Janvier 2003 (1ere quinzaine)
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Changement




Mercredi 1er janvier 2003


Il y a déjà quelques semaines que j'envisageais de changer quelque chose dans ce journal. Parce que j'estime que j'ai changé. Je pense que le titre que j'avais choisi il y a près de trois ans ne correspondait plus à ma démarche actuelle. Je crois que j'idéalise beaucoup moins les choses, même si je reste un idéaliste dans l'âme.

Ce nouveau titre que je donne, expliqué dans ma dernière entrée du journal précédent, m'est venu sans réflexion particulière. Spontané, évident. En plein dans ce que je vis depuis quelques mois. Alors que le précédent trahissait ma préoccupation principale: la confrontation de l'idéal et de la réalité dans mon monde. Je crois que désormais je me suis bien davantage ouvert aux autres en partant à la découverte de moi-même. Je ne renie pourtant pas ma recherche egocentriste, que je souligne par mon sous-titre, à écouter autant qu'à lire.
La rupture, symboliquement choisie le jour du changement d'année sera peut-être plus forte que je n'en avais conscience en décidant le changement. Déjà, je constate que j'écris avec un temps de réflexion considérablement accru. Ce soir, mon écriture n'est pas du tout spontanée. Je ne m'exprime pas pour moi, mais pour présenter ce que j'ai voulu marquer. J'ai aussi voulu avoir un visuel un peu plus travaillé (je n'ose pas dire le temps que j'ai passé depuis trois jours pour un si piètre et incomplet résultat...), que je tenterai d'améliorer dans les prochains jours.

Je ne sais pas pourquoi je consacre des heures à ce qui n'est qu'une image, une apparence, alors que seul le contenu devrait compter. Il faut croire que c'est quelque chose qui compte davantage pour moi que ce que je croyais. Je privilégiais surtout le fond, et voila que je m'intéresse aussi à la forme. En fait, j'ai mis à profit la trêve de noël, aussi calme coté professionnel que coté monde internautique, pour me plonger avec obstination dans la découverte d'un logiciel acquis depuis pas mal de temps. Comme tout ce qui est performant, il faut passer davantage de temps pour comprendre comment ça marche que celui qui est gagné une fois qu'on a compris...

[Nb: si vous remarquez des trucs bizarres sur votre navigateur, merci de me le signaler. Je n'ai encore pas tout pigé.]

Bon, en fait je trouve que j'ai un ton vachement sérieux depuis que je me suis mis sur cette page. Il serait peut-être bon que je retrouve un peu de spontanéité. Quand je vois par exemple l'excellent texte qu'à pondu Cara au sujet du bébé cloné, je me dis que je ferais bien de me dérider un peu...


Poser un jalon


Jeudi 2 janvier


Je crois qu'au delà du changement de titre et de "look" de mon journal, ces quelques jours que j'ai passés à oeuvrer sur le site m'auront permis de concrétiser, de marquer, un important changement intérieur. C'est en fait autant un constat de changement qu'une volonté de le matérialiser. J'ai posé un jalon, voulant signifier que je me détachais d'une certaine attitude (j'avais même pensé à changer de pseudonyme, mais je craignais de semer le trouble en me faisant "disparaître"). Et puis je sais que je n'effacerai pas celui que je suis en changeant de pseudonyme. Quoi que je fasse, le fond de ma personnalité reste le même. Du moins encore pour le moment. Peut-être qu'un jour je me sentirai suffisamment changé pour me détacher de celui que je saurai ne plus être.

* * *


J'ai lu un peu mes collègues diaristes. Plusieurs se livrent à un mini-bilan de l'année. Il est amusant (mais est-ce surprenant?) de constater que nos préoccupations sont souvent nombrilistes. Chacun évoque les petits ou grands évènements qui l'ont marqué. Je remarque quand même l'allusion récurrente aux élections française du mois d'avril (mais non Ultraorange, on n'a pas oublié...). Nos consciences ont quand même été secouées ce jour là. Les suites que ça aura? L'avenir nous le dira... Pas forcément rassurant quand on y songe.

Plus satisfaisant pour mon ego insatiable, ce passage trouvé chez Sophie (vous aurez remarqué que j'aime bien les réflexions de Sophie, que je cite souvent). «Malgré tout cela, la quantité totale de mes larmes a bien dû baisser de 100 ml par rapport à l'année dernière! Et pas seulement grâce au Prozac! Grâce à tous les petits bonheurs quotidiens, grâce à (...) [plein de gens qu'on ne connaît pas, mais qui comptent pour elle], grâce à Chien Fou, Al Pesto et Kiliane, grâce à l'Idéaliste et Manu, grâce à Emmanuel, Johann, Gracianne Merci à tous d'avoir fait de 2002 une année différente!». J'apprécie de savoir que j'ai pu être parmi ceux qui ont apporté des petits bonheurs. C'est extrêmement gratifiant pour moi. C'est bien en envisageant cette possibilité que je mets mes écrits en ligne.
Et je me dis que moi aussi j'aurais pu remercier tous ceux qui m'ont apporté du bonheur... Je n'y pense pas assez.

* * *


En parcourant à nouveau les sites des diaristes, après avoir matérialisé le mien, je me rends compte qu'il est un peu austère. Rigide. Un peu comme moi quoi... (rigolez-pas!). Je manque de fantaisie et d'imagination? Je me rends compte que je me suis inspiré de ce que j'ai vu ailleurs, que j'ai piqué les idées qui m'ont plues, et que le résultat est... assez peu surprenant. Bon, ce n'était pas le but, mais si j'avais pu amener un petit chouia de quelque chose de nouveau...

* * *


Vous remarquerez sans doute souvent que la date de mise à jour correspond au lendemain de la date que j'indique en tête de mes textes. Normal, j'écris souvent le soir, et je fais la mise en ligne après minuit. Donc le système automatique, qui ne rigole pas avec ces choses là, fait les choses dans les règles: après minuit c'est plus le même jour!





«Pour la première fois de ma vie, j'ai pu concrétiser une envie qui dormait en moi depuis longtemps: écrire. Je considère chaque entrée comme un miracle, au regard de mon côté dilettante et défaitiste. J'ai pu nouer des contacts avec des diaristes, des lecteurs qui m'ont touchés, enrichis, émus, de réels échanges se sont tissés. Chaque jour, je passe me nourrir de la vie d'autres diaristes et j'en ressors regonflée

Journal sous Prozac (01/01/2003)




Discours contradictoire



Vendredi 3 janvier

Je vais faire un peu dans le vrac aujourd'hui. Encore en semi-vacances, puisque les enfants sont là, j'ai bien du mal à remettre le pied à l'étrier. J'ai de plus en plus de mal, d'ailleurs, à retrouver une motivation pour le travail. Au point que j'ai parfois d'éphémères bouffées d'angoisse en songeant au moment où il faudra que je rattrape tout ce retard que je suis en train d'accumuler. Et encore... "il faudra"... pourquoi donc faudrait-il?

Ben parce que c'est pas bien de se laisser aller, de ne pas s'investir dans son travail, de ne pas tout faire pour être performant.

Performant vis à vis de quoi?

De l'environnement familial, des regards extérieurs...

Franchement, on s'en fout un peu, non? Ce qui compte c'est d'être bien en soi-même, et bien avec ceux qui nous entourent.

Sauf qu'à force de prendre du bon temps à "être bien", il existe le risque de se sentir mal. Par culpabilité. Ou parce que la vie se chargera de rappeller qu'il faut quand même travailler un minimum.

Justement, c'est ce minimum que je fais actuellement. Je cherche jusqu'où je peux aller dans la facilité, sans pour autant devenir un fainéant, un irresponsable. Une démarche qui va à contre-courant de ce que j'avais sagement intégré.

Cet après-midi, par exemple, alors que j'avais décidé (assez mollement, je l'avoue) de travailler pour de bon, il a suffi que j'aie un trajet à faire pour emmener mon fils à une dizaine de kilomètres, faire une course en rentrant, puis discuter un peu avec Charlotte, pour différer ce moment. Ensuite, alors que mon aîné est venu à coté de nous, la conversation à dévié sur son orientation. C'est qu'il est en terminale, ce grand garçon, et dans quelques mois il faudra bien qu'il sache ce qu'il fait de l'année scolaire suivante. Personnellement, je ne lui fais pas trop peser de pression, mais Charlotte commence à s'inquiéter sérieusement. Alors on reprend le laïus traditionnel des parents «Il faudrait quand même que tu réfléchisses un peu à ce que tu veux faire. C'est à toi de commencer à te prendre en charge, de choisir vers quoi tu veux te diriger». Mais lui, comme la plupart de ses copains, n'en sait rien. Comme nous au même âge.

