Octobre 2015

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  Dans le doute...



Dimanche 25 octobre 2015


« Dans le doute, abstiens toi », dit l'adage. Moi qui suis rempli de doute, je m'abstiens souvent. Trop souvent ? Ma prudence est-elle excessive ?

Là, depuis plusieurs jours, je doute : est-il utile, nécessaire, sain, que je publie un court texte écrit juste après mon départ du Canada ? Qu'il m'ait été utile, nécessaire et sain de l'écrire, je n'en doute pas une seconde. De là à le publier...

Quand je doute, c'est que je redoute quelque chose. Qu'est-ce que je redoute, avec ce texte ? De n'être pas juste. D'être blessant, peut-être, mais surtout de trop en dire, sans que je sache en quoi ou pour qui ce serait "trop". Accessoirement, aussi, je me dis qu'il pourrait me faire passer pour quelqu'un qui ne saurait pas trancher, quitter, renoncer... mais ça je m'en fiche : lorsque les choses sont suffisamment claires je sais très bien le faire. Quand elle ne le sont pas, effectivement, le temps de l'indécision peut s'éterniser. Parce que je cherche toujours le meilleur choix, celui qui ne lèsera personne. La solution optimale. L'équilibre.

Qu'est-ce qui me gêne dans mon texte en sursis de publication ?

Principalement de reléguer aux oubliettes certaines espérances qui furent longtemps des supports de reconstruction. J'ai du mal à les laisser filer. Je pense ici aux quelques repères que j'ai maintenus vivants en les nommant comme s'ils existaient encore, au premier rang desquels je place/plaçais une amitié... visiblement éteinte. Sans que rien, vraiment rien, ne m'y encourage j'espérais un sursaut tardif de l'amie d'autrefois. Je crois que cette hypothèse, bien que de moins en moins probable, m'a permis d'évoluer avec cet objectif : être prêt. Prêt à une amitié mature, dans ce qu'elle peut avoir de solide et de souple, de durable et de résistant, de libre et d'aléatoire. J'aurais tant aimé voir un retour...

Il m'est difficile d'y renoncer définitivement. Pourtant ma vie s'est épanouie. Mais c'est comme si le regard que je porte sur les relations humaines restait entaché par cet échec : n'avoir pas su regagner sa confiance. Et pourtant j'ai su conserver la confiance d'autres personnes...

Pourquoi certaines personnes prennent-elles autant d'importance dans une vie ?

Pour je ne sais quelle raison échappant à ma compréhension l'amitié s'est souvent montrée être assez complexe à prendre place dans ma vie, et plus encore à durer. Perplexité accrue depuis la sombre fin de la parenthèse enchantée durant laquelle j'ai cru que, enfin, enfin, j'avais trouvé l'amie de coeur qu'au plus profond de moi, sans même en avoir conscience, j'espérais rencontrer. Ma certitude était totale d'avoir rencontré en elle une amie hors catégorie, une presque soeur, celle avec qui le lien de confiance pourrait durer... indéfiniment. La notion de fin n'existait même pas : cette amitié-là, dans mon esprit, n'en avait pas. À mes yeux « on était partis pour rester », comme dirait Cabrel, et construire quelque chose d'extrêmement solide, puissant, fort et durable. Parce que nous nous nous étions rencontrés dans une grande affinité de pensée, de sensibilité, de respect.

Et pourtant cela n'a pas duré. Pire : cela s'est achevé dans la douleur, dans la noirceur, dans la violence sombre de nos âmes blessées. Sans qu'aucun de nous deux ne veuille cela, j'en suis absolument certain. Mais des façons radicalement antagonistes de "gérer" incompréhensions et malentendus nous ont irrémédiablement repoussés. Une opposition parole/silence qui nous a secoués jusqu'à nous faire dégringoler des sommets que nous avions arpentés. Je n'en suis toujours pas revenu, je n'ai toujours pas compris ce qui s'est passé, et depuis des années, bien que tout cela s'estompe peu à peu dans le silence qui s'est opposé à mon verbiage éperdu, je cherche à retrouver des bases sur lesquelles je puisse restaurer ma capacité à... simplement croire que l'amitié durable (?) me soit accessible. Je n'ai pas la moindre envie de me priver du genre d'amitié à laquelle j'aspire et, en même temps, je constate avec quelle extrême prudence j'ose m'y engager de nouveau. "Engager", c'est effectivement le terme qui me vient spontanément, sans que je sache s'il me faut le récuser.

