Octobre 2003
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Dévoiler l'intimité?



Mercredi 1 octobre


Je ne relis que rarement des extraits de mon journal, mais peut-être que je devais le faire plus souvent. Ça me permettrait de constater de qui évolue dans mes pensées, ou bien qui n'a fait que s'affirmer depuis le jour où elle se sont révélées à moi.
Retournant lire le début de cette année, j'ai été très surpris de voir à quel point j'étais déjà déterminé au sujet des amours parallèles. J'avais le souvenir d'une lente maturation, d'une appropriation progressive des idées au cours des derniers mois... Il n'en est rien: dès le début de ma relation complice avec nathalie tout était déjà en place.

Ce qui se passe maintenant avec Charlotte qui, selon les jours, parvient ou pas à accepter cette relation parallèle, était déjà envisagé, anticipé, prévu. Et pourtant... confiant (et sans doute un brin optimiste), j'ai poursuivi mon chemin. Parce que... je ne pouvais pas faire autrement.

En février, déjà, je ressentais une fissure qui séparait nos points de vue respectifs. Elle est restée en l'état et semble parfois se réactiver aujourd'hui, mais de façon beaucoup plus marquée (normal...). Je ne vais pas réécrire ce que j'ai exprimé très clairement il y a neuf mois (oui, j'ai trouvé mes textes... lumineux). Rien n'a changé si ce n'est que maintenant mes convictions se sont encore renforcées.

Tout ce que j'écrivais sur l'amour que j'ai pour Charlotte reste d'actualité. Et si j'ai pu aller récemment plus loin dans la précision des mots, le fond reste inchangé. Je n'aime pas Charlotte différemment, seul la caractérisation de cet amour a un peu évolué. Tiens... pour elle aussi j'emploierai volontiers un [pas de mot existant] pour "décrire" (c'est à dire non-décrire) ce que je ressens à son égard.
De la même façon j'ai aussi pu être plus précis dans la caractérisation des sentiments que j'ai pour nathalie... tout en hésitant tour à tour entre des mots inadéquats.

Bref, je sais maintenant assez bien où j'en suis avec nathalie et Charlotte, sans avoir besoin de chercher à enfermer mes sentiments dans des concepts trop étroits.


Mais... ou veut-il en venir cet Intimiste (hé hé, faut se faire au nouveau pseudo...) en revenant sur tout ce qu'il sait déjà, se demandera le lecteur attentif?

Aaaattendez, j'y arrive!


Si je me mets à relire mes archives depuis le mois de janvier de cette année, c'est pour vérifier si elles sont "lisibles". Ouaip... parce que... il se pourrait que des yeux inattendus viennent parcourir ce journal alors qu'il n'a pas été écrit pour ceux-ci.

[Huuu, tu pourrais être plus clair?]


Reprenons au début.
Ce journal est mon éxutoire, mon confident, mon espace d'expression intime, mon laboratoire de synthétisation des pensées. Bref, il est à moi et rien qu'à moi. Sans doute mon goût pour cette forme d'expression est-il né du temps où je n'avais personne à qui me confier? D'ailleurs, mon journal papier s'est éteint peu après que j'ai rencontré Charlotte. Je n'avais plus besoin de me confier à des feuilles blanches puisque je communiquais avec celle dont je me sentais alors si proche. Je crois que durant 8 ans je n'ai plus écrit un mot.

Et puis... je ne sais pas bien comment, mais le désir d'écrire est revenu. Je pense que je commençais à comprendre que je ne pourrais pas partager avec Charlotte autant que je le souhaitais. Et surtout qu'elle n'aimait pas forcément écouter ce que je pensais. Je sais que cela l'inquiétait. Elle préfère occulter lorsque quelque chose la dérange, alors que moi j'ai besoin de mettre à jour.

Bref... peu à peu j'ai retrouvé ce confident, et en particulier lorsque j'ai énormément réfléchi sur le rapport que j'entretenais avec mes souvenirs amoureux d'adolescence. Lorsque j'ai recontacté Laura, vingt ans après avoir été follement amoureux d'elle. Monumentale remise en question, mise à jour de beaucoup de mes manques et attentes, réflexion sur mes espoirs, l'idéalisation, la séduction, ma masculinité, l'amour... Un truc énorme. Quatre ans de chantier (donc plus longtemps que ce journal en ligne).

Le virus de l'écriture libératrice était pris. Et surtout la découverte des formidables possibilités de ce mode d'expression quand à la connaissance de soi. Alors depuis, je n'ai plus cessé d'écrire. Ce que je ne pouvais partager avec Charlotte, je le partageais avec moi-même. Je suis devenu mon propre confident, simplement en écrivant mes pensées sur des feuilles de papier.

Arriva la révélation internet. La lecture du premier journal de l'Incrédule, avec qui j'ai ressenti immédiatement une extraordinaire similarité de pensée. Cette femme était pour moi une sorte d'alter ego. Je n'avais jamais trouvé une telle ressemblance avec quiconque. Un choc, une révélation: quelqu'un d'autre sur cette terre réfléchit comme moi, écrit ses pensées, et les offre à ceux qui veulent la lire. Je lui ai écrit, à cette Incrédule, pour lui faire partager mes impression. Et dès le lendemain je réactivais une tentative avortée de journal intime en ligne. Car oui, tout d'un coup je comprenais que l'expression vers autrui donnait une dimension supplémentaire au monologue en circuit fermé.

Depuis.. il n'y aurait qu'a parcourir mon journal à compter de ce premier jour [euh... non, n'en faites rien!] pour comprendre à quel point celui-ci m'a permis de me comprendre et d'avancer vers moi. Seulement voila... tout cela s'est fait devant des inconnus, des anonymes: vous.
Je vous ai ouvert mon intimité parce que je ne vous connaissais pas, que vous ne faisiez pas partie de mon entourage, que vous n'existiez pas dans ma vie. Bon... avec le temps je me suis rendu compte que c'était bien plus compliqué que ça. Vous avez la possibilité de m'écrire, donc de faire irruption dans ma vie, de façon délicate et respectueuse, ou agressive, jugeante. J'ai aussi découvert que les affinités qui se créent, ou les simples "connaissances", font que l'écriture intime en public demandait quelques ajustements. Une nouvelle forme d'intimité est apparue, avec une sincérité relative.

Et puis nathalie a pris de plus en plus de place dans mon existence, ainsi que dans ce journal. Il est devenu le témoin du développement de cette relation. Nouveau challenge parce que j'offrais non seulement mon intimité, mais aussi une part de la sienne. Or... il y a un certain nombre de ceux qui me lisent qui savaient qui est nathalie. Il y en a eu de plus en plus, parce que, peu à peu, je n'ai (nous n'avons...) plus eu envie de le cacher. Mais cette lecture de mots en parallèles est encore quelque chose de bien particulier, qui a pu déstabiliser quelques lecteurs.


A toutes ces formes de lectures différentes, j'ai su m'adapter.

Mais voila que quelque chose de nouveau pourrait se produire, modifiant considérablement le rapport qui existe entre mon intimité et le cours de ma vie.

Charlotte voudrait lire ce journal !!!

Elle a envie de savoir ce que je raconte, quelle est la part de moi qui lui échappe. Brusquement elle s'intéresse à ce que je suis, ce qui constitue mes pensées profondes.
Là... ça bouleverse tout ce qui était établi. Car ma vie intérieure, celle que je n'ai pas pu partager avec elle afin de ne pas aviver ses angoisses... ne fait plus vraiment partie de ce qui nous unit. Nous échangeons beaucoup, mais certains sujets se sont révélés être, au fil des années de non-dit, un peu "tabou". Et ce sont évidemment ceux qui sont au coeur de mes réflexions ici. C'est à dire ce conglomérat qui relie confiance-sincérité-expression de soi... et qui fait que ce que je partage à ces moments là m'a poussé bien souvent vers quelque chose qui ressemblait à de l'attirance-séduction. Et qui, finalement, s'est épanoui avec nathalie.

Si j'ose un raccourci... c'est parce que je ne pouvais communiquer sur ce mode avec Charlotte que je suis avec nathalie aujourd'hui. Je me suis débrouillé comme j'ai pu pour assouvir mon besoin relationnel. Toutes mes tentatives vers Charlotte, depuis toujours, se soldaient par une frustration dans certains domaines. Alors j'ai renoncé à investir ces domaines avec elle.

Et maintenant elle voudrait savoir où j'en suis. Mais notre décalage est grand et je ne sais comment révéler cette part intime, un peu secrète, à celle qui m'a laissé la construire sans elle. Pourtant... je sais bien que ce silence constitue une sorte de tromperie à son égard. Mais... comment pouvais-je faire autrement?

Ce qui m'inquiète, c'est le moment particulier auquel elle me demande cet accès. Je ne crois pas que ce soit la meilleure période, bien au contraire. Parce que c'est le moment où il y a le plus grand décalage entre nos deux perceptions du rapport de couple. Et... je crains qu'elle aie envie de me lire pour savoir si elle peut rester avec celui que je suis devenu.

Lui ouvrir mon journal serait pousser la sincérité jusqu'au plus loin qu'il m'est possible, me réveler nu et transparent. En cela, je pousserais la logique de la confiance jusqu'au bout. Mais le risque est fort que cette sincérité la conduise à ne plus vouloir de cet homme que je suis devenu. En mettant enfin en cohérence celui que je suis vraiment et celui que je suis avec elle (ce qui était mon objectif)... je cours le risque de la perdre.

Je crains qu'elle ne puisse supporter de lire l'expression de mes sentiments envers nathalie. Je crains qu'elle se rende compte que je parle de notre couple de façon beaucoup trop fade, par comparaison. Je crains qu'elle ne se serve de mes écrits pour tenter de classifier, comparer... et trancher.
Je ne veux pas de ça.
Je ne veux pas de ça... mais elle peut le désirer. Et je n'ai pas à lui refuser. Décréter que la lecture de mon journal lui est interdite signifierait que j'ai des choses inavouables à cacher. Ne pas savoir est sans doute pire que savoir, car l'imagination est fertile pour faire germer le pire.

Pourtant... je ne lui ai jamais dissimulé ce que je pensais. J'ai souvent tenté d'orienter les dicussions vers ce que j'avais envie d'aborder avec elle. Mais puisqu'elle n'accrochait pas, je n'insistais pas. Et souvent j'ai été très sincère, espérant toucher quelque chose, déclencher des échanges francs sur des sujets complexes. Combien de fois lui ai-je dit que je n'avais rien à cacher et que je répondrais à ses questions, si elle l'estimait nécessaire? Mais elle a souvent choisi le silence sur les choses les plus délicates.

Toute cette confiance que j'espérais voir naître entre nous, dont j'avais besoin pour atteindre un niveau supérieur de complicité, celui sont je rêvais... elle ne pouvait pas y répondre. Et maintenant que j'ai trouvé avec une autre cette complicité, cette possibilité d'aller au fond de soi en face de quelqu'un qui fait de même... Charlotte s'intéresse à moi.

Je devrais en être très content... mais je ne sais pas pourquoi, quelque chose m'inquiète. Je ne sais pas si Charlotte est assez solide, assez tempérée pour ne pas réagir de façon impulsive. Je crains quelque chose de grave, une prise de conscience de sa part qui ferait qu'elle voudra fuir cette situation. Peut-être en étant agressive envers moi, dure... peut-être en se dévalorisant, en sombrant dans une tristesse infinie.

Hier elle me disais que je la sous-estimais quant à sa capacité de supporter... Je ne sais pas. Parfois je crois que je la surestime en imaginant qu'elle comprendra et supportera les choses mieux qu'elle ne le fait en réalité. D'ailleurs, ces derniers jours je pensais qu'elle assimilait assez bien cette relation parallèle... et puis tout semble compromis maintenant. J'étais confiant est assez rassuré, je deviens très inquiet.

Charlotte se confie peu sur les sujets qui lui posent problème. Lorsque ça sort, c'est souvent en période de crise, cocotte minute qui expulse la pression contenue. Alors souvent ça brûle, ça fait mal, ça blesse. J'ai appris à me protéger de ça, mais je ne peux pas le fuir totalement. Et je crains que ce que nous vivons actuellement n'aboutisse à une de ces crises... dont je redoute la force.





Je me souviens...

... j'ai marché vers toi sans hésitation. Tes yeux m'y invitaient et tout en toi m'attendait. Comment suis-je parvenu jusqu'à toi? Je ne le sais plus. Mais très naturellement nous nous sommes blottis l'un contre l'autre. Mes bras étaient déjà autour de toi, parce que c'était une évidence.
Qui aurait pu comprendre, en nous voyant ainsi longuement enlacés, que l'instant d'avant nous ne nous étions jamais vus? Nous nous serrions comme des amants se retrouvant après une longue séparation..
.






Retour au calme



Jeudi 2 octobre


Le rythme des évènements est plus rapide que mes mises à jour! Alors que Charlotte est passée par un moment difficile, évoquant très clairement une éventualité de séparation... elle est revenue le lendemain en me disant qu'elle ne me quitterait pas. Je crois qu'elle a senti à quel point j'étais affecté par cette réaction soudaine, contrastant avec les efforts d'acceptation de sa part durant les jours précédents.

J'en venais à me demander quelle était la nature de son attachement à mon égard pour envisager aussi sérieusement que nous abandonnions tout ce qui nous a réuni depuis vingt ans... Pfff, absolument déprimant.

Mais bon... je sais bien que tout cela n'est pas du domaine de la logique. Inutile que je m'apesantisse sur des implusivités tout à fait compréhensibles dans des moments de désarroi. Ce n'est pas ma façon de fonctionner, mais je conçois que cela puisse être différent pour chacun.


Depuis... et bien nous avons passé une soirée très agréable au restaurant. J'y avais invité Charlotte pour son anniversaire, la sortie étant prévue depuis quelques jours. Nous avons beaucoup parlé de la situation actuelle, de son désir de lire ce journal (elle est moins curieuse...) et bien sûr nous avons longuement évoqué cette relation parallèle et les bouleversements que cela induit dans notre couple. Ironie... il aura fallu l'apparition de nathalie, tierce personne, pour que nous abordions plus en profondeur notre mode de fonctionnement.

Je ne sais pas si un jour je parviendrai au type d'échanges que je souhaitais avec elle, mais j'apprécie toujours lorsque nous nous en approchons.



Je me souviens...

... d'avoir alors senti contre moi toute l'existence de ton corps, fluide, souple, tendre, et tellement... vivant. C'était doux, chaud, palpitant, à l'unisson de cet instant unique. Moment rare et infiniment précieux.

Prenant du recul nous nous sommes regardés dans les yeux, dévisagés, touchés. Observation et découverte attentive de nos visages inconnus dans leur réalité tridimensionnelle. Ébahis et béats, incrédules devant le rêve, là, présent, maintenant. Il me semble que nous ne disions pas un mot et j'ai fini par me rendre compte que mes jambes tremblaient
...










Nous sommes f[l]ous




Vendredi 3 octobre


Séance psy 3.10

J'y suis allé la tête embrumée, l'esprit flou. Rien de particulier à dire, parce que trop de questions se posent. Trop de questions que je ne veux pas me poser.

Et c'est amusant parce qu'il y a quelques jours, une lectrice un peu particulière m'a écrit à ce sujet. Une des rares personnes qui m'a rencontré "en vrai", et qui, je crois, me "sent" assez bien. Avec une belle clairvoyance elle m'a proposé de me poser certaines questions de fond, bien précises. Du genre de celles que, justement, je ne veux pas me poser. Je n'ai pu que constater qu'effectivement je les contournais. Mais bon... je ne pourrai pas les fuir éternellement.

Et comme par hasard, ce matin, juste avant de partir, un long courriel de nathalie m'attendait et éclairait un peu ce genre de questions délicates. Il précisait à demi-mot (on est champions dans ce sport...) certains éléments importants de sa perception des choses. Précisions qui susciteront de ma part des demi-mots complétant les premiers, en retour... plus quelques demi-mots supplémentaires. Petits cailloux sur notre chemin commun, petits pas dans ce flou qui nous entoure. Avancer doucement, à tâtons, dans ce brouillard.

Oui oui, tout cela est bien flou. Et parfois nous réalisons ce qu'il y a de fou dans notre situation. Car aimer à 5900 km de distance... oui, c'est peut-être possible... mais... comment? Et puis... est-ce ce qu'on désire? Non mais... honnêtement... est-ce imaginable... durablement? [tsss! ne pas se projeter dans l'avenir!!!]