Alors je suis partagé. Je ne peux lui reprocher d'avoir si bien intégré le Carpe diem que j'essaie péniblement de m'auto-inculquer, luttant contre une culpabilité tenace. Il semble que j'aie très bien su ne pas lui transmettre cette exigeance qui me caractérisait... mais peut-être en manque t-il un peu? D'un coté j'apprends à m'émanciper de cette tutelle rigoureuse, et de l'autre je devrais rappeller à mon fils que la vie demande de savoir prendre des décisions. Discours contradictoire qu'il n'a pas encore vraiment constaté, mais qu'il aura tôt fait de me renvoyer si je devenais insistant. Mais j'ai gardé tellement de souvenirs pénibles de cette insistance de la part de mes parents, que j'évite au maximum de reproduire ce schéma. Du coup, je me repose un peu sur Charlotte, qui s'inquiète de l'incertitude pour l'avenir.

Chère Charlotte... Sans elle, je sais que nos enfants n'auraient pas bénéficié de la même attention. Je ne parle pas souvent d'elle, mais j'apprécie énormément toute la sollicitude dont elle fait preuve à l'égard des autres. Je lui ai dit, ce soir. Elle en a été heureuse.


Rien à voir: il y a des pâquerettes dans l'herbe. C'est-y pas un peu surprenant pour un mois de janvier? Dèjà que fin décembre il y avait encore quelques feuilles sur les platanes urbains... C'est tout juste s'il a gelé quelques jours, au cours de nuits un peu fraîches, depuis l'automne. Par contre, depuis combien de temps n'ai-je pas vu le ciel bleu?



«Un nouveau livre

Celui de l'année qui débute. 365 pages qui se rempliront, une ligne à la fois. C'est plutôt excitant de songer que chaque jour est une page blanche et qu'on peut choisir les couleurs qu'on y mettra. Vraiment, oui..»

Insomnies chroniques (01/01/2003)



Le chantier du moi



Samedi 4 janvier


C'est une boulimie qui me dévore. Écrire, écrire, écrire... Vite, tout le temps. Plonger à l'intérieur de moi, savoir qui je suis, ce que je vaux, quelle est ma place parmi les autres. C'est un chantier immense auquel je me suis attelé sans savoir ce qu'il me demanderait comme énergie. C'est une passion dévorante, comme je n'en n'ai jamais eue auparavant. Et pourtant, je suis un passionné notoire. Jamais je n'avais ressenti avec une telle urgence et une telle exclusivité le besoin de faire quelque chose.

Écrire, écrire et encore écrire. Communiquer. Lire, découvrir, m'enthousiasmer pour ce que pensent les autres. Ce voyage au coeur des pensées, la mienne en tout premier, c'est l'indispensable travail à faire pour dégrossir le chantier du moi.

Plus je me découvre, plus je découvre la différence-ressemblance de nos egos, plus j'ai envie d'aller plus loin et d'en savoir davantage. En fait, si timidement j'ai débuté en me regardant dans le miroir de l'écriture, je me rends compte que plus je progresse dans ma propre connaissance, plus je mesure l'étendue de ce qui reste à connaître. Les limites du territoire s'éloignent au fur et à mesure que je me rapproche de ce que je croyais savoir d'elles. Un mirage, qui se reporte sans cesse plus loin. Explorateur exalté de mon inconscient, je papillonne, saute d'un point à l'autre, comme pour découvrir toute la diversité de ce qui compose la personnalité. Mais j'approfondis peu. Parce que je préfère tenter de saisir un ensemble avant de me focaliser sur un élément parcellaire. Et plus je découvre ma propre diversité intérieure, plus je constate qu'elle rejoint celle de l'humain en général. C'est comme si en allant vers moi, j'allais en fait vers l'universalité des hommes. Dans l'autre, je me vois, et en moi je vois l'autre.

En ce moment, je me heurte aux limites du temps. Je n'en dispose pas d'assez. Et pourtant, l'essentiel de ma vie est consacré à ça, depuis quelques semaines. Je n'ai plus du tout envie de travailler, de me distraire dans des contingences matérialistes, du superficiel. Je veux de l'essentiel, du vivant, de l'intériorité. C'est une attitude totalement irresponsable, je le sais. Et pourtant, je lutte, je lutte, mais je ne parviens pas à retrouver cette capacité de raison qui me caractérisait auparavant.

Changer de personnalité ne se fait pas sans craquements. Il me faut retrouver un équilibre nouveau, m'installer dans un personnage que je ne connais que peu, bien qu'ayant toujours cohabité dans la même peau. Ce chantier, maintenant qu'il est lançé, ne peut rester en friche. Je veux, je dois aller jusqu'au bout. Je dois savoir qui je suis, dans les grandes lignes. Dissiper ce brouillard de poussières qui atténue les contours. Mettre un peu au propre, même si je sais que le chantier sera perpétuel. En ce moment je passe mon temps à casser l'ancien et reconstruire différemment. Des éléments passés inaperçus deviennent prépondérants alors que ce qui me semblait important devient parfois futile. C'est le grand remue ménage (remue méninges), qui fera de moi un homme neuf. Peut-être un adulte.

Je dois l'avouer, ce chantier me fatigue. Je commence à attendre le moment où je pourrai enfin y voir clair et me reposer un peu. Je ne peux pas vivre trop longtemps de cette façon, imposer aux autres d'être autant absorbé pour quelque chose qui ne concerne que moi. Si je persistais trop longtemps, je risquerais de perdre des relations. Les plus superficielles, celles qui sont du domaine professionel. Parce que je vais finir par devenir non-fiable à force de ne pas passer assez de temps à travailler "sérieusement". Je ne peux pas expliquer aux gens que j'ai un vaste chantier qui mobilise l'essentiel de mon énergie. Trop peu le comprendraient. Et puis ça ne les regarde pas.

Pourtant, je sais que ce chantier pourrait bien donner un résultat bénéfique, y compris jusque dans le domaine professionnel. Parce que le jour où j'aurai davantage confiance en moi, donc que je saurai mes limites, celles de mes savoirs et de mes faiblesses, que je n'aurai plus honte de ces dernières, alors je serai capable d'affronter le regard d'autrui. Je ne craindrai plus d'être mis en situation d'échec puisque je saurai que mes lacunes sont compensées par mes connaissances dans d'autres domaines. Alors je pourrai diffuser ces connaissances, avec l'humilité de celui qui accepte ses limites. J'ai envie, puisque j'aime l'écriture, de me servir de ce moyen de communication pour faire partager ce que je sais. Toute la pratique et l'observation que j'ai accumulées pendant mes années de passionné dans mon domaine de prédilection. Je voudrais allier mon plaisir d'écrire à mon savoir. Mettre le premier au service du second. Je n'envisage plus l'écriture comme un phénomène passager. Je veux vivre avec. Et pas seulement à mon usage personnel, mais tenter d'ouvrir à un public que cela pourrait intéresser.

Je mesure bien tout ce qu'il peut paraître de prétentieux à écrire de pareilles choses. Et j'ai parfaitement conscience qu'envisager une écriture publique est toujours une façon de satisfaire son égo. Mais si c'était le seul objectif, cette écriture serait sans doute vouée à l'échec. Pour cela l'expérience journal en ligne me semble intéressante, parce qu'elle peut permettre de savoir pour quelles raisons premières on écrit. Si un jour j'ai suffisamment d'audace (mais ça ne dépend que de moi...) pour aller au delà des quelques articles que j'ai pu écrire il y a quelques années dans des publications à diffusion restreinte, il me faudra avoir fait le tri dans les motivations profondes de cette écriture. Je la veux libre de toute frustration. Je voudrais alors être en pleine possession de mes moyens, sorti d'une timidité qui trouve là un exutoire complaisant.

C'est peut-être un des rôles cachés de ce journal en ligne. Sortir tout ce qui m'embarrasse et que je traîne comme un boulet. Déja, je constate que je me suis dégagé de beaucoup de mes scrupules, et protégé d'une trop grande implication. Je me vois sur les forums, nettement détaché des querelles vaines, parvenant assez rapidement à prendre le recul nécessaire, ou sachant m'en sortir avant qu'elles ne se noient dans la médiocrité. Je ne suis pas encore à l'abri, mais je sais gérer beaucoup mieux les situations génératrices de malaise. Je n'en veux plus, ni pour moi parce que j'en souffre, ni pour les autres parce que ça perturbe le climat commun.

