Janvier 2003 (2eme quinzaine)
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Blocage


Jeudi 16 janvier


Depuis quelques jours, il se produit dans ma tête un bouillonnement assez intense. Parce que des éléments éparpillés se sont brusquement rassemblés, à un moment où je ne m'y attendais pas. Tout à coup, ce qui me semblait paisiblement endormi s'est réveillé, mais modifié par rapport à la dernière vision que j'en gardais. Il semble que mon inconscient travaillait dans l'ombre...

Et une nouvelle fois, je fais de la rétention d'écriture: je garde au secret les mots que j'ai préparés pour ce journal. Parce que ces mots sont forts, ont une grande signification pour moi. J'ai peur de les mettre en ligne à cause de ces gens peu scupuleux qui s'emmerdent sur le net et n'ont pas du tout la même conception que moi (que nous) du diarisme et de l'intimité. J'ai peur aussi d'effrayer un peu une part des personnes qui me lisent en confiant les profondeurs obscures de mes états d'âme... Oh, rien de monstrueux ni d'extraordinaire. Simplement une part de moi qui m'apparaît au grand jour et qui me donne des clés de compréhension à beaucoup de mes interrogations les plus anciennes. Au sujet de mes rapports à autrui.

Mais... cette auto-analyse au long cours (largement entamée par des considérations annexes), lorsque je m'insinue vraiment dans le plus secret, a-telle sa place dans un espace ouvert à tous les regards? Le paradoxe de l'écriture intime publique devient insupportable. Je sais très bien que livrer sa pensée aux autres implique obligatoirement (!) l'acceptation d'un regard critique, sans aucune limite. Mais moi je ne le veux pas ce regard là. Le jugement des autres ne devrait pas intervenir dans un processus d'évolution personnelle. Ça me semble évident... mais tout le monde n'a pas cette conception des choses. Si le fait de proposer un partage d'intimité en exposant ses tripes peut paraître un peu loufoque (ou au choix: exhibitionniste, pathologique, narcissique, prise-de-tête...), je trouve en revanche que se foutre de ceux qui le font trahit une sécheresse intérieure, un mal-être existentiel qui se complaît dans la médiocrité d'actes faciles.

Ecrivant en ligne, j'ai toujours eu le désir de partager mes pensées. Mais on ne choisit pas avec qui on partage. Certains prennent délicatement ce qui est offert, parfois remercient. D'autres offrent aussi en retour. Et puis des abrutis sautent sur la table, disent que la bouffe et dégueulasse et donnent des coups de pied dans ce qui est présenté. Une fois qu'on sait que cela peut arriver, il demeure tous les jours une crainte de voir ressurgir ce genre de personnage. Alors quand il s'agit d'offrir quelque chose de précieux... la peur est là. Qui sait si les choses les plus délicates ne vont pas réveiller leur jubilation à nuire?

J'aurais aimé tout à la fois m'être senti libre ici, sur ma page personnelle, privée, intime, tout en offrant mes mots à ceux qui y trouvent des éléments pour eux mêmes. Cette idée de partage et de confiance, qui me sont chers. Mais je crains que cette liberté ne nous soit refusée, sauf à en payer le prix. Le choix est simple: rester à l'abri des indélicats en demeurant secret, ou tenter de partager mais risquer de se faire maltraiter. Ça m'attriste profondément.

Ça m'attriste d'autant plus que les indélicats sont rares (mais bruyants) et décident par leurs sarcasmes des limites de l'intimité partagée.

Bref... tout ça pour dire que je ne peux mettre ici ce qui est, en quelque sorte, une des clés fondamentales de tout mon cheminement. C'est un peu comme si, dans le feuilleton que j'écris jour après jour, je devais autocensurer un des épisodes les plus révélateurs. Un coup de théatre qui explique bien des choses contenues depuis mes débuts en écriture.

J'en suis frustré. Et peut-être que des lecteurs en seront frustrés, sentant que quelque chose d'important leur échappe. J'en suis profondément désolé.

Mais «c'est la vie». D'autres ont décidé à ma place...

A vous, ces autres, qui ne vous rendez pas compte de l'implication qui existe dans cette écriture intime, de la fragilité, de la souffrance parfois, qu'il peut y avoir à arracher de soi ces mots, ces idées. A vous, qui ne soupçonnez pas d'avantage le bonheur qui peut résulter du partage, en coulisses, de ces pensées qui se ressemblent, se confondent, se soutiennent. A vous, qui jouez avec la sensibilité de ceux qui sont différents de vous... s'il vous plaît... laissez-moi tranquille...





Vendredi 17 janvier


Voulez-vous me dire pourquoi il m'arrive encore d'aller traîner sur le forum de la CEV pour tenter de défendre ma vision du diarisme? Je me demande pourquoi j'essaie encore, alors que je sais très bien que c'est inutile. Faut croire que je suis un peu obstiné quand je tiens à quelque chose...

J'évoque ça, mais c'est surtout pour remarquer le contraste de ce que je peux trouver là bas comme... médiocrité (oh oui, y'en a marre du politiquement correct) par rapport à la richesse des relations que j'ai avec diverses personnes de cette même communauté (qui elles ont la sagesse de ne pas s'impliquer dans de stériles querelles de clocher...). Il y a dans chacun des échanges de courrier que je reçois bien plus de potentialités de discussion, de partage, de plaisir, qu'il n'y en aura dans une année d'interventions sur un forum de la part de certains. Je me demande pourquoi j'espère encore un hypothétique et bien improbable sursaut de ce genre d'arènes. Bref... passons.

Si je me perds dans ces lieux, deséspérants pour qui cherche la discussion, au lieu de vivre avec quiétude des échanges au calme avec quelques interlocuteurs/trices choisis, c'est qu'une partie de moi croie, malgré l'évidence flagrante, que la bonne volonté peut permettre le débat. C'est une bien naïve illusion, je le constate jour après jour. Viiiiite, que j'en sois guéri!

Ce petit chapitre justificatif est sans aucun intérêt, mais ça me fait du bien de l'écrire. Je ferais mieux d'aller répondre aux messages qui sont en attente dans ma boite...

En fait, ce qui est assez incompréhensible, c'est que j'ai beau avoir des impressions favorables à mon sujet de la part de personnes dont j'apprécie la mesure, la capacité de réflexion et de discernement, je me focalise toujours sur les stupidités que peuvent dire à mon sujet des gens pour lesquels je n'ai aucune estime particulière, et qui ne me connaissent même pas. C'est con, hein? Pourquoi faut-il que j'attende que des individus imbus d'eux-mêmes, sûrs de leur capacité à juger, acceptent un jour ma façon d'être différent d'eux? Oui, je sais, on pourrait penser la même chose de moi. Ben justement, je ne crois pas que ce soit réversible. Parce que ce qui différencie justement toutes ces personnes avec qui j'ai des discussions enrichissantes, ou dont j'apprécie les écrits, c'est leur capacité à douter d'eux-mêmes. C'est leur point commun. Et inversement, la plupart des personnes qui me déplaisent (plus ou moins) sont celles qui sont sûres d'elles-mêmes, jusqu'à l'arrogance. C'est une constante, que je remarque aussi bien sur internet que dans le monde palpable. Je crois même que c'est le principal critère qui me fait apprécier quelqu'un. Un impératif.
Oui, je sais, je simplifie à outrance, mais j'ai pas envie non plus de me lancer dans une argumentation détaillée.

Tiens, je pense tout d'un coup à ceux qui disent qu'on n'est pas sincère dans son journal, qu'on s'embellit. C'est évidemment simplificateur. Vous croyez que je m'embellis à rabacher ici mes impressions sur les forums, dont tout le monde se fout? Ouais, mais c'est parce que ce journal à beau être public, donc soumis à une certaine tenue, il reste quand même mon exutoire égocentriquement personnel.

En fait, je préfère quand j'écris des textes plus intérieurs, comme ceux des jours précédents... J'aime pas les écrits dans le genre d'aujourd'hui. Pas envie de mettre ça en ligne. On verra demain.





Samedi 18 janvier

J'ai ouvert mon logiciel ce matin avec la ferme intention d'écrire un beau Sprouatch! (bruit d'une entrée merdique qu'on écrase) à la place de mon entrée précédente. Puis bon, en relisant, je me suis dit que puisque c'était écrit il y avait une signification. Peut-être de montrer comme elle était sans intérêt, justement.