J'ai dit à Mme psy que je me savais refuser de réfléchir certaines choses. Que dans ce journal je reportais un dialogue face à moi-même. Elle a souri en me disant, l'air complice, que je savais très bien ce que je ne voulais pas voir. Oui... bien sûr que je sais. C'est flou et ça m'arrange bien que ça le reste. Je ne suis pas... pas encore prêt à aller au fond des choses.

Pourtant j'avance doucement. Avec nathalie d'un coté, avec Charlotte de l'autre, nous réfléchissons ensemble. Dans les deux cas il y a une part de non-dit (ou même de non-conscientisation?) qui ne se dévoile que lentement, patiemment. Les idées volètent en l'air, papillonnent, l'air de rien... puis de posent à la place qui est la leur. Et peu à peu les choses se précisent. Sans précipitation. Laisser venir la sincérité en nous sans la brusquer jamais. Chacun à notre rythme.

D'ailleurs... c'est peut-être parce qu'hier j'ai eu un mot un tout petit peu audacieux que nathalie m'a écrit plus tard. Un mot qui... maladroitement, "forçait" un peu sa concience des choses. Je lui ai dit, tout heureux après une de ses remarques, "Oh, mais toi tu as changé...". Elle a eu l'air surprise et je me suis senti très mal à l'aise de l'avoir ainsi décrite. Ce n'est pas à moi de lui dire ce genre de choses, mais à elle de les sentir en elle. Ce n'est pas parce que moi je trouve qu'elle a changé que sa perception d'elle-même est prête à ressentir, constater ce changement. Je crois que j'ai... un peu manqué de respect, emporté dans un élan joyeux après les doux mots qu'elle me disait.
En fait, cela à permis qu'elle précise que c'était sa perception des choses qui était différente. Ou la place qu'elle donnait aux choses. Mais elle, fondamentalement, n'a pas changé.

Ce que j'aime dans nos dialogues (et c'est elle qui m'aura appris ça), c'est que justement il y a cette idée de respect de l'autre, de son individualité, de son mystère. Nous communiquons et nous nourissons de ce que l'autre dit de lui pour se définir. Nous parlons beaucoup au je, parfois au nous, mais nous évitons le tu quand il chercherait à définir l'autre. Le tu reste une façon de nommer l'autre, pas de le caractériser.

Il est curieux de constater que je n'ai pas ce rapport avec Charlotte, même si je m'y efforce depuis que j'en ai pris conscience. J'évite de l'avoir... mais il m'arrive souvent de me surprendre en flagrant délit, emporté par des années de mauvaises habitudes. Et Charlotte, fréquemment, tente de me définir en m'attribuant des pensées que je n'ai pas.

Avec nathalie [tsss! faut pas faire de comparaisons!] c'est ce respect qui fait que nous avançons très prudemment. Oser se dire, se dévoiler intimement... en sachant qu'on est face à l'intimité de l'autre. Ces questions que je ne veux pas (pas encore) me poser, touchent sans doute à ce qui est le plus délicat chez nous. Il y est question d'amour et de vie, tout simplement. Mais avec tout ce que cela sous-entend, conjugué avec la complexité de notre relation distante... et celle de mon statut familial.

Parce que, bien sûr, c'est ce *petit détail* qui fait que la situation est encore plus complexe. La distance est un élément déterminant, mais qui peut éventuellement se réduire jusqu'à disparaitre (non sans difficultés, on l'imagine bien...). Mais une relation familiale, c'est tout autre chose. Ça ne ne modifie pas comme ça, ça ne disparait pas. Chacun de notre coté nous avons famille et amis, un cercle relationnel au sein duquel nous nous sommes construits depuis des années. Et là... impossible de réduire la distance entre ces deux cercles...

Y aura t-il conflit interne entre les différentes forces relationnelles? Lesquelles seraient alors les plus puissantes? Toute la question est là.
Et en filigrane une autre question: a qui devons nous être fidèles?

Je ne peux qu'énoncer les questions. A nous de voir les réponses que nous y apporterons.




Je me souviens...

... de cette place ensoleillée grouillante de monde, les palmiers en alignement dans une des rues. J'ai perçu tout ça mais ne voyais que toi; nous. Tu t'es mise à parler, parler, vite, de tout ce que nous devions faire pour nous rendre là où nous avions prévu. J'étais muet, encore totalement surpris de t'avoir là, à mes cotés. Chacun manifestait ainsi son émotivité dans un sens contraire.

Alors on a décidé de prendre un peu de temps. Celui de faire plus amplement connaissance, d'assimiler ce qui se passait, d'apaiser ce flot d'émotion et d'excitation. Un tout petit parc, un peu plus calme que la rue allait en être le témoin. Nous l'avons arpenté, cherchant du regard un lieu propice, indifférents aux gens qui étaient là
...







Routine


Samedi 4 octobre


Les jours passent et les réflexions demeurent. Mais elles évoluent! C'est comme si j'arpentais plusieurs pistes simultanément mais que je ne puisse en exploiter une sans avancer les autres. Sans cesse je bute contre des pistes nouvelles qui nécessitent une réflexion dans une nouvelle direction. Ce que j'écrivais hier est déjà "hors-sujet", provisoirement, puisque je m'interroge désormais sur la nature réelle de la relation que j'ai avec Charlotte. J'ai réalisé subitement que notre fonctionnement en couple était basé sur une reproduction d'un schéma très très classique, quoique totalement périmé (du moins... qui devrait l'être).

Nous avons tout bêtement adopté, sans bien y réfléchir, le modèle du couple traditionnel: Charlotte s'est conformée à "son rôle" (!) d'épouse et de mère... en oubliant une bonne part de son coté "femme". Et moi... et bien je n'ai pu que bénéficier de la position avantageuse qu'elle m'offrait. Je n'ai jamais eu à manifester la moindre prérogative "masculine" (beark!) puisque tout s'est fait "naturellement". Par manque de vigilance de chacun de nous.

Et voila comment, des années plus tard, l'amour initial s'est transformé en un sentiment d'attachement... dénué d'une grande part du coté "séduction". Je me rends compte que j'aime Charlotte pour des raisons finalement assez éloignées du sentiment amoureux. Je l'aime... en souvenir de cette période amoureuse. Et aussi pour tout notre passé commun, les difficultés surmontées ensemble, les joies partagées, les projets réalisés et d'avenir. Je l'aime aussi parce qu'elle est attentive, attentionnée, gentille... C'est cet ensemble qui fait la force de ce lien, mélange de passé amoureux, d'amitié actuelle... et de relation... maternante. Mouais... ça fait un peu bizarre d'utiliser ce mot, mais je crois qu'il est assez explicite. Et l'amour, le grand, celui qui transporte et fait vibrer, celui qui élève au dessus de soi, celui qui embellit les jours et les nuits... et bien il est devenu bien rare... et bien peu émoustillant.

C'est même pas triste d'écrire ça. C'est juste la réalité des faits qui m'apparait. Ayant pu sentir des sentiments forts pour une autre, j'ai compris qu'un certain dysfonctionnement amoureux existait dans notre couple. Nous ronronnions dans cette si connue "routine" et tout se passait bien. Simplement "bien". En (re)découvrant l'intensité de sentiments forts, je n'ai pu, depuis, que me rendre compte de la différence...
Et je sais désormais pourquoi je parlais d'aimer "différemment" Charlotte et nathalie, tout en les aimant toutes les deux.

Faudrait-il regretter cette lucidité nouvelle? Oh non, certainement pas! Je suis très heureux d'avoir pu ouvrir les yeux sur cette situation, et comprendre un peu mieux pourquoi j'étais attiré "ailleurs". Si, à cette douce tiédeur des sentiments, j'ajoute le manque de communication approfondie, je trouve au moins deux ingrédients dont le manque ne pouvait que m'être lourd à porter. Séduction et communication. Précisément ce qui s'est développé avec nathalie...

Bon... mais avoir mis à jour ce mode de fonctionnement ne résoud rien au problème. Il reste en vigueur, et les manques sont toujours présents...

Mes réflexions peuvent donc se poursuivre.




Je me souviens...

... de ce seul banc disponible, sous un grand marronnier. Au milieu du jardin public, sous les yeux des nombreux passants. Mais je ne regardais que ton visage, que je pouvais enfin observer et tenter de faire concorder avec ces fragments de toi, clichés figés que j'avais accumulés depuis des mois. Curieux mélange de connu et d'inconnu. Savoir que c'était bien toi, nathalie, cette femme que j'avais l'impression de n'avoir jamais vue mais que je connaissais pourtant si bien.

Nous nous sommes longuement dévisagés, plongeant avidement dans le regard de l'autre, touchant nos mains, caressant nos bras, traquant le moindre tressaillement du sourire permanent qui s'étalait sur notre face, le plus infime mouvement de sourcil. Peu de mots, mais un partage de tous les sens qui nous étaient possibles. Parfois je pensais au regard des passants, qui s'étonnaient peut-être de ce couple, pareil à de jeunes amoureux.
..








Le choix de l'authenticité



Lundi 6 octobre


Hier soir (ce matin), nous avons eu avec nathalie une conversation téléphonique de... hum... presque quatre heures [encore? mais y sont fous!] au cours de laquelle nous avons abordé une part de la complexité de notre situation. Ce n'est pas un sujet facile parce que pour le moment nous ne voyons pas vraiment d'issue. Et puis cela nécessite de mettre à jour ce qui nous touche au plus profond, ravive les remises en question que nous vivons chacun de notre coté. Ce sont à la fois des sujets fragiles, à manier avec beaucoup de précautions, et générateurs de bien-être parce qu'ils nous permettent de flirter avec des niveaux de confiance rares. Le paradoxe, c'est que plus nous allons l'un vers l'autre, et profondément en nous même... plus nous nous sentons proches... et plus cela nous entraîne à aller encore un peu plus loin. C'est comme si on ne pouvait pas lutter contre un mouvement naturel. Tout nous porte à aller plus loin.

La seule façon de briser cette délicieuse mais troublante spirale serait... de ne pas être nous même. De décider à un moment donné de cesser de nous écouter. En disant «non, on ne peut pas aller au delà parce que... [[inscrire ici une bonne raison]]». Bon, pour le moment nous n'avons pas encore trouvé (hum... ni cherché) de "bonne" raison d'interrompre ce parcours commun.
Sauf, évidemment, parce que cette relation hors-normes occasionne des remises en question lourdes et déstabilisantes. Encore faudrait-il savoir si la remise en question est quelque chose qu'il faut éviter...
Personnellement, je ne le crois pas.

Parfois, on me dit «il faudra bien que tu choisisse l'une ou l'autre des relations». Or, non seulement je considère que ce n'est pas à moi de faire ce choix (pas maintenant en tous cas, pas avant d'avoir cherché toutes les possibilités qui pourraient éviter ce... (aaarh, noooon, pas ça!) choix), mais en plus je crois que l'alternative n'est pas celle-ci. Si j'ai un choix à faire, c'est celui d'écouter ou non les éventualités qui se présentent à moi. Et ce choix est fait.
C'est aussi celui de savoir si je désire être moi-même ou si je renonce à une part de ce que je suis. C'est surtout de savoir si je veux vraiment oser entendre qui je suis. Mais... sais-je au moins qui je suis vraiment?
Et puis finalement, c'est choisir... jusqu'à quel risque de perdre (ou du moins modifier) l'une des deux relations je suis prêt à aller. Et... euh... laquelle, le cas échéant [ce qui équivaut à un choix à faire, eh, gros malin!].

Bon, ça n'a peut-être l'air de rien, comme ça, vu de loin, mais pour moi ce sont des questions existentielles vertigineuses. Et... je suis seul à pouvoir y répondre. Là il y a un vrai choix à faire, qui va même au delà de ces deux relations. C'est un choix d'authenticité que je dois faire.



Ce qui complique un peu les choses, c'est que les deux relations ont des dynamiques presque contraires.
Avec nathalie tout se passe très bien. Nous poursuivons la construction de notre relation de complicité-confiance et la forme de dialogue que nous avons va dans le sens du rapprochement.
En revanche, avec Charlotte, ça se passe parfois beaucoup moins facilement. Parce que nous avons pris depuis trop longtemps de mauvaises habitudes de dialogue (marqué de culpabilité/culpabilisation, avec l'impression vraie/fausse de "bien connaître" l'autre alors que chacun se défend des pensées qui lui sont attribuées...). Bref... c'est compliqué.

D'un coté il y a une volonté de construction malgré la difficulté liée à la distance, et de l'autre il y a... une nécessité (subie?) de trouver comment reconstruire ce qui ne fonctionne finalement pas si bien que ça. Il faut donc d'abord démolir ce qui est de travers avant de reconstruire sur quelque chose de plus sain... si toutefois on y parvient. Car il n'y a pas toujours de consensus, et je me demande parfois quelle est notre volonté commune de reconstruction. Le doute semble avoir pris une certaine place. 
Y croyons-nous vraiment, à cet avenir meilleur?

Parfois je me rends compte à quel point nous fonctionnons différemment. Nos façons de discuter respectives font que le dialogue, lorsqu'il se centre sur notre relation, coince rapidement. Et c'est un travail laborieux que de parvenir, à peu près, à se comprendre. Ça demande des efforts, de la maîtrise de soi, du calme. Ça n'a rien de facile et d'évident. Tendance à l'auto-culpabilisation, dialogue souvent sous la forme du "tu" qui tente de définir l'autre.

Et... ben... il m'est difficile de ne pas constater des différences, malgré ma volonté de ne pas comparer, entre ce qui se passe avec nathalie et ce qui se passe avec Charlotte. Les deux modes de relation sont bien différents. L'un est bienfaisant, aisé, source de joie. L'autre est parfois difficile, compliqué, souvent source de stress ou de tristesse. Oh, ce n'est pas que tout se passe ainsi, mais une part de ce qui me semble essentiel fonctionne selon ce processus.

Certes, je pourrais me dire que c'est le fait de vivre au quotidien qui change tout. Mouais... il est bien possible que ça rentre en ligne de compte. Et peut-être que ce qui se passe avec nathalie, totalement hors des contraintes matérielles, n'est en rien comparable avec ce qui se passe avec Charlotte. Et c'est peut-être de ce quotidien que vient une partie des problèmes. Il n'empêche que, au cours des heures de discussion que j'ai avec l'une et avec l'autre [tssss, tu retombes dans le piège de la comparaison!], je ne peux que constater des différences importantes dans le déroulement des échanges.

Il se peut aussi que le fait que Charlotte soit un peu inquiète de me sentir prendre de la liberté joue défavorablement dans notre dynamique... Parce que si tout se passe bien lorsqu'elle me "comprend" (= m'accepte), ça coince dès qu'elle manifeste le moindre reproche (= ne m'accepte pas) et qu'elle me prive de cette liberté à laquelle j'aspire.
Il se peut aussi que... le fait que je ressente une culpabilité à lui avoir imposé cette situation difficile me place en position défensive, donc pas vraiment écoutante...

C'est vraiment pas simple, tout ça. Ni à comprendre, ni à gérer.



[Dis donc... mais est-tu certain de tout faire pour que ta relation avec Charlotte demeure?]

Euh...

[Ne serais-tu pas en train de baisser les bras devant la difficulté?]

Parfois j'ai du mal à croire qu'on puisse y arriver... C'est tellement compliqué, et lourd à porter...

[Qu'est-ce qui est lourd?]

Ces difficultés à communiquer avec Charlotte, ce poids de notre passé et de nos modes de mauvais fonctionnement... Et puis... ces difficultés à nous retrouver sur des choses importantes

[Vous avez bien fonctionné sur ce mode pendant vingt ans...]

Oui... parce que je ne savais pas qu'on pouvait fonctionner autrement avec quelqu'un d'autre. Pour moi, comme pour elle, il était "normal" qu'il y ait des disputes en couple.

[Ben oui, c'est normal...]

Oui... mais avec nathalie on communique d'une façon si facile, on se comprend, on fonctionne pareil. J'ai découvert une autre façon de fonctionner qui m'a ouvert les yeux..

[Oui, mais tu ne vis pas avec nathalie]

Je sais bien... mais bon, si je compare...

[Mais as-tu fini de comparer!?]

Difficile de ne pas le faire...

[Et ça te mènera à quoi de comparer?]

Euh... je sais pas...

[Tu sais très bien que chaque dynamique relationnelle est différente et ce qui se passe bien avec l'une des relations n'est pas transposable à l'autre.]

Mouais... mais bon, quand même, je me pose des questions...

[Quel genre de questions?]

Hum... je peux pas le dire... c'est trop... Bah, non non, je ne peux pas.

[Tu ne vas quand même pas dire que... tu te mets à comparer deux relations comme si l'une des deux était meilleure que l'autre?]

Ben...

[Non mais... ça va pas la tête? C'est pas du tout ce qui était initialement prévu! Tu as toujours parlé de relations parallèles, pas concurrentes!]