Je me dirige de plus en plus vers une volonté de sérénité, qu'il m'était auparavant difficile de garder à cause de tous ces boulets que je traînais, qui me tiraient sans cesse en arrière vers ce passé difficile, vers cette image négative que j'avais de moi.

Tout cela, je le dois à la capacité de réflexion sur moi-même, à la curiosité, au doute. Je suis finalement très satisfait de ne pas être trop sûr de moi. Je veux l'être, mais dans les deux sens: celui de mes forces et celui de mes faiblesses. Et toujours garder cette capacité à douter... autant de mes forces que de mes faiblesses.

Voila, je crois que j'avais besoin d'écrire ce texte, lancé d'un coup de tête, sans respiration ni réflexion. C'est ce que j'aime le plus dans cette écriture: la spontanéité. J'en ai presque oublié que je serais lu...


* * *


Anniversaire particulier aujourd'hui, constaté en inscrivant la date. Celui de mes 26 ans de diarisme. Je ne savais évidemment pas que ça s'appellait de cette façon le jour où j'ai confié mes états d'âme amoureux à ces feuilles de papier.
Je fais l'impasse sur mes pauvres tentatives de journal évènementiel, trois ans plus tôt. Petit carnet qui me renvoie à la vacuité de mon intériorité d'alors... De méchantes langues pourraient dire que c'est toujours aussi creux (on me l'a parfois dit), mais au moins c'est rempli de mots. Libre à quiconque de ne rien trouver derrière eux.

Libre destin




Dimanche 5 janvier

Je regarde ce qui se dit sur le forum de la CEV, théoriquement organe de liaison et communication entre les différents diaristes. C'est le vide, le creux, le rien, le facile. Ça me fait penser à cette télé creuse qui est fustigée par tant de gens, mais qui pourtant semble plaire à de nombreux spectateurs. Et je m'amuse (non sans tristesse) en voyant que dès que des gens ont la possibilité de s'exprimer, où que ce soit, ils se vautrent dans cette médiocrité qu'ils critiquent ailleurs. Nos incohérences sont touchantes...

Du coup, je ne sais pas si le silence qui règne autour des sujets "sérieux" est dû à un manque d'intérêt généralisé, ou un renoncement à tenter d'aborder justement ce coté un peu plus réfléchi. Je dois bien avouer que je suis frustré de ce coté là. Et quand on voit le peu d'écho et de réflexions que suscite le magazine Claviers intimes, je me pose des questions sur l'implication des diaristes dans ce qu'ils font. Non seulement notre pratique est à tendance égocentriste, mais en plus elle est fréquemment pratiquée dans une bulle, isolée des autres.

Il serait facile de m'objecter que personne ne m'empêche de m'exprimer sur le forum à propos des sujets qui m'intéressent (et je pense que j'y aurais droit...), mais j'estime qu'en ayant souvent participé aux débats sur le forum de la CEV ou son remplaçant "Underground", qu'en écrivant dans Claviers intimes, et qu'en abordant très souvent la pratique du diarisme dans ce journal, je donne largement ma part à la communauté (ouh la la, mais c'est que je deviens de plus en plus sûr de moi pour écrire des choses pareilles...).

Bon, en même temps je ne reproche rien à ceux qui se tiennent à l'écart. Je peux très bien comprendre un désir de discrétion, ou même un refus de participer à une vie communautaire dans laquelle on ne se retrouve pas. Ce qui me dérange en fait, c'est que la communauté semble se résumer à des échanges sans aucune portée. Juste l'amusement (?) immédiat. Je n'ai rien contre non plus. Le problème c'est qu'il n'y ait QUE ça. Alors soit personne n'a rien d'autre à dire, soit le futile prend le pas sur l'approfondi, soit il y a un manque d'engagement de la part de ceux qui pourraient approfondir. Je ne sais pas d'où vient le problème, mais je sais que la situation ne me satisfait pas.

Bon, si quelqu'un à des commentaires à faire ou un avis à donner, je le lirai très volontiers.




Rien à voir (ou pas grand chose). Je lisais récemment l'Incrédule qui disait «J'ai enfin réussi à apprendre à vivre au jour le jour et, bien qu'on puisse me reprocher de ne pas être suffisamment impliquée par ces événements mondiaux et de ne pas avoir une ouverture sur le monde, ce «détachement» a toutefois été nécessaire pour mon équilibre personnel.». Je comprends ce choix, d'autant plus que moi j'ai fait le choix inverse! Longtemps je me suis laissé bercer par les informations, que je gobais telles quelles, sans bien comprendre les choses. Je les trouvais trop complexes pour démêler l'écheveau du "vrai" et du "faux" (ça ne veut rien dire, mais je signifie là la réalité des choses et la vision parcellaire et subjective qui nous en est présentée). Je vous rassure, les choses sont toujours aussi complexes, pour moi, et même sans doute davantage, depuis que j'essaie d'aller un peu plus loin. Juste un peu, hein, parce que je ne passe pas pour autant des heures à essayer de comprendre l'incompréhensible. Mais je m'efforce de gratter sous le vernis médiatique de surface. C'est vachement prétentieux d'y prétendre, mais je crois que les échanges que je lis via forum m'y aident. On croise là (sur un forum un minimum sérieux, cela va sans dire...) des avis très divergeants, avec souvent une grande pertinence. Aucun des personnages qui s'exprime ne sait tout, mais certains ont quand même une connaissance suffisamment approfondie pour soulever un coin du problème qui n'est pas abordé dans l'info superficielle. J'écoute aussi beaucoup la radio, et de préférence les voix un peu discordantes. Elles-même salutairement remises en question en d'autres lieux. Bref, avec des oreilles orientées tout azimut, j'apprends à voir au delà des apparences. Disons que cela élargit le champ d'investigations, tout l'approfondissement restant à faire ensuite. Vaste travail...

A ce sujet, je me rends compte que, comme la plupart de mes contemporains, je ne m'intéresse non seulement qu'à ce qui est médiatisé (l'influence est considérable), mais en plus à ce qui me concerne. Difficile de s'informer sur ce qui se passe en Tchétchénie, par exemple. Ou même en d'autres lieux dont je ne sais rien. 

Et là, il y a quelque chose qui m'énerve. Qui m'insatisfait. Une question du genre: «Est-ce que l'injustice me révolte vraiment?». Je veux dire... bien sûr qu'humainement je suis horrifié par les massacres, l'exploitation de l'homme par l'homme, les drois élementaires bafoués... mais à part ça, qu'est-ce que je fais pour que ça change? Rien du tout! En fait, je m'en contrefous. Ma morale, ma gentille morale se révolte et hurle, mais une autre part de moi se dit "c'est loin, on ne peut rien y faire, c'est pas de chance pour eux...». J'accepte cet état de fait, parce que je ne fais rien contre. Je n'agis pas. Faut dire que je ne sais pas bien comment agir...

J'aime pas cette attitude. J'aime pas regarder au fond de moi et y voir ça. Mais d'un autre coté, je me dis que j'ai de la chance, que je suis heureux, que je bénéficie de ce dont plein de gens rêvent (et même au dela...) et qu'il serait vraiment con que je ne jouisse pas de ce qui m'est possible. Mais c'est pas vraiment satisfaisant, moralement parlant. Il y a une opposition entre le Carpe diem d'une société de riches et la préoccupation de justice entre tous. Alors en fait je choisis une solution intermédiaire, attentiste, donc lâche: je suis prêt à partager, je considère que c'est normal, mais j'attends que ce soit nécessaire. D'être devant la nécessité de le faire. D'accord sur le principe, mais attendant d'avoir à l'appliquer.

Je suis aussi un individualiste, considérant que c'est à chacun de se prendre en charge et ne pas attendre que les solutions viennent d'en haut (euh... ce qui est un peu contradictoire avec ce que je viens d'énoncer dans le paragraphe précédent...). Je n'attends pas de la société qu'elle s'occupe de moi, et je n'aime pas cet état d'esprit pourtant très commun. La société est là pour aider, dépanner, soutenir, mais pas materner. Nous sommes des adultes, libres de notre destin (dans les limites qui lui sont imparties...).

