Juin 2003
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Simples questions



Vendredi 6 juin


Nous sommes partis quelques jours en amoureux avec Charlotte, comme nous le faisons chaque année depuis que nos enfants sont en âge de rester seuls à la maison. Ces petis voyages sont toujours l'occasion de longues discussions, généralement en rapport avec notre relation ou notre "moi" profond. Soit que nous parlions tour à tour de notre enfance et des conséquences de certaines situations que nous portons encore aujourd'hui, soit que nous abordions les répercussions que cela peut avoir sur notre lien.

Bon... il arrive bien souvent qu'à force de brasser tout ça dans tous les sens quelque fragilité se réveille et je crois qu'on n'a pas passé un seul de ces petits séjours sans au moins un moment de dispute. C'est un peu triste de ternir ce bonheur à nous retrouver, mais il faut croire que ça fait (encore) partie de notre dynamique relationnelle. Ça indique simplement que tout n'est encore pas clair entre nous.

Mais globalement, ces escapades sont très positives et nous permettent de nous remettre en phase, et d'avancer vers nous-mêmes.

Cette fois-ci, actualité oblige... il a beaucoup été question de la notion d'amour et de la façon de le vivre. Ce que je vis avec ma complice, les questionnements qui surviennent dans les deux relations dans lesquelles je suis impliqué, font que la remise en question est soutenue. Charlotte est attentive à cette évolution, même si je reste prudent dans la façon que j'ai d'en parler. Je demeure volontairement très général dans mes propos.

En fait, notre relation se nourrit des évolutions qui se produisent grâce à cette relation parallèle. Nous abordons des sujets restés longtemps en friche, voire même devenus "tabous" sans que nous y ayons pris garde après des années sans en parler. Pour le moment, je ne vois que des aspects positifs à cette diversité relationnelle, et Charlotte le perçoit aussi.


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Avec ma complice, nous apprenons à fonctionner ensemble. Après une période sans heurts est venu un moment un peu plus mouvementé, demandant cette adaptation mutuelle. Parce qu'à force de se rapprocher vient un moment où l'on se frotte l'un à l'autre. Des différences apparaissent, des modes de fonctionnement divergents, ou au contraire trop semblables, font qu'apparaissent des incompréhensions. C'est alors qu'un dialogue approfondi est nécessaire. Un dialogue sur la relation elle-même, et sur les modes de fonctionnement respectifs. Ce qui oblige à une réflexion sur soi et une écoute de l'autre. Nous avons passé beaucoup de temps dans ce genre d'échange, condition sine qua non pour poursuivre dans l'esprit de confiance et de sincérité que nous désirons. Et je crois que nous y parvenons bien, parce que nous avons cette volonté de faire durer ce qui nous apporte tant.

Récemment nous nous sommes penchés sur des notions fondamentales: qu'est-ce que la confiance pour nous, et comment nous la vivions. Et puis: quelle est notre façon d'aimer? Question en apparence simple, mais finalement assez complexe et... intime quand il s'agit d'en parler justement à une personne qu'on aime.





Antidéal



Samedi 7 juin


Pas évident d'écrire en ce moment. Je ne sais pas bien pourquoi. Peut-être parce que j'ai beaucoup donné dans les semaines précédentes? Peut-être parce que je discute aussi beaucoup et qu'une part de mes interrogations trouve des réponses par ce biais? Pourtant je sais que des pistes intéressantes seraient à suivre...

Récemment, par exemple, un truc bizarre m'est venu en tête. Je réfléchissais à la notion d'idéalisation, qui transpose sur autrui ce qu'on attend de sa part. Je sais que je suis encore fortement soumis à ce piège, cette inévitable source d'amertume. C'est un mode de fonctionnement qui fait partie de moi bien que je le rejette, cérébralement parlant. J'apprends doucement, péniblement, à l'éviter. Mais on ne change pas sa façon d'être. Tout au plus peut-on espérer la faire évoluer en se protégeant de ce qu'on a admis comme étant comportements néfastes.

Mais si l'idéalisation est un concept assez largement compris, j'en ai découvert une face cachée. Le coté noir de l'idéalisation, celle qui fonctionne à l'envers. L'anti-idéalisation.

C'est un truc assez pernicieux qui remplace l'idéal quand celui-ci se montre inaccessible. Je sais que lorsque je suis demandeur d'attention, en attente, et que celle-ci ne m'est pas donnée comme je le désirerais il s'installe une frustration. Puis rapidement vient quelque chose qui ressemble à de la déception, pas très rationnel, et même assez puéril. Puisque je n'ai pas ce que j'attends, tout un processus de pensée négative se met en marche, à coup de "ça veut dire que...". Si on ne s'intéresse pas à moi comme je le croyais alors ça veut dire que je n'intéresse plus. Que le temps qui m'était imparti est passé (oui, parce que je n'imagine pas pouvoir intéresser durablement). Et... la personne qui me semblait, au moins partiellement, "idéale" pour certains cotés, devient alors suspecte de mauvaises pensées. Et si je m'étais trompé à son sujet? Et si elle avait des cotés noirs que je ne connais pas? Et si elle avait triché? Et si elle n'était pas digne de confiance? Et si elle me manipulait? Se jouait de moi? et si... et si... Litanie de questions infondées qui envisagent le pire de ce que quelqu'un peut-être. L'anti-idéal, parant de tous les défauts imaginables cette personne en qui je ne voyais que des qualités.

Je ne sais pas depuis quand existe cette tendance à noircir ce que je découvre comme n'étant pas blanc. Je pense que cela me ramène vers ces trahisons anciennes, devenues une crainte qui accompagne chacune de mes relations les plus précieuses. Je sais que c'est le pôle opposé de cette idéalisation qui me donne l'illusion de rencontrer un alter ego en chaque personne qui m'aura compris. L'espoir fou que j'ai de rencontrer enfin un être avec qui l'entente soit parfaite génère, en contrepoint, la désespérance lorsque l'espoir meurt. Le bonheur suprême, se révélant inaccessible, engendre le malheur.

Cette façon de fonctionner, qui exclut le raisonnement, est fondamentalement nuisible. Il est insensé d'attendre quelque chose dont l'absence envisageable devient catastrophique. La seule voie possible pour en sortir est de ne plus attendre autant d'autrui. Plus facile à énoncer qu'a faire...

Je pense que je dois chercher en amont. La raison de cette attente en l'autre provient certainement de ce manque de confiance en moi. C'est en fait un miroir que je cherche. Un regard sur moi qui me voie "beau" intérieurement, intéressant. Ce regard que justement je n'ai pas sur moi...



Ce que je suis pour elle



Dimanche 8 juin


Quelque chose ne va plus avec ce journal. Je n'y suis plus sincère. Je ne laisse plus venir les idées librement. J'auto-censure, j'évite certains sujets qui pourtant me tiennent à coeur. J'ai même plusieurs fois envisagé de reprendre un journal hors-ligne. D'ailleurs je garde certains textes qui deviennent, de fait, un journal "off-line".

Je ne suis plus sincère parce que je m'efforce de faire concorder ma pensée et mes actes, et me tais lorsque mes actes ne suivent pas ma pensée. Lorsque ma volonté est impuissante face à l'inconscient qui la domine. Mais ça me tiraille de plus en plus et soudainement le décalage me paraît béant. Je me sens mal à l'aise dans cette double personnalité. Celui qui voudrais être et celui qui est.

Non, je n'ai pas la force que j'aimerais avoir. Je ne fonctionne pas comme j'aimerais fonctionner.


Voila...



... je pourrais m'arrêter là. Rester dans un flou bien pratique, comme le font nombre de ceux qui inscrivent une part de leur intimité en ligne, et laisser chaque lecteur interpréter les choses à sa façon. Mais non, je vais poursuivre. Parce que je veux ce journal sincère. Parce que je sais que c'est en m'exposant que je retrouve mon intégrité... quitte à avoir des sueurs froides une fois que c'est en ligne.

Je ne suis pas sincère... parce que ma complice me lit. Et aussi parce que quelques personnes qui me lisent connaissent qui est celle que je surnomme de cette façon. Or j'aimerais donner de moi une "belle" image. Celle de quelqu'un de réfléchi, stable, solide, mesurant bien les conséquences de chacun de ses actes (ne fussent-ils qu'écrits...). Je ne suis pas sincère parce que j'énonce tranquillement mes réflexions, questions et avancées, mais j'omet sciemment nombre des moments de faiblesse que je vis.

Je n'écris pas qu'il m'est souvent difficile de m'adapter à une façon de vivre l'amour qui n'a encore jamais été la mienne. [Je ne parle pas là de la notion d'amour parallèle, que je pense bien apprivoiser, mais du sentiment-amour] Mes efforts sont constants pour me défaire d'un modèle culturo-religieux fortement ancré en moi, et trop souvent je ne parviens pas à me maintenir à la hauteur de ce que j'aimerais être.

Je n'écris pas les manques qui se manifestent régulièrement et que je ne voudrais pas ressentir. L'attente de messages de ma complice, notamment... qu'elle n'aime pas me savoir ressentir (et je la comprends).

Je ne peux/veux pas exprimer ce qu'elle ne veut pas de ma part. Alors, lorsque ça arrive, je garde. Je tais. Je ravale mes mots et fais bonne figure. Jusqu'au moment où quelque chose de sa part me rassurera sur ce que je suis pour elle. J'ai toujours besoin de cette réassurance, qui ne m'est jamais acquise durablement. Entre les moments de bonheur euphorique, il y a toujours des moments de doute sur la pérénnité du lien qui nous unit. Je ne sais pas savourer durablement l'instant présent. Quelques jours, tout au plus. Trop vite se manifestent des questions, parce que nos modes de fonctionnement sont différents. Alors le silence me devient difficilement supportable sans inquiétude, quels que soient les efforts que je fais en ce sens. Quelle que soit ma volonté qu'il n'en soit pas ainsi...

Mais je me retiens de trop en parler, parce que je sais qu'elle n'aime pas me savoir comme ça. Elle ne veut pas que je sois ainsi. Il en résulte que, par peur de lui déplaire, de l'irriter, je me tais. Et je deviens insincère. Et ce journal le devient aussi, par la force des choses.

J'en arrive à avoir peur de mes réactions naissantes. Peur de les exprimer. Mais de les taire ne les éteint pas, c'est même probablement le contraire. Parce qu'elle le lit, mon journal perd son rôle d'éxutoire et d'aide à la compréhension.
A ce sujet... je mesure mes limites sur le contôle que je peux exercer envers ma propension à douter de moi, et je vais de nouveau m'adresser à ma psy (après 3 ans sans) pour tenter de mieux comprendre pourquoi j'y suis autant soumis. Je ne supporte plus d'imposer à ma complice cette nature instable, toujours prêt à perdre confiance dès que le lien est moins soutenu. Je ne veux pas que mes doutes soient une source d'inquiétude, de stress pour elle ou... de distanciation.

Je sais que je suis imprégné du modèle culturo-socio-religieux de l'amour (fusion-dépendance-durée). Elle même s'en est largement émancipée et notre décalage est donc important, malgré ma volonté d'aller dans une direction qui me semble bonne. Je ne parviens pas à me satisfaire de la simple existence de ma complice dans une part de mes pensées. J'ai besoin de contacts signifiants. Besoin de savoir... ce que je suis pour elle. Et pourtant, je le sais. Mais c'est comme si "j'oubliais". Comme si j'avais besoin d'un apport constant de ses mots pour que je ne mette pas à penser «et si je devenais moins important?».