Oui mais... parfois je...

[Alors ça, il n'en est pas question! Tu ne dois pas baisser les bras parce que tu te rends compte que ta relation avec Charlotte ne fonctionne pas parfaitement sur certains points]

C'est que... je... m'entends tellement bien avec nathalie...

[Et alors? Non mais t'es dingue ou quoi? C'est quoi ce cinéma? Que tu t'entendes bien avec nathalie est une chose, que tu te laisses aller en est une autre. Tu as bien assez parlé de la complémentarité des relations pour ne pas être attiré par une relation unique dont tu ne sais absolument pas de quelle façon elle pourrait se développer]

Oui... c'est vrai mais...

[Non mais... et Charlotte dans tout ça, tu la laisses tomber?]

C'est pas ça... c'est que... je me pose juste des questions. Je... j'envisage diverses possibilités...

[Oublie-ça!]

C'est depuis que Charlotte parle de séparation... parfois je me dis que...

[Oublie-ça je te dis!]

Je...

[Et tes enfants, tu y penses?]

Arghhh! Mais oui j'y pense! C'est bien ça le problème, c'est que je pense à toutes les conséquences de ce que j'envisage et que je ne trouve pas de solution. C'est insoluble ce truc!
Charlotte ne pourra pas admettre l'existence de cette relation parallèle qui me prend toutes mes fins de soirée, et je ne sais même pas si elle pourra supporter que je revoie nathalie un jour... Je ne sais plus comment faire.

[Ça... fallait y réfléchir avant...]

Non, c'était pas possible! On ne pouvait pas lutter contre ce qui nous est arrivé. Ç'aurait été renoncer à nous-même, allant à l'encontre de notre démarche. Mais maintenant... il faut trouver comment vivre ça.

[Vivez-le comme vous le viviez avant: une relation parallèle]

Oui mais... Charlotte réclame sa part de mon temps... pis moi je... préfère passer mes soirées avec nathalie...

[Oh la la, c'est mal barré ton affaire! Tu remets trop de choses en question. Et puis tu veux tout avoir et ça ne peut pas marcher comme ça...]

Mais comment je faaaaaiiiiis alors???

[A toi de te poser les questions...]

Mais je fais que ça...

[Et bien continue!]

Ah ben ça m'aide vachement ça...

[Je te rappelle quand même que tu t'es engagé pour le pire et le meilleur, devant témoins, devant tous tes proches. Tu t'es engagé!]

Ouais ouais... mais bon... je n'étais pas le même. J'étais loin d'être moi-même

[Tu n'as pas le droit de laisser tout tomber. On ne change pas de vie comme ça.]

Et pourquoi pas?

[Pfff, t'oserais même pas!]

Euh... c'est vrai que c'est quelque chose de fou à imaginer...

[Tu n'y penses quand même pas sérieusement?]

Euh... je... parfois j'essaie d'imaginer.

[Ce mec est fou...]

Ben quoi... pourquoi pas?

[T'es dingue! Complètement barjo. Tu perds la tête]

Non, c'est pas ça, c'est juste que j'estime important d'envisager toutes les possibilités. Je ne refuse rien a priori. Même si... je n'en reste qu'à laisser venir les idées et me demander si ce serait possible.

[Mais tu te rends compte que des gens te lisent et te voient devenir complètement irresponsable, toi, un mec sérieux? Mais tu deviens quoi là? Je ne te reconnais plus, tu perds la raison]

Pourtant, je ne me suis jamais senti aussi lucide. J'ai ouvert les yeux et je cherche comment vivre dans ce nouvel environnement que je découvre. J'ai besoin de tâtonner pour sentir les voies qui sont des impasses et celles qui ouvrent vers des possibilités. Même les plus saugrenues, même les plus inattendues. Il n'y a qu'en cherchant dans toutes les directions, sans m'en interdire aucune, que je pourrai trouver ce qui convient au mieux.

[Eeeeh ben, on est pas rendus au bout alors...]

Non, il reste énormément à découvrir.




Je me souviens...

... de t'avoir invitée à venir sur mes genoux. J'avais envie de te sentir très proche, corps contre corps... tout en restant dans les limites décentes de la toute nouvelle intimité que nous découvrions l'un de l'autre. Je n'osais pas trop de toucher mais j'en brûlais d'envie. Je savais que plus tard, seuls, cela deviendrait possible.
Il me semble que, la première, tu as passé tes doigts dans mes cheveux. C'était comme une promesse que tu tenais. Je sens encore tes doigts s'y perdant. Ta robe était légère et j'ai osé carresser tes genoux, dont la douceur de peau était identique à celle de tes bras. Peut-être que c'était un peu gênant dans un parc public très fréquenté, mais pour nous je crois que cela n'avait guère d'importance.

Nous sommes restés longtemps à nous observer, nous toucher, nous parler. Comme si nous devions vérifier que, oui, tout cela était bien réel. Je revois encore ton regard qui semblait ne pas y croire, avec cet air expressif du «pincez-moi, je rêve»..
..









Une faille qui libère



mardi 7 octobre


Au mois de janvier, alors que je sentais naître la force du lien nouveau qui m'unissait à nathalie, j'écrivais dans une longue entrée un état des lieux de ma vision des relations de séduction. Mais je précisais bien clairement: «Je suis marié, j'aime celle qui partage ma vie, avec qui nous avons fondé une famille, et je tiens par dessus tout à cette relation. Aucune autre relation ne doit compromettre ce qui existe entre nous et qui résulte de vingt ans de partage. Sans aucune hésitation je trancherai si cela venait à être menacé.». Il n'y avait aucune ambiguité (voulais-je que nathalie ne se fasse aucune illusion?). C'était encore pour moi une certitude inébranlable. Il ne m'était pratiquement jamais arrivé de douter de la force et de la pérénnité de ce lien. C'était comme ça: acquis, solide, immuable.

Pourtant, récemment, je me suis rendu compte que même si cette relation restait intouchable de ma part... je n'excluais plus qu'elle puisse être compromise si un jour la nécessité de "choisir" m'était imposée. Ce n'est pas moi qui aurais rompu le lien, mais mon attitude aurait pu faire que Charlotte s'éloigne de moi. Pour ma part, je tenais toujours à notre relation de couple... mais sous une condition nouvelle de (relative) liberté.

Que s'est-il passé entretemps pour que ma détermination soit entamée?
Il y a eu cette première fissure, en février, mais je crois que c'est en avril que la faille s'est produite, lorsque je me suis senti aspiré dans une spirale sans issue. Elle s'est poursuivie en mai lorsque je me demandais jusqu'à quand nous pourrions poursuivre notre relation de couple. Charlotte évoquait clairement le désamour. Sur le moment je n'avais pas bien réalisé, bien que secoué par cette possibilité d'abandon de notre aventure.

Il aura fallu l'épisode éprouvant de la semaine dernière, lorsque Charlotte a voulu lire mon journal, puis sérieusement envisagé notre séparation, pour que la faille s'agrandisse et modifie finalement notre lien. Je ne m'en suis pas rendu compte immédiatement, mais ce moment à eu des conséquences plus marquantes que je ne l'avais cru.

Ce que j'ai ressenti de sa part, c'est le renoncement à notre projet de couple. Rien de moins. Ce en quoi j'avais toujours voulu croire, elle n'y croyait plus (du moins dans des moments difficiles). Et moi, tout seul, je ne pouvais plus y croire. Me sont alors venues en tête des possibilités qui me semblaient jusqu'alors impossibles. C'est en partie ce que j'ai évoqué hier. J'ai, oui, vraiment pu envisager les possibilités d'une autre vie.

Alors, même si le lendemain Charlotte m'a tendu les bras en disant «je ne te quitterai pas», même si j'ai été touché par ce "retour" vers moi après qu'elle ait réfléchi, il n'empêche que quelque chose entre nous aura été touché. Une part profonde de moi supporte mal de ressentir ce genre de doutes. Je ne suis pas constitué comme ça: lorsque je suis déterminé et sûr de moi, je ne renonce pas.
D'un autre coté... honnêtement... j'ai presque été... euh... déçu de ce revirement. Car en quelques heures je voyais déjà se profiler des possibilités avec la liberté que cet abandon me donnait. Oui... ben c'est comme ça hein... qu'on me supprime mes attaches et je me sens soudainement libre d'aller vers où mes pensées me portent.

C'est hier, à l'issue de plusieurs heures de conversation avec Charlotte que j'ai pris conscience de cette faille. Il fallait bien que la parole se libère un jour et que je cesse de la protéger. Elle me demandait cette sincérité. Alors je lui ai expliqué combien j'avais été ébranlé par la "facilité" (selon moi) avec laquelle elle avait pu imaginer que nous pouvions nous séparer. Ce qui était intangible pour moi n'avait pas la même solidité pour elle. Celle à qui je ne voulais pas faire de mal était prête à s'en faire (ça la regarde), à m'en faire (ça me concerne), et à en faire à nos enfants (ça me concerne aussi). Un peu bouleversant quand même...

Parce qu'elle m'aime... mais ne supportant pas que mon amour ne soit pas exclusif... elle préférerait tout sacrifier. Tout, ou rien. C'est une logique que je ne comprends pas. Cependant je l'accepte. Tout comme j'accepte l'idée que, pour elle, cette relation parallèle avec nathalie puisse être une forme d'abandon. Je peux le concevoir, même si je ne le vis pas de cette façon.

Bon... apparemment elle a réfléchi autrement. L'éventualité d'une séparation plane toujours plus ou moins, au loin (pour se faire peur?), mais il y a aussi cette volonté que nous continuions ce chemin ensemble.

Ce qui s'est passé, depuis ces renoncements, c'est que je me sens désormais beaucoup plus libre. Je ne ressens plus notre lien comme immuable. Le... doute s'est installé, et je sais que notre relation ne tient que par notre volonté commune qu'elle dure. Si l'un de nous flanche... alors le risque est grand que notre relation évolue. Je ne pense pas qu'elle puisse éclater avec fracas, nous sommes trop attachés l'un à l'autre pour ça. Mais que notre rapport se modifie (sans que je sache sous quelle forme) oui, ce serait fort possible.
Par moments j'ai mesuré la fragilité du sentiment "aimer". Je sentais combien, à se percevoir tellement éloignés l'un de l'autre dans nos aspirations, nos modes de communication, nous devenions "étrangers" l'un à l'autre. Je ressens parfois chez Charlotte une logique de combat, d'opposition (bien qu'elle s'en défende), ce qui ne me convient pas du tout dans une relation aimante. Le sentiment amoureux baissait à un niveau dangereusement bas et seul notre passé commun, par effet d'inertie, nous (me?) donnait la force d'y croire encore. Même sans apport d'énergie, une locomotive lancée ne s'arrête pas...


Après les explications que je lui ai donné, Charlotte m'a dit, desespérée: «Je n'ai pas su te montrer que je t'aimais, et je t'ai perdu». Oh la la, que ce genre de phrase est douloureuse à entendre. Parce que je sais qu'elle est en partie vraie et trahit son désarroi et sa souffrance. Oui, elle a perdu une part de moi en ne pouvant m'offrir ce besoin de confiance que j'avais. Et maintenant, il est... trop tard. Non pas pour que nous ayons accès à cette confiance, mais parce que j'ai construit quelque chose avec nathalie. Cela existe désormais, et il faut faire avec. Charlotte n'est plus "tout" pour moi, et ça ne changera plus.
C'est douloureux, parce que je sais que c'est une souffrance pour elle, et qu'elle n'est pas responsable de ce qu'elle n'a pas pu m'offrir. Son passé l'a conditionnée, et peut-être n'a t'elle pas su, ou pu, se remettre suffisamment en question. Je l'ai aimée Charlotte, beaucoup, passionnément... et peut-être que cet amour que je lui donnais lui a laissé croire qu'il lui était acquis sans qu'elle ne fasse tous les efforts nécessaires. Mais... peut-on faire des efforts et "changer" si ça n'est pas au fond de notre nature profonde? Je ne sais pas si Charlotte pourra (pourrait? aurait pu?) un jour répondre à mon besoin très fort de communication intime. Je ne le pense pas.

J'ai dit à Charlotte que, oui, effectivement, nathalie... (j'en suis ému)... porte sur moi un regard que je ne me souviens pas d'avoir vu de sa part. Je revois les yeux de nathalie, et tout son être, entièrement tournés vers moi, tandis que je portais sur elle ce même regard. A nous noyer l'un dans l'autre. A toucher cette impression de "fusion", loin du vocable "fusionnel" que l'on plaque sur un sentiment tout entier.

Ce que que je lui ai pas dit (omission involontaire... mais sans doute préférable), c'est que nathalie à su m'offrir des cadeaux empreints d'une telle personnalité que j'en ai été bouleversé. Sans même parler de tout ce qu'elle à su me faire passer par les milliers de mots égrénés avec régularité, jour après jour, mois après mois. nathalie m'offre de l'amour comme Charlotte n'a jamais vraiment su le faire. Ou plutôt... elle m'offre l'amour dont j'ai besoin. Car Charlotte m'a toujours donné beaucoup, et avec dévouement... mais pas forcément selon ce qui pouvait me plaire. Quand j'y songe... c'en est même terriblement injuste pour Charlotte.

Il y a quelques jours, alors qu'elle venait d'ouvrir sa première boite mail, je lui avais écrit quelques phrases. Presque rien, quelque chose de très facile pour moi. C'est très péniblement qu'elle m'a répondu en quelques lignes laborieusement constituées, se désolant de ne savoir s'exprimer. J'ai été très touché, et peiné en constatant ses difficultés. Et... là encore, me sont revenues en tête les courriers très longs et riches que m'offre nathalie. Oui... il y a une injustice dès lors qu'on peut comparer les choses. Et il m'arrive de temps en temps de ressentir de la compassion envers Charlotte, handicapée pour l'expression de ses sentiments, empoisonnée par la crainte de souffrir en s'attachant trop, vulnérable et redoutant d'être blessée parce qu'elle l'a été tant de fois dans son enfance.

La conduite des adultes peut avoir des conséquences particulièrement cruelles, et les violences morales sont tout autant néfastes que les violences physiques. C'est atrocement révoltant, mais les cris se perdent dans le vide... parce qu'on a besoin d'aimer ses parents, quelle qu'ait pu être leur conduite, leur lâcheté, leur minable faiblesse... héritée de leurs propres enfance. On ne peut que hurler contre l'histoire morte des passés familiaux.

Voila pourquoi je sais que j'ai du suivre un chemin d'épanouissement, afin de casser la reproduction à l'infini de ce dont j'avais souffert. Cette démarche m'aura aussi mené sur d'autres voies... c'est ainsi. A chacun de faire son chemin. A chacun d'être à l'écoute de son égo afin de pouvoir donner le meilleur de soi dans l'alterité.




Je me souviens...

... de ces premiers instants à vivre à tes cotés quelque chose qui aurait pu n'être que banal. Chercher comment prendre des tickets de tram, attendre au milieu de personnes prises dans leur quotidien et insensibles à la magie que nous vivions, main dans la main, yeux dans les yeux.
Et puis ce moment étonnant qui nous a fait rencontrer l'ami qui t'avait accompagné depuis deux semaines. Juste le temps de faire connaissance quelques instants entre deux hommes qui font partie de ta vie et qui savent que chacun d'eux compte beaucoup pour toi. J'ai été content de ce clin d'oeil inopiné du hasard qui nous a mis en présence.

C'est dans le bus qui nous conduisait vers la Méditerranée que tu as eu un geste que je n'oublierai pas. Très naturel, spontané, mais terriblement troublant. Presque rien, mais qui en disait long sur cette proximité physique toute récente. Tu as glissé dans la poche arrière de mon jeans nos deux tickets. Ta main posée sur moi, délicatement, mais sans aucune gêne. Une main féminine délibérément glissée sur une de mes fesses, je crois que ça ne m'était jamais arrivé. Et il y avait moins de deux heures que nous nous étions rencontrés.
..








C'est très laid!




Mercredi 8 octobre


J'ai réalisé depuis quelques temps que le chemin que je poursuivais pouvait conduire à ce que je sois critiqué, voire jugé. Je sors du "droit chemin" en osant toucher à quelque chose d'aussi sacré que l'engagement du couple , en osant "regarder aileurs", et je sais que cela peut heurter pas mal de consciences. Je sais aussi que, pour un certain nombre de personnes de mon entourage je deviendrais illico le fautif (ou même "le salaud") s'ils apprennaient quelles noires pensées me viennent parfois à l'esprit. Noires... parce que subversives et "interdites". Tabou! On ne touche pas au couple! Je peux me questionner sur tous les aspects de ma vie... sauf ceux qui peuvent déranger. Et le couple, l'amour, en font partie. Je dois donc me préparer à être éventuellement rejeté par des gens que j'apprécie actuellement.

