Février 2003 (1ere quinzaine)
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Ecriture réactive


Jeudi 6 février


Pourquoi n'écris-je plus?

Parce que j'écris beaucoup! J'écris de façon plus... réactive. Ce journal ressemble quand même à un long monologue, à un discours sur moi-même, certes proposé à la réflexion de ceux qui me lisent, mais demandant surtout une réactivité. Or, c'est bien normal, il est rare que cette réactivité se manifeste. Ou alors sur des parts fragmentaires de ce que j'aborde. Mais c'est l'équilibre normal du journal en ligne. Une voix psalmodiée à laquelle, de temps en temps, une autre voix répond.

Pourtant, il arrive que des voix répondent régulièrement. Ou avec une intensité particulière. Le contact s'établit alors, douuuucement, patiemment. Se contruit alors une relation, un échange d'impressions. Au fil des mois les relations s'affirment... ou se délitent.

Je vis actuellement une relation d'échange approfondi. Le partage d'impressions est vécu de façon assez intense. La réactivité est permanente et suivie. Alors ça travaille dans ma petite tête. Ça brasse, ça soulève des couvercles, ça remue... et ça apporte beaucoup de satisfactions. Du coup, l'essentiel de ma nécessité d'écriture se trouve absorbée dans ce bienfaisant partage.

Pas étonnant que je n'aie plus rien à écrire ici...

C'est peut-être un peu dommage... je ne sais pas. Chacun a sa vie et je suppose que personne n'est vraiment frustré de ne pas pouvoir suivre ce que je vis actuellement. Auparavant, je me rends compte que je me sentais "redevable" d'un certain suivi auprès de mes lecteurs. C'était bien prétentieux de ma part (oui, les gens qui se sentent insignifiants souffrent d'un complexe de supériorité inversé). Alors je vais m'efforcer d'être plus simple. Lorsque je n'ai pas besoin de partager ici, parce que je le fais ailleurs, je ne me contraindrai pas à le faire.

Mais si jamais quelqu'un était quand même curieux de savoir où j'en suis, il est bien entendu toujours possible de m'en faire part... Mon silence n'est dû qu'à l'absence du besoin d'expression. Sentir de la réactivité stimule généralement à nouveau ce besoin.

Et puis tout cela n'est sans doute que temporaire.




«Ce que je viens faire ici jour après jour. Quelle est l'importance de ce lieu ou plutôt de ce geste quasi-quotidien que j'accomplis depuis maintenant presque quatre années ? J'avoue qu'il m'arrive de trouver ça vide et insignifiant ou alors de ne pas comprendre vraiment cette flamme qui m'anime et qui me pousse à déposer des mots ici.»

Insomnies chroniques (05/02/2003)



J'ai l'impression qu'il faudrait que je parvienne à me voir de l'extérieur, par les yeux des autres.
(...)

C'est pour ça (entre autres) que l'idée de "connaitre" des diaristes m'est aussi insupportable. Parce que je me mettrais à éplucher les sous entendus des posts pour essayer de savoir si oui ou non, c'est de moi il s'agit, pis qu'est ce que ça veut dire, pis... pffff. Pas une vie. Valable en mode parano à l'inverse : j'ai peur qu'on se mette à éplucher ce que j'écris, à l'analyser, et à le prendre mal, éventuellement. »

Immediate Purple Lifestyle (03/02/2003)

«



Idées libres




Samedi 8 février


Sur mon forum préféré, je suis tombé sur un fil qui abordait un sujet qui me passionne. Il concernait la différence entre amour et amitié, que certains aimeraient départager très nettement.

Voila ce que j'ai posté

«Je lis ces tentatives de différenciation entre l'amour (le "vrai") et l'amitié...

A chaque fois, ça me semble trop catégoriel. Comme si les mots étaient impuissants à établir ce qui tient plus des nuances que de séparations bien distinctes.

Aimer... aimer... ne peut-on aimer d'amitié?

X dit «Pour moi, la différence entre amour et amitié, c'est l'intensité de la relation (et le sexe... en étant plus terre à terre).»

Certes, certes, il y a sans doute une intensité différente... mais est-ce que ça ne se mesure qu'en intensité? Et même, ne pourrait-on imaginer une intensité d'amitié qui serait comparable à celle de l'amour? Qu'est-ce qui différencierait alors les deux?

Francesco Alberoni dit «L'amitié, au contraire, ne peut exister que si elle est réciproque.». Je trouve cette idée très intéressante.

Pour ma part, je verrai aussi quelque chose comme l'idée d'attachement et de... dépendance. L'amour est souvent synonyme de possession, avec l'idée de jalousie qui n'est jamais bien loin. L'amour, c'est avoir besoin de l'autre, et que lui même aie aussi ce besoin de nous-même. C'est typique de la phase d'"enamourement" (innamoramento: tomber amoureux), et aussi des débordements de la folie amoureuse. Alors qu'il ne me semble pas que ça existe dans la relation d'amitié.

Je vois beaucoup plus l'amitié comme une idée de partage, de concordance, dont l'inscription dans la durée ne tient que tant que dure le partage.

Pas forcément bien différent de l'amour, me direz-vous... Oui, sauf que l'amour est souvent associé avec une idée, un désir, une attente (plus ou moins consciente) de "toujours". Et il me semble que ça crée une notion d'"engagement moral". Une amitié, elle peut se distendre doucement, puis s'effilocher. Pour un amour, ça ne se passera généralement pas sans un moment ou il faudra concrétiser une rupture. Un "je ne t'aime plus", dont l'amitié s'évanouissant n'aura pas besoin. Qui dit rupture sous entend engagement préalable.

Oui, je crois que c'est l'idée d'engagement qui différencie les deux façons d'aimer. L'amour est une forme d'amitié particulière, parce que privilégiée par cette idée d'engagement. Et donc, d'une certaine façon, de perte de liberté, de perte d'autonomie. On ne se présente plus en tant qu'individu, mais en tant que couple (quel que soit le statut légal de ce couple), ce qui n'existe pas dans la relation d'amitié.

Je sais qu'il existe des formes d'amour fondées sur l'autonomie de chacun. Avec notamment le refus de partager le même toit. Je pense que ce sont des relations qui se situent de façon fort intéressantes entre l'amour et l'amitié. Et c'est là que le critère sexe entre en jeu.

Ne peut-on imaginer une amitié poussée qui conduise jusqu'au partage de l'intimité sexuelle? En arriver à un tel point d'osmose et de partage, d'amitié intime, qu'un prolongement naturel vers une forme de fusion sexuelle devienne "évidente"? Je pense notamment aux amitiés homme/femme, mais le cas de l'homosexualité s'inscrit aussi très certainement dans un schéma comparable.

Longtemps j'ai cru pouvoir distinguer amour et amitié selon des critères bien précis, mais plus je cherche, plus je trouve que cette différence est infime.


Et enfin, je crois qu'il faut nettement distinguer l'enamourement (l'état amoureux) et l'amour (aimer). Le premier conduit fréquemment vers le second, mais pas nécessairement. Et le second, hormis ce point d'origine, à finalement peu à voir avec le premier. Quand à l'amour d'amitié, il se passe généralement de ce crescendo.

Ce qui me semble important, c'est de toujours voir chaque chose (enamourement, aimer, amitié) comme des pôles, des tendances, mais qu'elles ne sont pas forcément des composantes uniques. Il y a une infinité de combinaisons et de palettes qui font qu'il est parfois bien difficile (et inutile!) de chercher à vouloir catégoriser certaines relations composites.»



Bon, je me suis permis de faire du recyclage (courant ainsi le risque infime de me faire reconnaître si une part de mon lectorat va sur ce forum...), parce que ce sujet est dans mes préoccupations du moment. Ça m'évite de me taper deux fois le boulot. Vous ne m'en voudrez pas?

Je me rends compte que ma façon de voir les choses à radicalement changée en quelques années. Auparavant je distinguais bien les deux, plaçant l'amour sur un piédestal, quelque chose d'incomparable, d'inestimable. Et puis... et puis... depuis que j'ai entrepris ma grande révolution intérieure, que j'ai compris mes attentes, mes rêves, mes fantasmes; que je les ai dissociés des principes, de la morale, des usages que l'on m'avait inculqués; et bien depuis tout à changé.

Pour moi, désormais, l'amour et l'amitié sont des idées libres. Libres de préjugés, libres de définitions. Ce qui ne signifie pas que je ne vais pas chercher à mettre des mots pour expliquer ce que je ressens, mais que ces mots me permettront d'aller vers, paradoxalement, moins de définition. Plus je cherche à saisir les choses, et plus je comprends qu'elles sont insaisissables.

Bien souvent, alors que par ailleurs je suis assez rigoriste, je m'affranchis des limites. Autant en ce qui concerne les rapports de société je suis rigide, avec des limites claires afin que personne n'empiète sur la liberté d'autrui, autant en bien des domaines je suis sans cesse en recherche par rapport à des limites qui n'ont pas lieu d'être.

Et si... cette quète intérieure que j'ai entreprise n'était pas aussi une façon de différencier ce qui exige des limites et là où elles peuvent être abolies? Faire un ménage intérieur et remettre en question toutes mes idées, une à une, tous mes principes, toutes mes opinions, et les passer au crible à chaque fois: cette idée nécessite-t-elle ou pas des limites? Peut on catégoriser, ou simplement discerner des tendances opposées, liées par une infinité de variations?

Je crois que c'est un peu ce genre de choses que je mets à l'épreuve lorsque j'échange sur des forums, ou dans des correspondances privées.



Fissure




Lundi 10 février



Dans le sillage de mon entrée précédente, j'ai abordé, une fois de plus, ce thème un peu délicat avec Charlotte. Nous en parlons de temps en temps, notamment depuis que, le jour de ma première aventure de séduction virtuelle, elle avait profité de mes aveux coupables pour se décharger totalement de sa propre culpabilité au sujet d'un homme dont elle était amoureuse. Un homme qu'elle cotoyait au quotidien depuis deux ans. Un homme qui la faisait rêver, mais avec qui son ardeur se limitait à de rares moments de discussion.