Elle n'aime pas que je me laisse aller à ça. Pour elle c'est un manque (partiel) de confiance... et effectivement je ne vois pas ce que ça peut être d'autre. Manque de confiance en moi avant tout. Manque de confiance en nous, en ce lien qui nous unit, par voie de conséquence. Et donc, plus loin... manque de confiance en elle. Ma raison à confiance en elle, mais pas mon inconscient. Et c'est un déchirement que de sentir régulièrement monter en moi ces doutes. Ces doutes qui la rendent malheureuse... qui me rendent malheureux.

Doutes parce que j'identifie ses réactions aux miennes. J'interprète (mon inconscient interprète...) donc ses silences comme les miens seraient à interpréter: un moindre attachement. J'ai beau savoir que pour elle le fonctionnement est différent, ça ne rentre pas dans ma tête butée. Je sais que, pour elle, ma présence dans sa vie est quelque chose qui la rend heureuse, et j'aimerais qu'il en soit de même pour moi. Mais ce n'est pas toujours (pas encore?) le cas. Alors je me sens comme un mauvais élève qui ne comprend pas la leçon qu'il devrait avoir assimilée. Mais un mauvais élève qui sait qu'il ne soit pas trop dire ses lacunes, sous peine de se faire taper sur les doigts... ou pire, de se faire exclure de l'école. Parce que ma complice me l'a souvent dit «ça ne pourra pas marcher» si je fonctionne "mal". Si je suis en attente vis à vis d'elle. Parce qu'elle sait que c'est mauvais pour son propre fonctionnement. 
Je ne dois rien attendre, et seulement jouir de ce qui m'est donné. Le concept me va et je le trouve très sain. C'est une relation libre d'attaches. Attachement libre... mais je ne sais pas encore vivre les choses de cette façon. Aura t-elle la patience de me laisser évoluer à mon rythme? C'est à dire lentement à l'échelle de quelques mois, même si je passe une énergie folle à remettre en question des concepts que je sais archaïques.

Toi, ma complice, tu vas lire (tu lis) tout ce que j'ai écrit là. Tu le sais plus ou moins déjà, même si tu ne vas pas aimer savoir que je ne suis pas toujours sincère... par crainte de tes réactions (et tu me feras des gros yeux courroucés...). Vous, lecteurs et lectrices, lirez aussi ce que j'étale avec impudeur ici. Pour vous, seulement quelques écrits de plus de la part d'un plus ou moins anonyme, sans conséquence aucune. Mais pour moi... c'est quelque chose de fondamental. Parce que ce que je construits avec ma complice a pour moi une importance considérable. De la réussite ou de l'échec de cette relation dépend en grande partie mon rapport à autrui pour les années qu'il me reste à vivre (encore nombreuses, théoriquement...). L'échec n'étant pas nécessairement la fin de cette relation, mais la rupture du dialogue, l'impossibilité de se comprendre et de "cohabiter" dans un lien commun. J'ai trop investi affectivement, émotionnellement, et en confiance donnée pour pouvoir supporter sans dommages, si cela devait advenir, la perte de la confiance qui existe entre nous.

Si j'évoque la perte, c'est précisément parce que j'ai cette crainte que ma sincérité ne cause un jour cette perte. Je ne sais pas être durablement insincère, ça m'est insupportable. Vient donc forcément un moment où je dis tout. Mais à chaque fois j'ai peur que ce "tout" soit inacceptable et conduise à une rupture. Je n'ai pourtant pas le choix, c'est une question d'intégrité.

J'ai tellement peur d'être inacceptable, pour tous, dans l'essence même de ce que je suis...



Je sais bien: c'est d'abord à moi de m'accepter tel que je suis. Je ne devrais rien attendre du regard d'autrui sur moi, quel que soit la nature de mon attachement à cet(te) autre. C'est une forme de dépendance, donc d'aliénation... c'est une prison que je m'impose à moi-même.

Mais comment fait-on pour en sortir???


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Réflexions ultérieures.

Écrire ce qui précède m'a fait du bien en me libérant. La seule façon que j'ai trouvé pour me sortir de la prison de mes doutes est de les verbaliser. Peut-être est-ce ce que j'attends de la confiance dont j'ai tant besoin? Savoir que je peux être sincère sans rien retenir.

Sans doute cela demande t-il à ceux qui m'approchent la capacité d'accepter d'entendre des chose qui, peut-être, ne se disent pas habituellement? Je ne sais pas être autrement que sincère. Je crois que c'est parce que je désire qu'on m'apprécie en toute connaissance de cause. Je ne veux pas cacher ce que je ressens. Je ne veux pas "tricher". Et je crois que les difficultés que j'ai longtemps eu (et ai encore assez largement) dans les relations que je peux nouer avec les femmes vient de cette part que je dois cacher et qui concerne l'attirance que je peux ressentir à leur égard.

[aparté: je rêvais cette nuit de la rencontre d'une très belle jeune femme. Je la voyais dans la rue et quelqu'un me disait «tiens, cette fille, là, elle a posé pour une publicité qu'on voit beaucoup en ce moment. Regarde, on fait passer des adolescentes pour des femmes d'une trentaine d'années». Et effectivement je croyais reconnaître ce visage que j'avais trouvé extrêmement joli sur la pub en question. Elle y était femme enceinte. En fait, elle était lycéenne ou étudiante et sortait de ses cours. Plus tard, je me retrouvais à coté d'elle, en compagnie de Charlotte. Et je lui disais qu'il était difficile d'oser dire à une femme qu'on la trouvait jolie. J'ajoutais «je te trouve très jolie», et elle me souriait.]

Ma sincérité est source d'inquiétude pour moi, parce que je sais qu'elle peut faire peur. Je sais aussi qu'elle peut être inconfortable, gêner... et faire fuir. J'en ai déjà fait la très cruelle expérience il y a quelques années. En fait j'ai le choix entre une sincérité qui peut déstabiliser l'autre, ou bien la rétention de ce que je pense, qui pour préserver l'autre empoisonne ma vie. Si bien souvent le choix n'est pas crucial (et j'ai alors longtemps "choisi" de m'empoisonner la vie...), il est des cas ou le dilemme devient difficilement supportable. Lorsque je sais que de la sincérité dont dépend mon intégrité (mon bien-être profond) risque de me faire perdre ce à quoi je tiens.

Le non-choix s'impose peu à peu: je dois être moi-même... et courir le risque de perdre ce à quoi je tiens le plus. Le poids devient alors considérable pour qui est en face de moi et mesure la "responsabilité" que je lui octroie. Il y a de quoi inquiéter, je le sais.

Être moi et risquer de perdre... ou ne pas être vraiment moi et m'y perdre.
Risquer de souffrir... ou être certain de vivre un mal-être parce que la confiance/sincérité n'est pas là.


Non, décidément je n'ai pas le choix: je dois être sincère. Je risque d'y perdre beaucoup, mais j'ai tout à y gagner.




Dernière question: le texte étant écrit et ayant aidé à la compréhension, est-il nécessaire de le mettre en ligne? Rien ne m'y oblige, si ce n'est d'être cohérent avec moi-même. Ne pas le mettre, solution sans risques, serait un manque de courage, une fuite devant ce que je sais mais ne veux pas dévoiler. Une insincérité supplémentaire...


Changement de décor


Mardi 10 juin


Je vais m'absenter durant quelques jours, pour raisons professionnelles. Quitter mon petit coin de paradis, tranquille et loin de tout pour affronter l'urbanité qui fait le quotidien de beaucoup de mes concitoyens. Quelques jours loin de mon domicile, en conditions un peu précaires. Je n'ai jamais aimé partir comme ça, abandonnant ces petites habitudes qui font le confort. Je ne serai pas en vacances, je ne serai pas avec Charlotte, mais en revanche je serai avec des presque inconnus durant ces quelques jours. Des collègues qui font le même métier que moi et que je vois assez régulièrement au quatre coins de la France. Nous avons besoin de nous déplacer pour faire connaître notre existence et la particularité que nous avons choisi de développer (oui, désolé, je ne serai pas beaucoup plus précis sur mon métier).

Année après année, nous finissons par nous connaître un peu et des affinités se créent. Il se pourrait même que certains deviennent des copains puisqu'il nous arrive d'aller faire de la montagne ensemble, par exemple. Mais bon... pour le moment je reste un ours un peu sauvage et pas très bavard (nettement moins que dans ce journal...). Je sais que je risque d'être quasi muet une bonne partie de ces journées que je vais passer avec ces colègues. Sauf, bien entendu, dans le domaine professionnel, totalement privé d'affectif... mais qui n'est pas dans mes préoccupations actuelles.

Mais j'en reviens à mon idée initiale (j'ai la fâcheuse manie de digresser dans tous les directions...): l'inconfort que je ressens à quitter mes petites habitudes de tranquillité (manger comme je veux, prendre ma douche dans ma douche, coucher dans mon lit... et de préference avec quelqu'un qui m'est très proche). Là, je vais me trouver dans des bungalows, avec cinq ou six "inconnus", ne sachant rien de ce qui m'attend. Bon, c'est pas terrible penserez vous avec raison. Ouais, je sais quand même bien m'adapter au camping, que nous pratiquons très régulièrement... mais avec mon petit cercle familial autour de moi. Là je n'aurai rien... beuh...

Et puis (et c'est là que je voulais en venir)... il y a quelque chose de nouveau maintenant. C'est que... ben... je n'aurai plus de contact avec ma complice pendant tous ces jours. Elle va me manquer.
Bizarre d'écrire ça alors que l'absence s'opère surtout avec ma famille, avec qui je vis au quotidien. Mais non, c'est avec celle dont je ne partage pas de proximité physique que je vais surtout ressentir la distance. Un peu étonnant non?

Mais ça me donnera l'occasion de prendre un peu de recul. Tout comme le fait de ne pas pouvoir écrire ici. Laisser décanter la mixture bouillonante qui désorganise mes idées depuis quelques temps.

D'ailleurs, c'est trop confus et surabondant pour que je parvienne à écrire quelque chose de satisfaisant ici. La seule chose qui soit claire, c'est que j'ai un sérieux travail à faire pour ne plus me laisser bouffer la vie par un subconscient qui s'acharne à m'empêcher de vivre comme je l'aimerai. A suivre...



Rectificatif: ma complice (pfff, je vais bientôt la prénommer, ça sera plus simple) m'a demandé des précisions suite à une de mes phrases un peu surprenante concernant notre relation. Elle se situe dans ma précédente mise à jour et je la réécris ici, avec le correctif adéquat: «J'ai trop investi affectivement, émotionnellement, et en confiance donnée pour pouvoir supporter sans dommages, si cela devait advenir, la perte de la confiance qui existe entre nous».
Ben oui, quoi, ça change tout le sens. Il n'y a aucune perte de confiance entre nous, bien au contraire.



«C'est aussi que la part extérieure de mes activités, et notamment tout ce qui tourne autour de l'écriture et du diarisme, prend une place de plus en plus grande. A mesure que cela compte plus dans ma vie, ma vie professionnelle elle compte moins. Elle n'est plus le centre, cela devient de plus en plus simplement ce qui m'assure des moyens d'existence.»

Les échos de Valclair (10/06/2003)





J'ai pas osé



Dimanche 15 juin


Parti quelques jours vers la capitale, j'ai pu me déconnecter un peu de mon quotidien, bouleverser mes habitudes, changer de cadre de vie. J'y ai fait des rencontres, totalement en dehors du monde d'internet (et hélas, je n'avais pas la possibilité matérielle d'envisager des rencontres avec des connaissances du cyber-monde) et j'ai ramené quelques souvenirs de mon petit périple.