J'ai de plus en plus fréquement l'envie de modifier le processus d'écriture pseudo-spontanée. Mise en ligne différée, auto-censure, et maintenant envie de supprimer des textes. Parce que je ne peux pas faire abstraction de vos regards, et que j'ai envie de leur donner à lire quelque chose de... de quoi? Euh... d'intéressant, peut-être. De diversifié (alors mes histoires de forum, hein...), de polydirectionnel. En fait, je recherche l'impossible pari de l'écriture à la fois sincère (au plus près de la sincérité) et ouverte à vous. Je veux dire: qui ouvre, pour vous qui me lisez, des réflexions qui vous sont propres. Que mes mots touchent quelque chose en vous qui vous permettra de partir sur vos propres pistes. Par analogies de situation, similarité de pensée, ou au contraire contraste, différences. Bref, j'aimerai que mon écriture mène à une lecture active, neuronalement parlant. C'est peut-être très prétentieux... Mais c'est pas que je me dise que j'ai des choses particulièrement intéressantes à écrire. Mes pensées sont simples, basiques, sans originalité, si elles sont énoncées unitairement. Mais c'est l'assemblage que j'en fais qui peut être original, comme sont originaux mes collègues diaristes (je parle de ceux qui se cassent quand même un peu la tête pour sortir leur tripes -oui, je sais, mes notions d'anatomies sont bizarres). Tiens, ça me fait marrer ce que je viens d'écrire, hé hé hé.

Je dis ça parce que je viens de lire Ultraorange. Pfff, elle me sidère. J'aime beaucoup sa forme d'écriture, son incroyable capacité à se remettre en question et à se regarder sous plusieurs angles. Et puis cette sincérité, cette spontanéité...

Merde, il y a quand même des formes de diarisme qui valent plus que d'autres! Sans juger les personnes qui écrivent, on peut distinguer des écritures qui ont plus de qualité que d'autres. Finalement, cette tendance à dire «tous les écrits se valent» m'agace. Il y a des écritures tournées vers elles-mêmes, à portée réduite à l'écrivant, et puis des diaristes dont les préoccupations élargies peuvent toucher quelque chose de plus universel. J'ai beau aller farfouiller dans des journaux que je connais peu, à la recherche de perles inconnues, pfffffff, il y a quand même des écrits qui ne cassent pas grand chose.

Comment? Moi qui me suis insurgé violemment contre la critique de mon journal, je me permets d'en critiquer d'autres? Que nenni! Je ne nomme personne, et toute la différence est là. Pas par hypocrisie, mais parce que j'estime que toute forme d'expression de soi est à respecter. Même si je trouve des écrits plats et insipides, je n'irai pas le dire à son auteur. Parce que je ne sais rien de ses tourments, de sa personnalité, de ses capacités à conceptualiser son ressenti intérieur. Et puisque son écriture est le reflet de sa personnalité, je ne peux donc pas critiquer cette écriture. Je me borne à dire que certains écrits sont sans saveur et sans richesse, à mes yeux, et non pas que la personne qui les écrit y ressemble. Je persiste et signe: on n'a pas le droit, moralement, de dénigrer nommément un diariste. Ce serait terriblement insultant.



Dépendance



Dimanche 19 janvier


Parfois, ne pas écrire ne signifie pas un manque d'inspiration. Ça peut aussi signifier un trop d'inspiration. Une profusions d'impressions qui arrivent en vrac, en tas, sans apparence logique. Alors démêler cet écheveau paraît une tâche considérable et je renonce. Trop d'idées simultanément, trop de pistes qui s'ouvrent, trop l'envie de les suivre toutes. Et le cerveau s'épuise dans cette dispersion. Les doigts ne peuvent pas suivre, scribes impuissants, incapables de discerner ce qui serait important et ce qui est à jeter.

Oh oui, j'ai envie de jeter en ce moment. Détruire ces assemblages de mots posés là un jour, mais déjà invalides le lendemain. Ma pensée file vite en ce moment, et chaque cliché que j'en fais, instantané trop fugace, est périmé le lendemain. Ou dans les jours qui suivent. Un journal doit-il conserver les traces de ces errances? Ou bien ne sont-ce que des brouillons de pensée, à froisser et jeter sans remords dès que la pensée se précise...

Ces derniers jours marquent une étape dans mon changement intérieur. Parce qu'un évènement en a déclenché d'autres, eux-mêmes occasionnant une remise en question importante (oh, que je suis précis avec mes allusions que moi-même je ne reconnaîtrais pas dans quelques temps...).

Alors je précise: J'ai donc rencontré des diaristes. Pour se faire, j'ai du aller chercher au fond de moi les raisons qui me faisaient désirer certaine présence. Raisons qui, en s'éclaircissant, m'ont porté vers d'autres considérations, notamment sur les liens affectifs qui existent par delà l'immatérialité de nos écrits. Liens dont je mesure mal les limites (ai-je envie de les mesurer?), mais dont je sais l'importance. Ce qui m'a amené à revoir mon implication vaine dans ces lieux suceurs de passion que sont les forums.

Hmmm, je me demande si ce que je précise là n'a pas autant de clarté que des hiéroglyphes... C'est nouveau, cette nébulosité. Prise de distance avec cette transparence que j'ai toujours voulu avoir ici. Il y a parfois une impression de précipice qui fait qu'il est préférable de rester prudent.

Je me relis, et je constate que ce que je raconte est incompréhensible. Beeeeuh, je fais comment moi? Je ne sais plus comment m'exprimer ici parce que... parce qu'il existe une socialisation parmi les diaristes. Et que certains d'entre nous se connaissent, par petits cercles, et que nous finissons par savoir les liens qui existent entre les uns et les autres. Des relations multipolaires dont les liaisons discrètes se précisent. A connait B, B connaît C, mais A et C se connaissent aussi. Pourtant A et B ne parlent pas de C. Ou plutôt si, justement, au fil du temps on ne peut plus faire comme si A et B ne connaissaient pas C. Et que A et C ne connaissaient pas B. Voyez-vous ce que je veux dire?

En fait, nous ne sommes plus des anonymes, ni même des pseudonymes, nous sommes des êtres sociaux, au même titre que les gens que nous connaissons dans la vie tactile. Mais puisque nous nous suivons au plus près depuis... des années parfois, que nos pensées les plus secrètes sont connues de chacun, il s'établit un rapport d'un type tout particulier. Fondé sur... cette fameuse confiance que j'évoque souvent. Notre transparence mutuelle nous rend très vulnérables, et pourtant, c'est aussi cette transparence qui fait que nos liens sont forts. Ce qui est nouveau, pour moi, c'est de partager ces liens entre nous. D'être transparents sous divers angles.

Oh, tout cela se passe très très prudemment. Il n'est pas question de parler en toute liberté des uns et des autres. Le secret, la discrétion, restent les maîtres mots des échanges et chaque élement qui concerne un tiers n'est avancé qu'avec prudence. Juste pour savoir quel degré de connaissance de ce tiers a chacun des concernés. En fait, pratiquement rien ne filtre. Mais par bribes, il se produit un effet de communication indirecte.

Par exemple, cette rencontre de diaristes à forcément occasionné des commentaires. Ceux qui n'y étaient pas ont été, tout à fait naturellement, curieux. Donc une part de chacun des participants est passée à d'autres sans qu'il n'en maîtrise rien. Affaire de confiance mutuelle, il n'a même pas été question de limiter cette transparence. La question a juste été posée de la diffusion des photos qui ont été prises. Saisir l'occasion pour montrer des visages... que peut-être on n'ose pas demander à voir directement. Jamais je n'ai demandé à quelqu'un de m'envoyer sa photo, même si, bien évidemment, la curiosité me titille. Contrebalancée par l'envie de rester dans une non-représentation de ces intériorités avec qui on communique directement. Sans ce filtre visuel.

Voila pourquoi, depuis quelques jours, je ne sais plus comment écrire ici. Je dépose mes mots, les garde, hésite. Suis tenté de les supprimer, tout en regrettant cette manipulation, ce refus de sincérité. Alors je ne sais plus que faire de ce journal. Témoin au jour le jour, avec ses longueurs, ses répétitions, ses fausses-pistes et retours en arrière? Ou bien orientation vers quelque chose de plus travaillé, amélioré, policé, valorisant...?

