Septembre 2003
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Décroché



Mardi 2 septembre


En consultant les liens d'accès à ce journal (comme tout diariste curieux de ceux qui le lisent), je suis tombé sur le compte-rendu d'un groupe de travail: «Ecritures hypertextuelles». Parmi les intervenants figurait l'auteure d'une thèse sur les journaux intimes en ligne qui avait contacté quelques-uns d'entre nous l'an dernier.

En lisant ce texte, je me suis rendu compte que j'avais largement décroché de mes réflexions sur ma pratique de l'écriture, tout occupé que je suis dans mon aventure intérieure. Et en vivant à fond le coté "relations virtuelles" dans ce qu'elle peut avoir de moins virtuel, j'ai délaissé le reste. Bon... c'est comme ça, hein. Je ne vais pas me forcer et mon cheminement suit son cours. Peut-être y reviendrais-je ultérieurement. Pour le moment je vis quelque chose de bon et j'essaie de le vivre pleinement.

Je crois que, comme beaucoup certainement, j'aurais exploré bien des domaines où ces "relations virtuelles" s'exercent. Je pense être parvenu à ce qui me convient le mieux. Un rapport intime et durable, des amitiés basées sur ce principe, ou simplement des relations d'estime et respect mutuel. J'ai su prendre la distance nécessaire avec les espaces d'expression anarchique où les rapports humains ressemblent bien trop (voire sont pires...) à ce qui se passe dans la vie réelle. En fait, j'ai constitué autour de moi une sorte de bulle de paix, un monde choisi, et je m'y sens bien. J'ai trouvé ma place dans ce monde virtuel que je suis loin d'avoir largement exploré.

Ce que j'y vis est partie intégrante de ma "vraie" vie. Je ne dissocie plus les deux, sauf pour en parler. Ma vie est en partie dans le monde sensoriel, et en partie dans le monde... (pfff, je n'ai toujours pas trouvé de mot qui me convienne)... euh... scripto-visuel? Ah, voila: écrivisuel! Je le vis très bien, sans aucune gêne. Si j'en parle assez peu à mes connaissances "terrestres", c'est parce que je crains les regards soupçonneux et que je n'ai pas envie de chercher à convaincre. Parfois je tente quelques mots, et si je sens un accueil réceptif je poursuis. Si je sens une réticence, je n'insiste pas. Inutile...

Par ce genre de rapports, qui m'ont permis de m'affranchir d'une certaine timidité (en était-ce vraiment?), je me suis ouvert au monde relationnel. Je crois que j'ai vécu un changement extraordinaire (loin d'être achevé) qui est surtout perceptible en moi. Mais je sais aussi que mes rapports à autrui dans le monde réel ont changé. L'assurance que j'ai trouvé dans l'écrivisuel [hé hé, y'm'plaît ce néologisme] a boosté mon estime de moi, ce qui se constate nettement dans le sensoriel. A chaque occasion je me rends compte que je sais bien mieux qui je suis... et ce que je ne suis pas. De loin, je reste toujours quelqu'un assez discret et réservé, mais intérieurement je ne le vis plus comme une tare. Je sais pourquoi je suis comme ça, et je sais aussi que ça me convient. C'est significatif des rapports que je veux avoir avec les gens: intimes. Je fuis la superficialité beaucoup plus aisément, et me lance plus volontiers dans l'expression de soi. Parfois, je me découvre même un rôle moteur dans ce domaine.
Je me sais apprécié, écouté. Et au lieu de suivre, d'imiter, de me sentir à la traîne, je me sens parfois seul sur mon chemin... mais par choix. Parce que convient et que c'est une route choisie.


J'avais eu la même tendance en me lançant dans le diarisme en public. Petit nouveau, je m'inspirais de ce que faisaient les autres, et puis finalement je crois que j'ai trouvé mon style personnel. Je me sens "autonome", moi-même, bien dans ce journal (ouais, même si régulièrement je m'inquiète du regard que l'on peut porter sur moi). Ça ne signifie pas pour autant que je sois satisfait de ce que je fais, mais j'accepte bien de ne pas y parvenir. Je sais que c'est un "travail", et pas quelque chose d'abouti. Je suis encore en recherche et je ne m'essaie que rarement à une écriture posée, réfléchie, travaillée. Je le fais davantage qu'auparavant, depuis que je m'y suis autorisé, mais c'est toujours quelque chose d'assez sommaire. Je n'ai pas le temps de peaufiner puisque mon but est d'exprimer, d'extraire, de sortir de moi. Alors je me contente d'apprécier le talent de mes condisciples...

D'ailleurs... peut-être que ce moindre intérêt pour le diarisme et ma propre démarche est aussi affaire de temps? J'ai trop à vivre pour me perdre dans ce genre de réflexions. Toute mon énergie vitale se concentre sur l'essentiel, le plus vivant, le plus passionnant.

Tout simplement... je vis.




«On a beau trouver toutes les excuses possibles (je fais ça pour m'entraîner à l'écriture, pour le coté thérapeutique, pour me lancer un défi à moi-même), il y a rarement des diaristes épanouis, mariés/2 enfants. Plutôt beaucoup de célibataires en quête de sens..»

Journal sous Prozac (26/08/2003)





Rentrée



Mercredi 3 septembre


C'est la rentrée. Tout d'un coup la maison se vide. Trois enfants dispersés chacun de leur coté. Le dernier, encore au collège, sera désormais seul avec nous le soir. L'aîné, avant de rentrer à l'université, vient de partir en voyage avec son amie, et notre fille a intégré le lycée où elle est interne. En deux ans, nous sommes passés de trois enfants à la maison à un seul. C'est ainsi, c'était prévu.

Il n'empêche que ça fait tout drôle...
Dans quelques années, nous ne serons plus que deux en semaine. Et ensuite deux toute l'année... Je pense que c'est à ce moment là que l'on comprendra ce qu'on vécu nos propres parents lorsqu'on les a quittés. Mais... nous n'en sommes pas encore là!

En emmenant ma fille (son lycée est à deux heures de route), nous avons très longuement parlé. J'aime beaucoup le contact que nous avons tous les deux. De mes enfants, c'est avec elle que le dialogue s'est le mieux installé.
Nous avons abordé le sujet du développement personnel et de la communication relationnelle. Elle découvre tout ça avec des bouquins qui la passionnent. Je la sens très réceptive et curieuse, attentive et prête à se poser des questions.
Par glissement de sujet nous en sommes venus à aborder la timidité, puis les relations d'amitié, et enfin celles d'amour. Charlotte lui avait récemment expliqué qu'elle vivait mal ses taquineries au sujet d'un supposé "amant". De fait, cet homme plaît (voire un peu plus...) à Charlotte et l'humour de notre fille à ce sujet la dérangeait. J'ai saisi l'occasion pour dédramatiser la chose en lui montrant que je n'en ignorais rien et que ce genre d'attirance était bien normal, et très répandu. Je n'ai pas hésité, puisque le sujet s'est présenté, à lui présenter ma nouvelle façon de concevoir les relations proches, ainsi que la possibilité de vivre plusieurs amours dans une vie, y compris simultanément, y compris au sein des couples. 
Je crois que cette vision des choses a retenu toute son attention. Tout lui semblait bien plus simple que l'imagerie qu'elle en avait, véhiculée par tout le système culturel dans lequel nous baignons. Elle même a orienté la discussion vers l'homosexualité (une des ses amies vivant ce type de relation) et elle semblait soulagée de m'entendre conforter ses opinions.
A l'issue de notre trajet elle était toute contente et pleine d'optimisme

Je dois dire que je suis encore surpris lorsque je m'entends penser sous cette forme, désormais sans aucune gêne. J'en déduis que j'ai entièrement intégré le concept.

____________


Une conversation téléphonique avec nathalie, isolée depuis qu'elle est en vacances, nous a permis de préciser les modalités de notre rencontre. Alors que je bredouillais un peu, hésitant sur quelques détails pratiques restés très flous mais... qui n'étaient pas sans incidence sur des questions que je me posais, j'ai pu constater une nouvelle fois la grande sérénité de ma complice.
Elle a su, en quelques mots, me mettre totalement à l'aise. Je me rends compte de son étonnante capacité d'adaptation au sein de notre relation. Et je reste admiratif du grand respect qu'elle manifeste tout naturellement par rapport à tout ce qui pourrait susciter la moindre gêne chez moi.

Car... ce n'est pas parce que je n'écris pas à ce sujet que je n'y pense pas...





Retrouver mon intimité



Jeudi 4 septembre


«Ce n'est pas parce que je n'écris pas à ce sujet que je n'y pense pas...», ai-je écrit en fin de mon texte d'hier. Et puis j'ai gardé le tout, une fois de plus. 
A nouveau j'ai du mal à écrire ici, ou à mettre en ligne.

Un journal est parfois bien peu représentatif de ce que l'on vit. Je peux très bien passer l'essentiel de mon temps à cogiter sur un sujet qui tient une place considérable sans qu'une seule ligne ne le laisse penser. Mardi par exemple, pour contourner le problème, j'ai mis en ligne un texte écrit la semaine dernière. Je l'avais gardé en réserve, l'actualité étant ailleurs ce jour là.

Je peux aussi passer des heures à écrire... et le garder pour moi. Ou bien communiquer dans d'autres sphères que celle du diarisme. M'ouvrir vers d'autres tout en gardant mon intimité secrète. Car c'est bien de cela dont il s'agit: ce journal, actuellement, ne me convient pas. J'ai besoin de communiquer mais pas en face de gens qui me "connaissent". Je veux retrouver mon intimité. Je ne veux pas craindre de jugements, ou des mails qui me poussent dans des réflexions prématurées (même si cela peut m'aider quand même).

Car il y a quelques jours, suite à un message délibérément provoquant que j'ai reçu, j'ai eu un échange de courriers qui m'a plongé dans une série de questionnements qui, depuis, me taraudent. Il y a eu un coté "viol de conscience", puisque j'ai été contraint, une fois lu ce message, de lire en moi les idées qui affluaient. Des idées que j'avais volontairement choisi de ne pas élucider seul. Or, depuis, les questions m'assaillent. Et je me suis trouvé seul pour y faire face.
Peut-être était-ce nécessaire de me pousser dans ces réflexions? Peut-être était-ce superflu? Je ne sais pas bien.
Lorque c'est arrivé, il m'était impossible d'en parler avec Charlotte, car le sujet est sensible, impossible d'en parler avec nathalie puisqu'elle n'est joignable que par intermittence. Difficile d'en parler à des gens qui ne vivent pas le genre de situation dans laquelle je me trouve... Alors j'y ai réfléchi en solitaire. D'ailleurs, ça ne regardait que moi. Cela n'a peut-être pas été un mal puisque ma réflexion n'était orientée par personne.

Je me suis quand même tourné vers des sources d'échange anonymes. Par le biais d'un forum inconnu j'ai pu partager quelques réflexions dénuées de tout rapport affectif, donc a priori sincères. Content de lire que mes paroles étaient bien perçues et que ma façon de vivre la situation faisait parfois l'admiration (wow, ça fait du bien!).

J'ai aussi profité d'un courrier de mon amie Inès (cette femme avec qui j'avais eu une relation forte il y a quelques années), pour partager un peu avec elle mes questionnements. Celle-ci m'a encouragé vivement à suivre mon chemin, à être moi-même, comme elle même le fait depuis quelques années avec un bonheur apparent. J'ai été enchanté de sa réaction, celle de quelqu'un qui me comprend et ne me juge pas..
Je suis heureux d'avoir pu garder ce contact épisodique avec elle. Nous avons maintenu une très grande confiance l'un en l'autre, même si nous ne partageons plus que rarement. Elle fait partie des vrais amis que je me suis fait sur internet. Sans doute plus proche que bien des amis du monde terrestre...


Tout ça pour dire que... et bien ce n'est pas une démarche qui se fait sans états d'âme que de rencontrer, au su de la femme que j'aime, une autre femme aimée. Ce n'est "facile" pour personne, ni pour Charlotte, ni pour moi, et ça ne peut fonctionner que parce que je suis convaincu, intimement, du coté "beau" de cette relation. C'est ce qui me donne la force de combattre les barrières morales si solidement ancrées en moi.

Et ça marche! Je me rends compte des effets surprenants de cette réflexion intensive: sur le forum que je viens d'investir, je me surprend (comme hier avec ma fille) à décrire ma façon de voir l'amour, la fidélité, la dépendance, le dialogue... de façon totalement nouvelle. J'ai fait miennes des idées tellement ouvertes sur les relations affectives que j'en suis étonné. C'est à ces moments là que je me rends compte de tout le travail qui s'est effectué en moi depuis que je partage cette relation parallèle avec nathalie. Le résultat est assez sidérant.

Et de constater cela me renforce encore dans mes convictions de suivre ce chemin qui me semble mien.

Il me reste quelques jours pour réfléchir sur les derniers point de questionnement. Car je veux vivre cette rencontre en toute sérénité, sans culpabilité, sans regrets ultérieurs. Je veux agir en pleine conscience, et trouver avec nathalie ce qui nous semblera le mieux entre nous. Pour cela, et puisque les questions sont désormais là, il faut que je sois clair avec moi-même auparavant. Je m'y emploie.
La conversation que j'ai eu hier avec nathalie m'aura aidé dans cette démarche personnelle.

Je veux être fier de ce que nous aurons choisi de vivre tous les deux. J'ai confiance en elle, et en nous, pour cela.






Morale ou conscience?



Vendredi 5 septembre


Réfléxions autour de la séance psy 3.7

[Je n'ai pas fait de compte-rendu des dernières séances parce que... elles préparaient le sujet que je vais précisément évoquer ici]


J'ai réfléchi... [ça c'est pas nouveau...] Y'a quelque chose qui va pas, c'est certain. Si je me retrouve partagé entre besoin d'intimité et narration précise, si je bloque mes écrits ou m'autocensure... c'est que j'ai quelque chose à cacher.

Quoi donc?

Ouais, ben je sais bien ce que c'est...
Un truc tout simple, tellement évident que je ne le vois pas. Euh.. que je ne veux pas le voir.
Qu'est-ce donc que j'aurais à cacher, avec quoi ne serais-je pas à l'aise, qui perturbe mon raisonnement et prend des proportions démesurées?

Un truc qui m'a toujouuuuurs dérangé.

Si j'y songe, je me rends compte que c'est même principalement par rapport à ce sujet précis que j'ai pu craindre que ce journal soit un jour découvert par mes proches. Peut-être même uniquement par rapport à ce sujet là.

[mais c'est quoieuhh?]

Pourtant il m'est arrivé d'en parler... et je garde en mémoire certains passages qui datent de deux ou trois ans. Les premiers trucs "audacieux" (pour moi) que je laissais passer sans filtre. Je me souviens aussi du mélange de satisfaction et de mal à l'aise que j'en ai ressenti une fois mis en ligne.

C'est un sujet dont parfois je parle relativement facilement avec des proches... mais uniquement sous des aspect archi-normaux, ou pratiques. Pas question d'explorer des domaines un peu moins... un peu plus... enfin bref, en rapport avec une idée de morale. Pas question de me mettre en position d'être jugé.

