Septembre 2015

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  Fatigue



Vendredi 4 septembre


Aussi soudainement que mon envie d'écrire s'est tarie, sa nécessité me revient ce matin. Peut-être parce que je pressens que la mise en mots pourrait me permettre de trouver le sens d'une sensation confuse de fatigue. J'ignore, en effet, d'où elle me vient mais je la sens profonde. Pour tout dire, en y pensant ce matin sous ma douche, cette phrase m'est venue à l'esprit : je suis fatigué de vivre. Oh là, de tels mots ne sont pas anodins ! Je me suis presque fait peur...
Tout de suite j'ai pensé à Psyblog, ce blogueur-psychologue apparemment heureux et très humain qui a mis fin à ses jours, il y a quelques années, sans que rien ne le laisse présager.

Je n'ai aucune raison objective de recourir à une telle extrêmité... et pourtant je ne la sens pas aussi étrangère à moi que j'aurais pu l'imaginer. Je m'en étonne.

Mais peut-être pourrais-je retracer l'association d'idées qui a conduit à l'émergence de cette morbide pensée. D'abord une fatigue, oui. Un manque d'entrain physiquement perceptible depuis le week-end dernier. Que s'est-il passé ? Le mariage de mon fils. Trois jours assez intenses qui ont commencé par la préparation d'un lieu et fini par son rangement, avec l'évènement festif entre les deux. Rien de particulièrement épuisant dans tout ça, physiquement parlant. Mais en profondeur je crois que ça a brassé un peu plus...

La cérémonie et la fête ont été vraiment réussies, à l'image des jeunes mariés : chaleureux, enthousiastes, authentiques, heureux, pétris d'humanité et d'amour au sens large. Je me suis senti discrètement fier d'avoir fait, avec mon épouse, de notre fils un tel homme. Et ces deux trentenaires épanouis sont indubitablement aimés et appréciés par ceux, nombreux, qui les entouraient.

Mais en moi-même je crois que cette confrontation au mariage à ravivé un certain trouble, en me renvoyant à celui que j'avais contracté avec Charlotte. Trente-trois ans plus tard je me suis revu face à mon engagement d'alors. Quel contraste entre mon état d'esprit envers la merveilleuse jeune fille qu'était Charlotte en ce jour de juillet 1982 et les reliquats de relation qui existent encore avec celle que j'ai cotoyé durant le mariage de notre fils ! La distance qui s'est intallée entre nous, malgré la cordialité de nos contacts, est vertigineuse. Officiellement je n'en souffre absolument plus, mais je me demande si, en profondeur, c'est aussi simple. Ce n'est pas parce que j'ai accepté la fin de notre union, en anesthésiant peu à peu ma sensibilité et en neutralisant mes élans, que rien ne se passe dans ma conscience profonde. Je crois que là, au niveau de ce que j'appelle "confiance" - en moi, en l'autre, en l'idée de relation - le traumatisme à laissé des séquelles. Probablement davantage que j'en ai conscience...

D'ailleurs, j'ai été incapable de préparer le moindre discours : impossible de parler du mariage en faisant abstraction du rapport personnel que j'entretiens avec la notion de lien et d'engagement durable.

Pour en revenir au mariage de mon fils, son épouse et lui m'ont dit quelque chose qui m'a un peu surpris : ils m'avaient senti « très présent ». Bizarrement, je me suis senti au contraire un peu "absent". Absent à moi-même. Présent et attentif physiquement au bon déroulement de la fête, certes, mais comme un peu en retrait. D'ailleurs j'ai tout le temps été en mouvement, sans prendre le temps de me poser. Un peu comme si je fuyais le contact prolongé avec quiconque. J'étais là... mais insaisissable. Un peu partout mais installé nulle part. Parmi les autres mais solitaire. J'ai pris beaucoup de photos, énormément de portraits, mais à distance, au téléobjectif. Concentré sur les autres, leurs regards, leurs rires, mais de loin.

Qu'ai-je fui ?

Dans les jours qui ont précédé le mariage j'avais longuement oeuvré sur un montage de photos retraçant l'enfance des deux amoureux. J'y ai passé des heures, avec mes deux autres enfants ou seul. La confrontation à ces traces du passé m'a probablement "travaillé" intérieurement. J'ai été confronté au passage du temps, à l'évolution des vies, à la disparition perpétuelle des instants présents qui ne cessent de mourir. L'émotion m'a étreint.

Plus ou moins simultanément, dans ma vie personnelle, des perturbations relationnelles m'ébranlaient assez sérieusement en ravivant de grandes questions : c'est quoi l'amitié, la liberté, l'amour ? C'est quoi la confiance,  la sincérité ? De quoi ai-je envie ? Et plus déstabilisant encore : suis-je ce que je dis être, ou pense être ?

Au même moment j'étais tarabusté par un justicier vengeur qui s'était mis en tête de démasquer mes incohérences en lisant toutes les archives de mon blog. Durant plus de trois semaines il m'a harcelé de mails, mélangeant tout et n'importe quoi de ce qu'il trouvait de moi, avec pour résultante de me mettre face à moi-même dans un registre identique à celui du paragraphe précédent : suis-je ce que je dis être ?

Tout cela m'a éprouvé, me conduisant à un recentrage et visiblement à un repli. Je ne me suis plus senti capable de "donner", ni même de répondre aux sollicitations des personnes qui m'apprécient. J'ai fait le choix de la solitude, tout en me disant que ce n'était certainement pas le plus judicieux...

Et puis, à une plus vaste échelle, la question de ma place dans le monde se pose avec davantage d'acuité depuis quelques temps. Face aux évidences des impasses vers lesquelles fonce notre humanité destructrice, mon optimisme s'amenuise. Beaucoup de signaux d'alerte sont au rouge et quasiment rien ne se passe. J'ai peur de ce vers quoi nous allons...

Je perds confiance.



Si je pose publiquement ces mots impudiques c'est parce que je crois que cela peut me faire du bien de "partager" cet aspect un peu sombre qui m'envahit. Je me préfère en optimiste insouciant et heureux de vivre :)






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Mois d'octobre 2015