Juillet 2015

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  Feu follet



Samedi 4 juillet 2015


Ce qui distingue l'amour de l'amitié n'est pas le désir, ni la sexualité, mais les attentes.

Souvent j'ai évoqué le moment où j'avais senti, pour la toute première fois, une fissure apparaître dans l'amitié et la confiance "totale"
[ô illusion...] qui me reliait à mon alter ego québecoise. Ce jour où elle m'a prévenu, vigilante : « si tu as des attentes, ça ne marchera pas entre nous ». Cette inquiétante prophétie, ressentie de ma part comme un avertissement, s'est finalement réalisée. En quelque sorte mon amie a donc eu raison... et en même temps la tonalité menaçante du message a incontestablement joué un rôle dans la réalisation de ce qu'elle entendait prévenir. En d'autres termes le fond était juste, la forme certainement moins.

Si je reviens sur cet épisode aussi minuscule que déterminant c'est qu'il mettait en évidence, de ma part, la toute première manifestation d'une attente amoureuse naissante
[issue d'un besoin de réassurance, etc.]. Oh ce n'était presque rien, dans les faits, mais le principe était nuisible : non seulement j'avais attendu d'elle certaines attitudes - que je pensais "normales" et légitimes - mais en exprimant ma frustration j'avais mis le doigt dans un engrenage qui pouvait devenir délétère : l'exigence. Dans le genre "j'attends de toi que tu te comportes ainsi, sans quoi je ne me sentirai pas bien". L'amour conditionnel, quoi...

Bark ! C'est sûr que c'était pas bon, ce truc-là ! Mais à l'époque je n'en avais pas conscience.

Bon l'ironie de la chose c'est qu'en me demandant fermement de ne pas avoir d'attentes à son égard, c'est une exigence qu'elle exprimait ! Je n'ai détecté ce paradoxe que bien plus tard. Il eut été préférable de poser les choses calmement, de décliner nos besoins respectifs, de regarder nos craintes en face et de voir ensemble comment faire. Mais quand les sensibilités s'emmêlent...

Il y eut une seconde fois, nettement plus violente en termes de communication. Une réaction démesurée, incompréhensible dans une relation d'amitié. Le nouvel univers de confiance que j'imaginais avoir trouvé - sans me rendre compte qu'il empiétait sur son sentiment de liberté - se trouva abruptement amputé, marqué par des limites défendues férocement toutes griffes dehors
[signe manifeste de protection de territoire]. Hébété, j'en fus littéralement anéanti. Elle ne voulut malheureusement pas en reparler ensuite. À partir de là mes craintes subjectives devinrent peurs objectives : l'ire de ma comparse pouvait revenir sans prévenir. Le ver des non-dits entra dans le tronc vigoureux de notre solide lien et commença discrètement son travail de perforation. L'arbre de notre relation, en plein essor et encore sain en apparence, allait être imperceptiblement grignoté de l'intérieur. Jusqu'au déséquilibre qui allait nous être fatal.

Je m'en veux de n'avoir pas su contrer ça. Et en même temps... comment aurais-je pu le faire ? Comment aurai-je pu comprendre ce qui se jouait ? Comment aurais-je pu rassurer celle qui, s'inquiétant, m'effrayait
[et réciproquement] ?

Par contre j'en ai tiré une leçon de vie : ne jamais plus avoir d'attentes. Ou plus exactement ne jamais exiger qu'il y soit répondu. Il m'aura fallu plus de dix ans de décortiquage et d'auto-analyse
[oui, je suis méticuleux] pour en intégrer toutes les dimensions, non sans avoir en parallèle mis en pratique ce mode de fonctionnement avec celles qui n'ont pas hésité à approcher l'homme meurtri [mais résilient !] que j'étais. À peu près hermétiquement fermé à toute évolution de type amoureux, je n'ai laissé de place qu'à d'autres approches, fort intéressantes et constructives par ailleurs. J'avais besoin de retrouver confiance en la confiance [et accesssoirement en moi...]; mieux comprendre les points faibles de mes représentations autant que ceux de ma personnalité. Reconnaître aussi mes forces, au passage. Ah et puis, oui, je l'avoue : j'ai longtemps [très longtemps...] espéré l'improbable retour de celle qui fut, quelques années durant, une si précieuse partenaire...

Tentatives de reconquête maladroites et hasardeuses, largement à l'aveuglette; espérances refroidies à l'eau glacée, fermetures butées
et sentences définitives; refus catégorique de pacification, épaississement croissant du silence. Que n'ai-je pas enduré ? À la longue, tout persévérant, patient et aimant que je sois, mon feu intérieur s'est affaibli. Je le vois devenir évanescent, feu follet émanant des souvenirs sédimentés.

L'amitié demeure, mais...





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La momie et le pauvre hère


Dimanche 5 juillet 2015


Pourquoi ai-je autant, et si durablement, parlé d'une chose somme toute fort banale : une rupture. Qui n'en a pas vécu dans sa vie ?

