Avril 2003 (2eme quinzaine)
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Un petit paquet gris



Mardi 15 avril


Un petit paquet gris que m'a apporté le facteur, dans sa petite voirure jaune...

De très loin, il devait arriver. Je le savais. Je l'attendais.

Je l'ai ouvert sereinement, il portait en lui certainement de quoi me faire plaisir.
J'ai extrait son contenu, préparé avec soin jusque dans les moindres détails. Chaque geste qui l'avait confectionné avait été empreint de ce sentiment qu'elle me porte, je le percevais jusque dans le détail de ce bout de nature qui parachevait l'ensemble.

Alors j'ai touché de tous mes sens muets ce qu'elle avait réalisé pour moi. Et c'est un déferlement de sensorialité qui m'a envahi. Le papier sur lequel, de son écriture souple et décidée, elle a tracé les mots qu'elle me donne. Ce papier nuancé qu'elle a touché, parcouru de sa main, plié. Avant même de le lire je me suis enivré de ces sens mis en éveil. L'odeur qui avait voyagé aussi loin de chez elle, intacte. La caresse prolongée du papier sur la peau de ma joue, comme pour la toucher au plus près de ce qui m'était possible. Mes lèvres sur ce papier, imaginant qu'elle y avait posé les siennes...

Longtemps je reste comme ça. Et des larmes m'embuent les yeux...

Elle me semble si proche, mais je la sais si loin...

Alors je commence à lire. Doucement, mot à mot. Je lis dans les mots le sens qui leur échappe, celui qu'elle leur à donné. Ces mots qu'elle à choisis pour moi... Je devine son état émotionnel; il me touche.

Introduit dans son monde des sens, celui dont je suis privé, elle m'offre les sons qu'elle aime. Et elle me les explique. J'écoute. Fasciné, troublé, envoûté... Des sonorités que je ne connais pas, un style à la fois chaleureux, universel et inattendu. Un style bien à elle. Quelque chose de particulier qui me fait entrer dans sa personnalité hors du commun. Et ça me plaît.

Son papier est essaimé d'un symbole qui nous relie. D'une signification forte pour elle, je l'ai, de façon fort étonnante et sans le savoir, adopté en pensant à elle. Signe un peu mystique de ce qui nous rapprochait par delà un hasard qui nous dépasse..

Et puis... une trace, qui me permet un contact au plus près du tangible. D'où lui est venue cette idée géniale? Je pose ma main contre la sienne. Elle se touchent et s'assemblent parfaitement. Ses doigts effleurent les miens. Tout a une signification, jusque dans la teinte choisie. Et autour de sa main, c'est un peu de la mienne qu'elle a choisie pour l'accompagner... Une façon de nous unir.

Alors, inspirant cette fragrance qui lui appartient, écoutant le son des esprits, j'ai envie de la voir danser pour moi. Je l'imagine. Tous mes sens aveugles sont sollicités.

Je ne me souviens pas avoir reçu autant de signes empreints de l'attachement que l'on me porte, aussi divers, aussi personnels, aussi complètement exprimés que ceux que j'ai trouvé dans ce petit paquet gris. J'en suis infiniment touché.





Doux-amer



Jeudi 17 avril


Parfois, la tentation est grande de me laisser aller à imaginer la proximité, le contact tactile. Le désir d'être au plus près d'elle.
Toucher, sentir au bout des doigts, percevoir de tout mon corps les ondes invisibles qui rayonnent du sien. Cette impalpable état de présence.

Mais, en son absence, le contact ne peut se faire qu'en différé. Toucher ce quelle a touché...

Échanges de regards, transparents aux pensées, mais qui jamais ne peuvent se croiser simultanément. Ce regard pénétrant n'est que celui que son abstraction projette sur ce petit objectif noir en sachant que, très loin, c'est par lui que je plongerai en elle. Et ce ne sera que du verre lumineux et froid que je pourrais caresser de la main.

Si près du regard, si loin des yeux. Et jamais en même temps. Jamais. La frustration accompagne le plaisir.

Échanges de mots et de silences, de soupirs et de rires... qui la rendent si présente, comme si nous étions en face à face. Elle n'est pas là, intouchable, impalpable, tour à tour invisible ou muette. Son esprit est là, si fort qu'il compense cette absence. Envie de sa présence, d'être au plus près, de sentir tout ce dont nous sommes privés.
Tous ces moments doux, ces instants d'émotion, ce bonheur à se sentir ensemble sont souvent teintés de tristesse. La joie se mêlant à la frustration. L'envie ne pouvant céder la place au possible.

Par les mots nous pouvons nous rapprocher, imaginer le contact, presque le sentir les yeux fermés... mais le réel nous manque. Alors parfois les émotions se mélangent. Bonheur et douleur confondus. Mélange doux-amer.




Et si...

Vendredi 18 avril


Et si... l'absence de sens était un avantage?

On sait combien les rapports qui s'établissent via internet diffèrent de ceux du monde sensoriel. Cette communication directe, d'être à être, permet d'entrer dans l'intimité des gens. Pour le meilleur... ou pour des cotés moins reluisants (je pense en particulier au forums, considérés comme des défouloirs par quelques individus vociférants...).

On sait aussi que, a partir d'un certain seuil de sympathie, souvent, le besoin de rencontrer physiquement les gens qui nous plaisent se fait sentir. Pour trouver un mode de communication différent, plus conforme à nos habitudes sociales. Matérialiser les esprits, ou plus simplement, mettre un visage sur un pseudonyme ou un prénom.

Les relations plus intimes qui peuvent se développer dans ce monde dit "virtuel" n'échappent pas à cette envie, bien légitime. Et s'il existe quelques palliatifs fort intéressants, à mi-chemin entre le monde virtuel et celui des sens (téléphone, photos, webcam...) ils ne font que repousser et préciser les limites de la présence physique. En donnant accès à nos sens du lointain (vue et ouïe) on n'en perçoit que plus cruellement le manque des sens du contact.

On peut aussi voir l'avantage de cette particulatité d'internet: permettre d'adapter l'usage des sens à l'état émotionnel dans lequel on désire se trouver. Par exemple, tant qu'on reste dans l'échange de mots, aussi intenses soient-ils, je crois qu'un certaine distance irréductible demeure. Même si on se sent très très proche, attiré par une personne dont le mode de pensée nous séduit, il me semble difficile d'aller au delà, sans avoir accès aux sens manquants. Ce que j'ai vécu avec ma complice se situe exactement dans cette logique (sans en faire une règle universelle, ça me semble quand même représentatif). Après des années de correspondance épisodique, puis un an d'échanges plus soutenus, je sais que le déclic fatal (hé hé) s'est produit le jour ou nous nous sommes téléphoné. Je savais d'ailleurs très bien ce pouvoir du son et depuis plus d'un an j'avais plusieurs fois différé, malgré ses propositions.