D'abord celui d'un certain luxe, du prestige, du haut de gamme, que je ne cotoie jamais. Je me trouvais en un lieu ou une certaine catégorie de population venait parader à l'occasion d'un événement. Cela se passait en extérieur et dès le soir ce fut un défilé d'élégance et de chapeaux extravagants. Parmi la foule se croisaient différents style, différentes "classes" sociales, et les vétements en sont un révélateur assez flagrant.
Mais surtout, il y avait énormément de jolies femmes. A se demander si celles-ci ne sont pas concentrées sur Paris ! A moins qu'il ne s'agisse que de "l'habillage" (maquillage, coiffure et habillement) pour faire la différence? Parce que dans mon coin reculé de campagne, je ne vois pas souvent ce genre de personnes. Ni meme à la petite ville la plus proche. Il y a là un phénomène curieux que je ne me suis pas encore expliqué.


Ensuite, très marqué dans ma mémoire visuelle, le souvenir d'une peintre au travail. Elle dessinait d'après modèle. Je me suis approché pour voir et j'en suis resté bouche bée! Le modèle était une jeune fille extremement jolie, brune aux cheveux longs et défaits, avec un regard absolument fascinant, très clair. Je suis tombé en admiration devant elle, subjugué par ce visage aux traits si fins.
La pose durait longtemps puisque l'artiste la peignait sous différents angles. Régulièrement je venais voir l'aquarelle en cours, puis observais le modèle. Celle-ci n'ignorait pas mon petit manège puisqu'elle me regardait l'observer et me souriait à l'occasion. Bon... je ne voulais pas paraître genant alors je n'insistais pas. En fait, elle devait etre très jeune. Sans doute moins de 17 ans. J'ai pu lui glisser quelques mots lorsqu'elle disait avoir un nez qu'elle n'aimait pas alors que je le trouvais charmant. Très fin, peut-etre un peu pointu, mais qui allait parfaitement avec les lignes de son visage.

J'ai eu l'occasion de l'approcher un peu ultérieurement. J'avais vraiment envie de lui dire que je la trouvais très jolie. Comme ça, juste pour partager mon plaisir. Aussi en repensant à ce reve que j'avais fait la semaine dernière, imaginant que je savais dire à une fille que j'appréciais sa beauté. Mais là, j'ai pas osé. Timidité, gene (je ne savais meme pas si je devais tutoyer ou vouvoyer...), dire en aparté ou au contraire devant du monde ? Bref, je n'ai rien dit et c'est dommage. Je ne la reverrai jamais.


Le lendemain, je suis invité par un collègue, de façon impromptue, à une table pour boire un verre. Un homme était là, et quatre femmes, dont deux très jeunes (18 ans). Ça discutait herbe (non, pas celle que broutent les vaches) et je me demandais un peu ce que je faisais là. Pendant que l'une se roulait tranquillement son pétard (son bédo, dirait Ultraorange), j'écoutais la plus agée vanter les mérites de ce qui, selon elle, «ouvrait des portes et des fenetres dans l'esprit». Je n'ai pas pris ma part lorsque le pétard a circulé, personne ne m'a rien dit. Jamais touché à ces trucs là, moi... Mais je regardais ces gens, notamment cette femme qui parraissait étonnament libre dans sa tete alors qu'elle nous racontait un épisode de sa vie particulièrement éprouvant, ayant de quoi rendre totalement dépressif ou dingue. Je les enviais de savoir ainsi savourer sans plus de questions le temps présent. Je me sentais si loin d'eux, tellement engoncé dans une carapace qui m'étouffe. Je savais que le soir ils iraient dans un resto, pour sans doute finir en musique je ne sais où. Et qu'ils continueraient à parler à la fois intensément et sans aucune affectivité particulière. Ils étaient très ouverts et conviviaux, m'accueillant comme si on se connaissait de longue date... mais je me demande s'ils me reconnaitront dans quelques mois (si cela devait advenir, j'en ferai part ici...).

Dans le groupe, je me suis trouvé assis a coté d'une des plus jeunes filles. Bien jolie, elle aussi. Je l'avais remarquée depuis les quelques jours que j'avais passés là-bas. Elle était donc à quelques dizaines de centimètres de moi et parfois nous parlions en tete à tete. Je suis toujours sidéré de l'aisance de ces jeunes filles, tellement plus ouvertes et sures d'elles que je ne l'étais à leur age (hum... et que je ne le suis actuellement...). Je regardais cette bouche aux lèvres charnues, et au sourire très gracieux. Ces yeux sombres qui regardaient droit dans le vert des miens. Woufff ! Quel effet ! Et moi j'essayais de rester concentré sur ce qu'elle me disait. M'interdisant aussi de lorgner vers le T-shirt qui moulait des seins qui semblaient délicieux...

Bon... là encore j'aurais aimé lui dire qu'elle était très jolie, tout simplement. Le sujet aurait pu s'y préter à un moment donné, mais je ne me voyais pas dire ça en présence d'autres personnes (et pourquoi pas?). J'aurais pu le faire lorsqu'elle s'est éloignée un moment, mais aller au devant d'elle aurait été un peu bizarre... et puis je ne sais pas si j'aurais osé, là encore. Elle non plus, je ne le reverrai jamais. Je n'avais, pas plus que pour la précédente, aucune raison de ne pas dire ce que je pensais.


Cette incapacité à dire ce que je ressens, que ce soit dans ce genre de situation ou, plus largement, dans la plus grande part de ma vie relationnelle, commence à me peser beaucoup. Le hasard à voulu que je prenne connaissance hier de l'histoire d'une rencontre fortuite. De ce genre de situations qui se passent au cinéma. Parce qu'un homme ose dire à une femme rencontrée dans un magasin qu'il a envie de discuter plus longuement avec elle, la chose devient possible. Elle à envie de le suivre, elle accepte parce qu'elle aussi en a envie, ou par simple curiosité. C'est tout simple.

Il y a tout à gagner à dire ce qu'on ressent. Et si je perds des occasions de m'exprimer, je me prive du meme coup de tous les possibles. Ceux que je n'imagine meme pas... comme poursuivre une discussion sur un terrain de compréhension commun.


Quand donc oserais-je exprimer ce que je ressens?
Quand donc serais-je celui que je me sens etre?




Partenaires


Lundi 16 janvier


En optant pour le nouveau titre de ce journal, Alter et ego, je ne pensais pas à quel point il se révèlerait adapté à un tournant de ma vie. Alter ego, l'autre moi. Alter et ego, l'autre et moi. Du sens le plus large jusque dans mes rapports les plus intimes, autrui commence évidemment avec Charlotte et... nathalie (oui, ce sera désormais nathalie), mes complices, mes partenaires, celles avec qui je me construis jour après jour.

Parce que je le vis à travers cette double relation affective, je comprends maintenant, presque étonné, à quel point la diversité relationnelle est enrichissante. Par la force de ce que je ressens avec ma complice, je réalise ce qui serait sans doute passé inaperçu avec des relations amicales de moindre intensité. J'aurais certes continué à apprécier l'ouverture à une diversité d'idées et de vécus, mais sans cette remise en question profonde que je vis actuellement.

Avec Charlotte, je parlais ce matin de la chance que j'ai eu de croiser sur ma route nathalie, cette "complice". Je constate jour après jour combien cette rencontre est primordiale dans ma vie, de par les découvertes multidirectionnelles que cela m'a permis de faire. Je n'ai jamais évolué aussi vite vers ce que je me sens etre. Et si je prends conscience de tant de choses, c'est parce que je peux me comprendre en constatant la diversité ou, au contraire, la similarité relationnelle qu'il existe avec l'une et avec l'autre. C'est assez compliqué à expliquer...

En fait je me suis contruit depuis vingt ans avec Charlotte. Tous les deux nous nous sommes adaptés l'un à l'autre et ça fonctionnait plutot bien. Sauf que cette adapatation était parfois déséquilibrée, de travers, insatisfaisante. Mais par habitude routinière nous ne nous en rendions pas compte. Alors se sont installés parfois des modes de fonctionnement pas très adéquats. Pourtant, la situation n'étant pas tout à fait sereine, un "travail" se faisait en souterrain afin d'aller vers un meilleur équilibre.

Il aura fallu toutes ces rencontres faites sur internet, et en particulier celle de nathalie (et les très longs échanges que nous avons depuis bien longtemps), pour que se révèle ce qui restait encore enfoui. Charlotte s'insurge parfois contre une sorte d'injustice qui fait que c'est une autre qui bénéficierait du travail qu'elle a fait avec moi depuis vingt ans... et qui parfois n'avait pas donné les résultats escomptés. Je la rassure alors en lui expliquant que c'est bien grace à elle, Charlotte, que je peux désormais "passer le cap". Avec nathalie se révèle ce qui était sous-jacent, en préparation depuis des années... et qui aurait sans doute du attendre encore des années. Charlotte se sait bénéficier largement des améliorations que cela apporte par ricochet dans notre couple. Elle n'en disconvient évidemment pas.

En fait, je lui disais que je les considérais toutes les deux comme partenaires. Celles qui partagent avec moi une relation de confiance qui, normalement, devrait leur apporter à chacune une part de ce qu'elles désirent vivre. La synergie de ces forces devant aboutir à quelque chose de bien pour tous les protagonistes. Chacune d'entre elles m'aide à devenir meilleur, et, normalement, chacune d'entre elles bénéficie des avancées que je fais.

Cependant... je sais bien que cette idée n'est pas aisément assimilable pour Charlotte, au niveau de ses propres doutes. Car si la raison l'admet fort bien, il demeure toujours pour elle cette peur de me "perdre". Je dois donc régulièrement la rassurer sur le fait que je tiens à elle et l'importance qu'à notre relation pour moi.

Hum... et... je dois bien avouer que je ressens exactement la meme crainte lorsque ma complice me parle des relations qu'elle peut avoir avec d'autres hommes que moi. Pourtant, je suis intimement convaincu, désormais, de tout l'enrichissement qui provient des relations plurielles. Qu'elles soient purement amicales ou plus impliquées affectivement. Et nathalie m'a régulièrement, et patiemment rassuré sur l'importance que j'avais pour elle...

C'est à ces moments là que je prends conscience de tout le poids éducatif et culturel que l'on traine derrière nous. Parce que, dans le milieu d'où je viens (et meme si ce n'est pas explicitement formulé), l'affection envers une personne du sexe opposé ne va pas de soi. Non-dit, mais nettement perceptible, le postulat de base demeure: une relation aimante ne peut qu'etre unique. Et, quoi que l'on en pense, il est très difficile de se sortir de ce schéma. Soit parce que la culpabilité se manifeste (mais ça se surmonte...), soit parce que l'autre craint d'etre laissé de coté (beaucoup plus difficile de lutter contre cette crainte, devenue viscérale par éducation).

Car, bien entendu, c'est parce que je vis autre chose que de l'amitié envers ma complice nathalie qu'à la fois les craintes et les grandes avancées se produisent. Parce que je tiens beaucoup à elle, j'ai à la fois cette peur de la perdre et le désir de m'adapter rapidement à ce qu'elle est. Tout en restant fidèle à moi-meme, évidemment.

A moi, et à Charlotte si possible, d'apprendre à bénéficier des avantages de cette relation double, et à lutter contre des craintes infondées promptes à se réveiller.

nathalie, quant à elle semble avoir suffisamment réfléchi sur elle-meme pour ne pas craindre la présence de Charlotte à mes cotés...