Euh... ben moi, avant :)

Non, ce que je veux dire c'est qu'une séparation fait partie des aléas relationnels et qu'on finit toujours par s'en remettre [normalement...]. Mais dans certains cas [pathologiques !] l'énergie qu'il faut consacrer à dépasser le contrecoup peut être considérable. Dans le mien [absolument pas pathologique, non mais...], après avoir tout disséqué de la relation défunte et fait une autopsie complète du cadavre - qui, passé l'état de putréfaction avancée, est désormais carrément momifié - j'en suis arrivé à la conclusion que c'est moins la fin d'une relation qui m'a été pénible que la fin de ce qui l'avait fait naître. Je veux parler de la confiance.

Il se trouve que j'explore d'anciennes correspondances, ces jours-ci. Dans l'une d'entre elles (2006) je trouve ce paragraphe : « Personnellement (mais je ne suis peut-être pas assez prudente), je crois aussi qu?on peut avoir instinctivement confiance en quelqu?un, parce que l?on a une communication exceptionnelle avec lui, parce qu?on le ressent comme étant de la même « nature » que soi. Quelque chose comme, « lui et moi, on s?est « reconnu » dans la foule ». Je ne sais pas bien comment expliquer. Un genre d? « affinité élective ». Mais cela relève de l?intuition, évidemment, et de l?affectif. »

C'est exactement ça ! J'avais la même croyance en cette "intuition" indubitable. Or depuis le Grand Effondrement cette certitude, une des rares que j'avais, s'est trouvée confrontée à une toute autre réalité : le pire scénario de cauchemar est toujours possible. Les années passant n'ont pas permis d'inverser l'image totalement destructurée de cette confiance "instinctive" mise à bas. Le réel s'est obstiné à me montrer que cet instinct premier avait été... comment dire... non pas brisé mais... mis par terre par des réactions en chaine à l'impact démesuré. Un peu comme ces forces de la nature qui, de déchainant, balayent comme fêtu de paille tout ce qui paraissait solide et sur lequel on avait bati sa vie. Un tremblement de terre, quoi...

Après un tremblement de terre, comment croire encore que quoi que ce soit puisse résister ?

Mes représentations de la confiance ont été mises à terre et je ne sais pas comment reconstruire. J'ai les matériaux de base, les plans, je sais comment bâtir... mais pas la croyance que ça puisse résister. J'ai perdu cette foi. Ma confiance est devenue... volatile. Elle peut se vivre au présent mais sans aucune certitude qu'elle durera. Je sais désormais que le contexte le plus prometteur peut changer et que ce qui paraissait solide peut disparaître en un rien de temps à cause de peurs telluriques.

Alors voilà, je crois que c'est ce qui s'est travaillé ici durant toutes ces années de décortiquage offert à un certain regard [suivez le mien...]. J'espérais un miracle [ne lésinons pas sur les espoirs, que diable !] me permettant de croire à nouveau. J'espérais que des ruines allait se redresser le palais d'autrefois. Que le socle fondateur était toujours là, indestructible, et qu'il suffisait de rebâtir. Mais oui, cette confiance d'autrefois ne pouvait que renaître un jour, plus solide encore après l'épreuve ! Ouééé, ensemble on pourrait dépasser toutes les prédictions défaitistes et, enfin victorieux face aux forces du destin...

Hum...

Que nenni !

Que dalle !

Les ruines resteront en l'état. Plus rien à reconstruire ici. Il ne reste qu'un pauvre hère qui vient s'agiter de temps en temps dans un aride désert ou souffle le vent des steppes. Avec le silence comme seul écho à ses paroles incantatoires [même pas vrai, il y a aussi quelques témoins et de discrets chuchotements]

Bon, je crois qu'il va être de temps de quitter ce décor fantômatique...




[et pourtant je suis certain que mon instinct ne m'avait pas trompé...]


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Jusqu'à épuisement du stock




Vendredi 10 juillet 2015


Je me demande parfois comment ce que je perçois moi-même comme une sorte d'insistance est perçue par mes lecteurs. Je me demande aussi comment elle pourrait être perçue par...

Et en même temps il y a longtemps que j'ai compris que ce travail des mots avait permis celui de ma conscience. Et que loin de me garder prisonnier d'une histoire, il m'avait permis de m'en libérer. Tout ce que j'ai ainsi "posé" de ma douleur des débuts, de mon amertume, de ma révolte, m'en a peu à peu allégé. Je n'ai pas craint de ressasser, jusqu'à épuisement du stock.

Je crois pouvoir dire qu'il ne reste plus la moindre de trace de ressentiment. Tout est propre.

Sans me relire, il me semble que ce qui s'est exprimé les derniers mois était tout au plus teinté d'un « dommage... ». J'y vois les derniers signes d'une résistance résignée. Dommage que tout ce travail n'ait pas permis d'aboutir à... je ne sais quoi. Mais même ce « dommage », à force de le répéter, a perdu de sa force. Ce n'est même plus dommage... c'est comme ça. Je pourrais presque ajouter "et c'est très bien ainsi".

Bizarrement (ou pas...) mon amitié est restée intacte, malgré toutes les tempêtes et les tourments traversés. Elle a résisté, inaltérable. Je crois que je le savais. C'est aussi pour ça que j'ai résisté aussi longtemps. Combien de temps durera t-elle encore, cette amitié privée d'apports ? Je l'ignore. Il se pourrait quand même qu'avec les années elle soit supplantée par de nouvelles complicités, si toutefois il s'en développe. Et puisqu'une place préémminente s'est en quelque sorte libérée [vraiment ?], il se pourrait que mon esprit y soit plus ouvert...