Ce jour là, elle avait été particulièrement ouverte à la discussion, comprenant très bien ce qu'était le phénomène de séduction extra-conjugale...

Depuis, et bien qu'elle cotoie toujours cet homme, qu'elle apprécie sa compagnie, elle a changé de regard sur lui. De mon coté, ma réflexion sur cette vie relationnelle en marge du couple s'est poursuivie. Et ce qui me semblait impensable lorsque j'avais les certitudes de ma jeunesse a bien changé.

J'ai donc évoqué le phénomène de l'amitié poussée, et de l'attirance qui pouvait en découler. Je sais que nous avons une perception des choses bien différente sur le sujet, qui risque, un jour ou l'autre, de poser un problème. Parce que si je comprend totalement son refus de partager occasionnellement son homme, je ressens aussi cette possessivité comme quelque chose de très limitant. Or je ne veux ni la faire souffrir, ni me priver des possibilités de rencontres que je pourrais faire. Exigeant, n'est-ce pas?

Je me rends compte que nos conceptions des relations divergent. C'est problématique, parce que c'est quand même quelque chose d'essentiel dans l'épanouissement personnel. Si je sais d'avance que, quelle que soit la proximité que je peux ressentir avec une autre femme il m'est interdit d'aller au delà de discussions en face à face... et bien je trouve que c'est extrêmement frustrant. Je sais bien qu'il y a dans la vie énormément de privations qui sont frustrantes, mais quand il s'agit de quelque chose qui va vers un épanouissement, donc qui bénéficie à tous par ricochet, et bien ça ne me convient pas.

Parce que je sais que ce blocage est issu de la jalousie et de la possessivité. Sentiments absolument naturels et très largement partagés, que je ne peux que comprendre et admettre, mais qui sont négatifs et nécrosants. Il y a davantage à perdre qu'à gagner dans ces réflexes. Et puis... je sais qu'il trahissent un manque de confiance. En soi, en l'autre. C'est un peu difficile à accepter.

A un certain moment de notre échange, déjà un peu rigide (je sais qu'elle n'aime pas aborder le sujet parce qu'elle sait nos divergences), elle m'a dit très clairement: «si un jour tu vas [au bout] avec une autre, je te quitte». Avec un regard qui ne dissimulait rien de sa détermination. Un regard que je ne lui connais pas, un regard dur de femme possessive, toutes griffes dehors. Un regard de solitude, glaçant, qui n'avait plus rien d'aimant. Froid dans le dos...

Je me suis tu. Sans doute est-ce ce que je voulais savoir.

Je ne sais pas ce que vous pouvez penser de ce que j'écris, notamment vous, les femmes. Mais de mon coté, j'ai été... choqué de cette fermeture. Et pourtant, je ne peux que la comprendre. Mais je ne parviens pas à l'accepter.

Charlotte est une femme très douce et aimante. Je l'aime, je n'en doute pas un seul instant. Je n'en ai jamais douté depuis plus de vingt ans (oui, bon, très ponctuellement, durant quelques instants de grosses crises...). Mais de sentir ce manque de confiance en mon amour pour elle, ça m'est difficile. Je crois que c'est la première fois que je sentais une telle divergence de point de vue pour quelque chose d'aussi fondamental.

Pourtant, je ne suis pas un naïf, et je me pose bien sûr des questions sur les risques qui existent à approcher de trop près d'autres femmes. Je ne suis pas un surhomme et je risque autant que d'autres de me laisser griser par quelque chose qui me dépasserait. Malheureusement (?)... je suis aussi un curieux. Et tant que je sens que je ne m'approche pas de quelque chose de dangereux, je suis tenté d'aller voir plus loin. Le danger, ce serait que tout contrôle m'échappe. Je n'y crois pas trop. Je suis quelqu'un qui a toujours beaucoup réfléchi avant chacun de ses actes (et souvent beaucoup trop). Je me sais capable (preuves à l'appui) de ne pas dépasser les limites que je me suis fixé, même si je suis grisé. Mais si je ne ressens pas de danger, et seulement un profond bonheur à partager avec quelqu'un, j'ai bien du mal à me dire que certaines choses sont interdites.

Je sais très bien qu'on pourra m'opposer des tas d'arguments, mais je crois que ce que je sens aura toujours davantage de poids que ceux-ci. La seule chose qui peut me retenir, c'est ma volonté de ne pas faire souffrir Charlotte. Quitte à souffrir moi-même de cette privation qu'elle, bien involontairement, m'impose. L'amour, c'est aussi se priver pour l'autre. Mais il y a là quelque chose de déséquilibré quand on ressent que c'est pour servir une tournure d'esprit qui est... probablement... dans l'erreur. Je dis "probablement", parce que je ne peux évidemment pas être certain que la monogamie stricte n'est qu'une convention sociétale. Peut-être que cette convention répond à un impératif de cohésion sociale? Mais peut-être aussi que, comme tout ce qui généralise, elle ne nécessite pas de s'appliquer à tous de la même façon.

Est-ce donc si irréaliste d'aimer quelqu'un de façon pleine et entière, tout en... aimant(?) [ce mot est tellement tabou hors d'un seul usage...] ailleurs d'une toute autre façon? Aimer pour la vie d'un coté, et aimer dans l'instant d'un autre? Ce "dans l'instant" n'étant pas une question de durée, mais d'immédiateté. Aimer parce que, là, maintenant, il se produit un partage d'impressions à un point tel qu'on ne peut qu'aimer. Sans rien renier d'un autre amour, fondé sur la durée.

Je sais que ce thème a été archi-rebattu. Il est éternel. Peut-être parce que nous ne sommes pas tous égaux devant l'amour et ses manifestations parasites (jalousie et possessivité). Peut-être parce qu'il est bien frustrant pour ceux qui voudraient aimer autant qu'ils en ressentent le désir de devoir choisir et renoncer.

Je sais bien qu'on peut aussi imaginer des relations sublimées. Partager, en toute confiance, tout en s'interdisant d'aller dans la dimension de certains de nos sens, ceux du contact. Il est fort possible qu'il y ait là une voie à explorer. Mais c'est un pis aller, une certaine forme d'hypocrisie... Le mental ferait ce qu'il veut, mais sans avoir accès à la matérialité. Je peux partager autant que je veux (et internet laisse énormément de possibilités...), mais je ne peux pas toucher. A la limite, je pourrais recourir à des formes scabreuses du contact via l'imaginaire, de la façon la plus sordide qui soit, mais il me serait interdit d'avoir de vrais contacts, aussi subtils qu'une main posée furtivement sur une autre...

Hmmmm, j'exagère un peu. Le contact de la main serait toléré par Charlotte alors qu'elle n'apprécierait pas de me savoir fantasmer des rapports tactiles via des formes de communication écrites ou orales. Et pourtant, sans même m'en rendre compte, je sais que bien souvent il m'est arrivé de la "tromper" simplement parce qu'elle ignore la nature des conversations que je peux avoir. Tromper en toute bonne foi, en toute innocence, parce que je ne vois rien de mal dans des échanges très personnels. Sauf... que je n'aimerais pas que Charlotte fasse irruption à ce moment là dans une relation qui n'est pas entre elle et moi. Parce que dans chaque relation il y a une part qui est privée et n'appartient qu'au couple relationnel ainsi constitué. Quelle que soit la nature de ce couple.

La forme supérieure de l'amour, c'est celle qui réussit à surpasser la jalousie. C'est celle qui laisse l'autre choisir ses plaisirs, qui jouit du bonheur de l'autre. C'est l'amour qui n'enferme pas.

Sans s'en rendre compte, Charlotte, en voulant me garder exclusivement pour elle à créé une petite fissure qui, paradoxalement... me fait prendre conscience d'une distance qui nous sépare. C'en est un peu inquiétant.

Et pourtant, je sais que par amour pour moi elle serait prête à fermer les yeux sur bien des choses.
Il va nous être bien difficile de trouver une solution médiane, mais je ne renonce pas.

Je ressens une tristesse m'envahir en voyant un espoir devenir plus hypothétique et lointain que je n'espérais.

J'ai froid.


Jusqu'à un certain point...



Mardi 11 février


A la suite de mon texte d'hier, j'ai reçu quelques messages de femmes. Je dois avouer que je l'espérais...

Oh, j'y pense: quand j'utilise le mot "femme", ce n'est pas seulement pour qualifier un individu de sexe féminin. C'est aussi, et surtout en tant que femina. La femme dans toute sa dimension féminine. Pour moi, le mot "femme" est très beau, plein de toute cette différence d'avec mon état masculin. Il est fort dommage qu'on ne différencie pas l'état intérieur de la femme de cette sexuation binaire homme/femme. Bon, on a le même problème avec homme humain et homme masculin. Pffff, que notre vocabulaire est pauvre parfois...

Donc, j'ai reçu des messages. Trois messages. L'un d'entre eux étant plutôt "vis ta vie librement", le second "n'aies pas peur des remous, votre couple pourrait en ressortir plus fort", le troisième étant "fais attention, tu joues un jeu dangereux". Bon, je simplifie beaucoup, mais c'est le sens général. Et en fait, c'est exactement les pensées qui traversent tour à tour mon esprit. Avec, quand même, une idée d'avant, pendant, après. Avant j'étais trèèèès raisonnable, maintenant je me pose des questions, et après... ben je me demande vers quoi j'irai.

Chacun de ces messages me fait réfléchir... en me permettant d'affermir un peu mes hésitations. Ils me permettent, en m'expliquant, d'entendre ma voix intérieure.