Bon allez, je le dis. Ce sujet c'est... c'est... le sexe! [hey, ça va pas? Il veut nous faire sursauter?]

Ou plutôt... ma sexualité et son rapport avec le coté moral qui y est attaché.

Ben ouais, si parfois je ne parviens pas à écrire c'est à cause de ma sexualité moralisée. Bizarre non? Pas tant que ça... et je ne suis pas le seul dans ce cas là.


Réfléchissons...

Sans revenir sur mes blocages les plus anciens [on n'a pas que ça a faire, hein...], qu'est-ce qui s'est passé au début de l'été, lorsque nathalie m'a parlé de cette éventualité de rencontre? Quelque chose d'ambivalent, comme je l'ai déjà énoncé: mélange de désir et de peur. Peur de quoi? D'aller vers quelque chose qui, peut-être, éventuellement, mais pas forcément, si toutes les conditions sont requises [pfff, accouche!], euh... très très très loin dans les possibles, pourrait peut-être exister entre nous: relation sexuelle [aaah, il l'a dit clairement!]

Mais je n'en ai évidemment pas fait mention... puisque j'en avais peur [chuuut, surtout ne pas en parler!]. Et lorsque mon écriture s'est bloquée, la véritable raison n'était pas que je me trouvais face au choix de la rencontre ou pas. La vraie de vraie raison allait au delà de cette rencontre, elle anticipait dèjà tous les possibles... dont le "pire" [ou le meilleur, selon la voix intérieure que tu écoutes, hi hi...].

En réfléchissant intensément [boah, l'autre...] pendant mes vacances, j'ai pu m'affranchir de cette peur en me concentrant sur le coté plutôt "amitié" de notre relation, le coté "beau", "propre", "pur" [notez bien les qualificatifs...]. Mais tout en sachant que je me mettais en position euh... risquée. Si j'ai pu le faire, c'est parce que la nature de notre lien me donnait la force de surmonter ce risque redouté/désiré. La confiance que j'ai dans notre relation, donc en nathalie et en moi, faisait que je ne pouvais pas refuser cette rencontre. Et puis... je me suis écouté et je savais que j'en avais envie avec une force incroyable. S'il m'a fallu autant de temps de réflexion, c'est parce que je voulais être prêt à franchir la barrière morale sans aucune culpabilité. Alors une fois que j'ai passé en revue tous les pour/contre, je savais où était le chemin, sans plus aucun doute.

Bon... au loin restait encore ce point inconnu (sexualité), mais je nous faisais confiance pour trouver le mieux de ce qui nous conviendrait. Et si nous n'avons pas du tout parlé de ce "possible", c'est en toute complicité, en toute conscience. Nous ne l'avons pas fait parce que je crois que nous avons eu suffisamment confiance en... notre confiance réciproque. Confiance entre nous, confiance dans le respect que nous aurions l'un pour l'autre, confiance dans le ressenti de la rencontre.

Il ne restait plus qu'à attendre que ce jour arrive...


Tout aurait pu en rester là si je n'avais pas été interpellé sur cette possibilité [... de quoi? dis le, mais dis le!] euh... de sexualité... qui restait en filigrane dans mes écrits. Je n'en parlais pas vraiment... mais un peu quand même. Bref, c'était "là", dans mes préoccupations.

L'interpellation, vulgaire et assez maladroite, évoquait crûment cette realité que je repoussais à plus tard. Le problème se trouvant désormais vomi devant mes yeux... il fallait bien que je m'en occupe [mais c'était pour ton bien, allons...]. C'est ce que j'ai fait, notamment en allant sur ce forum que j'évoquais hier. Ce qui m'a permis de mieux savoir ce que je désirais vraiment, et quels étaient mes blocages.

Il y avait des points de vue assez ouverts, curieux de ma démarche et touchés des précautions que je prenais pour un acte aussi banalisé. Mais l'un de mes interlocuteurs à tenté de me rappeller les règles morales d'engagement du couple, on m'a aussi parlé d'honneur... de responsabilité... et puis de fidélité, de jalousie, de souffrance. Et enfin de don de soi, et "sexualité réservée au conjoint". Un conglomérat qui mélange amour, sexualité et morale. Ouais, justement le genre de truc qui ne me convient pas et qui me plonge dans toutes ces réflexions.

Car c'est exactement avec ce modèle là que j'ai été gavé (empoisonné, devrais-je dire). Et ça ne colle plus du tout avec ce que je découvre peu à peu. Amour, sexualité et morale sont dissociables, même s'il existe des liens entre eux [ouaiiis, la belle découveeeerte!!].

Et tout mon problème actuel est de vaincre mes réticences, hyper-imprégnées et super-solidement ancrées.
L'ensemble se cristallise sur ma rencontre avec nathalie. Car je me trouve à ce tournant de mon existence où tout peut me devenir possible. Où se heurtent mes convictions nouvelles contre une morale héritée, manifestement inadaptée à mon évolution.

En fait, le dilemme qui se présente est le suivant: Faut-il que je suive une morale (laquelle?) ou bien ma conscience?
Essayez d'y réfléchir, vous verrez que ce n'est pas forcément simple... (tiens on pourrait en faire un sujet de philo).


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Auto-analyse du rapport entre amour, morale, et sexualité
[seulement pour ceux que la démarche intéresse. C'est looong]



Je vais tenter d'expliquer un peu ce qui se passe. C'est assez complexe car tout est imbriqué. Je vais essayer de bien séparer les choses et de ne pas partir dans tous les sens.

Trois éléments fondamentaux s'entrecroisent et interagissent dans l'épanouissement que je recherche:
Amour, morale, sexualité



Amour

1 - J'ai construit avec Charlotte un couple, puis une famille. Je me suis épanoui dans ce projet commun, et je crois que je parviens, en évoluant peu à peu, à quelque chose de bien. Tant pour notre couple de moins en moins fusionné, que par rapport à nos enfants. Allez, n'ayons pas peur des mots: c'est une réussite... et j'en suis très fier.

Je tiens donc à ce couple et à cette famille. J'y trouve, et contribue à donner, du bonheur.
Ça c'est du tangible, du concret. Le socle sur lequel je batis ma vie.


2 - J'ai rencontré une femme que je trouve extraordinaire. Nous construisons tous les deux une relation bien spéciale, qui pour moi n'est ni "amour", ni amitié. Parfois je dis qu'elle est les deux, mais je crois bien que je peux dire qu'elle contient surtout de l'amour euh... pur (non-amoureux quoi...). Je veux parler de ce sentiment qui ne se nomme pas mais irradie de l'intérieur. Quelque chose de léger et profond, tour à tour transparent et dense, partout et nulle part... Bon, ça ne s'explique pas si on ne le vit pas.
Quelque chose de merveilleux. Rare et précieux.

Je tiens à cette relation. J'y trouve un profond bonheur et j'en donne.


3 - Je vis ces deux relations en parallèle, avec deux formes d'amour différentes mais nullement concurentielles. Aucune des deux ne surpasse l'autre, mais chacune est plus forte en son domaine. C'est pour moi une évidence. En mon âme est conscience, j'aime deux femmes.

Et, chacune à sa façon, ces deux femmes... m' aiment. [wow, y'en a qui ont de la chance quand même!]




Morale

Je dois distinguer celle dont j'ai hérité et celle que je me choisis.


A - Morale inculquée (historique et fondatrice)

1- morale du [couple + famille] (ouais, c'est fourni en pack, indissociable)
Elle est très forte et a toujours agi contre toutes les attirances que j'ai pu ressentir envers d'autres femmes. J'étais marié et c'était pour la vie, la fidélité n'était pas en option (hi hi, j'ai laissé l'imparfait, assez révélateur...). Donc... on ne regarde pas à coté! Oeillères obligatoires. La culpabilité du désir de transgression fait aussi partie du kit.

[Ce qui n'est pas dit dans le contrat, mais qui devrait être marqué en tout petit, en bas:
Aliénation irréversible (sauf séparation). Possession de l'un par l'autre, perte de liberté d'être soi, obligation de tenir pour les apparences. T'as signé pour en chier et c'est trop tard, hyerk hyerk hyerk]


2 - morale sexuelle
Encore plus forte que la précédente. En simplifiant (mais non formulé...): la sexualité c'est très sale (cacabeurk)... sauf dans le couple harmonieux et épanoui, fidèle, dans le respect mutuel [et gna gna gna, vous voyez le genre]. Là, la sexualité deviendrait sublimement belle, voire d'inspiration divine [halleluia...]. Je passe sur l'absurdité du laid qui devient beau, ou inversement [soupir résigné...].



B - Morale personnelle (choisie et en cours d'actualisation)

1- morale du couple
Liberté. Autonomie personnelle. Aimer l'autre c'est vouloir son bonheur. L'amour n'attend pas de l'autre, ne demande pas, n'exige pas. Fidélité à soi-même. Conjonction du désir d'être ensemble. Partage de deux individualités qui se construisent l'une l'autre, chacun gardant son autonomie de pensée et d'acte. Responsabilisation de soi... [en résumé vite fait...]
Bref, un peu comme l'amitié, quoi.

2 - morale de la famille
Elle est liée au couple, d'une certaine manière, mais reste autonome.
Pour moi c'est là que toute la notion de fidélité et de responsabilité prend son sens. Fonder une famille, mettre au monde des enfants, s'est s'engager moralement envers eux et leur avenir. C'est une mission très importante à laquelle on n'a plus le droit de se dérober ensuite. On a choisi de contruire de futurs adultes et c'est la plus belle et la plus importante tâche qui soit.

[Nota: bien distinguer famille et couple!]

3 - Morale sexuelle
Y'a bon sexe! La sexualité est un des plaisirs de la vie et il serait bien con de s'en priver sans raison majeure. Du moment que les partenaires sont consentants, et quelle que soit la façon dont ils ont envie de le pratiquer: baisons et jouissons!

Mais... personnellement, je ne peux pas (pas encore?) renier ma culture (à moins que ce soit fondamentalement ancré en moi?): le sexe ne peut exister pour moi sans attirance, sans partage, voire sans sentiments. C'est comme ça et je ne suis pas capable de le voir autrement.

Ce qui implique donc, par une habile déduction [qui arrive fort opportunément]... qu'avec sentiments le sexe pourrait exister [ah ouiiiii?]. Mieux: la sexualité est un prolongement naturel des sentiments. Ça, je le ressens intimement. En mon âme et conscience.

L'observateur attentif aura noté qu'il n'existe pas d'incohérence entre mon désir de sexualité et ma morale du couple. Il ne devrait donc pas y avoir de conflit interne. Et pourtant...


C'est là qu'entre en jeu une nouvelle problématique:

La toute nouvelle morale personnelle (conscience) se trouve être en contradiction avec la lourde et ancienne morale inculquée (héritage empoisonné transmis par les parents). Or... passer d'une morale à une autre ne se fait pas sans conflit, avec parfois de forts points de résistance.


Observons de plus près ce qui se passe...

Je cherche à devenir moi-même en écoutant mes désirs [c'est plutôt louable, non?].
Mais mes désirs personnels sont en conflit avec la morale héritée.

===> Il faut résoudre le conflit interne

- soit en renonçant aux désirs personnels, donc en allant à l'encontre d'une démarche d'appropriation de soi [c'est franchement con, non?]
- soit en renonçant à la morale héritée... donc en entrant en conflit mental avec ceux qui l'ont transmise [aaah, voila une piste qu'elle est intéressante...]


La nouveau conflit devient alors:
- soit avoir peur de s'affirmer face à une soit-disant "bonne morale" [pfff, plutôt nul, ça...]
- soit oser affronter ce conflit, toujours pour une appropriation de soi [ouaaais, ça c'est bien!]

Or s'affirmer, c'est prendre le risque (éventuel) de déplaire, d'être jugé, critiqué, voire rejeté. Rejeté par les gens à qui on voudrait plaire [ah oui, forcément, si on veut plaire à tout le mode...]. Et en l'occurence par des personnages fondateurs: les parents, et notamment la mère-morale [oh la la malheur de malheur!!!].

Peur d'affronter la mère = peur du rejet de sa part
Peur du rejet = peur d'être abandonné? perdu? Sentiment enfantin, manque de confiance en soi, pas vraiment adulte [hé!on n'a plus besoin de sa mère quand on est adulte]

De quoi? Je ne serais donc pas un adulte autonome? Je ne serais pas capable de penser par moi même? J'aurais besoin de l'approbation de ma maman avant de faire quoi que ce soit? [même pour partager le lit d'une femme, hi hi hi]

A quel à âge? Quarante-deux ans?????? Hein??? Mais ça va pas du tout ça! Il est temps de prendre mon autonomie de pensée [tiens, y fait sa crise d'ado...]. Et de dire merde à une morale dans laquelle je ne me reconnais plus, même si elle est largement majoritaire dans la société (la majorité de pensée n'a jamais été un bon argument).

Donc... si je suis libre de mes choix... je fais ce que je veux (après tout, ça ne concerne que moi).
Donc... si je ressens le désir de suivre mes envies, quelles qu'elles soient et du moment qu'elles ne nuisent à personne, je peux le faire. [ben oui, eh, patate!]

Donc... si j'ai envie d'un partage intime avec une femme [se-xu-el, dis-le!], un partage sexuel [aaaah], et qu'elle le désire aussi, je peux le faire. [pfouuu, ça y est, il a compris...]


Hein? Que dites-vous?
Aaah, encore faut-il que ma femme l'accepte...

Ben... puisque dans le couple tel que je le conçois on ne se possède pas, mais qu'on partage du bonheur à être ensemble, je ne vois pas où est le problème [ouais, y fait semblant de pas comprendre, mais c'est exprès]. Après tout... on laisse bien l'autre libre de penser, libre d'aller et venir.
Serait-ce restrictif?
Serait-on libre... sauf pour certaines choses?

Du genre... ne pas penser à un autre que le conjoint [hooouu, possessif!]
Ou... ne pas regarder un autre [hooouu, possessif!]
Ne pas aller vers un autre [hooouu, possessif!]
Ne pas toucher un autre [hooouu, possessif!]
Ne pas mettre son sexe près d'un autre sexe [hooouu, possessif!]
Et surtout... ne pas... [haaaargh, n'y pense même pas! vade retro satanas!!!]

Ben tiens! Comme si le sexe de l'un appartenait à l'autre! Comme si on était dépossédé de cet instrument de plaisir [wouuuw... et de voooluuuptééé]. Comme si on possédait jalousement le désir et le bonheur de l'autre. Mais c'est du vol! De la tyrannie! [rendez lui son droit au plaisir ou y va faire sa crise...]

Vivre en couple se serait donc s'engager à se donner à l'autre et seulement à lui??? Dans le genre: «tant mieux pour le premier, tant pis pour les suivants. Z'avaient qu'à être là au bon moment!»

Bien que son partenaire soit censé être quelqu'un qu'on apprécie, qu'on aime... et ben pschhht, pas touche! C'est privé. L'est à moi et rien qu'à moi, tu l'auras pas nananèreeuh.

Mais c'est un comportement purement égoïste ça? L'amour, soit-disant *** don de soi*** [snif, comme c'est beau...], mais en fait... une fois qu'on s'est "donné" à l'autre (sans bien mesurer les conséquences alors qu'on était bien jeune), et ben c'est trop tard. T'as signé, t'es engagé, et tant pis pour toi si t'avais pas compris ce que ça signifiait.