Bon, je mélange un peu tout là, en évoquant à la fois les guerres contre lesquelles l'individu n'est qu'un pion, et notre société occidentale où le libre arbitre est bien plus aisé. Je crois beaucoup à la somme des individualités pour faire changer la société, pas du tout à l'inverse. Pour moi, la société est une somme d'individualités. Tout dépend donc de nous, de moi.

Je retombe alors sur mes pattes (après moult digressions...) quand je parle d'une CEV apathique dans laquelle peu s'impliquent, et ma propre non-implication dans la société dans laquelle je vis. C'est pas la même échelle, mais le même principe: le pouvoir de l'individu c'est de tenter de faire changer les choses dans le sens qui lui semble bon.





«en fait, je me dis maintenant, que tout acte d'écrire et d'autodiffusion est prétentieux. on peut écrire sans la prétention d'Écrire, mais on a toujours la prétention de se croire intéressant pour un lecteur potentiel puisqu'on se diffuse. on peut prendre toutes les précautions possibles, mettre des phrases d'introduction, se présentant comme une personne humble, on peut présenter son entreprise comme "sans prétention" (phrase souvent en exergue des sites perso...)... mais si on a pensé à mettre cette petite phrase là, c'est bien que l'idée de cette fameuse prétention de l'entreprise de diffusion à effleuré l'esprit du scripteur..

Je parle trop (04/01/2003)


Accompagner




Lundi 6 janvier

Ah ben c'est malin... me suis encore débrouillé pour faire parler de moi sur le forum CEV. Moi qui voulais rester peinard sur mon site, j'aurais dû penser que donner un avis un peu discordant risquait de réveiller une guéguerre. Pfff, y'en a qui s'excitent vite.

M'en fous, maintenant je donne mon avis et puis c'est tout. J'assume le fait qu'il y ait des gens en désaccord, voire qui m'agressent. C'est pas mon problème. Je ne vais pas me taire parce que ce que je pense peut déplaire. Tant qu'on peut discuter, il n'y a aucun problème. Et d'ailleurs, ça se passe plutôt bien dans l'ensemble. Et puis au moins on discute "sérieusement".

Bon, tout le chapitre précédent est évidemment écrit pour les yeux qui viendraient ici par curiosité. Mais à part ça, on s'en fout un peu. On va pas encore en faire une histoire, hein? La plupart de mes lecteurs s'en moquent. Et moi j'ai assez donné dans le sensationnel il y a quelques mois.

Comme je n'aime pas écrire en sentant une pression quelconque je me limiterai à ça pour aujourd'hui...

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Une femme, qui raconte son amour. Je lis, je souris. C'est beau, c'est émouvant. Elle est pudique mais ses mots laissent cours à une imagination respectueuse. Tout en finesse et en arabesques. Elle raconte ce qui lui appartient, nous l'offre. Je la suis dans ses mots. J'y crois.

Imperceptiblement une tristesse l'envahit. Inexpliquée. Alors ma lecture devient hésitante, s'arrête, revient en arrière, se perd en songes. Quelque chose en moi qui se cabre, ne comprend pas. Mais que puis-je comprendre? Ce n'est pas mon histoire, c'est la sienne. Une tristesse m'envahit. Je n'ose tourner la page...

Et puis elle revient, sautillante, semblant avoir tout oublié... Ephémère répit. C'était pour mieux expliquer les apparences. Ne pas se fier à la façade, ne pas se faire d'illusions. Mais elle même ne sait plus ce qui est vérité ou mensonge. Alors un espoir apparaît, timide, secret, lointain. Le chemin semble encore long avant que le bonheur ne se laisse cueillir. J'aimerai l'encourager, lui apprendre à saisir ce à quoi elle aspire. Je n'ai pas ce pouvoir. Il est en elle, seulement en elle. La seule chose que je puisse faire, c'est rester dans l'ombre, et l'accompagner d'un regard qui aimerait lui transmettre d'infimes parcelles de confiance, afin qu'elle ose croire en elle. Mon intuition est ma seule force de conviction...


Rétention d'information



Mardi 7 janvier

Pouark! Je suis ce qui se dit sur le forum de la CEV. J'interviens de temps à autres, du ton docte qui agace toujours les mêmes. C'est absolument la-men-table. Un dégueulis de mini-messages sans aucun intérêt. Un forum en SMS. Mais bon... faut laisser faire. C'est comme ça, y'a rien à dire. Peut-être qu'un jour... non, peut-être rien. Maintenant que ça a commencé ça ne reviendra plus en arrière. Ça va juste se calmer un peu quand les provocateurs verront que ça ne donne plus rien. Soit parce qu'on se sera habitués aux provocations (ça s'use vite, la provoc'), soit parce que plein de gens auront pensé que ce forum n'avait aucun intérêt.

Bon, on va pas en faire une histoire, c'est le fonctionnement normal des forums.

En attendant, je fais de la rétention d'informations. Je ne mets pas en ligne mes écrits. Et d'ailleurs, je n'ai pas grand chose à raconter. Non qu'il ne se passe rien, au contraire, mais bon... c'est pas des trucs que j'ai envie de laisser là. Juste un petit truc qui se prépare, entre quelques diaristes, dans les prochains jours (seuls les initiés comprendront...). Puis un truc qui me touche (seule l'intéressée comprendra). Mouais, je deviens un peu plus secret. Désolé.

Finalement, je le demande pourquoi je tente encore de faire passer mes idées là où elles sont refusées. C'est pas sur des forums que je trouverai une vraie richesse à échanger. Plus maintenant, plus sur des forums tout public. C'est pas le lieu. En fait, je crois que je m'obstine jusqu'à ce que j'aie définitivement compris qu'il n'y avait rien à en attendre. J'essaie, je recommence, sous toutes les formes et tous les tons. Rien à faire, les idées que je défends, avec d'autres, sont indésirables pour quelques personnes qui le manifestent haut et fort. Apparemment leur blocage est efficace.

Un jour je n'irai plus sur les forums. Vivement qu'il arrive! Vite que mon apprentissage se termine.

Dommage quand même, parce que j'aime ce brassage d'idées, mais c'est vraiment trop pénible à suivre. Tant de temps passé pour lire autant d'insignifiance...


J'ai peur...




Mercredi 8 janvier

J'ai peur...

J'ai mal dormi cette nuit. Des cauchemards dont je ne me souviens pas, mais dont je savais l'origine: j'ai peur. Parce que demain je vais faire quelque chose préparé depuis longtemps, désiré, choisi... mais qui va mettre à rude épreuve mes contradictions internes. Entre celui que je me sens devenir, plein d'assurance et d'audace, et celui que je suis encore, intimidé, doutant de ses capacités. Je me suis lancé dans quelque chose qui a un coté déraisonnable, en toute lucidité, poussé par une forte motivation. Mais maintenant que tout est prêt, enclenché, ma propre détermination me fait peur.

Demain je brise la glace, j'affronte le réel. En terrain de confiance, certes, bien préparé, mais avec comme seul bagage mon être, ma personnalité. C'est avant tout en moi, que je dois avoir confiance. Ne pas douter, ne pas craindre de décevoir. Ne pas craindre non plus d'être déçu. Tout est bati sur une appréciation mutuelle et une confiance réciproque.

Je sais que pour moi c'est une épreuve importante. Une pierre de plus dans la reconstruction de moi afin d'acquérir la solidité que donne la confiance en soi.

J'ai mal dormi parce qu'une partie de l'épreuve va peut-être ne pas être possible. Je l'envisageais, je savais que cette éventualité existait, mais je m'étais quand même préparé de longue date en faisant comme si elle aurait lieu. Parce que je la désirais aussi ardemment que je la redoutais. Les deux faisaient parti d'un tout, d'un défi que je me suis lancé. Un défi multiple: oser être moi, oser me montrer, oser me faire plaisir, oser aller plus loin dans la relation que j'entretiens avec les gens.

Alors hier soir j'ai insisté pour que cette épreuve ne soit pas annulée. Et je me rends compte que rien que ça me demande beaucoup de ressource. Parce que rien que de dire que j'attendais ce moment fait partie du dévoilement. Je suis allé loin, peut être fragilisé par la tristesse d'être privé de ce moment d'émotions contaires: désir et peur. Aller loin, c'est prendre le risque d'aller trop loin. Trop insister et en devenir désagréable, ou même seulement gênant. Pourtant, je sais que la qualité des relations humaines est à au prix de la sincérité. Directement liée à celle-ci. Alors j'ai été moi-même. Mais j'ai peur.

