Novembre 2003
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Planté


Lundi 3 novembre


Gros plantage informatique. Je ne peux plus accéder à mon ordinateur, Windows ne s'ouvrant plus. Tout cela grâce aux conseils par téléphone des techniciens de mon fournisseur d'accès qui ont voulu me faire désinstaller Explorer suite à un problème minime... Ah ben bravo, ils m'ont vraiment fait gagner ma journée ce jeudi dernier! Des heures au téléphone pour aboutir à ça...
Pour le moment tout n'est pas perdu et je m'accroche à l'espoir de pouvoir récupérer toutes mes données sans devoir tout réinstaller (on est prié de ne pas me casser cet espoir...).

Bref, c'est pas rigolo du tout. Heureusement que mon ancien ordinateur est toujours là pour prendre la relève en cas de défaillance. Mais ses capacités sont limitées. Je ne sais pas trop ce que ça donnera sur la mise en page de ce journal (si ça devait être bizarroïde, ne pas s'en inquiéter...).

Si j'ai accès à internet et à mon courrier, en revanche je suis privé de webcam et de Chat. Hum... ça c'est pas joyeux... D'autant moins qu'en ce moment je suis en période de forte activité professionnelle, tout comme nathalie. Résultat: des contacts réduits au minimum... beuh...
Le chat nous permet généralement de nous reconnecter l'un à l'autre dans ce genre de périodes, mais si tout doit passer par mail alors que nous n'avons pas la tête disponible dans la journée... ben ça ne donne pas grand chose. Entre nos activités professionnelles et mes déplacements, voila quatre jours que nous n'avons pas vraiment pu communiquer (oui, bon, y'a pire... je sais bien).



Ce qui m'irrite quelque peu, c'est que j'avais écrit un long texte suite à ma dernière séance psy, dont j'étais très satisfait. Et là, pfuuuit, impossible d'accéder à ce texte. Je ne sais même plus de quoi j'y parlais puisque je me fiais à cette trace écrite pour bien enregistrer les choses (ma mémoire travaille à l'écriture et à la relecture). J'espère simplement que tout ne sera pas perdu...





Un autre choix



Vendredi 7 novembre


Parce que régulièrement on me l'écrit, je sais que je suis lu avec attention. Je sais que mes écrits touchent un certain nombre des yeux qui me lisent. Je sais que je mes entrées sont attendues... Alors je n'aime pas rester trop longtemps silencieux.

Cette attente d'une part de mon lectorat, loin d'être une pression, est pour moi quelque chose de très gratifiant. C'est ce qui m'encourage dans le dévoilement poussé de mon ressenti. Je me demande même si ces regards ne jouent pas un certain rôle dans ce que je vis actuellement. Parce que cette présence muette est comme un témoin devant lequel, bien souvent, je m'engage. Il me serait difficile de dire quelque chose un jour, et son contraire le lendemain. Peut-être que votre fidélité a aussi un rôle stimulant, m'encourageant à aller toujours un peu plus loin. Dans cette histoire que je vis actuellement, je ne me sens pas seul avec chacune de mes partenaires. Ce journal en fait un peu partie, et vous, lecteurs, aussi. C'est un rapport assez particulier, constitué par une connivence davantage perçue que confirmée.

Je suppose que les sujets que j'aborde éveillent des réflexions pour certains d'entre vous. Parce que ce que je vis peut toucher quelque chose chez pas mal de gens, chacun pour des raisons quilui sont propres. Et, entre nous, c'est pour ce lectorat que j'écris plus particulièrement. Je reconnais pourtant que les commentaires de ceux qui me jugent m'aident parfois à éclaircir ma pensée...

Le problème, c'est qu'en ce moment je n'ai pas le temps d'écrire. Mes journées sont très occupées, et mes soirées parfois raccourcies pour cause de sommeil assommant. Ça devrait durer encore quelques semaines...
Oh, je pourrai bien donner un petit signe de vie quasi quotidien, en quelques phrases, mais ce genre de flash est bien trop court pour ma façon d'analyser. Je ne sais pas être court. J'aurais l'impression de perdre quelque chose d'important si je devais me contenter de quelques minutes d'écriture quotidienne. Alors je préfère différer jusqu'au moment où je disposerai de suffisamment de temps pour approfondir. Même si, forcément, je perds une part du cheminement de mes pensées.

Car bien souvent c'est la surabondance d'idées à exprimer qui me bloque. Je ne sais pas faire le tri dans les réflexions qui viennent de toute part. J'essaie de rester cohérent, de ne pas développer simultanément plusieurs pistes, mais c'est parfois impossible. Car toutes les idées interragissent, et chaque fil tiré soulève de nouvelles questions.

En ce moment, après une quinzaine de jours un peu plus apaisés, les questions reviennent en force. Je pensais pouvoir me satisfaire d'une situation de status quo, dans le genre «on verra bien ce qui arrivera», mais je ne crois pas que ce soit viable. Car compter sur le temps qui passe a un double effet: nécessaire pour s'entendre en soi, laisser mûrir lentement les idées, cela peut aussi être une facilité qui reporte la prise de décision. Laisser le temps au temps ne doit pas laisser le temps devenir acteur. Certes, la prise de décisions marquantes demande qu'elles soient mûrement réfléchies, donc sans pression excessive, mais celle du temps qui passe ne peut être évitée.

Et la décision à prendre, maintenant, c'est de savoir sous quelle forme va pouvoir se poursuivre cette relation parallèle. Entre les désirs de Charlotte, ceux de nathalie, et les miens, il va bien falloir que je fasse des choix. Non pas le choix simpliste que l'on m'a souvent demandé de faire (l'une ou l'autre... pfff...), mais celui qui consiste à me déterminer par rapport à ces deux relations. Etant entendu que je veux garder les deux, tant que chacune l'acceptera.
Ce refus de choisir peut d'ailleurs passer pour de l'indécision, voire comme un signe d'immaturité. Au contraire, je le vois comme un choix autre: adulte, réfléchi, difficile. C'est opter pour une voie dont je sais qu'elle n'a rien d'évident. Elle n'est pas ordinaire, n'est pas balisée, n'est pas connue. Aimer en double n'est pas simple, aimer à distance encore moins, et la combinaison des deux a des spécificités bien particulières. C'est un défi qui s'impose à moi et auquel je veux faire face. Je le trouverai peut-être trop difficile à tenir, mais pour l'heure je n'ai aucune intention de renoncer devant cette difficulté.