Et surtout... ce "don" concerne ce qui es le plus cher et le plus personnel: ce qu'on pourrait encore donner à d'autres. Les sentiments, les gestes intime, les regards prolongés, la sexualité (peut-être est-ce ce qui les rend chers, d'ailleurs...)

Et que ça soit couple légal ou pas c'est kif-kif. Couple = aliénation. Ou sinon, séparation. Paf, l'un ou l'autre, pas de demi-mesure.

Et euh... on pourrait pas imaginer un couple qui laisse à l'autre sa libérté d'exister, hein?
Moi j'ai envie d'y croire. Pis je sais que ça existe.


Bon... les trouble-fête vont penser: oui, mais sa femme? Il y pense au bonheur de sa femme, ce vilain égoïste?

Ben... oui j'y pense. Beaucoup même. Et je n'ai pas le droit de prendre le mien au détriment du sien. Autrement dit, mon bonheur ne doit pas faire son malheur. C'est bien ce qui me pose problème.

Sauf que... je suis toujours le même, aimant, avec elle. Et si mon plaisir devait la rendre malheureuse... c'est qu'elle n'aurait pas encore compris qu'il ne lui ôte rien. Qu'il ne la dépossède de rien. Que je suis toujours "son homme"... même si je suis aussi un peu l'homme d'une autre. Et que si elle trouve dans son homme des motifs de satisfaction, elle devrait se réjouir que d'autres en trouvent aussi. [hé hé, ça voudrait dire qu'il est pas si mal, son homme...]

Bref... il y a des arguments, mais aucun ne me convainc. Car ils s'appuient tous sur une vision fausse de l'amour (amour-fusion-possession).

Certes... je pourrais me dire que, parce que j'aime Charlotte, je devrais me sacrifier pour elle. Faire don de mon plaisir, lui en donner l'exclusivité... en ne le prenant pas sans elle. Mais Charlotte n'en bénéficiant pas, ce serait du plaisir perdu pour tout le monde... alors que... quelqu'un [au hasard] pourrait bien désirer le partager avec moi...

Nan, j'ai beau tourner et retourner dans tous les sens, ça ne tient pas. Renoncer à mon plaisir n'apportera rien à personne (ouais... sauf celui de la grandeur d'âme et de l'esprit de sacrifice, nobles vertus... mais enfin...). Y accéder apporterait directement à deux personnes, et indirectement à leur entourage.



Conclusion

Le bonheur est un droit... mais c'est aussi un devoir (le bonheur se partage entre gens qui s'aiment)

Le bonheur n'est pas exclusif, et on ne possède ni l'autre, ni son bonheur... ni son sexe

Le "don" de soi est très beau, mais on peut choisir ce que l'on donne, on est pas obligé de donner tout ce à quoi l'on tient. Même en aimant très fort, je n'ai pas à donner mon droit au bonheur. Je ne donnerai à personne le droit de me priver de mes désirs. Je n'ai qu'une vie et je ne tiens pas à me priver des joies qu'elle peut m'offrir.

[ouais... il a bien défendu son truc, mais ça ressemble quand même vachement à une tentative d'autopersuasion... On sent bien que cette détermination est fragile et pourrait bien ne pas tenir le choc fasse aux assauts d'une morale qui ne cédera pas d'un coup. Il se fait des illusions le petit...]


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Comment en suis-je arrivé à cette évolution vers une morale personnelle?


Au fil des années, lorsque j'ai ressenti des attirances pour d'autres femmes, j'ai commencé par m'en sentir coupable. C'était "pas bien". Sauf que ça se renouvellait suffisamment souvent pour que je comprenne que cette situation ne me convenait pas. Début du conflit moral interne, resté à l'état de réflexions fugitives pendant une dizaine d'années.

Un jour j'ai compris que je mourrais peut-être vieux sans jamais avoir touché une autre femme que la mienne. Ça me faisait chier de devoir accepter ça. Merde... ressentir tous ces plaisir potentiels et ne jamais y avoir droit? Non, ça ne me convenait pas du tout.

A peu près même moment je liquidais une idéalisation débile autour de mon premier amour. En la recontactant je faisais deux chose: oser aller au bout de mes idées et avoir le courage de regarder les choses en face. J'avais alors 35 ans.

Quatre ans plus tard, avec mes premières rencontres par chat, je découvrais que je pouvais concrétiser mes attirances vers la gent féminine... sans prendre de risques (pas de sexualité). La morale était sauve et j'ai ainsi ressenti des flambées "amoureuses" (mouais, appellons ça comme ça, en fait j'idéalisais à fond). Je découvrais en même temps mon potentiel de séduction. D'abord par mes mots, puis par le désir que je pouvais susciter en tant que mâle.

Avec la première, Sophie, m'entendre dire «j'ai envie de faire l'amour avec toi» à instantanément cassé la magie qui opérait (beerk, trop rapide, pis je suis marié), mais... a éveillé aussi quelque chose: tiens tiens... mais ce serait si facile que ça de faire l'amour avec une autre? Il suffirait de me laisser aller pour que ça devienne possible?

Ma deuxième conquète, Héloïse, sut être plus patiente et amadouer mes réticences. Cette fois nos discussions, après l'établissement d'une confiance autour de dialogues personnels, tournèrent franchement autour de la séduction et de la sexualité. Cette femme, apparemment experte, avait beaucoup à apprendre au naïf que j'étais. De mon coté ma fidélité la fascinait, elle qui changeait de partenaire en permanence et se savait "objet" pour les hommes. Je garde de bons souvenirs de cette relation qui s'est pourtant terminée avec fracas quelques mois plus tard. J'ai beaucoup appris et ma sexualité s'en est trouvée libérée. Charlotte n'en disconviens pas...

La troisième rencontre, Inès, fut encore plus forte. Cette fois j'entrais beaucoup plus dans une complicité de pensée. Des discussions interminables et une réelle amitié. Tout tournait autour de l'accomplissement de soi (héééé oui, déjà...). Le désir existait, et je le laissais s'exprimer. Je me souviens avoir osé penser, puis dire «j'ai envie de faire l'amour avec toi». Bon, c'était à distance et sans avoir jamais vue cette correspondante. Le contact à eu lieu plus tard et, en quelques rencontres, nous avons eu des gestes de tendresse intime. Expérience limite pour moi. Je suis allé un peu plus loin que ce que je pouvais assumer, et mon amie est allée aussi un peu loin dans la dimension amoureuse-dépendante. Notre relation n'a pas pu tenir ainsi, s'est distancée, mais j'en garde un très bon souvenir. Nous nous sommes aidés tous les deux. Nous nous sommes libérés, chacun de notre coté. Moi en osant ressentir le plaisir de la séduction (et écouter mes envies), elle en... se séparant de son mari. [Héé, j'y étais pour rien hein, tout au plus ai-je joué un rôle de révélateur]

La succession de ces rencontres marquait à chaque fois un glissement et m'amenait vers quelque chose de plus conforme à ce que je désirais profondément.
D'abord une intimité basée sur une confiance et une sincérité réciproque. C'est quelque chose qui est devenu croissant à chaque relation. C'est l'essentiel.
Ensuite, découvrant mon potentiel de séduction, j'ai pu laisser nâitre un désir partagé, et enfin envisager une sexualité. A chaque fois que la sexualité s'est manifestée trop tôt, ne serait-ce que par des mots, il y a eu blocage, puis rupture. Et je n'ai pu accéder à cette dimension que lorsque l'intimité des mots et des idées s'était très longuement manifestée auparavant.

1- intimité des idées, partage, confiance
2 - apparition de la séduction, de l'attirance
3 - désir de partage physique

Ça ne fonctionne pas dans un ordre différent, ni sans un long temps d'adaptation.


Et l'amour-sentiment dans tout ça, où se place t-il? Et bien il apparait tout doucement, puis se développe dans la phase d'attirance, avec désir de se prolonger dans le physique. Il accompagne et entretient la relation. Classique quoi...

Sauf que je n'ai jamais vraiment ressenti le vrai de vrai amour-amoureux dans ces relations là... Ça y ressemblait... mais... ce n'était pas aussi fort. Intense, oui, mais pas "profond". J'appellais ça "amitié amoureuse". A aucune de ces femmes je n'ai dit "je t'aime". Ces mots étaient trop précieux, trop sacrés, inadaptés.

A suivi une longue période d'abstinence. Finies ces relations trop usantes émotionnellement parlant. J'ai développé alors des relations autres, toujours avec des femmes. Relations que je qualifie d'amitiés. Dans un autre registre, fondées aussi sur un partage d'idées, des échanges de confidences, mais pas vraiment "intimes". Même s'il m'est arrivé parfois de m'égarer un peu en étant attiré par certaines de mes correspondantes (et de le dire... hum hum...), je pensais avoir compris que ces relations là étaient finalement source de problème. De toutes façons, il fallait certainement que je me résigne: j'étais marié.

Et puis... et puis... il y a eu nathalie avec qui j'avais aussi ressenti de l'attirance. Celle qui, avec le temps, était devenue une amie proche, de plus en plus proche. Je n'y croyais plus à ces histoires d'attirances, cétait trop compliqué. D'ailleurs on en parlait souvent, tous les deux, de l'attirance et de la séduction, des relations de couple, de l'amour... mais pas par rapport à nous. Entre nous ça n'existait pas. Ou on ne l'avait pas bien compris, ou alors on n'osait pas y penser.

Et puis un jour, petits hasards qui se succèdent, tout à coup la voix intérieure se réveille. Et alors la parole se libère dans une dimension nouvelle. Et ça grandit, grandit...
Finalement ce que je ne croyais plus possible, ce que dont je ne rêvais plus, apparaît là. Exactement le type de relation "idéale" dont j'avais toujours rêvé.

Inutile de revenir sur les détails de cette histoire racontée ici depuis neuf mois (tiens... le temps d'une gestation?). Mais c'est bien avec nathalie, qui m'avait précédé sur ce chemin de réapropriation de soi, que s'est concrétisé tout ce qui se préparait depuis des années.


Aujourd'hui j'ai envie de nommer ces femmes qui m'ont aidé, consciemment ou non, à me (re)construire. Amours ou amies, durables ou éphémères, elles ont particulièrement contribué à cette prise de conscience actuelle.

Par ordre d'apparition
Laura, Charlotte, Catherine, Sophie, Héloïse, Inès... et nathalie
Annie, Charlotte, Ruthélie, Louise, Céline, Catherine... et bien d'autres.

Et, quand même, quelques hommes sensibles...
Mathieu, Cyrille... et d'autres






La beauté du respect



Samedi 6 septembre


Je ne parviendrai jamais à relater tout ce qui se passe dans ma vie en ce moment, il me faut l'accepter. L'évolution de ma pensée est si fulgurante que je n'en garde que des traces. Bon... fulgurante si je voulais en décrire tout le cheminement, parce que ça se passe quand même à l'échelle de quelques semaines.

Hier soir j'ai eu une longue conversation avec nathalie, qui continue à lire mes écrits ici et les mails que je lui envoie. Elle était enchantée des sujets que j'abordais (elle n'avait pas lu l'entrée du 5 septembre, mais je lui avais parlé du contenu). Sans relater le détail de nos échanges, il y a quelque chose qui m'a semblé important: nous nous sommes rendus compte tous les deux que ce qui caractérisait notre relation c'était le mot respect.

C'est un concept essentiel dans toute relation, mais qui prend une ampleur accentuée dans une relation d'intimité telle que la notre.

J'avais remarqué que nous avions parfois des silences, des petites gênes, sur des sujets un peu fragiles. Et dernièrement ce coté plus pratique de notre rencontre faisait partie de ces sujets qui demandent un très grand respect de l'autre. J'avais été impressionné, lors de notre échange précédent, de ce que me proposait nathalie afin que je ne ressente aucune gêne quand à cette nuit que nous allions passer... dans la même chambre. Car même de ça nous n'avions pas parlé. Nous savions que nous avions prévu deux jours (au moins) ensemble... mais sans évoquer ce petit détail pratique: nuit ensemble ou pas?

Alors peu à peu, l'échéance approchant, il faut bien évoquer un peu ce genre de choses, pour des raisons pratiques. Et c'est toujours avec une certaine... pudeur que nous en parlons à l'autre. Pudeur due au respect. J'aime beaucoup cette liberté que nous laissons à l'autre de choisir ce qui lui convient. Parfois c'est un peu plus lent (voire bloquant lorsque je ne dis pas mes inquiétudes...), mais au moins nous sommes certains que chacun fait selon ses convictions.

J'imagine à quel point certains lecteurs doivent être ahuris de me voir me poser autant de questions avant de passer une nuit avec une femme avec qui j'ai une relation si extraordinaire...
Mais justement, ce qui la rend si extraordinaire c'est sans doute ce respect que nous avons l'un envers l'autre. Respect de sa liberté d'être, d'agir, de penser. Or nathalie sait que le coté physique touche des choses complexes et fragiles pour moi. Elle ne cherche pas à m'influencer, ne me disant pas ses désirs puisque je ne le demande pas. Ce qui est certain, c'est que l'objectif de notre rencontre est de nous mettre en présence l'un de l'autre. De faire vibrer nos sens, sentir nos êtres...
Est-ce à ce point surprenant, pour que des gens pensent qu'un autre objectif, inavoué, en serait tout autre?


Ce matin je parlais un peu à Charlotte de cette idée de respect, qui m'avait un peu ébloui (oui, je dois dire que nathalie est une femme particulièrement stupéfiante). C'est peut-être pas des trucs que je devrais faire... Oh non, pas que Charlotte ne veuille pas l'entendre, mais que... lorsque je parle de notre relation... ben ça me bouleverse.

Faut dire aussi que ces derniers jours j'ai énormément cogité. Un déferlement ininterrompu de réflexions. J'ai aussi répondu à des questions précises qu'on me posait. A chaque fois, je vais chercher au fond de moi, dans des recoins sombres jamais explorés. Et les questions, au lieu d'instiller des doutes (souvent elles vont dans ce sens, semblant ne pas croire que ce que je raconte soit possible), renforcent davantage mes convictions. Plus on me dit que je me fais des illusions, que je me leurre, plus je constate la force du lien qui nous unit. Les arguments que l'on m'oppose ne tiennent jamais et montrent surtout l'incapacité des gens de sortir de schémas tout faits.

Bref... je parlais donc de ce lien que j'ai avec nathalie, et de tout ce qu'il avait de "hors du commun", incomparable, incompréhensible pour ceux qui n'ont jamais vécu une telle complicité. Et une fois de plus... j'ai fondu en larmes (ouais, cette année de sécheresse aura été très arrosée sur mes joues).

Pourquoi une telle réaction? Parce que c'est "trop bien" de construire une telle relation et de la sentir se renforcer toujours davantage. Mais aussi parce que j'ai tellement la hantise que Charlotte n'en souffre, qu'elle ne puisse pas supporter l'existence de ce lien, ne pas en comprendre la préciosité. Et puis parce que c'est tellement... bon, doux, apaisant, de vivre une si belle complicité. Parfois... douloureux aussi, parce que... cette distance. Parce que nous allons bientôt nous voir... puis nous quitter. Mes larmes n'étaient pas de tristesse, mais d'émotion devant... le merveilleux de ce qui existe.