Ce que je voudrais dire [paragraphe explications-justification], c'est que le fait que je puisse être attiré par d'autres femmes n'a rien à voir avec une quelconque insatisfaction globale au sein de mon couple. Il y a, forcément, certains points qui me laissent insatisfait, et c'est bien normal. Je ne sais pas quel couple vit une relation parfaite où l'autre correspond idéalement à ce qu'on attendait (et heureux veinards sont ceux qui vivent une telle relation). Il y a donc deux façon d'appréhender ces "manques" que l'autre ne peut pas combler: en prendre son parti, et c'est généralement ce qu'on fait pour une part des choses; ou bien chercher ailleurs de quoi combler le manque. Ça peut être en allant faire du sport avec d'autres, faire des sorties entre copines, etc. Mais pourquoi donc serait-il interdit de partager une part de complicité si on en ressent le besoin? Je parle évidemment de complicité hétérosexuelle (cas général) puisque la complicité homosexuelle ne semble pas poser de problème (étant entendu qu'elle ne serait QUE amicale). En fait, c'est simplement une question d'intimité. Il n'est pas autorisé de partager une intimité au delà d'un certain point. Mal défini d'ailleurs, ce point.

Il est donc question de limites. Autorisation de dialogue, même en tête à tête, à la condition expresse que la complicité n'aille pas au dela d'"un certain point". Charlotte me laisse aller passer une soirée en tête à tête avec une amie (coucou toi...) rencontrée sur internet, parce qu'elle sait que notre complicité est "normale", "sans risques". Mais elle ne voudrait pas que j'aille passer la même soirée avec une femme avec qui je ressens une "très grande complicité". Surtout si je ne lui cache pas que... ben... nous n'avons pas envie de mettre une limite à cette complicité.

Ce qui revient à dire qu'elle limite mes possibilités de m'épanouir en dehors d'elle. Si elle accepte qu'une autre qu'elle puisse me procurer le plaisir d'un échange verbal, elle n'accepte pas que cet échange aille au delà d'un certain point. Toujours cette question de limites.

Quel point? Un échange de regards intenses n'est-il pas déjà quelque chose qui se situe au delà de la limite? Un geste de la main, si spontané, doit-il être retenu? Jusqu'où ce genre de contact? A partir de quand se dit-on «non, stop, pas au delà!», avec toute la frustration que cela sous-entend. Qu'est-ce qui compte? Ce qui est dans la tête ou les gestes que l'on s'autorise ou non?

Alors que peut-être le problème se pose en amont: il ne faudrait même pas qu'un échange de regard dure au delà du "normal", du quotidien, du banal. Que le regard ne puisse être que complice... mais sans ambiguité.

Mais c'est pas possible tout ça! Ce sont des choses qui ne se maîtrisent pas! On ne peut pas se dire «ah, tiens, ce qu'elle vient de me dire me plaît énormément, et tout ce qu'elle m'a dit avant me plaît beaucoup. On a vraiment une façon de penser similaire mais... chut, je n'en dis rien». Sauf qu'en général on a déjà commencé à se dire «j'aime bien ce que tu me dis, ça correspond tout à fait à ce que je pense». Et qu'à force de le dire... et ben justement une complicité est née.

On fait quoi quand une complicité est née, qu'elle devient croissante, bienfaisante, quelle apporte un vrai bonheur? On dit «ah non, stop, tu m'apportes trop de bonheur, donc on arrête tout» Ou alors on arrête pas, mais bon, on change de sujet. Mais c'est con! On va quand même pas s'empêcher de ressentir du bonheur à partager quelque chose! Ah oui, mais je suis marié, donc ça m'est interdit... Je n'ai droit qu'à un seul échange privilégié, c'est comme ça. Et pourquoi? Ben parce que c'est comme ça! Parce que je dois, de moi même, m'imposer cette interdiction.

Parce que celle avec qui je vis déjà une relation très privilégiée, depuis vingt ans, ne supporte pas que je trouve du bonheur en dehors d'elle. Parce qu'elle à peur de me perdre, que je trouve cette autre, cette inconnue pour elle, mieux qu'elle. Parce qu'elle doute d'elle-même. Elle doute de son pouvoir de séduction, elle doute de me plaire suffisamment.

Elle a peur de me faire confiance, sachant tout ce qu'elle risque dans cette histoire. Négligeant le fait que si une autre plaît à celui qui l'aime, il y a de fortes chances pour que cette autre soit une personne tout à fait "aimable", elle aussi. Elle préferait tout casser plutôt que d'imaginer qu'elle ne me donne pas tout. C'est con la jalousie... Parce que ce qu'elle oublie c'est qu'elle à tout à gagner à me voir épanoui et bien dans ma peau. Elle à tout à gagner à me voir comblé, fût-ce partiellement ailleurs. Elle à tout à gagner à me voir m'enrichir de diversité au contact des autres. D'ailleurs... c'est bien ce que je fais depuis le temps que j'échange sur internet. Pourquoi devrais-je stopper le processus dès lors qu'il est question de lui donner plus de présence?

Alors... à partir de quel point doit on saborder le navire? Décider que non, le voyage est trop beau et qu'il ne faut donc plus le poursuivre. On voit bien tout ce qu'il y a d'aberrant dans un tel sabordage.

Oui... on peut décider de partager une complicité en la pousssant très loin... mais en ne restant que dans le domaine du verbe... oui... sans doute... pour préserver la sensibilité de l'autre... oui... on peut s'y résigner par amour... mais c'est quand même triste.

Je crois plutôt que, si c'est un problème de doutes et de manque de confiance, c'est là dessus qu'il faut travailler. Si je tiens à Charlotte, c'est sur ce point que je dois la rassurer. Lui dire combien je tiens à elle, à quel point elle m'est importante, mais aussi combien il m'est vital de pouvoir partager lorsque je rencontre une belle personne qui éveille tant de choses en moi. Et que ce partage ne nuit en rien à ce que je ressens pour Charlotte, ne diminue en rien mon amour pour elle (et peut-être même au contraire, puisque le bonheur est communicatif). J'ai toujours cru aux bienfaits du dialogue, et je suis certain que c'est là que se trouve la solution au "problème" auquel nous nous heurtons aujourd'hui. C'est dans la sincérité que nous pourrons maintenir notre relation, et même la renforcer (merci, amie lectrice qui m'a rappellé cette importance du dialogue...).

Je ne suis pas prêt à renoncer à mes rêves. Je persiste à chercher une solution pour que ni Charlotte, ni moi, ni ma complice n'ayons à souffrir de ce blocage. Ce sera sans doute un long processus, mais je suis convaincu que je ne dois pas renoncer. Je ne VEUX pas renoncer. Je sais qu'il y a là un chemin à prendre. Un chemin d'épanouissement pour chacun des protagonistes. Ce serait vraiment trop con de renoncer parce que je ne dialogue pas assez sur ce qui pose problème avec Charlotte. A trop vouloir la préserver, nous nous rendons compte du décalage qui existe entre nos chemins respectifs. Ce chemin, ce n'est pas que le mien, ce n'est pas que le sien. C'est le nôtre et il nous faudra bien trouver ce chemin commun. C'est l'équilibre de notre couple, sur le long terme qui est en jeu. Si elle me prive de cette liberté, elle éteindra à petit feu une part de ce qui nous lie. Je ne dois pas laisser ce silence s'installer.

Au point où j'en suis parvenu de mon cheminement intérieur, je crois que c'est en allant voir "ailleurs" que l'on pourra renforcer notre relation. Une démarche qui semble aller à l'envers de bien des schémas. Mais je sais, je sens que c'est le chemin qui me convient.

Et si ce chemin ne lui convient pas du tout... alors là il se posera un réel problème. Il y aura des choix bien difficiles à faire... J'espère que je n'aurais jamais ce genre de renoncement à faire, ce serait terrible. Quel que soit le renoncement.

Je crois qu'en ce moment je suis mon "destin". Je ne sais pas vers quoi je vais, mais je n'ai pas envie de renoncer à quoi que ce soit par peur. Un chemin s'ouvre devant moi et je le suis. Et je me battrai pour y parvenir. Parce que j'aime Charlotte et que je tiens à notre relation. Parce que... je [pas de mot existant] ma complice et que je tiens à notre relation.

Si je refuse de qualifier ce que je ressens en utilisant un mot inapproprié par défaut, c'est que le sens que chacun mettrait derrière risquerait trop de correspondre à une idée erronée. Et ce carcan des mots est insupportable en certaines circonstances.

Et je voudrais dire enfin, parce que ce que j'écris de Charlotte pourrait laisser croire que je ne comprends pas ce qu'elle ressent, que ses réactions me sont totalement familières. Pendant très longtemps (et même aujourd'hui...) je ne pouvais imaginer qu'elle partage avec un autre que moi. J'étais connement jaloux, et je le suis certainement encore. Mais je me bats contre ça, je refuse de me laisser dicter ma conduite par des pulsions archaïques. On a une intelligence, c'est fait pour lutter contre cette tendance animale qui nous gouvernerait sans cesse si on lui laissait libre cours.

Je sais ce que ressens Charlotte, je sais qu'elle a peur de me perdre. Je ne veux pas qu'elle croie ça, je veux qu'elle sache combien elle peut me faire confiance. Je n'ai pas envie de renoncer à un processus évolutif sous prétexte qu'il comporte des risques. Ce serait rétrograde. Tendance réac', même de rester ancré sur des principes. Merde, me voila devenu un gauchiste de l'amour... Je vais essayer de lui faire voir les lendemains qui chantent à ma Charlotte. Je vais tenter la révolution... avec elle... et conforté par ma complice. Il faudra bien qu'on trouve une solution.

Oh la la, mais c'est que je me rends compte que je suis beaucoup plus déterminé que je n'imaginais.


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Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.


Louis Aragon - Jean Ferrat


Jugé!




Mercredi 12 février


Ça se complique...

Me voila hésistant sur ce que je peux écrire ou pas dans ce journal. J'ai toujours dit que je le voyais comme un témoignage de ce que je vivais, offert à ceux pour qui cela pouvait éveiller une réflexion. Et fréquemment j'ai reçu des courriels qui me montraient que mes écrits avaient bien ce rôle. Pour moi, c'est essentiel. Je ne me contente pas de déverser mes mots sans me soucier de l'impact qu'ils pourront avoir.