Quoi qu'il en soit je crois encore que cette amitié majeure restera unique et singulière. Et infiniment précieuse. Ne serait-ce que pour ce qui a été vécu ensemble et l'étonnant chemin que cette magnifique rencontre m'aura permis de parcourir. Quelle chance j'ai eue là !

Il est devenu quasiment certain qu'aucune nouvelle tentative de contact aura lieu mais cela n'affecte pas la joie que je ressens encore lorsque je pense à ce que nous avons partagé.



Il y a quelques jours, en recherchant d'anciennes correspondances, je suis tombé sur le tout premier message que j'ai envoyé à celle avec qui j'allais vivre la Grande Aventure. Long message dont voici un extrait :

« Nous ne nous connaissons pas... et pourtant à la lecture de ton journal (...), je commence à en savoir pas mal sur toi. D'abord je dois te dire que les mots se bousculent dans ma tête. J'ai tellement lu, j'ai tellement souvent eu envie, au fil des pages de t'envoyer un mail que je suis sûr que je vais en oublier. Il restera l'essentiel... (...) Comme il n'est pas évident de débarquer comme ça dans la vie de quelqu'un (et que ce que dit cette personne me plaît), j'attaque alors carrément le tout début du journal. Août 98 ! Alors, au fil de la lecture je ressens de plus en plus souvent une jubilation à lire ce que tu écris. Je ne saurai dire pourquoi. Sans doute parce que, très souvent, je me sens complètement en phase. C'est le premier journal qui me fait autant d'effet. »

C'était il y a quinze ans, le 7 juillet 2000



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Continuer



Lundi 13 juillet 2015


Je vais vous faire une confidence : j'avais prévu de mettre un terme à ce journal le jour de ses quinze ans. C'était le 8 juillet dernier. Oui, j'aime assez la symbolique des dates anniversaires, qui marquent le passage du temps. Depuis quelques mois j'y pensais et voyais là une occasion de faire taire cette voix qui, je le sens bien, ne peut faire abstraction du regard éventuel de... de celle que je ne sais plus comment nommer.

Une telle fin, dans l'univers qu'est devenu ce journal, dans la représentation que j'ai de son importance, dans celle que j'ai de la "relation" écrivant-lecteur, ça se prépare. Déjà il aurait fallu que je rédige un texte final et plusieurs options étaient possibles, incluant celle d'une éventuelle reprise. Je me connais : n'étant pas homme de ruptures définitives je me serais forcément gardé la possibilité d'y revenir un jour, même tardivement. Je devais bien ça aux lecteurs de longue date [je sais que je ne dois rien à personne mais, dans mon monde, je vois cela comme une forme de respect et de considération].

J'ai quand même pensé à la fermeture totale et définitive, c'est à dire la suppression du journal et de ses archives. Ça n'aurait pas manqué de panache mais ça m'a paru un peu trop radical, comme méthode...

Et puis ça aurait voulu dire quoi ? Ça aurait voulu nier quoi ? Enterrer quoi ? Fuir quoi ?

Quelle que soit l'option retenue il aurait aussi fallu que je me crée un nouvel espace d'expression. Du même type que celui-ci : sans interactions visibles avec les lecteurs. Pas un blog, donc, mais un nouveau journal, vierge. Pour continuer à écrire, mais cette fois en me sentant "libre". Afin d'en limiter l'accès j'aurais pu n'en informer que les personnes clairement identifiées. Mais comment faire avec celles que je n'identifie pas ? Comment être sûr que le regard à exclure ne puisse pas avoir accès à mes écrits ? Et puis... comment repartir à zéro ? Et pour parler de quoi ?

Finalement tout cela ouvrait à beaucoup de questions sans réponse...

Le temps a décidé pour moi : la date anniversaire est passée et je suis encore là. C'est l'option "continuation" qui l'a emporté. Elle permet de ne pas scinder ce journal. Elle permettra aussi de voir l'évolution en continu d'une singulière amitié-amoureuse, depuis son origine, le 7 juillet 2000, jusqu'à l'extinction de ses derniers feux...

Continuer ici c'est faire oeuvre de constance par rapport à ma démarche de diariste, par rapport à mes lecteurs, par rapport à moi-même. C'est aussi ne rien renier de ce qui s'est développé entre ce journal et l'amitié née d'une correspondance. C'est enfin continuer à écrire mon cheminement de pleine acceptation et à le laisser en libre accès à tous. Y compris à celle qui, peut-être - ou pas - pourrait encore poser son regard ici.

Une façon de laisser la porte entrebaillée ?


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Intuition



Mardi 14 juillet 2015


Qu'est-ce qui a motivé mon écriture, ces dernières années ? La soif de comprendre toujours plus loin, mais aussi l'envie, et même la nécessité "d'avancer". Je voulais m'en sortir. Je voulais quitter définitivement les zones sombres et marécageuses dans lesquelles je m'étais englué juste après avoir découvert, émerveillé, des terres d'abondance et de liberté [excusez mes métaphores oiseuses, j'entends seulement par là mettre en évidence un fort contraste].