Ouais, je sais, ça peut paraître culcul. Tant pis. Tant de gens ne connaîtront jamais ça (hé hé, au moins qu'ils sachent que le bonheur existe...).

Plus je cherche à définir les choses, moins j'y parviens. Les mots sont inefficaces, trop faibles, ou trop précis, faux, galvaudés. Ils n'ont pas de sens pour décrire ce que j'aimerai communiquer.

[Non non, j'ai pas bu, je suis tout à fait lucide.]

Breeeef, j'ai donc décrit un peu à Charlotte la nature du lien que j'ai avec nathalie. J'ai du y mettre tellement de conviction et d'émotion qu'elle m'a dit dans un sourire "Tu es beau...". Faut dire que j'étais encore dans un état de "révélation", mettant un temps fou à articuler des mots, reprenant ma respiration, me liquéfiant en sortant les plus signifiants... Elle m'écoutait avec attention, visiblement touchée et sans aucune gêne. J'ai une chance inouïe d'avoir une femme avec un esprit aussi ouvert. Comment ne pourrais-je pas l'aimer davantage?

Elle a raison Charlotte, je deviens "beau" avec cette relation. Je suis heureux, très proche d'elle, l'acceptant comme jamais... parce que je comprends enfin ce que signifie aimer. Et j'en viens, peu à peu, à aimer ce que je deviens. Je prends une incroyable confiance en moi, une force insoupçonnée. C'est cette force qui me fait m'exprimer avec autant de sincérité. Je n'ai aucun désir de convaincre qui que ce soit, mais de témoigner. Et témoigner de l'extraordinaire est forcément un pari perdu d'avance. Ça ne peut que servir de support à des réflexions intimes, personnelles, chez le lecteur qui y sera sensible.


Il y a un lien entre la beauté de cette relation et ce dont je parlais dans mon entrée d'hier. Cela touche à la sérénité et à la paix interieure. Car je ne voulais pas aller vers nathalie avec des inquiétudes. Je ne voulais pas avoir en tête des limites intimes trop rapidement atteintes. Ne pas sursauter si elle me posait la main sur le bras, dans un geste spontané. Or c'est la réaction que j'aurais pu avoir... si comme autrefois je plaçais derrière ce geste de proximité toutes les craintes des suites possibles. C'est le genre de choses qui me paralysait avec les femmes auparavant, craignant qu'elle ne devinent dans mon regard l'attirance qu'elles pouvaient susciter [et pourquoi pas?]. Craignant qu'elles ne devinent les gestes que ma pensée pouvait imaginer...
Ce refus de la sensualité, et a fortiori de la sexualité, me faisaient dresser des barrières le plus tôt possible. Putain de morale de merde!

C'est donc débarassé de tout ça que je voulais rencontrer nathalie. Que nos échanges tactiles puissent être totalement libres d'exister ou non. Que je n'aie aucun geste à arrêter par crainte d'aller "trop loin", et qu'elle n'aie pas peur de me heurter. C'était très important pour moi (et pour elle aussi) que ne puisse pas exister ce genre d'appréhension. Je devais pousser ma réflexion jusqu'au plus loin afin d'aller au fond de mes peurs et de mes attentes profondes. Je crois que... cela aura libéré quelque chose de très important.

Il y a aussi un autre lien entre beauté et sensualité, que cette fois je ne peux découvrir seul. Ce sera la complicité qui apparaitra entre nous en face à face. C'est elle qui guidera nos désirs, afin de faire concorder la beauté de la relation et la beauté des gestes. Car j'ignore encore si, dans une telle relation, la sexualité est plus belle que son absence...
Et ça, il n'y a qu'avec nathalie, dans tout le respect qui caractérise notre relation, que nous le ressentirons.





Une certaine idée du bonheur



Dimanche 7 septembre


Pardon et culpabilité

Nous avons regardé, avec Charlotte, le film "Marie-Jo et ses deux amours", de Robert Guédiguian. Histoire d'une femme qui, aimant deux hommes, se trouve torturée de cette situation partagée. Le bonheur au prix de la souffrance, de la culpabilité.
A la fin du film nous avons eu une petite discussion familiale et ma fille reconnaissait qu'elle trouvait cette situation malsaine «je ne comprends pas comment on peut aimer deux personnes à la fois». Le film servait de base et je lui rappellais les parole de Marie-Jo: «Je ne l'ai pas choisi, ça m'est tombé dessus comme ça». Je n'ai évidemment pas fait allusion à mon expérience personnelle...

Mais je ne ressentais aucune culpabilité vis à vis de mes enfants. Par contre, je me demande jusqu'où je peux parler de cette relation privilégiée que je vis avec nathalie, qu'ils n'ignorent pas. Pour le moment, j'ai choisi de ne rien dire de délicat à accepter de leur part. Je verrai s'ils me posent des questions et jaugerai alors de l'inquiétude qu'elles pourraient signifier.

Ce matin Charlotte m'a dit avoir rêvé du film. Mais sans m'en dire beaucoup plus. Je ne sais pas si je dois m'en inquiéter puisqu'elle n'est généralement pas très bavarde sur ses ressentis, et d'autant moins qu'elle est inquiète... sans pour autant que son mutisme n'indique forcément une inquiétude!
Dans le doute, je ne force pas sa parole à s'exprimer.

Un peu plus tard, alors que je lui faisais de petits bisous et caresses (je suis très câlin depuis quelques temps, à la fois plus aimant et reconnaissant pour la liberté qu'elle me laisse), je l'ai regardée longuement dans les yeux. J'aime regarder son visage, son regard, sentir son mystère intérieur, toute cette part qui me reste inaccessible.
Elle ne "tenait" pas mon regard, et je lui ai fait remarquer. Elle m'a répondu en souriant «j'ai l'impression que tu as quelque chose à te faire pardonner». Bien au contraire, c'est parce que je n'ai rien à me faire pardonner que je peux la regarder droit dans les yeux. Je ne me sens absolument pas coupable. Sauf... des tracas que cela peut lui causer. J'aimerais tant qu'elle soit heureuse...
De savoir que ma relation parallèle peut l'inquiéter crée en retour une inquiétude chez moi. Mais je sais aussi que ma présence à ses cotés la rend heureuse, et que si le bonheur n'est pas toujours dans ses yeux, cela dépend de tout autre que moi. Elle reste très marquée par une enfance douloureuse.

Et lorsque parfois je regarde ce qui me plaît chez nathalie, je crois que c'est son envie de vivre heureuse, en agissant pour que toute source de stress, d'angoisse, de mal-être, n'aie pas prise sur elle. nathalie veut être heureuse et se donne les moyens d'y parvenir. En agissant de façon à voir les choses positives et rejetant fermement le négatif.
Nous avons sur ce point une démarche très similaire et je pense que c'est cet optimisme volontaire, ce refus actif de la souffrance morale, qui m'a tellement touché et séduit dès le départ.

Je crois que le bonheur est un état d'esprit. Il ne peut exister, et durer, que par une démarche volontaire. On se met en position d'avoir accès à lui. Être heureux ne vient pas sans efforts.


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Amour fusionnel


La seule fusion (osmose) qui puisse exister en amour n'est pas celle de vies et pensées confondues. Ce serait folie de croire que ça puisse tenir durablement.

Mais je crois qu'il peut exister une osmose dans la façon de vivre l'amour. C'est à dire dans un équilibre qui s'établit afin que chacun vive l'amour dans le bonheur.

Je crois que c'est le coté extraordinaire de ce que je ressens dans notre relation, avec nathalie. Nous sommes parvenus à un équilibre relationnel de l'instant, fondé sur une conviction intime et profonde de nos besoins respectifs, construit sur notre histoire commune, renforcé par les ajustements qui ont été nécessaires, et orienté vers un espoir semblable. Nul engagement n'existe entre nous, nulle promesse, mais un espoir commun d'aller vers quelque chose qui nous conviendra à tous les deux.

Et si quelque chose de commun existe entre nous ce sont des idée fortes, fondatrices de notre relation: la confiance, la sincérité, le respect, la liberté. Tout cela aboutissant à une paix intérieure qui procure le bien-être... et donnant parfois droit à cette sensation pleine et entière, indescriptible et tellement forte: le bonheur.

Le "nous" n'est pas dans ce couple que nous ne formons pas, mais dans la lien qui existe. Ce "nous" ne peut exister que pour nous, et entre nous. C'est la rencontre de nos "je" respectifs, dans cette dimension commune qui nous relie. Nos vies sont distinctes pour le coté physique, mais nous sommes reliés par la pensée, la confiance, et la foi que nous avons dans notre espoir commun. Lien immatériel que nous ne pouvons pas renforcer par des artifices pseudo-rassurants (vie en commun, projets d'avenir, achats communs...). Nous sommes protégés de la tentation d'aliénation de l'autre... tant que la distance nous séparera.

Je pense que cette distance aura été notre chance d'accéder à cette forme d'amour... sans céder à la trop humaine tentation de "tout partager". Car je ne suis pas sûr que notre relation aurait pu rester aussi apaisante sans la "protection" que nous offre cet océan.

Je ne pense pas que nous soyons à ce point différents de nos semblables.



Le paradoxe du bonheur, c'est que le désir de le posséder l'éloigne. Il n'existe que dans l'instant et ne dure que tant qu'on lui laisse la liberté d'être. On ne force pas le bonheur et il ne vient que si on lui donne l'espoir d'exister librement.





Ouvrir les yeux sur soi



Lundi 8 septembre


Je me demande si mes dernières entrées ne m'auront pas fait passer pour un peu illuminé... "bonheur", "merveilleux" et autre qualificatifs finalement rarement utilisés dans leur vrai sens.
Naaan, j'ai pas fumé des substances illicites. Naaan, je ne me suis pas piqué, ni ne suis entré dans une secte. C'est juste que... je vis des trucs vachement bien que j'essaie de retranscrire tant bien que mal.

Mais bon... je sais pas si c'est une bonne chose. Pt'être encore une fois que c'est trop intime, trop peu partageable pour le diffuser ainsi? Ceci étant dit, j'assume tout ce que j'ai écrit et n'en retire rien.



Ce dimanche après-midi nous sommes allés marcher tous les deux, avec Charlotte, dans la campagne desséchée. Nous avons continué une conversation du matin, toujours autour de notre couple et de ce que je vis avec nathalie. Une discussion très sereine, douce et apaisante. Charlotte m'avait dit ses craintes (que je l'abandonne) et je lui ai répondu très tranquillement. Je ressens avec une telle évidence la distinction qu'il y a entre les deux relations que je n'ai aucune difficulté à être convaincant.

Nous avons longuement parlé, nous arrêtant régulièrement pour nous... [hem, nathalie: ne lis pas! ;o)]... embrasser. Il régnait entre nous une grande harmonie. Je lui ai expliqué un peu plus en détail tout ce changement inimaginable que je vis en ce moment, combien je suis heureux et quelle force je ressens dans mes convictions. Elle ne pouvait que s'en réjouir.

Charlotte sait, puisqu'elle me voit vivre, tout le temps que je passe dans l'écriture (échanges de mail ou ce journal) ou à communiquer avec nathalie. Mais elle n'imagine pas toujours la somme de "travail" intérieur que cela représente. Nous avons beau avoir une bonne capacité de dialogue... je ne peux pas lui parler de tout ce qui se passe dans ma tête. D'abord elle en aurait marre (je n'ai pas à lui imposer mes états d'âme si elle ne me demande rien), et ensuite une grande part ne concerne que moi. Elle n'imagine certainement pas non plus quelle évolution de mon mode de pensée cela représente.

J'ai cette impression rare de rentrer dans une nouvelle dimension de ma vie. . Me rendant compte aussi à quel point ma richesse était à l'intérieur de moi. C'est un peu comme l'histoire de l'Alchimiste de Paulo Coelho: j'ai eu besoin d'explorer divers domaines, de faire des tours et détours, de m'égarer sur de fausses pistes... pour me rendre compte que je n'aurais jamais la reconnaissance de tout le monde. J'ai compris qu'il y a des gens avec qui je ne m'entendrai jamais vraiment, parce que nous sommes trop différentes dans nos façon de fonctionner. Que je n'ai pas à chercher leur approbation... qui ne viendra jamais.
Mais je me suis aussi rendu compte que celui que j'étais plaisait à d'autres (ils me le disent). Que mes réflexions, ma tournure d'esprit, ma sensibilité les touchaient autant qu'elles en irritaient d'autres. Et finalement, que ce sont ces personnes qui m'apprécient qui m'apporteraient le bien-être auquel j'aspire. Mieux que ça: de me sentir apprécié, ou même aimé, m'a ouvert les yeux sur moi même. C'est cette révélation, vécue cet été sur une autoroute auvergnate, qui aura été le point de bascule. Je crois que c'est durant ce temps précis, une heure tout au plus, que ma vie s'est définitivement infléchie. Tout m'y préparait depuis des années, s'était renforcé depuis des mois, accéléré en quelques semaines... pour virer de bord en un temps très court.
Depuis je continue sur une nouvelle route.
Je ne suis plus le même... et pourtant n'ai jamais été autant moi-même.

Je ne cesse de découvrir cette nouvelle façon de voir la vie. Je m'en émerveille.

Et je ne sais pas pourquoi, mais je ressens que la rencontre que je m'apprête à vivre avec nathalie sera le point d'orgue de tout le temps qui a suivi ce jour de révélation. Voila un mois jour pour jour qu'à eu lieu cette prise de conscience, elle même initiée par le pas que nathalie à fait vers moi... et auquel je ne me croyais pas prêt à pouvoir faire face en toute sérénité. Depuis un mois je "travaille" très fort pour y être prêt, désormais éclairé par cette certitude profonde qu'aucun doute ne ternira plus: il y a des gens qui aiment ce que je suis. Très proches ou plus lointains, ma personnalité leur plaît et il ne tient qu'à moi de la laisser s'épanouir. Car je n'ai plus à chercher les regards, mais seulement à savoir saisir ceux qui me sont donnés. Entendre que l'on tient à moi et savoir accueillir l'amour (au sens large) que l'on a pour moi. Et oser, enfin, accepter cette appréciation... qui me fait désormais croire en ce que je suis.
Croire en moi parce que d'autres y croient et que je le ressens intimement. Je peux partager avec eux des moments heureux parce que je sais que je suis à la hauteur de répondre au plaisir qu'ils m'apportent.

Oh, je ne suis pas idéaliste (!) et je sais bien que je perdrais encore confiance en moi parfois. Je n'ai pas découvert la voie de la félicité perpétuelle. Mais je sais que je suis maintenant sur un chemin de sérénité et de paix intérieure... même s'il me faudra toujours lutter pour m'y maintenir. Le bonheur n'est pas une voie facile et demande sans doute de la vigilance. Je connais désormais le chemin... à moi de le suivre. Je ne suis qu'au tout début, mais j'ai déjà suffisamment d'expérience de vie pour ne pas craindre de ne pas y parvenir.