Toujours cette lancinante question: pour qui écris-je? Des complices, qui me pardonneront mes digressions hésitantes, mes erreurs? ou bien ces inconnus que j'ai envie de séduire avec de belles phrases, des idées altières et originales... pffff, dont je sais très bien qu'elles ne le sont pas.

Et bien je ne sais pas! Et d'en faire part ne m'a pas éclairé davantage, hélas.

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Et si tu arrêtais un peu de te poser des questions?

Je sais pas faire...

Te rends-tu compte du temps que tu passes à te questionner sur ta propre pratique?

Oui, je sais, c'est trop. Beaucoup trop.

Alors pourquoi persister à le faire?

Je n'en sais absolument rien. Il y a certainement une part de culpabilité à en dire trop, ou au contraire pas assez. Il y a en fait surtout ces lecteurs et les différentes façons qu'ils peuvent avoir de me lire.

Mais sais-tu au moins comment ils te lisent?

Un peu. Par ce qu'ils me disent. Par leurs silences aussi. Et puis toujours, toujours, cette crainte de déplaire. D'être mal perçu, jugé défavorablement. C'est un enfer, je ne sais pas m'en défaire.

Il faudra pourtant bien y parvenir.

Je sais, et j'espère bien que tout ce travail que je fais y contribuera.

Tu es beaucoup trop dépendant de l'avis des autres.

Oui. Et même, en écrivant que les liens qui se sont tissés grâce à l'interlecture me sont précieux, je mesure toute la fragilité que cela sous-entend. Parce qu'il suffirait que quelques-uns de ces liens disparaissent, ou que les journaux-piliers que je lis s'achèvent, pour que je me retrouve effroyablement seul. Comme le dit Eva, ce journal fait partie de ma vie maintenant. Mais ce journal ne vit que parce qu'il est inséré dans un cercle communiquant de qualité.

Tu ne crois pas que tu en fais trop? Tu ne cesserai pas d'écrire parce que les diaristes actuels disparaitraient, quand même?

Non, sans doute pas. Et encore... je n'en sais rien. Mais je crois que mon écriture en serait radicalement changée. Et l'équilibre que m'apportent ces échanges, épisodiques ou réguliers, en serait profondément modifié.

Spéculations hasardeuses...

Possible. Mais compte tenu des difficultés que j'ai à nouer des contacts, je crois que ce serait un rude coup.

Tu t'en remettrais.

On se remet toujours de tout, mais on garde aussi les traces des échecs. Et ce genre de choses amplifient une méfiance déjà bien trop importante, qui justement m'empêche d'aller au devant des autres. Voila pourquoi ce journal et ces relations ont autant d'importance pour moi, en ce moment. C'est un enjeu très important.

Mais t'es pas dingue de raconter des trucs pareils! Tu te montres sous une vulnérabilité extrême. Je dirais presque une dépendance !

Je sais bien, mais... je suis comme ça. Capable d'aller jusqu'à avouer des choses à en rougir de honte ultérieurement.

Ah ben t'as intérêt à mettre ça en ligne tout de suite, sinon tu vas tout effacer.

Même pas... la honte ne vient que lorsque j'ai fait la mise ne ligne et que je prends conscience des regards qui me lisent.

Maso!




«Ecrire sa vie lui donne non seulement un ordre et une logique, mais permet aussi de continuer à la vivre avec plus de certitude et de confiance. On avance d'un pas plus assuré quand on s'écrit. On se vit d'une façon plus posée quand on se sait lu. Celui qui croit qu'un journal en ligne est l'exacte réplique d'un journal traditionnel écrit pour soi seul n'a rien compris à la spécificité de ce mode d'écriture. Il y a le moment de l'écriture, solitaire et hasardeuse. Il faut trouver ses mots, plonger en soi, récupérer ce qui résiste à se montrer. L'exploration des fonds intimes de sa personnalité n'existe pas que dans le seul journal on line, certes. Mais en envisageant de faire lire ce qu'on écrit au moment où on le dit, on ajoute à cette écriture solitaire le regard de l'autre. »

Regards solitaires (17/01/2003)



«Quand ils s'en vont déjeuner sans moi, je suis partagée entre un sentiment de soulagement, j'ai échappé à ça, ouf, et un sentiment d'auto-dénigrement infernal. Parce que ce n'est pas normal, cette propension que j'ai à fuir les autres aussi souvent... parce que je me demande ce que je vais faire, du coup, si je ne vais pas avec eux... parce que j'aime bien manger seule à la cantine mais je garde à l'esprit avec une terreur à peine maitrisée le jeune homme qui est venu me parler la semaine dernière.

(...)

Oui, malsaine. Je me sens très souvent malsaine. C'est pas une différence glorieuse, vous savez... pfff... là, je relis, et je sais que je vais publier tout ça, j'ai cette espèce d'illusion que dire (bon, certes, écrire) assainit, aplanit, apaise. Je sais que je vais publier ça et le néon rouge est de retour "MAIS TU ES FOLLE !", parce que derrière l'écran, il y a vous, il y en a une poignée que je connais, (j'ai de petites mains, rassurez-vous) et je suis terrorisée à l'idée que vous lisiez ces lignes.»

Immediate Purple Lifestyle (10/01/2003)


Sincèrement libre




Lundi 20 janvier


Bizarre. Je suis dans un état assez versatile en ce moment. Tantôt ça va parfaitement, tantôt je broie du noir. Et puis tout d'un coup, sans évènement particulier, je retrouve le moral... pour constater quelques heures plus tard qu'il est redescendu bien bas. Pas bon ça... Etat émotionnel exacerbé. Je me méfie de moi et de mes réactions...

A part ça, ce matin je me suis encore levé en pensant à ce que j'avais laissé ici. Il me bouffe ce journal, et tout le coté relationnel qui va avec. J'en ai marre de rabacher sans cesse les mêmes choses (je me demande même comment vous pouvez me lire sans en avoir marre). J'aime pas ce que j'écris... et pourtant je continue. Dualité interne entre mes deux cerveaux: l'émotionnel et le raisonnable. Chiant à vivre. Même si je sais que c'est la manifestation d'une confrontation interne d'où il sortira un nouvel état. Un de mes deux cerveaux (oui, je suis bizarement constitué) ayant fini par convaincre l'autre de céder.

Tiens, justement, le pulsionnel à encore craqué devant le forum de la CEV (chuuut, on ne rigole pas!). Non, pas d'affolement, je ne suis pas reparti dans des explications sans fin. Je me contente de donner mon avis sur quelques sujets qui n'ont rien à voir avec le diarisme. En fait, je me suis rendu compte que ce qui m'intéressait, c'était le débat sur le débat. Ben oui, c'est en plein dans le coté relationnel qui me préoccupe en ce moment. Donc, comme je ne cherche pas à discuter diarisme, je suis libre pour discuter discussions.

Alors j'ai trouvé un truc (inspiré par un lien communiqué par Chien fou) au sujet de la réciprocité dans une discussion. J'ai extrapolé un peu et j'en suis arrivé à la conclusion suivante: les malaises qui surviennent dans les relations proviennent d'attentes différentes. Attendez, partez pas. J'explique.

J'ai pris consience récemment (oui, peut être que j'aurais pu le faire avant, mais bon...) que dans une relation affective il pouvait apparaitre un certain malaise dès que l'un des protagonistes exprime une attente supérieure à celle de l'autre. [aparté: j'énonce une théorie générale qui ne vise personne, même si certains évènements récents m'ont aidé à prendre conscience de la chose]. Le malaise survenant chez celui qui constate cette inégalité. Soit celui qui attend beaucoup et qui prend conscience avec effroi qu'il envahit l'espace vital de l'autre, soit celui qui se sent aspiré et ne sait pas comment manifester qu'il a besoin de respirer. Dans les deux cas, le malaise ne peut être résorbé qu'au moyen d'une remise à niveau par l'expression de ce malaise. Chose délicate à faire, on s'en doute. Même si les effets positifs sont censés suivre.