Ce qui me donne de la force, c'est la volonté conjointe de Charlotte et de nathalie que chacune de nos relation dure. Et personne ne rejette l'autre. Même si aucun lien direct n'existe entre elles (c'est moi leur seul lien), il y a une coté "aventure à trois". Une triangulation non fermée. Ni nathalie, ni Charlotte ne m'ont demandé de choisir (il n'y a que des gens extérieurs pour faire ça...), et c'est la grande qualité de ces histoires parallèles.

Si, comme on me l'avait suggéré il y a des mois j'avais coupé court à cette relation, je nous aurais privé de tous ces bonheurs que nous avons vécu, de tout cet épanouissement qui nous a grandis. Je n'aurais pas eu ces remises en question fondamentales sur le poids de mon héritage culturel, sur mes manques, sur mon rapport de couple. Je me serais privé de richesse qui ont rendu ma vie plus intense qu'elle n'a jamais été.

Alors je n'ai aucune envie d'interrompre ce processus de découverte (et pis quoi encore...?), même si parfois il est douloureux pour chacun de nous trois. D'ailleurs, aucun de nous ne regrette la lucidité qui en a découlé.
Ne pas interrompre, c'est choisir de poursuivre. C'est s'adapter à une situation délicate que nous ne connaissons pas, et dont nous ignorons l'issue. Chacun devra se déterminer, et pour ma part je crois que je dois entreprendre un travail d'écoute de moi-même. Tout comme je l'avais fait cet été, lorsque j'ai décidé en mon âme et conscience de rencontrer nathalie, assumant tout ce qui pouvait en découler de la part de Charlotte.
La différence, c'est que cet été je ne savais pas quelle serait sa réaction, alors que maintenant je mesure de quelle façon elle a mal vécu mon absence. Toute nouvelle rencontre renouvellera cette souffrance pour Charlotte. Alors que de l'autre coté le report d'une rencontre sera douloureuse pour nathalie...

Le choix que j'ai à faire est un dilemme, puisque quelle que soit la décision que je prends je rendrai heureuse l'une des femmes que j'aime, mais en rendant l'autre malheureuse. Je ne dois donc pas raisonner en fonction du plaisir/déplaisir que je peux apporter, puisque le problème est insoluble. La seule chose qui puisse faire la différence c'est de m'écouter moi-même. Entendre quels sont mes désirs profonds, les assumer, et les appliquer. Sans chercher à protéger l'autre (de ses propres insécurités), ou moi-même (du risque de déplaire). Et en cela je renouvelle un acte symboliquement fort: oser être moi-même. Non plus face à la morale, cette fois-ci, mais face aux personnes qui comptent le plus à mes yeux!

C'est jouer à fond la sincérité. Celle des actes, en accord avec les convictions.

L'enjeu est sans doute un acte fondateur dans tout mon rapport à autrui. Car après m'être déterminé face à celles que j'aime... je suppose que je n'aurai plus peur d'être moi-même face aux autres.
C'est déjà en bonne voie depuis quelques temps...






Mercredi 12 novembre


Je ne sais pas bien ce qui va se passer dans ma vie prochainement. J'ignore comment je vais relater ça dans ce journal. Je ne sais même pas si je vais le poursuivre...
Car je voulais relater quelque chose d'optimiste, cette quête du bonheur que je m'efforce de rendre possible. J'étais plein d'éspérance naïve (oui, idéaliste...), et je crains fort que la tournure que prennent les évènements ne m'y encourage pas.


Il y a quelques jours, alors que j'étais en déplacement, m'étaient venues des idées que je trouvais alors importantes. Le hasard à voulu que ce soit sur "l'autouroute de la révélation", exactement sur la même portion que celle qui, trois mois plus tôt, m'avait permis de comprendre la portée du mot "aimer". A se demander si le paysage n'y est pas inspirant...
J'avais retranscrit mes annotations et me préparais à les mettre en ligne quand...

Mais suivons plutôt le déroulement des évènements.

[J'ai laissé les dates authentiques]



Optimisme naïf...



Samedi 8 novembre
[Retranscription d'annotations sommaires, simultanément commentées entre crochets]


Ne rien décider [dans ma façon de vivre la relation avec nathalie], c'est laisser le temps choisir pour moi. Ne pas choisir... c'est "choisir" de privilégier Charlotte, de fait. Car sa présence donne une suprématie à cette relation quotidienne, face à laquelle la distance et le temps jouent dans le sens de l'effacement de ce que j'ai ressenti en la présence de nathalie.
Ne pas entretenir la relation avec nathalie [si nous ne nous revoyons pas dans un délai court] c'est aller vers une possible modification de notre relation et risquer de ne plus retrouver tout ce qui nous as liés. Ce qui a été tellement important pour mon évolution, éclairant dans ma façon de vivre l'amour, et qui m'a apporté tant de bonheur. [Je veux parler de notre dynamique: aller à la rencontre des pensées de l'autre et y trouver une source réciproque de bien-être et d'épanouissement]

Je sais que l'érosion des sentiments est due au temps qui passe [mais aussi au fait qu'une part de moi cherche à "oublier"....] Je ne dois pas me laisser gagner par la résignation, face au coté complexe de notre situation. Je dois penser au présent... Présent qui passe si on ne le saisit pas. Si je me résigne, un jour je regretterai de n'avoir pas osé. Je regretterai de n'avoir pas assez cru en cette complicité, d'avoir baissé les bras par faiblesse, facilité, simplification. [Je pense là à cet immobilisme, cette non-détermination, qui agit dans un sens que je sais défavorable].

Je sais que ce qui me bloque est le refus de Charlotte de me voir partager une sexualité avec nathalie. C'est seulement ça! [Notre relation de complicité (pensée et mode de fonctionnement) , est bien autre chose qu'une attirance physique, mais je ne peux nier que ce prolongement naturel d'une relation de proximité existe aussi... Je sais que le sentiment amoureux d'une part, et le coté physique-sensuel-sexuel d'autre part, interfèrent fortement dans la "simple" complicité-amitié qui nous lie. Cette dimension physique m'est théoriquement "interdite" au nom d'une certaine morale, dont je dois reconnaître qu'il m'est difficile de sortir sans efforts soutenus]
Cette sexualité hors-mariage [hum... hors-mariage seulement??] est encore un tabou pour moi: je dois donc réfléchir à mon rapport au sexe.


Entretenir la relation avec nathalie, c'est faire à mon tour ce qu'elle a osé faire [en venant à ma rencontre]. C'est lui donner cette preuve que, pour elle, pour nous, je suis capable de ça. Mon envie de la voir ne se libérera que si je me libère préalablement du tabou du sexe. Car j'ai envie de retrouver cette extraordinaire complicité des esprits et des corps.