Dans deux jours je vivrai un des évènements les plus importants de ma vie. C'est comme ça, je le sais. Je rencontrerai nathalie, pour qui ce sera d'une nature comparable. Pour moi, puisque je sais que mon calendrier intérieur est fixé sur cette date, cette rencontre marque déjà le passage entre un avant et un après. Une certaine vie prendra symboliquement fin ce jour là, parce que l'essentiel de mes pensées s'est focalisé sur cette date, et tout mon cheminement intérieur s'est fait en fonction de cette échéance. C'est parce que je la savais approcher, et que je voulais la vivre à la hauteur qu'elle méritait, que j'ai pris conscience que ma liberté d'être n'avait pas de prix. Et qu'elle était la source de ma libération. Je voulais être capable d'être moi-même ce jour là. Au plus profond de moi, le plus absolument possible. J'ai tout fait pour y être prêt et je crois y être parvenu.


Nous sommes tous les deux prêts, et nous attendons que le temps veuille bien s'écouler pour qu'enfin se réalise ce que nous ne cessons d'espérer davantage chaque jour. nathalie a permis qu'un rêve commun se réalise, je ne pouvais pas faire autrement que de me montrer digne de la suivre. Parce que c'est elle, parce que c'est nous. Parce que je sais que c'est avec elle que je parcours ce chemin vers moi-même.


Merci à toi, nathalie, d'avoir osé le faire et eu confiance dans cette force que je n'aurais pas cru avoir en moi.
Merci infiniment de m'avoir permis de me révéler à moi-même




Hmmm, ça fait du bien d'écrire le bonheur et la paix intérieure...




Demain...



Mardi 9 septembre


Séance psy 3.8

«C'est demain?» m'a dit laconiquement mais avec un léger sourire encourageant ma psy. C'est la première fois qu'elle m'accueille avec autre chose qu'une invitation du regard à commencer. J'ai senti une forme de connivence, plus personnelle que professionnelle, et j'ai aimé ça.

[Manifestement "mon" histoire plaît, intrigue, fait réfléchir. Je le constate avec le grand nombre de messages qui ont suivi cette demande d'impressions sur un forum. Ils sont généralement d'un contenu riche et fouillé. Parfois désapprobateur (pour des raisons morales le plus souvent), ou bien franchement encourageant de la part de ceux qui ont vécu quelque chose d'approchant. Aucun de ceux qui se sont aventurés sur ce genre de terrain ne m'a dissuadé. Au contraire, ils parlent d'enrichissement, de revivifiance du couple... en ne cachant pas les difficultés à surmonter les fragilités et la jalousie "instinctive".]

J'ai donc expliqué à ma psy où j'en étais de mes réflexions, étant désormais parvenu à m'affranchir du coté moral. 

[Il est quand même assez étonnant de voir que j'ai pu m'affranchir de la barrière morale alors qu'il y a... quatre jours seulement (j'ai l'impression que ça faisait bien plus que ça), j'écrivais tout un texte sur "Morale ou conscience" et les difficultés que j'avais à me dépatouiller avec ça. Les vertus de l'écriture auto-analytique sont parfois sidérantes.]

Le dernier point délicat restant... Charlotte. Comment ne pas être très attentif aux réactions de quelqu'un qu'on aime? Entre ma conscience et sa souffrance, le dilemme est préoccupant. Ce matin, il aura suffi qu'elle me dise qu'elle ne souffrait pas tant que je ne fais pas «des choses...», pour que renaisse instantanément une culpabilité que je pensais surmontée. Et pourtant, sentant un peu plus tard cette culpabilité (par anticipation) revenue , elle s'est presque inquiétée de me voir trop souhaiter la protéger. Elle sait que je suis très vigilant sur son bien-être et que je risquais de m'interdire une certaine spontanéité qu'elle comprend bien. C'est curieux... mais elle est presque encourageante. Comme si elle ne redoutait pas vraiment cette rencontre. C'est même elle qui me conduira à la gare...

Peut-être me connaît-elle suffisamment pour n'avoir rien à craindre de moi? Ou ne m'imagine t-elle pas capable de surmonter ma culpabilité à son égard? Elle n'aurait sans doute pas tort car c'est bien là que se situera ma limite...


Ce qui est bien, c'est que malgré les discussions que j'ai un peu partout, je suis absolument seul pour trouver ce qui me convient. J'ai des impressions diversifiées et nombreuses, généralement pleines de tact et de respect, mais personne ne me dis de faire ou ne pas faire quoi que ce soit. C'est bien souvent un "écoute-toi". Et c'est d'autant plus important de la part de mes plus proches. En particulier Charlotte et nathalie.

Alors je m'écoute, je m'écoute... et je fais confiance aux sensations qui me, qui nous guideront.

Et si mes anticipations devaient se révéler avoir été poussées trop loin compte tenu de la situation, cette période de réflexion "in vivo" m'aura au moins appris à bien mieux me connaître dans un domaine qui restait encore mystérieux.



Charlotte a exprimé quelque chose de très juste, tandis que nous discutions: si je vis des choses positives et fortes sans elle, ce qui est une blessure narcissique sur la "toute puissance émotionnelle" qu'elle aurait pu espérer avoir, elle est aussi libérée d'une part des charges que je lui faisais porter auparavant.

Par exemple j'ai un grande besoin de communiquer d'âme à âme, en allant chercher au fond de soi ce qui s'y cache. Elle est plus réservée que moi à ce sujet, moins exploratrice de son intériorité.
Ce qui se passait auparavant, c'est que je lui "imposais" (sans m'en rendre compte) ma sincérité et en attendait de sa part. Double contrainte insatisfaite qui d'un coté me frustrait et de l'autre la culpabilisait de ne pouvoir y répondre.

Désormais je partage une grande part de mes réflexions intimes avec nathalie qui semble avoir la la même vision que moi de la sincérité (nous en prenions conscience encore hier soir au téléphone).
Résultat: je suis comblé et Charlotte est libérée de ce poids que je lui faisait porter.

Elle accepte de perdre une part de l'exlusivité sentimentale que j'avais pour elle, mais est libérée d'une "exclusivité d'oreille" qui était problématique et dont elle se passe très volontiers.



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Demain...


Demain, nous réduirons à rien la distance qui nous a toujours séparés. Tu es déjà dans le train qui te rapproche de moi. Tu viens à ma rencontre. Demain, ce sera à mon tour d'aller vers toi, dans cette ville du sud dont le nom ne me laissera plus jamais indifférent.

Demain nous réduirons à rien ce temps qui s'écoulait hors du temps depuis des semaines. Nous serons dans l'instant du présent, dans l'ici et maintenant.

Demain nous serons face à face, les yeux dans les yeux, les mains dans les mains. Nos rires se confondront. Tout ce qui nous manquait lorsque nous communiquions par quelque moyen que ce soit sera présent. Apothéose qui éteindra, durant quelques dizaines d'heures, toutes nos frustrations et nos manques.

Demain tous nos sens, retenus depuis si longtemps, seront conviés. Ils coujugueront leurs perceptions comme ils n'ont jamais pu le faire. Notre contact ne sera plus constitué de fragments sensoriels dont les vides sont comblés maladroitement par l'imaginaire.

Demain nous mettrons nos esprits et nos âmes en contact, toutes nos connexions émotionnelles seront affleurantes. Nous ne serons plus protégés par la distance et le nulle part. Nous serons volontairement sans protection... fragiles et confiants, face à nous-mêmes. Nos pensées intimes, dévoilées toujours un peu plus profondément, seront dites de bouche à oreille. Nous serons près, si près...

Demain... je pourrai m'allonger dans l'herbe à tes côtés. Je pourrai partager un oreiller avec toi...

Demain, entre nous, tout devient possible... quelques heures durant.



"Je nous veux sans frontière, sans limite et sans loi. Je veux te respirer, te vivre et vivre en toi. Et croire qu'avant nous tout ça n'existait pas."
- Daran -





Sans mots



Samedi 13 septembre


Jamais je n'avais autant attendu un évènement. Je m'y préparais depuis des semaines, afin d'être prêt le jour venu. J'en avais rêvé, j'avais tenté de l'imaginer sans vraiment y parvenir. Et surtout, je fondais beaucoup d'espoir sur ce qui devait être un moment de bonheur.

Je me suis trompé.
Je n'ai pas eu le bonheur que j'espérais.

J'ai eu infiniment mieux, et plus que ça encore. Notre rencontre a surpassé mes rêves, de très loin. Je ne pensais pas pouvoir vivre un jour quelque chose d'aussi bon. Trois jours de pur bonheur.

Mais je ne saurais mettre de mots sur ce que nous avons vécu. Pas maintenant, c'est trop tôt, c'est trop beau. C'est trop frais, trop proche... et pourtant déjà si loin.

Car la cruauté du grand bonheur, c'est qu'il ne dure pas. Peut-être est-ce ce coté éphémère qui lui donne davantage de valeur?


Les souvenirs de tous les instants sont là, en moi, mais je les empêche de ressurgir, ils ne seraient que manque et absence...

Ne pas trop y penser, surtout. Pas tout de suite.






Lâcher prise



Mardi 16 septembre


Lâcher prise à regret, comme on desserre l'étreinte d'une main qui doit partir. Lâcher prise comme une petite mort. Il le faut, c'est ainsi.

Oublier ce présent qui s'éloigne dans le passé. Ne pas s'accrocher à ce qui n'existera plus que dans nos têtes. Les souvenirs restent vivants, mais les jours passés sont morts. Ils s'en vont et rien ne pourra jamais les retenir.

Comme en la quittant des yeux j'ai abandonné son regard, comme ce train qui m'a inexorablement éloigné d'elle, comme en me douchant je me suis lavé de son parfum sur moi, je dois désormais raccrocher mes pensées au temps du quotidien. Ces trois jours auront été une parenthèse sublime dans nos vies, en ce lieu qui, de façon éphémère, devenait pour toujours "a nous". Ce n'était plus ce "nulle part" où nos esprits se rencontraient auparavant. Ce "nulle part" où ils se retrouvent à nouveau, rendant plus criante l'absence des sens.

Car maintenant, nous savons tout le coté vivant de l'autre. Toute cette dimension dont nous étions privés sans en connaître l'immensité. Et c'est "là" dans nos pensées, dans nos souvenirs, à la fois présent et disparu. Chaque instant a été vécu intensément, enregistré avec une précision constante pour ne pas en perdre le moindre fragment. Il nous fallait remplir le manque, sachant qu'ensuite chaque détail mémorisé serait restitué par distillation lente et durable.

Comme des éponges trop longtemps restées sèches nous avons absorbé avidement ce que les sens mis en commun nous révélaient. Souvent en silence, pour mieux saisir le fond du regard, des fragrances inconnues, des gestes jamais vus, les détails de chaque partie du corps, la tonalité d'un rire qui éclate. Les mots sont venus plus tard, lorsque la parole s'est libérée. Et enfin les pensées partagées, celles qui ont fait notre relation, ont pu être explorées en tête à tête, permettant d'aller encore plus profondément dans le plus intime, le plus enfoui, le plus fragile.


Maintenant est venu le temps de la restitution. Presser doucement l'éponge des souvenirs.
Lâcher prise lentement... si le rythme de la vie quotidienne nous en laisse le temps.






Séduction



Jeudi 18 septembre


Lorsqu'on se lance dans l'aventure intérieure, vers la conquète de soi, on ne sait jamais ce qu'on va trouver. Ni vers quoi on se dirige, ni comment on y parviendra, ni ce qu'on recherche... sauf une meilleure connaissance de soi.

Sur ce chemin incertain, on croise d'autres personnes et parfois on s'accompagne mutuellement, à quelque stade qu'on en soit du parcours. Il suffit qu'on s'y trouve au même moment et allant dans la même direction. Alors on s'entraide, on s'inspire des découvertes de l'autre, on lui transmet les notres. Et on en devient plus éclairé, plus lucide, plus sage.

Et de ces multiples rencontres s'ouvrent des pespectives inattendues. Des perceptions que l'on ne soupçonnait pas.

Auparavant j'avais un champ d'investigation limité à un certain territoire. Parce qu'il m'avait été imparti et que j'en avais accepté les limites sans plus de questions, il ne me venait pas l'idée d'en sortir (ou alors je la réprimais tout de suite).
Sentant bien que de l'autre coté il y avait quelque chose qui m'attirait, de plus en plus irrésistiblement, mon parcours m'a pourtant mené vers des horizons que je ne connaissais pas. La connaissance de moi nécessitait que j'ose aller au delà de ces limites.

Alors j'ai pris le risque d'affronter l'inconnu avec toutes les éventualités que cela comporte...


C'est ce qui s'est passé il y a une semaine, lorsque je suis allé vers nathalie, pour cette rencontre un peu folle de deux personnes qui s'aiment sans s'être jamais vues. Moments "magiques", du premier au dernier instant... et qui se prolongent bien au delà.

Car désormais notre complicité n'est plus seulement de pensée et de sentiments, elle est aussi ancrée dans une réalité concrète: nous savons l'autre. Et cela crée un lien nouveau, que nous ne soupçonnions pas. Quelque chose de plus fort existe entre nous.

Or notre situation n'est pas totalement simple et fait surgir certaines réflexions. La distance qui nous sépare, la nature libre de notre attachement, l'union qui existe entre Charlotte et moi... tout cela se combine et nous invite à être bien clairs avec nous-mêmes. Etant au centre de deux relations, mes réflexions sont nourries par les réactions de Charlotte d'une part, de celles de nathalie de l'autre. Tous les trois nous avons à réfléchir à cette situation nouvelle, mais avec des problématiques bien distinctes.

Pour moi est venu le temps d'interrogations nouvelles, qui étaient restées dans l'ombre depuis bien longtemps. Une fois de plus c'est vers mon passé que je me retourne, remontant jusqu'au début de ma relation avec Charlotte. Les découvertes récentes de me psychothérapie me sont précieuses, ainsi que tous les échanges que je peux avoir sur le sujet. Et beaucoup de choses s'assemblent tout d'un coup, autour d'une idée maîtresse: séduction.

Ce mot là, très précisément, semble relier un faisceau d'obscurités dans ma connaissance de moi-même. Je crois qu'est venu le temps de faire un peu de lumière.




A mots perdus




Samedi 20 septembre


Habituellement, je n'ai pas peur des mots [sauf circonstances exceptionnelles]. L'angoisse de la page blanche, je ne connais pas. C'est plutôt dans leur maîtrise que je dois faire des efforts. Contenir ce flot continu, tenter de lui donner une forme intelligible. Ouais... c'est plutôt le trop de mots qui me caractérise...

Peut-être parce que j'avais besoin de me comprendre et de faire comprendre [du moins le tenter...]. Dans la profusion de mots je cherchais à aller vers une plus grande précision, à trouver le plus juste, celui qui décrirait au mieux l'idée a exprimer.

Mais les mots ne viennent plus aussi aisément. Ils ne savent pas décrire ce que je pourrais transmettre. Ils seront inadaptés, je le sais. Trop précis, trop marqués de sens, trop compartimentés, manquant de nuances. Et les superlatifs sont tellement galvaudés qu'ils en ont perdu leur signification. C'est comme s'il n'y avait pas de langage adapté à ce que je voudrais exprimer.