Ce que j'ai découvert, c'est que ce malaise existe aussi bien dans des relations "positives" (affectives) que "négatives" (conflictuelles). Je repense à tous ces déboires que j'ai eu sur forums, me sentant blessé, attaqué injustement, dénigré. Je n'ai pas su réagir autrement qu'émotionnellement (parce que que je suis ainsi fait) alors que si je comprends bien le principe dont je prends conscience, j'aurais du réagir de la même façon que ce que je subissais, selon le principe de réciprocité: on m'attaque, j'attaque. Alors que moi, pauvre naïf, étant dans une relation de dépendance (j'attends qu'on m'apprécie), je demandais encore plus d'attention en brâmant mes bonnes intentions et ma sincérité. Chose dont l'autre n'avait strictement rien à foutre, puisque lui n'était pas dans une situation de demande. Donc, dans ce genre de situation, je faisais le pot de colle gluant et dégoulinant de bons sentiments en disant "aimez-moi, aimez-moi!" (oui, bon, c'était plus subtil quand même). Victime d'une injustice dans laquelle je me suis "librement" (prédétermination) engagé. Le pire, c'est qu'on me l'a dit et répété, que je l'ai entendu, mais pas assimilé. Parce que je n'étais pas prêt. J'avais trop besoin de cette reconnaissance que j'allais chercher surtout chez ceux qui ne me la donneraient jamais. >>Flash back dans mon enfance et sur cette blessure éternelle: ne pas avoir été à la hauteur des attentes de mon père. Donc sans intérêt. Donc insignifiant. Donc indigne de la moindre reconnaissance. D'où ce trou béant qui ne manque pas une occasion de se manifester. Et même de la façon la plus stupide et pitoyable qui soit.... Pfffff, la-men-table!

Mais bon, mois après mois ça change. Tout espoir n'est pas perdu. J'en viens presque à comprendre le mode de fonctionnement de ces gens qui disent ce qu'ils pensent, considérant que c'est à l'autre de signifier ce qu'il ne supporte pas. Comprendre, hein, pas accepter pour autant!

Bon, j'en vois un certain nombre qui se marrent en me lisant... Ceux qui me disent tout ça depuis longtemps, et que ma caboche ne pouvait enregistrer avant d'avoir fait ses propres expériences.

Tout ça pour dire que je suis en train de prendre conscience de mes potentialités. Que ce que j'attends est en fait en moi. Il me suffit de prendre les rênes et de me lancer. Apprendre à être plus sincère, non pas avec ceux qui me comprennent, mais avec ceux avec qui il y a problème. Dire clairement mes limites, apprendre à dire non, apprendre à me détacher de l'affectif et de la peur de blesser. Pas facile quand on s'est toujours fait passer après les autres (du moins... pour ce qui est visible). Maintenant, il faut que je trouve un nouvel équilibre. Pas question de devenir de ces égoïstes qui se foutent des conséquence de leurs paroles ou actes: il faut savoir exprimer mes limites tout en restant à l'écoute permanente de celles des autres. Encore une voie qui ne sera pas facile...

Bon, j'écris tout ça, mais je sais que ce n'est que le tout début de la prise de conscience. Maintenant, au boulot pour des mois, des années d'apprentissage de l'expression de moi face aux autres. Avec le risque de déplaire.

En fait, il y a une analogie certaine avec l'expression dans ce journal.

C'est marrant d'ailleurs comme en ce moment je découvre que tout est lié.

Et justement, puisque j'évoquais la reconnaissance, je commence à comprendre aussi le lien qui existe avec... tout ce temps que je passe dans ce travail auto-scripto-analytique sur moi. En fait, adolescent je me suis passionné pour un domaine qui devait correspondre à une prédisposition naturelle. Je me suis donné à fond, en ai perçu une reconnaissance, qui a entretenu cette passion. J'ai fini par en faire mon métier, réalisant ainsi le moyen d'être reconnu pour mes compétences et connaissances. Parfait, tout baignait. Ouais, sauf que ce palliatif était un leurre. C'est pas de cette reconnaissance apparente que j'avais besoin. Moi je voulais exister en tant qu'individu, pas en fonction de mes compétences (en fait, c'est surtout par moi-même que je devais être reconnu, les autres savaient bien voir au delà des apparences). Résultat, une fois que mon "affaire" s'est mise à bien tourner (normal, vu l'énergie et le temps que j'y passais..)... il s'est produit un effet de décompression. Je me suis moins investi, et j'ai donc disposé de plus de temps libre. Temps consacré à ... prendre le temps. L'oisiveté étant mère de tous les vices, je me suis plongé avec délice (et surtout nécessité) dans l'introspection. Tout celà était aussi lié à des réflexions de mi-vie, à mon parcours amoureux, et les remises en question par les enfants. Alors tout ce qui me tenait s'est délité. Et de plus en plus je me retrouve nu face à moi-même. Et je vois bien que je ne suis pas tel que je me sens être intérieurement. Je me leurre, je leurre les autres. En étant trop gentil, trop poli. Pas assez moi-même. Normal, je m'étais si peu frotté aux autres que je ne pouvais pas vraiment savoir de quoi j'étais fait.

Lacune en voie de réparation puisque je fais mes armes sur internet depuis quelques années. Pif, paf, à coup de claques je vois comment on me perçoit. Insultes, dénigrement, exagérations et fond de vérité. Les mêmes chose m'étant reprochées en différents lieux, j'ai bien du me rendre à quelques évidences: il y a des cons partout, certes... mais il y a moi aussi qui ne suis pas tel que je pensais être. Mon vernis me trompait moi-même. Ma gentillesse n'était qu'apprentissage, au détriment de ma personnalité. Et ma personnalité, ce sont aussi ceux qui m'apprécient et qui ont su me le dire, qui m'en ont fait prendre consience. Couche après couche, je me débarasse de mes oripeaux.

Je sais que de ce déshabillage je ressortirai neuf. Sans doute plus lucide et plus sincère. Autant avec les autres qu'avec moi-même. Je sais que cette sincérité dont j'ai si souvent parlé (généralement de pair avec la confiance) est quelque chose qui me fascine. Je me souviendrai toujours d'un homme, artiste peintre, rencontré alors que je devais avoir vingt ans. Il avait une façon de regarder les gens directement au fond d'eux-mêmes qui était troublante. Il parlait comme il pensait, posant des questions considérées comme "indiscrètes" sans la moindre retenue, tout en faisant preuve d'un grand respect. Il pouvait aussi dire publiquement à une femme qu'il la trouvait belle. Il aurait pu dire aussi qu'il aurait envie de faire l'amour avec elle. Mais sans la moindre volonté de choquer ni provoquer. Simplement parce qu'il le pensait. Cet homme m'a stupéfié et j'en garde un souvenir extrêmement précis.

Je crois que j'aimerais tendre vers une sincérité qui me rendrait libre. A chaque fois que j'ai pu le faire, je me suis senti dans un état de grande sérénité.



Un peu allumé ce texte, non? M'a fait du bien de l'écrire, tiens. Ça m'a redonné la pêche!



Noir de nouaaaarh




Mardi 21 janvier


Pas la forme ce matin. Pas du tout. Plusieurs jours que ça dure. Je ne sais pas comment m'en défaire. Trop de questions qui m'assaillent. Trop de contradictions internes. Dédoublement de personnalité. Je ne sais plus quelle voix intérieure entendre. Il y a le moi raisonnable, qui désapprouve totalement le moi vrai. Mais c'est ce dernier qui n'en fait qu'à sa tête. Pas envie de retranscrire ce dialogue intérieur.

J'aime pas quand mon moi intérieur se met à déconner. Il est trop impulsif, passionnel. Fou. Oui, c'est ça. Si je me laissais aller je serais fou. C'est un peu ce qui se passe en ce moment. Cette dépendance des autres, cette envie d'exister, déclater, cet abandon de mes responsabilités... Tout le contraire de moi. Et pourtant c'est le plus viscéral de moi qui ressort. Peut-on être à ce point double? Qui existe donc au fond de celui qui n'a jamais su être lui-même?

Sérieux? Raisonnable? Moi? Ha ha ha, mais vous rigolez ou quoi? Mais je suis aussi con que les abrutis que je tente parfois de raisonner! Mais si je me laissais aller, je deviendrais aussi primaire et stupide, méchant et sarcastique que tout ceux qui m'emmerdent sur des forums. Même pas sûr qu'ils feraient le poids, ces amateurs... Sauf que je m'impose une discipline. Que je raisonne, toujours (peut-être n'importe comment, mais je raisonne raisonnablement, comme on m'a appris qu'il était bien de le faire). Si je me laissais aller, je pêterais les plombs, je me perdrais, je me détruirais. Finirai SDF, au fond du trou, avec juste des souvenirs d'une autre vie, quand j'avais une vie "raisonnable". Alors je boirai encore une rasade de pinard, pour oublier...