Ainsi, les dernières pages que j'ai écrites me paraissent fondamentales parce qu'elles décrivent ce qu'un homme marié peut ressentir comme dilemme en étant attiré par une amitié féminine particulière. Je sais que je ne suis pas le seul à qui ça arrive et je suppose que mes réflexions peuvent aider, rassurer, éclaircir tous ceux et celles qui ont été ou sont confrontés à ce genre de situation.

Mais hier soir, j'ai été tenté de tout effacer. J'ai eu soudainement honte de ces pages. Parce que j'ai reçu un très long message qui m'a fait profondément douter du chemin que j'explore avec tant de précautions, pourtant.

Le problème... c'est que la personne qui m'a écrit ça va me lire... Une fois de plus toute l'ambiguité du journal en ligne me saute à la figure. Je pourrais me contenter d'une réponse privée, mais ce message à un un tel impact sur moi qu'il serait "malhonnête" que je passe sous silence ce que j'ai ressenti. Parce que ça fait partie du processus évolutif de voir ce genre de barrières dressées par les autres.

Ce que je vis en ce moment est quelque chose de très fragilisant. Parce que je me sais parti sur un chemin hésitant, subtil, assez peu exploré. Et peut-être dangereux. J'avance très prudemment, essayant de mesurer au mieux toutes les implications que ma démarche peut engendrer. J'apprends à voir ce qui me convient en essayant de me sortir de conventions qui ont été très profondément ancrées en moi. Mais pas suffisament pour que j'aie l'incapacité de les remettre en question.

Alors quand je reçois un long message qui me ramène complètement en arrière, me disant que je suis dans l'erreur totale, que je me mens à moi même... je me mets à douter terriblement. Je n'ai pas pu aller au bout du message d'un coup. Je me suis arrêté au milieu et j'ai pris ma tête entre mes mains, complètement désemparé. Je ne savais plus que penser. Il y avait toute cette évolution que j'ai faite qui s'opposait aux vieux schémas classiques... mais surtout une immense culpabilité qui refaisait surface. C'est là que j'ai eu honte et pensé à tout effacer. Mais trop tard, je sais que le journal était en ligne depuis plusieurs heures.

Il y avait aussi des mots très durs, qui m'ont fait mal. Qui m'ont révolté. Je pense préférable de ne pas les rapporter ici, par discrétion. Et ce sont ces mots excessifs qui m'ont fait réaliser que ce que je vivais était incompréhensible pour quiconque n'est pas à ma place. Personne ne peut juger d'une situation de l'extérieur, aussi limpide que cela lui paraisse. Personne.

Ce que je veux préciser... non, je n'ai pas à me justifier.

Ce matin, en racontant un peu à Charlotte la teneur de ce message, j'ai senti mes larmes couler (me suis caché, le nez dans mon bol). Parce que c'était trop dur de se sentir ainsi jugé défavorablement par... quelqu'un qui n'aurait pas du le faire. Ce n'est pas comme ça que je conçois des relations de confiance.

Oui, parce que je parle beaucoup à Charlotte en ce moment, et surtout je l'écoute. J'ai besoin de savoir ce qu'elle ressent. Parce que je n'agis pas égoïstement, sans me préoccuper des effets de mes explorations. Et Charlotte me dit ce qu'elle pense. Si elle souffre elle me le dit, si elle doute elle me le dit. Et moi je tente de la rassurer. Je lui explique au mieux, en toute transparence, toutes les questions contradictoires qui m'assaillent. Hier, nous avons longuement parlé. Je lui ai répété à quel point je tenais à elle. J'étais très ému. Ce dialogue nous a beaucoup rapprochés, comblant ce fossé de silence que j'avais laissé s'installer en voulant la protéger des errements de ma pensée.

Oh et puis si, j'ai envie de le dire: non ce que je vis en ce moment n'est pas une histoire de cul. C'est... insultant de dire des choses pareilles. C'est tout le contraire. C'est une histoire de partage intense dont on ignore jusqu'où il peut aller. Il n'a jamais été question de sexe avec ma complice, mais nous nous sommes interrogés sur toutes les dimensions que pouvait prendre notre complicité. Et puis merde, ça ne regarde personne. C'est trop intime, trop personnel pour que j'en parle ici en risquant d'être jugé par des gens qui ne peuvent comprendre.



Justifications inutiles



Jeudi 13 février


Le temps à passé depuis hier matin... Et j'ai préféré écrire à la personne qui m'avait envoyé ce long message, plutôt que de continuer à le faire ici. J'ai montré des limites fermes sur ce que je ne pouvais accepter. On peut me dire tout ce qu'on veut pour m'aider à réfléchir, mais pas sur un ton qui fait que je me sens jugé.
Bref, l'épisode désagréable est clos.

Par contre, ça continue à tourner dans ma petite tête. J'ai beaucoup réfléchi... et n'ai rien conclu. D'ailleurs, ce journal n'est que ça: un receptacle de mes questionnements. La trace instantanée de mes réflexions du moment. Ce n'est pas un programme de ce que je vais faire. Je me pose des questions "à voix haute" (quelqu'un connaîtrait-il une formule plus adaptée au clavier?), parce que ça me permet de mettre à jour ce qui se cache dans des recoins de ma pensée. Mais je peux fort bien changer d'avis du jour au lendemain. Parfois j'avance vite, d'autres fois je tourne en rond, je rabache. Ou je fais même carrément marche arrière. Il est normal que je me laisse aller à un peu d'audace de temps en temps, pour tester si vraiment je suis capable d'asssumer ces pensées.

A propos d'audace... quand je lis certains de mes collègues diaristes masculins et la rapidité avec laquelle ils se retrouvent dans un lit en charmante compagnie... fiouuuu... ça me laisse perplexe. Ouh la, je suis loin de cette rapidité. Bon, il est vrai qu'étant marié les choses ne sont pas aussi simples... Je suis encore vachement "vieux jeu".

Et puis bon... puisque j'y suis (je ne sais pas trop qui j'essaie de convaincre là...), même si je crois avoir abordé ici plusieurs fois (y'a longtemps) la tentation d'avoir des relations sexuelles extra-conjugales (c'est de l'ordre du fantasme), je sais que ce n'est plus à l'ordre du jour depuis un bon moment. Sans que je sache vraiment pourquoi, d'ailleurs.
Si maintenant je l'évoque à demi-mot, ce n'est pas en temps que but, mais comme la conséquence envisageable d'un rapprochement. Et même, ça me gêne d'en parler, parce que... ch'ais pas... c'est trop connoté. J'en parle parce que je ne peux évidemment pas me voiler la face, parce qu'il existe une possibilité, un désir. C'est certain. Mais c'est pas le but premier. Non, vraiment ça me dérange qu'on puisse le penser (bien que chacun pense ce qu'il veut). Et puis j'ai pas envie qu'on se dise, «pfff, ces mecs, ils ne pensent qu'à ça». C'est pas vrai.

En ce moment précis, là, maintenant, j'écris mot à mot, doucement, parce que j'essaie vraiment d'écouter la vérité de ce qui est au fond de moi. Je ne veux pas me mentir alors je cherche à déceler les failles. C'est pas évident, parce qu'il y a deux tendances intérieures. Le coté émotionnel et le coté pulsionnel. Je ne voudrais pas que le pulsionnel tente de se faire faussement discret en laissant clamer l'émotionnel que ses pensées sont pures.
Hmmmm, je crois, je suis même certain, sans aucun doute, que mon coté émotionnel est dominant. Le pulsionnel ne s'est réveillé qu'ensuite, automatiquement. Et il est certain qu'il joue aussi un rôle, maintenant, mais toujours en secondaire. Toujours. Je n'ai jamais voulu me laisser guider par des pulsions, quelles qu'elles soient. Je raisonne (souvent trop) et je me sers de ma conscience.

Et tout ce paragraphe qui précède, superbe exemple de justification, est destiné à éviter que l'on me juge... Je pense en particulier aux femmes. Parce que j'ai pas envie qu'on dise que «les hommes ne pensent qu'à ça». Ça fait partie des clichés que je ne veux pas supporter puisque ne me reconnaissant pas en eux.

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Rien à voir: on me dit régulièrement (enfin... de temps en temps) que mon style est lourd, ampoulé. Encore récemment. Pfff, c'est un peu pénible. C'est ma façon de m'exprimer. Peut-être parce que j'utilise un langage un peu plus châtié que la langue parlée? Peut-être parce que je développe longuement? Tiens, il faudra que je demande des explications la prochaine fois.

Ah, et puis un autre truc aussi: je me suis fait reprendre sur un forum parce que j'avais dit, sur le ton de la plaisanterie, "petite idiote" à quelqu'un qui avait qualifié une de mes remarques d'"idiote". Or, en l'occurence, je ne crois pas qu'elle l'était (ma remarque). Et ce n'est pas la première fois que je constate qu'on attend de moi un comportement qui serait exemplaire. Les autres auraient le droit de se laisser aller, mais moi non, je devrais rester irréprochable.
Merde, c'est pas toujours aux mêmes de faire des efforts! De toutes façon, je crois que lorsque je cède un peu à la facilité, c'est toujours en réponse à la facilité d'un autre. Faudrait voir à pas inverser les responsabilités, quand même...

Bon, ben c'est pas fantastique ce que j'écris aujourd'hui... Je préfère lorsque je suis en recherche libre. Là c'est du justificatif et c'est... beeerk, pas intéressant. Toujours pareil, dès que je sens le regard qui pourrait me juger, je me défends. Ça m'énèèèèèèèèèèèèrve!

Je pourrais tout supprimer... mais ce serait tricher. Je ne fais pas oeuvre littéraire. Je ne cherche pas non plus à embellir (du moins pas volontairement) la vérité. Parfois je suis "bon" (ouh, quel prétentieux!) et parfois je suis insipide. Je ne veux pas qu'on idéalise l'Idéaliste. Je veux qu'on me voie (et que je me voie) mauvais, lorsque je le suis.