Aujourd'hui, je suis malade de peur.


Du collectif à l'intime



Samedi 11 janvier

Je ne sais plus bien ce que représente ce journal.

Exutoire destiné à libérer mes pensées, avant tout pour mon usage personnel mais proposé aux yeux extérieurs?

Feuilleton écrit jour après jour pour un lectorat habitué?

Circulaire rédigée en pensant à un cercle restreint de mes connaissances virtuelles?

Lettres presque nominatives que je confonds en une seule écriture, mais pensant précisément à tel ou tel qui les lira?

Tribune explicative de mes diverses participations à la vie communautaire des diaristes?

Un peu de tout ça, et variant selon les jours, ou même les paragraphes du texte. Il est loin le temps ou je n'avais pas conscience de tous ces niveaux de lecture. Je m'adressais seulement à un lectorat global, non identifié, une unité confondue. Maintenant que je me sais lu de diverses manières, à la fois par des personnes qui me sont devenues très proches, de simples connaissances du net, ou des personnes qui me sont hostiles, j'ai parfois des difficultés à faire cohabiter le ton qui conviendrait pour chacun. Je crois qu'il est difficile de s'exposer, se socialiser son pseudonyme en sortant de l'anonymat de la discrétion. Je sais que des diaristes restent volontairement à l'écart de "la communauté", et je comprends leur volonté. Ils restent beaucoup plus libres dans leur écriture, avec une relation "intime" avec leurs lecteurs. Au contraire, prendre part aux discussions, s'exposer sur un forum, c'est se montrer sous un autre jour, c'est devenir visible. Susciter des jugements, favorables ou négatifs. Prendre le risque de se faire prendre à parti.

Encore une fois, je me suis laissé aller à ce jeu dangereux. Or je ne suis pas fait pour ça. Je n'aime pas attirer l'attention. Pourtant, je sais que je cherche dans ce genre de lieu une façon de me socialiser, de confronter mes idées à celles des autres. J'en ai besoin pour savoir qui je suis. Mais je le paie cher. Souvent trop cher. Et pas mal des gens qui me lisent ne peuvent même pas imaginer comment on peut se laisser atteindre par ce qui ne serait que du "virtuel", venu de la part de personnes que je ne rencontrerai sans doute jamais.

Je commence à comprendre pourquoi j'ai des difficultés sur les forums. Il pourrait y avoir deux raisons principales. La première, c'est qu'en donnant mon avis, je m'expose à ce qu'on donne son avis sur moi. Or il me semble qu'un problème se pose parce que les modes d'expression ne sont pas les mêmes. J'essaie de m'en tenir aux idées, alors que les réponses s'en prennent souvent à l'individu. Ce n'est pas une règle absolue, parce qu'à moi aussi il m'arrive de faire fausse route en m'en prenant à l'individu. Je sais que je ne devrais pas. Ce qui est sûr, c'est que je m'efforce de donner mon avis sans agressivité, sans jugement sur l'ensemble de la personne. Mais c'est là qu'il se passe quelque chose de bizarre. Du moins que je ne comprends pas. Alors que je critique une façon d'être, l'interpellé (ou ceux qui jugent bon de le défendre!) le prennent pour une attaque personnelle. Et inversement, j'ai tendance à croire que c'est moi qui suis jugé en intégralité sur des évènements très partiels. Si je demeure indifférent aux attaques grossières et démesurées, je suis en revanche très sensible à l'interprétation erronée qui est faite de mes propos.

C'est là que la deuxième raison entre en jeu. Je suis quelqu'un de très précis (je m'efforce de l'être), assez rigoureux dans ma façon d'être. J'utilise donc des mots dans un sens choisi et mesuré, à leur place. Et je m'attends à ce que mes interlocuteurs aient le même langage. Or il n'en est rien. Chacun a sa façon d'assembler les mots, de leur donner un sens. Et moi, j'entends les mots des autres dans leur sens premier, sans penser qu'ils ont pu être assemblés de façon un peu moins aboutie que les miens. L'exigeance que je m'applique, je m'attends à ce qu'elle soit aussi appliquée par les autres. Si par exemple je dis "la CEV devient quelque chose qui ne me convient pas", cette phrase ou chaque mot à un sens est entendue comme "la CEV ne lui convient pas". Un mot à sauté, essentiel, qui change le sens de la phrase. Et si par malheur, je me suis laissé emporté sur cette phrase là, c'est justement ce dérapage qui va être mis en exergue. Ajouté à la simplification précédente, on en arrive à un message très différent de celui que je voulais donner. Le problème, c'est que de ce message erronné, répété ainsi, peut partir toute une polémique.

J'ai parfois l'impression de faire un travail précis à coté de gens qui travaillent à la hache... C'est comme si on sculptait le même objet à plusieurs. Les uns avec des gouges fines et au polissoir, les autres à coup de hache. Bien que chacun ait son mode d'expression, le fait que les deux cohabitent rend le travail commun impossible. Les fignoleurs agacent ceux qui veulent travailler avec les coudées franches, et inversement. Au point que je me demande vraiment si la cohabitation est possible. J'ai trouvé ce problème sur tous les forums où je me suis rendu, et je me suis heurté à chaque fois au même blocage, avec les mêmes réponses: chacun est libre de s'exprimer comme il veut. Argument imparable, auquel je suis bien forcé de me rallier. Et pourtant, je ne peux pas m'exprimer comme je le souhaite...


En parlant d'exigence, je me rends compte à quel point celle-ci gouverne ma façon d'être. Si j'ai pu m'en détacher en ce qui concerne le travail et ma vie quotidienne, c'est encore loin d'être le cas dans le domaine relationnel. Il faut dire que je n'ai jamais été beaucoup confronté aux groupes... Pour tout dire, je les ai même toujours fuis. Justement parce que je ne peux y trouver ma liberté d'expression. Un groupe non choisi, ce sont souvent des enjeux de pouvoir, d'alliances. Un coté lutte, camp à choisir, comportement de moutons. Je me méfie beaucoup trop de cette tendance assez peu reluisante de l'humain pour m'y sentir à l'aise. Tout comportement dominant est pour moi source de stress. Je n'aime ni être dominé, ni être dominant. Les seules personnes avec qui je me sens bien sont celles avec qui ce genre de rapports n'existent pas.

Quand je dis que je suis exigeant dans les rapports sociaux, je pense notamment à ce coté "sérieux" que l'on me reproche souvent. J'ai effectivement du mal à supporter que, là où on voudrait avoir des rapports approfondis, vienne se glisser du superficiel. Parce que ce n'est pas sa place à ce moment là. Pourtant, je comprends parfaitement l'envie de se détendre. Et moi-même j'ai parfois l'impression de plaisanter là où ça ne convient pas. J'ai peur de déranger ceux qui voudraient plus d'exigence. La différence, c'est que je suis prêt à cesser si je sais que je dérange, alors que d'autres refusent de changer d'attitude quand on leur demande. Je ne sais pas ce qui est le mieux. S'il faut céder aux demandes des autres ou imposer sa manière de faire au nom de la liberté de chaque individu. Pour le moment, j'ai toujours prévilégié la première option, me faisant passer après les autres. Mais c'est peut-être un tort. Parce que c'est souvent frustrant, d'autant plus qu'on a l'impression de se "faire avoir" des deux cotés. A la fois par les gens plus rigoureux, et par ceux qui le sont moins. Du genre bonne poire qui cède toujours devant les exigences des autres. C'est chiant.
Mais je n'ai pas à le reprocher aux autres. C'est à moi de choisir ce que je veux...

Je parle en roue libre, et je ne sais pas trop où mes mots me mènent...

Ce à quoi je voulais en venir, c'est que mon exigence, ma rigidité, je ne les choisis pas. Je suis fait comme ça. Ils font partie de moi, de mon processus de pensée. Je ne peux pas, parce que je l'aurais décidé, me débarrasser de ça en un clin d'oeil. C'est d'ailleurs souvent agaçant ces conseils que je reçois qui me disent ce que je devrais ou pas faire pour ne plus être aussi sensible à des situations délicates. Je sais que cela part d'un bon sentiment, du désir de m'aider, et d'un coté j'apprécie cette sollicitude. Mais quand c'est pour me donner une recette en apparence facile à appliquer, ça m'énerve un peu. Parce que non, vraiment, ce n'est pas simple de se changer. Je mesure à ces "bons conseil" l'étendue qui me sépare de ceux qui me les prodiguent avec la meilleure bonne volonté. Et pourtant, comment ne pas comprendre ceux qui voudraient m'aider? Moi-même, je sais que je me permets aussi de donner parfois ma vision des choses, et peut-être que j'agace un peu aussi.