Dans la relation d'amitié-tendresse que j'ai eue avec Inès, il y a trois ans, c'est la sexualité qui m'avait fait peur et fait désinvestir cette relation. Car le désir de cette proximité physique, puissant moteur, n'était plus là, bloqué par une culpabilité anticipée. Si j'avais bien pu la surmonter au départ, récidiver devenait trop culpabilisant. Dès mes premiers contacts physiques avec elle, j'avais eu des réactions de rejet post-rencontres (trop de culpabilité à toucher une autre femme que la mienne). Il en avait résulté une gêne de ma part, que j'ai dissimulée par peur de la blesser. Mais en gardant le silence sur ce sujet, je rompais le pacte de sincérité... ce qui a alors accru mon malaise, et sans doute créé la distanciation qui allait devenir fatale.
Récemment j'ai très bien senti un embryon de ce genre de choses avec nathalie, se manifestant à retardement avec l'érosion de la force des souvenirs. Brrr... je n'avais pas du tout envie de ça et j'ai tout de suite cherché à comprendre ce qui se passait... Je sais qu'il y a conflit interne entre cet amour et la sexualité "interdite".
D'où mon report (inconscient) à un "plus tard" indéfini pour une nouvelle rencontre de nathalie. Trop complexe de prévoir un voyage en sachant que nous aurons cette proximité physique, que Charlotte le saura [le supposera...] et ne l'acceptera pas dans ses tripes (même si elle le comprend mentalement). Mon désir de sexualité est bloqué par la morale (exclusivité conjugale), une fois de plus!! Donc, je dois agir sur cette morale, la démonter, l'épurer, afin de savoir quelle est ma morale.
J'ai envie de revoir nathalie, de la toucher, la serrer dans mes bras, carresser son visage... ou un peu plus. Quoi de meilleur qu'une étreinte avec quelqu'un qu'on aime? Pourquoi serait-ce interdit? Où est le mal?

La vie est courte et chaque plaisir est bon à prendre lorsqu'il est là. On en a tous les deux envie et ça ne regarde que nous.
Ce que j'ai pu faire une fois (la démarche de cet été), je peux le refaire et le rendre permanent. Prolonger dans la durée.

On ne connaît pas l'avenir, alors il faut prendre le présent. Le vivre tant qu'il est là et rester confiant dans tous les futurs possibles. Ne pas craindre l'avenir.
Est-ce que je regrette un quelconque passé? non. Sauf l'insouciance de l'enfance et l'état amoureux naissant... qui est celui de tous les espoirs, justement. En amour, c'est la crainte de perdre ce que l'on a qui le fait perdre. Rester confiant.
La peur de perdre fait désirer posséder, garder, figer. Elle est mortifère. La confiance est vivante, emplie de possibles. Oser l'aventure.

Envie de dire à Charlotte «suis-moi, allons-y, osons!». Ne pas la sentir timorée, conservatrice, figée.




[Le texte précédent marquait une transition. Je venais de prendre conscience que je devais me déterminer et non plus me laisser porter, comme me le dictait un coté de mon inconscient qui jouait la carte de l'oubli. Retranscrit le 10 novembre au matin, j'avais reporté sa mise en ligne par manque de temps. Ce qui suit explique que j'aie ensuite différé la mise en ligne de l'ensemble]

... et réalité pessimiste



Lundi 10 novembre


Hum...je m'étais dit qu'aujourd'hui j'écrirai quelque chose en rapport avec la date: il y a exactement deux mois que j'ai rencontré nathalie en face à face. Je me remémorais ces quelques heures passées ensemble avec plaisir et une envie croissante de renouveller cette mise en contact.

Ouais... j'y croyais presque. Je m'imaginais volontiers que les choses, finalement, pourraient ne pas être aussi compliquées que je m'y préparais...

Mais je suis un incurable rêveur, un idéaliste, un naïf, qui imagine que ses désirs peuvent devenir réalité simplement parce qu'il en a très envie.
Ben non, ça marche pas comme ça!

Charlotte avait repris rendez-vous chez son psy, pour aujourd'hui, et je l'avais encouragée lorsqu'elle m'en avait parlé. Je suis trop partisan de cet accès à la lucidité sur soi pour ne pas voir tous les avantages de cette démarche. Mouais... sauf que dès qu'elle m'a rapporté ce dont elle avait parlé, il s'agissait d'une réaffirmation de ses limites. Et une nouvelle fois c'étaient celles des origines: elle ne parvient pas à accepter cette relation parallèle.
Blong! la réalité rattrape l'idéaliste.

Alors ça va pas être simple...

Va encore falloir cogiter beaucoup. Et discuter, écouter, exprimer.
Ce qui est un peu inquiétant c'est que sur certains points il semble impossible de trouver des bases d'accord. Mon évolution récente se trouve de plus en plus éloignée des positions de Charlotte. Et même si sur de nombreux points nous partageons des convictions communes, il semble bien que sur d'autres, essentiels, nous ne parvenons pas à nous retrouver.
Et évidemment, ma façon de vivre une autre relation en parallèle en fait partie...

Mouais... je la comprends Charlotte... cette idée d'exclusivité est tellement dans les usages. Ce que je lui propose lui semble inacceptable et elle a bien raison de me le dire, puisqu'elle le ressent de cette façon. Le problème c'est que je ne vois pas comment on va pouvoir s'accorder puisque je n'imagine pas de cesser cette relation. Big problème, donc.

D'autant plus que lorsque je ressens cette rigidité chez Charlotte, elle en devient beaucoup moins attirante. Alors qu'elle manifeste le souhait d'être "l'unique", elle montre d'elle une personnalité qui ne me séduit pas du tout. Je trouve cette position plutôt rigide, coincée... ou même « timorée, conservatrice, figée» (oui, exactement ce que je disais ne pas aimer ressentir chez elle...). De mon coté j'aimerais construire avec elle un couple plus ouvert à la diversité, avec des moyens de ne pas ressentir de frustrations lorsqu'elle peuvent être compensées. Il me semble que ça devient nécessaire lorsqu'un certain ronron a pris la place de l'élan amoureux et séducteur des débuts.

Je pense aux plus jeunes qui me lisent et sont peut-être effarés de voir vers quoi un couple peut aller avec les années. On pourrait voir du non-amour dans ma façon de présenter ma relation de couple. Mais pour moi c'est la volonté de faire que ce couple puisse continuer à exister malgré les frustrations qui sont devenues évidentes avec les années. Je garde le souhait de partager mon existence avec Charlotte, comme nous le faisons depuis vingt ans.