«Ce soir, je me demande si cela a vraiment un sens de se protéger en amour. Lorsque nous nous ouvrons à l'autre, nous lui donnons le pouvoir de nous blesser au coeur même de notre être le plus profond, mais nous lui permettons aussi de s'ouvrir à son tour. Chacun d'entre nous donne ce pouvoir à l'autre, mais aucun des deux ne souhaite l'exercer. Blesser un être que l'on aime c'est se blesser soi-même, et nous lui avons donné le pouvoir de nous blesser à son tour..»

Secrets partagés (11/06/2003)





Privé d'intimité


mardi 17 juin


Un méchant virus a attaqué mon ordinateur. Non seulement il m'empêchait de mettre des accents circonflexes, mais avait aussi d'autres types d'attaques moins anodines. Car non content de désactiver l'antivirus, il est aussi capable de placer des bébêtes dans les programmes qui permettent à des intrus de faire ce qu'ils veulent dans l'ordinateur: copier des fichiers, les déplacer, les détruire, voire formater le disque dur! Charmant non? Et en plus, cette saloperie peut faire des copies de frappe de clavier afin de récupérer des mots de passe! Ouaaaaiiis, super!

Vu la complexité du bazar, j'ai préfére amener mon ordinateur chez le docteur spécifique. Il fera ça mieux que moi et en moins de temps. N'empêche que je suis amputé de toute une part de ma vie privée. Je me sens tout nu. Pensez-donc: mon journal intime au complet qui est dans cette boutique, loin de chez moi. Tous mes courriers aussi. Les 400 messages que j'ai envoyé à ma complice depuis 18 mois y sont (j'ai été surpris de lire ce chiffre hier, en pensant déjà avec angoisse qu'ils pourraient disparaitre suite à une mauvaise manip), et autant qui ont été écrits par nathalie pour moi. Des messages de plusieurs pages bien souvent. La trace écrite de ce que ma mémoire imparfaite ne retient que de façon fragmentaire. Je les relis rarement ces messages, mais j'ai envie de savoir qu'ils me sont toujours accessibles. C'est tout le cheminement qui nous a menés l'un vers l'autre qui y est conservé. Mais surtout c'est un moyen de prendre conscience des avancées personnelles que j'ai faites. C'est aussi un mode d'emploi de nathalie, qu'elle m'a délivré au fil des mois sans que ni l'un, ni l'autre, nous en ayons vraiment conscience.

Ces messages sont donc très précieux. D'ailleurs, je sais que je devrais en relire des extraits de temps en temps. Si seulement je prenais le temps de le faire, plutôt que de chercher à conforter toujours plus le lien qui nous unit, comme j'ai eu tendance à le faire dans les semaines précédentes...

Alors de savoir tout ça loin de moi, accessible à des inconnus, à la merci d'une erreur de manipulation... brrrrrr, ça m'inquiète quand même un peu.

Promis: dès que l'ordinateur revient, j'imprime tous ces mails (note perso: acheter une ramette de papier).




Dédoublement



Mercredi 18 juin


Toujours privé d'ordinateur. J'écris sur un autre, mais qui ne me permet pas de faire de mettre en ligne. Tant pis, ce sera pour plus tard.

Aujourd'hui, j'ai vécu une fois de plus quelque chose de très désagréable: une contradiction interne, entre deux "personnages" qui me constituent.... oh et puis merde, je laisse tomber le langage élaboré: Aujourd'hui, j'en ai eu plus que marre de ne pas savoir maîtriser ce que je suis parfois. J'en ai marre de supporter ce mec qui doute de tout, qui a besoin d'être rassuré, qui en devient demandeur d'attention. Marre, marre, marre. Plein le cul.

J'ai envie d'avancer, de profiter du bien-être et des bons moments, pas de me lamenter toujours de ce qui ne va pas. Ras le bol de me complaire (???) dans une certaine souffrance comme si c'était quelque chose de normal. Je veux vivre bien, épanoui, détendu. Ne plus m'inquiéter, ne plus attendre.



Mode binaire



Jeudi19 juin


Etant un monsieur marié (bien sous tous rapports), si je dis que j'ai une amie, pour la plupart des gens c'est quelque chose qui ne suscitera aucune réflexion. Si je précise que c'est une "amie intime", certains sourcils risquent déjà de se froncer «quoi? N'est-ce pas un peu délicat?». Si je précise que je me sens très très proche de cette amie intime, à coup sûr il y aura des regards vaguement interrogateurs, dans le genre «mais... et ta femme, qu'est-ce qu'elle en dit?» Comme s'il allait de soi que je jouais un jeu un peu dangereux.

Mais que je dise que j'aime une femme en même temps que la mienne, et alors là je sais que ce seront carrément des sourcils froncés et un regard suspicieux ou désapprobateur. Parce que si l'amitié est plus ou moins acceptée selon les interlocuteurs, je crois que la proportion de ceux qui acceptent l'idée d'amour double est des plus restreinte.

Amitié oui, amour non. 1/0 Raisonnement sous forme binaire. L'un est admis et l'autre pas (moralement parlant).


Et bien c'est selon le même mode de raisonnement binaire que fonctionne ce qui me sert de cerveau! C'est con hein?

Tant que j'ai été très proche de mon amie nathalie, tout se passait bien (*). Comme une amitié "normale" quoi. L'amitié c'est quelque chose qu'on prend comme c'est donné. On n'est pas demandeur en amitié.

En amour, on ne devrait pas l'être non plus. Pourtant, on sait bien que des choses comme la possessivité, la jalousie, l'attente sont souvent (mais pas toujours!) liés à l'amour, comme autant de parasites. Et une amitié qui s'aventurerait vers ces rivages serait considérée comme "pas claire", pas saine.

Et bien mes belles théories sur l'attachement libre, qui pourtant me semble un chemin salutaire d'apanouissement et d'ouverture, résistent mal à la mise en pratique. Simplement parce que je suis passé du coté de l'amour. Même si peu de choses ont changé quant à la complicité qui existe avec nathalie, le seul fait d'être passé sous le régime "amour" à fait basculer le mode de fonctionnement de mon cerveau binaire. Le flou du [pas de mot existant] n'a pas duré longtemps et c'est le coté "amour" qui s'est mis à régir mon fonctionnement. Comme un pied, il faut bien l'avouer.

Très rapidement je suis devenu "demandeur" et "en attente de...", alors que rien n'aurait du changer. Mais l'idée d'amour déclenche dans ce cerveau binaire certains comportements qui lui sont liés. C'est vraiment très con, et particulièrement agaçant. Parce que ce n'est pas ce vers quoi je veux aller. Il n'a jamais été question pour moi, ni pour elle, d'aller vers une forme d'amour "classique", avec cohabitation future. Non, il s'agit simplement (si je puis dire...) d'une amitié aimante. J'aime mon amie. Mais c'est avant tout une amie... avec, parce qu'on se plaît, parce qu'il existe une attirance et une séduction, la liberté de nous laisser aller vers quelque chose qui est traditionnellement condidéré comme "hors amitié".

J'ai souvent parlé de cet "entre-deux", ce [pas de mot existant], mais mon cerveau binaire n'a pas su se satisfaire de cette idée de nuances. De ce « ni l'un ni l'autre« , mais les deux à la fois.

Je dois désormais rééduquer mon cerveau pour lui apprendre à voir les choses avec un peu plus de souplesse. Retourner vers cet "autre chose" que l'amour, et surtout quitter le mode de fonctionnement auquel il me soumet, marqué par un héritage socio-culturel. Je ne pensais pas que c'était aussi complexe...

Mais... j'y parviendrai! Parce que je le veux. Parce que je tiens à mon amie... que j'aime.


(*) Fort opportunément, et par un drôle de hasard, nathalie m'a envoyé l'extrait suivant:

«Je n'aime pas me savoir douter de moi. Parce que je sais qu'en doutant de
mon importance aux yeux des autres, c'est en fait d'eux que je doute... J'ai
beau me sentir totalement en confiance, dès que je n'ai plus de "preuves"
que l'autre me fait confiance et garde son estime pour moi, je me mets à me
dire « et si je m'étais monté la tête? Et si d'un coup l'autre perd sa
confiance en moi, et si... etc » De l'irrationnel pur sucre. Mais tu vois
aussi que le fond de confiance reste toujours puisque je m'exprime comme si
je ne doutais pas de l'autre. Je sens qu'au fond rien n'a changé, c'est
seulement le doute qui est venu s'immiscer et empoisonner quelque chose.
J'espère bien qu'à force je parviendrai à me débarasser de cette fâcheuse
tendance.
». 

Il s'agit d'un mail que je lui écrivais, en mars 2002. C'est, quasiment mot pour mot, ce que je constate en ce moment même... de nouveau avec elle. Il y a un an c'était lorsque notre amitié devenait plus proche, et maintenant c'est parce que... à cette amitié s'est joint un autre registre relationnel.
Donc, contrairement à ce que j'ai écrit dans mon texte du jour, ce n'est pas seulement l'amitié et l'amour qui font la différence, mais aussi la phase d'établissement du type de relation. Que ce soit en amitié ou en amour, avec la même personne, il y a chez moi une période d'inquiétude. Ce qui me semble rassurant, c'est qu'avec le temps ces doutes finissent par disparaître.

Je laisse la juxtaposition des textes, qui se contredisent en partie, comme marque des fausses impressions et souvenirs erronés que je peux avoir...



La pluie et le beau temps


Samedi 21 juin


Ecriture au petit matin, pour une fois. En ce premier jour de l'été, je me suis levé avant le soleil (qui pointe son éclat, derrière la colline, à 6h30). L'air est encore frais avec ses 15° et marcher pieds nus dans l'herbe pleine de rosée est presque glacial. La montée en température nous portera à plus de 30° ici, ce qui est rare en altitude. On annonce 37° en plaine...

Ce beau temps qui dure fait plaisir... mais est source d'angoisse pour les gens de la terre. Ceux qui vivent de la terre, et dont le premier geste est d'observer le ciel. Regard qui sera réitéré dans la journée, observant dans ce superbe mais angoissant bleu profond le signe anonciateur d'orages éventuels ou de changement de temps. Mais non, rien, pas le moindre nuage, pas la moindre trace blanche. Ni cumulus, ni stratus, ni cirrus, rien que du bleu. Et chaque regard confirmant le précédent mêle sourde inquiétude et fatalisme. Car il faudra bien faire avec...

Il n'a pas plu depuis bien longtemps et la sécheresse devient préoccupante. Or nous ne sommes qu'en tout début d'été et les mois les plus chauds et secs sont à venir...
Les champs sont secs comme des paillassons et rien n'a repoussé depuis que les foins ont été coupés. La nature du sous-sol se trahit en surface puisqu'il ne reste de verdure que là où la profondeur de terre est importante. Le débit des sources baisse de jour en jour...

Cette inquiétude vis à vis d'une météorologie inmaîtrisable est le stress des gens de la campagne. Une anxiété contre laquelle on ne peut rien faire. Grands gels ou sécheresse, excès d'eau ou de neige, vent qui casse et renverse... voila des soucis qui ne préoccupent que rarement les urbains. Et quand on entend aux infos «le beau temps va durer» si certains se réjouissent, d'autres s'angoissent. L'expression «parler de la pluie et du beau temps», entre agriculteurs, ce n'est pas parler de futilités. C'est partager un souci permanent. Et il est curieux de constater que cette habitude de parler de la météo demeure en ville, comme moyen de sociabilisation minimale, alors que celle-ci n'a plus aucune importance vitale en ce lieu dé-naturé.




Le pétrin à idées



Dimanche 22 juin


Il y a longtemps que je n'ai plus parlé de diarisme dans ce journal. Depuis que la CEV est devenue muette, puis que la RDJ a été fondée, je me suis totalement désinvesti de cette pseudo-communauté du diarisme, à laquelle j'avais cru (snif snif...).