D'un autre coté, pourquoi est-ce que je raconte mes états d'âme si je ne veux pas de conseils? Ben... parce que j'ai besoin d'extérioriser pour essayer de comprendre comment je fonctionne. Et finalement, tous ces avis que je reçois m'aident certainement.

Bon, j'ai perdu le fil de mes idées, qui vont beaucoup plus vite que l'écriture. En commençant, ce n'était pas vers ça que je pensais aller. Les pensées sont comme les branches d'un arbre: elles se divisent en de multiples ramifications au fur et à mesure qu'on les parcourt.

Et les origines de nos comportements sont comme des racines: ancrées en de multiples points, cachés de la conscience. Seul un examen sous le terrain de la conscience peut permettre de trouver leur origine, radicelle par radicelle.

A part ça...

A part ces rapports un peu difficiles avec des gens que l'on ne choisit pas, il y a les rapports avec les gens que l'on apprécie. Ils sont d'un tout autre ordre, et pas du tout soumis aux mêmes lois. Et je me disais, alors que je me trouvais en présence de personnalités bien réelles, qu'il y a assurément plus de plaisir à prendre là que dans des débats sans fin et sans réelle portée. D'ailleurs, alors que je vivais ces moments très détendus, je percevais toute l'incongruité de ma démarche sur le forum de la CEV.

Bon, soyons clair... J'ai fait une petite folie avant hier en faisant le déplacement pour rencontrer des diaristes en vrai de vrai. Ce fût un grand plaisir de pouvoir mettre non seulement un visage, mais aussi des voix, leur intonation, une gestuelle, des sourires et des regards. Ce qui m'a presque le plus surpris, c'est de trouver des gens conformes à l'idée que je m'étais faite d'eux depuis des années que nous nous croisons de façon plus ou moins proche. Etonamment, j'ai oublié presque totalement la peur que j'avais la veille. Et c'est sans appréhension particulière que j'ai poussé la porte du café où nous nous étions donnés rendez-vous. Je n'ai même pas pensé au fait que mon visage était totalement inconnu en m'avançant vers ceux qui m'attendaient (il semble que la p'tite p'tite photo que j'ai mise sur ce site n'est pas très indicative...). Mon petit voyage a été suffisamment dense et riche en sensations pour que j'ai eu l'impression de vivre trois jours en un! Il faut dire qu'entre mes réflexions d'avant, pendant et après, j'ai notablement gonflé les effets de cette rencontre. Que dire d'autre que tout le monde était très sympathique... Je ne vais pas raconter ici en détail ce que nous nous sommes dit. Il a été beaucoup question de diarisme, et on a même abordé les choses sous un angle inattendu. Euh... le seul problème c'est que pour le moment je ne me souviens plus de cette idée particulière qui nous est apparue au cours de la conversation. Mais je suis sûr que ça me reviendra par association d'idées un autre jour.


Vous voyez qu'il y en a davantage à dire pour ce qui pose problème que pour ce qui s'est bien passé...

Mais c'est aussi parce que je ne parle plus seulement de moi. Je ne peux m'exprimer aussi librement lorsque d'autres font partie de l'histoire.

Voila typiquement le genre d'entrée qui s'adresse à des lectorats très divers. Et je me rends compte une fois de plus que l'intime prend une autre dimension sur internet. Devient intime ce qui concerne ma vie privée avec d'autres personnes de ce monde-là.



«Le phénomène du journal en ligne a pris une grande expansion ces dernières années. Il en existe de tous les genres et c'est très bien comme cela, chacun y trouvant son compte. Or, ce qui me rend mal à l'aise, c'est la facilité avec laquelle un journal est maintenant atteignable sur le net, principalement depuis l'arrivée de tous ces puissants moteurs de recherche qui réfèrent nos écrits sans que nous n'ayons cherché à le faire.»

Au bonheur du jour (10/01/2003)


On se calme...


Dimanche 12 janvier


Une fois de plus, je n'ai pas mis mon texte en ligne hier. Et ce matin, je me suis demandé si je devais le laisser ou, pour la première fois, le supprimer. Tout ça parce que je parle encore de mes difficultés sur forum. Je ne veux plus parler de ça. Ce sont vraiment des évènements sans aucune importance. Ça m'énerve de voir que j'ai parlé de ces broutilles avant un autre évènement qui a été beaucoup plus important pour moi et dont je me souviendrai toujours. Alors que ces bêtises sur un forum... pfff... éphémère et dérisoire.

Je crois que j'ai pris une nouvelle fois conscience du fait que je ne serai jamais fait pour m'intégrer à des groupes hétéroclites. Je suis et demeure un solitaire, qui ne peut partager qu'en confiance et dans un respect mutuel. Je ne veux plus ouvrir mon antre à des gens qui ne le méritent pas. Ce qui est rassurant, c'est que là où il me fallait des semaines avant de comprendre comme la discussion était vaine, je réagis maintenant en seulement quelques jours. Progrès notable donc. Si je pouvais comprendre instantanément, à l'avenir, ça serait encore mieux.

Mais peut-être que cette fois j'ai compris un peu mieux. Ne serait-ce que cette idée que je ne peux pas me socialiser au sein de certains groupes. D'ailleurs, ça ne m'intéresse pas. Je me rends compte que j'essayais de voir si les éléments les plus différents de ce que je suis pouvaient s'adapter à mes exigences, mais force est de constater que c'est impossible. Ça se comprend. C'est donc à moi d'accepter la voix de la majorité, et de m'adapter... ou de quitter. Je crois que j'attendais de voir si j'étais quelque peu suivi, mais ma voix est restée bien solitaire. Il ne me reste qu'a m'incliner. Et ne pas chercher à m'intégrer dans un groupe qui ne me convient pas. J'ai beaucoup plus de richesses à découvrir parmi ceux qui m'acceptent tel que je suis et avec qui je partage vraiment une façon de voir les choses.

Je ne sais pas si je participerai encore à ce forum, mais ce qui est sûr c'est que je ne veux plus m'investir dans la défense d'une certaine éthique du diarisme en face de ceux qui n'en veulent pas. Je me bornerai éventuellement à donner mon avis, si j'en ressens vraiment le besoin. Reste à savoir si ce besoin sera supérieur à l'impression d'inutilité d'en faire part...

Bien, ce chapître étant clos, j'espère pouvoir approfondir un peu plus avec les gens que j'estime vraiment. Il y a tant de plaisir à partager plutôt qu'à lutter contre l'imbecillité. Je me prends un peu trop pour Don Quichotte moi.

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Hier, j'abordais un peu la notion d'intimité et de vie privée qui se crée dans le monde virtuel. On se rend bien compte que ce terme de virtuel est factice puisqu'en fait il reproduit à l'identique ce qui se passe dans la vie dite "réelle". Oui, même dans le monde virtuel il existe une vie privée. C'est d'ailleurs quelque chose que je mesurais depuis un certain temps, en ne disant plus avec qui j'entretiens des liens, mais qui a ressurgi lorsque je me suis demandé si je relatais cette rencontre que j'ai faite il y a quelques jours. Avais-je le droit d'en parler alors que je ne suis pas le seul impliqué? Comment les autres protagonistes allaient-ils l'évoquer? Le feraient-ils?

Pourtant, c'est un évènement important de ma vie de diariste, et même de ma vie tout court. Mon journal devait-il en être privé? Et moi qui ait axé mes réflexions sur les relations virtuelles, pouvais-je faire l'impasse sur ce qui est, en quelque sorte, l'aboutissement de ce monde virtuel, lorsqu'il devient enfin sensoriel?

Je sais que c'est mon coté "diariste public", et notamment la crainte de ces regards hostiles, qui m'a fait longuement hésiter. Parce que je ne veux pas associer à mon nom celui des personnes que j'ai rencontrées. Peut-être l'impression de les "salir" avec ma sale réputation. Je sais, c'est idiot, mais je préfère être prudent.