J'ai fait du bon travail [tant pis pour la modestie...]. Certes cela a pris du temps, beaaaucoup de temps, mais peu importe. J'ai pu m'extirper peu à peu de la fange nauséabonde et de ses miasmes putrides, retrouver la terre ferme et ses verts paysages, la lumière, et sourire à la vie. Je suis fier du chemin parcouru et j'ai donc toutes les raisons d'être heureux.

Toutes ? Presque toutes...

Il n'en manque qu'une, qui n'est d'ailleurs pas une raison puisqu'elle ne se raisonne pas. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Mais le raisonnement est impuissant, même en insistant, face aux tenaces certitudes de l'intuition...

On devrait toujours suivre son intuition, sans plier sous la contrainte de la rigide raison. La raison n'est pas inventive. Elle reproduit le connu, elle limite, elle bride les envolées. Elle est craintive. Face à la raison l'intuition n'a pas à cèder : elle sait s'adapter à l'évidence vécue et incorporée. Souple et vivante, sensitive, elle épouse les contours de l'expérience. Quant à l'expérience, si elle forge la raison ce n'est qu'a posteriori...

L'intuition qui m'a porté tout au long de ces années c'est que l'aventure n'était ni vaine ni stérile et que la destination visée, malgré les obstacles successifs et l'issue inconnue, valait la peine de persévérer. La raison n'a eu de cesse de me dire de renoncer, ayant beau jeu de s'appuyer sur les doutes qu'elle instillait. Mes écrits gardent les traces d'une lutte acharnée entre intuition et raison. L'une et l'autre se sont dépouillées de tout le superflu pour en arriver à leur essentiel.

La raison répète inlassablement : tu as perdu, renonce.
L'intuition sussure : rien n'est perdu, je continue.

Malgré les apparences et les déconvenues, malgré les doutes, je garde confiance en mon intuition. Parce qu'elle est ma colonne vertébrale, le pilier central de ce qui fait ma personnalité. Renier mon intuition, ce serait renier qui je suis. Et si ce journal devait (me) démontrer quelque chose, ce serait certainement cela.


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Confiance éclairée


Jeudi 16 juillet 2015


Oui, bien sûr, il y a quelque chose d'un peu "pathétique" à oser décrire par le menu un processus de renoncement relationnel. Généralement ce genre de choses on le garde pour soi. Par honte.

Et pourtant... ne me dites pas que je serais le seul à mettre autant de temps à... m'affranchir ? m'émanciper ? me détacher ? [Je ne sais même pas quel terme employer] Mais voilà, moi je l'écris. Et puis je m'en fiche de savoir comment feraient les autres : moi je fais comme ça.

Ce n'est pas inutile, j'en ai l'intuition. Par contre je ne sais pas forcément à quoi c'est utile. Je suppose que je le découvrirai au fil du temps, tout comme j'ai compris, avec le recul, moult éléments totalement énigmatiques au départ. Ce travail d'observation et d'analyse, ce "décorticage", m'a permis d'avoir une bien meilleure compréhension des interactions relationnelles que si j'avais rapidement « tourné la page », comme on dit. Oh ça ne suffit pas pour parer à tout, c'est certain, et la confrontation au réel n'est jamais exempte de surprises, mais ça me donne quand même une solide base de référence.

Qu'en aurait-il été si je n'avais pas passé autant de temps à chercher à comprendre ? Je n'en sais fichtre rien mais cette question n'a pas grand intérêt : j'ai agi comme il me semblait bon. Comme il me semblait juste et nécessaire. J'ai fait avec ce que je suis, avec ce que je deviens, et selon comment tout cela me transforme en continu.

L'histoire, en elle-même, n'a pas vraiment d'importance : elle est un support de réflexion et d'analyse. L'importance qu'elle a pour moi, que je lui ai accordée, c'est ce qui lui donne son intérêt. Autrement dit : c'est l'importance que je lui accorde qui la rend signifiante. D'une importance affective [totalement subjective] découle une importance élargie au champ relationnel. C'est à partir de cette "matière" de base que j'élabore ma pensée. Et davantage que ma pensée, ma philosophie. Ma stratégie de vie.

Pour moi c'est important d'analyser les choses complexes et de tirer parti de l'expérience. Vaine impression de pouvoir contrôler l'incontrôlable ? Peut-être...

Mais peut-être pas ! [on ne pourra jamais le savoir...] Je crois que les enseignements que j'ai tirés de l'expérience, parce que je les ai décortiqués, m'ont permis d'être plus efficient dans les relations qui ont suivi. Je pense avoir fait moins de gaffes que si je ne m'étais pas posé autant de questions. J'ai moins répété les situations qui mènent aux complications. J'ai mieux su m'adapter aux contextes et aux personnalités, mieux su entendre les désirs et les craintes, trouver plus aisément des solutions. Je crois surtout avoir évité que de trop vives douleurs s'installent chez l'autre, en restant très attentif aux émotions émises, aux mots énoncés, aux signes inconscients. Je n'ai bien sûr pas su éviter tous les malentendus, ni quelques colères et déceptions, mais j'ai l'impression d'avoir su éviter des drames.

Cette satisfaction peut paraître bien dérisoire mais elle traduit ce qui m'importe : être une personne à l'écoute, attentive, et suffisamment "solide" pour résister aux remous auxquels toute relation est tôt ou tard confrontée. Peut-être est-ce présomptueux de ma part de croire cela ?