Ce que j'écris depuis quelques jours, parce que dans ma démarche d'intégrité je n'ai aucune raison de le cacher, choque. Je n'en suis d'ailleurs pas surpris... Alors me voila perçu de façon plus ou moins désagréable, avec des mots dont la relative courtoisie ne cachent rien du jugement qui est fait de mon attitude. Ce qui me dérange un peu, c'est que c'est de la part de personnes que je "connais" pour avoir discuté ensemble. Forcément, ça marque un peu plus... Et deux courriers de ce genre dans la même journée, ça influence mon écriture.

Je comprends l'impulsivité qui porte à dire des mots forts. J'admet cette perte de contrôle de soi et moi même n'en suis pas exempt. Par contre, je me demande à quoi, et à qui ça peut servir.
Un jugement, s'il est donné sans explications, sans tenter de me faire comprendre ce qui choque, je trouve ça totalement stérile. Admettons que j'ai tort d'agir comme je le fais, je veux bien l'entendre. Et après? Pourquoi ai-je tort? Ne serait-il pas plus judicieux de tenter de m'ouvrir à des choses que j'ignorerais plûtôt que de me dire que mon attitude «dégoute», ou que ce que je fais est «très laid»?

Loin de m'aider à y voir plus clair, les messages qui me jugent sans plus d'explication bloquent mon processus de pensée, me perturbent. Parce que je ressens ces intrusions comme agressives, je cherche à m'expliquer, à me justifier, au lieu de continuer à avancer. Mais sur le fond, il n'y a même pas de remise en question puisque je ne sais rien de plus qui aurait pu m'amener à réfléchir. Me dire que j'ai tort est une chose, mais me dire pourquoi serait nettement plus constructif.


Je regrette que dans mon dernier texte on ait pu lire que je faisais le «procès» de Charlotte. 
En faisant état de ce qui ne me convenait pas, je me suis borné à constater nos différences, en ouvrant les yeux, et dire ce que je voyais. Je ne jugerais pas défavorablement une personne que j'aime. Mais aimer ce n'est pas tout accepter aveuglément.

Charlotte est libre et autonome, autant que je le suis. Elle peut choisir son chemin comme je peux choisir le mien. Elle peut choisir le meilleur en moi de ce qui lui convient, comme je peux aussi le faire à son égard. Nous sommes des adultes, des gens responsables, pas des personnes immatures qui ont "besoin" d'un autre pour exister et sans qui ils ne seraient plus rien.

Cette vision du couple autosuffisant, de l'amour en circuit fermé, n'est plus la mienne, je la trouve dépassée. Que beaucoup y trouvent leur bonheur, je trouve que c'est très bien. Tant mieux pour eux si une seule personne les comble (c'est nettement plus pratique). Que d'autres préfèrent s'y raccrocher envers et contre tout, ou même lui trouvent des vertus, soit, je ne les jugerai pas.

Mais que l'on ne vienne pas me dire que la voie d'autonomie que je poursuis n'est pas acceptable!
Que l'on ne vienne pas me faire des leçons sur la souffrance que j'infligerai à une des femmes que j'aime alors que depuis des mois j'essaie de faire en sorte que personne ne souffre de cette situation très compliquée. Que l'on cesse de me traiter d'«égoïste» parce que j'ose penser à moi en même temps que je pense aux gens que j'aime, et qui m'aiment.

C'est quoi cette vision du couple qui doit forcément se suffire à lui-même? Peut-être la noblesse du don de soi, de l'abandon pour l'autre?
On n'entre pas dans un couple comme on entre en religion, dans l'ascèse et l'abstinence. J'ai l'impression que trop de gens assimilent vie en couple et vie monacale.
Mais moi ça ne m'interesse pas. J'ai déjà donné. J'ai testé ce chemin, l'ai suivi scrupuleusement, et un peu bêtement (je veux dire: sans y réfléchir vraiment). Je me suis marié bien gentiment comme il fallait, j'ai bien suivi tous les bons principes pour une vie de couple épanouie, prôné la fidélité et l'engagement... et puis j'ai constaté à quel point ça pouvait être parfois frustrant et non-vivant. Mes yeux se sont ouverts et j'ai vu le monde. J'ai vu la vie qu'il me restait à vivre dans ce monastère conjugal et je veux désormais me sentir libre... d'y rester. Mais par choix. Pas parce que je me suis engagé vingt ans plus tôt sans savoir ce que ça impliquait. Je veux me sentir libre d'entrer et sortir si j'en ressens le besoin. Le dedans et le dehors. Tout, je veux tout ce qu'il m'est possible de prendre, tant que ça ne nuit à personne. Je ne dépossède personne en désirant être libre, chacun peut l'être s'il le désire. Chacun est libre de vivre sa vie.

Je suis libre, nathalie est libre, Charlotte est libre!
Nous ne sommes pas des béquilles les uns pour les autres. Ce sont nos libertés conjuguées, spontanément offertes en partage, qui se rencontrent et se renforcent dans un bonheur commun. Il est là le don: dans cette liberté que j'ai d'aller vers l'autre et de trouver sa liberté de venir vers moi. Dans ce partage des élans profonds.

Je me donne au mieux de ce que je peux donner à l'autre, qui fait de même, et nous voyons sur quoi nous nous retrouvons dans ce don mutuel. Mais je ne me donne pas en entier à l'autre, ni ne lui demande de se donner intégralement à moi.

Est-ce si compliqué à comprendre?



Si j'avais raconté la naissance de ma relation avec nathalie en étant célibataire, je pense que personne n'aurait trouvé ça «très laid». Mais puisque je suis marié, ça le devient. Ou plutôt: ça ne compte pas. Ce qui compte c'est ce que j'inflige à Charlotte, épouse légitime. Le reste n'a pas de place pour exister. nathalie peut se débrouiller autrement, ce qu'elle vit ne compte pas (qui s'en soucie lorsque on juge mon attitude?), la place est prise et elle n'a droit à rien d'autre qu'une amitié distante et sage, comme n'importe qui. Malgré la force extraordinaire de ce qui nous rapproche et nous convie au bonheur. Abstinence de sentiments!

Peut-être que si j'avais abandonné Charlotte sur un coup de folie, sans me poser plus de questions, la chose aurait été plus simple. Mais le fait que je me pose ces questions, que je cherche une voie qui puisse convenir au mieux, et voila que je deviens celui qui est égoïste et ne pense pas à la souffrance d'autrui.

Si j'étais égoïste comme on semble le penser, je me serais déjà barré, j'aurais demandé le divorce et ç'aurait été une histoire classique de plus, comme il y en a tant. Mais essayer de trouver une autre voie, c'est déjà être passé dans le camp des égoïstes. Tout ou rien, comme d'habitude.
Alors qu'on ne sait rien des égoïsmes qui règnent dans bien des couples, alors qu'on ne s'interroge pas sur l'égoïsme de la possessivité, considérée comme allant de soi. Ben voyons, comme c'est simple...

Je n'ai pas envie de servir de support aux transposition des inquiétudes que ressentent certaines femmes quant à ce qu'elles attendent de leur conjoint. C'est pas avec moi qu'il faut régler ça.

Je me souviens du film "Sur la route de Madison", où un homme de passage révèle à une femme mariée toute une dimension insoupçonnée d'elle. Quelque chose qui était en sommeil et se libère sous l'effet magique d'une rencontre émerveillée. Personne, je pense, ne voit en Clint Eastwood le salaud qui va débaucher une femme du droit chemin. Ni en cette femme mariée celle qui va honteusement faire souffrir son mari. Personne ne trouve cette histoire "laide", ou malsaine. Je soupçonne même nombre de femmes de s'être identifiées à Merril Streep pour l'occasion.
Mais que ces mêmes femmes imaginent leur homme dans le rôle de Clint Eastwood, et leur vision change radicalement. Je crois que c'est ce qui se passe lorsque je me fais juger pour ma conduite: je représente les potentielles tentations du conjoint, et réveille des peurs enfouies.


Et puis je vais vous dire une chose: Charlotte m'a dit qu'elle me trouvait nettement plus attirant depuis qu'elle constate que je choisis mon chemin sans en réferer au "bien" ou au "mal". Et elle préfère me voir ne pas se plier à ses demandes comme si je lui étais soumis, prêt à renoncer à être moi-même pour ne pas la perdre. Elle me voit prendre soin de moi (mon ego) et choisir mon chemin.
Ben oui, c'est comme ça. Contradictoire. Elle veut me garder pour elle, mais ne voudrait pas que je reste pour lui faire plaisir. Ma prise d'autonomie et mon émancipation lui plaisent... même si d'un autre coté elle souffre de cette insécurité.

Conclusion: ce n'est pas en renonçant à être moi-même que je lui plairais davantage.





Consentement mutuel éclairé




Mercredi 15 octobre


Pas très facile d'écrire en ce moment. J'ai repris une activité professionnelle soutenue, avec déplacements successifs de plusieurs jours, et le temps de réfléxion me manque.

Et puis, comme c'est le cas à chaque fois que je me sens jugé, il en résulte une certain blocage. Sentir peser sur moi ce genre de regard me perturbe toujours. Mouais... ça devrait pas. Il serait préférable que je garde le cap, fidèle à mes impressions, intègre avec ce que je ressens...

En fait, je ne sens pas que ces jugements m'affectent vraiment sur le fond, mais ils jouent en plein dans le pacte de sincérité de cette écriture intime en public: si ma sincérité déclenche des jugements, alors je ne me sens plus "en confiance" parmi mon lectorat. Je sais bien que cette "confiance" n'est qu'une illusion puisque j'ignore qui me lit, ni ne connais les intentions, ou l'état d'esprit de ces lecteurs. Mais tant que je ne sens pas les opinions défavorables que l'on peut avoir à mon égard, je poursuis dans cette illusion de confiance.

Bon... il y a aussi le fait que les jugements ont été émis par des personnes qui me lisent depuis très longtemps, et ont probablement suivi toutes les graduations de la naissance de mon très fort lien avec nathalie. Il ne s'agissait pas de lecteurs occasionnels, jugeant à l'emporte pièce sur un seul texte ou même une lecture ponctuelle.
Il faut que je me fasse à ça: même en expliquant longuement les choses même en délivrant au jour le jour l'évolution de mes réflexions, je ne serai pas forcément compris. Les explications sont parfois vaines, et les justifications inutiles (se justifier c'est dèjà se sentir coupable...).

Bref, je ne cesserai pas d'écrire sur ce qui m'arrive, même si, temporairement, mon écriture se trouve un peu modifiée. Mais le naturel reviendra, comme d'habitude. Après tout, ce n'est pas la première fois que je suis jugé à travers ce journal. Et j'ai toujours fini par "oublier" ce genre de regards.



La conjonction de mon manque de temps et de ce "blocage" est un peu regrettable puisqu'elle intervient en pleine période de réflexion. Il y a déjà un mois que mes sens et ceux de nathalie se sont rencontrés et les conséquences de cette mise en présence, qui a sucité pas mal de remous intérieurs, tendent à se calmer. Il y a apparition d'un nouvel état. J'ai compris pas mal de choses depuis quelques jours, et notamment depuis ma dernière séance psy [pas eu le temps de la relater...]. Je songe à quelques raisons importantes qui ont fait que j'ai autant été séduit par la personnalité de nathalie.

Du coté de ma relation de couple, les choses s'apaisent. Charlotte admet peu à peu cette présence d'une autre femme dans mon esprit, tout en se remettant énormément en question. Elle évolue beaucoup ces derniers temps, s'ouvrant plus aisément à moi, volontiers bavarde et cherchant à ne plus me "protéger". Elle me dit les choses telles qu'elle les pense. Surprenant, parfois, mais c'est une attitude qui ne peut que me plaire parce qu'elle va dans le sens d'une plus grande sincérité. Nous bavardons énormément, même au téléphone lorsque je suis loin, et c'est parfois elle qui parle bien plus que moi! La chose est suffisamment rare pour que je le remarque.
En fait... je ne sais pas si Charlotte en est consciente, mais j'ai l'impression qu'en comprenant ce qui m'avait manqué, elle cherche à "rattraper" les choses.
D'un coté elle devient plus libre, précisant qu'elle ne sait pas si elle supportera que je revois nathalie, et de l'autre elle devient plus proche, plus aimante, plus démonstrative.

Tous ces changements m'aident d'ailleurs à mieux comprendre les manques, mais aussi les différences qui existent entre nous. C'est très instructif sur le fonctionnement de notre couple. Finalement cette remise en question a le mérite de mettre les choses à plat, en ayant fait ressortir ce qui ne convenait pas à chacun de nous. Et nous en discutons assez sereinement, constatant même dans notre façon actuelle d'échanger ce qui a pu perturber les discussions depuis nos origines ensemble. Nous revisitons notre relation avec un regard observateur, et nous comprenons mieux nos dysfonctionnements. Je sais que nous en ressortirons grandis, individuellement et en couple... si toutefois notre lucidité joue dans le sens d'un rapprochement. Car il n'est pas exclu que cela mette aussi en évidence des divergences trop importantes pour poursuivre. A l'heure actuelle nous n'en savons rien, mais je pense que, quoi qu'il se passe, nous saurons trouver la meilleure des chose à faire. Et par consentement mutuel éclairé cette fois-ci...

Et quoi qu'il advienne, je sais que nous conserverons un lien relationnel fort, et proche.

Coté nathalie... nous abordons doucement, en toute simplicité, des zones qui restaient dans une inévitable nébulosité. Il nous a fallu laisser les choses décanter, afin de sentir en nous se développer ce qui nous tient à coeur. Une nécessaire prudence pour ne rien précipiter, ne pas susciter d'espoirs impossibles, éviter d'influencer l'autre...
Et finalement ce qui pouvait générer des réfléxions «à en perdre la raison» pourrait devenir plus clair avec le temps qui passe. En s'extrayant du passé, peut-être qu'il suffit de ne pas chercher à voir trop loin en se contentant d'un regard au présent ou vers l'avenir proche. Et continuer à faire confiance à nos capacités de discernement respectives.





L'usure du temps



Mardi 21 octobre


Une dizaine de jours très occupés vient de s'écouler. Sans doute la période de l'année la plus lourde pour moi, celle ou je n'ai pas de disponibilité pour écrire, lire, ou même réfléchir. Mes pensées ont été contraintes au repos. Ma voix intérieure s'est tue, faute de place pour s'exprimer.

Pourtant la pensée ne s'arrête jamais, et elle travaille même quand on n'est pas à son écoute. Elle fonctionne à mon insu, durant des fragments de temps disponible, ou dans des bouts de réflexions inabouties. Peut-être aussi, qui sait, durant le sommeil et les rêves?

Alors j'ai senti des changements opérer, jour après jour. Quelque chose dont je ne voulais pas, quelque chose que je refusais de voir se profiler. L'oubli.

Oui, le temps passe et le passé fuit. Les détails s'effacent, l'acuité des souvenirs s'érode, leur force s'atténue...
C'était inévitable, mais j'ai voulu croire que cette fois ça ne fonctionnerait pas ainsi. Je pensais que chaque instant resterait intact, et que leur succession dans le temps resterait gravée de façon indélébile dans ma mémoire.

J'avais du très vite mettre de coté tout ce que j'avais vécu d'extraordinaire avec nathalie lorsque j'ai retrouvé ma vie familiale. Je ne pouvais pas être ici avec les pensées de là-bas en même temps. Je ne pouvais pas être avec Charlotte et penser tout le temps a ce que j'avais vécu avec nathalie. C'était une évidence et je n'ai même pas eu d'efforts à faire pour cela. Il y a eu scission immédiate. C'était indispensable.
Par je ne sais quel mécanisme de la pensée, je me suis "interdit" de me laisser aller dans trop de nostalgie et d'émotions. Je ne laissais revenir les souvenirs qu'à petite dose, de façon non-émotive. Juste pour en retrouver l'essence, mais sans en ressentir la nostalgie. C'était à la fois frustrant et salutaire. Je me disais que je saurais bien laisser revenir les pensées ultérieurement, comme autant de trésors. Il suffirait d'ouvrir le tiroir qui les contient...

C'est effectivement le cas, sauf qu'avec le temps le coté émotionnel s'émousse. Je ne parviens que difficilement à ressentir les souvenirs. Je me souviens, mais j'ai du mal à revivre les évènements.
Je n'aime pas cette situation. J'ai l'impression d'avoir été dépossédé de quelque chose. Je déteste cette usure du temps que j'ai moi-même laissé agir.