Les textes qui suivent font un peu le point sur tout ça. Précautions à prendre à la lecture : il s'agit de pensées en mouvement et ce que j'écris un jour peut déclencher une prise de conscience l'invalidant en partie le lendemain. C'est pourqui j'hésite entre la conjuguaison des verbes au présent ou au passé. Mais c'est parce que j'écris en vue de le publier que la conscience en est bousculée. D'où mon questionnement : est-il nécessaire de publier dès lors que la prise de conscience à agi ?

Dans le doute, abstiens toi !

Pourtant je ressens, par intuition ou je ne sais quoi, qu'il m'est nécessaire d'en passer par la publication. Parce qu'exprimer ce que je pense et ressens "est devenu ma libération" [cf. l'origine de ce journal]. Même si je crois que cette liberté d'expression a probablement été, au moins en partie, la cause du repli, puis de la fermeture de mon amie d'autrefois. Mais si je m'étais tû, aurais-je été libre ? Je suis certain que non. Il s'est donc produit ce qui était inévitable : un conflit de sensibilités. J'ai été incapable de rester structuré et stable face à "une franchise un peu brutale" qui me déconcertait totalement. Parce que même s'il s'agit de défendre farouchement une liberté, la fermeté ne saurait être dénuée d'empathie pour trouver place dans mon univers sensible. Hélas, ma façon de le signifier "à distance", par écrit, n'a pas trouvé la résonnance attendue.

Ce préambule étant posé, voici le texte objet de mes hésitations [qui, si vous le lisez, auront été levées...], ainsi que ceux qui l'ont suivi.

Coïncidence fortuite : le 25 octobre marque une date anniversaire qu'autrefois je n'aurais pas manqué de signifier mais qui, évidemment, depuis plusieurs années me laisse muet.




Waterloo


Vendredi 9 octobre

Dans l'avion, quelque part au dessus du New-Brunswick, 1 h après le décollage de Montréal.

Ce matin il pleuvait. C'était prévu. Il faisait froid aussi. Fort contraste avec la journée radieuse de la veille. Que faire d'une demi-journée pluvieuse, mon arrivée à l'aéroport étant prévue vers 15h30 ?

Une idée émerge, saugrenue. Et si j'allais voir [Xxxxxxxx] ? Comme ça, à l'improviste, sonner à sa porte. Mauvaise idée, me dis-je immédiatement. Régulièrement j'ai imaginé ce genre de visite impromptue, subodorant ce qui pourrait  se passer. L'effet de surprise. Obtenir une sorte de réponse rien qu'en percevant « l'accueil » de son visage.

Sauf que ce genre de surprise ne serait certainement pas du tout, mais alors pas du tout, à son goût. La douche froide qui s'en suivrait n'aurait rien d'agréable. Il y a bien longtemps que nous ne sommes plus dans le même mood. Sérieusement, je n'ai jamais prolongé bien loin mes élucubrations imaginaires et ce matin encore moins qu'autrefois.

[Xxxxxxxx] était une amie. Mais une amie c'est une personne à qui on peut envoyer un message, ou téléphoner, même après une longue période de silence, sans peur. Quitte à avoir une réponse négative, pour cause d'indisponibilité. Or il y bien longtemps que les réactions imprévisibles de cette amie-là ont commencé à m'effrayer, et de plus en plus. A-t-on peur des réactions d'une amie ? Assurément non. Ou alors ce n'est pas une amie...

Je ne me suis plus senti être un ami pour elle, au sens auquel je considère ce terme. Peu à peu j'ai senti sa confiance en moi s'atténuer, je ne me sentais plus respecté dans mes doutes, dans mes failles. Son exigence était devenue trop forte.

Ce matin, donc, j'ai brièvement pensé à tout ça et non, vraiment, l'idée de tenter une approche n'avait pas de sens. Deux ans après son ultime fin de non-recevoir, je n'allais rien tenter.

J'ai vaguement songé à passer devant chez elle, et même à guetter son éventuelle sortie dans la rue. Pouark, pensées débiles ! Non, vraiment, pas envie de ce genre de scénario. Et finalement pas envie de raviver tout ça. Pour en tirer quoi ?