Je l'ai dit, c'est moins la voix qui m'a troublé que les silences. Je sais qu'à un instant précis j'entendais son souffle silencieux. Durablement silencieux. A ce moment là, j'ai très bien senti le sens de ce silence. Et je sais très bien ce que ça a déclenché en moi. Sur le moment, je me suis même dit "non... pas ça!". Pas parce je ne voulais pas que ça se produise, mais parce que je ne voulais pas y croire. Je refusais d'entrer à nouveau dans ce mécanisme trop bien connu...

Dans ce cas précis c'est le son qui a oeuvré.

Plus tard, elle m'a envoyé quelques photos, plus précises que celles que je connaissais déjà d'elle. Des photos prises pour moi, sur le vif, montrant ses réactions à ce que je lui écrivais. Passage au visuel, à une certaine intimité (bien que les photos soient tout ce qu'il y a de plus correct, hé ho!). Mais la plus grande surprise, ce qui a donné une vraie présence à ma complice et a interagi avec le lien déjà existant, c'est lorsqu'elle m'a fait la surprise de l'image en direct. La voir rire, me regarder (enfin... c'est l'impression que ça donne quand elle regarde l'oeil de la caméra), réagir à mes propos... Tout cela était tout à fait orienté pour notre sens le plus utilisé pour la séduction: la vision.

Depuis, je me suis aussi placé sous son regard à distance. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il semble bien que pour elle aussi l'effet de choc a agi. D'ailleurs, il nous est souvent difficile de nous extraire de ce sens prédominant. C'est lui qui prend toute la place lorsque nous mettons en marche ces engins.

Et c'est lui qui nous fait ressentir la morsure du manque de contact.

Téléphone ou "webcam", le résultat est le même: une impression de manque. Une frustration à se sentir si proche mais intouchables.

Là où je voulais en venir, c'est que c'est peut-être un atout pour le genre de relation que construisons. Lorsque la tension devient un peu forte, lorsque le manque devient cruel, il suffit de ne plus utiliser ces palliatifs. Rester simplement dans la communication d'être à être, de pensée à pensée, sans venir y mêler ces puissants sens de la séduction.

Ce maintien à distance volontaire pourrait paraître un peu masochiste. Mais il permet sans doute aussi d'établir des liens d'une façon bien différente de ce qui se passe habituellement. La relation que nous vivons, placée sous le double signe de la liberté et de celui de l'impalpabilité (bref, pour parler simplement: impossible de laisser libre cours à nos désirs) ne peut durer que si elle est maintenue dans cet état de douceur modérée. Si nous nous laissions aller à quelque chose de plus passionné, ce serait à coup sûr générer une souffrance proportionnelle, due à l'absence. Au contraire, tenter de garder intact l'état émotionnel, sans se laisser dominer par lui, me semble être une voie difficilement réalisable dans le monde réel. Parce qu'il est trop difficile de résister à ses tentations. Si ma complice habitait à quelques heures de trajet, je sais que nous nous serions rencontrés depuis un certain temps. Et toute notre relation en aurait été modifiée. Avant même de nous rencontrer, nous aurions déjà anticipé cette rencontre, la désirant, la préparant, l'ayant même comme but à court terme. Alors que dans notre cas une rencontre n'est que quelque chose de lointain, quoique pour moi indispensable et élément primordial de cette relation.






Spirale sans issue



Lundi 21 avril


Le bonheur n'est pas un état stable. Ce que je vivais dernièrement ne pouvait pas durer, c'était évident. Forcément, la réalité viendrait ternir cet ilôt d'irréalisme. Personne n'y peut rien.

Un détail, une broutille, un rien vient gripper ce qui semblait fonctionner si bien. Hier, alors que Charlotte m'accompagnait dans une des expositions qui me permet de faire connaître ce que je fais, ce fût un constat un peu déçu de ma part qui a mis le feu aux poudres. Je regrettais le succès très mitigé de ma prestation, en cherchant les raisons. Et j'en trouvais une part qui venait sans doute de ma responsabilité, parce qu'il est toujours possible de faire mieux. C'était une réflexion à voix haute, en sa compagnie.

Elle n'a pas supporté. Sont ressortis alors une série de reproches, de jugements sur ma façon de travailler. Je sais bien que je ne suis pas irréprochable, mais ce n'est pas vraiment ce que j'attendais de sa part. Et de son coté, elle en a eu marre d'un certain immobilisme de ma part. Elle même, assez impulsive, ne comprend pas le temps que je met avant de me décider. Or moi, j'ai besoin de ce temps. Réfléchir, soupeser, hésiter, différer. Mais lorsque je me décide, c'est sans hésitation. Et je n'ai jamais regretté mes choix. Nous ne fonctionnons pas de la même façon, et cela peut créer des tensions... lorsque l'autre n'accepte pas cette différence.

J'ai senti un jugement de sa part... et je ne supporte pas bien ça. J'ai senti une pression, et je ne supporte pas davantage. On en est resté à ce froid, apparemment sans gravité. Ce n'est pas la première fois que ça se produit.

Ce matin, après une nuit qui semblait avoir apaisé la distance qui découlait de cette incompréhension, j'ai tenté une approche par le dialogue. Elle a rapidement dégénéré. Charlotte m'a reproché clairement mon indécision, mon manque de dynamisme et d'esprit entreprenant. Elle aimerait que je décide rapidement, de façon sûre, efficace. Elle me verrait bien comme un vrai chef d'entreprise responsable, et non pas comme ce type pour qui la réalisation professionnelle est devenue très secondaire.

Elle aimerait que je gagne plus d'argent afin de se sentir plus libre, ne pas être angoissée par une situation qui ne nous donne pas l'aisance à laquelle elle aspire.

Là, j'ai senti une vraie scission. Parce que l'argent, je n'en ai rien à foutre. Je me fous qu'on doive diminuer notre train de vie (pourtant bien modeste) au détriment de quelques apparences. Charlotte a besoin de se faire plaisir en dépensant dans des vétements, du mobilier, des babioles. Je n'ai rien contre, et je conçois même que ça puisse être agréable. Mais c'est pas mon truc.

Le problème, c'est que ce qui l'angoisse ne m'angoisse pas du tout. Et qu'elle fait peser sur moi une certaine pression afin que son angoisse diminue (normal, je la comprend)... sauf que pour diminuer son angoisse il faudrait que je devienne à mon tour plus stressé. Ce que je ne veux pas. J'ai choisi de vivre dans une certaine sérénité intérieure, fuyant autant que possible les contraintes, le modèle dominant, les apparences. J'ai choisi de vivre bien, détendu, privilégiant mon bien-être afin qu'il rejaillisse sur nos enfants, sur elle, plutôt que de suivre nombre de mes collègues dans le stress d'un travail très prenant.

Mais ce choix n'est pas toujours facile à assumer, d'où des épisodes de questionnement. Parce que, forcément, en travaillant moins... je gagne probablement moins. Je suis moins performant, moins "au top". Mais il faut savoir ce que l'on privilégie. Pour le moment, j'ai choisi l'épanouissement personnel et familial.