Pourtant il m'arrive de vraiment revivre des fragments de cette rencontre, et d'en ressentir comme une souffrance. Parce que c'était beau et merveilleusement bon... et que ça n'est plus accessible. Et que ça ne le sera pas avant un délai forcément long.

Il y a quelque chose de révoltant devant cette situation. 



Je me souviens...

... de nos pas côte à côte, sur les trottoirs de ces rues sans caractère. Ta valise a roulettes faisait un bruit de wagon sur des rails.
Je me sentais parfois un peu gauche, à coté des mouvements de ta silhouette à laquelle je n'étais pas encore habitué. Souvent nous nous tenions par la main, lorsque nous avions assez de place pour le faire. Et nous nous regardions, avec un sourire permanent, comme si nous étions étonnés à chaque instant que tout cela soit réel. Je n'en revenais pas de te savoir là, à coté de moi, ma québecoise. Toi dont j'avais tant désiré la présence...

Par instants je pensais déjà que je ne saurais jamais écrire dans mon journal toutes les impressions que je vivais. Drôle d'idée que de penser à ça, qui ne s'explique que par la façon dont nous nous sommes connus.









Réflexion silencieuse



Mercredi 22 octobre


Bizarre, mais j'ai pas trop le goût d'écrire ici en ce moment. Peut-être parce que je parle beaucoup, suffisamment pour me combler? Peut-être parce que je me rends compte que ce journal devient moins un moyen de me comprendre que celui de relater une aventure? Peut-être parce que je ne fais plus vraiment de découvertes? Peut-être parce que ce que j'ai raconté depuis des mois évolue désormais trop lentement pour continuer à le consigner ici?

Quoi qu'il en soit, l'aventure continue.

Il y a quelques jours nous avons eu un échange très "sérieux" avec nathalie. Nous nous sommes dit des choses... qui se disent bien rarement dans une vie. Depuis quelques temps nous osons nous dire des mots que ni l'un ni l'autre ne pensions utiliser durant le restant de notre existence. Enfin... du moins en ce qui me concerne.
Et nous avons, là encore, des pensées bien similaires. Cependant j'ose à peine énoncer certaines choses, tant elles me semblent audacieuses, ou farfelues par leur sérieux. Il m'a fallu m'y reprendre une dizaine de fois pour oser lui poser une question, alors qu'elle était là au bout du fil, tentant de m'aider à accoucher des ces mots qui se bloquaient.

Hélas tout ça ne résoud rien quand à la complexité de notre situation marquée par cette distance immense. Mais... ce n'est pas à moi de parler de ce que ressent nathalie.


Si entre nous la relation reste au beau fixe, c'est en revanche beaucoup plus fluctuant entre Charlotte et moi. Un jour très bien, et le lendemain catastrophique. Les remises en question ont ce désavantage qu'elles perturbent les repères habituels, sans toutefois savoirs desquels il s'agit. Le terrain devient ainsi difficile à arpenter et tout peut exploser à cause de quelques détails minimes.




Je me souviens...

... nous avons longuement marché avant de trouver les renseignements que nous cherchions. Première décision à prendre en commun: quel hôtel allions-nous choisir? Un peu à l'écart du port pour être tranquilles, et au bord de cette mer dont le bleu t'avait tant impressionnée quelques jours plus tôt.

Assis sur les marches d'un escalier en béton au pied d'un batiment dont l'architecture, quoique originale, n'avait rien de beau, nous avons regardé un a un les hôtels qui pouvaient nous convenir. Pour moi, dire un choix c'était me dévoiler en exprimant des goûts, un caractère. C'était oser être moi-même face à toi, avec cette crainte de ne pas correspondre à ce que tu souhaitais. Mais nous sommes parvenus à trouver ce qui nous convenait ...










Prise de conscience



Jeudi 23 octobre


J'écris peu, et mal. Je n'aime pas bien ce que je laisse ici. Je ne me sens pas inspiré et j'aurais tendance à vouloir tout supprimer. Ça me semble creux, du remplissage. Il y a certainement, caché derrière l'idée de "garder la trace", le désir de rester présent pour vous, lecteurs.
Pourtant, je sais aussi que c'est par l'écriture que s'exprimera ce qui travaille en moi en ce moment. C'est même une des seules façons pour moi de savoir ce qui se passe dans ma tête lorsque j'ai l'impression de ne pas penser.

Oui, en ce moment je ne pense à rien de construit. Je ne vois rien. Alors qu'il s'opère un changement important, une mise en perspective qui me donne une vision nouvelle.

Aujourd'hui je vais donc laisser tomber l'expression élaborée, la recherche de clarté et de phrases bien construites pour reprendre l'écriture automatique. En espérant rester compréhensible...


Hier j'ai longuement échangé avec nathalie au sujet de la façon dont je fonctionne dans le couple que je forme avec Charlotte. C'était le prolongement d'une conversation que j'avais eu la veille avec Charlotte, sur le même sujet.
De ces deux échanges s'est affirmé ce que j'écrivais il y a peu: la relation de couple que je vis n'est plus vraiment d'ordre amoureux depuis bien longtemps. Ce que je croyais être ce qu'on appelle Amour, que j'imaginais volontiers comme étant proche d'un "sommet", s'est trouvé progressivement confronté à quelque chose de beaucoup plus intense. Le choc final, la révélation, ayant eu lieu lors de ma rencontre avec nathalie. Avec elle, j'ai retrouvé des sensations oubliées depuis très très longtemps. Des moments d'émotion qui, avec Charlotte, n'ont duré que quelques jours. Quelques semaines tout au plus. [faux! Je viens de relire mon journal et cela a duré quand même plusieurs mois]

C'est un constat assez déstabilisant à faire, mais j'ai du me résoudre à voir l'évidence. Oui, je vis avec Charlotte depuis deux décennies et je n'en suis pas amoureux comme je sais qu'on peut l'être. Comme je l'ai été autrefois avec elle, avant qu'elle ne limite cet élan amoureux qui lui faisait peur.
Il m'est resté de cette période de nos tout débuts une éternelle frustration et, j'accepte de me le dire maintenant, un grande douleur. Elle n'a pas voulu que je l'aime à ma façon (et je peux la comprendre...) et cela a fait que mon amour pour elle s'en est trouvé écrêté.
Elle a eu peur de ce trop d'amour, qui l'empêchait sans doute de m'aimer en retour. Alors nous nous sommes adaptés l'un à l'autre, dans un amour écrêté des deux cotés. Un compromis qui nous paraissait satisfaisant. On s'aimait, on s'appréciait, on s'estimait... mais sans folie ni passion. Tout cela fonctionnait bien, avec des hauts et des bas, mais sans grande amplitude. Le coté merveilleux de l'amour n'a pas duré au delà de quelques jours. [re-faux! Je dois me méfier de ma mémoire infidèle]

Pourtant, une fois cette douleur du renoncement passée, je me suis bien adapté à la situation. Il y avait quand même de très bons moments, de vrais bonheurs. Du vrai amour qui apparaissait, de façon plus ou moins fugace. Et puis quand même un plaisir à être ensemble, à bien s'entendre, à se sentir bien avec l'autre. Nous nous entendions suffisamment bien pour nous lancer dans des projets de vie ensemble, et en particulier pour fonder une famille.

Il y a toujours eu un bon dialogue entre nous et, de ma part, la volonté inébranlable de continuer notre chemin. La volonté de Charlotte a pu parfois être moins déterminée que moi... mais elle était quand même présente sur le long terme. Je crois que c'est cette volonté de nous adapter l'un à l'autre, de faire des efforts, qui aura été un des ciments de notre couple.

Mais cette adaptation ne se sera pas faite sans difficultés. Certains cotés ont toujours été problématiques, et pas des moindres. Ce sont ceux qui ont occasionné la répétition de disputes tout au long des années. Et si peu à peu nous avons su les atténuer et presque les faire disparaitre, c'est à la fois par renoncement et recherche de solutions alternatives. Par exemple j'ai renoncé à un certain type de dialogue avec Charlotte... et me suis débrouillé pour le trouver ailleurs, de diverses façons.
De renoncements en acceptations, nous sommes parvenus à bien cohabiter ensemble, sans trop de heurts. Tout allait (presque) bien. Mais... seulement "bien".

Et c'est ce que je réalise depuis quelques semaines, en constatant que nous sommes, sur plusieurs points, davantage amis qu'amoureux. Je l'avais pressenti depuis des années, et le mot était sorti plusieurs fois dans la bouche de Charlotte, mais je n'avais pu en accepter l'idée. Je voulais aimer Charlotte. Je voulais que ce soit de l'amour amoureux, prolongement de celui que j'avais ressenti pour elle à l'origine.

Je me suis menti sans m'en rendre compte. Je me suis leurré en entretenant l'illusion. La part amoureuse de notre relation existe, certes, mais je ne sais pas quelle proportion elle occupe. Elle est mêlée et confondue avec une forme d'amour maternante et une amitié au long cours. Charlotte est attentive et bienveillante avec moi, gentille, ce qui ne peut que me la faire "aimer", mais pas dans un sens uniquement amoureux. Charlotte est aussi ma compagne de vie, celle avec qui j'ai vécu tant de choses, celle qui partage mon existence depuis plus longtemps que le temps que j'ai vécu "seul". C'est ma confidente, celle qui m'a soutenu, épaulé, encouragé, épanoui. C'est mon amie de toujours et que je ne peux que l'aimer pour ça. Mais là encore ce n'est pas "amoureux".

La dimension amoureuse est très restreinte. Celle qui est faite de mystère, de séduction, d'incertitude, d'attirance... de... sentiment de plénitude et de bonheur absolu.

Je ne sais pas s'il est des couples chez qui cette dimension amoureuse perdure avec les années. J'ai toujours pensé qu'il était "normal" que cette intensité s'atténue, voire disparaisse avec le temps. Je me souviens encore des discours que j'ai tenu à nathalie il y a plus qu'un an, alors que nous étions encore seulement "amis", lorsque je tentais de lui expliquer ce que signifiait aimer après vingt ans de vie en couple. Je lui parlais de renoncement, de concessions, d'acceptation... je lui disais qu'"aimer" était différent d'"être amoureux", que c'était un sentiment tout aussi fort, mais fondé sur autre chose, sur un vécu en commun.

Je lui parlais d'aimer, mais pas vraiment d'amour amoureux. Parce que je ne me rendais pas compte qu'il en existait fort peu dans la relation que je vivais. Hier encore, elle me demandait ce qui me faisait aimer Charlotte... et je n'ai pas bien sur répondre. Comme je n'ai jamais bien su répondre lorsque Charlotte me pose cette même question.

Depuis des années, en toute bonne foi j'ai défendu avec conviction et passion ce que je croyais être l'amour au long cours. A de nombreuses reprises et avec des personnes qui s'interrogeaient sur le sujet, je défendais en fait un conglomérat d'amour-amitié, sous tutelle maternante. L'aveuglement sur soi est parfois ahurissant...

Tout cela ne diminue en rien l'attachement que j'ai envers Charlotte, qui reste ma compagne de vie et à qui je dois tant de choses. Moments heureux et soutien fondamental dans mon existence. Mais maintenant je sais que cette forme indéniable d'amour qui existe entre nous n'est pas seulement d'ordre amoureux. Elle l'est même sans doute fort peu.

Faut-il le regretter?


Je crois que Charlotte aura été plus lucide que moi sur ce point. Elle sent depuis longtemps que notre soi-disant amour est un peu bancal. Je n'ai cessé de la rassurer sur sa solidité, et je crois l'avoir convaincue. Mais peut-être à tort. Oui, notre relation est solide, mais pas forcément notre amour. Ma détermination a été efficace, mais je n'ai fait que la tromper comme je me trompais moi-même.

Ce que j'ignore, c'est s'il nous sera possible de retrouver une forme de relation plus saine. Que le coté amitié demeure ne me pose aucun problème, en revanche j'aimerais que la dimension "maternante" s'atténue jusqu'à disparaître. Je crois avoir su me retirer peu à peu d'un rôle "paternant" (dans le sens que Charlotte se plaçait en position inféodée a l'homme -père- dont j'avais endossé le rôle), mais elle n'y est sans doute pas encore parvenue. Nous traînons tout le poids de notre héritage éducatif. Et il est sans doute assez archaïque pour notre génération.

Je pense que c'est cette répartition des rôles, véritable tue-l'amour, que j'ai cherché à fuir. Nous n'avons pas été assez vigilants et avons reproduit une bonne part du mode de fonctionnement des couples de nos parents. Nous avons évité certains écueils qui nous semblaient primordiaux, mais sommes passés totalement à coté d'autres élément très importants.
Et nous avons laissé s'installer, puis s'ancrer solidement ce système débile. Et maintenant, il nous est difficile de sortir de ces habitudes...


Bon, je crois que ce que j'écris est un peu bordélique, et incomplet, et même faux puisqu'en parallèle j'ai réouvert mon journal de 1980 et que je constate combien ma mémoire a pu transformer les choses. Je reviendrai sans doute sur tout ça, car il y a dans cette confrontation passé/présent bien des explications à ce que je vis actuellement.





Ne pas vouloir posséder



Vendredi 24 octobre


Psy 3.12

Dense. J'ai enchaîné les sujets alors que j'étais entré en disant que je ne savais pas par quel bout commencer puisque je n'avais rien de précis en tête.


1 - Description-récapitulation de ma relation d'amour avec Charlotte et son coté ternaire: amoureux - amitié - maternant

- Le coté amoureux (séduction-passion), qui a été flamboyant à nos débuts (la relecture de mon journal m'a surpris par l'intensité de ce que je vivais alors), s'est étiolé au fil des ans. Il en reste une part, mais elle est assez minime, et rarement intense.

- Le coté amitié (confiance-partage) n'a cessé de se développer et prend une très grande place désormais.

- Le coté "maternant" (épouse-mère) s'est installé à notre insu et a pris beaucoup de place, jusqu'à ce qu'on se rende compte que ce rapport n'était pas celui qui devait régner entre nous. Je n'en veux plus désormais, cela n'a rien à voir avec une relation amoureuse.
Il faut noter que Charlotte a aussi ce rapport envers... ses parents! (rôle "traditionnel" de la femme mère-fille-épouse)


Si j'observe ces trois composantes, je constate que l'une me manque, l'autre fait toute la force de notre attachement, et la troisième doit s'effacer. Et si je regarde ce qui fait que je n'ai pas envie de quitter Charlotte, ce n'est pas l'amour amoureux (je suis davantage séduit-amoureux avec nathalie...), mais le lien d'amitié. Les deux étant évidemment largement indissociables puisqu'ils sont deux pôles trop liés pour être vraiment catégorisés. Il s'agit d'un amour-amitié. Charlotte est une amie avec qui je fais l'amour. Un amour devenu amitié, qui a conservé intacte la proximité intime de l'amour...

Je retrouve la quelque chose de l'ordre du [pas de mot existant] que je ne savais décrire en évoquant ce que je vivais avec nathalie. Sauf qu'avec nathalie c'est l'amitié qui s'est intensifiée en amour. Le processus inverse, le plus naturel.


2 - Comment suis-je passé de l'état amoureux initial à cette fonte de l'amour au fil des ans?

Là, ça se complique un peu... Lorsque j'ai connu Charlotte, elle me fascinait. Elle était jolie, timide, secrète, mais avait cependant une place à part. On la remarquait. Je n'osais imaginer qu'elle puisse m'être accessible... et pourtant elle m'attirait. Au point que j'ai de plus en plus osé aller vers elle, puis ai compris qu'elle n'était pas insensible à moi. Mon sentiment amoureux-désirant est devenu croissant, jusqu'à envahir toute mon existence. Je ne pensais qu'à elle et désirais plus que tout l'approcher. Lente montée en puissance, jusqu'à devenir colossale [ouais, comme pour tous les amoureux quoi...]. J'ai osé, malgré ma forte timidité d'alors, aller vers elle... et suis parvenu à mes fins. Bonheur absolu et impression d'avoir une chance extraordinaire qu'une fille comme elle puisse s'intéresser à quelqu'un d'aussi insignifiant que moi (pensais-je à l'époque).

Quelques jours d'une heureuse perfection, entrecoupés de longues absences (augmentant le désir...), et puis rapidement une envie de... "posséder" cette situation. De la garantir, de m'en assurer la pérénnité. Un mois après notre déclaration, j'envisageais déjà le mariage... [Au fou!!!] Chose dont je ne lui ai évidemment pas parlé, tant cette idée me semblait folle, mais qui n'a eu de cesse de m'inquiéter: quelles étaient ses intentions? Qui étais-je pour elle? Amour de passage ou amour de longue durée? J'avais ce besoin de savoir, afin de ne plus douter d'elle.