Mais je ne suis pas ça. Mon ange gardien veille, me surveille. Mon ange gardien c'est mon éducation, c'est tout ce coté "raisonnable" qu'on m'a appris à avoir. Plein le cul de ce coté là, il me retient trop engoncé. Coincé, oui, comme on me dit souvent. Et si je refuse justement de me laisser aller comme tant d'autres le font, c'est que je ne sais pas ce qu'il y a au fond de moi. Certainement pas les meilleurs cotés, c'est certain. Reste à savoir s'il faut chercher à être le meilleur de soi-même. Oui, j'en suis convaincu. Mais c'est chiant, c'est difficile, c'est contraignant. Bien plus facile de se laisser aller, pas se prendre la tête. Prendre ce qui se présente et voir ce que ça donne, sans souci du lendemain. C'est complètement con comme façon de faire, absolument égoïste, sans aucun avenir, mais c'est facile. Parfois j'ai envie de ce facile-là, de voir ce que ça donnera. Quitte à tout perdre, tout abandonner. Et puis le regretter ensuite. Aller jusqu'au bout du rien pour constater qu'il n'y a rien. L'homme est fait pour se surpasser en maîtrisant son chemin, ou à se laisser porter par ses envies. Les deux cotés sont sans issue, les deux sont des enfers. L'avenir réside dans le choix que chacun fait de compromis entre ces deux tendances. Hésitation perpétuelle entre l'exigence et la facilité.

J'en ai marre de cette exigence, mais je sais que le chemin de la facilité conduit vers la médiocrité. Ce que je laisse sortir de moi aujourd'hui est éphémère. Je sais que bientôt le raisonnable reviendra à la charge. De toute façon, le raisonnable est là qui veille, chaque mot inscrit a reçu son aval, bien qu'il soit plus tolérant aujourd'hui. Ce que je pourrais écrire ne sortira pas. Parce que le raisonable aurait trop de boulot ensuite pour tout remettre en état. Liberté surveillée.

Aura-t-on compris ce que je veux dire aujourd'hui? Pulsionnel dirait volontiers qu'il n'en a rien à foutre de ce qu'on peut penser. Rien à foutre des lecteurs. Mais raisonnable l'empêche d'aller trop loin. Sois sage, pense à l'avenir, ne sois pas désagréable. Pense à l'autre et oublie ton égo vociférant. Connard!

Pfff, coup de fil pendant que j'écris: une dame qui m'appelle pour le boulot et demander des renseignements. Moi, faux-sourire « xxx (nom de mon entreprise) Bonjouuuuur :-))))))». Elle, voix haut perchée et pincée: «Bonjour monsieur, je voudrais savoir si etc...» Moi, intérieurement «Accouche connasse, tu vois pas que tu me déranges!», mais c'est un «Oui, bien sûr madame, il suffit de etc...» qui sort de ma bouche. Ben voila, c'est typique de ce qu'est le pulsionnel et le raisonnable. Et pis c'est toujours le raisonnable qui sort. Comme sur les forums, comme partout. Donc c'est pas vraiment moi. Parce que moi quand il est pas content, ça ne serait pas agréable pour les autres... et il faut toujouuuuurs penser aux autres avant soi. Alors ça m'emmerde quand je vois des petits cons qui se laissent aller à la facilité en se déchargeant sur d'autres qui doivent faire avec. Paf, même quand je suis en rogne je ne peux pas m'empêcher de faire la morale. Les moralistes, ce sont les frustrés qui s'énervent en voyant les autres faire ce qu'eux même s'empêchent de faire. Et c'est vrai que c'est dégueulasse que ce soient toujours les mêmes qui fassent les efforts à la place des feignasses qui se laissent aller. Et c'est vrai que la morale on a parfois envie de pisser dessus. Merde, fait chier tout ça. Aucune solution n'est bonne (putainn, t'as inventé le fil à couper le beure toi!).



Le repos après l'amour




Jeudi 23 janvier


Je pensais avoir laissé des trucs terribles la dernière fois, me disant qu'il fallait que je corrige cette impression de colère qui émanait de moi. En relisant, je trouve que c'est vraiment peu violent en regard de ce que je ressentais ce jour là.

Tout cela est avalé et j'ai retrouvé un équilibre. Tout simplement en discutant du problème que je gardais en moi (hmmm... il a fallu faire preuve de persuasion pour que j'y consente). En fait, tout restait coincé parce que je n'avais aucun moyen d'en parler à qui que ce soit. Et même pas dans ce journal. Une fois de plus c'était une affaire de doutes sur moi. Mais puisque j'ai expulsé "la bête", je ne pense pas avoir besoin d'en parler plus longuement ici.

Ah si, quand même, un a-coté intéressant. J'ai parlé à Charlotte des raisons de mes préoccupations ces derniers jours (oui oui, elle est très douée pour sentir quand je ne vais pas bien). Il faut dire qu'elle commence à trouver (depuis un moment déjà) que ce "travail" global que je fais sur moi en ce moment est trop prenant. Non seulement pour elle, qui supporte de me laisser passer presque toutes mes fins de soirées devant mon écran, mais aussi pour moi, puisqu'elle me voit complètement absorbé par tout ça. Non pas que je passe mes journées obsédé par ça (quoique, parfois...), mais parce que toutes ces réflexions absorbent beaucoup de mon énergie vitale. Ça devient trop. En temps passé, en esprit mobilisé. Il faut que je décroche, que je me donne le temps de respirer, d'absorber tout ça. Je vais trop à marche forcée. D'ailleurs je m'en rends compte parce que je n'exploite pas toutes les pistes qui s'ouvrent, ce qui m'obligera à y revenir.

Doooonc, je discutais avec Charlotte (je reviens à mon sujet). Et je me suis rendu compte que j'abordais avec une grande facilité des sujets qui, il y a quelques années, étaient source d'un grand malaise de culpabilité. Je veux parler bien sûr des relations... de?... de?...de séduction (ceux qui avaient deviné gagnent un abonnement d'un an à "Alter et ego"). Maintenant, c'est tranquillou (bon, pas tout à fait, mais presque) que je parle des attirances que je peux ressentir, de mes recherches sur les limites, ce qui sépare (ou pas) l'amitié de l'amour. Faut dire qu'elle commence à être habituée, bien que je n'avais pas abordé ça depuis de longs mois. Je me suis donc rendu compte que je différenciais très nettement les différents pôles de ce que constitue l'attirance. Ça peut paraître évident à beaucoup de monde, mais pour moi c'était une vaste nébuleuse où tout était embrouillé. Je sais donc (ou crois savoir, hein, on n'est jamais sûr de rien) ce que j'attends lorsque se met en place le phénomène d'attirance. Phénomène, soit-dit en passant, qui se déclenche intempestivement avec une sensibilité déconcertante. Du genre: croiser une femme qui me plaît dans la rue. Ça, c'est le degré 1 sur une échelle de 10. Et on ne peut pas dire que ça me pose problème de culpabilité.

Pour être bref (j'essaie...), je me suis rendu compte depuis un moment que, en chaque femme qui m'attirait, je sentais la potentielle (lointaine mais cependant existante...) "femme idéale". Avec tout ce que sous-entend cet idéal, c'est à dire tous les indicateurs sur la position "maxi": séduction, partage, confiance. Le degré maximal de l'osmose parfaite entre deux êtres, avec zéro points de désaccord. Sauf que je sais depuis longtemps que, si cette personne idéale existe sur terre, non seulement les probabilités de la rencontrer sont infinitésimales, mais celles de lui plaire autant en retour rendent la chose plus improbables que de gagner le gros lot au Loto. Et je ne joue même pas au Loto, c'est dire combien je peux y croire...