Ça ne convient pas toujours à Charlotte. Que faire? Je sais que je suis une voie qui est mienne, que je découvre peu à peu. Je me révèle à moi-même et je crois que rien ne m'en empêchera. Rien. Alors parfois je prends conscience de la fragilité de ce qui nous lie. Seulement une façon de voir la vie qui nous est similaire. Si les différences venaient à s'accroître, ce lien ténu pourrait bien s'effilocher. Je sais que je ne reviendrai pas en arrière, je sais que Charlotte doit aussi suivre son propre chemin d'épanouissement. Je le souhaite très sincèrement pour elle.

Mais peut-être qu'un jour nous allons nous rendre compte que nos chemins, initialement parallèles, nous attirent vers des directions incompatibles? Ni l'un, ni l'autre, ne peut renoncer à ses aspirations profondes pour plaire à l'autre. Ce serait une relation faussée. On peut faire des concessions dans une certaine mesure, renoncer à une part de soi, se plier aux désirs de l'autre... mais pas si cela crée des tensions internes trop difficiles à supporter.

Charlotte attend de moi autre chose que ce que je lui donne. Autre chose que ce que je suis. Que puis-je faire? Je souhaite son bonheur, et me rendre compte que je ne lui donne pas assez crée entre nous une crevasse dans laquelle je tombe. Si je ne lui apporte pas ce qu'elle attend, je ne peux qu'envisager qu'un jour elle s'en aille. Je ne peux pas lui en vouloir. Elle aura raison de le faire.

De mon coté je suis bien avec elle... si je sais qu'elle est bien avec moi. Sentir que je peux être la cause d'une souffrance m'est insupportable. Il n'y a pas d'alternative: soit je change (mais comment?) soit nous nous séparons. Je crois que c'est la première fois que je l'envisage aussi sérieusement.

C'est aussi la première fois que je me suis demandé si je pouvais l'aimer encore. Parce que ses attentes sont tellement différentes des miennes. Oh, minimes d'une certaine façon, mais néanmoins fondamentales.

Il y a au fond de chaque être une part sur laquelle il n'a pas prise. Des traces de son histoire personnelle qui l'auront forgé, marqué de manière indélébile. Charlotte fonctionne de cette façon, et moi aussi. La semaine dernière, alors que je lui disais combien je l'aimais... c'est comme si elle fuyait cet amour. Comme si elle n'aimait pas qu'on l'aime. Si je suis trop tendre, trop amoureux, elle se débrouille pour casser ça. J'en ai terriblement souffert à nos tout débuts, alors que je n'avais que 19 ans. Elle pouvait être froide et cassante alors que je lui disais à quel point elle comptait pour moi. Alors j'ai appris à l'aimer de façon moins absolue, à garder pour moi une part de réserve. Nous ne pourrions jamais avoir ce don de l'un à l'autre, cette confiance à laquelle j'aspirais. Je pense que j'en avais fait mon deuil... ou croyais l'avoir fait. Mais à travers ces rencontres féminines parallèles que j'ai faite, c'était cette part que je recherchais. Je l'ai trouvée très récemment, ce qui m'a placé dans cet état de félicité dont je parle depuis quelques semaines. J'ai cru que cela me comblait, et je n'en ai été que plus aimant de Charlotte. Je crois que je ne l'ai jamais aussi entièrement aimée que depuis ces derniers temps.

Peut-être ai-je cru trop vite être parvenu à un état de plénitude...

Tout ce temps que je passe, au détriment de mon travail, à devenir moi-même, heureux et serein... devient source d'angoisse pour elle. Ce que je gagne d'un coté, je le perds de l'autre. Être détendu et bien dans ma peau, afin d'être plus entièrement avec elle, pour notre bien-être commun... lui coûte trop cher.

Alors, où est la solution?

Je ne pouvais pas rester ce personnage timide et renfermé, attitude dont elle souffrait aussi. Je ne pouvais pas rester ce passionné qui dépensait toute son énergie dans la création d'un projet un peu fou et mobilisant beaucoup trop de temps, ce qu'elle me reprochait. Je ne pouvais pas rester ce professionnel perfectionniste qui était stressé de ne pas atteindre cette perfection, qu'elle trouvait démesurément excessive. Alors j'ai décidé de changer, d'aller vers moi même en évitant de me projeter dans le regard supposé des autres sur moi. Je me suis libéré de cette tutelle tyrannique, et je me suis révélé à moi même. Mais pas sans efforts. Des années pour parvenir à briser mes chaînes une à une. Un "travail" de fou qui, normalement, m'amène à un état de sérénité... sauf si cet état me rend différent de ce que Charlotte espérait.

Il y a quelque chose de fou dans tout ça. Tant d'efforts pour me retrouver dans une impasse...

Tout à l'heure, quand je sentais tout cela se préciser, je savais très bien toutes les conséquences que ça pourrait avoir. Nos enfants sont grands, et nous ne sommes plus tenus par eux par l'obligation d'un lien. Nous pouvons nous séparer. Tout cela ne dépend que de notre propre volonté (et possibilité) de continuer notre chemin ensemble.

Je suis effaré d'en arriver à écrire des choses pareilles!!!

Peut-être que ces mots sont représentatifs des pensées très déprimées qui m'animent en ce moment même...

Le plus inquiétant... c'est que si nous devions nous séparer, et bien que je sache maintenant que je peux vivre sans Charlotte, je ne suis pas sûr que j'aurais encore envie de vivre. Cette idée m'est venue très clairement en tête. En ce moment même un désir de fuite est là, bien présent (pourtant j'écris, donc j'existe...). J'écris mais je m'évade dans cette écriture. Si je pouvais ne plus exister, là, maintenant, je serais soulagé. Plus rien ne m'importe. Pas même les forêts et la nature qui me sont si chers, alors que je les vois de ma fenêtre.

J'aime pas bien ces pensées, je sais qu'elles sont excessives. J'en oublie l'existence de mes proches. Mon propre vide intérieur envahit tout mon espace.

Je sais que je ne devrais pas penser ça.

Je ne veux faire souffrir personne et je sais très bien que, si je n'existais plus, ce serait le cas pour trop de gens que j'aime. Je pense à mes enfants, à Charlotte... à ma complice...

[mettrai-je ce texte en ligne???]

Ma complice... bien sûr qu'il en a été question à un moment donné. Charlotte m'a dit qu'avec ma complice je n'avais que les bons cotés, alors qu'elle même devait aussi supporter le quotidien. Je savais très bien que son ras-le-bol avait aussi un ancrage de ce coté là...

Sauf que justement... je ne partage pas que de bons cotés avec ma complice en ce moment. Parce que, comme dans toute relation, il y a aussi des histoires personnelles qui viennent prendre de la place dans l'histoire commune. Une part d'elle m'échappe, une part de moi lui échappe.

Et en ce moment, autant avec ma femme qu'avec ma complice, nos histoires personnelles prennent de la place sans que personne n'y puisse rien.

Et puis j'ai un travail en retard monumental et j'écris encore...

Charlotte est partie travailler alors que nous sommes restés sur un silence. Elle m'a dit que je tirais trop sur l'élastique...