* * *



La critique à certainement du bon, mais l'inconvénient c'est qu'elle me perturbe toujours beaucoup. Fondamentalement, je ne pense pas que la forme de la critique soit une bonne chose. On peut parvenir à un même degré de réflexion en douceur. En accompagnant plutôt qu'en donnant des coups. C'est sûr que ça stimule, ça donne un coup de fouet... mais ça perturbe la trajectoire. Ça crée des remous, et pendant un certain temps on ne sait plus où on en est. Alors que l'accompagnement de réflexion produit parfois des fulgurances, très efficaces aussi. Et elles ne surviennent que lorsqu'on y est prêt. La critique est une forme de violence. Je n'aime pas la violence, même si je sais qu'elle donne des résultats.

Voila toute la différence qui fait que je m'entends particulièrement bien avec ma complice: il n'y a jamais, jamais eu le moindre jugement. La découverte de chacun se fait en fonction de ce qu'on est prêt à entendre de l'autre. Tout en douceur. C'est un parcours côte à côte, chacun apportant à l'autre, ce qu'il attend, au moment où il l'attend. Parce que l'écoute fait qu'on "sent" ce qui est à dire, et quand le dire. C'est assez extraordinaire.

Et moi, je trouve que c'est beau.



Jalousie



Vendredi 14 février


Petits réflexions sur la jalousie, lues sur un forum:

«Si elle est jalouse, c'est qu'elle ne m'aime pas pour ce que je suis, c'est qu'elle ne m'accepte pas entièrement, c'est qu'elle ne respecte pas ma liberté, c'est qu'elle n'a pas confiance en moi, c'est qu'elle ne veut pas mon bonheur, et + fort encore, c'est qu'elle choisit son bonheur même lorsqu'il provoque mon malheur. Je pourrais dire la même chose de mon pire ennemi...

La jalousie de l'autre m'attriste définitivement, il est alors plus que tant de partir...»

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«Pour en revenir à la jalousie. Il m'arrive d'être jalouse, et parfois quand j'y pense de la pire espèce : jalouse du temps que l'autre ne passe pas avec moi ! Des activités faites sans moi, des mots dits sans moi pour les entendre, des rires, des pleurs, des silences, sa présence ailleurs, sans moi, tout ! quand je vous dis de la pire espèce ! Alors, je ne peux pas le dire, c'est inavouable. J'ai l'impression dans ces cas-là d'être une petite fille égocentrique (ce que je suis d'ailleurs, dans ces moments-là !). Rester donc avec sa blessure et la panser des moments passés avec l'autre. J'ai parfois du mal à l'avouer mais je pense que je suis très possessive (merci de ne pas me le confirmer).

Et pourtant j'aurais tendance à dire qu'en amour je ne suis pas jalouse car je n'ai pas peur que l'on me "prenne mon mec". J'aurais tendance à penser que l'on ne retient pas une personne qui veut partir même si cela fait mal, c'est pire que d'être aux cotés d'une personne dont vous avez perdu l'amour. Fière, peut-être aussi»

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«Aimer quelqu'un, c'est se réjouir aussi de ce que d'autres que soi peuvent lui apporter comme bonheur, comme plaisir de vivre. Ce n'est pas que de la théorie.

Estimer que notre amour ne peut trouver le bonheur qu'auprès de nous, c'est vite tendre vers une relation fusionnelle où chacun DOIT être le centre du monde de l'autre. Je n'accepte pas ça : ni d'être le centre du monde pour une personne, ni de la considérer comme mon centre unique d'existence.»


Si je mets ces réflexions ici, c'est qu'elles vont dans un sens relativement similaire à ce que je pense (sauf la conclusion du premier). Les deux dernières ont été écrites par des femmes, ce qui confirmerait l'impression que j'avais de non sexuation de la jalousie. Parce que parfois ont lit que les femmes seraient plus volontiers exclusives.

J'ai été touché par l'explication du sentiment de jalousie: «des mots dits sans moi pour les entendre». J'ai trouvé cette phrase très juste, et surtout exprimée avec lucidité, de la part de quelqu'un qui sent ses propres limites, malgré le désir de ne pas enfermer l'autre.

Pour être juste, je dois quand même mettre un extrait d'un autre son de cloche, bien que solitaire dans la discussion qui a eu lieu:

«Quant à la jalousie, là aussi problème. comment peut-on aimer quelqu'un, aimer d'amour je dis bien, et tolérer, que celui qu'on aime, couche avec quelqu'un d'autre ? C'est une preuve d'amour ? de respect ? je ne suis pas sûre d'avoir tout bien lu, ces messages me mettent tellement hors de moi. ce discours (forcément intello, c'est du discours) à mettre en face de sentiments, pas virtuels, bien concrets ceux-là. vous me faîtes chier. Encore une fois, vous ne savez pas de quoi vous parlez !»

Ben oui... pas évident d'aborder des sujets qui éveillent de la souffrance.

J'essaie de m'imprégner de tout ça. Je n'avais jamais vraiment réfléchi à la jalousie puisque pas vraiment confronté au problème. Et j'ai besoin de l'apprénder sous toutes ses composantes. Les plus intellectuelles et les plus viscérales.



Ça tourne pas rond



Samedi 15 février


Quelque chose qui ne va pas dans ma tête. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais je sens que ça tourne autour du doute sur moi même. Je n'ai rien à écrire ici, mais je me dis que, peut-être, en cherchant à verbaliser les choses se dessinera une piste de réflexion.

Je doute. En rapport avec mes réflexions de ces derniers jours. Finalement, ce qui me semblait simple devient brutalement très compliqué. Pour toute sorte de raisons, mais dont la première est l'évidente, prévisible et inévitable "jalousie" de mon épouse. Fallait-il que je sois naïf pour l'oublier... Fallait-il que j'aie à ce point envie de me laisser aller...
Alors la machine à douter s'est remise en marche: qu'est-ce que je cherche? qu'est-ce que je veux? a quoi est-ce que je tiens?

Il aura suffi que ma complice soit moins disponible en ce moment pour que je me retrouve finalement seul face à moi-même. Un peu perdu. Doutes qui resurgissent, enflent, m'envahissent. Ai-je trop parlé? trop montré mon attachement? Ne suis-je pas envahissant? Ne suis-je pas devenu dépendant? Ou alors au contraire est-ce que je ne me montre pas trop distant?

Désemparé.

Agacé par moi-même, cette trop rapide propension à tout remettre en question. Je n'ai aucune raison objective de le faire, mais je maîtrise mal cet envahissement. Je ne résiste pas très longtemps devant les assauts incessants de ce doute. Et si j'avais laissé croire quelque chose qui semble bien difficile à réaliser? Et si elle se protégeait, anticipait, en prenant de la distance? Et si elle n'acceptait pas cette relation, privée du contact jusqu'à une échéance lointaine?

Et si, à force de douter, et de l'exprimer, je ne la faisais s'éloigner de moi?



Fierté




Dimanche 16 février


Une fois de plus, j'ai différé la mise en ligne. C'est pas bon signe. Ça veut dire que j'assume mal ce que je pense. Peur de blesser, peur de trop montrer mes doutes. Envie de tricher (vis à vis de vous qui me lisez) en présentant un aspect de moi plus réfléchi, plus raisonnable, dominant mieux ses sentiments négatifs...

Toujours la difficulté d'un journal sincère (au plus près de la sincérité...) qui refuse de trop cacher certains aspects peu reluisants. Je sais aussi que l'on m'est reconnaissant de cette sincérité.


Poursuivant mes réflexions, je parviens à mieux cerner mon mal-être actuel. Ses origines sont multiples et proviennent de mes relations à autrui. Il y a cette difficulté à gérer mon désir de liberté face à l'attachement possessif (j'aime pas ce mot) de Charlotte. Il y a cette crainte à investir une relation de complicité dont je mesure encore mal toutes les dimensions et nos attentes respectives. Il y a enfin le poids considérable de cette culpabilité, ce surmoi qui veille et essaie de brider mes velléités d'émancipation, par tous les moyens. C'est lui qui me questionne sans cesse sur mes attentes réelles, qui pourraient se cacher derrière de nobles raisons et une assurance apparente à la hauteur de laquelle je ne pourrais me tenir.

Fidélité, jalousie, sexualité, amitié, attirance, séduction, fantasmes, partage, idéalisation, amour, fusion, complicité, osmose... tout est devenu confusion depuis quelques temps. Depuis que Charlotte m'a signifié ses propres limites. Depuis... qu'un courrier (ooops...) m'a fait plonger à l'intérieur de mes incertitudes. Alors, je ne sais plus. Je suis perdu. Je cherche à débusquer le mensonge à moi-même. Je n'ai plus confiance en moi. Je crains toujours de me leurrer à mon insu (vous savez, cet inconscient qui berne le conscient...). C'est très éprouvant. D'autant plus qu'il m'est difficile d'en parler puisque le risque de blesser mes partenaires est grand.

Au milieu de tout ça, il y a ces gens qui vivent quelque chose de similaire. C'est rassurant. Une lectrice m'a écrit «Notre relation est sortie du virtuel et la complicité s'est transformé en l'histoire d'amour. Et oui moi aussi j'ai découvert que l'amour est pas un sentiment exclusif... Et nous aussi on est entièrement satisfait de nos vies en couple. Pourquoi alors on a besoin de ses moments de bonheur intense d'etre ensemble, de notre complicité et partage, je le sais pas répondre. J'ai essayé de discuter de cela avec ma meilleure amie qui m'a très sévèrement jugée et critiquée. Probablement il y a quelques mois si quelqu'un me faisait de mêmes confessions je réagissais pareil... On a la tendance de tout voir soit blanc soit noir. Mais dans la vie il existe aussi des autres couleurs, non?». Les exemples de ce genre sont nombreux (suffisamment pour me rassurer sur ma normalité, en tout cas...).