Mais à chaque fois que je sens Charlotte prête à renoncer à cette aventure un peu folle de l'engagement longue durée... je sens que cela touche quelque chose de profond en moi. C'est comme si tout d'un coup elle m'enlevait mes illusions, qu'elle coupait nos projets communs. J'ai l'impression qu'elle ne croit plus en nous. Ou pas assez pour tenter de changer sa façon de voir.
D'un autre coté, j'avoue que je ne désire pas non plus revenir au fonctionnement de couple que nous avions auparavant. Existe t-il donc une voie médiane?

A moins que, définitivement, nous ne puissions poursuivre un chemin commun?


Il semble qu'il n'y ait que trois alternatives:
- Qu'elle accepte que cette relation parallèle perdure, en renonçant à l'exclusivité
- Que j'accepte la demande de Charlotte, en renonçant à cette relation avec nathalie
- Si personne ne veut renoncer... alors nous séparer.

Charlotte ne voit même que deux éventualités, puisque la première est inenvisageable à ses yeux. Que puis-je répondre à ça?
Pour ma part, je n'envisage la troisième que parce que je sais que Charlotte me l'imposerait...
Ce qui est quelque peu épuisant, c'est qu'à plusieurs reprises elle m'a dit ce genre de choses... pour, quelques jours plus tard, me dire qu'elle ne pourrait pas vivre sans moi! Je fais quoi, moi, avec ce genre de va et vient?



Désillusion


Mardi 11 novembre


A force de ne plus croire en notre lien, Charlotte sape peu à peu la solidité de ce qui m'attache à elle. Viendra un jour où je n'aimerai plus ce qu'elle est devenue (ou pas devenue...). Et alors même l'amitié pourrait s'effacer...
A chaque fois qu'elle ne croit pas en nous, elle atteint quelque chose en moi. Elle tue une part de mon amour pour elle, qu'il est très long de reconstruire ensuite. Et ce qui se reconstruit est du registre de l'amitié, pas de l'amour. A force, il ne restera plus d'amour.

Je ne choisirai pas entre elle et nathalie. C'est elle qui m'imposera son choix, ou bien ma perception d'elle aura changée au point que le choix sera devenu évident... Non pas entre elle et nathalie, mais celui de ne plus poursuivre avec elle. A moins que, pour des raisons bassement matérielles (par lesquelles je suis devenu coincé), je cède pour éviter (reporter?) le divorce qu'elle envisage. Car elle semble n'envisager rien d'autre que cette forme brutale et radicale de rupture...

Je hais ce genre d'attitude sans nuances.




Comme un cauchemar


Mercredi 12 novembre


Avec deux jours de recul, la situation ressemble à un cauchemar. Il n'y a aucune issue! Du moins aucune issue sans souffrance de plusieurs des partenaires. J'ai eu beau tourner le problème dans tous les sens, il n'y a rien à faire pour en sortir indemne.

En fait, les choses se sont déroulées telles que je l'avais craint depuis bien longtemps: Charlotte m'a posé un ultimatum: «si tu continues avec nathalie, je te quitte», me laissant comme délai jusqu'à l'été prochain (pourquoi???). J'avais dit que celle qui le ferait risquait fort de me perdre, parce qu'elle chercherait à me contraindre. Or la contrainte n'a jamais fonctionné avec moi.

Je pense qu'elle ne s'attendait pas à ma réaction. Je ne me suis pas effondré, même si je suis abattu. Moi-même je me suis étonné d'avoir "accepté" aussi vite l'état des lieux.

Charlotte imaginait-elle que son annonce me ferait un éléctrochoc? Qu'effrayé par la perspective qui s'annonçait je renoncerai à ce que je vis en parallèle? Je l'ignore. Mais ce qui est certain c'est qu'en quelques heures seulement c'est toute ma vision de notre couple qui a basculé. Il faut dire que j'y avais déjà été préparé à quelques reprises...
Ce que j'espérais solide, une nouvelle fois ébranlé très fort, prêt à être abandonné par Charlotte... ça faisait beaucoup. Si elle n'avait plus foi en nous, alors je ne pouvais plus résister seul. C'est cet ultimatum qui a tout déclenché.

Ce matin, ayant un peu retrouvé nos esprits, nous avons pu longuement parler. De façon très calme, complice. J'allais dire «comme avant»...
Tous les deux nous sommes très tristes de ce qui se profile. Et je crois que nous nous accrochons, mais en vain, à l'espoir que l'autre cède sur ses exigences. Pour Charlotte la situation est simple: elle ne supporte plus ma relation avec nathalie. Ça ne s'explique pas, c'est comme ça, et ça semble irrévocable.
De mon coté j'ai tenté de lui réexpliquer combien ce que je vivais correspondait à ce qu'elle espérait que je vive: m'ouvrir aux autres, discuter avec d'autres personnes qu'elle, avoir des amis... ouais... sauf que ça ne doit pas aller au delà de l'amitié stricte! Amis, mais pas trop. Pour moi c'est une totale incohérence. Mais bon... elle est hermétique à ce genre de raisonnement.

De fil en aiguille je lui ai quand même dévoilé un certain nombre de choses importantes que j'ai découvertes avec ce journal. Notamment cette idée d'amitié qui nous lie, cet attachement qui s'est peu à peu scindé du sentiment amoureux-séduction. Charlotte était très tendre ce matin, avec des gestes et un regard qu'elle n'a que très rarement . Des gestes... que d'autres ont eu avec moi, me faisant alors prendre conscience qu'ils me manquaient. Je l'ai dit à Charlotte, qui a semblé réaliser tout d'un coup la profondeur d'une crevasse qu'elle n'aurait pas vue.
Elle a semblé être étonnée de découvrir que j'étais sensible à la tendresse, à la sensualité, et de ne pas connaître mes besoins affectifs... je lui ai alors dit que ce sont des choses que j'évoque parfois dans ce journal, ainsi que beaucoup d'autres qui me tiennent à coeur. Je lui ai rappelé aussi qu'à plusieurs reprises j'avais discrètement manifesté mon étonnement qu'elle n'aie jamais cherché à savoir ce que j'écrivais depuis des années (sauf récemment, mais avec des intentions douteuses...).
Elle s'est alors mise à pleurer davantage, se disant être «nulle, et trop conne de n'avoir pas compris ce qui (me) manquait., d'avoir fait l'autruche» J'ai tenté de la rassurer, de l'apaiser, l'empêcher de se dévaloriser. Je lui ai aussi répété mon besoin de dialogue approfondi, de sincérité, d'écoute attentive. Cette nécessité de non-jugement, de non-agressivité... tout ce qu'elle ne peut pas, et ne pourra sans doute jamais m'apporter à la hauteur de mes besoins. Et bien souvent dans ses mots tout menait à ce que je puisse trouver ailleurs ce qui me manque... sauf avec une autre femme! Incohérence, à nouveau., dont elle semble ne pas pouvoir prendre conscience.
A l'issue de cette discussion, achevée en sanglots dans mes bras, tout paraissait aller bien. Nous avions eu un dialogue riche et approfondi, sincère, comme je les aime... Et pourtant, aucune solution n'en était sortie. Charlotte semblait pleine de bonnes intentions, prête à faire tous les efforts nécessaires, prête à ce que nous repartions tous les deux sur de bonnes bases. Tous les deux seuls, évidemment... Comme si je pouvais croire que d'une discussion et d'une prise de conscience éphémère tout allait s'arranger, et qu'elle comblerait mes besoins et moi les siens...
Elle aurait bien aimé que, rassuré par ses bonnes intentions, je renonce à nathalie.