Impression d'être pris dans une spirale démente. Je n'en vois pas l'issue. Comment tout cela finira t-il?

Il m'arrive de penser à laisser la vie s'éteindre en moi, la laisser partir par mes veines ouvertes. Je ne le ferai pas. Je ne crois pas. Trop raisonnable, trop sensé, trop réfléchi. Et ô, ironie du sort: trop lent à me décider, a soupeser, hésiter... je ne suis pas un impulsif. C'est sans doute une chance? Une protection?

Allez va, vous inquiétez pas, ne craignez pas la non-assistance à personne en danger. Je reviendrai.


PS: S'il vous plaît... je n'attends pas qu'on tente de me remonter le moral.

[Je mets ce texte pas drôle en ligne immédiatement, parce que sinon je sais que je le censurerai. Et puis c'est pas plus mal que je garde trace de ce genre de passages.
Vous voyez bien que je pense encore à l'avenir...
]




Changeons de sujet



Mardi 22 avril


Bon... ma petite crise est passée. Non sans mal, mais elle est passée. Je ne sais pas bien pourquoi il m'arrive de "pêter les plombs" de cette façon, et en aussi peu de temps. Je n'ai rien vu venir.

Quoique... c'était un peu prévisible, au vu de mon activité ces derniers mois. 

Au lieu de rester isolé dans mon coin, comme je m'apprêtais à le faire, j'ai répondu à l'invitation matinale de celle qui me proposait son écoute. Et j'ai bien fait puisqu'en démarrant morose au petit matin j'ai terminé notre échange tout à fait de bonne humeur. Ce qui m'a permis d'aller vers Charlotte dès son réveil et d'entamer une discussion bien nécessaire. Ecoute des doléances de chacun, des attentes et manques... et meilleure compréhension au final.

Je sais que je suis assez dépendant de l'état de mal-être de Charlotte, lorsque ça survient, et je vis très mal le fait d'en être parfois à l'origine. C'est un des inconvénients des relations de grande proximité: on ne vit pas vraiment seul, mais aussi en partie à travers l'autre. C'est un avantage en d'autres circonstances, je crois. Cette dépendance affective et émotionnelle, je pense que je ne saurai m'en défaire. Elle m'accompagnera tant que j'aimerai Charlotte. Et tant que ce sera le cas, je sombrerai dans des crises de déprime, aussi soudaines que profondes, lorsque le dialogue est rompu et l'incompréhension manifeste. C'est comme si je perdais tout à coup le sens même de ma vie.

J'ai beau vouloir exister par moi-même, je me rends compte que ça ne se ferait pas facilement si ça devenait nécessaire.

Bon, je ne vais pas raconter ma vie...


Tiens oui... pourquoi est-ce que je suis tellement descriptif? Cette impudeur me dérange souvent, peu de temps après avoir mis en ligne. A la relecture, finalement, ça passe à peu près.

Changeons de sujet. Mes histoire de coeur ne sont pas palpitantes...

[Ouais, je sais, c'est une facilité. Je pourrais chercher à approfondir et développer ce qui fait que je m'enfonce aussi vite. Je pourrais aussi élargir mon propos à la présence dans ma vie d'une autre personne qui compte beaucoup... je pourrais dire ce qui s'est passé dans ma tête à ce sujet lorsque ça n'allait pas avec Charlotte... Mais j'ai pas envie. Trop long. J'ai besoin de laisser ma pensée se reposer un peu. Ces réflexions profondes et en continu, depuis quelques semaines, m'ont un peu épuisé]


Je me soustrais de plus en plus de l'univers de l'écriture en ligne (ce sera effectif lorsque je n'en parlerai plus...). Je suis allé faire un tour sur Annublog qui regroupe près de mille blogs. Le seul et géographiquement restreint Paris-blog en comprend 126. Déjà que la CEV, avec un peu moins de 200 me paraissait démesurée... Bon, on retrouve souvent les mêmes un peu partout (à croire que certains ont besoin d'un max de pub pour attirer le monde vers eux?), et je me demande dans quelle mesure on peut découvrir un blog ou journal en y allant au hasard. Pour ma part, c'est toujours via des liens de ceux que je lis que je fais mes découvertes. Ce qui, on le sait, crée des cercles d'affinités, quoique suffisamment peu définis pour qu'un apport de liens nouveaux se fasse.

Nous nous diluons jour après jour parmi un nombre croissant d'écrivants les plus divers. Du blog tendance "une seule phrase par jour" à la loghorrée dans mon genre, du look classique et sobre au designs les plus ébouriffants et hyper soignés, il y a de tout.
Pas étonnant que les grandes gueules, pour exister, aient besoin de se manifester par le moyen qui leur semble le plus adéquat: graphisme, polémiques, propos sulfureux... On est de plus en plus anonyme dans ce vaste conglomérat de l'écriture de soi.

Je reste fidèle au style qui m'a plu, autant pour mon propre site que pour celui de ceux que je lis avec plaisir. Les évolutions m'intéressent pourtant, mais à titre de curiosité. J'aime voir les déclinaisons imaginatives tellement plus riches que les premiers journaux basiques... dont elles découlent pourtant. Tout va si vite...

Parfois il m'arrive de songer à regrouper ceux qui se reconnaissent dans le même esprit que celui qui me plaît... et puis je me dis "a quoi bon?". N'est-ce pas préférable de laisser toute liberté dans les liens qui peuvent se créer? Chaque regroupement étant destiné à éclater ultérieurement, parfois après des querelles stériles, est-ce souhaitable de chercher à réunir? Hmmm, je ne sais pas.

J'échange avec quelques diaristes, j'en "connais" pas mal d'autres que je peux suivre à travers leurs commentaires sur les journaux des autres, sur les forums... mais mes affinités évoluent peu (pas du tout?). J'apprécie toujours autant certaines personnes, ressens une inimitié durable pour d'autres, et surtout suis indifférent à la majorité. Finalement, tout cela évolue très peu.

L'avantage de cette dilution, c'est qu'on risque moins d'être découvert par notre entourage.



«Bref, je n'écris plus librement. J'espère des réactions qui ne viennent pas, j'en reçois qui me dérangent et j'en crains d'autres sans réel fondement. Tout ça va à l'encontre de ma démarche première qui est d'écrire simplement ce que je vis, pense et ressens. L'aspect partage et dévoilement se fait damer le pion par l'aspect vulnérable et ne pas froisser. C'est malsain.»

Insomnies chroniques - 21/04/2003






Assumer mes convictions



Mercredi 23 avril


Si parfois je me pose des questions sur ce qui me motive pour écrire autant, il est des moments où j'ai la preuve de l'utilité de cette démarche. C'est lorsque je constate combien des idées qui n'étaient que suppositions, hésitations, tergiversations, deviennent des convictions. A force de tourner dans tous les sens un problème, de le regarder sous des angles variés, je parviens à le dégager de la guangue qui altérait son essentiel.