C'est en me rendant compte de l'absurdité de la situation que j'ai compris que je devais m'effacer de ces pugilats désespérants. Je crois qu'il faut que j'accepte l'idée qu'il y a des gens vraiment cons. C'est pas possible autrement. Sans chercher à comprendre, excuser, ou me faire comprendre. Et que je n'ai rien à faire avec des individus pareils. C'est un coup de canif dans mes convictions idéalistes, qui persistaient à me faire croire que tout peut se régler par le dialogue. Non, ça ne marche pas. Pas davantage que la logique du conflit. La seule solution est le "chacun pour soi". Les idées de l'un, celles de l'autre, et parfois l'impossibilité de se comprendre. Et ne surtout pas chercher cet impossible accord.

Oui, je suis un grand naïf d'avoir cru des choses pareilles. Un innocent plutôt, qui découvre, à un âge fort avancé, les rapports humains. C'est dans la suite de toutes mes découvertes sur moi-même, de mes rapports aux autres. Ce que je n'ai pas accompli à l'adolescence, je le fais maintenant. Et je dois me débrouiller pour rattraper en marche le train de ceux qui sont partis bien avant moi. Et ne pas espérer de leur part qu'ils m'attendent, ou me comprenent. C'est à moi de m'adapter et de trouver l'environnement qui me convient, et comment me comporter dans ceux que je trouve hostiles.

Mon bonheur ne sera jamais là, et je dois fuir ces situations difficiles pour moi. Ce serait une aberration que de persister. Je crois que j'avais besoin d'aller jusqu'au bout pour comprendre que mes efforts étaient vains. Comme j'ai du aller jusqu'au bout avec Laura qui ne voulait admettre ma soif de comprendre. Je suis comme ça: je dois faire mes expériences tout seul, admettre les conseils que l'on me donne après les avoir éprouvés. Me prendre des claques avant de renoncer. Mais je sais par expérience que c'est efficace et définitif. Long, avec rechutes inévitables, mais toujours régressives et de plus en plus distantes.

Mes joies, je les ai lorsque je rencontre cette lectrice de très longue date, avec qui je peux discuter de façon (presque) très détendue. Quelqu'un qui n'est pas forcément d'accord ni avec mes idées, ni avec ma façon de réagir et de persister, mais qui ne me juge pas, qui m'accepte tel que je suis. Notre complicité est dans nos lectures communes et notre passion égale pour les relations virtuelles, bien que pas du tout vécues de la même façon.

Mon plaisir, je l'ai lorsque je fais cette escapade parisienne, moi, l'homme marié et père de famille, pour rencontrer des personnes qui me sont chères. Il est aussi dans la confiance qu'à Charlotte en moi (pensez-donc, rencontrer des femmes avec qui je dis avoir du plaisir à échanger, alors qu'elle ne sait d'elles que ce que je lui en dis).

Mon bien-être, il est à me trouver tout seul en haut de l'esplanade du Trocadéro, me réchauffant au soleil en regardant les bassins couverts de glace, dominant cet immense espace magnifié par la Tour Eiffel. Monument symbolique que je m'approprie au détour, si loin de mon cadre de vie champêtre et solitaire. Il est à m'octroyer la lubie de passer sous cette tour, puis remonter tout le champ de mars glacé et parsemé de neige.

Ma victoire, elle consiste à aller d'un pas décidé au devant de l'inconnu, mais que je sais bon pour moi et surtout... que je (hésitation longue...) que je... sais bon pour d'autres. Oui, que je sais, parce que c'est un choix si ces personnes sont là et m'ont donné ce rendez-vous. C'est bien qu'elles avaient envie de me rencontrer. C'est bien que, d'une façon ou d'une autre, ma personnalité leur plait. (ouuuuuuf, je l'ai dit!). Et ça, je vous assure que ce n'est pas une mince victoire sur moi même que d'aller confiant en moi! Alors à coté, les stupidités qu'on peut dire de moi sur un forum... pfffft... insignifiant.

L'évènement le plus fort, dans ma démarche, aura sans doute été de pouvoir convaincre une des personnes à venir, alors que cela paraissait compromis. J'ai osé insister, dire mon attachement et l'importance que cette présence avait pour moi. J'ai osé... et mon insistance à payé. Ce fut quelque chose de très gratifiant pour moi de me rendre compte que je comptais suffisamment pour avoir une influence. (oh la la, et dire qu'elles vont lire ça...).

Et puis, but de ce petit séjour, l'ensemble de la rencontre en elle-même restera un moment très important de ma vie. Pour toutes les raisons évoquées, et parce que cela concrétise la force des liens qui existent, et qui vont bien au delà de tout ce qui peut-être dit de ce monde virtuel. Moment important, comme d'autres l'ont été quand je rencontrais d'autres connaissances du monde virtuel, hors du diarisme. Moments qui me marquent, me construisent, me donnent confiance en celui que je suis pour les autres. Qui matérialisent l'abstraction des pseudonymes. Qui matérialisent ma propre existence, détruisant cet encombrant paravent que constitue l'écran.

Notre immatérialité est parfois un peu gênante, parce qu'elle marque artificiellement une distance. Et pourtant, c'est aussi grâce à cette distance qu'il est possible d'aller aussi loin dans l'ouverture de soi... D'ailleurs, la présence physique marque toujours un léger recul par rapport aux échanges sans présence. Comme si, malgré tout, il fallait que quelque chose sépare deux intimités.

Je me demande même si ce n'est pas avec les personnes les plus proches, virtuellement parlant, que j'ai été le plus différent dans la réalité. Parce que le contact habituel n'était pas possible en présence de tiers? Ou parce que la présence réelle créait un distance dans le partage? Je ne sais pas...

Quoique... peut-être bien que j'ai aussi été différent avec les moins connues (voire totalement inconnues), touchant de près une présence et une chaleur que j'ignorais.

Mais... ça me gêne de parler de tout ça. Intime.


«Car parmi toutes les pièces du puzzle de mon histoire, il y a des sections entières qui n'ont pas abouti. Qui sont inachevées et impossibles à compléter... et dont l'histoire s'est terminée sans que la fin ne soit concluante. Et ça s'est arrêté parce qu'il n'y avait plus de morceaux à intégrer pour former cette section de l'image. C'est parfois l'absence qui crée un vide et je me retrouve alors incapable de rapiécer ou de préciser ce qui commençait à apparaître. »

Apologies inutiles et petites lubies sans façons (12/01/2003)

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Le don de confiance




Lundi 13 janvier


Nous parlions avec Charlotte, tout à l'heure, de nos rapports aux autres et des difficultés qui peuvent en naître autant que des plaisirs issus du partage. Sans étonnement, nous en sommes arrivés une fois de plus à cette nécessité de confiance qui doit exister en l'autre (et aussi en soi...). Nous évoquions le cas de ces gens à qui on se confie sans mesurer assez les risques que l'on prend. Parce que jour de déprime, parce qu'on a cru déceler une écoute, parce qu'à ce moment là le besoin de parler était là... Mais il arrive que l'oreille attentive soit aussi affublée d'une bouche bavarde. Et les confidences données en confiance, risquent alors d'être éparpillées aux quatre vents, sans que l'on sache bien quelle nouvelles oreilles en bénéficieront.

Nous sommes tombés d'accord pour dire que l'écoute est avant tout un don. «Je te donne mon oreille, contre rien d'autre que le plaisir de te soulager, de partager un peu tes soucis, mais je n'en retirerai aucun autre bénéfice que purement intérieur». Pas question de disposer de ce pouvoir dont on est le dépositaire. Alors que nous évoquions le sujet avec Charlotte (et - chuuut - sans doute encore sous le charme d'une longue conversation nocturne avec une amie précieuse), j'ai senti monter en moi une émotion grandissante, mêlant tristesse et espoir. Me revenaient en mémoire ces trahisons de l'enfance, celles qui m'ont si longtemps fermé les lèvres de peur de donner encore de ce pouvoir dont on avait abusé. Mais j'entrevoyais aussi tous ces possibles à venir

Oups, je respire un grand coup...