Mais il n'est même pas question de nathalie dans cette histoire. Pour moi ça va bien au delà. Il s'agit de moi en tant qu'individu.. nathalie ou pas, ça ne change pas grand chose. Cette relation aura été l'élément déclencheur, mais les symptômes étaient là depuis bien longtemps. Presque depuis toujours.

La question qui se pose n'est pas de choisir entre Charlotte et nathalie, mais entre Charlotte et moi. Elle n'a pas à se sacrifier pour moi... et je n'ai pas à me sacrifier pour elle.

nathalie, à qui je confiais un peu mes soucis, a utilisé le mot de "patience" à mon égard. C'est vrai, je suis quelqu'un d'extrêmement patient lorsque quelque chose me tient à coeur. On me l'a bien souvent dit. Alors j'ai réalisé que, peut-être, j'avais fait preuve de trop de patience dans ma relation avec Charlotte. J'ai tellement voulu qu'elle réussisse, depuis toujours, que je n'ai jamais baissé lés bras devant nos difficultés. Et même si j'ai parfois souffert avec Charlotte, et bien souvent été fustré et en manque de ce dont j'avais besoin, ma patience à fait que je me suis accroché à ce couple. Peut-être à tort...

Oh, je tiens à préciser que je donne ma version des faits, et que, bien sûr, Charlotte en aurait une autre. Je ne suis ni victime, ni saint: j'ai ma part d'erreurs, et les manques de Charlotte sont certainement aussi nombreux que les miens.
En fait nous avons pas mal de points d'intérêt communs, et ce sont ceux qui nous lient. Mais il semble que nous avons traîné, depuis le début, des incompatibilités que nous avons tenté de nous masquer en les contournant plus ou moins bien. Il aura suffi que ces incompatibilités touchent à quelque chose de vital pour chacun de nous (l'exclusivité pour elle, la liberté pour moi), pour que se révèlent ces points d'impossible partage.

Et puis je tiens à dire que je ne reproche rien à Charlotte, qui est surtout victime d'un environnnement familial catastrophique. Dans sa famille l'agressivité est un langage habituel, le non-dialogue une institution, et la politique de l'autruche une règle intangible. Pas étonnant qu'elle ait reproduit ça et qu'elle aie bien du mal à fonctionner autrement...
Malheureusement l'agressivité me démolit, le non-dialogue m'ennuie ou me déprime, et l'aveuglement sur soi m'est incompréhensible. Si j'y ajoute quelques autres éléments essentiels comme la séduction, le bonheur, l'optimisme... tous regardés avec suscpicion ou incrédulité... ça fait beaucoup de choses qui ont imprégné Charlotte négativement. Et ça fait beaucoup à supporter pour moi si je n'ai pas le droit de les trouver ailleurs.


Bon... j'ai écrit dans tous les sens, sans vraiment analyser les choses. Je me borne à relater des bribes de ce qui s'est passé depuis trois jours.

Finalement, après une journée un peu apaisée, et une certaine complicité retrouvée malgré ce qui nous semble nous attendre... Charlotte n'a pas supporté de me voir discuter avec nathalie. Et toutes les belles intentions du matin, les sanglots, m'ont semblé être vite oubliés au profit d'une très bête jalousie...
Comme si j'allais cesser du jour au lendemain de partager avec nathalie...

Charlotte avait imaginé (rêvé?) que depuis ma panne d'ordinateur je n'avais plus de contact avec nathalie...





Le prix du bonheur



Vendredi 14 novembre

«Le seul mauvais choix, c'est de ne pas faire de choix». Cette citation d'Amélie Nothomb sur la page d'accueil des Insomnies chroniques me nargue depuis pas mal de temps. Au début elle m'irritait, moi qui suis adepte des longues réflexions, des doutes prolongés, des incertitudes éternisées. J'y voyais une injonction, comme un ordre qui me serait donné face à mon indécision.

Depuis que je sens à quel point l'incertitude bouffe de l'intérieur, j'en comprends parfaitement le sens. Ne pas savoir est une position instable, une insécurité permanente. Ce n'est pas tenable.

Et si moi je suis relativement habitué a vivre dans un questionnement permanent, je n'ai pas le droit de l'imposer à d'autres. C'est un des éléments qui m'avaient décidé, la semaine dernière, à m'engager plus en avant afin que les choses se précisent. Je savais qu'il fallait que je me détermine en vue d'un trajet vers nathalie. Qu'elle puisse savoir à quoi s'en tenir, dans quel délai elle me verrait. Nous commencions à parler de cet hiver, en tout début d'année. Que je puisse voir l'hiver québecois, par exemple...

Je savais que prévoir ce voyage risquait de précipiter les choses du coté de Charlotte, mais je ne pouvais pas la maintenir dans une illusion indéfiniment. De toutes façons, il y aurait bien eu un moment où je serais allé voir nathalie... [je parle au passé parce que la situation n'est plus la même, et non parce que j'aurais renoncé à ce voyage]

Mais même si cette incertitude pouvait être pesante pour nathalie, elle m'avait seulement demandé de la prévenir si je renonçais à aller la voir un jour.

Charlotte m'a aussi parlé de l'inconfort qu'il y avait à ne pas savoir comment la situation évoluerait. En fait elle a toujours voulu croire que ma relation avec nathalie serait éphémère. Une passade, un coup de folie qui ne durerait pas. Mais voyant que les choses s'éternisaient, que je ne renonçais pas, que je passais toujours autant de temps avec nathalie... et que je prévoyais de la revoir un jour, elle n'a plus supporté. Et elle me demande de choisir.

Je ne veux pas choisir... mais je dois le faire pour les autres. Je ne peux pas faire peser sur eux (elles, en l'occurence) les flous dont je m'accomode. Une seule chose est sûre, mon choix ne sera pas entre l'une ou l'autre. Même si ce qui en résultera reviendra au même, parce que Charlotte, elle, se déterminera en fonction de ma décision. Que je choisisse "l'une ET l'autre", ou bien "mon élan vital", ou bien "ma liberté", ou encore "ne pas me fermer à tous les possibles", Charlotte n'acceptera pas de poursuivre sa route avec moi. Du moins pas comme nous l'avons fait depuis vingt-trois ans. Elle dit m'aimer, mais renoncera à cet amour puisqu'il ne serait pas exclusif de ma part.