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Tout autre chose. Les week-end sont des moments de vie en famille privilégiés. J'aime voir vivre cette petite famille que Charlotte et moi avons créée. L'ambiance est très généralement agréable, détendue. Les rires fusent souvent. Notre fille de 16 ans est passablement délurée et ne cesse de dire des "bêtises". J'aime beaucoup ça (les pères craquent souvent pour leurs filles...) parce qu'elle paraît très vivante, très bien dans sa peau. Malheureusement on ne la voit que pendant les jours de repos puisqu'elle étudie loin. Peut-être qu'on ne l'apprécie que mieux? Nos deux garçons semblent tout autant épanouis et je crois qu'on peut légitimement être fiers de cette réussite. Si si, j'y tiens. Au fil des ans cet équilibre familial, propice à un épanouissement personnel harmonieux est devenu pour moi un objectif prépondérant. Ça ne paraît peut-être pas, parce que j'en parle peu en consacrant l'essentiel de ces écrits à mon propre développement personnel. Mais je sais aussi que c'est de celui-ci que dépend mon équilibre, donc partiellement celui de toute la famille.

J'ai encore en mémoire, très distinctement, l'attitude distante et autoritaire de mon père. Un comportement qui avait fait que nous fuyions sa présence. Dès qu'il rentrait le soir, nous disparaissions dans nos chambres, ou cessions la conversation en cours avec ma mère. Et il était habituel qu'ait lieu une engueulade pour je ne sais quel motif futile. Je sais que, par mimétisme, j'avais commencé à prendre ce comportement détestable. De façon bien moindre, certes, mais d'autant plus sournoise qu'elle était moins flagrante. Je ne suis d'ailleurs pas certain de m'être détaché autant que je le souhaiterais du système de l'autorité paternelle, elle même issue de la "domination masculine". Ce qui est certain c'est que mes enfants ne disparaissent pas lorsque je suis là, qu'ils apprécient et recherchent mon contact. Ce n'est sans doute pas parfait, mais tout de même très correct.

Récemment, je me suis rendu compte que (c'est un de mes échecs les plus douloureux) les difficultés que j'ai parfois avec mon aîné (problème de refus/abus d'autorité) étaient probablement directement issus de mes rapports avec mon père. Oui, c'est évident, mais je ne savais pas vraiment pourquoi. Et je pense avoir decouvert que... c'est parce que ce père autoritaire et distant... et bien... je ne l'aimais pas. Je crois même que je le détestais. Parce que jamais il ne manifestait son affection (du moins pas directement), mais trop souvent était en train de nous reprocher quelque chose. Seulement, je ne pouvais pas vraiment le détester puisque c'est lui qui nous faisait vivre, de façon fort correcte, qui nous offrait des vacances intéressantes à l'étranger, le ski l'hiver, qui nous permettait de réaliser nos projets. Mais il était aussi celui qui me "cassait" par son mépris, censé me faire réagir dans un sursaut de fierté (la mauvaise fierté). Bref, j'ai compris tout ça, mais cette culpabilité de l'avoir détesté m'est restée (à un moment donné, sa mort m'aurait laissé indifférent...). 

Le rapport avec mon fils, c'est qu'en ayant commencé, lorsqu'il était jeune, dans une logique relativement autoritaire, nos rapports ont toujours été marqués par une certaine distance. Que plusieurs fois j'ai supprimée en lui parlant de façon très proche, mais sans que ça ne suffise à effacer ce fonds de "distance" (qui n'existe pas avec les suivants). Et le lien évident que je fais... c'est que mon fils aîné pourrait ne pas m'aimer... Je ne pense pas que ce soit le cas puisque nous avons quand même un bon contact dans certains domaines. Il se confie assez volontiers à moi, et souvent davantage qu'à Charlotte. Mais en ce qui concerne directement nos rapports, il y a un silence. Il n'existe pas ce lien, ce "nous" relationnel. Et je sais que c'est de ma faute. Je n'ai pas su à temps briser le phénomène reproductif de ce dont j'avais souffert. Le modifier, l'atténuer, oui, mais pas le supprimer.

Le lien qui existe avec ce journal, c'est que si je suis parvenu à briser ce qui aurait pu être inéluctable, c'est parce que j'ai pris le temps de réfléchir en profondeur sur mes comportements. Et que si j'aborde des sujets qui n'ont aucun lien apparent entre eux, c'est souvent parce que ces liens sont bien cachés. Ainsi la mésestime de moi-même vis à vis d'autrui s'ancre dans le peu d'estime que montrait mon père envers moi. Mais pour parvenir à le comprendre, et l'accepter, il a fallu que j'aborde le problème sous toutes ses formes. Y compris l'angle de la séduction féminine, apparemment sans lien avec mon père ou mon fils. 

Et si encore aujourd'hui je me mets à douter si vite de moi avec une femme, ou quiconque, je sais que cela est en grande partie lié au doute de mon père en lui même qui, le conduisant à être autoritaire pour asseoir un statut dont il doutait lui-même, m'a empêché de prendre confiance en moi. Attitude directement dépendante de son enfance et des problèmes de ses parents.

Bon, je l'ai déjà écrit ici tout ça. Mais parfois j'ai besoin de retrouver cette fierté en moi (la noble fierté). Fierté d'avoir su atténuer un processus négatif. C'est ma plus grande fierté, et la seule qui vaille vraiment.

Merci de votre attention mesdames et messieurs (salutations bien basses)


PS: Et si j'ai maintenant besoin de m'émanciper en suivant un chemin de liberté, c'est aussi une façon de m'affranchir du modèle parental. Être à l'écoute de moi-même pour vivre en état de sérénité intérieure. La seule façon de ne pas transmettre aux autres nos névroses et divers comportements générateurs de stress.

PS 2: J'écris souvent longuement ici. Je sais que ce n'est pas forcément intéressant, mais je me dis que de donne de la matière brute et que chacun pourra y puiser ce qui lui convient. Ou rien. Je sais aussi que c'est un peu fou de raconter autant de choses si personnelles. Peut-être qu'un jour je m'en rendrai vraiment compte?

PS3: Y'a vraiment des jours où je me demande si je fais bien de mettre mes entrées en ligne...



«Habituellement, nous sommes charmés par l'atmosphère physique qui se dégage de quelqu'un, par les ondulations d'un corps, un jeu de regards et de sourires... Mais pas dans le cas des rencontres virtuelles.

Je ne pense pas que des mots écrits puissent remplacer, à long terme, des mots chuchotés. C'est pourquoi je pense qu'il faut se rencontrer dans l'urgence, sans attendre que les questions déferlent. Ces dernières naissent justement de la situation et tournent toutes autour d'un thème principal : va t-on se plaire?

Certains diront que peu importe le physique, que l'essentiel est ailleurs.... Je me demande bien où ! Il est à mon sens parfaitement utopique de croire que l'aspect physique n'entre pas en ligne de compte.

Celui-ci fait partie du grand Tout qu'est l'Autre et est indissociable du reste.»

Quelques mots passants (10/02/2003)



Intemporalité



Mardi 18 février


En cherchant un papier, je suis tombé sur le mail d'une lectrice qui s'inquiétait de mes tentations envers le libertinage. Il était daté de septembre 2000. J'ai été surpris de constater à quel point mes questions autour du sujet avaient peu changé. Je suis alors retourné lire mes entrées de cette époque, août et septembre 2000. C'est assez ahurissant de voir à quel point je peux me poser sans cesse les mêmes questions! A croire que rien n'avance dans ce journal. Pourtant, je sens quand même, dans les détails, qu'une lente évolution est perceptible. Certaines de mes questions d'alors ne me posent plus de problème aujourd'hui. D'autres sont apparues. Et enfin certains doutes le sont moins. C'est vraiment un changement de fond, mais trèèèès lent.

Ce qui me surprend toujours, c'est d'avoir oublié que j'ai pu me poser certaines questions, puis croire avoir découvert quelque chose ne nouveau... alors que je mentionnais dèja quelques années auparavant. Je devrais me relire plus souvent, ça m'éviterait de rabacher... Qu'il est long le processus d'intégration d'idées!

Oui, en fait c'est ce qui différencie mes écrits dans le temps: ce qui est un jour découverte devient au fil du temps quelque chose d'intégré. Et même si certaines questions demeurent inchangées, donnant une impression d'immobilisme, une foule de petits détails devenus acquis font que la question, même formulée de façon identique, est plus affinée. Aller vers soi, c'est élaguer peu à peu les détails pour se consacrer à l'essentiel (mouais, cette phrase ne me convient pas). C'est... épurer les questions. Euh... aidez-moi là...
Bon, tant pis, je trouverai une autre fois.

Alors devinez un peu ce qui me tarabuste maintenant?
Ben... c'est que cette impression de toujours répéter une grande partie des choses (90% de répétition et 10% de nouveauté?) me fait hésiter sur... l'intérêt de ce journal pour vous qui me lisez. En fait, je pourrais très bien recycler mes entrées d'il y a quelques années, ça passerait presque inaperçu, hé hé hé...
Non, j'exagère. C'est quand même différent. Même si une partie restait valable, je ne me reconnaîtrais pas vraiment dans des écrits périmés. Le contenu est plus ou moins goûteux, mais plus de la première fraîcheur.

Allez, honnêtement, il m'arrive bien souvent de douter de l'intérêt de mes écrits. Et je suis toujours surpris lorsque je sais qu'on me suit depuis longtemps. Vous êtes sympas... Faut croire qu'il y a quelque chose qui vous touche. Peut-être, pour certains, une sympathie qui amène à de la tolérance vis-à-vis de mon si lent cheminement (qui tient parfois plus du piétinement sur place...). J'ai des complexes par rapport à ces diaristes qui, tout en parlant d'eux/elles (surtout elles, vous le savez...), parviennent à aborder des sujets toujours différents. Et surtout à se limiter à une seul sujet. Tandis que moi... pfff, ce que je papillonne!
Bon, ça me complexe, mais je fais avec ce que je suis, hein! Un peu long (beaucoup? Ooooh, vous croyez?), pas mal tournenrond, et beaucoup égocentriste (ouais, mais ça c'est normal pour un diariste!). Ben oui, c'est moi. Et faut faire avec. Moi comme vous.