Mais l'élément fondamental de ma quête de sens est encore plus précis : il s'agissait pour moi de réhabiliter la notion de confiance, particulièrement endommagée après la Grande Catastrophe. Sans cette notion, qui me fonde, qu'allait pouvoir être ma vie relationnelle ? Comment laisser naître à nouveau cette si fragile force ? Comment oser lancer les fils ténus sur lesquels se tisse un lien ?

Alors oui, il m'a fallu des années pour revisiter mon rapport à la confiance. Des années ce n'est rien, par rapport à ce qu'il me reste à vivre. Je voulais retrouver mon entièreté. Retrouver ma capacité à accorder ma confiance pleinement. Quand j'ai compris, dans les mois qui ont suivi sa décision, que mon amie se retirait du lien de confiance que nous avions si solidement [croyais-je] construit, j'ai senti que j'en aurais pour au moins dix ans à m'en remettre. J'avais très vite perçu que je ne pourrais plus jamais aimer comme avant. À peine vécu le rêve réalisé s'évanouissait. Tel que je suis construit je ne pouvais pas m'en relever tel quel. Il allait falloir que je reconstruise tout. Reprendre à zéro et tout rebâtir. J'ai pris chacune des briques de la construction antérieure et une à une je les ai observées et mieux assemblées. La nouvelle construction est plus modeste, plus épurée aussi. Plus solide assurément. Certes elle ne m'a pas permis d'atteindre les cieux d'autrefois, mais peu à peu elle pris de la hauteur.

Maintenant je me sens prêt. Quoi qu'il puisse se passer je ne tomberai jamais plus d'aussi haut. Je ne me ferai plus aussi mal. Cette certitude me rend... confiant.

D'une confiance éclairée.


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L'élément fondamental



Samedi 18 juillet 2015


On aura compris que ce "journal" est un travail de recherche. Ce que je cherche ? Je ne sais pas... Je pourrais dire que je cherche encore ce que je cherche ! Quête de sens ? Pas uniquement. Quête d'essentiel, peut-être.

Un fil directeur, tout au long de ces années et depuis l'origine : la confiance. Confiance en l'autre et confiance en moi. L'une et l'autre étroitement interdépendantes.

Un support : l'écriture.

Un matériau : la relation a autrui. Avec un élément prépondérant : une relation hors du commun au dénouement sidérant, sur laquelle s'est cristallisée ma recherche.

Des contraintes : le regard d'autrui. Avec une contrainte particulière : le regard, d'abord réel puis de plus en plus incertain, hypothétique et évanescent, de "l'alter ego". En l'occurence plus alter qu'ego. Quoique...

Une liberté : celle de pouvoir prendre du recul à tout moment sur le travail en cours. Analyser une situation, puis analyser l'analyse en même temps, laissant les deux s'interpénétrer.

Et voilà ce que ça donne : un objet hétéroclite et sans nom. Journal-lettre, autobiographie intro-retrospective, roman vivant perpétuel. Quelque chose qui tient peut-être de l'originalité rousseauiste : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. » (Introduction des "Confessions"). Sans vouloir paraître outrageusement prétentieux - et en toute immodestie - il me semble que les premiers mots sont applicables à l'objet zarbi que je donne à lire. Je pense là surtout à la particularité d'avoir écrit en direct (ou presque) ET sous le regard de l'autre concernée, mais surtout  publiquement, le détail de ce que je vivais intérieurement au sein d'une relation. C'est pas banal comme truc, hein ? Bon, que ce le soit ou pas n'a aucune importance ici. C'est le côté "unique", ou du moins singulier, d'une entreprise dont je réalise largement les dimensions "folles", que je veux mettre en évidence. Aura-ce [non pas toi, Horace...] été une bonne chose, au final ? En bien des points, non. Ne serait-ce que pour la pérennité [déjà fort compromise] de ladite relation. À ce jour elle est la seule victime supposée... sans que rien n'indique qu'une cessation du journal aurait permis qu'elle se rétablisse.
Plus grave : je suis certain d'avoir été blessant, autrefois, et probablement à un point que je n'imagine pas vraiment. Ça, c'est très fâcheux. Mais ce n'est pas faute d'avoir voulu l'éviter, bien au contraire, en voulant privilégier le dialogue ! Bref, ne revenons pas sur cette catastrophe autogénérée dont je tente de décrypter le processus destructeur depuis dix ans...

Au final, qui peut dire si mon aventure en écriture n'aura pas été tout à fait bénéfique sur d'autres points ? Qui serais-je aujourd'hui si je n'en étais pas passé par là ?

Ce qui m'importe là, maintenant, après avoir [temporairement ?] décidé de continuer ma petite « entreprise qui n'eut jamais d'exemple » (et n'aura point d'imitateur), c'est d'aller au-delà de l'histoire qui m'a servi de support. Je crois en être suffisamment détaché, et depuis suffisamment longtemps, pour explorer ce qu'au fond tout cela recèle de profond en moi. Et si j'en reviens à la notion de confiance, c'est parce que je crois qu'elle pourrait bien être l'élément fondamental de mon existence. L'axe, le pivot autour duquel s'articule toute ma vie relationnelle.