Hier nous avons longuement évoqué les possibilités qui se présentent. Si nous devions en arriver à cette séparation, nous resterions probablement attachés l'un à l'autre sous une forme d'amitié à redéfinir. J'ai eu peur qu'elle veuille tout couper lorsqu'elle avait parlé, le premier jour, de "disparaître de sa vie" (elle m'a soutenu ensuite avoir dit "disparaitre de ta vie"...), mais elle à mis cette réaction sur le compte de l'accablement. Alors on cherche comment nous pourrions poursuivre. Habiter à proximité, vendre une partie de nos biens afin de garder la maison de tous nos projets, celle qui a vu grandir nos enfants, celle qui est aussi attachée au lieu où je travaille (qui n'est pas déménageable...). Tout cela est à la fois irréel, déprimant, et excitant. C'est le renoncement à ce grand projet commun, mais aussi (du moins pour moi) l'opportunité d'une nouvelle vie et de rapports plus clairs entre nous. Quelque chose plus en rapport avec l'amitié-attachement que véritablement un amour-amoureux.

Parfois je suis presque enthousiaste (et surpris de l'être...) en imaginant que tout d'un coup tout deviendrait plus simple. Et puis peu de temps après je réalise que ce ne serait pas une situation provisoire. Ce ne serait pas un jeu, une fantaisie de quelques temps... mais un abandon définitif. Et là ça me déprime. J'ai toujours pensé, souhaité, désiré finir ma vie aux cotés de Charlotte, et là je me rends compte que ce serait un plongeon dans l'incertitude, et peut-être la solitude. Dans l'après-midi, seul à la maison, j'imaginais si cette situation devenait permanente... Saurais-je le vivre? N'aurais-je pas d'immenses regrets de tous ces moments que nous passons ensemble?

Charlotte m'a demandé si je partagerais alors mon existence avec nathalie. Je crois que je ne m'étais même pas vraiment posé la question à ce moment là. Ce que je vis avec nathalie, curieusement, est presque en dehors de ce qui se décide en ce moment. C'est comme si cétait une autre vie. Il y a ma relation avec Charlotte, avec un énorme problème à résourde, et ma relation avec nathalie qui en est bien distincte. Même si c'est la seconde qui fait que la première est remise en question... Bizarre, non?


Hier soir j'ai longuement et densément discuté avec ma... si précieuse nathalie. Pas facile... Parce que forcément il a fallu regarder les choses en face. Quand elle m'a demandé si j'avais envisagé que notre relation cesse, je n'ai pas pu lui mentir: oui, forcément, ça fait partie des éventualités... De celles qui me déchirent le coeur, de celles que je ne veux pas, de celles qui... aaargh... Je sens qu'elle en a été meurtrie, même si elle ne me l'a pas dit. Car c'est une mesure de l'amour que je lui porte... comme Charlotte mesure à mes hésitations celui que je lui donne.
Je me sens extrêmement mal dans ces situations. Devoir "mesurer", comparer, soupeser l'amour entre deux personnes qu'on aime est atroce. J'aimerai dire à l'une et à l'autre à quel point elles comptent pour moi, mais si la perspective d'un choix se profile, ça devient absolument déchirant. Hier, j'ai eu honte de moi. Honte de tout ce que j'ai laissé croire à l'une et à l'autre sans mesurer assez bien que je ne pouvais pas m'engager aussi loin. Parce que je ne suis pas seul et que mes choix dépendent d'une autre... que je ne contrôle pas. Je ne maîtrise pas tout, et j'ai agi comme si je parviendrais à le faire, très naïvement, très confiant et optimiste. En disant à chacune d'elle que je tenais à notre relation, et que je n'abandonnerai pas... je prenais des risques inconsidérés. Je misais sur ma capacité de persuasion envers Charlotte... alors que rien ne m'y autorisait.

En fait, c'est surtout vis à vis de nathalie que j'ai pris ces risques. Avec Charlotte je n'ai rien promis... sauf cet engagement qui date de 1982, signé devant de nombreux témoins, par lequel je ne savais pas que je me condamnais à perdre une part de ma liberté d'être. Sauf ces engagements successifs que le quotidien a établis entre nous

Avec nathalie, j'ai dit «nous vaincrons»... sans mesurer assez bien l'importance du combat à mener. Et en comptant sur Charlotte comme alliée.

Voila. Maintenant je me retrouve face à moi-même, face à mes promesses, souhaits, engagements. Je vais devoir me déterminer, et peut-être trahir ce que j'avais laissé croire. A l'heure actuelle, j'ignore totalement quel sera mon choix final.
Ou plutôt mon renoncement. Car choisir, c'est en fait renoncer...

C'est un moment de vérité, encore plus déterminant que le choix que j'ai fait cet été. L'enjeu est de poursuivre le mouvement... ou de faire demi-tour. Décision de mi-vie, qui m'engage pour ce qui me reste à vivre. Avec beaucoup à gagner et beaucoup à perdre.

Et certainement beaucoup de souffrance à venir.
Le bonheur se paye t'il si cher?
Deux petits jours et demi qui conditionnent tout le restant d'une vie...

Mais je ne regrette rien. Absolument rien! J'ai suivi le chemin qui s'ouvrait devant moi, et c'était celui qu'il fallait suivre.


Hier soir, nathalie m'a proposé d'interrompre nos contacts un certain temps, afin de me laisser réfléchir tranquille, et d'être "moins présente" en égard de Charlotte. J'ai accepté, sentant bien que ce relatif isolement m'était nécessaire. nathalie m'encourage à réfléchir sur mon couple et comment le faire fonctionner désormais.

Nous nous sommes donc mis en congé l'un de l'autre provisoirement. Atmosphère lourde, nous n'avons pas trop insisté sur la fin de la discussion... Je suis allé me coucher sans bien réaliser.
C'est ce matin au réveil que c'est devenu beaucoup plus douloureux. Une avalanche de souvenirs de nos moments passés ensemble me sont revenus. Bien plus forts que tous ceux que j'avais laissé venir au compte-goutte depuis deux mois. Sa présence me manquait terriblement, son regard, ô merveilleux regard, dans lequel j'ai puisé tant de force était cruellement absent. L'injustice de la situation me revenait en pleine figure. J'avais cru pouvoir raisonner tout ça, en restant dans ce flou de l'indécision, mais maintenant qu'il me faut imaginer la perte, ça devient horrible.
Ça hurlait en dedans de moi, une révolte, une colère qui m'a envahi et me faisait taper rageusement des poings dans mon lit, mêlée dans les larmes d'un total désarroi. Non, c'est pas juste tout ça. C'est pas juste!