Tout ne se passe pas ici, sur ce journal. Chacun de mes espaces d'expression joue un rôle dans la compréhension globale. Ma complice et Charlotte tenant les places primordiales, elles sont le premières témoins (sans forcément le savoir) de mes avancées. Mais il arrive que ce soit par des moyens pourtant plus distanciés que je me rende compte de l'évolution de mes convictions. C'est ce qui s'est passé récemment sur le forum d'un site de presse, où je me suis laissé aller à exprimer ce qui me tenait à coeur. Je m'exprime peu sur les forums qui, finalement ne me conviennent pas vraiment. On y trouve toujours le même genre de grandes gueules, de gens qui savent tout, qui jugent, catégorisent, méprisent ou agressent. Celui où je m'exprime est fort heureusement modéré avant publication, ce qui écrête les excès et modère les "flame wars".

Plusieurs sujets ont abordé des thèmes tels que "amour et amitié", "amour et fidélité", donc tout à fait dans mes préoccupations actuelles, et je suis intervenu. Je m'étais toujours efforcé de rester assez général, évitant de parler de mon petit cas particulier. Non seulement parce que chacun n'est pas là pour raconter sa vie si elle n'a pas une portée élargie, mais aussi parce que je ne tenais pas à exhiber quelque chose qui ne me semblait pas suffisamment clair pour que je l'assume totalement. Il y a deux jours, je disais encore que je ne tenais pas à étaler ma vie privée, en réponse à des questions un peu précises m'interrogeant sur la réalité des idées que j'avançais. Le sujet concernait les relations d'amour duelles, ou le polyamour.

Pourtant, aujourd'hui, sur le même forum, j'ai raconté de façon assez détaillée ce que je vivais actuellement. C'est à dire un amour parallèle à un amour existant.

Que s'est-il passé pour que je change aussi vite? Peut-être que le nouvel angle sous lequel était abordée la question m'a stimulé. Le réel questionnement de celle qui abordait le sujet, de la part d'une personne qui partage une vision similaire à la mienne, à joué aussi un rôle. Mais je pense que c'est surtout le fait que je parviens maintenant à dire clairement les choses, sans culpabilité, sans pudeur excessive. Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, les choses sont claires avec ma complice, elle sait maintenant très bien la nature de la relation d'affection qui nous unit. La confiance qui nous lie nous permet toute la franchise nécessaire. Ensuite, Charlotte sait aussi, désormais, suffisamment précisément dans quel registre se situe cette amitié. Je ne pouvais lui en cacher la nature, dès lors que j'en ai été sûr, parce que je ne voulais pas que s'installe un décalage entre nous, ni vivre caché des sentiments forts. Je n'ai pas honte de ce que je ressens pour ma complice et je savais que le cacher à Charlotte serait quelque chose de néfaste. Une ombre qui aurait taché la confiance mutuelle qui nous lie.

Maintenant que les trois personnes concernées savent à quoi s'en tenir, je n'avais plus de raison de garder un inutile secret. Je sais que, à la maison, je ne cache pas des textes, tel que celui que m'a communiqué une lectrice, au titre aussi évocateur que "Peut-on aimer deux personnes à la fois". Mon fils aîné l'a vu, et s'était inquiété de nous voir en grande conversation avec Charlotte quelques jours plus tard. Il m'en a parlé et j'ai abordé sans tabou, ni complaisance, ce que je vivais actuellement. Je ne suis pas entré dans les détails, mais il doit deviner à peu près de quoi il s'agit. Lui même m'avait fait des confidences dans ce sens il y a quelques mois et ma réponse s'était voulue à la fois rassurante et l'incitant à la prudence et la réflexion.

Tous ces éléments font que "j'assume" maintenant cette relation particulière. Oui, je sais très clairement que j'aime deux personnes à la fois. De façon différente. L'une est "l'amour de ma vie", mon épouse, celle que j'ai choisie. L'autre est une amie intime avec qui je partage des affinités hors du commun. 

J'ai longemps hésité avant de clamer cette évidence, jugeant l'équilibre encore fragile. Mais jour après jour je sais que je fais des pas qui ne reviendront pas en arrière. En parler clairement, l'écrire, ne plus le cacher, c'est aussi m'engager. Pour moi, c'est une façon de prendre parti (militer?) pour des idées qui, il me semble, peuvent évoluer. Ça peut paraître bien prétentieux, et je mesure bien quelle infime part je peux avoir, mais au moins je m'inscris dans ce mouvement. Je ne peux pas faire moins. Le poids des usages et des convenances est tellement lourd sur moi que tout ce que je peux faire qui puisse aider éventuellement ceux qui se posent aussi des questions, m'incite à y apporter ma contribution.

Je me souviens très bien de cette lectrice qui m'écrivait lors d'une première intervention sur le sujet. Elle me disais «Tu es en train de tomber en amour», et je lui avais répondu qu'il ne s'agissait pas de ça. Nous avions sans doute tous les deux tort et raison. Moi parce que je n'étais pas encore ptêt à voir ce qui pouvait se passer, et elle parce qu'elle imaginait un amour classique, du genre de ceux qui balaient tout sur leur passage. Je sais que tout ce que je raconte ici je ne pourrais jamais en parler facilement. Parce que cela soulèvera des questions, demandera des explications, et que je n'aurais pas envie de convaincre ceux qui ne peuvent comprendre. Il est probable que mon entourage n'en saura rien. A moins que je rencontre parmi eux des gens qui ont une tournure d'esprit ouverte à ce genre de choses. Mais ça ne me dérange pas. Le fait que j'assume très bien ma situation fait que je ne ressens pas le besoin de me confier à la première oreille qui se présente. Il m'arrive de tâter le terrain avec quelques mots, parce que j'ai quand même besoin d'échanger à ce sujet, mais s'il n'y a pas d'écho, je n'insiste pas. A chacun ses préoccupations, et il y a souvent d'autres sujets d'affinité possibles.




Couple et liberté


Vendredi 25 avril


Jour après jour, je ne cesse d'avancer. Je suis le premier surpris des changements qui s'opèrent en moi en ce moment, concrétisant des années de questionnement restés jusque là plutôt stériles en réponses. Mes réflexions sont essentiellement tournées vers l'épanouissement personnel, mais inscrites dans le cadre de la relation de couple, telle que je la vis. Tout est lié.

J'ai l'impression, après une dizaine d'années passées à me débarasser des boulets que je traînais depuis mon enfance et à décortiquer les raisons de leur présence, d'entrer véritablement dans l'âge de ma pleine maturité. Si mon enfance s'est prolongée jusque vers l'âge de 30 ans (de par la prépondérance qu'elle tenait dans ma façon de raisonner), si depuis l'âge de 35 ans je me sens me sortir d'une adolescence prolongée, je crois que je n'avais pas encore atteint ce degré de lucidité sur moi même. Cette transparence, comme un brouillard qui se dissiperait, qui me permet de saisir ce qui me convient. Ce qui est, fondamentalement, moi.

Je sais très bien que je ne suis pas parvenu au bout de quelque chose, mais plutôt que j'entre dans un nouvel âge. Cette dizaine d'années aura été la transition nécessaire pour effectuer cette mue. Je crois que ça en vallait la peine.