Cette question me hantait, mais je ne l'ai pas posée avant trois mois. La réponse n'a pas été vraiment rassurante puisque Charlotte ne savait pas si elle désirait cela. Pour elle c'était trop tôt [comme je la comprends, aujourd'hui...]. Je crois que l'expression de ce doute m'a fortement secoué. Charlotte n'avait pas manifesté le désir, ou l'espoir que ça dure [du moins ne l'ai-je pas entendu/compris]. Elle a eu peur de mes questions sur ce sujet, et pendant longtemps ce fut un point délicat entre nous. J'avais, profondément, besoin de savoir ce qu'elle ressentait afin de ne plus douter. Et elle redoutait de me donner une réponse sachant que je la considérerais alors comme acquise (la réponse, pas Charlotte... quoique...).

Cette différence de points de vue est à la base de quelques problèmes entre nous. Considérant qu'elle ne m'aimait pas assez pour s'engager avec moi, j'ai désinvesti une part de mon amour passionné. Il y avait quelque chose de limité entre nous. D'ailleurs, dès les premiers jours, elle m'avait dit «j'ai peur de ne pas assez t'aimer». J'ai donc dû moins l'aimer. Renoncer à une part de l'intensité amoureuse.

Sur le moment je n'avais pas encore compris qu'on ne peut s'aimer inconditionnellement. Elle avait tout à fait raison de ne pas vouloir s'engager trop vite. C'est moi qui, par insécurité, voulait rapidement fixer les choses... afin de me rassurer. Attitude très égocentriste. En fait, je ne savais pas aimer, je voulais posséder. Figer une situation qui me procurait un bonheur immense.

Finalement, quelques mois plus tard, Charlotte a accepté cette idée de mariage. Il faut dire que je revenais de plus en plus souvent dessus, ne sachant comment investir plus loin dans cette relation sans savoir ce qu'elle désirait pour l'avenir [oui, ne me regardez pas avec ces yeux ronds, j'étais comme ça à l'époque...]. Ce besoin de mariage était directement hérité de mon éducation catho-bourgeoise-coincée [putain de morale de merde...].

Je ne sais plus très bien comment ça s'est passé ensuite, mais ce que je sais c'est que du rôle d'amoureux admiratif et en quête d'attention, je suis passé ensuite à un rôle plus affirmé, voire un peu autoritaire (pas par la force, mais par les sentiments). Pourquoi?

Je crois qu'au fur et à mesure que Charlotte me devenait "acquise" (attachée à moi) elle devenait moins attirante, moins mystérieuse. Le fameux «fuis moi je te suis; suis moi je te fuis» [aaargh, je déteste!] s'appliquait parfaitement. Plus elle me cédait, plus elle me montrait que je comptais pour elle, et moins j'avais d'efforts à faire pour la conquérir. Et pourtant, je n'avais qu'un désir: savoir que je comptais pour elle. C'était soit le doute et l'inquiétude de la sentir "non acquise", insupportable à vivre. Soit la perte du désir dès que je la sentais "à moi". Or j'aspirais à vivre ce désir et ces sentiments forts.
Le système paraissait impossible à être vécu dans la sérénité du moment présent. Car c'est bien cette idée de fixer l'avenir (de tenter de le faire...) qui génère cette attente.


3 - Ce qui s'est passé ensuite, je supppose, c'est que Charlotte tenait à moi suffisamment pour tenter de s'adapter à mes exigences. Une sorte de lutte entre nos attentes respective s'est instaurée, selon que l'un ou l'autre était en position de force. Car tous les deux nous tenions à la fois à l'autre et à notre intégrité face à nous même. Nos deux points d'opposition pricipaux étant mon manque de sociabilité et son manque de communication intime. Chacun reprochant à l'autre de ne pas correspondre à ses attentes [mouais, système merdique hein?].

Nous avons fait des efforts pour accepter ces différences, mais cela reste des manques quand même importants.

Là où il y a eu quelque chose de plus pernicieux, c'est que j'ai l'impression que nous avons aussi reproduit le système de la domination masculine. Moi ne cédant pas facilement du terrain, et elle "acceptant" que je ne bouge pas en renonçant de son coté [oui oui, j'ai honte de ça...]. Le tout dans un bain de sentiments qui perturbait les discussions puisque chacun avait l'impression de ne pas être aimé en constatant l'attitude bloquée de l'autre. Elle me trouvait "glacial" et je la trouvais "agressive" (selon le mode de fonctionnement de chacun de nous). Beaucoup de discussions ont dégénéré de cette façon là.

Depuis quelques années nous avons peu à peu pris conscience de tout ça, de façon plus ou moins précise, et tentons de corriger les choses. Mais ça ne va pas bien vite et régulièrement nous retombons dans le piège.


4 - Liée à ça, il y a l'idée détestable de "pouvoir". Je sais que nous fonctionnons sur ce mode débile. Ça n'a rien à faire dans une relation d'amour. Peut-être est-ce pour cette raison que peu à peu nous en sommes parvenus à une relation d'amitié, plus détachée émotionnellement?

Je déteste sentir cette idée de pouvoir. La première fois que j'en ai pris conscience, avec une de mes rencontres féminines internautiques, j'ai été effrayé de sentir que l'autre me donnait un pouvoir immense de lui faire du mal. Je pouvais la broyer, la torturer dans la jouissance de la cruauté sadique. Horrible impression [hééé, je n'en ai rien fait hein!!!].

Ma psy m'a demandé pourquoi j'associais pouvoir et amour, et j'ai immédiatement fait la relation avec le pouvoir de faire mal de mon père... Celui en qui j'aurais du avoir la plus grande confiance s'est servi de son pouvoir pour me démolir (involontairement). Je crois que j'en resterai marqué de façon indélébile. Est-ce la seule raison de cette association d'idées?

Alors je ne veux pas sentir de pouvoir avec les gens que j'aime, et qui m'aiment. Ni de ma part, ni de la leur. Pourtant... je ne peux nier que j'ai usé d'un certain pouvoir sur Charlotte, sachant qu'elle tenait à moi. Et je crois qu'elle aussi a su se servir de son pouvoir sur moi. J'ai parfois eu terriblement mal... et je crois que je lui ai aussi fait très mal. Sans que nous le voulions l'un ou l'autre, mais par simple abus de pouvoir. Parce que nous étions en position de force à un moment donné et que nous nous en sommes servis pour obtenir ce que nous voulions, même si ce n'était que de façon temporaire.
Peut-être que notre très grande sensibilité nous rendait trop vulnérables à l'autre, et que, par un mécanisme de protection, nous avons préféré quitter le domaine trop fragile de l'amour?



5 - Tout autre chose, mais pas sans importance. Hier j'écrivais dans mon "Je me souviens..." qu'avec nathalie je n'avais pas osé m'affirmer pour choisir un hôtel. Et de fait j'en étais incapable: face à quelqu'un a qui je veux plaire je n'entends plus aucun de mes désir personnel, craignant trop de déplaire. C'est en relisant mon journal de 1980 que j'ai sursauté [hum... j'exagère un peu...] en constatant que déjà, à cette époque, je disais à Charlotte «c'est comme tu veux». Et elle m'avait alors dit qu'elle préférait que je lui dise mes goûts plutôt que de ne rien affirmer de moi.

Je sais que, à vingt ans d'écart, c'est le même phénomène qui s'est manifesté avec nathalie (et qui s'applique avec quiconque...): recherche du mimétisme, de l'identique, afin de ne pas risquer qu'une différence trop forte n'apparaisse.
Car je me retrouverais alors en position de décalage avec l'autre, avec le risque de déplaire, donc de refragiliser ce que j'ai cherché à solidifier par tous les moyens. Cette insécurité qui existe dans l'amour naissant, que je cherche à garantir afin de ne plus douter, supporte mal d'être remise en question. Alors "je" (une part de moi...) préfère me confondre, me dissoudre, dans l'avis de l'autre. Même si ce n'est qu'une illusion car je sais que sur le long terme ma vraie personnalité s'affirmera quand même.

Je pense que ce n'est que lorsque Charlotte m'a été acquise que j'ai osé m'affirmer un peu plus, et pu prendre le risque de lui déplaire. Non pas que je cachais mon jeu et ne me suis révèlé qu'une fois en position de force mais... euh... si, c'était un peu ça. Mais ce n'était ni volontaire, ni conscient (j'en prends conscience à l'instant même...).


J'avais tellement peur de perdre le bonheur que je vivais, que je faisais tout pour ne pas risquer de le ternir... quitte à ne pas être vraiment moi-même. En fait, ça va bien plus loin que l'amour et ça concerne tout mon rapport à autrui: dès que je sais que je suis apprécié, j'ai tendance à ne plus vouloir rien changer de peur de déplaire [tiens, ne serait-ce pas un phénomène identique lorsque je crains que des gens me critiquent?]. J'ose (osais?) difficilement exister, très intimidé (peur d'être moi-même), et dès que j'existe et sens ce regard... j'ai peur d'aller plus loin. Bon, tout ça s'est largement atténué ces dernières années avec mes quelques déboires internautiques. J'ai bien fini par comprendre qu'être soi-même créait parfois le rejet, mais surtout des affinités et des liens d'appréciation mutuelle.

Il reste que plus j'ai envie de plaire... plus je me trouve confronté au risque de déplaire. Et sans doute est-ce ce qui fait toute la subtilité de mon lien avec nathalie puisque le pari de la sincérité m'expose à, éventuellement... lui déplaire. Mais aussi à lui plaire. Plus je serai "moi", plus j'ai de chance que cet être lui plaise. Alors qu'essayer d'être un autre que moi ne fera pas illusion éternellement. C'est sans doute sur cet écueil que je me suis frotté avec Charlotte.

C'est tout l'enjeu des relations, et a fortiori de l'amour: oser être soi et prendre le risque de plaire... ou de déplaire. Avoir suffisamment confiance en soi pour "être", et confiance en chaque autre quant aux possibilités que nos deux "être" se rencontrent. Et ne vouloir posséder ni l'autre, ni la pérénnité de la relation, ni le bonheur, ni l'instant. La vie n'est pas dans l'immobilisme.

Le bonheur est dans la non-possession alors que tout en moi chercherait volontiers à "posséder"... pour garantir le bonheur. Il y a la toute une inversion de mon processus de pensée que je dois réaliser. Je crois que c'est un des principes de la philosophie boudhiste...

La psy à conclu la séance avec quelque chose qui resemblait à: «C'est à vous que vous devez plaire»

Ouais ouais... je sais bien que tout est là...

Être soi, s'aimer, ne pas chercher à posséder ni a figer l'instant, et faire confiance aux hasards de la vie et des rencontres.


[NB: désolé pour le style haché et le coté un peu confus de tout ça. Lorsque des idées viennent en nombre je préfère les énoncer comme elles viennent, quitte à y revenir de façon plus précise ultérieurement]





Je me souviens...

... de nos échanges de regard. Notre rencontre aura été placée sous ce signe. Du premier au dernier instant nous nous sommes regardés. Droit dans les yeux ou en marchant côte à côte. De si près que tout en était flou, ou de plus loin pour retrouver une vision d'ensemble.

Regards confondus, regards noyés, regards mouillés. Regards qui scrutent l'expression du visage, des plissements de sourcil, des sourires naissants. Regard s'abandonnant, perdu, offert. Regard brillant, désirant, aimant. Regards conjoints vers la même mer, la même lune brillante, le même soleil du matin. Regards silencieux pour mieux entendre ce langage des yeux.

Oh quelle variété de regards, quelle intensité en a émané. Que de partage dans ces regards...









Rien n'est acquis



Dimanche 26 octobre

Ma relation avec nathalie évolue doucement en s'adaptant à la distance qui nous sépare. Pour le moment il faut bien faire avec, et retrouver un mode de fonctionnement orienté vers le positif du présent et les espoirs de l'avenir. Pour ma part, j'ai senti que je devais lâcher ce passé nostalgisant, que j'ai étiré aussi loin que possible. Ces deux jours et demi ont conditionné mes pensées durant un mois et je devais me réancrer dans la vie courante.

Le passage a été un peu délicat. J'avais l'impression d'abandonner quelque chose. Je me sentais mal, je percevais une forme de trahison à désinvestir ces souvenirs communs, alors que nathalie les vivait encore très fortement. En fait j'ai simplement été fidèle à moi-même, et à elle: je sentais bien que je ne pouvais rester dans cet état, mais tout en acceptant qu'elle y demeure. La différence de nos vies respectives aura été certainement déterminante, puisque mon engagement conjugal et ma vie de famille créaient une dynamique bien différente du coté solitaire de son célibat.

Finalement, les fameuses questions que je devais me poser n'auront pas été directement formulées dans ce journal. Elles ont cheminé dans ma tête. Effleurées, quoique suffisamment clairement énoncées avec les personnes concernées, elles ont fait peu à peu apparaître les réponses. Un jour j'ai compris qu'entre amitié et amour, je ne pouvais pas choisir. Et encore moins entre amour-amitié et amitié-amoureuse. Impossible de renoncer à l'une ou à l'autre de ces femmes que j'aime de façon différente. Je l'ai re-compris, puisque je le pensais déjà avant que la rencontre n'ébranle beaucoup mes convictions.

J'ignore toujours ce que sera l'avenir à long terme, mais je sais que le futur proche n'est plus source de questionnements. Ma vie est avec Charlotte pour le moment, pour tout un tas de raisons. Et je pense que tant que je ne reverrai pas nathalie les choses resteront ainsi. Tant que je ne déciderai pas de la revoir, puisque je sais que lorsque je vais envisager plus précisément une nouvelle rencontre, Charlotte pourrait avoir des réactions de nature à modifier cet équilibre entre les deux relations.

Alors, au sein de ces deux liaisons, quelque chose évolue. Avec Charlotte nous continuons notre démarche d'assainissement de nos rapports. Pour le moment ça se passe globalement bien, avec parfois des moments un peu difficiles. Nous prenons conscience du fait que l'amour amoureux a cédé la place à autre chose. Un attachement fort que nous avons envie de voir durer. Mais nous savons aussi désormais que rien n'est acquis et immuable pour l'avenir. Tout dépend de nous, de nos efforts respectifs, du pouvoir attirant que nous exerçons sur l'autre. D'une certaine façon ce lien est plus libre... et plus fort de cette liberté. Plus sincère. Si je reste avec Charlotte (ou si elle reste avec moi) c'est par choix.

Avec nathalie aussi quelque chose évolue. Je me sens toujours plus proche et en confiance, tout en percevant une part d'elle que je ne saurais connaître. Un coté surprenant, inattendu. Avec elle aussi, rien n'est acquis et je crois que c'est un aspect essentiel, nécessaire au maintien de l'attirance. Elle me séduit toujours autant, avec ce désir de retrouver une présence physique et toutes les potentialités qui pourront être révélées.
Notre rencontre a donné une dimension nouvelle et nous a montré que notre attachement n'avait rien de virtuel, d'imaginaire, d'idéalisé. Au contraire... c'est bien ce qui aura été très déstabilisant dans les semaines qui ont suivi.
Notre lien s'est construit sous le signe de la liberté et de l'autonomie affective. Il se renforce tout en demeurant sous ces signes. Nous partageons une complicité toujours accrue (y'a t-il une stade ultime dans la complicité?), qui s'étend maintenant a certains désirs, même s'ils ne peuvent se réaliser.



[Pourquoi est-ce que je raconte tout ça? Pourquoi relater les détails de ce que je vis? Pourquoi ce compte-rendu de mes avancées? Pourquoi ce coté feuilleton?

Je suis parfois pris de vertige en songeant à ce que je laisse de moi ici. Je suis parfois très près de ne pas mettre en ligne. Je m'interroge fréquemment sur le bien-fondé de ce dévoilement. Et pourtant... je continue...]




En songeant à l'évolution de ma relation avec Charlotte, je me suis demandé si je ne fonctionnais pas selon un mode vampirisant: absorber la substance de quelqu'un que j'admire et qui me renvoie une image valorisante, m'en nourrir, m'en renforcer... puis finalement perdre mon admiration envers une telle personne, capable d'apprécier un être aussi peu estimable que moi.

Là encore, je comprends bien que la solution consiste à ne pas me considérer comme "peu estimable". Et je prends conscience de tout le cheminement qui s'est fait depuis des années, m'ayant permis de ne plus me considérer comme "insignifiant". Et je pense à toutes ces personnes qui ont cru en moi, me renvoyant une image qui m'a permis à mon tour d'y croire. Car comment ne pas faire confiance au jugement de personnes que j'appréciais? De chacune d'elle j'ai pris quelque chose, sans doute avec quelque ingratitude, en me nourrissant de leur regard envers moi. Il est probable que je les nourrissais en retour...