Alors, malgré ces imperfections, ben j'ai envie de vous dire merci de me lire. Parce que vous m'accompagnez vers moi, et que ça m'aide considérablement de sentir (plus ou moins distinctement) ces regards... euh... affectueux (affectifs?).

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Ce soir, avec mon aîné, on a passé un bon moment à discuter philo. En fait, il avait une dissertation à faire sur un thème du genre "Le beau est-il dans les choses ou dans le regard que l'on porte sur elles". Je l'ai déjà dit, je n'ai jamais fait de philo (soupir de frustration...). Mais lui ne savait pas comment lier ses idées. Je me suis posé... j'ai réfléchi devant ce sujet qui me paraissait bien vaste... ai écouté ses premières réflexions, quelques citations qu'il avait extraites... et j'ai laissé venir les idées.

Je pensais que j'aurais du mal à extirper quelques pensées, mais c'est le contraire qui s'est produit. Une avalanche d'idées qui s'enchaînaient les unes aux autres, des exemples à la pelle dans des domaines bien variés. Thèse et antithèse, ébauche de synthèse et ouverture vers des prolongements un peu audacieux... Pfiouuuu, je ne savais même pas que j'avais tout ça dans la tête. Je me suis surpris. Mon fiston était bien content de toute cette matière que je lui apportais, et moi je me régalais à laisser ma pensée cheminer dans des territoires que je n'explore habituellement pas. Je ne sais pas ce que valent mes idées, mais j'ai été très satisfait de voir avec quelle facilité elles venaient.

Bon, faut m'excuser, c'est la première fois que je me livrais à ce genre d'exercice... Il y a un coté exaltation.

Je regrette de plus en plus de n'avoir pas fait les études qui m'auraient permis d'étudier tout ça. Quoique... pour tout le côté références aux auteurs, je ne sais pas si ça ne m'aurait pas un peu pompé. Si j'avais le choix d'un métier à faire maintenant, je pense que je m' orienterais dans ce genre de voie. Ou psycho. Ou socio. Enfin un truc qui tourne autour de la pensée. Bah... je ne sais pas si c'est vraiment surprenant ce que je dis là...




Satisfait



Mercredi 19 février

Je repense à ce que j'ai laissé hier, au sujet de la philo. Ça peut paraître assez naïf de découvrir la philo à mon âge, pour ceux qui ont été initiés à l'age de 17 ans. Surtout pour les littéraires. Je crois que c'est une chance, vraiment, d'avoir accès à cette ouverture sur les grandes réflexions humaines. On devrait avoir de la philo dans toutes les classes, et bien plus tôt. C'est un éveil au sens critique et à des formes de pensée élargies. Mouais... sauf qu'on trouve des gens parfois bien puants parmi les privilégiés qui ont eu accès à la philo. Une forme d'élitisme méprisant. On peut être cultivé et méprisant, ce n'est hélas pas contradictoire (gros soupir...).

Par contre, ce que j'ai trouvé intéressant dans la looooongue conversation que j'ai eue avec mon fils, passionné par cette matière [je connais une prof de philo qui aimerait bien avoir des élèves comme ça...], c'est que, s'il se débrouille fort bien dans l'expression (belles tournures de phrases, emploi de mots justes, idées intéressantes), il lui manque forcément une "profondeur" de réflexion qui ne viendra qu'avec l'âge. Je le vois souvent paraître content de tout comprendre... puis perdre cette illusion lorsque mon expérience de vie fait la différence (c'en est presque gênant, cet "avantage" que j'ai sur lui). Sur le sujet d'hier, alors qu'il plafonnait dans ses idées, je lui ai ouvert des perspectives qu'il n'avait même pas soupçonnées. Je m'amusais de le voir boire mes paroles, l'air un peu fasciné. Je devais lui faire l'effet d'un prof. Ce qui ne l'a pas empêché de donner son point de vue lorsque nécessaire... mais ce qui avait pour effet de relancer encore plus loin les pistes qu'il ébauchait.

Bon, ça peut paraître prétentieux tout ce que je dis [en écrivant ça, je pense à d'éventuels littéraires vaguement hautains qui me liraient], mais je crois que c'est une vision assez objective des faits. Je n'ai pas de raisons de cacher ma satisfaction. Et tant pis pour ce qu'on pourra en penser...
Je ne me suis pas lancé ici dans l'expression de toutes ces pistes qui s'ouvraient, parce que mon journal n'a pas cette prétention, mais je crois que l'exercice m'aurait intéressé. Peut-être que... ça pourrait être une évolution de ce journal, dans l'avenir. 

C'est marrant comme on discute en ce moment. La veille, il m'avait demandé des explications sur le conflit qui se prépare. Sujet bigrement intéressant, et tellement complexe à appréhender. Ce qui me surprend (encore un p'tit coup de pommade) c'est que lorsque je m'entends parler je me rends compte que je ne suis pas aussi peu informé que j'en ai parfois l'impression. Avec une curiosité qui me pousse à aller voir dans plusieurs directions, je finis par avoir une vision assez élargie (quoique bien imprécise) des enjeux. Quant à donner des solutions toutes faites, bien loin de moi cette tentation. Je me borne à énoncer des faits, en tentant de m'abstenir de toute interprétation.

Bon, cette entrée est résolument placée sous le signe de l'auto-satisfaction. Hmmm, ouais, ça fait du bien de temps en temps. On ne peut pas prendre confiance en soi sans croire un minimum en ses capacité, n'est-ce pas?





Jeudi 20 février


C'est pas juste... Tout à l'heure j'avais plein de choses à écrire ici. Et puis je suis allé travailler et maintenant c'est parti.



Evasif



Samedi 22 février


Quelques difficultés à écrire ici, une fois encore. Manque de temps, d'une part, surexpression d'autre part. Par surexpression je veux dire que je m'exprime déjà énormément par ailleurs et je n'ai plus l'énergie nécessaire pour écrire ici. Je suis reparti à fond dans des réflexions qui vont chercher loin en moi. Autour de mes rapports intimes avec autrui. Tout un processus de compréhension est à nouveau enclenché alors qu'il avait été en sommeil depuis des mois (des années?). J'en parle beaucoup avec ma chère complice, ce qui déclenche ensuite des réflexions avec Charlotte, puis des remises en question en moi-même. Alors peu à peu je comprends l'écheveau très complexe qui existe dans ma tête.

Je ne sais pas si j'aborderai le sujet dans ce journal. Trop intime pour un journal intime en public. Et puis... peut-être que ça ne regarde que moi et que ce n'est pas forcément transposable sur d'autres. Quand on s'enfonce dans les profondeurs de soi, on devient unique. Parce que notre histoire, notre éducation, notre façon personnelle d'y réagir, le parcours de vie, tout cela fait que personne ne fonctionne vraiment de la même façon. Alors peut-être que je délivrerai par fragments ces clés de ma propre compréhension, lorsque je les aurai bien intégrées. Seules mes plus proches confidentes auront accès à ce que je comprends de moi, parce que cela interfère dans la relation que j'entretiens avec elles.

On me dit de temps en temps que j'ai une écriture très sincère, et il semble que cela apporte quelque chose, jour après jour, et selon l'écho pour chacun que prénsentent les thèmes que j'aborde. Pour cette raison, je n'aime pas bien rester évasif (comme aujourd'hui, précisément). Mais... je crois que je n'ai pas confiance dans tous les regards qui se portent ici. Je ne parviens pas à oublier certains jugement négatifs qui ont été émis sur mon écriture. J'en parlais justement avec une amie diariste et on en est arrivé à dire qu'on devrait mettre un gros FRAGILE rouge en tête de nos journaux. Fragile et à manipuler avec précautions. Souvent j'ai lu que des diaristes supportaient mal l'intrusion des lecteurs dans leur intimité. En fait, on ouvre aux regards notre jardin secret, mais il existe une barrière à ne pas franchir sans précautions. Ceux qui veulent entrer en contact le peuvent, si c'est pour partager des impressions. Mais pas pour asséner des avis sans y avoir été conviés. Je crois que c'est toujours mal perçu par les diaristes...


Juste pour la petite histoire: aujourd'hui je fête le troisième anniversaire des premiers pas de ce journal en ligne. Mais vu ce que j'avais écrit, cette date a peu de signification. Et comme tout cela est loin...



Gangrène



Lundi 24 février


Pendant très longtemps, j'ai douté de moi. De mes capacités, de mes compétences, de mes idées, de mes opinions... et surtout de l'intérêt que je pouvais susciter pour autrui. Avec un long, très long travail sur moi-même, je parviens peu à peu à trouver cette estime, indispensable pour vivre de façon un peu épanouie. Globalement, maintenant ça fonctionne à peu près. Depuis que j'ai appris à oser m'exprimer et aller au devant des autres je constate que je ne suis ni méprisable, ni même insignifiant (oui bon, il n'y avait objectivement aucune raison pour que je le sois...). Je me suis rendu compte (à ma grande surprise...) que je pouvais séduire, à la fois par ma personnalité et... disons ma présence. Que mes idées, si elles éveillaient parfois une certaine controverse, étaient aussi appréciées, et que, finalement, je laissais rarement indifférent [ouuff, c'est pas facile d'écrire des choses comme ça...]. Bref, je suis quelqu'un de normal.

Tout devrait donc aller pour le mieux, et c'est le cas la plupart du temps.

Sauf en quelques circonstances. Et notamment si on me critique (je me sens alors rejeté, et d'autant plus que j'estime le jugement de l'auteur). Ce n'est pas vraiment surprenant puisque cela reproduit ce qui m'avait persuadé de mon peu de valeur, autrefois. Mais il existe d'autres situations qui font que mes doutes éternels s'insinuent insidieusement dans mon esprit...