Lorsque je dis que tout est lié, c'est parce que j'ai connu ma femme très jeune (19 ans), alors que je sortais à peine, et partiellement, d'une adolescence difficile. En fait... c'est avec elle que j'en suis sorti. Tout impregné que j'étais du modèle parental et de l'éducation assez classique du modèle général, même s'il commençait à sérieusement vaciller dans la société. Je veux parler de la logique conjugale, avec mariage (ou pas, ce qui ne change guère les choses) avec la personne qu'on aime, le tout sous la forme d'une relation fusionnelle. Ça tombait bien puisque ça me convenait parfaitement, selon ce que j'avais intégré. Je suis donc tombé amoureux, de façon assez passionnelle, me suis exalté, ai souffert lorsque la passion n'était plus là... puis suis entré, un peu résigné, dans une relation au long cours selon le modèle pré-établi: on partage tout. Pour le meilleur et pour le pire... Si ce n'était pas formulé ainsi, c'est quand même un peu ce qui se passait.

Charlotte a toujours fait un peu de résistance contre ça... ce qui me désolait. Je ne comprenais pas son besoin d'émancipation que je traduisais comme une marque de distance, de moindre amour (ce que j'ai pu être con...). Et puis nous avons trouvé notre modus vivendi, de concessions en renoncements (perçus comme tels) nous nous sommes redonnés de la liberté. Des activités que nous nous autorisions à ne plus faire en commun, des sorties sans l'autre mais avec d'autres... Et finalement les choses se passaient beaucoup mieux, sans frustration, sans agacement.

Du couple fusionnel nous sommes rentrés timidement dans le statut du couple fissionnel. Le terme n'est pas de moi, je l'ai trouvé dans un très intéressant ouvrage qui m'a été recommandé par Chien fou, que ces questions préoccupe. Je ne peux que le recommander chaudement, après en avoir lu seulement quelques passages puisque je ne l'ai que depuis hier. Il me semble tout à fait passionnant.
[La déliaison amoureuse - Serge Chaumier - Editions Armand Colin].

Dans ce livre il est notamment expliqué (je simplifie au max) que le couple fusionnel espère parvenir au 1+1=1. C'était mon cas, utopiste et idéaliste (??? est-ce vraiment un idéal?) que j'étais. Depuis quelques années nous nous orientions doucement vers un 1+1=2, bien que je sentais que ça n'était pas vraiment satisfaisant. Etat transitoire, à mon avis, avant le passage au 1+1=3, qui est vraiment ce que je ressens profondément depuis quelques temps. C'est à dire deux individualités qui s'entrelacent et construisent une entité distincte: le couple. Cette notion s'est imposée à moi très précisément ces derniers temps. Depuis que je constate que mon désir d'émancipation, celui qui m'a permis de m'ouvrir à des amitiés extérieures, puis à cette relation intime que je vis avec ma complice. Parce que si je sais très bien ce que je veux moi, je sais aussi que je ne peux décider seul. Ce n'est pas une individualité égoïste, mais une individualité partagée au sein d'un couple. Il y a moi, et la moitié de moi qui fait partie d'un couple, que je partage avec Charlotte. Nous sommes bien "trois", dont l'entité centrale est constituée de nos deux moitiés. Elle, notre couple, et moi.

Le plus amusant... c'est que c'est en m'ouvrant à une tierce personne dans une relation affective forte que j'ai pris pleinement concience de ça. En fait... alors que je découvrais, que je ressentais intimement ce 1+1=3... naissait simultanément une autre forme, quoique différente, de 1+1=3 (mais est-ce comparable?). Euh... ça fait combien ça? 1+1+1=5 ?

Cette idée de relations plurielles et de liberté est au coeur de ce bouquin. L'auteur parle de relations polyphoniques plutôt que du traditionnel duo. Etant entendu qu'il est question de relations fortes, avec une sorte de "projet" commun. Au delà de l'amitié strictement amicale qui existe déjà en marge de tous les couples, de la part de chacun des conjoints envers une ou plusieurs personnes proches.

Bon, ce que je dis est peut-être un peu flou et demande à être élaboré. J'aurais peut-être dû attendre de lire le bouquin en entier, mais là, en seulement quelques passages j'ai retrouvé tellement des concepts que j'aborde en ahanant... que je n'ai pas pu me retenir d'écrire. Complémentarité, liberté, confiance, dialogue... toutes ces idées qui donnent une force incroyable aux relations.
Hgnnkkrrkrbzzzzz.... ça m'excite tout ça!!! Ça m'allume, ça m'étincelle... J'aime sentir en moi changer les choses, les voir se révéler, s'assembler tout à coup après d'incessants tâtonnements.


Et dire que je n'ai pas le temps...





Prise de tête



Samedi 26 avril


Mon journal est-il "prise de tête", comme il est mentionné sur le site de Radio-France Hérault? (Ne me demandez pas comment il est arrivé là-bas, j'ai découvert ça par hasard en recherchant les raisons d'un pic de fréquentation sur mes stats). C'est pas la première fois que je lis des commentaires qui vont dans ce sens.
En dehors du fait que je ne suis pas certain que ce soit bien élogieux, dois-je m'interroger sur l'impression que donne ce journal?

Euh... non. Il est conforme à ce que je suis. Un gars qui se poses des questions en permanence, surtout lorsque je suis sans une période de grosse remise en question. Par contre, je réfléchis (nooon, sans blague?!) sur la façon dont je peux être perçu par les personnes avec qui je suis en relation. Je dois bien constater que je m'entends généralement bien avec les autres qui pratiquent la "prise de tête", c'est à dire les gens qui se remettent en question, qui réfléchissent à leur vie, leurs façons de réagir à divers évènements. Je trouve chez ceux-ci une capacité d'écoute, d'ouverture d'esprit, qui me convient infiniment mieux que ceux qui ont des solutions toutes faites a proposer pour couper court à la réflexion.

Oui, possible que je sois particulièrement porté sur la réflexion, et que je tourne en rond aussi... mais je ne sais pas être autrement.

Hum... si je réagis à ce qualificatif, ce n'est quand même pas sans raisons. Parfois je me demande si je ne suis pas un peu fatiguant, quand même, à toujours revenir avec des interrogations sans fin. Je sais que Charlotte ne me suis pas aussi loin que je me laisse porter. Et même avec ma complice, je crains parfois qu'elle ne se lasse de mes questionnements récurrents...

Et voilà: "je me demande", "je crains que"... c'est reparti! Incurable, vraiment.



«Alors j'écris trois lignes, je bascule sur autre chose si l'on vient, j'y retourne… Ça ne va pas du tout. Je perds mon temps et je me sens mal parce que je suis dans le non-dit, que j'en ai une vague culpabilité et que je trouve cela ridicule de me sentir à mon âge comme un petit garçon pris en faute lorsque mon fiston vient jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule.»