C'est pas forcément une bonne idée, mais ça correspond à mes possibilités du moment: le peu de temps libre dont je dispose va ailleurs. Bon... et puis faut bien avouer que ce qui reste d'esprit communautaire et dont on peut avoir une idée sur le forum de la RDJ... euh... boaf! J'ai lu au début, mais devant la subtilité des échanges, j'ai cessé. Je vais faire un tour de temps en temps et... re-boaf et gros soupir. Je n'en dirai pas plus...

Je suis trop discret pour fréquenter des groupes. Vie réelle ou vie virtuelle, c'est pareil. Il n'y a qu'en petit comité, ou en tête à tête, que je me sens bien. Et, est-ce un hasard, mais les diaristes avec qui je m'entends bien sont, pour la plupart, des gens discrets mais néanmoins (ou justement?) très riches de par leurs réflexions.

En fait, je me demande si je n'appartiendrais pas à un courant devenu minoritaire et, de fait, je trouve peu de journaux nouveaux avec lesquels j'accroche. Généralement c'est suite à des conseils ou en suivant les liens indiqués par les diaristes que j'apprécie. Je papilonne aussi de temps en temps, cliquant sur des sites inconnus, mais il est rare que je trouve le style qui me plaît. Entre les blogs bloc-note aux posts ultra-courts et les journaux narratifs, je peine à découvrir ce coté "réflexion sur soi" que je m'attends à trouver dans un journal. Mais heureusement, il y a quand même toujours des surprises.

Et puis, je l'ai constaté à plusieurs reprises, il faut du temps pour entrer dans la vie d'un inconnu. Si je reste fidèle à mes premiers coups de coeur, d'autres plus tardifs n'ont pas su garder mon attention. Parce que sans surprise, ou trop répétitifs, ou sans écho durable en moi, ou montrant une personnalité qui à la longue me déplait. Du coup, j'ai finalement peu de lectures régulières.

Je pense que de mon coté je peux aussi lasser, avec mes sujets récurrents, mes interrogations répétitives et... la longueur de mes textes. Des personnes qui m'écrivaient autrefois semblent avoir disparu, des inconnus se manifestent brièvement puis retournent dans l'ombre. Pourtant, je vois que peu à peu le nombre de lecteurs augmente. Est-ce du au contenu de mon site ou à l'engouement pour internet?

Autrefois j'aurais eu peur de savoir qu'autant de personnes allaient me lire à chaque mise à jour (oh, y'en a pas des centaines non plus, hein). Maintenant j'y pense peu, alors que ce que j'écris est beaucoup plus impliquant émotionnellement. Je crois que je parviens peu à peu à écrire sans trop me soucier de ce lectorat inconnu. Sans doute parce qu'il est presque muet. En fait, lorsque j'écris, je pense surtout aux quelques personnes que je connais, mais la confiance en eux fait que cela n'altère pas ma liberté de ton.

Pourtant... je ne suis pas vraiment à l'aise dans ce journal. Je me sais impudique (par l'étalage de mon coté "coincé"), tout en se sachant pas comment ne pas l'être. Je suis souvent sur la corde raide et mesure de plus en plus mes mots. Je n'ai plus eu, depuis longtemps, cette écriture automatique qui me permettait de mettre à jour des idées enfouies. Ce "travail" se fait lors de mes échanges permanents avec ma complice. Le journal est plutôt de l'ordre du témoignage. Mettre en lignes ici ce qui a été découvert ailleurs est à la fois un moyen de me le rendre plus concis, plus construit, et celui de partager ce que je vis. Et puis l'afficher publiquement est aussi pour moi une façon de m'approprier des idées nouvelles, et de les revendiquer. Car peut-être, un jour, j'aurai envie d'assumer ouvertement ce que je vis, devant ceux qui m'entourent et en particulier ma famille... mes parents... ma mère. Sans forcément dire la nature exacte de cette relation, mais en ayant une marge de sécurité qui me permette d'en dire plus que je ne le fais actuellement, sans me sentir gêné parce qu'en limite de ce qui m'est avouable.

Je veux pouvoir revendiquer clairement ce que je pense, ce que je suis. C'est le chemin pour être moi-même. Ce journal m'aide à y parvenir. Pourtant je sais que ce ne sera que lorsque je pourrai assumer mes idées devant ceux dont je crains le jugement que je serai sorti d'affaire. Il faudra bien passer le cap du "vrai monde".

Voila... je voulais un peu parler de diarisme et je finis une fois de plus sur moi! Bah... c'est bien la preuve que le sujet ne me passionne pas.


______



Honnêtement, j'ai écrit ce qui précède dans une tentative de diversion. Pour essayer de changer un peu de sujet.

Euh... là encore, pas sûr que ça soit une bonne idée. Je n'ai pas le talent d'une Eva pour aborder un sujet différent à chaque fois, dans une longueur correcte, et avec une fluidité des mots qui les rend digestes (Eva, tu me donnes des complexes!). Je n'ai pas non plus le ton sautillant et gai d'une Incrédule qui rend ses textes à la fois approfondis et humoristiques (Incrédule, revieeens!). Je n'ai pas la concision d'une Cassandra qui, en peu de mot, savait faire passer de l'émotion (Gloups! adieu Cassandra...).

Non, j'ai mon style à moi, que je trouve un peu lourd à digérer par son coté malaxeur: prendre les mêmes idées et les brasser dans tous les sens, longuement, pour voir ce qui s'en dégagera à la fin. Si certain font dans le coté cuisine raffinée ou patisserie fine, moi ce serait plutôt le pain de campagne pétri à la main: dense, un peu lourd à digérer et long à mâcher. Bon, mais c'est comme ça hein, je vais pas me changer tout d'un coup.

Euh... où en étais-je? (je suis un spécialiste des idées qui vont dans tous les sens). Ah oui: à changer de sujet. Voui, parce qu'en fait il n'y a qu'un sujet qui m'intéresse en ce moment, bien qu'il ait des ramifications et implications multiples: ce que je découvre avec nathalie. Parce que finalement il y a tellement de choses imbriquées que je ne cesse d'en découvrir.
En ce moment, je réfléchis (intérieurement, et vous en aurez probablement bientôt les compte-rendus détaillés) à ce qui unit et différencie amour et amitié. C'est plus compliqué que ce que je pensais. En fait, je cherche à définir, en ce qui me concerne cet entre-deux qui n'a pas de nom. Ce [pas de mot existant] qui ne nécessite pas forcément d'être nommé, contrairement à ce que je cherche. Mais j'ai besoin de faire des aller-retour entre un coté et l'autre pour savoir ce qui existe au milieu. A mon avis, j'en arriverai à quelque chose de tout simple, mais il faut que je le dégage de sa gangue d'idées préconcues et catégorisées. Je dois simplement apprendre à voir les nuances qui existent entre deux pôles que j'ai tendance à opposer alors qu'ils sont liés en continu. Il n'y a pas de frontière entre amour et amitié (m'en doutais un peu...). Ce sont des constructions sociales qui le font croire. J'avais beau chercher la limite qui les sépare, je ne l'aurais jamais trouvée.

Et ben, mine de rien, ça demande beaucoup de travail intérieur pour démanteler cette frontière.





«A vous lecteurs inconnus qui m'avez accompagnée durant ces longs mois,

Votre présence m'a été précieuse, tant il est vrai que les mots doivent être entendus pour exister et nous guérir. Je n'ai plus de secret à partager. Ma vie et je l'espère mon bonheur m'appellent ailleurs, loin de cette blogosphère. Je n'abandonne pas l'écriture, mais il ne m'est plus possible de la partager sereinement avec vous. Un jour peut-être, ailleurs...

Merci d'avoir été là pour moi.
»

Secrets partagés


Cassandra s'efface...
Il semblerait que la vie réelle et la vie virtuelle se soient téléscopées entre quelques blogueurs...




«Je réalise un peu plus chaque jour à quel point je n'ai pas d'amis/amies qui me soient propres et combien c'est cela plus que tout le reste qui me manque. Depuis des années je fonctionne avec les relations du couple, j'ai laissé les miennes propres s'éteindre sans y faire attention, je n'ai pas cherché à en reconstituer. Je n'en éprouvais tout simplement pas suffisamment le besoin pour faire l'effort nécessaire.»

Les échos de Valclair (21/06/2003)


Beaucoup de similitudes de pensée entre Valclair et moi. Il aurait été femme que j'aurais été très attiré par cette personnalité.

Uuuh? Bizarre cette remarque que je fais, non?




«Je m'allonge à coté d'elle, conscient que les choses risquent de dégénérer rapidement si je ne fais rien. Je choisis le passé. Nous faisons l'amour pendant des heures, ma plus belle nuit, le meilleur orgasme de ma vie. Elle semble radieuse, je ne l'ai jamais sentie comme ça. Je n'ai aucun remord pour Marie. Je suis devenu un vampire sentimental, totalement froid, insensible, purement sexuel.
(...)
Quel gâchis, mon Dieu, quel gâchis.
»

Darkside, dans son Prologue (21/06/2003)


Long récit tout en douleur d'une poursuite sans fin d'amours multiples. Histoire qui pour moi est déchirante (cette lecture m'a ému et la fin m'a bouleversé).
Un exemple de ce que je n'aurais jamais pu faire, ce que j'ai toujours rejeté violemment, que je n'ai jamais compris, mais m'a pourtant toujours fasciné. L'amour volage, léger, pulsionnel... facile et (involontairement) cruel. Trop (aaarhh, vraiment trop!) de souffrance pour trop de monde. Quelque chose de bien différent de ce à quoi je m'intéresse désormais: relations plurielles mais, et c'est primordial, sans tromperie ni secret.




Différentes façons d'aimer


Lundi 23 juin


J'ai repensé aux commentaires que j'avais fait hier au sujet du forum de la RDJ. Euh... j'aurais pas du. C'est vrai que ce qui s'y dit ne m'intéresse pas, mais chacun est libre de s'exprimer sur les sujets (ou non-sujets) qui lui convient. C'est pas mon truc, mais je comprends que cette convivialité-copinage soit naturelle à certains et il est normal qu'ils en profitent. Ça ne fonctionnait pas bien sur un forum dont une partie des gens voulait des messages un minimum approfondis, mais sur la RDJ, qui a tout de suite annoncé la couleur, ça a l'air de bien fonctionner.

Hum... de toutes façons, je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour moi de mêler journal intime et "vie publique". Ça m'a joué des tours dans le passé. On est (je suis?) trop vulnérable en étalant ses états d'âme.
Les diaristes qui ont su se mettre à l'écart, et qui ne font aucune allusion au monde du diarisme (bien que l'observant du coin de l'oeil), l'ont sans doute compris mieux que moi...

* * *


Hier, la lecture (partielle) du journal de Darkside a réveillé en moi des sentiments contradictoires. Et un certain malaise. Lire les premiers émois amoureux de quelqu'un me ramène forcément aux miens. A tout ce que je n'ai pas osé dire, tout ce que je n'ai pas voulu faire. Darkside est, en quelque sorte, aux antipodes de ce que je suis. Pourtant il y a en lui un je-ne-sais-quoi dont je me sens étonnamment proche. Je me retrouve dans sa quête amoureuse alors que je suis à l'opposé dans la façon de la vivre. 