Je ne veux pas perdre ce que j'ai vécu avec toi, nathalie. Je ne veux pas renoncer à des moments de bonheur tels que ceux que nous avons partagé. Je...

Je ne sais plus en quoi je dois croire... Ni ne rien promettre, ni ne rien laisser croire. Je ne sais pas, je ne sais pas...



Je me souviens...

... de ce soir, en tête à tête dans un restaurant. Oh, tu te rappelles de cette glace à la vanille? Un parfum de vanille jaune qui te surprenait, différent de celle que vous mangez chez vous. Tu as voulu gôuter, alors j'en ai pris dans ma coupe, avec cette longue cuillère à glace, puis je l'ai portée à tes lèvres. Délicatement, et avec beaucoup de sensualité, tu as pris la vanille et l'a laissée fondre dans ta bouche. En me regardant droit dans les yeux, en souriant. On a continué comme ça, entre ma bouche et la tienne, toujours avec cette attirance dans les yeux, dans une danse des regards et des bouches qui n'était pas sans un certain érotisme. Jamais une glace à la vanille n'a eu si bon goût...

Et puis la nuit venue, après que tu aies rouspété bien fort dans la rue (j'entends encore ton accent québecois inimitable), contre tous les roquets pathétiques des mémères en ballade, avec un sans-gêne qui m'a séduit, on s'est serrés dans les bras l'un de l'autre, puis longuement embrassés devant la mer. Et tu disais, t'en souviens tu, «Vous pouvez pas compriiindre !!» à ces gens qui nous contournaient. Nous étions comme deux ados sans gêne, à bouche offerte... Et que c'était bon!

Oh non, ils ne pouvaient pas comprendre que la veille nous ne nous étions jamais vus, chacun de notre coté de l'océan. Ils ne pouvaient pas comprendre tout ce qui nous reliait, tout ce qui était si fort entre nous. Ils ne pouvaient pas comprendre que nous n'avions que deux petits jours et demi avant d'être à nouveau longuement séparés. Parenthèse de bonheur qui nous a illuminés... et nous fait désormais souffrir par son absence. Moments précieux et inoubliables, joyaux de vie. Merveille vécue au présent... qui ne doit pas être laissé ternie par le temps qui passe...



[hum... je ne sais pas si mes «Je me souviens...» sont la meilleure façon de faire abstraction de nathalie dans mes réflexions... hum hum hum...]



Mise en ligne ce jour du texte écrit le 30 octobre, lors de ma dernière séance psy, resté bloqué deux semaines dans mon ordinateur défectueux.





Vendredi 14 novembre, soir


Je me demande parfois quels phénomènes inconnus agissent dans nos vies. Figurez-vous que je pensais souvent à mon amie Inès depuis quelques temps. Non seulement en me remémorant une part de mon passé avec elle, par analogie avec ce que je vis avec nathalie, mais aussi parce que je "sentais" (perçevais, devinais, ou le mot que vous voudrez) qu'elle n'allait pas très bien. Une impression tenace qui provenait d'une de nos dernière conversation, il y a quelques semaines. Je voulais reprendre contact avec elle, mais son mail ne fonctionnait plus. Alors, vu mes préoccupations actuelles, je reportais de jour en jour. Finalement hier j'ai retrouvé une ancienne adresse et je lui ai envoyé un mail. Aujourd'hui elle m'a téléphoné.
Une voix infiniment triste, ravagée... Elle m'a brièvement énoncé les faits: l'homme qu'elle aime, rencontré un an et demi plus tôt... vient de renoncer à leur amour partagé... parce que sa femme n'accepte pas la situation. La ressemblance avec ce que je vis serait cocasse si ce n'était pas tragique. Ils vivaient un vrai bonheur, dans l'échange, la complicité, la proximité affective et physique. Elle m'en avait parlé quelquefois, à l'occasion de nos désormais rares contacts. Je savais que cette relation avait une importance immense pour elle.
Mais l'homme a du choisir. Rongé par la culpabilité vis à vis de sa femme, il ne pouvait plus tenir.

Quand elle m'a demandé où j'en étais avec nathalie (Inès m'avait encouragé avec une conviction et une ténacité extraordinaire à oser accomplir cette aventure de la rencontre), je lui ai expliqué à quel point nos situations étaient simultanément semblables. Drôle de hasard qui nous rapproche à nouveau, chemins qui se recoupent après avoir divergé durant quelques années.
Alors nous avons partagé nos peines. La sienne bien réelle, la mienne encore suspendue à l'incertitude. Et nous avons retrouvé cette complicité d'autrefois, cette sincérité, cette sensibilité qui nous avait rapprochés. Inès est une vraie amie, quelqu'un en qui j'ai une très grande confiance. Quelqu'un qui sait énormément de choses sur moi, comme j'en sais sur elle. Nous avons comme une transparence l'un envers l'autre. Elle ne m'a jamais reproché d'avoir... hum... renoncé à elle parce que la culpabilité m'étouffait. Elle a compris, admis, que je n'étais pas prêt à aller plus loin. C'est avec nathalie que j'ai pu poursuivre le parcours, sans être envahi par la culpabilité cette fois. Mais d'autre soucis sont venus se greffer... Et finalement, certainement quelque chose qui tient de la culpabilité par rapport à Charlotte. Non pas pour ce que je fais... mais parce que... je vis un amour qui n'existe plus vraiment avec Charlotte. Elle est là ma culpabilité. Celle de ne pouvoir laisser Charlotte seule, l'abandonner.
On n'abandonne pas quelqu'un qu'on aime, on abandonne pas une amie, on n'abandonne pas quelqu'un avec qui on a tout partagé depuis vingt ans. Du moins... je ne peux envisager de le faire sans m'en sentir coupable.


Il y a des personnes qui me lisent attentivement, et parfois me font part de leurs impressions. Souvent je suis touché par cette empathie à mon égard, cette sollicitude. Aujourd'hui j'ai reçu deux messages dans ce sens. Et je pense en particulier à celui d'une diariste avec qui j'ai parfois longuement échangé au sujet de l'amour. Je lui expliquais ma vision des choses, et il semble qu'elle percevait mieux que moi certains de mes aveuglements. Notamment par rapport à cette drôle de relation d'amitié-attachement que j'ai avec Charlotte. Je le constate maintenant avec de plus en plus d'évidence: non, je n'aime plus Charlotte. Pas dans le sens classique du terme. Pas dans le sens amoureux. C'est une forme d'amour, un lien très étroit, un équilibre à deux, une certaine harmonie, une complicité... des tas de choses mais pas de la passion. C'est fini, elle n'existe plus depuis bien longtemps.