Les échos de Valclair (24/04/2003)







Rester libre


Dimanche 27 avril


Certains jours particuliers, des contacts se manifestent de la part des plus proches. Inès, cette amie qui m'a aidé à faire un tournant important dans ma vie, il y a quelques années, m'a laissé un message sur téléphone. Je l'ai rappellée immédiatement, l'interrompant dans une de ses marches montagnardes, je ne sais où.
Je n'ai pas hésité, alors qu'auparavant j'étais toujours un peu gêné avec le téléphone. J'avais des difficultés à y être vraiment "moi-même" avant plusieurs dizaines de minutes d'échange. Il n'en reste plus de traces puisque c'est très volontiers que je l'ai fait. Il est rare que je sois spontanément porté vers le téléphone, moyen que je n'apprécie guère à cause de la gêne possible qu'il peut susciter d'un coté où de l'autre. Je crois que c'est avec ma complice que j'ai vraiment découvert le plaisir de m'en servir. Sans doute parce que c'est la première personne dont je me sente aussi proche (hormis Charlotte, bien évidemment) et aussi libre par rapport à elle.
Même avec ma mère, si une certaine proximité existe, il n'y a pas la même liberté. Je sens souvent une attente de sa part, voire une certaine pression (discrète mais néanmoins perceptible) pour que nous ayons des contacts... plus fréquents que ceux que j'aurais spontanément. C'est à dire une fois par mois environ, dans la situation actuelle. Ce serait certainement plus fréquent si je me sentais débarassé de cette pression qui a l'effet inverse de celui escompté. Plus on me contraint, de façon aussi minime soit-elle, plus je résiste. Ce n'est pas une volonté, mais un constat de ma façon de fonctionner, éprise de liberté.

Inès était parfois trop demandeuse et ne me laissait pas le temps de laisser croître mon envie. Cela créait un malaise qui n'aura pas été étranger à mon éloignement progressif. Maintenant que nous sommes beaucoup plus détachés, je sens se manifester ce désir d'avoir des contacts avec elle de temps en temps. Et je les apprécie beaucoup. En souvenir de ce passé commun au cours duquel nous nous sommes tous les deux aidés à "grandir".

Cette idée de liberté est toujours délicate à manipuler. Je m'en rends compte lorsque les hasards des circonstances me placent à mon tour en position de "demandeur". C'est un peu ce qui s'est passé avec ma complice ces derniers jours, puisqu'elle était professionnellement très occupée. Donc peu disponible pour des échanges.
Le contraste a été fort après des semaines d'échanges très soutenus. Je me rends compte que j'ai eu un peu de mal à vivre ce changement. Sa présence m'a manquée. Non seulement sa présence physique, mais aussi sa présence virtuelle. A ces moments là, étant à l'écoute de mes envies alors qu'elle même n'en a pas le loisir, je sais que les manifestations de ma présence (longs messages) peuvent exercer une forme de pression. Parce qu'elle sent que de l'autre coté quelqu'un "attend". D'autant plus que je ne cache pas ce manque lorsque je le ressens. Il m'est aisément supportable un certain temps, et puis tout d'un coup il ne l'est plus. Je ne parviens plus à trouver en moi la force de continuer "seul". J'ai besoin de signes de sa part... Et je déteste cette forme d'exigence. Je ne veux pas me sentir exercer la moindre forme de pression, même involontaire. Je veux qu'elle se sente totalement libre et je voudrais l'être aussi. Malheureusement on sait bien que coeur et raison ont parfois du mal à associer leurs objectifs. Alors la seule façon de faire que j'ai trouvé c'est de lui dire ce que je ressens, comme je viens de le faire ici. Dire mon attente, mais dire aussi que je n'aime pas cette attente. Être sincère jusqu'au bout plutôt que d'essayer de cacher ce que je ne parviendrais que mal à surmonter.

Je sais très bien que souvent je ne suis pas conforme à ce que je voudrais être. Que mes paroles sont plus fortes que mes actes. Je sais très bien comment je voudrais être, mais je vois que je n'y parviens pas. Partisan de la liberté, je ne sais ni la vivre, ni la laisser totalement aux autres. Je le vois avec Charlotte, avec ma complice. Et je me sens faire ce que je n'aime pas qu'on fasse avec moi...

J'ai encore beaucoup à apprendre pour me détacher de comportements que je subis contre ma volonté.




* * *



Quelques coquillages venus de loin, échoués prés de moi. Un petit carnet de papier gris où elle a écrit la couleur de mes yeux. Une journée remplie de soleil. Ce soleil qui me réchauffe. Elle est là, si près. Mes yeux suivent le tracé de ses doigts.

Alors ses mots se mettent à guider mes gestes. Ils me conduisent vers une première étape de la découverte physique de son corps. Elle a ouvert à mes sens une part de sa féminité, à la fois visible et intime. Sensualité exacerbée...

Mes doigts carressent ses cheveux d'ambre sombre, si fins, si doux. Douceur sur mon visage. Son parfum qui m'envoûte et accompagne ma découverte. Oui, c'est bien elle que je touche, je ne rêve pas. De bleues libellules aux reflets métalliques nous accompagnent.

Mais je prolonge mes gestes et ma pensée me porte... mon visage dans ses cheveux, son visage si près du mien. La serrer contre moi et sentir sa tiédeur, sa douceur, le contact de son corps contre le mien... Je rêve.

Mots de l'imaginaires ou illusion des mots? Est-ce moi qui rêve ou mes mots qui sont trompeurs?

La vérité tranche au delà du ruban qu'elle a noué autour de ses cheveux...
Elle seule le sait.




Calmer le jeu


Lundi 28 avril


Je regarde un peu trop loin, je vais un peu trop vite... je ne suis pas bien sûr de pouvoir maîtriser ma trajectoire. Pas assez habile, pas assez expérimenté. Je risque l'accident... Tout foutre en l'air.

Il faut que je calme tout ça. Prendre le temps d'assimiler les choses, les intégrer, les ingérer. Trop de cahots sur la route, trop de chaos dans ma tête. Les montagnes russes sont épuisantes. Je ne peux pas continuer à descendre aussi vite a chaque fois que je m'exalte au sommet, oubliant le coté éphémère du point d'équilibre atteint. C'est trop sollicitant pour mon équilibre intérieur.

Prendre le temps, rétrograder, renoncer à poursuivre des chimères. Choisir des chemins plus lents, propices à la réflexion, qui permettent de s'adapter à un nouveau paysage.

Je ne suis pas seul et je ne peux pas me permettre de conduire à l'aveuglette, même si la route a pu me paraître belle. Ouvrir les yeux. Ecouter ceux qui sont embarqués avec moi, m'écouter aussi. Et continuer à croire tous les voyages possibles.




Dépendant




Mardi 29 avril


Il m'est si facile de tricher tout en prétendant être sincère... Sincère dans ce qui est dit, oui, mais tricheur quant au choix de ce dont je vais parler.
Généralement je n'aime pas dire lorsque ça ne va pas bien. Alors soit je n'écris pas (c'est le cas le plus fréquent), soit je parle d'autre chose. Mais c'est aussi moi que je leurre, en refusant de laisser sortir ce que je n'ai pas envie de voir exister.