A chaque fois que je lis des diaristes parlant de leurs multiples aventures sentimentales, qui semblent parfois se mêler, durer, se confondre, ne jamais vraiment finir, ou au contraire s'interrompre brutalement, je ressens un malaise (je le ressens physiquement, avec des sensations dans le ventre et comme un vertige). Je ne sais pas si c'est l'incertitude qui m'effraie, ou si c'est l'imagination du malaise réel que je ressentirai dans leur situation ou celle de ceux avec qui ils sont en relation.

Oh la la, l'amour, l'attachement, sont pour moi tellement haut placés que de voir comment l'autre est "jetable" me donne un haut-le-coeur. Non pas que je juge, vraiment pas, mais par identification si cela devait m'arriver un jour. Ce serait une telle souffrance, vu la façon dont j'investis une relation et m'attache, que j'en serai démoli (beuh... j'vais vomir...). Et... je ne suis pas sûr que personne ne sorte cassé de certaines de ces relations fugaces. Celui que j'ai lu ne semble d'ailleurs pas exonéré de souffrance et de mal-être, malgré sa quête perpétuelle de nouvelles conquètes.

Je crois que ce récit m'aide à comprendre les ajustements que j'ai du faire dans ma relation avec nathalie, afin de trouver la bonne place pour moi, et lui donner la bonne place, par rapport aux sentiments et à l'attachement.
Je me sais (je me sens?) être hyper-vulnérable, et cette peur de souffrir de la fin d'une relation conditionne (et empoisonne un peu) toute relation forte que je vis (euh... y'en aurait-il eu tant que ça?). Depuis que je suis en âge d'aimer, depuis cette Laura de mon adolescence, j'ai toujours su, viscéralement, que l'amour était pour moi le sentiment suprême. Celui par qui le bonheur était atteignable... mais aussi par qui la douleur pouvait démolir (oh que c'est pas bon tout ça!). Ce sentiment très haut placé à fait que je m'en méfie autant que je le désire. Mais la peur de souffrir, la peur du rejet, ont fait que j'ai préféré... souffrir de n'être pas aimé (souffrance sourde, continue, mais gérable) plutôt que de risquer de n'être pas aimé à la hauteur de ce que je ressentais.

Et depuis mes quinze ans, j'ai regardé avec un mélange d'envie et de dédain ceux qui se laissaient aller aux relations "faciles", sans conséquence, sans avenir envisagé. Ceux qui jouaient avec l'amour, tout en apprenant à le vivre. Pendant longtemps je rejetais cette façon de faire. A tort, puisque je constate combien mon unique expérience est insuffisante. Il n'y a que depuis quelques années que je me dis que tout n'est pas à jeter. Il y avait de ma part un principe moral (c'est celui-là je le jette aux oubliettes), mais aussi cette conviction que je ne pourrais pas vivre les relations de cette façon. Pourtant, vous qui me lisez le savez bien, j'étais quand même attiré par autre chose que la monogamie stricte.

Je crois que peu à peu je trouve mon chemin, qui se trouve entre le pluripartenariat et la fidélité conjugale. J'ai envie d'une certaine diversité relationnelle (euh... modérée!), mais fondée sur une idée de "fidélité souhaitée" dans les sentiments. Fidélité voulant dire ici "volonté de durer". Une sorte d'engagement au présent. Pas un engagement sur l'avenir, puisqu'on ignore ce qui peut advenir, mais un désir d'avenir dans la relation. De durabilité.
Il y a donc, sous-entendue, la notion de relation forte.

Et surtout... ne pas tromper ni trahir.


Waow, exigeant le mec!
Oui.

* * *



Bonne discussion avec Charlotte, hier. Je ne sais plus comment on y est venus, mais on a parlé du temps que je passe sur internet. Puis de ce que je vis avec nathalie. Mouais... c'est pas toujours facile pour Charlotte. Elle se met à douter d'elle-même, de l'attrait qu'elle exerce sur moi. Comment ne pas la comprendre?
Alors je lui explique, tente de la rassurer en lui disant que rien de ce qui existe entre nous n'est menacé. C'est elle que j'ai choisie pour vivre ma vie et je n'ai pas l'intention de tout bousculer.
Compliqué à comprendre selon le modèle traditionnel. Le poids que cela pèse sur nous est vraiment considérable. Changer de mode de pensée demande une remise en question des fondements de ce qu'on a toujours pris comme "vrai".

Je sais que mes remises en question pèsent sur Charlotte, mais lorsque je prends conscience que ça lui est lourd, je me sens mal. Je n'aime pas la rendre inquiète ou malheureuse. Me dire que la recherche de mon bien-être entraine un mal-être pour elle est quelque chose de difficile à vivre. Je me sens toujours mal lorsque je réalise qu'elle se fait passer après moi. Ce n'est pas ce que je veux.

Pourtant, elle me dit aussi que c'est bénéfique pour elle de me suivre sur des chemins qu'elle n'aurait pas osé prendre. Elle me disait ça en parlant de mon installation à mon compte, et du déménagement que nous avions fait pour cela. Elle ne regrette rien, même si sur le moment elle avait eu du mal à le vivre (sans rien m'en dire...).
Alors je ne sais pas... Ce que je vis actuellement, qui occasionne une profonde remise en question sur le fonctionnement de notre couple, pourrait nous amener tous les deux vers un "mieux". Mais cela se paye, en efforts à faire, en remises en question parfois difficiles, voire douloureuses. Si je peux me l'imposer, en revanche il m'est délicat de l'obliger à me suivre. Bien que... si elle ne s'oppose pas fermement, peut-être est-ce parce qu'elle est quand même intéressée par mes découvertes? Elle même ne sait pas répondre à la question, hésitant entre une certaine curiosité et une crainte à bouleverser un équilibre... pourtant pas entièrement satisfaisant.

Poursuivre est-il donc un acte courageux, ou un comportement facile et égoïste? Si j'évolue, c'est que je suis motivé pour le faire. Mais quelle est la première raison? Le désir de changer, ou bien le plaisir de la nouveauté?
Si je sais que la découverte me motive, je sais aussi que je n'irai pas dans cette direction si je ne la sentais pas "bonne" pour moi. Les deux éléments sont reliés. C'est parce que nathalie me plaît que j'évolue, mais c'est parce que j'ai évolué que j'ai pu aller vers nathalie.

Et la voie n'est pas que facilité et plaisir. Si j'ai touché pendant quelques temps un bonheur euphorique, la réalité à tôt fait de s'être rappelée à moi. Et depuis c'est un important travail en profondeur que je fais. Certes avec plaisir et enthousiasme, mais pas sans difficultés. On ne change pas de mode de fonctionnement en quelques semaines, même préparé par des réflexions de longue date. Sans cesse il faut "travailler" pour rééduquer le mode de pensée. Apprendre à faire confiance, retrouver confiance en soi, alors qu'intérieurement tout pousse à voir des signes négatifs, par habitude, par fatalisme.  Quand la mélancolie et la résignation sont trop facilement le mode de pensée associé au mot "aimer", alors que ce verbe ne se conjugue pas à l'identique selon chacun.



Croire en moi


Mardi 24 juin


Il est amusant de constater combien les "hasards" font des appels du pied, quand le moment est venu de les entendre. Depuis hier, parce que je sentais confusément en moi monter une inquiétude qui mène vers les doutes (ce dont je ne veux obstinément plus!) j'ai réfléchi à ce que je pouvais faire pour ne plus en avoir. Il semble que ce n'était pas bien caché puisque très vite je me suis dit que je devais croire en moi, comme d'autres croient en moi. Que je devais accepter de voir que j'avais une certaine "valeur" aux yeux des autres et que je pouvais leur faire confiance quant à leur jugement à mon égard.

Hop, petite idée semée dans ma tête et qui allait se développer dans les jours à venir. D'ailleurs, je vais revoir ma psy dans deux jours, après trois ans d'arrêt, pour travailler sur cette propension à douter. La perspective de ce rendez-vous à certainement contribué à cette prise de conscience qui était en germe.

Et puis ce soir je tombe sur un passage de Darkside:
«J'ai aucune clé pour évaluer ma valeur. C'est quoi les critères, y'a une charte, une norme ISO ? Où sont les cases à cocher, c'est quoi ma note sur 20 ? Elle m'a dit que pour être moins jaloux et pour pouvoir aimer, il faut que je m'aime moi même en priorité, que j'ai conscience de ce que je vaux pour ne pas penser que les autres me sont tous supérieurs. En ayant conscience de mes qualités, je n'aurai donc pas peur des autres et je pourrai faire confiance. J'ai conscience de rien moi. Je vaux quoi ???»

Paf! en plein dans le mille. Exactement le genre de sujet qui me préoccupe. Hasard? Je met le passage de coté, pensant m'en servir de base de réflexion pour ce que j'écris là. Et puis, par... euh... curiosité nostalgique, je vais farfouiller dans quelques mails échangés avec ma complice il y a quelques mois. Hum... lorsque nous avions beaucoup de temps pour échanger et que notre relation s'installait dans un crescendo fichtrement euphorisant. Bref, je tombe alors sur ce passage, qu'elle m'avait écrit au sujet de mes doutes à répétition: «Je crois que si tu n'apprends pas à t'aimer d'abord, à bâtir cette confiance en toi-même, tu risque d'être toujours vulnérable de cette façon.» Cling! Re-hasard qui me fait de l'oeil...

Mouais, c'est certain, faut que je travaille là dessus. Faut que je sois un peu plus objectif sur moi même: je vaux quelque chose. Plein de gens me le disent, et surtout des gens que j'estime. Alors faudrait peut-être que ça aille plus loin que de l'entendre. Faudrait peut-être l'écouter attentivement, puis l'enregistrer quelque part dans ma tête!

Je suis apprécié. Je vaux quelque chose. On me fait confiance. On apprécie ma capacité de remise en question, et mon écoute. Merde, il y a des gens qui m'aiment bien... et... il y en a même qui m'aiment tout court.

Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à y croire?
Pourquoi est-ce que je doute de moi?

Et si... et si ça ne servait à rien de se demander pourquoi? Parce qu'on s'en fout un peu, de l'origine de ce poison. Ce qui compte c'est maintenant, et le futur. Pas le passé, que je ne peux plus changer. Je peux agir sur le présent. Avoir une vision positive. Me forcer à croire en moi. Refuser de laisser la place au doute (merci nathalie, pour cette phrase fétiche).

Je peux positiver en refusant d'employer à mon égard des mots dévalorisants. Chercher ce qu'il y a de bon et d'intéressant dans chacune de mes actions. Regarder la face lumineuse au lieu de me focaliser sur celle qui est sombre. Oui, c'est ça: chercher la lumière. Ma lumière, celle qui émane de moi. Celle qui fait qu'on m'apprécie.

Il FAUT que j'agisse, CONTRE moi. Contre cette tendance négative. Contre ce subconscient qui fait tout pour m'empêcher d'être heureux.

Voila, j'entre en lutte contre moi-même... pour moi-même.

Pourquoi ne m'en suis-je pas rendu-compte plus tôt? Et bien... je suppose que le regard aimant de Charlotte m'a permis (et ce n'était pas une bonne chose) de trouver une certaine estime en moi... mais à usage restreint. Ça ne fonctionnait qu'au sein de notre couple. Une complicité fermée, un cocon douillet où j'étais apprécié... et dont je ne m'écartais pas. Pas d'amis personnels (je ne cherchais pas à investir d'autres relations que celle du couple), transparence neutre et insignifiante avec les couples amis (et, perspicaces, ils sont quand même parvenus à m'apprécier à travers les bribes que je donnais de moi). Tout dépendait de Charlotte. Mon bien-être (ma sauveuse qui me révélait à moi-même) ou mon mal-être (lorsque elle me désapprouvait). Ouais, ne dites rien, je sais que c'est pathétique comme situation. C'est bien pour ça que je veux en sortir!