J'aimerais vous dire une part de ce que nous avons vécu avec ma complice, j'aimerais vous le faire partager, parce que c'était... parce que c'était... [encore un mot que je ne trouve pas]. C'était tellement "plein", tellement [je fais des gestes pour tenter de le décrire]... empli, entier, "rond" [?]. J'oserais presque le mot "béatitude" [oui oui, allez, j'ose]. Pourtant, cette bulle de temps, dont je crois que nous mesurons encore mal a quel point elle a changé... euh... [oui!] nos vies [par les répercussions profondes qui en découlent], non seulement est instransmissible aisément, mais... est peut-être impartageable. Parce que... [oh la la, que c'est laborieux de trouver des mots!]... parce que c'est trop "nous", à nous, en nous.

J'ai l'impression que, mots et gestes confondus, ce que nous avons partagé en terme de complicité et de confiance, est quelque chose de très rare. Et nathalie employait ce mot-là dans un des courriers fabuleux que l'on s'écrit en ce moment. Fabuleux parce que faisant preuve d'une confiance/sincérité inégalées alors que nous échangeons sur des sujets éminemment fragiles. Nous touchons à l'essentiel de nos vies, ce sur quoi elles sont bâties. Nous évoquons nos convictions intimes, lentement forgées, puis subitement ébranlées par le train d'ondes sismiques [osons la métaphore...] qui ont précédé, accompagné, et suivi cette rencontre.


Alors... quand se produit un contact d'une telle nature, qu'il amplifie une complicité déjà exceptionnelle, il y a de quoi réfléchir sur l'intensité de ce frisson inattendu. Et réfléchir, je le fais parfois à l'abri des regards, de préférence dans un apparent silence des mots. Non parce qu'ils ne viennent plus, cette fois-ci, mais parce que ceux-ci ont trop de sens ou pas assez, ils semblent inadaptés ou font un peu peur. Ou tout simplement parce qu'ils n'existent pas [pas de mot existant?].
Amour et amitié font partie de ces mots pour lesquels on s'évertue à distinguer une frontière en deça de laquelle la séduction n'aurait pas droit d'existence. Or je sais que c'est entre ces trois mots (amour, amitié, séduction) que mon aventure intérieure m'a mené. En suivant d'autres mots (confiance, sincérité, partage) je suis parvenu au mot fondamental "aimer", et c'est ce dernier qui m'a offert l'accès à une distinction subtile au sein de se sentiment dans ce qu'il a de plus universel. Je suis là au coeur de ma quête. Alors, sur le ton des confidences, je murmure les nuances nouvelles que je découvre autour de ces mots à qui peut les comprendre. Chuuut, c'est encore un peu secret. Je ne les divulgue pas en public tant que je ne les ai pas apprivoisés. Il faut les laisser venir, prendre leur place, s'installer dans ma pensée, prendre de la force, se sentir chez eux.

Et pour le moment, les mots sont encore un peu perdus, hésitants, dans l'espace qu'ils investissent. Ils ne sortiront que lorsque ils seront suffisamment forts pour s'imposer.



Oh... et puis... mes mots se sont aussi perdus pour répondre à ceux qui m'écrivent. Merci beaucoup pour ces messages que je reçois, généralement très agréables à lire, parfois pleins d'un désir de partager, de confidences qui me sont offertes. Mais... je n'ai pas vraiment la tête à répondre aux longs messages en ce moment (et depuis un looong moment, je l'avoue). Trop de choses à vivre, à ressentir, à penser, à partager...






Un peu dur!



Lundi 22 septembre


Bon, il va falloir que je m'y résolve: je ne trouverai pas les mots. Ni moi, ni nathalie avec ses mots en parallèle, ne parvenons à décrire ce qui nous a touchés avec une telle profondeur dans notre rencontre. Il faut y voir, je suppose, la marque de notre étonnement (émerveillement?). Il est clair que nous n'imaginions pas que cela puisse être ainsi. Nous nous sommes souvent dit, depuis, que nos rêves les plus fous n'osaient même pas s'aventurer jusque là. C'était trop beau pour être imaginé.

Alors nous voila désemparés, trahis par ces mots impuissants alors que c'est par eux que nous nous sommes connus.
Même si entre nous ils n'ont pas forcément besoin d'exister. Il suffit que l'un énonce un fragment de souvenir pour que nous revienne instantanément (voire un peu trop facilement...) toute l'intensité du moment. Notre complicité existe maintenant aussi dans nos souvenirs communs, dans cet éphémère temps de vie partagé. Tout nous y ramène et lors de nos conversations il ne se passe pas un jour sans que, plusieurs fois, nous nous laissions aller à quelque nostalgie. Nous n'avons alors plus que des soupirs à échanger, et des sourires... parce que nous ne pouvons rien faire d'autre.

Nous avons tout de suite su que ce que nous vivions de tous nos sens constituerait les futurs souvenirs. [hum...] Et que c'est en eux que nous devrions puiser pour faire durer ce bonheur trop vite passé. [hahem...] D'instinct, nous avons vécu tous les sens en éveil. [hep!]

Parce que des clichés plats dénatureraient forcément les souvenirs, et alors que nous les deux nous avions de quoi prendre des photos, nous n'en avons rien fait.. [hé oh!] Et puis nous n'avions pas la tête à distraire nos sens. C'est in-extremis que j'ai quand même fixé nos deux visages côte à côte, en attendant l'heure de départ du train.

[Hé hoooo!]

Euh oui, quoi?

[Tu vas continuer longtemps à ressasser ce genre de choses?]

Ben...

[Tu crois pas que t'as d'autres choses à écrire ici? Tu crois pas qu'il faut un peu sortir du rêve et regarder les choses en face?]

Mouais... peut-être bien...

[les jolies phrases ça va un moment, mais ça manque un peu de spontanéité. Ça ne révèle rien, ça ne fait pas avancer les choses... qui sont un peu plus compliquées que cette version de roman à l'eau de rose. Alors vas-y, lance toi!]

Hmmm... C'est vrai que depuis ces trois jours extraordinaires c'est pas tout simple. Il a fallu retourner dans le quotidien... qui avait tout d'un coup pris une saveur bien fade. Il a fallu retrouver une vie "normale", redescendre sur terre. Un peu difficile. L'aterrisage n'est pas terminé.

En fait, plus je reprends pied avec la réalité et plus mes réflexions sont soutenues. Les belles images de souvenirs sont écrasées par la place croissante prise par mes cogitations.

Depuis mon retour, j'ai énormément discuté avec Charlotte. Parce que ce genre d'escapade marque quand même quelque chose dans un couple. Les remises en question sont nombreuses et notre dialogue continu nous aide à avancer tous les deux sur ces nouvelles bases. En fait ça se passe plutôt bien (même très bien) et j'aide Charlotte à ne pas se sentir atteinte, à ne pas se remettre personnellement en question.

Pendant quelques jours nos discussions étaient orientées dans cette direction. Et puis finalement elle s'est inquiétée de ce que je ressentais de mon coté. Je me suis ouvert peu à peu, considérant qu'elle avait déjà bien assez à faire pour assimiler la nouvelle situation. Mais j'ai bien dû convenir que pour moi aussi ce n'était pas simple de vivre cet "après". Parce que tellement de choses ont été bousculées que mes repères anciens ont subitement disparu. Je dois trouver une nouvelle voie qui permette de concilier tout ce que j'ai découvert. J'y travaille actuellement mais c'est encore trop en chantier pour que je me risque à l'écrire.

Bon... mais tout cela je me sens capable de le gérer. Ça me turlupine, mais je sais que j'arriverai au bout, plus lucide à la fois sur moi-même et sur le fonctionnement de notre couple.

Par contre... bien que je discute quotidiennement avec nathalie, une certaine inquiétude se manifeste, croissante de jour en jour. Parce que quelque chose nous échappe un peu, auquel nous n'étions pas préparés. Tout ne pouvait pas se prévoir, et encore moins lorsque ça va au delà de l'imagination. Et puis... il était inutile d'anticiper tous les possibles. Ils n'auraient pu que nous rendre plus craintifs, couper les ailes qu'au fond de nous nous voulions déployer librement.
Mais bon, Il s'est passé entre nous quelque chose d'inespéré qu'il faut faire coïncider désormais avec cette réalité incontournable: 5900 km nous séparent de nouveau! Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, lié à ce que nous avons vécu ensemble, tellement proche, intense, bouleversant.

Et puis... nous devons accepter de retourner dans l'immatérialité des sens qui caractérisait notre relation. Et ça, c'est quand même un peu dur!




«Je n'ai pas compris tout de suite qu'on pouvait aimer différemment sans pour autant pervertir la force de son amour et qu'attribuer un jugement de valeur à ses sentiments n'avait aucun sens...»

Regards solitaires (22/09/2003)






Je ne t'admire plus



Mercredi 24 septembre


Je ne sais pas s'il s'agit d'un hasard... mais cela y ressemble fort: depuis que j'ai rencontré nathalie, il y a quelques soubresauts dans mon couple. Sans qu'il y ait de lien direct, Charlotte est en train d'avoir une grosse prise de conscience personnelle. J'écrivais la dernière fois: «j'aide Charlotte à ne pas se sentir atteinte, à ne pas se remettre personnellement en question.».

Hmoui... ne pas se sentir directement atteinte par ce que j'ai vécu avec nathalie, ça je crois que c'est en cours de réflexion/acceptation (?). Par contre la remise en question personnelle, je ne peux pas l'éviter. Charlotte s'est rendu compte, en me voyant "oser suivre mes envies", qu'elle même n'avait jamais vraiment su le faire. Alors elle se révolte. Contre elle-même, contre ses parents et l'éducation qu'ils lui ont transmise... et accessoirement contre moi. Pas tellement contre ce qui se passe entre nathalie et moi, mais envers toute mon évolution et ce vers quoi elle m'amène. J'ai l'impression qu'elle n'accepte pas facilement de me voir de plus en plus convaincu de ce que je suis (différent de celui qu'elle a connu), et déterminé à ne plus me laisser bouffer la vie par les choses qui me nuisent. Et puis... peut être que ma détermination la renvoie à un manque d'audace de sa part?

Alors parfois ça frictionne un peu. Charlotte ne parvient pas à admettre que je ne serai jamais quelqu'un qui apprécie de voir du monde, qui prend plaisir à discuter de tout et de rien dans une ambiance conviviale et détendue. Non, moi ce genre de trucs ça me stresse. Ça m'a toujours stressé. Parce que je suis intimidé, que je ne suis pas moi-même. J'ai tenté de faire des efforts, de me sortir de ma tanière d'ours, mais je l'ai très souvent mal vécu. C'est à dire que je restais là, présent et attentif, mais incapable de communiquer [t'exagères un peu, là]. Disons: incapable de communiquer vraiment. Et elle qui me connaît très disert, voire volubile, curieux et enthousiaste à la maison, elle n'aime pas me voir aussi éteint face aux autres. Surtout que... souvent je râle avant d'y aller, me tais pendant, et me plains ensuite qu'on n'ait rien dit d'intéressant.

Bon... elle a pas tort. Si je veux des sujets "intéressants" (qui m'intéressent), il faudrait peut-être que je participe, que je les lance. Mouais... sauf que, étant contrit dans cette paralysie de... [non, c'est pas de la timidité]... de... ne pas oser être moi-même [voilààà!], et bien je n'ose pas me lancer. Je n'ose pas me dévoiler. Je n'ose pas prendre le risque de... susciter le désaccord ou la réprobation. Je n'ose pas "exister".
Alors je la comprends Charlotte, elle en a marre de subir mes états d'âme en rentrant. Puis bon, Charlotte c'est pas une grande bavarde, elle se livre moins aisément, ne pousse pas les réflexions comme je le fais, ne s'intéresse pas vraiment aux mêmes sujets que moi (et inversement). Bref, tout cet aspect communiquant a toujours été un problème récurrent chez nous. Depuis qu'on se connaît.

J'ai un très grand besoin de communication "qui fait réfléchir" (les bla-blas m'emmerdent), que je n'assouvis que très partiellement avec Charlotte, mais que je suis la plupart du temps incapable de partager avec autrui "en vrai" (du moins... je n'en suis pas encore capable). Heureusement qu'internet à croisé mon chemin et que j'ai pu m'engouffrer dans cet espace de communication. Je m'y suis révélé à moi-même et le cheminement que j'ai fait depuis est extraordinaire. Sans internet... je me demande où j'en serais encore.

Dooonc, tout pourrait bien fonctionner: j'assouvis mon besoin de communication et je saoûle beaucoup moins Charlotte avec ça. Parfait!

Euh... sauf que Charlotte estime que ce n'est pas assez "vivant". Elle attend que j'aille vers les "vrais gens". Elle a hâte de me voir mettre en pratique mes nouveaux acquis communicants. Et... parfois, elle manifeste cette attente avec un peu d'impatience (et, hem... un soupçon de jugement...). Donc je sens une pression pour que j'accélère le mouvement et "passe à autre chose", afin de la satisfaire. Tsss, sauf que je ne fonctionne plus de cette façon. Je fais les choses à mon rythme et j'ai pas envie qu'on me contraigne. Ça marche pas et ça n'a jamais marché. Auparavant j'essayais quand même, mais ça me stressait et m'énervait, sans aboutir, me mettant face à mon incapacité...
J'essayais donc d'expliquer tout ça à Charlotte, lui rappellant que mon désir était de communiquer (en "vrai" ou en "virtuel", je m'en fous, c'est la pensée qui m'importe). Je lui rappellais aussi que j'avais compris que ce qui m'intéressait était l'intériorité des gens, le coté "intime", coeur, convictions. Et toutes les réflexions qui peuvent accompagner l'expression de ce genre de choses.

[Communiquer, c'est aussi parfois seulement "écouter" (lire) des gens se confier dans leur journal intime, et me nourrir de leurs réflexions pour faire avancer les miennes. Et bien sûr écrire ici, sous vos regards]

Alors que le coté «et les enfants, ils rentrent en quelle classe? Et vous êtes allés où en vacances?...», je m'en contrefous (j'suis un peu en rogne, faites pas attention). Je veux du vivant, du ressenti, de l'émotion, du vibrant, du "qui remue les tripes", du "qui fait réfléchir". Sinon, c'est pas la peine, j'ai pas envie de voir les gens avec qui on ne parle que de superficialités ou de problèmes perso qui n'intéressent qu'eux (et j'ai surtout pas envie de parler de trucs perso qui n'intéresseraient que moi!).

Charlotte, ça l'énerve... parce qu'elle estime que je n'ai qu'à aborder ces sujets qui me tiennent à coeur. Ouais, mais... pas sur internet, non, elle veut que je le fasse "en vrai", lorsqu'on est en couple avec des amis. Mais j'y arrive pas...

Le truc qui se mord la queue quoi...

On était en train de s'égarrer dans cette discussion, le ton montant peu à peu, quand elle me dit d'un coup: «je ne t'admire plus».

Ça n'a même pas fait "booong!". Je n'ai pas réagi. Dans ma tête c'était clair: ce que je devenais ne lui plaisait pas... mais je n'avais aucune intention de ne pas suivre ce chemin. Je comprends que mon évolution ne lui convienne pas, mais... je n'y peux rien. C'est regrettable, mais je ne peux pas m'empêcher d'être celui vers quoi je vais afin de ne pas lui déplaire.