Ces derniers jours je sentais que quelque chose me dérangeait, mais ne voulant pas laisser prendre prise sur moi, je n'essayais même pas de le laisser perçer au jour. Ça ne devait pas exister, et le seul fait d'en parler lui aurait donné précisément cette existence.

Ce n'est pas forcément la bonne solution que de taire les problèmes naissants, mais il y a le fait que ce journal est lu et ça joue aussi dans les motivations ou blocages pour écrire.

Résultat, ça donne des entrées bizarroïdes et enigmatiques comme celle d'hier, ou plus noires comme celle qui parle de cette spirale sans issue. Elles sont indicatrices d'un mal-être mais, là encore, pas forcément à la hauteur (ou la profondeur...) de ce qu'il est. Hier, c'était dans le grand vide, genre gouffre, et ma mise à jour ne cherchait qu'à mettre la précédente dans les archives, moins visible qu'en page d'accueil. Parce que bon... y'a aussi le fait que ma complice me lit et que ce journal lui donne une perception de moi qui complète ce qui se passe directement entre nous. Et que lorsque j'écris je sais très bien que son regard lira mes pensées sous un angle nouveau. Ça influence parfois mon écriture, sans que je ne le regrette le moins du monde. Je m'en sers aussi pour faire passer des messages quasi-subliminaux qu'elle seule saura décrypter.

Bref, hier ça n'allait pas du tout et elle l'a évidemment ressenti.

Hasard du chronomètre, je lui ai expédié un message, alors que je mettais un texte en ligne, au moment même où elle relisait ma mise à jour précédente. Il en a résulté une demande de précisions de sa part. Demande salutaire puisqu'elle m'a permis de mettre à jour, précisément, ce qui tentait maladroitement de rester caché.

S'en est suivi une réflexion approfondie sur mon rapport aux autres en général, et en particulier lorsqu'ils comptent beaucoup pour moi. Ce qui est évidemment le cas de Charlotte et de ma complice, à travers lesquelles mon sentiment d'existence se manifeste.

Oui, parce que j'ai beau dire que je deviens de plus en plus autonome, libre et indépendant... ça reste pour le moment plus une déclaration d'intention, une tendance, qu'une réalité. Je suis bien obligé de reconnaître que du regard que l'on porte sur moi dépend mon bien-être. Si je parviens à être moins dépendant des regards étrangers (ceux qui m'ont tellement dérangés il y a quelques temps, lorsque j'étais mal perçu par quelques internautes au jugement expéditif), je le suis encore beaucoup de ceux que j'aime. Et plus mon lien d'affection est fort, plus je suis dépendant du regard que l'on me porte. Si la sympathie, les encouragements, l'estime ou tout autre appréciation "positive" joue favorablement, au point de me permettre de frôler le bonheur, en revanche les reproches, désaprobations, voire même seulement le silence, me perturbent et influent dans un sens "négatif".

Le silence, la non-communication, cette absence d'effet-miroir de ce que l'autre pense de moi est un facteur négatif que je maîtrise mal. Et déjà, pourquoi cette neutralité la considérè-je comme quelque chose de forcément négatif? Essentiellement parce que je doute de moi et ai du mal à croire que je puisse plaire. Que le silence dure, pour quelques raison que ce soit, et mes doutes vont s'immiscer et se developper avec le temps qui passe.

Coup sur coup les deux personnes dont je suis le plus proche, celles qui ont le plus grand pouvoir sur moi sont entrées dans le silence. Je parle du silence des émotions et du ressenti, pas de celui des mots du quotidien. Charlotte qui ne supporte plus que je lui parle de mes remises en question, qui n'est pas actuellement disposée à me suivre sur ces chemins inconfortables. Et ma complice qui est trop occupée pour poursuivre actuellement des échanges intensifs. Si le coup d'arrêt de Charlotte a été net et sans échappatoire (motus!), et accompagné de divers reproches cumulés quoique sans rapports entre eux, en revanche je n'ai pas su sentir que la distance forcée que subit ma complice jouait sur mon moral. Je n'ai pas su me mettre en marge, désinvestir provisoirement une relation fortement affective.
Notamment parce que je n'ai pas voulu laisser pointer ce que je percevais comme une forme de dépendance de ma part... que je ne voulais pas accepter. C'est un tort. Ma dépendance affective est réelle et la meilleure façon de ne pas y être soumis est sans doute de me mettre en position "off" lorsque l'affectif ne peut plus s'exprimer. Déconnecter ce mode de fonctionnement pour en rester à quelque chose de plus dégagé, moins sensible.

Je me rends compte que j'ai tendance à investir très fortement les relations. Ce qui fait que dans le passé j'ai préféré ne rien investir du tout, me privant d'amitiés dont pourtant j'aurais eu envie. Lorsque j'aime, j'aime fort. C'est très bon... mais ça peut faire peur. C'est très bon... à condition que ce soit partagé. C'est très bon... mais lorsque ça ne l'est plus, ça peut devenir très noir.

J'apprends peu à peu à me sortir de ces relations fusionnelles, et j'y parviens. Du moins... un certain temps. Mais je me rends compte que j'ai quand même encore "besoin" de marques d'attention. Et surtout... de communication. Je suis un être communiquant (comme tout le monde...). Je suis aussi un être sensible (probablement plus que d'autres...) et émotionnel. Et puis... exigeant en confiance réciproque. Tout ça fait que j'ai besoin de beaucoup échanger, dire et écouter, sentir ce qui nous unit. En amitié et en amour.

Lorsque, pour n'importe quel raison, cette communication intime et confiante n'est plus possible... je me retrouve seul. Et je pense seul. Et je me met à broyer du noir seul, parce que privé de ce qui compte le plus pour moi.

Il est étonnant que j'aie pu croire aussi longtemps que j'étais un solitaire. C'est exactement l'inverse. J'étais solitaire parce que je ne trouvais pas le moyen d'échanger. J'en étais profondément malheureux... sans en savoir la raison. C'est simplement parce que je n'avais pas trouvé ce rapport de confiance et de dialogue auquel j'aspire. Et les moments les plus heureux de ma vie correspondent à des périodes ou je sentais cette communication possible.

Ce qu'il faut que j'apprenne à vivre, maintenant, c'est à profiter des acquis des bons moments, afin de les faire durer lorsqu'ils ne sont plus possibles. Et pour cela... faire un peu plus confiance à ceux... celles... qui m'aiment.

Qu'il est long de retrouver confiance en soi...



«Je ne veux pas croire qu'il est vrai, après presque six mois d'amour, que tout puisse se passer parfaitement bien - que c'est même simplement possible. Alors je m'invente des peurs improbables. Simplement pour brouiller les pistes de mon bien-être. Au fond probablement que je me donne ma part de soucis amoureux juste pour me convaincre que j'ai le droit d'être totalement aimée puisque peut-être je ne le serai pas toujours

Regards solitaires - 29/04/2003