Ras-le-bol de cette dépendance.

Bon, ça fait déjà quelques années que j'ai commencé à percevoir ce système bancal. Mais je n'avais pas tout compris. Il m'aura fallu la communication via internet, depuis trois ans, pour que je comprenne tout ce que pouvaient m'apporter les autres. Et ce que je pouvais leur apporter aussi, hein! [pensée positive et objective forcenée].

Il aura surtout fallu cette rencontre extraordinaire avec euh... une personne vraiment fantastique ET qui fonctionne comme moi (parce que des gens fantastique, j'en connais d'autres, hein), pour que je comprenne que je ne pouvais pas laisser passer cette chance. Il FAUT donc que j'évolue pour ne plus me dévaloriser, me dénigrer, me culpabiliser, me minimiser, m'enfoncer. Parce que c'est pas marrant quelqu'un qui doute de lui...

Pour moi, je m'en foutais
Pour Charlotte, je n'y pensais plus (oui, c'est un peu triste, hein?)
Pour nathalie, je veux changer ce mode de pensée.

Il changera donc pour Charlotte aussi. Et finalement pour moi.




En manque

Mercredi 25 juin


Je n'en finis pas de rechercher les raisons qui m'amènent à douter de moi, et de l'intérêt que je peux avoir pour les autres. Je crois en avoir trouvé, pour certaines situations, un des points d'origine en décryptant ma façon de fonctionner lorsque je suis attaché à quelqu'un. C'est évidemment ma relation privilégiée qui me permet de le comprendre, puisqu'elle rend flagrants des éléments qui passent inaperçus dans des relations moins fus... euh... dépen... euh... moins proches.

Hier je relisais ce que j'écrivais ici en mars. Lorsque je me vautrais avec délice dans un bonheur qui me semblait sans limites. Quel était-il ce bonheur? Celui d'avoir trouvé quelqu'un avec qui je m'entendais parfaitement. Il n'y avait aucune ombre (visible) au tableau et chaque jour confirmait le précédent. Inévitablement ce bonheur, tant espéré (et craint par la désillusion envisagée), croissait. Je me shootais au bonheur et me suis trouvé dans un état extatique.

Nous communiquions beaucoup, très longuement, avec un égal intérêt. Mes mots trouvaient un écho et sans cesse nous relancions vers l'autre ce qu'on venait de recevoir de sa part. Une situation que mes rêves n'imaginaient même pas. Je sais très bien que cela correspond à quelque chose de narcissique: le bonheur que je ressentais était celui d'être compris, apprécié, aimé... tel que j'étais. Être moi-même semblait rendre heureuse ma complice, et moi j'étais heureux de ce qu'elle était. L'osmose semblait parfaite

Mais les meilleures choses ne durent pas (c'est sans doute ce qui les rend meilleures!). Et la vie courante à imposé ses règles incontournables: le temps n'est pas élastique, et il faut aussi gagner sa vie. Nous avons donc disposé de moins de temps. Moins de temps pour communiquer, et surtout, pour elle, moins de temps pour réfléchir. Alors les échanges se sont réduits, ont perdu de leur densité. Ou du moins la densité est devenue moins fréquente.

Et là, assez rapidement, j'ai senti que quelque chose de ce qui nous reliait s'estompait. Oh, rien ne changeait dans la nature de notre lien, mais il fallait accepter de le voir moins soutenu. Ou, plus exactement, pas soutenu en permanence. Car, lorsque nous pouvions communiquer librement, tout se passait idéalement. Mais entre ces moments là... il y avait comme un vide. Et parfois il y avait plus de vides que de pleins.

La sensation de manque s'installait. Manque de communication à la hauteur de ce qu'elle avait été. Manque des ces moments de bonheur à partager.

C'est de là, précisément que naissaient mes doutes. Car, ne trouvant plus aussi souvent cette complicité des mots, une partie de moi se demandait si elle existait toujours dans les esprits. Cette demande, je la manifestais... et trahissait ainsi mon attente.

Or, attendre... non non non, c'est pas bon du tout! Il faut savoir prendre les choses telles qu'elle viennent. Être patient et garder confiance. Ce qui a été existe toujours, même si les manifestations de son existence sont moins fréquentes.

Depuis, cahin-caha, j'apprend à me satisfaire de ce qui vient (j'ai bien dit "j'apprends", c'est pas encore acquis). Nos rencontres plus ou moins aléatoires nous permettent parfois de plonger profondément dans notre complicité... ou bien de rester plus superficiels. Parce que c'est comme ça. Parce que les réflexions ne sont pas forcément présentes au moment où nous pouvons nous rencontrer.

J'apprends à ne pas attendre, à ne pas demander (mais je ne suis pas un élève très doué...). Je m'efforce d'avoir la meilleure attitude possible, entre expression et rétention. J'empêche mes doutes de prendre de la place. Et j'apprends à me satisfaire de ces moments qui nous sont donné beaucoup plus parcimonieusement qu'auparavant.

Ma complice, plus expérimentée que moi, a déjà réfléchi à tout cela et sait mieux apréhender ce genre de situation. Elle a établi tout un mode de pensée qui lui permet de surmonter les effets négatifs du manque. Elle n'attend pas et garde confiance. Elle continue à vivre, sachant prendre ce qui vient lorsque ça vient. Sagesse que je n'ai pas encore...

Je sais que je vais vers ce genre d'attitude... mais les efforts pour y parvenir doivent être constants.



Ce que je comprends aussi, maintenant, c'est que j'ai un immense besoin de m'exprimer (non, encore plus que ce que vous croyez!). Le timide et discret que je suis dans la vie (oui, il ne faut pas se fier aux bavardages écrits de ce journal, ce serait une erreur d'interprétation) est en fait en manque terrible (et plus...) de communication (limite pathologique). J'ai tout gardé en moi pendant des années, faux silencieux, faux solitaire.
Charlotte a été submergée par cette vague contenue lorsque je l'ai connue et il m'a fallu apprendre à en juguler le flot. C'était trop pour elle et je ne pouvais pas attendre de sa part autant d'écoute que je souhaitais, et encore moins autant de mots venant d'elle. Charlotte s'exprime peu sur ses ressentis. Frustration douloureuse que j'ai appris à accepter au fil des ans, par la force des choses. Mais le manque à toujours été là.

C'est ce manque qui m'a mené vers internet, où j'ai pu étancher une partie de ma soif d'échanges et épancher une partie de ma marée de mots. Puis il y a eu nathalie, et j'ai trouvé avec elle cette communication soutenue dans l'intime/émotionnel qui me manquait depuis si longtemps.

Maintenant que cette communication est moins facile, pour diverses raisons auxquelles nous ne pouvons rien, je me rends compte que je me trouve à nouveau frustré. En manque de communication dans le domaine qui nous était commun.

Le manque (mais gnnn, je me raisonne) déclenche mon attente (grgniiii, je résiste), puis mes demandes (schkrgnnn, je me retiens)... qui ne peuvent être satisfaites à la hauteur de mes besoins. Viennent ensuite se mettre en place (si je n'y prends garde) les mécanismes parasites du doute (moins de communication = moins d'intérêt et bla bla bla...).

Et voila comment fonctionne un processus merdique. La boucle est bouclée. Ce n'est donc pas seulement sur mes doutes qu'il faut que je travaille (c'est hyper-complexe comme mécanisme), mais aussi en amont: sur ces attentes qui ne devraient pas exister, ce manque qui ne devrait pas apparaître. Et sur ce besoin de communication... qui devrait pouvoir s'assouvir de façon moins exclusive. Que je ne sois pas dépendant de trop peu de confidentes pour satisfaire ce besoin. Sinon, ce manque que je ressentais avec Charlotte, je le ressentirai aussi avec nathalie, malgré sa capacité de communication. Parce que ce ne sera pas toujours possible, et parfois pendant plusieurs mois.

Euh... alors il faut aussi que j'apprenne à vivre mes relations proches en m'impliquant moins, affectivement parlant. Ouais... y'a probablement quelque chose à chercher aussi dans cette direction.

Pfff, mais est-ce qu'un jour je parviendrai à trouver un seul fil à dérouler en continu, plutôt que cette pelote emmêlée où il faut jouer sur tous les fils à la fois?

Bon, heureusement qu'il me reste ce fidèle journal (quoiqu'il soit aussi un dévoreur de temps). Avec lui, c'est généralement par lassitude que je cesse de m'exprimer (réflexion ralentie par le tap-tap des doigts). Et puis aussi... je me dis que je ne peux pas vous imposer des textes trop longs... oups [pensée positive in extremis] euh... je dois rester dans une longueur mesurée afin de préserver intacte votre attention soutenue. Voila.



La question qui tue




Jeudi 26 juin


Psy 3.1 (session 3, épisode 1)

J'ai donc retrouvé ma psy, avec quelques années de plus. Elle doit avoir à peu près mon âge, celui où les visages se marquent... Toujours cette voix douce, ce sourire encourageant, ces yeux clairs (comme les miens)... et cette légère distance professionnelle. Pas un mot de trop. Ça me convient très bien.

Je me suis lancé dans le vide, n'ayant préparé mentalement que les premières phrases du plongeon. Je savais que les mots viendraient tout seul, et c'est bien ce qui s'est passé (ouille, quel débit! je me demande comment elle à pu suivre en notant sur son papier). J'ai commencé en lui parlant de ces satanés doutes qui me pourissent la vie, ce double de moi qui réagit émotionnellement et contre lequel je dois me battre par le raisonnement. Fatalement, je lui ai parlé de ce que je vivais en ce moment avec nathalie puisque la prise de conscience se fait au sein de cette relation. Rencontre sur internet... bla bla... j'aime cette femme... bla bla... m'apporte du bonheur... bla bla... communication extraordinaire... bla bla... peur d'être abandonné (je raccourcis, hein, puisque vous savez déjà tout). Puis je lui explique cette forme d'amour («ah, "forme" d'amour?» me demanda t-elle) qui se situe entre amour "classique" (tendance couple) et l'amitié. Ce passage d'une amitié idéale à l'idée d'amour, qui a déclenché des réactions émotives différentes chez moi. Cette tendance à reproduire le modèle "couple fusionnel" (manque et attente) alors que précisément je n'en veux pas.

Elle a pointé alors sur quelques idées que j'exprimais: «Si vous êtes prêt à lui laisser toute liberté... n'est-ce pas pour mieux la garder?». Ouille... j'avais pas pensé à ça (enfin, pas aussi directement). Euh... oui, effectivement. Pour la garder, je suis prêt à renoncer à certaines choses. Je lui explique alors l'immense importance que nathalie a pris dans ma vie. Cette impression que si je la perdais, je perdais "la" chance de ma vie. Parce que les hasards sont rares et qu'il y a vraiment peu de chances qu'un jour je rencontre quelqu'un avec qui je ressente autant d'affinités.

Et alors là, "la question qui tue" (comme disait la déjà regrettée Cassandra):

«Et si il lui arrivait quelque chose, si vous la perdiez, il se passerait quoi?»

Garglll... glups... les mots s'etouffent dans ma gorge, ma voix se casse. Tout d'un coup, spouitch, ça se met à gicler dans mes yeux. Hum, garder un peu de contenance... se ressaisir: «Et bien ce serait terrible...». Ma psy ne me regarde pas et continue à écrire (elle a cette discrétion lorsque je suis trop ému). Je lui explique que j'aurais un deuil à faire et que je perdrais quelqu'un de très précieux (mais pourquoi qu'elle me pose une question pareeeeilleeuh???). «Et si elle vous disait que c'est fini?». Je lui réponds que j'accepterais mieux, parce qu'elle m'expliquerait les raisons de ce choix.