Et ce n'est pas la première fois que j'en arrive à cette conclusion...


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Confiance 2.0



Lundi 20 juillet 2015


De temps en temps, après avoir mis en ligne un texte, il m'arrive de recevoir un ou deux courriers de lecteurs. Ils proviennent généralement de quelques habitué(e)s dont les remarques, les interrogations, me permettent de préciser des élements qui, implicites dans mon esprit, ne sont pas forcément clairs dans mes écrits. Comme je désire être au plus près de la véracité je m'empresse alors de clarifier mon propos lors de ces échanges en coulisses. Cela me permet accessoirement de mettre en évidence que ma conscience des choses est plus grande que ce que j'en laisse paraître ici. Je dois bien reconnaître que la confidentialité des échanges privés autorise une expression plus libre, plus directe et spontanée, que ce que je dépose ici...

Je n'aime rien tant que m'exprimer en toute honnêteté ! Encore faut-il que les conditions nécessaires soient là, et en premier lieu la confiance...

Voilà qui me ramène à mon axe de réflexion du moment : q
u'est-ce qui fait que je me sens, ou pas, en confiance ? Quels sont les risques que je prends à vouloir être honnête et sincère, ici ou ailleurs ? Celui de n'avoir aucun moyen de défense : quand on se met à nu on n'a plus rien pour parer les coups. Mieux vaut alors garder une marge de protection...

[Tiens, pourquoi mets-je des pointillés à chaque fin de paragraphe ?]

Si je reviens sur ces notions de confiance et de protection, ce n'est pas tout à fait par hasard. Figurez-vous que je suis amené, depuis quelques temps déjà, à reconsidérer les règles internes que j'avais établies en termes de relations "fortes". Au cours des dernières années j'ai souvent écrit quelle était ma position : d'accord pour accueillir les situations de rencontre qui se présentent [dans les faits, c'est loin d'être aussi simple...] mais pas question d'aller vers des dimensions relationnelles un tant soit peu... "implicantes" [difficile, pourtant, de s'y soustraire]. Je ne voulais ni attentes, ni engagement d'aucune sorte, et foin des complications ! [en pratique, je n'y ai pas toujours échappé...]. Ces balises étant posées, il n'est pas étonnant qu'elles aient été à peu près respectées... et je n'ai donc pas rencontré grand monde hors d'un cercle extrêmement restreint. Ça m'a longtemps convenu, quoique une certaine densité dans l'échange exploratoire m'ait parfois manqué. La qualité que je recherche est une denrée rare, difficilement substituable. Alors les temps de solitude, l'écriture, les grands espaces, me permettent de sublimer mes besoins, tandis que les échanges proches et à distance permettent un enrichissement certain, au gré de fluctuations aléatoires.

Je peux le dire aujourd'hui : bien que me voulant "ouvert", je voyais clairement que quelques domaines réservés restaient assez hermétiquement fermés. En tout cas ils ne se rouvraient pas plus longtemps qu'un clignement d'oeil, de loin en loin, me confirmant seulement que le mécanisme d'attraction fonctionnait toujours. Jusqu'à quand cela allait-il durer ? La réponse aurait pu être « jusqu'à ce que ça change ».

Or ce moment est peut-être venu... Il se trouve que, depuis quelques temps déjà, j'ai senti que des verrous sautaient, des portes s'ouvraient et j'ai pu constater qu'une dynamique d'attraction-rapprochement réciproque pouvait de nouveau opérer. Bonne nouvelle ! Là, quelque part, quelque chose s'élabore lentement, que je sens profond. J'en ai observé les frémissements et reconnu la nature. Cette fois c'est différent. Potentiellement puissant.

Est-ce parce que j'ai maintenant suffisamment avancé dans ma reconstruction, ou bien parce qu'il suffisait que je trouve "la" personne capable de stimuler en moi le désir d'aller plus loin ? Toujours est-il que, tout naturellement, avec l'envie de rapprochement j'ai retrouvé un chemin connu. Et j'ai senti s'effriter certaines barrières.

D'où le dépoussiérage en cours des règles internes que j'avais établies, peut-être un peu obsolètes...

Bon, on ne sort pas indemne de dix ans de protectionnisme. Ma prudence est grande. D'autant plus grande que cette même prudence, jadis, n'a pas empêché un accident de confiance majeur. Pourtant toutes les précautions avaient été prises [croyais-je...] pour que ça n'arrive pas ! Alors j'ai beau savoir qu'on ne repasse jamais par le même chemin... l'expérience reste tout de même porteuse d'enseignements.

C'est là que ma nouvelle approche de la confiance apparaît : en lui otant le module "durable", j'innove. J'essaye la confiance sans avenir garanti. Le prototype Confiance 2.0, testé avec succès dans plusieurs configurations, semble prêt à fonctionner grandeur nature. Je ne sais pas trop ce que ça peut donner mais j'ai envie d'essayer.


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L'arbre de confiance



Vendredi 24 juillet 2015


La confiance est
pour chacun, je suppose, un élément central de l'existence. Peut-être davantage pour moi que pour d'autres, si j'en juge à l'importance que je lui accorde. Est-ce parce que très tôt j'ai eu à faire face à des attitudes propres à m'en faire douter ? Peut-être... Quoi qu'il en soit, je constate que depuis la prime enfance ce fil conducteur à largement guidé ma vie relationnelle. Une succession de liens forts rompus de manière relativement brutale a forcément laissé des traces...