Ça peut partir d'un rien, un moins que détail apparemment totalement insignifiant, et puis se développer comme une gangrène. Un mot, un ton, un silence, un regard. Un infime petit quelque chose qui fait que tout d'un coup je me met à me poser des questions. «Pourquoi? Qu'ai-je dit ou fait qui pourrait expliquer cette impression que j'ai?». Mais comme je ne veux pas céder au doute, je n'en dis rien, avec la ferme volonté de ne pas me laisser gagner par cette impression mortifère. Par contre, l'inquiétude me pousse alors à lancer des signaux, poser des questions, orienter la discussion dans un sens qui puisse répondre à mes interrogations. Je n'ai de cesse que d'être rassuré. Dans ma tête les questions se bousculent et envahissent ma capacité normale de réflexion. «ai-je bien compris? Pourquoi est-ce que je me mets à douter?». Et puis ça devient «peut-être que j'ai déplu?, que j'ai déçu? que je ne suis pas à la hauteur de ce que l'autre aimerait/espèrerait? Peut-être que je ne plais plus? que l'on ne m'apprécie plus?». Ce statut un peu magique de l'entente entre deux personnes, qui tient par on ne sait quel miracle... et s'il venait à cesser, là?

Ce genre de questions m'assaillent tôt ou tard, dans toute relation, et de façon d'autant plus horrible que je tiens à la personne qui est en face. Par exemple, ça m'est souvent arrivé avec Charlotte (de moins en moins au fil des ans). Mais ça m'est aussi arrivé avec la plupart de mes relations internautiques les plus proches. Lorsque je sens que ça arrive, c'est une lutte contre moi-même, contre cette gangrène du doute qui me ronge. Mais jusqu'à maintenant je ne suis jamais parvenu à m'en sortir seul. Il a toujours fallu que je l'exprime pour enfin bénéficier du seul remède efficace: que l'on me rassure sur l'intérêt que l'on me porte. Et à la hauteur de la profondeur à laquelle je suis descendu (quelle exigence!!!). Donc parfois je me sais demander beaucoup, et de façon renouvellée, de ces signes qui pourront me rassurer. Il est arrivé que je n'aie pas su faire comprendre à quel point j'en avais besoin (je déteste être demandeur d'attention) et la gangène à gagné beaucoup de terrain. Au point que je n'ai plus pu retrouver la confiance initiale...

Je me demande si un jour je guérirai de cette maladie du doute. Je crains fort de devoir apprendre à vivre avec... et subir des rechutes régulièrement. Je me rends compte que pour accepter d'investir une relation avec moi il faut avoir la patience de supporter ces récidives. Parce que si je crois être capable de donner beaucoup, c'est en affaiblissant d'autant mes protections. Et la seule façon pour que ce virus du doute ne m'atteigne pas, c'est que l'autre ait le même degré de transparence que celui que je m'efforce d'avoir. Et c'est parfois beaucoup...

Alors, une fois de plus je me retrouve face à un paradoxe: c'est souvent ma sincérité qui plaît, mais cette confiance exige en retour la même sincérité. Or je sais que tout le monde ne parvient pas à verbaliser autant qu'il le souhaiterait. Vient alors fatalement un moment ou je vais "trop loin" en m'exposant beaucoup sans que l'autre ne puisse ou ne sache le faire autant. Tout ce que je donne de moi, sans beaucoup de retenue, fait que j'attends de l'autre (sans en avoir conscience au départ, évidemment) le même don de soi. Or plus je suis proche des gens, plus je vais loin... et plus j'ai besoin de ce retour. Le décalage est inévitable, un jour ou l'autre... même si parfois il faut beaucoup de temps pour qu'il se manifeste, rendant le degré de fragilité d'autant plus grand.

Mais le pire... c'est que je sais que c'est moi qui me place dans cette situation, en entraînant l'autre vers le degré de confiance auquel j'aspire. Or, idéaliste que je suis... ce degré est sans limites connues et je n'ai de cesse que d'aller de plus en plus loin. Ce qui fait que, quelle que soit la confiance que je peux acquérir (en moi et en l'autre), avec pour effet de me pousser vers davantage de sincérité, ce sera suivi par cette part de doute qui ressurgira. Plus j'ai confiance et plus je suis sincère, mais plus je suis sincère plus je deviens fragile... donc plus je suis vulnérable au doute. C'est sans solution.

Et je regrette, ô combien, d'entraîner avec moi ces personnes qui me font confiance. C'est déchirant de faire peser sur ceux qu'on apprécie le plus le poids du doute que l'on a... en eux. Parce que douter de soi, c'est douter aussi des autres. L'exact contraire de ce qui est recherché. C'est atroce...



«Mon travail consiste en grande partie à aider les gens à reprendre le pouvoir sur leur situation. Ma personnalité-même fait de moi une confidente idéale. J'aime être utile et j'aime les gens. J'aime les écouter, les comprendre, je trouve ça beau de constater les différences, je m'émerveille devant la beauté et le courage des personnes que je côtoie personnellement, virtuellement, professionnellement, familialement, humainement finalement. Mais enough is enough. Je ne me laisse plus manquer de respect. C'est assez.»

Insomnies chroniques (22/02/2003)





Sensations extrêmes



Jeudi 27 février


Depuis mon adolescence je suis à la recherche de la sincérité relationnelle. La mienne et celle des autres.

Pendant très longtemps je n'osais pas cette sincérité, restant dans un mutisme qui me dispensait d'avoir à affronter un rejet possible. Je préférais ne rien dire que courir le risque d'un jugement défavorable. Du même coup, je me privais des jugements favorables. Seules les personnes les plus entreprenantes, ou qui "sentaient" que derrière ce regard ténébreux se cachait une âme, parvenaient parfois à franchir la barrière. Surtout, je me privais de leur confiance, puisque c'est en donnant qu'on reçoit.

Depuis que j'apprends à oser, je mets a l'épreuve des autres cette sincérité qui me caractérise. Pour le meilleur... ou le pire. Parce que dès que je me mets dans un rapport de sincérité, j'en dis beaucoup. Et ça peut ébranler les rapports que j'entretiens avec celui ou celle qui les entend. Dans un sens favorable ou pas...

Le moins difficile, c'est la sincérité positive: dire ce que je ressens, parce que je me sens en confiance. Généralement cette sincérité touche. Parce que la confiance que je donne et la sensibilité que je dévoile font plaisir à celui à laquelle elle est destinée, comme un privilège. La plupart du temps cela déclenche un retour en confidences. Il est arrivé aussi que je me trompe sur la confiance que je pouvais avoir, et là ça m'a fait plutôt mal. Mais c'est rare. Très rare. Le cas s'est produit avec Laura, cet amour démesuré de mon d'adolescence, lorsque j'ai entrepris de lui révéler ce que j'avais toujours caché.

Le plus difficile, c'est la sincérité qui consiste à dire ce que j'ai sur le coeur... tout en sachant que cela peut blesser ou faire souffrir. Hélas, il y a parfois ce passage obligé. C'est la sincérité nécessaire, afin que l'équilibre relationnel soit sain. Je suis passé par là lorsque j'ai senti que je m'éloignais d'Inès, cette femme avec qui j'avais pourtant eu une relation forte. Et ces jours-ci, je dois aussi passer par cette franchise nécessaire, douloureuse, afin de clarifier une relation. J'avais eu le tort de ne pas être sincère dans toutes les dimensions de cette relation, justement par peur d'être blessant. C'était reculer une échéance incontournable...

Il y a enfin la sincérité aventurière, assez exaltante, mais qui fait parfois peur par l'enjeu qu'elle représente. Vouloir ne rien cacher (à défaut de tout dire) de ce que je ressens de la présence de l'autre. Être le plus transparent possible. C'est un pari un peu fou, qui met dans une position de vulnérabilité extrême... mais procure des sensations à nulle autre pareille. Elle nécessite une confiance absolue, ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement difficile à maintenir en permanence. D'autant plus que chaque degré supplémentaire atteint dans cette sincérité partagée ouvre sur de nouvelles protections intimes... donc vers un degré encore supérieur de confiance. C'est grisant. Cette confiance mise en danger procure des sensations parfois intenses. Des plaisirs immenses... et des peurs profondes. J'aime. C'est vivant. Ça ressemble à ce qu'on peut ressentir dans les sports extrêmes, comme l'escalade en haute montagne. Vertige, peur, exaltation et jouissance en même temps.

On ne s'aventure pas à la légère dans la sincérité de haut niveau. On ne l'impose pas aux autres non plus. Il n'est pas question de balancer ce qu'on à dire et disparaitre ensuite en laissant l'autre planté là. Être franc, ce n'est pas être un goujat egoïste, trop de gens l'oublient. La sincérité, ça ne se pratique pas seul, mais à deux, ou parfois un peu plus. On s'entraide, on se soutient, on se rassure, on s'explique. C'est s'engager à une certaine solidarité.


Je sais que je me dirige vers davantage de transparence et de sincérité. C'est sans doute mon destin (si ce mot signifie quelque chose...). Il y a trop longtemps que je rêve de toucher à cet essentiel des gens pour que je doute de cette aspiration profonde. Je ressens un tel plaisir, quasiment physique, lorsque se manifeste la confiance de l'autre dans ce qui le touche le plus profondément. C'est parfois beau à pleurer cette confiance, ce don de soi. Bonheur ou tristesse, l'émotion que je ressens est similaire. Emotion pure. C'est bon...

Il y a la quelque chose qui touche à l'amour universel. Ou l'amour du prochain. Quelque chose de ce genre...



«Je suis embêtée. Je croyais obscurément que quand je me serais suffisamment étudiée, quand j'aurais compris comment je fonctionne, ben, ça irait forcément mieux. C'est un peu le cas, mais pas vraiment. J'ai beaucoup analysé toutes ces "choses" qui font que je ne me sens pas souvent bien (c'est pas clair mais c'est voulu)... J'ai l'impression en tous cas de les avoir bien décryptées... Je sais ce qui cause ces espèces de crises de rage, je sais ce qui cause ma mélancolie sourde, ma tristesse...»

Immediate Purple Lifestyle (12/02/2003)





Mois de mars 2003