Et finalement, je crois... je sais maintenant que ce qui me manque c'est l'amour amoureux. Cette recherche que j'ai eue avec d'autres femmes, sans même savoir que je le cherchais, c'était à combler ce manque de passion, de flamme, d'émotions fortes.

Et c'est ce que je vis avec nathalie, après l'avoir vécu avec Inès, après l'avoir vécu avec Héloïse, ou même ma toute première et éphémère découverte du Chat. A chque fois je suis allé plus loin dans les sentiments, et surtout dans la recherche de la sérénité intérieure, du partage des sensibilités et des émotions. Auparavant je n'acceptais pas l'idée de rapports de type amoureux. Je refusais ce qualificatif, comparant toujours avec la force de l'attachement et de la complicité que j'avais avec Charlotte. Alors j'appelais ça "amitiés fortes", "amitiés intimes", voire "amitiés amoureuses", que je concédais finalement du bout des lèvres.
Il aura fallu qu'avec Inès la complicité aille très loin pour que je commence à accepter l'idée d'amour. Sauf que... ben justement, je ne pouvais pas accepter l'amour. Donc, tiraillé entre raison et passion, j'ai choisi la raison. Ou plutôt, c'est mon inconscient qui a choisi, bien sagement, de me sortir de cette culpabilité vis à vis de Charlotte.
Je garde un souvenir amer, et de la honte, d'avoir ainsi "laissé tomber" Inès. Je l'ai, d'une certaine façon, "trahie". Même si ce n'étais pas vraiment moi, mais un personnage psycho-rigide tout engoncé dans sa putain de morale qui a dirigé les choses.

Après ça, je ne voulais plus d'amour. Je ne voulais plus prendre ces risques là... Mais il faut croire que mon manque d'amour était trop fort. Et nathalie était bien trop proche de ce qui me plaisait pour que ma détermination puisse résister. Et pourtant, que de prudence entre nous, tous les deux méfiants vis à vis de ce sentiment ravageur. Oh ce qu'on a été prudents! Mais quand ça nous tombe dessus, on ne sait pas résister. Tout concordait si bien...

Et voila où nous en sommes: ça n'a pas cessé de concorder d'avantage. Et ça finit par coincer, parce que cet amour se heurte à l'attachement qui existe entre Charlotte et moi. Ce n'est pas vraiment de l'amour, mais ça empêche un autre amour, vrai, d'exister.

En simplifiant les mots: mon amitié pour Charlotte nuit à mon amour pour nathalie.


Le plus simple, je le sais, serait de clarifier les choses en passant au mode "amitié" entre Charlotte et moi. C'est à dire en nous séparant. J'ai beau envisager de vivre sous le même toit que mon "amie" Charlotte, tout en ayant un amour avec nathalie, ça ne tient pas debout. Ce sont des arrangements personnels pour éviter de me sentir coupable. C'est de l'hypocrisie, par peur de blesser Charlotte avec... la vérité. Je cherche trop à la protéger, parce que je ne veux pas la faire souffrir, je ne veux pas la décevoir... je... peut-être que je ne voudrais pas qu'elle n'aime pas ce que je fais? Je voudrais être aimé par tout le monde, ne jamais décevoir. Ouais... je sais bien qu'il y a de ça.

Mon amie Inès a eu le courage de quitter son mari. Désormais ils sont grands amis, confidents... mais il n'y a plus de sentiments entre eux. Je crois bien qu'elle a pris conscience de leur non-amour lors de ma relation avec elle. Peut-être suis-je en train de prendre conscience de mon non-amour pour Charlotte? [Je n'aime pas du tout écrire ces mots-là. Je m'en sens coupable. Je sais que si Charlotte les voyait elle en serait profondément blessée. Je crois que désormais elle m'aime d'avantage que je ne l'aime. Nous avons, au fil des ans, inversé les choses...]

Nous allons probablement entreprendre une thérapie de couple. Je pense que ça nous permettra d'y voir plus clair. Charlotte a aussi demandé à une de ses amis, très équilibrée et ayant fait un important travail sur elle-même, si elle acceptait d'en discuter avec nous deux. Pour le moment elle est la seule confidente de Charlotte. De mon coté, en plus de ce journal-confident-révélateur, je pense que je vais reprendre mes contacts avec Inès Nous nous sommes promis de nous rappeller bientôt. [hé hé, Charlotte va t'elle regarder d'un drôle d'oeil la réapparition de cette ancienne "rivale"? nathalie et Inès, deux rivales au lieu d'une? C'est le jackpot! ha ha ha, je ris tout seul!]

Dites... pourquoi c'est si compliqué l'amour?
Inès qui doit renoncer à l'homme qu'elle aime, et qui l'aime
Charlotte qui craint que son homme lui échappe
nathalie qui vit un amour à distance, dans l'incertitude

Et puis... Chien fou qui vit quelque chose de bien douloureux, mais néamoins fort bien analysé...
Une diariste qui vit un amour à distance pas bien simple non plus
Une autre qui se pose des questions à l'aube d'une vie partagée

Et puis mon fils qui est bien tourmenté parce qu'a passer ses journées sur les bancs de l'université avec une fille agréable... ça fait de drôles de sensation quand on a déjà un amour... mais qu'on ne la voit que les week-end [l'est bien parti sur les traces de son père lui...]
Ma fille qui se désespère en découvrant l'amour vrai pour un garçon qui semble assez insensible à elle. Elle qui me demande des conseils sur l'attitude à avoir, comment faire pour oser, ne pas subir, ne pas souffrir... Visiblement marquée par ce que je lui ai raconté de mon amour d'adolescence, qui m'a fait souffrir pendant tellement d'années...


Tiens oui... lorsque je me suis débarassé de Laura [mais non, je ne l'ai pas zigouillée!], j'avais dit à Charlotte: «maintenant je suis enfin libre. J'ai tué le souvenir de Laura, amour idéalisé impossible, et tout mon amour pourra aller vers toi». Mouais... j'en avais envie, j'étais plein de bonnes intentions, mais la magie n'a pas vraiment opéré...

L'amour ne se commande pas, ni ne s'interdit. Il est là, s'impose, disparaît... fugace ou durable, il est à prendre quand il est là.

nathalie est là... elle m'aime... je l'aime...
C'est actuel, c'est présent... qu'est-ce que j'attends? Que ça passe?






Suite du mois de novembre 2003 (2eme quinzaine)