N'empêche que mon double, lui, y croit. Je veux parler de ce dingue émotionnel et pulsionnel qui m'habite et que je m'efforce de ramener à la réalité en permanence. Et doooonc, qu'il ne peut s'empêcher de mettre en oeuvre des plans d'enfer pour voir si, par hasard, la belle ne serait pas LA perle dont il rêve. Inutile de dire que très rapidement les plans n'ont même pas eu le temps de germer que c'est déhà trop tard. Mais... il arrive qu'une relation puisse s'établir, par on ne sait quel hasard. Dès lors, le loup lubrique [imaginer celui de Tex Avery] qui etait à l'affût dans son coin ne cesse d'avancer ses pions, que le raisonneur fait tout pour cacher... toute en plaçant lui aussi ses pions. Ben oui, parce que le raisonneur, lui aussi ne rêve que de pousser plus loin la relation, mais dans le domaine pur et chaste des pensées et de la sensibilité: partager la confiance absolue entre deux êtres. Rigolez pas du naïf et cucul, hein!. Les deux lascars se tirent donc la bourre pour séduire l'âme soeur qui, peut-être, se trouve là, devant leurs yeux éblouis. En toute discrétion, bien sûr. Seul le trouble interieur peut se déceler à une élocution hasardeuse, des gestes désordonnés, un rire niais, ou un mutisme accompagné d'un regard ombrageux, quoique de braise. Euh... généralement tous ces phénomènes sont invisbles, tant ont été si bien intégrés les règles de vie en société. Puis aussi l'habitude. Parce que bon, on ne peut pas dire que les biches (ça c'est de Brel) se laissent approcher facilement pas les loups. Donc les loups, tout comme les biches, se contentent de se cotoyer les uns les autres sans tenter grand chose. Et puis les circonstances s'y prêtent rarement.

Bon, où en étais-je avant de raconter mes histoires de chaperon rouge??? Ah oui: différencier les formes d'attirance. En fait, j'ai un peu donné la solution: pensées qui se répondent (effet d'osmose par écho) et ssssssexe (envie d'osmose pulsionnelle). Deux tendance qui n'ont rien à voir, mais se combinent pourtant en tendant vers le même but: un échange fusionnel. Généralement cela conduit à quelque chose appelé "amour", avec un double sens aussi peu pratique que généralisateur. C'est même tellement généralisateur que ça ne veut rien dire. Ce terme est stupide. L'amour est une des formes que peut revétir cette double attirance. Ce serait peut-être l'égal mélange des deux tendances. Le problème c'est que le terme d'amour rime aussi, dans les esprits, avec "toujours". Et que, par dessus le marché, on le confond avec un autre terme tout aussi général: aimer. Un mot qui pourrait être sublime s'il ne servait pas à qualifier des choses aussi diverses que ce qu'on éprouve pour celui ou celle avec qui on est "comme joint" (conjoint), mais aussi ce qu'on éprouve vis à vis de ses enfants, parents, fratrie, amis. Ou... télé, fraises Tagada, camembert... Mais bon, faut faire avec. On peut dire "j'aime le camembert", mais on ne peut pas dire à une femme "je vous aime". Et encore moins à une amie... Le mot est tellement galvaudé qu'il en devient tabou hors des extrêmes: le n'importe quoi et l'amour vrai.

Dooooonc, je reviens à cette prise de conscience des différentes formes d'attirance (vous suivez toujours?). J'en étais à la pensée, les pulsions, et je suis venu semer le trouble avec l'amour. Ben oui, parce que c'est là qu'il y a problème: l'amour n'a rien à voir avec tout ça! Ou pas grand chose (oui, bon d'accord: parfois beaucoup). L'amour (le vrai, le pur, le dur), c'est un truc hyper complexe qui répond à une demande de l'humain: voir en l'autre le propre reflet de sa "beauté". C'est un partage de miroirs: «Tu me plais. Te plais-je? suis-je beau/bien dans tes yeux? dis-moi que je suis beau, rassure-moi. Et puisque tu me trouve beau, alors je t'aime, parce que tu m'apportes quelques chose de bon dont j'ai besoin, et je te trouve belle de m'aimer, et je suis prêt à tout aimer chez toi qui m'apportes tant de bien-être. Alors je te donne mon amour, et tu me donnes le tien. Je veux te rendre heureuse, ça me rend heureux». Un truc hyper égoïste, à la base, mais qui a l'avantage de nécessiter un autre égoïsme. Et cet égoïsme pousse paradoxalement à l'altruisme le plus débridé. L'amour, ou la complémentarité des égoïsmes. Mais ça fonctionne très bien. Sauf que généralement, au fil du temps, une fois que chacun a comblé avec l'amour de l'autre le vide qu'il ressentait, l'autre devient moins beau, parce qu'il a tout plein de défauts qu'on avait pas vu du premier coup, tout occupé qu'on était à se fondre dans ce regard qui nous regardait avec tant de plaisir. Amour narcissique, amour du sentiment amoureux. Alors... et ben soit on se rend compte que les différences sont trop importantes soit on parvient à voir autre chose. Le sentiment amoureux devient "aimer".

C'est la même chose, mais en plus lucide. L'illusion s'efface, et on s'attache à l'autre. Attachement, c'est bien différent d'attirance. On n'aime plus l'autre parce qu'il comble un manque et qu'on comble son manque. On aime parce que... nourri de ce qu'il nous a donné, on a envie de poursuivre avec lui. On aime parce qu'on partage des points communs, une histoire, des galères, des plaisirs. On aime parce qu'on a choisi de faire le chemin avec quelqu'un qui nous plaît et qu'on est prêt des deux cotés à faire des concessions pour que ça continue. Alors doucement, longuement on construit un couple, tant que dure cet attachement. Deux êtres qui acceptent de partager des choses en commun, une complicité très particulière, mais aussi de se supporter malgré leurs différences.

Bon, en fait c'est comme chacun le sent, je ne vais pas faire une cours la dessus. C'était juste pour amener la suite: la différence entre attirance et aimer. Je suis marié, j'aime celle qui partage ma vie, avec qui nous avons fondé une famille, et je tiens par dessus tout à cette relation. Aucune autre relation ne doit compromettre ce qui existe entre nous et qui résulte de vingt ans de partage. Sans aucune hésitation je trancherai si cela venait à être menacé. Ceci dit, ce n'est pas pour autant que le phénomène d'attirance envers la "femme idéale" à cessé, toute impossible que soit cette rencontre. Charlotte m'apporte un équilibre et comble beaucoup de mes attentes. Mais pas toutes. Je continue donc à désirer partager mes pensées avec d'autres personnes, et en l'occurence des femmes. Et il existe toujours ce loup tapi dans un coin. Le jeu de séduction et attirance existe toujours, intact. Ce qui a changé, c'est que je ne recherche pas l'amour. Et c'est une grosse différence.

Je rêve toujours ce qui peut tendre vers cette osmose de pensées qui se soutiennent, s'enlacent, se croisent et croîssent en s'appuyant l'une sur l'autre [imaginer deux pousses d'une plante qui s'enrouleraient en spirale l'une autour de l'autre pour se soutenir]. Et je sais aussi, je l'ai dit, que ce partage de pensée, s'il est poussé suffisamment loin, s'accompagne d'un désir de partage dans les gestes. Sans limites.

Le problème vient du fait que notre société, nos consciences, nos conditionnements rendent ce genre de partage difficile. Dès que je dis que je discute avec des femmes sur internet (rien que le terme "des femmes" fait penser à un truc cochon), je sens une suspicion. D'abord c'est louche, et ensuite "mais... c'est dangereux ça". Sous entendu: "mais tu es marié, que vas-tu chercher ailleurs? tu risques de te laisser prendre au jeu". Pfff, comme si on ne pouvait pas échanger sans entrer dans le registre de la séduction. Ou, même s'il existe, comme si on ne pouvait pas le maintenir à un niveau minimal pour seulement profiter du plaisir du partage d'impressions sur des sujets qui font écho pour l'un et l'autre.

Mais... il arrive effectivement que le partage d'idées soit très poussé, que des conceptions communes soient fort agréables à entendre... et que le plaisir ressenti dans une attirance soit partagé (ça fait beaucoup de partages, hein, avouez...). Alors là se pose l'éternel problème: quoi qu'on fait? Bien sagement, on en reste à ne pas franchir les conventions. Donc on rompt le pacte de sincérité en n'en parlant pas. Oui, ça se conçoit: on ne peut pas être 100% sincère. En fait, ça fonctionne très bien comme ça. Mais il se peut qu'à un moment donné, surtout si on discute souvent de sincérité, de relations d'amitié, de relations de couple... ben... pouf, un petit mot est lancé, qui en lance un autre en retour. On fait quoi? On n'en parle plus? Ou on fait comme si on avait rien entendu. Mhoui... dommage non? Pis de toute façon on l'a bien entendu! Alors on reste dans le non-dit. Sagement, pour éviter de ne réveiller le loup qui somnolait dans un coin. Sacré loup, toujours une oreille en éveil! Il a tout entendu. Et il a ouvert un oeil. Son museau frétille (j'ai dit le museau!), il a senti quelque chose.