Pas trop le temps d'approfondir, un coup de téléphone interromp la séance, qui touchait à sa fin. Elle me propose directement un rendez-vous dans une dizaine de jours. Ouff, je craignais qu'elle ne me dise que c'était pas quelque chose de bien important (oui, je me minimise encore). Mais bon, vu mon émotion, elle a bien vu que ça me travaillait *quelque peu*.

Je paye, sors, prends l'escalier sombre de ce vieil immeuble, et là... schpllaaarf, les grandes eaux. Je repense à cette phrase «et si elle disparaissait?», et ça me met dans un état pas possible (pourvu que personne ne passe à ce moment là). Bon, quelques minutes, et je reprends mes esprits.

J'ai eu la mauvaise idée d'aller faire des courses ensuite, pour me changer les idées. J'avais l'air malin au milieu des tomates en train de retenir mes larmes. Puis quand ce monsieur me pose une question sur les boites de thon alors que mes yeux brillaient un peu trop, fuyant son regard. M'enfin bon, les gens ne se regardent pas dans les magasins et tout s'est bien passé.

Breeeeef... je suis loin d'être "libre" de l'attachement que je ressens envers nathalie. Je ne sais d'ailleurs pas si c'est quelque chose d'évitable. Comment peut-on être "attaché" (déjà, rien que le sens du mot...) sans ressentir de la douleur si l'autre disparaissait? Cependant, réaliser que j'encaisserais mieux le coup si c'était suite à un choix de nathalie me semble être plutôt rassurant. Parce que ça signifie que, par le raisonnement, je lui laisse cette liberté à laquelle nous tenons tous les deux. Bon, émotionnellement... c'est une autre affaire.

Je ne suis pas mécontent suis content de moi (ouaaiiiis!). J'ai su bien expliquer les choses, lui montrer que j'avais déjà bien réfléchi au problème, et que je savais clairement ce qui m'amenait chez elle. Ce que je voulais "soigner". Bon, l'émotion m'a envahi, mais ça ne me dérange pas. J'assume totalement cette expression incontrôlable qui signifie un trouble intérieur. Mieux: je trouve importantes ces manifestations spontanées qui marquent nettement "là où ça fait mal" (ou "du bien", selon les moments). C'est le langage de l'émotion pure, l'essence de soi, et c'est bon.



Coïncidences?


Vendredi 27 juin


Vous croyez à la transmission de pensée, vous? Pas vraiment hein...
Et ben figurez-vous qu'il se passe quand même des choses parfois bien bizarres. J'ai raconté hier que j'avais ressenti euh... une grosse émotion (on va dire ça comme ça) en imaginant la disparition de ma complice. Et bien figurez-vous qu'elle s'est réveillée en pleine nuit, brusquement, à ce moment précis (oui, ses nuits sont mes jours, je le rappelle). Stupéfiant non? Nous nous en sommes rendu compte hier soir, alors que nous parlions de ce que j'avais écrit ici.

Bon, on en pense ce qu'on en veut, mais ce qui est sûr c'est que ça s'est passé en simultané...

Dans le même genre de coïncidences, il arrive fréquemment que nous nous connections sur la messagerie instantanée presque au même moment. A quelques seconde près bien souvent. Et pourtant, nous ne nous donnons pas de rendez-vous et venons voir "au cas où". Bon, c'est pas systématique et il semble aussi que nous nous rations parfois de près...

Il n'empêche qu'il existe de drôles de hasards.



Le parloir virtuel


Dimanche 28 juin



Avec ma complice, nos rencontres commencent toujours par des mots. Avant de nous voir, nous nous "parlons" (par écrit) sur une de ces messageries instantanées sur lequelles on inscrit une liste de contacts privilégiés. Après un certain temps, nous passons en mode visuel, avec l'apport de la caméra. Souvent nous devenons alors plus silencieux, observant attentivement l'expression physique de l'autre.
Même en léger décalé, la voir rire, être sérieuse, concentrée, hésitante, constitue un langage non-verbal très important. Puisque nous ne nous sommes jamais vus d'oeil à oeil, nous n'avons que ces quelques heures épisodiques pour nous imprégner de la présence de l'autre. Parfois, c'est même le silence total, nous observant au fond des yeux, longuement... instants durant lesquels passe quelque chose d'indéfinissable. Moments à la fois doux et douloureux.

Mais nous n'avons que ça pour nous "toucher". Ce sont donc des moments importants pour nous. De plus, chez moi ils apaisent tous mes doutes parce que je vois ce qu'éveille ma présence dans le regard de nathalie. Ces yeux ne mentent pas. Ce regard me touche, me fait vibrer intérieurement.

Pourtant, en comparaison de la présence physique réelle, je crois que l'imprégnation est moindre. Une image un peu floue, petite, incomplète et en deux dimensions ne peut remplacer tout ce qui émane du corps de l'autre. Je crois que les doutes que je ressens parfois viennent plus rapidement que si nous existions vraiment en face à face. Comme si la persistance rétinienne était moindre. Comme si un certain flux (ondes, magnétisme, ce que vous voulez) essentiel ne pouvait circuler entre nous.

Je ne sais pas précisément comment vivent cet éloignement ceux qui connaissent ces relations fortes à distance, mais je sais que l'impression est similaire.

Toute notre dynamique relationnelle est orientée par cette impossibilité de nous cotoyer. Nous le savions avant même de nous rapprocher. Cette distance, nous nous en accomodons. Selon certains points de vue, peut-être que cela nous convient (à moi, en particulier, qui ne saurait, comment gérer une double vie géographiquement proche). Mais il arrive aussi qu'elle nous soit cruelle. Imaginez... voir un être aimé, lui écrire, parfois l'écouter... mais ne pas pouvoir le toucher.
C'est un peu comme un parloir de prison, derrière une vitre qui serait de la taille d'une lucarne, avec des micros pour le son. Aucun de nous deux n'est privé de sa liberté, mais nous sommes tous les deux de part et d'autre de mondes séparés. Physiquement intouchables.

Alors, écrits ou sussurés, nous ne disposons que des mots pour nous effleurer. Des mots et des images, précieuses et frustrantes. Sublimer le tactile. Sensualiser l'inaccessible. Tout en retenue, douuuucement, délicatement, pudiquement...




Potins de diaristes


Lundi 30 juin


Le lecteur attentif de journaux en ligne aura appris que, ce week-end, à Paris, a eu lieu une rencontre de quelques diariste. C'est pas compliqué, ils en ont presque tous parlé dans leur journal respectif. On sait tout: le lieu de rendez-vous, qui était présent, qui était en retard. On sait même le nom du chien qui les accompagnait..
Par contre, il est fait mention de potins qui ont été échangés... mais dont on ne saura rien. Normal. De quoi pouvaient bien parler des diaristes qui se rencontrent, si ce n'est de diarisme, principalement?

Si j'évoque cette rencontre, c'est parce que quelque chose m'a frappé dans les compte-rendu qui en ont été faits. Je le compare avec une autre rencontre, d'autres diaristes, aussi à Paris, au mois de janvier. Là j'y étais. Et si on a parlé diarisme, je ne me souviens pas qu'il ait vraiment été question de potins. Mais là n'est pas mon propos.
Ce qui m'a surpris, dans la différence de traitement entre les deux rencontres, c'est que pour celle de janvier, sans que nous nous entendions à ce sujet, aucun de nous n'avait nommé les participants. Pourtant la plupart d'entre nous avait évoqué la rencontre.

On peut constater la même différence dans certains journaux qui s'adressent clairement à un public "ami", avec clins d'oeils, noms cités, lien évident entre le forum de la RDJ et journaux des membres. J'appelle ça le diarisme-copinage (et je m'empresse de préciser que je n'ai rien contre, même s'il ne me convient pas).
A l'opposé, il n'y a aucun lien apparent entre des diaristes plus discrets, qui ne font jamais clairement allusion aux liens qui existent dans une certaine intimité.

Pour ma part, je me souviens qu'à mes débuts j'aimais citer certains noms des relations que j'avais, même si je les ai rapidement remplacés par des initiales ou des pseudonymes (pseudos de pseudos, vous comprenez?). Sans doute était-ce une façon pour moi de me sentir faire partie de cette communauté à laquelle j'avais envie d'adhérer. Désormais je ne fais plus état en public des liens qui existent en coulisses. C'est du domaine privé. Je crois que ça date de la période où j'ai été controversé. J'ai préféré, depuis, ne pas impliquer dans une sorte de "clan" ceux que je connaissais. Alors maintenant je suis officiellement diariste solitaire (I'me a poor lonesome diarist...)

Récemment Valclair (21/06/2003) s'interrogeait sur une possibilité d'implication dans des relations avec d'autres diaristes: «A lire certains diaristes je me rends compte qu'il se passe de vraies rencontres sur internet, que celles-ci se concrétisent par des relations " en présence " ou qu'elles se maintiennent longtemps exclusivement à distance, sans être pour autant moins intenses. Je réalise seulement aujourd'hui que moi aussi je souhaiterais aller vers de telles rencontres». Je reconnais là mes réflexion antérieures. Je sais désormais que l'interaction modifie l'écriture. Je ne suis plus un diariste anonyme, totalement libre d'expression (mais l'est-on vraiment un jour? n'existe t-il pas, souvent, un désir de plaire?). De savoir que mes mots sont lus par des gens avec qui j'échange a créé... non pas de la retenue... mais... une prise de conscience de ce que je donne de moi. Je pense en particulier à des diaristes que j'apprécie, mais aussi, lorsque j'aborde un sujet qui touchera plus particulièrement telle ou telle personne. Et je ne parle même pas de la relation que j'entretiens avec ma complice-lectrice...

Pourtant, je n'ai jamais regretté une pseudo-liberté que j'aurais eue antérieurement. Parce que les liens que j'ai établi me sont tous précieux, et que les échanges que j'ai eus m'ont enrichi et m'ont aidé à avancer sur mon chemin. Ces relations qui existent entre nous sont basées sur une confiance mutuelle (puisque je lis aussi les journaux de ces lecteurs particuliers). Je n'ai même pas ressenti de gêne spécifique (autre que celle de ma timidité habituelle) lorsque j'ai rencontré des personnes qui en savaient autant sur moi... mais dont je savais aussi beaucoup en ce qui les concerne.

Ces intimités partagées, je crois que nous n'avons pas très envie de les exposer en public. Nous n'alimenterons pas les potins des autres diaristes.

La question peut se poser de façon plus cruciale lorsque la relation va au-delà de la simple amitié. On a pu voir très récemment qu'une intimité relationnelle mise en public peut causer, en cas de complication, la clôture immédiate d'un journal. Deux blogs qui ont fermé très brusquement, le même jour, en sont les témoins...
Je comprends donc ceux qui préfèrent taire ce genre de relation et se préserver des regards. Mais on peut aussi comprendre ceux qui affichent publiquement leur lien, comme on a pu le lire il y a quelques temps sur le forum de la RDJ. Il peut exister une envie de rendre public quelque chose qui compte dans la vie du diariste.

C'est, une fois de plus, un des paradoxes de l'écriture intime publique. Et il n'est pas étonnant que se crée une "vie privée" à l'intérieur de la sphère publique, dans laquelle on a pourtant choisi de livrer... sa vie privée. Il y a probablement un indispensable besoin de ne pas s'exposer entièrement. Ce qui est public ici est privé là, et inversement. Il y a une notion d'intimité différenciée sur laquelle il faudrait se pencher.