, me mesurer à eux. Et je sais que peu à peu je gagnerai du terrain. C'est jouissif.




«Evidemment je ne peux partager de telles idées mais il me plaît de tenter de les comprendre, de percevoir ce qui les explique, d'où elles viennent, comment elles s'incarnent.»

Les échos de Valclair (30/03/2003)