On fait quoi? On n'en parle plus ou on en parle? On devient plus prudent, c'est certain. Mais tout devient sujet à interprétation, même les silences. Alors on en parle! Et on se trouve à un dégré supérieur de complicité. On retrouve un équilibre, on reprend ses esprits, on se calme. Et on réfléchit... sur ce genre de choses, sur les limites, sur les relations d'amitié homme/femme (ou homme/homme, femme/femme, c'est pareil dans certains circonstances).

C'est un peu tout ça que j'ai dit à Charlotte (mais noooon, elle ne s'est pas endormie!). Sans gêne, sauf une petite crainte de lui faire peur. Mais elle me connaît, ce n'est pas la première fois qu'on en parle. Ce ne sera pas la dernière. Parce que... je n'aime pas cette limite que je trouve artificielle. Peut-être que certaines limites ne doivent pas être dépassées, parce que jalousie, parce que trop de risques (lesquels?), mais je n'en suis pas certain. Voila pourquoi j'avance à pas de... loup (pas le même) dans ce genre de relations lorsqu'elles se présentent.

Ce qui est très clair dans ma tête, maintenant, c'est que je sais différencier attirance charnelle, attirance mentale, et amour. Ce qui se confondait autrefois et qui me faisait délirer sur un personnage totalement fantasmé tel que celui de la Laura de mon adolescence, dont je recherchais sans relâche des clones, est maintenant bien clair. Je sais distinguer ce qui tient de l'un et de l'autre de ces élements, même si la plupart du temps ils sont mélangés. Je sais faire le tri. Donc je n'ai plus peur de ce qui était inconnu.

N'empêche que si je ne crains plus vraiment les femmes qui me plaisent (mental) j'ai toujours "peur" des femmes que je désire (physique), parce que je crains qu'elles voient au fond de moi ce qui s'y cache. Pas encore au clair, finalement... surtout avec la part animale du loup... A travailler encore.

Mais plus tard. Pour le moment, je vais faire une petite pause. Normalement, je ne devrais pas écrire pendant quelques temps (je dois m'en empêcher). Ce journal a pris beaucoup trop d'importance dans ma vie (c'est bon, mais c'est usant). Il faut que je reprenne les rênes de ma vie qui s'oublie (qui oublie surtout mon travail... et... aaarghhh, j'angoisse en pensant à ce qu'il va falloir rattraper). Donc: réduction des interventions dans le journal dans un premier temps. Forte réduction du forum de la CEV (nan, arrêter c'est encore pas possible!) avec refus de participer à d'éventuelles nouvelles polémiques (hhgnnn, faudra que je résiste!). Prendre de la distance par rapport au monde virtuel. N'en garder que les cotés agréables, sereins, apaisants.

Du repos.


Oooooouuuuuuffff...



«Je n'ai pas eu une attitude très glorieuse. Je m'en veux. J'aurais dû me rendre compte de mes doutes avant la rencontre réelle. Ca n'a pas été le cas. Peut être parce que je désirais réaliser mon fantasme de rencontrer une lectrice. Peut être. Je peux assurer maintenant que d'avoir réalisé ce fantasme ne m'a apporté aucune satisfaction. Pas parce que j'ai passé un mauvais moment ce week-end. Oh non, ce fut même un très bon moment. Mais au plaisir s'est vite substitué le doute. Et le doute ne m'apporte aucune satisfaction. »

Water prof (22/01/2003)



«Je lui lance mes contradictions, mes doutes, mes incertitudes, mes questionnements métaphysiques en pleine figure. Il n'en comprends que la moitié à peine, mais jamais il n'a menacé de claquer la porte. Il a l'air de m'accepter toute entière, avec la part agréable et heureuse que je lui donne, mais aussi avec la part noire et mystérieuse que je lui laisse à peine contempler. Il me semble qu'il a été immunisé contre moi. Qu'il a développé des anticorps pour résister à mes pires crises existentielles. »

Regards solitaires (23/01/2003)



Le regard des autres




Samedi 25 janvier


Bon, d'accord, je n'aurai pas pris de la distance bien longtemps avec ce journal. Mais je vais pas me forcer à en prendre, quand même?

En fait, j'ai un peu du mal avec le dernier texte que j'ai laissé. J'aime pas trop. D'abord parce que je raconte ma façon de fonctionner alors que ça pourrait rester non-dit. J'étale ici des choses qui sont du domaine du fantasme et ça me gêne un peu, par rapport à ces relations féminines qui me lisent, de leur avouer ce qui me passe par la tête. Oui, parce que ces histoires de séduction, ça reste quand même quelque chose de très diffus, sourd, et non pas une obsession permanente. Loin de là. C'est en fait quelque chose de plus qui joue un rôle stimulant, mais pas un but en soi (était-ce nécessaire de le préciser?). Bon, avouez que c'est un peu délicat de raconter ça presque en "face à face". Mais... pas de réactions outragées à ce jour; donc ça ne devait pas être si inavouable.

J'ai quand même bien du mal à trouver le ton qui me convient ici. Vouloir mélanger un journal vraiment intime, très personnel, avec une écriture publique, c'est un truc à se donner régulièrement des sueurs froides. Mes doigts choisissent constamment (sans même que j'en ai consience) un public différent. Les connaissances, les inconnus, et moi moi moi. Et je passe de l'un à l'autre, privilégiant ou oubliant tour à tour ces différents regards. Si en plus j'oscille entre les questionnements auto-analytiques et les compte-rendus des grandes batailles de forums, l'intime et le public, je donne à lire quelque chose d'assez disparate.

Bien sûr, je pourrais me dire «c'est MON journal et j'en fais ce que j'en veux". Mais ce n'est pas comme ça que je conçois les choses. J'ai envie de plaire, non pas seulement pour ma satisfaction personnelle directe, mais aussi parce que j'ai envie de donner à lire quelque chose d'agréable. Et euh... si possible intéressant. Je sais pas comment dire. Mettons que c'est un état d'esprit que de donner à lire quelque chose qui essaie d'avoir une certaine qualité (ouuuh, le grand mot!). Alors justement, quand je me perds dans des méandres, j'aime pas. Je me dis qu'il faudrait que je coupe, tranche, supprime. Être plus exigeant pour donner un résultat meilleur. Le problème c'est que cette façon de faire entre en conflit avec l'écriture libre et spontanée du journal. Et comme le but premier reste de laisser mes pensées s'exprimer pour découvrir celui qui se cache en moi... ben je continue à tout laisser sortir.

Tout? Non, faut pas rêver quand même. Je censure un max. Pas possible de tout mettre. Je n'écris que ce qui me semble être nécessaire dans mon processus de découverte. Et puis aussi... tout un paquet de justifications censées expliquer ce que je dis, pense ou fait. Et ça, c'est carrément idiot. J'ai pas à me justifier sans cesse. Un lecteur inconnu me l'écrivait encore aujourd'hui.

Ah oui, un truc que je déteste aussi chez moi: ce coté moralisateur "c'est pas bien de faire comme ci ou comme ça". Pfff, quel chiant ce mec! (oui oui, je sais). Je fais des efforts, mais ça sort tout seul. Encore un truc à corriger. Peut-être pas totalement indépendant de la tendance à la justification d'ailleurs... Infernal, tout ça!

Tant que je suis là (oui, je ferais mieux d'écrire plus souvent mais moins long...), il a été question de nombre de lecteurs sur le forum de la CEV. Je dois avouer que j'ai halluciné devant les chiffres annoncés par certains. Waouh, quelle audience! Du coup je me suis interrogé sur ce que je ressentais.
1- de la jalousie (ouin, pourquoi qu'eux y z-ont tant de monde qui vient les lire?)
2 - comme il était dit, le nombre de lecteurs n'est pas un critère de qualité (exact, star academy fait une énorme audience)
3 - si j'avais davantage de lecteurs, ça me ferait encore plus réfléchir (paralysie) à mon écriture (quoique s'il étaient très nombreux, ce serait aussi signe que ça leur plaît)
4 - J'écris pas dans le but d'avoir plein de lecteurs (mais... bon, c'est sûr que ça fait un ti-quekchose quand c'est le cas)
5 - Ce qui compte, c'est que je sois sincère avec moi-même. Et tant pis si cette sincérité est rébarbative, redondante, "creuse" (ça m'est resté ça...), chiante, agaçante, insignifiante, et toute autre chose en "ante" qui vous passera par la tête.