Et nombre de ces regards-miroirs ont existé sur internet, notamment dans le milieu diariste, ou grâce à des amitiés éphémères ou durables.

Tant d'années pour retrouver un déficit de confiance en soi... Est-ce dû à mon père ou bien avais-je déjà ça en moi auparavant? Je ne le saurai sans doute jamais, et ça n'a pas beaucoup d'importance. Seul compte ce que je suis capable de faire de moi maintenant. Et où se situe ma force, celle de me prendre en main quel que soit le passé qui a pu marquer mon existence jusqu'à présent.




Je me souviens...

... de notre longue marche le long de la plage, puis de la découverte de notre palace. Celui qui t'a plu parce qu'il avait ses stores bleus.
Nous avons attendu sur la plage que le palace aux stores bleus ouvre ses portes. Le sable était presque désert en cette saison, et nous nous sommes installés côte à côte devant l'immensité bleue. Qu'avons nous dit? Qu'avons nous fait? Est-ce à ce moment là que nous nous sommes retrouvés couché l'un contre l'autre? Ma mémoire confond la succession des temps.

Dans le palace aux stores bleus une chambre avec vue sur la mer nous attendait. Le genre de choses qui ne se passe qu'au cinéma. Je n'avais jamais imaginé que ça puisse m'arriver un jour.

Une chambre pour nous deux, premier moment ou nous nous trouvions vraiment seuls, face à face, porte fermée sur ce qui deviendrait notre espace d'intimité jusqu'au lendemain...









Vous qui me lisez




Lundi 27 octobre


Aujourd'hui j'ai reçu deux messages encourageants, exprimant le fait que mes écrits touchent quelque chose d'important chez des lecteurs. Ça arrive de temps en temps que des personnes qui ne m'avaient jamais écrit, ou bien qui arrivent sur ce journal pour la première fois, passent le mur du silence. Ce qui m'a marqué, c'est qu'un des deux messages provenait du Liban.

Ben oui, j'ai tendance à oublier que je peux être lu du monde entier. France, Québec, Belgique, Suisse... ça oui, je le sais. Mais quand je vois Royaume-Uni, Roumanie... j'avoue que ça me surprend toujours. Et je ne parle pas des personnes qui se sont égarées avec une seule visite ici, en provenance du Japon, du Brésil ou du Mali (statistiques de septembre).

Je me suis longtemps dit que l'essentiel des lecteurs devait se trouver parmi les diaristes eux-même, ou chez quelques lecteurs compulsifs, arpenteurs de journaux et blogs. Bref, un public d'habitués. Un petit cercle qui se connaîtrait plus ou moins, presque une grande famille. Ce sera de moins en moins vrai. Le phénomène de l'écriture en ligne est devenu très important et il est maintenant impossible de connaître tout le monde, ne serait-ce que de nom (pseudo...).

Souvent j'ai écrit en m'adressant à ce public plus ou moins indentifié, mais proportionnellement il devient minoritaire. En fait, je réalise parfois que plein d'inconnus me lisent, dont je ne sais rien. Je constate d'ailleurs que vous êtes de plus en plus nombreux. Et bien que le nombre global de lecteurs de diaristes augmente, je peux quand même en déduire que, probablement, mes écrits intéressent (je ne dis pas qu'ils plaisent pour autant...). Il est même curieux que je supporte de voir ce nombre croître sans que cela n'influe sur le contenu de mes pages. Auparavant j'étais persuadé du contraire. Je crois que la force de ce qui remplit mon existence fait que je ne me m'attarde pas sur ce genre de question.

Je vis simultanément plusieurs formes d'amour/amitié, et c'est, je pense, ce qui peut toucher pas mal de monde. Amour conjugal au long cours, amour double, amour récent, amour à distance, relation virtuelle poussée jusqu'au réel... Chacun de ces sujets peut avoir ses adeptes.

Je sais aussi que la sincérité de mon regard sur moi-même plait souvent.
Pourtant il y a de ma part quelque chose d'un peu fou à raconter en quasi-direct les avancées d'une auto-analyse. Je délivre des éléments très personnels, non seulement de ma vie, mais aussi de celle de Charlotte, de celle de nathalie. Je dévoile comment fonctionnent ces deux relations, sous leurs aspects agréables ou plus complexes. C'est quelque chose de très intime que j'affiche sans beaucoup de retenue. Jusque dans mes "Je me souviens", dont j'ignore jusqu'où ils me mèneront...

Régulièrement je me dis que je devrais opter pour un genre plus suggestif, éviter de rentrer trop dans les détails. Mais généralement cette envie reste sans effet. Je suppose que mon style est dans ces textes longs.
Je sais que s'il doit y avoir une évolution elle se fera en temps opportun. Actuellement je suis en phase de recherche et il semble que j'ai besoin de ce travail narratif.

D'ailleurs, dès que j'écris moins je sais que c'est parce que je suis un peu égaré. Qu'aucune piste ne me paraît convainquante, ou alors que je n'ose pas m'y aventurer... Et ces moments préparent souvent une avancée ultérieure.





Je me souviens...

... que c'est sur cette plage désertée d'après vacances que nous avons pu nous approcher d'un peu plus près. Nous étions presque seuls, bien que largement visibles depuis les alentours. Mais qu'importe...
Tu ignorais encore quelle seraient les limites que je ne voudrais pas dépasser. Je sais que tu n'aurais rien osé afin de ne pas me brusquer.
Te souviens-tu de ce qui a fait que nos visages se sont retrouvés l'un contre l'autre? Probablement un mouvement des plus naturels qui soient. Un abandon vers tes yeux qui semblaient n'attendre que ça. Sans un mot, comme une évidence, joue contre joue, bras autour du cou. Gestes spontanés d'amoureux, gestes revenus de tellement loin pour moi. Un sentiment de jeunesse oubliée qui refait surface.

C'est dans un de ces moments se silence, dans la symphonie des émotions qui avaient envahi tout mon être, que mes lèvres ont effleuré les tiennes, puis s'y sont attardé. Douceur incomparable, volupté, déchaînement de sensations. Rêve désiré, espéré, imaginé... et enfin partagé. C'était délicieux, le souvenir reste splendide...









Non-isostaticité des liaisons corrélées



Mardi 28 octobre


On dira ce qu'on voudra: c'est quand même pas facile de vivre un amour à 5900 km de distance. C'est pas facile non plus de vivre un amour double. Vraiment pas simple, tout ça...

On a beau se parler énormément, être en contact chaque jour, faire preuve d'une grande confiance mutuelle... il manque quand même toujours la présence réelle. C'est incontournable.

On a beau se rappeller des moments passés ensemble, de tout ce bonheur que l'on a ressenti, tenter de ressusciter des instants fugaces... c'est à se demander si ça ne rend pas plus cruelle l'absence.

On a beau chercher des solutions pour les temps à venir... espérer sans aucune échéance n'est guère convainquant.

Ces derniers jours j'étais parvenu à retrouver une certaine sérénité. J'acceptais cette situation de séparation, je ne me posais plus de questions sur l'avenir, j'étais devenu (provisoirement) insouciant en me contentant du moment présent. J'en avais besoin car les semaines précédentes avaient été difficiles du coté incertitude et idées folles. Épuisantes.
Sauf que cette sérénité a généré un certain malaise: je culpabilisais de parvenir à vivre les choses de cette façon alors que nathalie les vivait de façon plus douloureuse. Il m'a fallu quelques jours pour oser en parler dans ce journal... Je craignais qu'elle se pense moins aimée. D'autant moins que d'un autre coté j'évoquais beaucoup ma relation avec Charlotte et notre volonté de redémarrer sur des bases assainies.

Pourtant, je le sais maintenant, ce que je vis avec l'une et avec l'autre n'a rien à voir avec le principe des vases communiquants. Pas dans le sens auquel on pourrait s'y attendre. Car si mon moral peut être affecté d'un coté, il n'y aura pas hausse de l'autre coté, mais aussi une tendance à la baisse. A moins qu'il ne s'agisse d'une situation de blocage: là, il y a effectivement plus d'investissement vers l'autre relation si elle fonctionne bien. Bref, il existe une certaine corrélation entre les deux liaisons, mais qui n'obéit pas à une logique isostatique [hein quoi?]. Euh... je veux dire que je n'ai pas un potentiel amoureux qui serait comblé par variation simultanée, mais inversée, des deux relations [tu peux répéter??]... Si les deux vont bien, c'est merveilleux, si l'une va moins bien il y a compensation avec l'autre mais baisse globale, et si les deux vont mal c'est le plongeon vers un état déprimé. Vous voyez ce que je veux dire?

Et paf, c'est justement ce qui s'est passé hier. Conjugé au petit malaise que je venais à peine de dépasser [en l'écrivant ici], le fait que nathalie exprime le coté douloureux de l'absence (induisant pour moi un rappel de la complexité de notre situation), puis que Charlotte me dise que je passe trop de temps devant cet ordinateur [ben oui, quand je cogite j'écris...], tout ça a fait que je me suis un peu enfoncé. Si mes deux amours ne vont pas très bien, je ne peux pas aller bien. C'est l'effet cumulatif, qui s'exerce en sens inverse des moments où les deux vont bien. Ce qui me rend très heureux dans un sens me fait déprimer dans l'autre. Il y a amplification émotionnelle. J'ose même pas imaginer ce que ce serait si un jour ça devait aller vraiment mal des deux cotés à la fois...
Je me rends compte que toute ma force tient dans mon bien-être relationnel avec autrui. Je ne suis pas un solitaire qui pourrait vivre en autarcie. J'ai besoin du lien avec les autres pour exister. Et bien sûr le lien amitié-amoureux est celui qui a le plus fort pouvoir.

Bon, mais il s'agissait hier de micro-évènements et le dialogue d'un coté, la sincérité de l'autre, ont permis que tout s'arrange rapidement. J'ai quand même pris conscience que ma sérénité à vivre la relation à distance n'était qu'apparente: que je sente que nathalie a des difficultés à vivre la situation, qu'elle perde un peu courage, et l'absence se fait alors fortement ressentir. Il y a des moments où les mots sont de peu de secours et que seuls les gestes et le contact réel ont un sens. J'avais terriblement envie de la prendre dans mes bras, d'être à ses cotés, de lui apporter ce qui lui (nous) manque. Si par le raisonnement je parviens à me satisfaire des mots quand tout va bien (et parce que je sais que la situation l'impose), en revanche ce raisonnement n'a que peu de poids lorsque les émotions parlent.
De l'autre coté, que je sente que Charlotte vit mal cette double relation et je tente de la rassurer pareillement... sauf si elle entre dans un mode de reproche. Auquel cas je m'enferme en moi.

Hier elle a souhaité que je lui dise pourquoi je restais silencieux. Je lui ai rappelé que je préférais souvent ne pas lui exprimer mes problèmes personnels lorsqu'elle ne peut rien y changer. Elle a un peu insisté et je lui ai dit ce manque que je ressens à ne pas pouvoir cotoyer nathalie. Elle semblait presque avoir "oublié" que ce problème existe, puisque je n'en parle pas [Charlotte a une capacité étonnante à faire l'autruche...], mais m'a cependant écouté avec attention.
Je n'ai pas pu lui cacher que c'est parce qu'elle, Charlotte, me disait ne pas pouvoir supporter de me savoir avec une autre que je restais dans une incertitude parfois pesante. S'il ne tenait qu'à moi je programmerais déjà un voyage vers nathalie. Mais essayant de faire en sorte que personne (?!) ne vive mal la situation, je diffère la décision. Position difficile puisque ce que je donne à l'une (le temps de respirer), je le prends à l'autre (tenir en apnée). Charlotte n'acceptant pas facilement que mes sentiments existent aussi pour une autre, je cherche à la protéger... mais parfois au détriment de nathalie. Ce n'est pas une position tenable sur le long terme. Même si... bien sûr, nathalie et moi savions très bien que je vis en couple, ici, en France. Normalement (?) il faudrait en rester à cette situation... sauf qu'il y a là quelque chose qui nous dépasse.

C'est que nathalie et moi ne comprenons plus cette façon de concevoir les relations. Alors se priver... en vertu de quoi?

Charlotte m'a dit «Ce n'est pas que pour moi que tu n'y vas pas, c'est aussi parce que tu crains le regards des autres, non?». Là je me suis dit que j'avais beaucoup évolué et qu'elle me connaissait mal. Parce que, franchement, le regard des autres sur ce point, venant de qui que ce soit, je m'en tape! Et si je devais être mal jugé par des proches, et bien ce serait un excellent moyen de savoir qui a une tournure d'esprit avec laquelle je suis compatible.

Non, c'est bien pour Charlotte et uniquement pour elle que je diffère la programmation d'une nouvelle rencontre. Car ce qui est certain c'est que je ne renoncerai pas à voir nathalie. Et pas dans dix ans! Ni même dans cinq. Ni même dans... zut, le plus tôt possible quoi! Ou alors c'est que notre relation aurait évolué vers autre chose, avec un renoncement à une part de ce qui nous lie. C'est que j'aurai renoncé à une part de moi. C'est que j'aurais abdiqué devant la raison "raisonnable", que j'aurais choisi un coté confortable et sans souci... une vie sans remous, tranquille, pépère... bien sage. Un choix qui ne me rendrait sans doute pas estimable. Ni à mes yeux, ni à ceux de nathalie, ni même à ceux de Charlotte...

Ce qui est quand même bizarre [vous m'en voulez pas si je passe d'un sujet à l'autre?], c'est que Charlotte me voudrait pour elle seule, donc parce qu'elle est censée m'aimer, mais envisage sérieusement de ne pas supporter que je puisse passer du temps avec une autre. Et donc de détruire ce à quoi elle dit tenir. Bizarre non? D'une certaine façon elle a moins confiance dans notre couple que moi! C'est un peu déstabilisant.
Je lui dis que, pour le moment (je me méfie des grandes déclarations, hein..), ma vie est avec elle. Que j'ai choisi de rester (après avoir envisagé bien des possibilités...) parce qu'elle a le privilège de l'antériorité, parce que j'ai construit ma vie avec elle... mais elle semble ne pas mesurer que ce n'était pas quelque chose d'automatiquement acquis. Elle semble ne pas comprendre que si je fais ce choix c'est parce que j'ai confiance en notre relation. Mais que cette confiance ne peut exister que si je la sens réciproque.

Bon, je sais aussi que ce qu'elle suppose ne pas pouvoir supporter n'est pas de l'ordre du raisonnable, ni même des sentiments. Des femmes qui l'ont vécu m'ont dit que ça venait du ventre, des tripes, du viscéral. Question: peut-on agir sur l'inconscient des tripes? Et d'abord, les tripes ont-elles une âme?



«Il me pose des questions auxquelles je n'ai pas de réponses. Je ne sais pas si je suis prête à tout quitter pour lui. Mais je n'ai pas dit non, non plus. C'est une question lourde de conséquences. J'ai travaillé très fort pour arriver où je suis maintenant. Il dit qu'il m'aime. Je l'aime aussi. C'est fou, nous ne nous sommes même pas rencontrés encore. En novembre. Commes des gamins nous comptons les jours.

Un jour, en novembre nous nous rencontrerons. Nous parlerons de vive voix, en face à face. Nous découvrirons l'aspect qui nous manque en ce moment. Nous avons la voix, le rire, la photo, mais nous n'avons pas l'odeur, le parfum, le goût de l'autre. Le corps qu'il faudra découvrir et apprivoiser, les yeux dans lesquels se plonger, la bouche à goûter, les mains à frôler, les jambes à allonger, les ventres à embrasser, les courbes à caresser. Je sens que nous parlerons aussi beaucoup, entre les baisers et les corps ramollis, dans un décor irisdescent. Certaines décisions seront peut-être prises à ce moment-là. Ou peut-être pas. Il m'a dit qu'il n'en tient qu'à moi de tout décider
.»

Azulah (10/10/2003)





La lune et le doigt



Mercredi 29 octobre


Je m'interroge parfois sur l'appel silencieux des hasards. Qu'est-ce qui a pu attirer mon clic de souris vers ce diariste que je ne lis plus depuis pas mal de temps? Pourquoi était-ce précisément sur sa dernière entrée, alors que son texte comprenait l'extrait suivant:

«Parallèlement à cela, je ressens un désintéressement de plus en plus grand pour l'humanité en général, et pour l'Internet en particulier. Des diaristes que je lisais assidûment depuis des années avec intérêt et empathie me tombent maintenant littéralement sur les nerfs. Je suis blasé de lire leur sempiternelle rengaine, comme, j'en suis sûr, beaucoup d'entre vous le sont de lire la mienne. Soudainement, tout cela me semble scandaleux, obscène. Il y en a qui se donnent corps et âmes à une relation à distance on ne peut plus malsaine, à une passion dangereuse qu'ils s'illusionnent encore à croire réelle. La plupart de ces gens possèdent déjà dans leur vie tout ce que je désire intensément depuis des années, mais ils préfèrent s'accrocher à une chimère distante et impossible.