La ville ou j'ai dormi cette nuit s'appelle Waterloo. J'ai trouvé que ce nom sonnait bien avec ma défaite. Oui, j'ai perdu : je n'ai pas su me faire accepter. Je n'ai pas su convaincre. Je n'ai pas sur faire avec elle.


Reproduction sans retouches du texte original, hormis les crochets et le mot en gras, symboliquement signifiant. C'est ce maître mot qui a suscité l'envie d'écrire ce jour-là, dans un contexte où une possibilité était accessible tout en se montrant vaine et dépassée.





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Extrême prudence




Vendredi 16 octobre 2015


Chacun de mes voyages vers le Québec aura un peu réveillé le fantôme nathalien. Cette fois, hormis la dernière matinée, retranscrite dans le billet précédent, les pensées sont demeurées aussi légères et diffuses que des voiles de soie. Je n'avais envisagé aucun contact, considérant l'affaire comme classée. Certes, l'écoute de la radio tout au long du voyage m'a maintenu dans un bain propice aux réminiscences dues au parler québecois, mais c'était tout à fait plaisant. Tout au plus ai-je laissé échapper de temps en temps, face à des paysages sublimes, des soupirs résignés en songeant à ce qui aurait pu continuer à se vivre si...

Immédiatement je balayais ces pensées univoques, donc stériles, préférant jouir du spectacle grandeur nature qui m'était offert.

Non, vraiment, il ne reste plus grand chose de vivace de cette histoire-là. La sédimentation du temps, l'immobilisme et le silence prolongés, l'absence totale de nouvelles et l'enfouissement progressif de mes velléités restauratrices, tout cela fait que la gangue de cristallisation s'épaissit et se durcit. L'emprise de cette histoire sur ma vie se contracte comme une galaxie en effondrement.

Bien que mon esprit reste modelé par cet étonnant lâchage, je n'y pense plus vraiment. Je l'ai intégré. Il fait partie de moi et de ma vie. Je ne constate plus que rarement le surgissement de pensées au moment de m'endormir, phénomène qui a pourtant duré fort longtemps.

Que tout cela repose en paix.



Et pourtant... pourtant... alors que depuis quelques mois prend place, tout en délicatesse et en retenue, un autre rapprochement en douce amitié, je ne peux m'empêcher de constater à quel point le désastre antérieur à laissé de profondes traces. Ma prudence est devenue extrême, tant pour moi qu'envers l'autre.

Je sens cependant se rouvrir, avec une joie contenue mais à fort potentiel, les barricades protectrices que j'avais dressées...


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Digne de confiance




Samedi 17 octobre 2015


Je crois que je viens de comprendre à quoi se rattachait l'idée d'extrême prudence. Ce n'est pas tant vis à vis d'un éventuel "abandon" puisque j'ai désormais bien apprivoisé la solitude, mais sur la façon dont cela pourrait se faire. Le risque majeur dont je cherche à me préserver c'est de voir une nouvelle fois se déliter tout le processus d'établissement de confiance. Cette fois ce ne serait pas tant pour la confiance qui en serait perdue, à laquelle je sais pouvoir faire face aussi décevant que ce puisse être, que pour l'image désastreuse que cela me renverrait de moi : une réelle incapacité à faire durer la confiance que l'autre m'a offert.

Je ne voudrais pas constater une nouvelle fois que je suis perçu comme indigne de la confiance qui m'aurait été accordée. Me retirer cette confiance, c'est le pire reproche que l'on puisse me faire. C'est comme une dégradation : un déshonneur.

Mon extrême vigilance consiste donc à établir désormais chaque relation d'importance particulière sur des bases absolument saines, sans aucun risque de tromperie involontaire, sans aucun malentendu. Ma volonté de clarté s'est encore renforcée, tout en visant à être moins "transparent" quand on ne me le demande pas. Ma prudence consiste aussi à m'assurer que la personne avec qui j'établis un pacte de confiance tacite est, elle aussi, fiable, digne de la confiance que je lui accorde. Mais puis-je encore avoir confiance en ma perception ?

Dans ma représentation des choses un pacte de confiance a quelque chose de sacré. C'est un engagement à ne pas se désengager unilatéralement. Mais est-ce que ce genre de certitudes peut exister dans nos vies, dans nos pensées instables ?



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Mois de Novembre 2015