Bon, ben voila encore une entrée fourre-tout, exactement comme je voulais pas faire. Pis en plus j'me fatigue même pas à écrire bien. Ça devient du n'importe quoi tout ça. Bordel, mais quand est-ce que je serai satisfait de ce que je fais? Vous pouvez me le dire, vous? C'est une prison que de ne pas savoir se détacher du regard des autres...

Mais j'y arriverai bien un jour.



«Sois toi-même»




Mardi 28 janvier


«Sois toi-même». Trois mots lourds de sens, mi-injonction, mi-encouragement, que l'on me dit souvent. Sois toi-même, ne cherche pas à plaire à tout le monde. Sois toi-même, cesse d'être dépendant des autres. Sois toi-même... Sois toi-même... Sois toi-même... ce sont aussi les mots que j'ai en permanence dans la tête tout en me demandant qui je suis vraiment.

Est-ce donc si difficile d'être à l'écoute de soi? Oui, mille fois oui. Parce que lorsque on est trop à l'écoute de la cacophonie dissonnante de "l'autre" au sens le plus élargi, il devient impossible d'ententre une voix intérieure hésitante.

Bien souvent je me perds et ce sera une présence compréhensive et encourageante qui m'aidera à me réorienter en m'aidant à m'écouter. D'autres fois c'est avec rudesse que l'on me rappellera à l'ordre... parasitant un peu plus le message avec une voix supplémentaire qui s'impose.

Il paraît si simple à tant de gens de fermer oreilles, yeux et bouches qu'ils semblent ne pas comprendre que je ne sache pas le faire. Je suis une éponge. J'absorbe tout. Une éponge sensible, parce que je ressens tout aussi. Et je me nourris de ce que je ressens. Et je me construis de ce qui me nourrit. Je ne peux pas me passer du regard des autres, parce que c'est par lui que je peux savoir qui je suis dans le monde.

Si intérieurement je peux vivre en autarcie, ce n'est pas le cas dès lors que je tente de m'insérer dans le monde. La surface de contact entre mon intériorité et le monde extérieur m'est encore mal connue. Alors tous les jours j'apprends comment m'adapter à ses différents constituants. Jusqu'où je peux aller dans le partage, ou bien quand je dois cesser de communiquer. Le plus doux comme le plus néfaste, je dois apprendre à le carresser ou à le fuir.

«Sois toi-même», c'est ce que je me dis lorsque j'ai peur de me laisser aller vers l'inconnu, doutant de mes capacités. «Sois toi-même», c'est ce que l'on me dit lorsque je ne sais plus qui je suis face à l'agressivité d'autrui. Et dans les deux cas, comme dans l'infinité des intermédiaires qui les relient, je suis perdu, désemparé, paralysé. Incapable de m'entendre. Incapable de savoir laquelle de mes voix intérieures est la meilleure pour moi.

Cet enfer, car à la longue c'en est un, c'est celui que je me suis créé en voulant ne pas déplaire. Le pari est impossible. Il se soldera toujours par une souffrance. Celle de déplaire et, consécutivement, celle du doute sur moi-même. Parce qu'à chaque fois que je suscite un rejet, m'est renvoyée une image négative de moi-même. Et je le vis mal.

Une fois de plus mon coté idéaliste m'apparaît: j'aimerais que tout le monde essaie de s'accepter, se tolèrer, se respecter, se comprendre. Or si je sais que moi même je n'en suis pas capable sans efforts, je constate que d'autres ne semblent même pas vouloir faire cet effort. Et ça aussi, je dois l'accepter, le tolérer, le comprendre...

Bien souvent je me sens inadapté à la société et aux rapports entre les gens (et peut-être est-ce une impression largement ressentie?), et pourtant je m'efforce à cette adaptation. J'y parviens plus ou moins, tant que les rapports restent distants. Mais ce genre de rapports ne me procure pas de satisfactions particulières. Je suis quelqu'un qui apprécie de toucher à la profondeur des gens, à leur vérité. J'aime sentir la chaleur des sentiments, des convictions... mais je me brûle lorsqu'ils deviennent rejet. Je me nourris du bonheur à partager, je m'anéantis lorsque l'opposition devient excluante.

Être moi-même, c'est ça: vibrer de tout ce qui constitue mon rapport à l'autre. De joie, de colère, de plaisir, de douleur. C'est souvent exaltant, parfois épuisant. Être moi-même, c'est vivre de vrais moments de bonheur... et d'autres de déprimante tristesse.

Si un jour je parviens à moins dépendre du regard favorable de l'autre, je crois que ma vie sera vraiment devenue une réussite. Hmmmmm, pour tout dire, je crois que je suis sur cette voie. Elle est bien rude et déstabilisante, je trébuche fréquement, mais je persiste. Et j'avance, j'avance, j'avance...



«C'est tout bête mais c'est comme ça. Je ne pleure pas sur les années manquées, oh non, pas le temps et c'est inutile. Mais je réalise que les jours, semaines, mois, années qui viennent m'appartiennent pleinement. Juste d'écrire cela me fait sourire. Parfois j'écoute les gens autour parler de leur vie et ce qui me frappe ce sont les barrières et les cadres qu'ils s'imposent volontairement. Je ne les juge pas, je fais pareil. Mais je viens d'en devenir consciente, c'est déjà le premier pas. »

Insomnies chroniques (26/01/2003)


Observer




Vendredi 31 janvier


Petite crise diaristique. J'oublie ce journal. Momentanément.

Pas totalement, puisque j'y écris en ce moment, mais disons qu'il ne correspond plus à un besoin ces jours-ci. Ça m'est venu d'un coup, sans prévenir. Je crois que c'est lié à ce qui s'est passé sur la CEV récemment. J'ai pris conscience du décalage qui existait entre mes attentes et la réalité, pour ce qui concerne cette "communauté". Je l'ai trouvée bien vide de sens, finalement.

Nos attentes sont vraiment différentes, je le vois en parcourant les forums (l'officiel et l'Underground). C'est fou ce que ça fait comme différence de se mettre en mode "écoute" plutôt que de chercher à faire passer ses idées. Faut dire aussi que mes idées n'ont pas trouvé de résonnance et que j'en ai conclu qu'elles m'étaient trop personnelles. Donc je me suis mis en retrait, et j'observe.

D'un coté je vois un forum apaisé... qui ronronne. De l'autre je vois un forum d'opposants... qui ronronne aussi (ou est donc passée cette impertinence qui posait problème?). Que faut-il en déduire? ben un truc tout simple: la provoc et la modération sont proportionnelles l'une à l'autre. Un forum modéré attire la provocation, et la provocation crée la modération. Les deux s'éteignant lorsque l'opposé n'est pas là. Deuxième constat: un forum sans une touche de contestation devient vite insipide. Reste donc à trouver le juste milieu...

Mais je vois surtout la très large majorité des diaristes (90%?) qui restent farouchement indépendants de tout ça. Je ne me sens à l'aise dans aucune de ces tendances. Ni sur un forum gentillet, ni sur un forum de réfractaires dont le seul point commun est de refuser de suivre des règles (j'attends la mise en place d'un éventuel groupement, et les dissentions qui vont éclater...), ni dans le silence autarcique (autistique?) de ceux qui écrivent dans la solitude sans rien partager.

Du coup, je me sens un peu flottant actuellement. Et l'attitude des diaristes qui se tiennent en marge de la communauté, tout en participant à une vision commune de l'écriture de soi, me semble être la plus judicieuse. J'ai besoin de communiquer, mais bien d'avantage par affinités que par souci de faire évoluer (?) cette pseudo-communauté. Communauté de fait, mais pas d'esprit.


J'écris dans ce journal parce que ça me fait du bien, parce que ça m'enrichit, parce que je partage. Parfois je m'en sers comme d'un porte-voix... mais ça ne fait que soulager ma pensée. C'est de peu d'intérêt. D'autres fois je me laisse aller à sortir mes réflexions plus profondes (ou "creuses", c'est selon...), à aller chercher au fond de moi ce qui s'y cache. Et c'est cette écriture qui me plaît. D'ailleurs, bien souvent elle se poursuit dans le secret des mails, nourissant parfois en retour des réflexions qui s'étaleront ici. Et la satisfaction que je peux ressentir à partager en lisant ou écrivant un mail qui "touche" quelque chose d'essentiel et sans commune mesure avec le petit plaisir éphémère que je soulage en donnant mes états d'âme de diariste-militant...

Mais... je suis encore en train de me justifier là, non?