Accepter d'avoir été marqué par ce parcours c'
est donner du sens à mon chemin de vie : je suis porteur d'une crainte de la "trahison", de l'oubli et de l'abandon. Rien ne me dit que j'en guérirai un jour mais je crois cependant pouvoir éviter d'être trop fortement soumis à la récidive. Notamment parce que j'ai aussi connu la confiance durable en la personne de mon épouse... même si cela n'a pas permis de passer toutes les épreuves. En croyant avoir trouvé une sorte d'assurance-confiance avec elle le cercle des répétitions s'est brisé pour longtemps. Certes, j'ai fait preuve de naïveté en imaginant que cette confiance puisse être infaillible. J'étais dans l'illusion. Mais s'il fallait que je le comprenne un jour, mieux vallait que ce soit à un âge pas trop avancé.

Ensemble nous avons parcouru une bonne partie de notre chemin commun et mettre un terme à ce compagnonnage présentait une certaine logique dès lors qu'une incompatible divergence apparût. Ce fut douloureux et il demeure quelque chose en moi de cette déchirure profonde, mais l'éloignement avait quelque chose de cohérent.

Il n'en alla pas de même avec mon amie Libellule. L'impact de son éloignement chaotique fut infiniment plus fort, et les séquelles impressionnantes. Pourtant notre temps "ensemble" ne dépassa pas quelques années. Quant au temps réellement passé en présence l'un de l'autre, il ne peut même pas de compter en mois...

Mais la confiance se mesure t-elle en unités de temps ? Obéit-elle à quelque logique comptable ? Répond-elle à quelque raison ?

La confiance, c'est ce qui a été à la base de notre rencontre. Une confiance immédiate et spontanée, lentement et solidement renforcée durant quelques années d'une correspondance exploratoire. Une confiance enracinée dans la profondeur du partage. Quelque chose de « rare et précieux », comme elle l'avait déclaré un jour, à mon plus grand ravissement. Ces milliers de mots échangés constituèrent, à mes yeux, le pilier central de notre relation. Un tronc puissant dont les racines auraient été la curiosité, le respect, l'attention, l'amitié, et dont les branches maîtresses auraient pu être dénommées découverte, désir, amour.

Or tout cela n'a pas duré. L'arborescence puissante de la confiance s'est peu à peu dévitalisée. Comme un arbre malade constitué de parties bien vivantes et de branches dépérissantes. Fallait-il lui prodiguer des soins en vue de le sauver ? Fallait-il l'amputer de quelques branches maîtresses ? Fallait-il l'abattre, en considérant qu'il n'était plus viable ? Nous n'avons pas su nous mettre d'accord et nous sommes déchirés là-dessus. Profondément.

Ainsi, même la confiance la plus solidement et patiemment construite n'a t-elle pas permis de trouver une issue satisfaisante à une grande amitié, de surcroît amoureuse. Ni pour continuer, ni pour arrêter.

Ce fut un rude coup porté à mon rapport à la confiance.

Renoncer à la notion de confiance telle que je la concevais m'a été long et difficile. J'ai d'abord pensé décréter que la confiance n'existait pas, que c'était une chimère inatteignable, trop fragile, trop instable. Et puis j'ai finalement admis que ce qui n'existait pas c'était l'éternité. Ce n'est pas la confiance qui était en jeu, mais mon rapport à la durée.

Or la durée n'est jamais acquise...




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Une confiance endommagée




Samedi 25 juillet 2015


Suite de ma réflexion sur la confiance...

Dans mon histoire de vie, voir la confiance endommagée à répétition m'a poussé, dès que j'ai pris conscience de l'impact que cela avait sur ma façon d'être en relation, à élucider quelques affaires marquantes. Il y eut tout d'abord un retour arrière, en constatant que je doutais perpétuellement de mes capacités. J'eus besoin de comprendre d'où cela me venait et une thérapie analytique m'emmena aux origines de ma conscience. Mon père m'apparut comme une figure majeure, de même que mon frère. Mon père en tant que référence maîtresse, dont les jugements négatifs furent perçus comme des réalités ; mon frère en tant que semblable, quasi-jumeau, ami devenu ennemi.

J'avais trente ans lorsque j'ai découvert cela.

Cinq ans plus tard, toujours avec ce souci de mieux comprendre ce qui m'animait et m'empêchait de m'épanouir pleinement, je recontactai une amie-aimée du temps de l'adolescence. Je ne m'étais jamais vraiment remis du fait qu'une personne aussi importante pour moi m'ait très rapidement "oublié" après quelques promesses de poursuivre le lien. Un premier échange permit de lever sa suspicion et de rétablir un bon contact. Hélas la suite se révéla être désastreuse, mes intention étant comprises de travers et jugées malsaines. Le scénario de rejet me fut violent à vivre, douloureux, amer, et il me fallut quatre ans pour le dépasser. À partir de cet échec je fus conduit de nouveau à une plongée vers le passé, un peu plus approfondie que la première, afin de comprendre l'intensité de l'impact. Le rôle de mon frère-ami, premier acteur d'une série de "trahisons", apparut comme déterminant. Dans une moindre mesure celles d'amis très proches ne firent que confirmer l'attitude du frère et le verdict du père : je n'étais qu'une personne sans intérêt. Quelqu'un qui ne vaut rien et qu'on pouvait laisser tomber sans préavis.