[J'ai songé alors aux gens qui me disent, de temps en temps qu'ils admirent la démarche que j'ai entrepris, qu'ils me trouvent courageux. Ça me fait plaisir, parce que je sais que je suis sur mon chemin. Ça m'encourage.

Mais Charlotte ne m'admire plus... gloub!
Elle, ce n'est pas ça qu'elle voit.

Oui, je ne suis pas cet homme qu'elle aurait aimé avoir, celui qui bricolait dans sa maison (j'aimais ça, mais j'aime plus pour le moment), qui la suivait se promener le dimanche (je faisais ça pour lui faire plaisir, mais souvent on parlait même pas!), qui faisait l'effort d'aller voir des "amis" (je m'emmeeeeeerdais!).

Pour le moment je vis autre chose, parce que mon équilibre est là, parce que je sais que c'est là que je dois aller en ce moment. Je suis occupé dans ce "chantier" intérieur et je n'ai pas de temps à gaspiller dans de la non-communication. Je veux com-mu-ni-quer avec qui en a envie. Charlotte, nos enfants, nathalie [pourquoi tu la mets toujours après? c'est quoi cette bienséance morale aux relents de culpabilité?], ou qui que ce soit, du moment qu'on peut échanger d'être à être et d'âme à âme.

Je me suis pris en main, devenant autonome afin de ne pas faire porter sur Charlotte le poids de mes attentes en matière de dialogue. D'année en année, en tâtonnant dans diverses expériences, j'en suis arrivé à ce dont je rêvais: une très grande complicité, faite de confiance, de respect (ça va avec), et autour de sujets de préoccupation communs. Je suis devenu, sur ce point, indépendant de Charlotte. Je sais désormais que mon équilibre est là et je ne reviendrai pas en arrière.]



Avec mes nouvelles façon de voir l'amour, c'est limpide: on aime l'autre pour ce qu'il est, pas pource qu'on voudrait qu'il soit. C'est devenu, en quelques semaines, une conviction.

On a discuté ferme pendant un moment, puis on a cessé parce qu'on arrivait à rien. Le genre de discussion ou chacun est persuadé que l'autre ne comprend pas ce qu'on veut lui signifier.

Pendant toute cette discussion... me revenaient en tête les échanges qu'on peut avoir avec nathalie. Et ça n'a rien à voir. Depuis qu'on a eu une très grosse incompréhension-catastrophe, ayant compris que je n'avais pas à attendre de sa part qu'elle se plie à mes demandes, je crois que tout a changé. J'ai compris qu'il était essentiel que le respect de l'intégrité de chacun soit au coeur de la relation. Respect de l'autre, respect de soi. Alors je sentais Charlotte qui tentait de me contraindre à être ce que je ne suis pas... et je ne parvenais pas à lui faire comprendre qu'elle ne devait pas attendre que je me plie à elle. Pas si ça me coûte trop cher.

Ce matin, nous avons un peu repris cette conversation, plus calmement. Par contre, le poids du «je ne t'admire plus» m'est devenu lourd... j'étais quand même pas très bien. Faut dire qu'hier la discussion avait quand même commencé par un «je ne sais pas où on va» (notre couple) énoncé par Charlotte. Alors les deux combinés, ça pèse quand même.

Charlotte sent notre couple menacé (davantage par mon évolution que par ma relation avec nathalie, même si celle-ci a servi de révélateur), alors que je ne ressens pas du tout ça, restant très optimiste sur l'évolution à venir. Mais de la sentir douter de moi, de nous, ça m'atteint quand même beaucoup (preuve que je ne suis pas aussi autonome que je l'imagine).

Ce soir, je lui ai clairement dit que je tenais à notre couple et que je croyais à notre évolution. Mais que je ne changerai pas pour lui plaire, et que je ne lui demande pas de changer pour me plaire. Je veux que nous allions vers quelque chose de plus libre, de plus autonome, où chacun puisse s'épanouir comme il l'entend. Que les moments où on se retrouve pour quelque chose soient de vrais plaisirs, sans contrainte pour personne. Je veux que nous partagions nos élans spontanés, en évitant de faire peser trop lourd sur l'autre ce qui lui est moins agréable. Et que je resterai avec elle tant que je ressentirai d'avantage de satisfactions que de déplaisir.

Tournant majeur dans notre relation de couple, donc. Qui, bizarrement coïncide avec ce tournant de mon existence concrétisé par la rencontre avec nathalie. Un peu normal que l'évolution de l'un amène à une évolution du couple...



Bon, c'est déjà compliqué comme truc... mais ça ne s'arrête pas là.



Parce que... simultanément (là encore, est-ce vraiment un hasard?)... de l'autre coté, avec nathalie... ben on ne sait pas du tout où on va! Notre attachement, contrarié par la distance qui nous sépare, nous laisse perplexes.
Comment va t-on pouvoir vivre cette relation à distance alors qu'elle a pris autant d'importance dans nos vies? Alors qu'elle remet autant de choses en question, d'un coté comme de l'autre? Comment "oublier" (ne plus trop penser...) à cette complicité merveilleuse en face à face? Comment faire alors que... ni l'un ni l'autre nous n'avions jamais connu un tel bonheur?

Comment... bordel, comment ne pas se poser plein de questions???
C'est un truc de fous!

Il va nous falloir apprendre à vivre sur les acquis de ces trois petits jours, sublimer le désir de se voir et de se toucher, transcender les sentiments et... [non mais tu crois berner qui avec ce genre de baratin?]

Pfff, pour le moment je ne parviens même pas à penser à tout ça. Mes pensées sont sans avenir, accrochées à tout ce qui a changé mais sans rien percevoir au dela du brouillard dans lequel je suis immergé.

Je crois que je ne veux pas y penser. Il le faudra pourtant bien...








Variations autour du mot "aimer"



Jeudi 25 septembre


Dans une heure, je serai chez ma psy. Je sais ce que je vais lui dire, je le sais depuis une semaine, lorsque l'idée s'est (enfin!) imposée à moi. Je vais lui dire ce qui est certainement évident à quiconque lit ce journal, ce qui brûle les yeux mais que je ne voyais pas. Ce qui fait que j'étais si mal de ressentir la force de mes sentiments envers nathalie.
C'est notamment en me rendant compte de la teneur de certains de mes textes ici que jai compris. Car ce que je décris de mes pensées envers nathalie, je ne l'écris jamais pour ce que je vis avec Charlotte. C'est significatif. Il est évident que l'intensité amoureuse est plus forte envers nathalie qu'envers Charlotte. En langage raccourci, ça donne cette chose que je ne pouvais/voulais pas accepter de voir: j'aime nathalie plus que Charlotte.

Sauf que ce genre de phrase, qui me heurte encore (culpabilité d'oser l'écrire), est trop réductrice. Comme on ne compare pas "aimer d'amitié" et "aimer d'amour", je ne peux comparer deux amours qui, chacun, tiennent de l'un et de l'autre de ces sentiments. J'aime charlotte depuis 23 ans, même si l'état amoureux à fait place avec les années à une autre forme d'amour, un sentiment plus profond, apaisé, rassurant. Quelque chose qui se rapproche d'une très grande amitié. Tellement grande qu'elle se vit aussi dans la dimension sensuelle et sexuelle. Mon attachement envers elle est très fort. C'est la femme avec qui j'ai choisi de construire quelque chose, et ce n'est pas rien.

A coté de ça il y a nathalie, et l'extraordinaire complicité que nous avons. Mélange d'attirance et de connivence, nous avons fini par comprendre que nous nous aimions. C'était alors tellement évident que je ne pouvais déjà plus y renoncer (et pourquoi l'aurais-je fait?). nathalie est devenue infiniment plus qu'une amie. J'aime nathalie et, si je n'étais pas lié déjà avec Charlotte, je pense que... non, je ne pense rien, car je suis ce que je suis parce que Charlotte partage mon existence et m'a permis d'en arriver là où j'en suis. Mais bon... je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qui pourrait se passer si j'avais été libre.

Seulement voila: je ne suis pas libre!
Et c'est terrible. Parce que j'ai ressenti avec nathalie des émotions inconnues, et une complicitité naturelle que je ne me souviens pas d'avoir éprouvé avec Charlotte, même lorsque nous étions jeunes amoureux. Il faut dire que j'avais presque un quart de siècle de moins. Je n'étais pas le même, j'avais trop de doutes existentiels, un trop grand désir d'aimer, de construire quelque chose sur le plan amoureux.
Maintenant j'ai une maturité, je me sens exister et être plus près de moi-même. Je suis à l'écoute, de moi et d'autrui, et je peux aimer vraiment, sentir l'attachement qui existe entre nathalie et moi, en mesurer toute la valeur et la préciosité. Nous nous comprenons souvent à demi-mot, nous avons des idées proches, des objectifs similaires, une curiosité mutuelle, un désir d'aller l'un vers l'autre, un regard-miroir qui montre toute la force de ce qui nous lie au delà des mots. Oui, on s'aime, et on s'aime fort.

Et... ben oui, avec Charlotte c'est différent parce que... cela n'existe plus... ou n'a jamais existé de cette façon. Constat troublant, déstabilisant... Mais c'est comme ça. Je suis engagé avec Charlotte, à qui je suis profondément attaché et je ne peux partager mon existence avec nathalie... parce que nous vivons trop éloignés l'un de l'autre.

Il y a quelque chose d'injuste dans tout ça! Pour le moment... je refuse d'y penser.




Séance psy 3.9


Bon, finalement (et comme d'habitude...), ça ne s'est pas déroulé comme je supposais. Je me disais «là, j'ai plein de choses à déballer sur cette "inversion" entre un amour-amitié pour Charlotte et une amitié-amour avec nathalie». En fait, ça a été très vite dit (puisque j'avais déjà intégré cette idée), et mon discours à suivi un autre chemin (quand je dis que partir à la recherche de soi est une aventure...).

D'abord j'ai parlé de graduations entre amour et amitié (selon les définitions communément admises pour ces mots), expliquant que ce que je ressentais pour Charlotte tendait davantage vers l'amitié que ce que je ressens pour nathalie. Mais je ne cherche pas à le définir d'avantage, ça n'a pas d'importance. Il n'est pas question de force ou d'intensité qui se mesureraient, mais de relativité par rapport à deux pôles (amour/amitié). Je crois que c'est bon, j'ai intégré cette idée.

Ensuite, j'ai tenté d'expliquer comment j'en étais parvenu à ce constat. Je pensais notamment à des moments très précis durant lesquels j'ai été pénétré d'un bonheur absolu, au milieu de la bulle de bien-être que j'ai partagé avec nathalie. Des moments inoubliables, extraordinaires, durant lesquels je sentais... je sentais... quelque chose de... (mes mots hésitaient) Mme psy m'a suggéré «enveloppant?» Oui, c'est ça, ai-je précisé... me rendant compte simultanément de ce que ce terme sous-entendait comme "besoin affectif de me sentir dans un cocon de bien-être". D'ailleurs, par la suite, cette idée de protection, de milieu sans agression, est revenue souvent. Je retrouve la notion de confiance qui m'est chère. [en qui n'ai-je pas eu confiance dans mon enfance pour en avoir un tel besoin?]

Je lui ai parlé de mon rapport aux autres, de mon désir d'aller au fond de l'intériorité des êtres, de toucher à l'intime... «Pourquoi leur part intime vous interéresse t-elle?» Je me suis rendu compte que c'était surtout la part de leur intime qui retrouvait la mienne. C'est à dire que je m'intéresse à ce qui éveille quelque chose en moi, ce qui réveille mes émotions, me "parle". Oui, intérêt égoïste, ou narcissique.

Je lui ai parlé du regard que Charlotte porte sur moi et dans lequel je ne retrouve pas ce que je sens dans le regard de nathalie. Charlotte n'a plus cette curiosité, cet intérêt, cette attirance. Elle me voit, mais ne me regarde pas. Je suis là, dans sa vie, lui apporte un réconfort (confort?), une stabilité, une assurance. Mais je ne suis plus un être qu'elle regarde avec... admiration [hum!], ni même intérêt, ou désir. Je suis simplement là. Oh, avec beaucoup de tendresse, d'attentions gentilles, de la complicité, un partage. On s'aime, c'est certain. Je sais que je compte infiniment pour elle et qu'elle m'aime vraiment.

Dans les yeux de nathalie (et dans les yeux de pas mal de gens avec qui il se passe "quelque chose" au niveau d'échange d'intériorité), je me sens... "beau", apprécié. Et c'est vachement important pour moi.

Cherchant à préciser ce qui me plaisait dans l'alterité, m'est venu le terme d'"autre moi" (alter ego). Grmblll, c'est certainement ça (et ça m'énerve de le constater): je cherche chez les autres ce qui me ressemble, ce qui me conforte dans ce que je suis. Je disais que, par ce genre d'échanges approfondis, nous nous nourrissions mutuellement. Chacun apporte, par ses petites différences, un éclairage nouveau mais suffisamment proche pour qu'il me soit acceptable et m'amène à évoluer. Et de fait, c'est avec des gens proches que je ressens le plus cette idée de "respect" et de confiance. Parce que rien ne me heurte vraiment entre nous.
Au contraire j'évite les conflits et les discussions trop contradictoires. Quoique... d'un certain coté, je les recherche aussi parce que j'apprends à m'y affirmer. Mais je vis mal ces situations si elles durent. Rapidement je m'y affaiblis et en sors meurtri. Je n'aime pas qu'on ne m'aime pas, ça me démolit.

Ouais ouais, je vois bien l'idée qui apparaît derrière tout ça: besoin de confiance, de protection (arghhh, avec tout le coté "maternel" que ça sous-entend... pouah!). Merde, ça me fait chier de constater ça. Je constate que la prise d'autonomie que je cherche ancre ses racines bien loin dans mon passé.

Je me suis rendu compte que ce qui m'avait tant séduit chez nathalie, c'était une recherche similaire: aller vers soi, oser être soi, sans craindre d'être "différent". Je crois que c'est cette quête commune qui nous réunit, ainsi qu'une façon de vivre les choses assez semblable, et puis... un désir de plaire, de séduire... et une attirance l'un vers l'autre qui s'est dynamisée encore d'avantage en face à face... Oui, d'une certaine façon, il y a une part d'alter ego dans nathalie. Mais il y a aussi toutes ces différences qui me font évoluer, parce que nos chemins n'ont pas été les mêmes et que, chacun, nous nous apportons un vécu particulier. C'est la somme de nos ressemblances et de nos dissemblance qui nous attire l'un vers l'autre... avec une force incroyable. C'est ça qui est rare: c'est que cela crée une surprenante complicité. Il ne s'agit pas seulement d'une "simple" attirance, il y a un partage dans de multiples dimensions. Et tout cela déclenche un sentiment très fort, qui va nous chercher bien loin à l'intérieur. Nous nous aimons (à lire à double sens: l'autre et soi). Et en nous aimant ainsi l'un l'autre, nous apprenons à nous aimer nous-même. Parce que dans le regard aimant de l'autre, tellement convainquant, nous ne pouvons qu'en convenir: nous sommes "aimables". Nous existons dans ce regard autre. C'est l'effet de miroir qui rend si beau ce regard sur nous. Narcissime et égoïsme... mouais... sont-ce vraiment des horribles défauts, tels qu'on nous l'a enseigné?