La confiance en l'autre est pour moi la plus belle chose qui soit des rapports humains. Je crois que je la place plus haut que l'amour ou l'amitié, puisqu'ils y sont inféodés. Sentir cette confiance, et son inévitable complice la sincérité, déclenche toujours en moi des sensations immenses. Le bonheur est là. Dans cette fragilité offerte, dans ce partage absolu, dans cette intimité ouverte. Il y a là quelque chose de puissamment beau. Je ne sais ce qui se passe à ces moments rares, mais je sais que je vis pleinement. C'est pour moi l'état de grâce. Le temps s'arrête à ces instants là, et toute la vie s'y concentre

J'ignore si chacun vit les choses comme moi. N'en parlant presque jamais, parce que je montrerais trop ma vulnérabilité, je n'ai que rarement eu l'occasion de partager mes impressions à ce sujet. Mais à chacune des rares fois où j'ai pu le faire, j'ai rencontré un écho favorable. Et ressenti un bien-être parfait. En fait, je sais où se trouve mon bonheur. Il est dans ces moments là. Voilà pourquoi j'apprécie autant mes conversations avec Charlotte, avec qui cette confiance est très grande. Peut-être est-ce même une des clés de notre attachement et de sa durée.

Voila aussi pourquoi ce journal et les retours que j'en ai comptent autant à mes yeux. Parce que parfois je touche quelque chose d'essentiel chez le lecteur, qui le pousse à me le dire et me confier une part de lui. Et je procède de la même façon en tant que lecteur.

Voila pourquoi j'aspire (en vain...) à une certaine harmonie dans les discussions, insistant (lourdement), sur cette nécessité du respect de chacun afin que tous puissent s'y exprimer sans trop de craintes.

Voila enfin pourquoi j'apprécie autant les rapports privilégiés qui s'établissent avec certaines personnes, lorsqu'ils permettent de toucher la fragilité de l'autre... et que cet autre accepte de la dévoiler. Don et attente mutuels. Ces moments là, et pour peu que je les partage avec une femme, me troublent. Ils déclenchent irrésistiblement une attirance dont je ne saurais qualifier la nature. Mélange indiscernable de la joie de l'échange en confiance et d'une séduction qui opère indéniablement. Ce que je sais, c'est qu'elle vient de toute la profondeur de mon être. Parce qu'à ces moments là je touche au bonheur et que l'envie de l'étreindre (je parle du bonheur, hein...) m'en ferait perdre la tête.

Hier, j'ai touché ce bonheur, envoûté par des mots offerts en confiance, heureux de cette écoute, séduit par ce partage de confiances. Et puis... et puis... Oh, que ces silences et ce souffle m'ont été doux...
Ils m'accompagnent encore.



Cette nuit, j'ai rêvé que ma soeur avait découvert ce journal depuis longtemps et le lisait régulièrement. Gloups! J'espérais qu'elle n'avait pas tout lu... Certains passages délicats me restent en mémoire et m'interdisent toute tentation d'évocation de ce journal auprès de mon entourage.




«de l'extérieur, de position de lecteur, je ne sais si l'on imagine les relations fortes qui peuvent parfois se tisser de journal à journal. on se découvre comme ça, dans l'oblique de l'écriture, chacun dans le silence de sa lecture. puis commencent les mails timides où l'on sent bien que l'autre, cette altérité, à peine entre aperçue vous est terriblement proche, vous fait écho. à force de mails, la différence s'établit, on dresse un portrait léger, timide, en touches imprécises et il se construit une étonnante tendresse pour cet autre que l'on n'a jamais vu mais qui vous touche profondément pourtant. »

Je parle trop (12/01/2003)





Amitiés féminines



Mardi 14 janvier

Impression bizarre de malaise cette nuit. C'est comme si tout d'un coup je prenais conscience de cette folie d'écriture sous autant de regards. Je me suis senti avoir honte d'étaler avec autant d'impudeur mes pensées ici, laisser trace de mes errances, de mes fausses routes, de mes naïvetés. J'ai eu peur de la vulnérabilité que j'étalais au grand jour, offrant une fragilité qui pourrait être gravement touchée si quelqu'un voulait me nuire. Oh, certes, je suis de taille à me défendre, mais le fait que mes faiblesses ne soient pas dissimulées m'obligerait à déployer beaucoup d'énergie pour cette défense. Et je sais que je mettrais beaucoup de temps pour récupérer. J'en ai déjà quelques fois fait l'expérience...


Je réfléchissais ce matin à cette notion de confiance que j'aborde fréquemment dans ce journal. Je crois que, et ce n'est pas étonnant de ma part, j'idéalise encore cette confiance. Parce que je l'imagine volontiers absolue, tout autant que la sincérité, alors que je sais qu'elles ne peuvent, ni ne doivent, l'être. Il doit exister une part inconnue, secrète, mystérieuse, au fond de chacun de nous. Cet inconnu est le stimulant de la découverte. C'est peut-être aussi le ferment du désir d'en savoir plus.

Par ailleurs, puisque le mot de "désir" m'est venu (ce qui n'est probablement pas un hasard), je ne peux m'empêcher de comparer ma soif de confiance absolue à celle d'un désir de fusion qui peut exister dans une relation poussée. Je veux parler de cette joie qui peut exister dans l'entente parfaite (même si le terme de "parfait" est excessif) et qui fait qu'on voit dans les yeux de l'autre un autre soi-même. Un alter ego. Je ne sais rien de l'entente homosexuelle, puisque je n'ai jamais ressenti quelque chose de cet ordre (sans doute davantage par blocage immédiat, refus catégorique d'aller vers quelque chose qui pourrait m'en rapprocher), mais je constate régulièrement qu'avec mes amitiés féminines, très souvent, l'entente déclenche une attirance qui va au delà des idées.

D'un coté, ça m'énerve un peu, parce que j'aimerais rester certain que le partage de confiance mutuelle peut rester hors du champ de la séduction (je sais qu'il peut l'être puisque c'est ce qui se passe avec certaines d'entre elles). J'aimerais être certain que le rapport fort que j'établis reste guidé par ce seul désir de partage de confidences et d'intimité. Mais d'un autre coté, je me demande si la conséquence naturelle d'une grande proximité n'est pas aussi, parfois, d'un désir de partager plus loin cette entente. Je veux dire par là: est-ce que l'attirance qui peut naître d'une amitié doit être refusée par peur de ternir cette amitié? Ou du moins en affecter la nature.

Le problème est déjà complexe. Il le devient davantage lorsque cette tentation survient en parallèle d'une vie déjà bâtie sur un lien de confiance autre. C'est le cas de l'homme marié que je suis, par exemple, tenant aussi fermement à sa vie de couple qu'à une (ou plusieurs) amitié extérieure. Je sais que ce genre de situation a été maintes fois décrit dans la littérature. C'est évidemment une situation fréquente pour laquelle chacun trouve la solution qui lui convient.

J'ai la faiblesse de croire que je peux gérer conjointement ma relation de couple avec des amitiés féminines, dussé-je sublimer l'attirance qui peut naître par moments. En évoquant ce que je sens apparaître, en en discutant en confiance avec celles qui pourraient la susciter, il me semble que je peux faire que cette attirance ne se développe pas. Rester dans l'amitié poussée, mais sans franchir la barrière qui change la nature de cette relation. J'y crois, vraiment. Je vois même là une forme d'amitié magnifiée, parce que partageant un défi volontaire: l'amitié et la confiance avant tout.





Mercredi 15 janvier


Il y a des moments ou tout se cristallise alors qu'on ne s'y attendait pas. Voila des mois que je n'avais plus évoqué mes rapports à autrui sous l'angle de la séduction, et voila qu'une succession d'évènements me plonge à nouveau dans le sujet. Je constate que pendant que je croyais tout ça endormi, mes pensées cheminaient à mon insu.

Dans mon entrée précédente, j'ai un peu abordé le truc, mais c'était encore un peu confus dans ma tête. Ou du moins... je préférais rester dans cette confusion. Mais, par un hasard (qui n'est pas vraiment un, comme tous les hasards) inattendu, une conversation que j'ai eue avec Charlotte devait me pousser à énoncer clairement ce que j'avais ébauché ici. Il est évident que ce que je lui est dit est directement la conséquence de mes écrits et confirment bien l'importance de ceux-ci dans la prise de conscience du moi.

Suite à une broutille, il y a eu un blocage entre nous. Elle m'a dit (à juste raison...) que je me répétais. Un peu refroidissant. Je n'ai pas insisté, estimant que l'échange que j'attendais était un peu compromis. Je suis retourné dans mon coin, un peu contrarié. Nous avons repris plus tard, et la conversation est allée plus loin. C'est en voulant lui exprimer ma façon de percevoir les échanges que je me suis emballé.


(...) Autocensure