En revalorisant un peu de mon auto-estime très défaillante, la jeune amie-amour de mon adolescence avait donc eu un rôle salvateur. Ce qui expliqua l'importance que prît son bref passage dans ma vie...

Ce fut mon épouse Charlotte qui
, un peu plus tard, me sauva réellement en m'accordant à la fois sa confiance, son estime et son amour. Je lui dois beaucoup... Nos trois enfants eurent eux aussi un rôle immense, en portant sur moi - sur nous - un regard admiratif, reconnaissant et aimant.

Mais Charlotte, aussi importante qu'elle fut à mes yeux, ne m'apportait pas tout
[ce qui est évidemment normal !]. Un manque diffus subsistait, qu'elle ne pouvait combler. Longtemps il resta infime, presque invisible, mais, la quarantaine venant, certains éléments vitaux commencèrent à émerger. J'ai choisi [mais choisit-on vraiment ce genre de choses ?] de laisser apparaître ces éléments, puis de suivre ce qu'ils m'indiquaient. Le hasard voulut que je découvre ailleurs des possibilités de partager de façon approfondie. À distance, grâce à internet. Un monde s'ouvrait devant moi, très proche de ce dont je rêvais sans le savoir. À partir de là j'entrai dans la saga dont les prémices sont décrites en préambule de ce journal...

Un journal qui, curieusement, a pour principe élémentaire d'oser dire pour oser être. Une sorte de pari de confiance
[un peu suicidaire...], offert à qui voudra bien s'en saisir. Un espace de libre expression où j'expose ma difficulté à me sentir... libre de m'exprimer.

Un lieu où passé révolu et avenir souhaité interpellent constamment le présent à vivre.



Je ne changerai ni mon enfance, ni mon adolescence, et je ne regrette plus les amitiés perdues de cette époque - hormis celle avec mon frère, puisqu'il est le seul avec qui le lien demeure actif. Mon amie-amour d'adolescence, tellement importante des années durant, est "morte" dans mon esprit. Je ne sais plus rien d'elle, n'ai plus aucune nostalgie ni le moindre désir de la revoir.

Pour ce qui est du présent, avec mon ex-épouse j
e ne sais pas vraiment comment je vis, au plus profond de moi, l'éloignement qui s'est mis en place après vingt-cinq ans de vie commune, d'amour et d'amitié confiante. J'évite d'y penser. Je me dis que le dialogue sera toujours possible, si un jour elle le souhaite, parce qu'un fond de confiance demeure. Il me semble que je n'ai plus d'attentes à son égard. Reste donc l'étonnante Grande Aventure panatlantique dont l'effondrement monumental aura alimenté mes écrits pendant plus de dix ans
après et orienté fortement ma vie relationnelle ultérieure. Là je reste perplexe puisque si la confiance a bien été en jeu... elle n'a pas été trahie. C'est plutôt comme si "quelque chose" avait soudainement empêché qu'elle opère. Comme si la confiance avait perdu son pouvoir de reliance. Comme si des fragilités antérieures, de part et d'autre, s'étaient malheureusement combinées de façon défavorable. En fait je ne m'explique toujours pas ce qui s'est réellement passé... Quoi qu'il en soit il n'y a rien que je puisse faire de plus en vue d'un rétablissement de cette confiance. "Hélas", ne puis-je m'empêcher d'ajouter...

Il ne me reste qu'à tenir compte de ce que cette épopée m'a enseigné et poursuivre ma route. Sans relâche, lâcher prise. Lâcher, lâcher, encore et encore. Couper inlassablement chaque tentative de repousse. Couper sans états d'âme cette vitalité qui résiste. Accepter qu'il en soit ainsi. Continuer de polir cette histoire étonnante, après en avoir déjà longuement lissé les dernières aspérités. L'englober dans mon récit de vie, dans toutes ses composantes.

Et garder en moi cette amitié devenue inexprimable. La taire, peut-être. La laisser peu à peu s'incorporer au silence qui a fait son tombeau, alors que la confiance l'avait fait naître en mots.

[ça se sent, hein, que c'est pas évident d'y croire]

J'ai relu récemment des extraits de notre correspondance de "l'après" (
qui s'est tout de même poursuivie pendant cinq ans). J'ai retrouvé, dans ce qui fut sa conclusion, ce qui finalement nous a irrémédiablement séparés : mon besoin de comprendre était à l'opposé de son besoin de ne pas regarder en arrière. Deux stratégies de (sur)vie inconciliables. Peut-être aurait-il été possible d'aller de l'avant... à condition que je ne cherche pas à comprendre. En tout cas que je ne l'exprime pas et me débrouille pour le faire sans elle. L'existence de ce journal a rendu la chose impossible. Il aura été à la fois ma bouée de sauvetage et le plomb qui fit couler la barque à chaque tentative de remise à flots.

Le besoin de laisser le passé là où il est est respectable, celui de l'interroger l'était aussi.









Mois de septembre 2015