Ils se cherchent. Tout le monde se cherche. Je suis dans une pièce remplie de gens aux yeux bandés qui errent en se cognant les uns aux autres, croyant trouver leur âme soeur chaque fois que leurs mains caressent un visage.

Toute notre société vogue à la dérive, et malgré mon insécurité chronique, je préfère encore me jeter à l'eau et tenter ma chance seul que de me laisser entraîner par elle vers la perdition.»

[c'est moi qui ai mis en gras et italiques]

J'ignore bien évidemment à qui il est fait allusion, mais je n'ai pu m'empêcher d'entendre résonner bizarrement certains mots. Suis-je parano? Peut-être. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé une fois de plus que juger autrui montrait clairement une incapacité à appréhender le monde et la diversité des comportements de chacun. Que sait-on de ce qu'on se permet de juger sur des critères moraux ("scandaleux", "obscène", "malsain") alors que bien souvent on se satisfait d'un regard très lointain, et à travers un filtre subjectif constitué par une vision personnelle qui n'a rien d'universel.

Bon... à chaque fois que je lis ce genre de choses, et encore plus si je me sens -à tort ou à raison- concerné, ça me fait un effet de miroir salutaire. Car je sais que je me permets parfois de juger, moi aussi. Et en toute méconnaissance, simplement parce que je considère que ma grille de lecture a quelque chose de légitime, de juste, d'incontestable... Beark...

Si au moins je pouvais apprendre l'humilité et la modestie en lisant ce genre de choses au sujet du comportement un peu "hors norme" que j'ai, alors cela aura été utile.


J'ai quand même noté les mots «sempiternelle rengaine» et je dois dire qu'ils m'ont instantanément fait réaliser que sur ce point j'étais tout a fait critiquable: mes écrits sont actuellement centrés sur un seul sujet qui absorbe une part énorme de mes réflexions. C'est incontestable.
Bon... mais j'ai toujours revendiqué le coté thérapique de mon journal et il n'est pas surprenant de voir qu'un sujet de préoccupation majeure envahisse l'espace. Car ce que je vis avec nathalie va évidemment bien au delà d'une "simple" (!) histoire d'attirance réciproque. C'est toute ma conception de la vie qui est en jeu. C'est l'apprentissage de l'écoute intime. Oser être moi. Apprendre à m'aimer et à choisir de façon autonome, sans me laisser mener par des influences extérieures, le chemin qui sera le mien. Cet "élan vital" que chacun devrait être capable de prendre. C'est apprendre à affirmer mes choix, à m'affirmer tout court en temps qu'être.

Certes tout cela se fait au sein d'une relation amoureuse, mais si elle est bien l'élément moteur, il faut aussi comprendre que c'est un vaste mouvement intérieur qui s'est enclenché à cette occasion. Il aura fallu que je sente cette force intérieure se manifester avec une telle puissance pour qu'opère un processus qui n'attendait que ça. Tout était en préparation depuis des années, et il ne manquait qu'un élément déclencheur.
Ne voir que l'élément déclencheur serait une interprétation erronnée.

Quand un doigt montre la lune, certains regardent le doigt...





Éléments importants



Jeudi 30 octobre


Psy 3.13

Ouaaaiiis, bonne séance! J'ai pas arrêté de parler, c'est à peine si la psy à pu placer quelques mots.

J'ai commencé avec un constat: je crois être un passionné raisonnable. Autrement dit, deux tendance contradictoires. Passionné avec le désir se vivre et celui de vivre mes désirs, jouir de tout ce qui peut m'être offert dans la vie (qui est courte, rappellons-le...). Mais contrebalancé par un coté réfléchi [nooon, sans blague?] qui fait que je ne me lance jamais dans la passion sans raisonner. Pour être passionné, je dois d'abord me l'être autorisé en ayant bien réfléchi aux conséquences éventuelles. Ce qui fait que je cogite longuement avant de me lancer [ ah ouais?], mais qu'une fois ce "feu vert" donné, je peux vivre à fond et avec passion. Bon.

Ce qui n'allait pas auparavant, c'est que ma raison était très liée à une idée de morale (bien/mal) selon des critères absurdes. Et que pour me garder captif de ce système, on m'avait enseigné ce joyeux précepte qu'est la culpabilité. J'étais enchaîné là dedans puisque chacun de mes actes était passé au scanner de la morale, et tout ce qui y était présenté comme "mal" était indeffectiblement lié à une culpabilité attenante. Faire en dehors de ce qui est "bien" et "raisonnable" engendrait une telle culpabilité que je ne faisais rien dans ce sens.

Depuis que je suis parvenu à me libérer de ça (du moins à entamer le processus de sortie...) je parviens peu à peu à entendre ma voix intérieure, et à lui laisser le droit de s'exprimer. Ma vie s'en trouve radicalement changée quant à la façon que j'ai de la vivre. Je suis enfin heureux, et non pas seulement parce que je reste sagement dans le cadre du "bien" autorisé par la morale dont j'ai hérité [supeeer comme cadeau!]

Et c'est donc dans ce cadre passionné-raisonné que je vis ma relation d'amour double. C'est cette lutte permanente entre raison et passion qui génère des réflexions infinies. Il s'agit d'un travail d'épuration de tout ce qui peut parasiter la réflexion, afin que j'entende vraiment ma voix intérieure, puis l'expression de celles de nathalie et Charlotte.

J'entends donc mon désir: partager avec nathalie cette très rare similarité du mode de pensée, sous toutes les formes qui me font envie. Dialogue, séduction, tendresse, sensualité, sexualité. Parce que j'aime partager cela avec elle, et qu'elle aime le partager avec moi.
Ma psy m'a demandé ce que j'aimais chez nathalie. Je lui ai répondu que c'est avant tout sa façon de concevoir la vie qui me plaît. Une volonté de vivre et de s'approcher du bonheur. Se donner les moyens d'y parvenir. Un coté résolument optimiste, gai, rieur. Une curiosité sur elle-même, une volonté de surpasser ce qui la dérange. Oui, il y a quelque chose de très volontaire chez elle. Quelque chose d'éminemment vivant. Et puis bien sûr, ajouté à cela, une attirance physique, une part un peu "mystérieuse" et inconnue, un désir partagé de séduction. Bref, la totale quoi... Elle m'allume cette fille!

Face à cela, il y a Charlotte qui m'apporte tout un coté rassurant, confortable, calme, apaisé. Il y a toute la complicité qui existe depuis vingt-trois ans, toute cette connaissance de l'autre.
Mais il y a aussi l'aspect "sans surprise", trop calme, dépassionné. Et aussi un coté éternellement culpabilisé (de sa part), tout le poids étouffant d'un passé familial dans lequel elle est engluée (et je la plains sincèrement, mais n'ai que peu de poids face à cela). C'est lourd, à force...
Il y a aussi cette tendance "autruche" qui lui fait éviter les sujets problématiques qui nous relient. Faisant comme si tout allait bien... jusqu'à ce qu'elle éclate en reproches, avec des effets assez désastreux sur notre lien. Ce qui sauve les choses, c'est quand même sa volonté d'en sortir.

Bon, mais on a toujours fonctionné comme ça et au fil des ans, avec la volonté que ça dure et quand même nourri par un amour initial et une vraie tendresse, nous avons soudé fortement notre attachement. Nous sommes solidaires dans nos difficultés respectives, et nous entraidons... mais parfois nous nuisons aussi lorsque la culpabilité/culpabilisation fait irruption.


Ce sont donc ces deux femme que j'aime et dont j'ai "besoin" (envie). L'amie intime avec laquelle je vis et l'amour attirant avec laquelle je ne vis pas [mouais, c'est bizarre hein?]. C'est là, dans cette différence de ce que chacune m'apporte que se trouve la complémentarité. Bon, il y a quand même une incertitude si je me projette dans l'avenir lointain: et si nathalie, au fil du temps, parvenait à combler mes besoins, que se passerait-il? Ou à l'inverse, Charlotte pourrait-elle parvenir à évoluer suffisamment pour redevenir attirante? Spéculations hasardeuses sur lesquelles je ne peux avoir aucune certitude... donc je laisse tomber. Ce n'est pas d'actualité.

Maintenant... comment vivre matériellement la situation? Entre nathalie qui exprime ses désirs, Charlotte qui craint que je lui échappe, et moi qui raisonne en tentant de concilier mes attentes avec les leurs... c'est pas simple. On s'y arrache les cheveux, avec nathalie. Charlotte quand a elle, préfère faire l'autruche... semblant espérer que tout cela me sorte de la tête au plus vite. Et moi... je reviens régulièrement à la charge, tout en douceur, de la façon la plus détendue possible... espérant peu à peu la persuader. Elle ne refuse pas le dialogue (et participe assez volontiers), mais disons qu'elle ne cherche pas à l'établir...

Je ne vois pas bien d'autre solution que cette tentative patiente de persuation, en sachant que c'est elle et elle seule qui peut s'auto-convaincre... sous ma bienveillante attention [oui, la stratégie n'est pas simple]. Qu'elle comprenne qu'il n'y a pas vraiment d'alternative si elle tient à garder l'homme que je me révèle être. Je n'impose rien... mais je dois bien montrer que je ne suis plus le même et que ma perception des rapports de couple à changé... A elle de voir si c'est une évolution qui lui semble acceptable, en son âme et conscience. Et surtout pas "pour me faire plaisir" si ça devait lui côuter trop cher. C'est le principal problème parce que Charlotte à toujours eu tendance à se faire passer après les autres et est précisément en ce moment en train de chercher à s'écouter elle-même (un des effets directs de ma rencontre avec nathalie).

Ceci dit, même si elle acceptait, il n'est pas certain que des voyages transatlantiques plus ou moins fréquents soient une solution à long terme. Mais au moins pourrions-nous tenter l'expérience. Ce n'est quand même pas un sacrifice énorme que de me laisser passer de temps en temps quelques jours avec une femme que j'aime et qui compte autant dans ma vie... Toutes considérations morales mises à part, évidemment.

Ce qui est marrant [ouais, moi je trouve ça marrant] c'est qu'hier, alors que je demandais à Charlotte de quelle façon elle m'aimait, si elle se sentait amoureuse de moi, si elle ressentait des émotions et des "papillons dans le ventre" à mon contact, elle a répondu: «non, pas au quotidien, mais lorsque tu t'absentes tu me manques et à ton retour je ressens ce genre de choses». Je me suis gardé de tout commentaire, mais bon... je trouvais que c'était assez juste... et que... ben justement je ne demandais pas mieux que de m'absenter de temps en temps... [hé hé]


Je crois que cette fameuse "routine" dont on parle pour les couples à longue durée pourrait avoir une solution dans le maintien d'un «je ne t'appartiens pas». Un coté un peu mystérieux, avec une présence non-assurée, une légère incertitude, une once de mise en danger. Sentir que l'autre reste libre et pourrait s'échapper, ce qui stimule le coté séduction renouvellée. Car ce qui me séduit chez nathalie c'est ce coté d'elle que je ne connais pas, que je désire connaître. C'est cette crainte de lui déplaire qui fait que je donne le meilleur de moi-même (enfin, j'essaie...). Alors qu'avec Charlotte qui m'est "acquise", que je "connais" dans le personnage qu'elle est face à moi, il n'y a plus de surprise. Il y en a eu récemment, parce que justement nous sommes dans une situation nouvelle, avec une incertitude qui stimule à nouveau un comportement "meilleur de soi". C'est même vachement agréable. Je suis certain qu'on retrouve un peu un coté amoureux parce que nous sommes attentif à l'autre. Parce que nous ne voulons pas perdre l'autre.

La psy m'a demandé si c'était la mère ou la femme que je voulais redécouvrir en Charlotte. J'ai pas hésité une seconde: c'est la mère!... [ha ha, je vous ai bien eus, c'était pour voir si vous suiviez] Meeeuh non, bien sûr! J'en veux plus de la mère. J'en ai déjà eu une, ça suffit. Puis une mère c'est pas vraiment bandant, hein? Ou alors ça devient incestueux. Non, c'est la femme que je veux retrouver. Toute la féminité qui émane de Charlotte, un coté désirant, désirable, attirant. Réinvestir le champ de la séduction, en plus du coté amitié. Même si... je crois que pour le coté vraiment amoureux... hmmm, je me demande à quoi on peut arriver. Puisque j'écrivais hier que si je rencontrais Charlotte actuellement il ne se passerait sans doute rien entre nous, c'est quand même significatif. A moins qu'elle évolue suffisamment pour que sa tournure d'esprit me séduise? Ben faudrait qu'elle commence par me laisser libre...

Dans le même ordre d'idée, nathalie me demandait récemment si je pensais qu'on pouvait être amoureux de deux personnes à la fois. Je n'ai jamais expérimenté ça, mais je ne pense pas que ce soit possible Aimer en double, oui, avec le coté dépassionné de ce sentiment. Mais "être amoureux", non, je ne crois pas que ce soit possible. L'investissement affectif est trop fort pour être partagé, il me semble. Ou alors être amoureux dans deux registres différents, peut-être?

L'état amoureux demande quand même d'être nourri. Je pense que sinon il s'étiole, s'affadit, s'estompe. Il y a nécessité d'une stimulation. Je ne pense pas qu'on puisse être durablement amoureux dans l'absence (sauf si elle est imposée, décuplant alors le désir). C'est une des raisons qui me pousse à envisager dans un délai assez court de revoir nathalie. La situation risquerait trop de devenir intenable dans la douleur d'un manque trop durable. Car l'absence ne nous est pas imposée... c'est, d'une certaine façon, moi qui la choisis [oh la la, c'en est même écrasant]. Rien n'est impossible, et c'est moi qui suis dans le rôle de l'arbitre de la présence consacrée à Charlotte et nathalie. Si je reportais sine die une rencontre, il est certain que la dynamique de ma relation avec nathalie en serait affectée. Je n'ai pas du tout envie de ça, et elle non plus.

Mais de l'autre coté, en l'état actuel des choses (qui sont toujours en évolution), une nouvelle rencontre pourrait aussi modifier la dynamique de ma relation avec Charlotte. Moi, j'y vois plutôt un changement favorable et prometteur. Mais elle, doutant trop d'elle même, le voit comme une menace... tellement intolérable qu'elle préfèrerait peut-être cesser (c'est une logique qui me dépasse, je dois bien l'avouer...). Tout est donc suspendu à la capacité d'acceptation de Charlotte. Du moins pendant un certain temps... car cette situation floue ne pourra durer éternellement. Il y aura des choix à faire à un moment donné. Pas entre l'une et l'autre, comme on me l'a si souvent clamé, mais entre le mouvement de la vie et le conservatisme mortifère. L'aventure ou la stagnation. J'espère vraiment que Charlotte saura évoluer dans un sens qui me plaît. Nous avons tous les deux à y gagner, j'en suis intimement persuadé, absolument convaincu, totalement certain (c'est pas une garantie de réussite pour autant, je sais...).

Resterait à trouver comment vivre les choses en pratique, avec cet océan qui me sépare de nathalie, et le fait qu'aucun de nous trois (j'espère!) n'a envie de me couper en deux en me passant une scie en travers du corps...




Je me disais aussi que c'est probablement dans l'absence que je pourrais ressentir ce qui me plaît chez Charlotte. Nous partageons notre quotidien pratiquement sans interruption, et puisque je travaille à domicile, nous nous voyons beaucoup dans la journée. C'est probablement ce qui fait que je ne perçois pas ce qui me plaît chez elle. Il faut vivre un peu de manque, c'est nécessaire. Raison de plus pour que je m'absente de temps à autres, hé hé.

Charlotte parlait de ses parents hier, prenant conscience de leur vie calibrée, sans jamais sortir des sentiers battus et des autoroutes de la normalité la plus conservatrice. Elle s'enthousiasmait sur le coté "essayer de s'écouter, ne pas suivre bêtement des règles qui interdisent la prise d'autonomie", bref... un peu tout ce dont je parle depuis des mois. Je n'ai rien dit mais en croisant le regard de mon fils, qui voyait un léger sourire sur mon visage, nous avons ri. Elle s'est demandé pourquoi, et je ne sais pas si elle à compris qu'elle était en train de décrire ce que j'ai envie de vivre...





Mois de novembre 2003