Ne faudrait-il pas voir tous les effets positifs de ce narcissime qui redonne confiance, qui donne la force de croire en soi parce que quelqu'un d'autre (plusieurs autres) y croit? Croire en soi pour ensuite apporter cette confiance à d'autres, les aider à croire en eux-même à leur tour? Le narcissisme, c'est s'aimer soi-même, et c'est indispensable. Sauf que ce genre de terme est trop connoté négativement.

Alors disons que, je ne suis pas égoïste, mais je pense à mon égo, j'en prends soin
Je ne suis pas narcissique, mais j'aime celui que je suis (je m'y efforce) et veux aimer celui que je deviens.



Et je profite de cette évocation de l'alter ego pour repréciser que ce journal se nomme "Alter et ego", (prononcer altère ette ego) du latin "l'autre et moi". Si je trouve dans nathalie, partiellement, un alter ego, elle est aussi cet "alter", cet autre qui m'aide à aller vers "ego", moi-même.
Et puisque je suis dans les précisions, le hasard a voulu que je change le nom de ce journal quelques jours avant que ma relation avec nathalie n'entre dans une nouvelle dimension. Je pensais à "les autres et moi", et ce journal est beaucoup devenu "l'autre et moi", nathalie et moi.






Distances incompressibles




Lundi 29 septembre


Je sais que, depuis que j'évoque plus précisément ce que je ressens par rapport à nathalie et à mon couple, certaines personnes qui me lisaient depuis longtemps y ont renoncé. Il semble que cette lecture suscite un certain malaise dont je peux comprendre qu'il donne l'envie de s'en protéger.

Je ne m'en offusque pas... ni ne modifie mon écriture. Tout au plus m'arrive t-il de penser que mes mots peuvent heurter. Mais... ma démarche est celle de la lucidité et de la sincérité. Je ne veux pas qu'une retenue influe sur cette recherche intérieure sous prétexte qu'elle pourrait heurter des consciences. Je regrette cependant de susciter ce malaise.
Par ailleurs, en observant les réactions suite à mes interventions sur un forum, sur ce même sujet, j'ai remarqué un contraste saisissant. Pour certains je suis presque un modèle du genre, encensé pour la lucidité dont je ferais preuve, alors que pour d'autres je suis rejeté en tant qu'être absolument égoïste et aveugle sur la souffrance qu'il déclenche.

Mouais... on ne peut pas plaire à tout le monde. Alors je me plais à moi-même en m'exprimant sincèrement. Je procède de la même façon avec nathalie, et avec Charlotte. Non que je dise les choses de façon brute, mais que j'amène à ce que les non-dits soient dits... Je pense surtout à Charlotte puisque c'est avec elle que notre décalage est le plus grand.


Nos échanges avec elle continuent à un rythme jamais égalé auparavant. Longues discussions autour de notre couple et de nos visions respectives de son passé, de son présent... et de l'avenir que nous lui souhaitons. Enfin... que JE lui souhaite. Parce que régulièrement Charlotte s'interroge sur son avenir tout court. Et même si je la rassure inlassablement... régulièrement revient cette incertitude lorsqu'elle se retrouve seule à penser. Pourtant, je ne m'en inquiète pas. Je reste confiant.
Bon... je ne peux pas retranscrire la teneur de nos échanges, qui sont à mon avis beaucoup moins inquiétants que ce que mes mots ici pouraient le laisser croire. C'est trop dense pour que je retrace l'évolution de nos pensées mises en commun.

Mais hier, j'ai quand même perçu quelque chose: mes besoins en communication profonde sont tels que, lorsque j'en suis privé, je suis moins proche d'elle. A contrario, sa retenue naturelle fait que mes tentatives d'échanges réveillent des angoisses... qui l'éloignent de moi. Plus je cherche à me rapprocher, et plus nous nous nous éloignons. Il existe entre nous une distance incompressible. C'est pour cette raison que nous avons trouvé un modus vivendi qui fait que nous sommes très proches en bien des domaines... mais pas sur des points essentiels. Voila pourquoi l'attachement que j'ai envers elle est fort... mais ne peut pas aller vers un summum dans la complicité.

Charlotte a peur de l'amour, et peur du bonheur. Je cherche le bonheur et veux m'en approcher, et l'amour me fascine et m'attire. C'est une différence fondamentale. Charlotte a érigé des limites qui la rassurent alors que j'ai besoin de dépasser les miennes. Plus je cherche l'amour au fond de ses yeux, plus son regard fuiera le mien. Notre amour est limité. Plafonné, écrêté d'avance.

C'est hyper frustrant pour moi, invivable sur le long terme. J'en ai souffert, et elle aussi, avant que je n'y renonce... parce que je pouvais compenser ce manque en dehors d'elle. En m'ouvrant à la communication avec les autres... et dans tous les domaines qui m'attiraient. Tous, et surtout ceux qui me tenaient à coeur... comme celui de la séduction..

Désormais je peux trouver dans le domaine intime les échanges dont j'ai besoin. Je peux partager avec nathalie nos ressentis et les sentiments qui les accompagnent. Je peux à la fois assouvir mon besoin irrépréssible de confiance réciproque et me laisser porter vers des sentiments forts envers quelqu'un qui ne retient pas les siens. Je peux aimer vraiment, sans autre limites que celles que nous déplaçons chaque jour un peu plus loin. Sans autre limite que... cette distance incompressible qui nous sépare et nous relie. Ce nulle part qui a permis à nos esprits de se rencontrer. Ce nulle part qui, peut-être, nous met à l'abri d'un quotidien qui finirait par anesthésier les sentiments...

Peut-être... peut-être pas... la question reste en suspens...






Je me souviens...

... du premier instant ou je t'ai vue, en contrebas dans la gare. Tu me cherchais du regard parmi les visages, sans me trouver, l'air un peu inquiète et désemparée. En une fraction de seconde je t'ai reconnue, grande et mince, avec tes cheveux couleur d'automne. A cet instant j'ai su que tout était possible entre nous. J'ai descendu l'escalier mécanique qui me conduisait vers toi. Tu ne m'avais pas encore repéré...







Intimiste




Mardi 30 septembre


Il y a quelques jours, alors que ma fille de 16 ans me confiait ses difficultés amoureuses (non non, elle ne veut surtout pas employer ce mot là, c'est seulement "un garçon avec qui elle a envie de parler"), je lui ai proposé, afin qu'elle comprenne mieux ses attentes, de recourir à l'écriture sous forme de dialogue avec soi-même. Cette forme d'expression révélatrice qui consiste à faire parler tour à tour les différents états de conscience qui nous constituent. Entre le coté "raison" et le coté "passion", le "ce qu'il faut faire" et le "ce que j'ai envie de faire". Bref... entre le surmoi et le "ça", si je ne me trompe pas en termes psychanalytiques.

Et c'est amusant, parce que quelques jours plus tôt c'est nathalie qui m'orientait vers cette piste pour laisser venir en moi ce que je lui avouais "bloquer" dans mon processus de pensée. Toutes ces choses que j'aurais tendance à décréter "impossibles"... tout en sachant combien ce mot est un leurre derrière lequel il est facile de s'abriter.
Alors je lui avais répondu en riant, un peu troublé, que non non non, surtout pas ça! Pas d'un dialogue intérieur, parce que je craignais trop ce qu'il pourrait me révéler...

[hmmm, manquerais-tu de courage pour oser regarder les choses en face?]

Euh... hem... je disais donc que je ne voulais pas trop laisser venir mes pensées. Je me suis rendu compte, dans le même ordre d'idées, que j'avais rapidement "étouffé" la résurgence des souvenirs de nos trois journées (ouais... à peine deux et demi...) avec nathalie. Je les sais ces souvenirs, et ils me reviennent en tête très souvent, mais je ne les laisse pas éclore. Tout juste ont-ils le droit de traverser mes pensées sans trop ralentir.

[c'est bien dommage...]

... ah, euh... oui, je sais que c'est dommage, mais si je les laissais revenir...

[et bien, que se passerait-il?]

Il se passerait que... merde, j'ai pas envie d'en parler. J'ai pas envie d'y réfléchir.

[hé hé...]

C'est... trop questionnant tout ça.

[alors tu occultes...]

Je... oui.

[pas ton genre ça... toi qui revendiques le fait d'aller chercher au fond de toi]

Oui, mais là c'est pas pareil. Ça remet trop de choses en question.

[du genre?]

Du genre que... ben... arhhhh...

[Tu veux pas en parler, c'est ça?]

Bah... grrr, c'est... trop....

[trop grosse remise en question?]

Oui, c'est ça. C'est imposs... euh... c'est... je ne peux pas... trop de questions.

[mouais, c'est pas bien clair tout ça...]

Ce qui est clair c'est que c'est compliqué...

[ça te fait peur?]

:o))) non, pas du tout mais... je vois pas de solution. Pas encore... c'est trop tôt, il faut laisser mûrir les choses.

[oui, comme vous disiez hier soir avec nathalie au téléphone...]

Ouais... j'aime beaucoup qu'on ose s'aventurer vers ces terrains... euh... oufff... vaaaachement... hum... "sérieux". C'est que... ben oui, les questions qui se posent touchent à des choses... immenses.

[oh? tu crois que c'est aussi immense que ça?]

Oui oui, c'est immense. A coté, prendre la décision de se rencontrer c'était de la gnognotte, du pipi de chat...

[hé hé, quand on sait à quel point ça t'a préoccupé et le temps qu'il t'a fallu avant que la décision s'impose d'elle même...]

Ouais... alors oser aller plus loin dans les réflexions, euh... vers des choses plus... enfin...

[bref: t'as peur!]

Pour le moment, oui. C'est... oh la la, tellement de choses remises en question. Oser aller vers soi, oser être soi.... oui, mais jusqu'où? C'est vraiment entrer dans une dimension nouvelle.

[c'est bien ce que tu voulais non? Tu as dit que cette rencontre marquait un tournant de ton existence, que quelque chose serait changé en toi]

Voui, c'est ça...

[Ben voila, tu y es, à toi de voir vers où ta vie te mène... et ce que tu veux faire pour suivre tes désirs]

Glups... oui.

[ah tiens, au fait... t'avais pas pour idée de changer de nom? Marquer ce tournant de ton existence]

Oui oui, j'en ai envie depuis que je sais que cette rencontre allait avoir lieu. Parce que j'avais osé choisir d'affronter la réalité des choses. Je me suis dit que ce pseudonyme de l'Idéaliste ne me convenait plus. Je ne suis plus un idéaliste rêveur. Enfin si... je le reste un peu, mais à un degré tel que ce nom ne me convient plus. J'ai plus envie de signer sous ce nom-là... c'est plus moi.

[Alooors, tu vas t'appeller comment maintenant? "Le Réaliste"? hé hé]

Pffft!
Euh... en fait mon nom n'a pas beaucoup d'importance, il n'apparaît nulle part sur mon site. Et puisque la CEV disparaît, il ne sera même plus en face du nom de mon journal sur la liste. C'est donc uniquement une façon d'être identifié par les autres, ou de signer mes courriers.

[Doooonc, ce sera...?]

... nathalie aurait aimé que j'opte simplement pour mon prénom. Mais... je ne sais pas si j'y suis vraiment prêt.

[Donc, si tu ne sais pas, c'est que tu n'y es pas prêt...]

Hmoui... certainement. Pourtant... j'aurais aimé avoir cette audace. Mais bon... le net étant ce qu'il est, avec on ne sait quels gugusses qui y traînent... je préfère rester encore anonyme. Peut-être un jour j'assumerai entièrement mes écrits et ne craindrai plus qu'ils soient lus par quiconque.

[Boah... t'en es pas si loin que ça. Serais-tu vraiment dérangé si on t'identifiait? Que crains-tu?]

Pas grand chose, c'est vrai... Mais bon... quand je vois les réactions des gens face à ce que je vis, ces jugements moraux qui tombent très vite... mouais... pas encore prêt à assumer ce genre de regards.

[pfff, mais tu ne crains rien! c'est pas avec ton audience que le monde entier risque de te découvrir!]

Oui oui, je sais... mais bon... non, je n'y suis pas encore prêt

[Alooooors, tu as opté pour quoi?]

C'est pas moi qui ai choisi, mais un de mes lecteurs qui l'a "choisi" pour moi, apparemment sans faire exprès. Mais s'il me l'a attribué, c'est qu'il convenait à l'image qu'il a de moi. Et comme j'apprécie sa perception des choses... comme le mot qu'il a choisi me convient tout à fait...

[Et comme nathalie t'a dit que ça convenait bien à qui tu es...]

Pfff, comment tu sais ça toi???

[hé hé... tu oublies qui je suis...]

Ah oui, c'est vrai...

[Doooonc..? (accouche merde!)]

Euh... désormais je serai...

[...]

L'intimiste

[Ah euh... oui, en effet, ça colle bien avec toi]

Oui, depuis que j'ai compris que j'existerai surtout dans le domaine de l'intime, je trouve que ça me décrit bien.

[Hé, mais on change pas de pseudo comme ça! Les gens ne vont pas te reconnaître.]

Pfff, "les gens"... qui ça?

[Parmi les diaristes...]

Ha ha ha, alors ça... ceux qui me lisent savent qui je suis, les inconnus se fichent de mon nom, et les autres... ceux du temps des polémiques, je m'en fous. C'est fini cette époque là.

[Si tu le dis...]

Et puis... l'Intimiste ça ressemble à l'Idéaliste, pas compliqué de faire le lien. Et en plus... hé hé, ça correspond au nom choisi pour son site par une des pionnières de l'étude des journaux intimes. Sans doute le premier site sur lequel je suis arrivé en tapant le mot "journal intime", il y a quatre ans. Mouais... j'aime bien ce genre de petit rappel.

[Bon... donc c'est désormais l'intimiste...]

Oui

[Et mais... tu nous a fait digresser là... on parlait pas d'autre chose au début?]

Hé hé, trop tard, le temps imparti est terminé. Cette page est déjà bien assez longue.

[Alors ça... tu verras, je t'aurai bien un de ces jours. Et je te ferai parler cette fois-ci]

On verra, on verra...





Je me souviens...

... que je descendais vers elle sans la quitter du regard. J'étais encore calme mais sentais de seconde en seconde mon coeur s'emballer. Je descendais, descendais, observant cette femme que je n'avais jamais vraiment vue. Une belle femme...

Et puis elle a tourné les yeux dans ma direction... et les détails de chaque instant se sont enregistrés précisément. Au point que j'ai l'impression aujourd'hui de revoir le fim au ralenti. L'ambiance de la gare devient ouatée, tout devient flou et assourdi, le silence est là. On se fixe du regard, je continue ma descente, puis pose le pied au sol. Je ne me mets pas à courir, parce que les caméras ne sont pas là, que les violons n'existent pas, et qu'on est pas au cinéma. Mais... c'est bien plus beau que ça, parce que nous le vivons de l'intérieur. Déjà, avant même de nous être touchés, a dix mètres de distance, nos regards sont entrés en contact...







Mois d'octobre 2003