Mars 2007

Dernière mise à jour:samedi 31 mars 2007 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Inéluctable




Vendredi 2 mars


La mort vient de frapper dans mon entourage. Ma tante, la soeur de mon père. Lui qui est déjà angoissé par cette inéluctable issue...

Je pense à lui.

Elle était la mère de mes cousines. L'une d'entre elles était morte d'un cancer il y a deux ans, probablement consécutivement à la mort accidentelle de son fils de vingt ans. Ça fait trois morts en cinq ans dans cette famille. C'est beaucoup...

Mon oncle est effondré. Ça se comprend.

Je pense à eux.

Et je me dis que j'ai de la chance. Personne n'est mort dans ma famille. Ma grand-mère s'est éteinte il y a huit ans. À 103 ans, c'était fort honorable. Sa fille, ma tante, n'aura pas eu pareille longévité. Accident vasculaire cérébral. C'est brutal.



Je me sens presque mal à l'aise d'avoir eu la chance d'être épargné, jusque-là. Certains sont plus touchés que d'autre. C'est injuste.

Jusqu'à quand la mort se tiendra t-elle à distance de mes plus proches ? Je ne sais pas ce que c'est de perdre définitivement quelqu'un dont l'absence crée un manque cruel. J'en ai toutefois une vague idée...

Peut-être que les deuils que j'ai eu à faire ces dernières années m'auront appris à mieux accepter ce qui adviendra. Je le crois. En apprenant à me détacher, en appréhendant la solitude intrinsèque de l'être humain, je pense m'être un peu aguerri.

D'ailleurs, je me suis parfois demandé si mon aspiration à nouer des relations plurielles n'était pas une façon de ne plus être dépendant d'une seule personne. Un peu comme si je me préparais à l'épreuve de la séparation définitive. Comme si en multipliant les liens je me protégeais de "tout perdre" en cas de disparition de l'unique par qui j'existais.

Mon oncle et ma tante avaient fêté leurs soixante ans de mariage. Soixante ans à vivre ensemble et « celui des deux qui reste se retrouve en enfer », chante Brel.

Élargir le champ des liens affectifs c'est s'offrir plusieurs histoires. Un passé à sources multiples. Si l'autre disparait il n'emporte avec lui que le partage des souvenirs communs. Mais il y a d'autres histoires, d'autres liens. Du moins... tant qu'ils demeurent. Car celui qui survit aux autres voit s'effacer à chaque fois ce partage...

Vivre longtemps c'est voir disparaitre un à un ceux avec qui on pouvait partager des souvenirs. Pour ne pas en souffrir, faudrait-il ne jamais s'attacher ? Ne jamais tisser de liens étroits ? Ne les vivre qu'au présent ?

Avec la famille c'est, de toutes façons, impossible : les liens sont déjà là. 







Le moteur des désirs




Dimanche 4 mars


Le désenchantement que je vis (mot emprunté à mon amie nathalie) est peut-être beaucoup plus profond que je ne le croyais. Quelque chose en moi s'est dissous, qui tenait du rêve, de l'espérance, du projet de vie. Je ne sais pas encore si ça se reconstituera, ou pas.

Oh ce n'est ni grave, ni triste. Ce n'est pas moi qui suis dissous, seulement une part de moi. Il ne faudrait pas croire que j'en suis affligé. Au contraire je suis très satisfait de cette lucidité dont j'avais besoin.

Yeaaah, c'est super, je suis devenu plus conscient et plus mature !


Euh... maintenant, qu'en fais-je ?



Quels sont mes objectifs de vie depuis que ces idéaux, auparavant inaccessibles, sont tombés en poussière après que je les ai touchés ?


...



J'ai atteint, avec la complicité désirante de ma complice d'autrefois, un summum de félicité. Une ouverture insoupçonnée du champ des possibles. Hmmmm, j'ai touché, dans l'élan commun, un bonheur de vivre que je qualifie définitivement d'absolu. Que ce temps n'ait pas duré n'enlèvera jamais rien à son éclat. J'ai eu accès à quelque chose d'inconnu dans les dimensions essentielles de ce qui me constitue. Un palier qui empêche la marche arrière, un état de conscience que je sais ne pas pouvoir oublier. La connaissance est ineffaçable : maintenant je sais ce qui peut exister dans ma vie. Je suis enchanté du chemin parcouru !

Par contre, je croyais en quelque chose de bien plus solide que ce que montra la réalité... Je pensais, et c'était là mon erreur, que le désir commun allait durer entre nous, envers et contre tout. Or rien n'est immuable [et surtout pas le désir, tu le sais bien...]. Leçon supplémentaire d'humilité.

En embrassant un tel degré d'intimité, de confiance, de partage, je croyais avoir atteint le graal auquel je n'osais plus croire. Sublimissime et inoubliable. Je sais désormais que c'est atteignable... mais périssable.

Mouais, je suis désormais privé de tout cela avec elle. Actuellement ça n'existe plus et j'ai bien dû me faire à l'idée que ça n'existerait peut-être jamais plus. Je conserve la connaissance, mais sans le partage. De notre intimité seuls les souvenirs vivent encore. Quant à la confiance, il semble que le crédit qui m'avait été alloué soit épuisé. Game over ! Je me retrouve donc seul sur un chemin dont je pensais que nous allions le parcourir "à deux". Oh, pas dans le sens traditionnel du couple, mais bien dans cette idée de liberté de chacun, comme nous en avions si longuement parlé. Ce par quoi nous nous étions liés, faisant fi d'un océan.

Et puis ça n'a pas marché. Nos ressemblances ont fléchi devant nos différences. Nous n'avons pas su rester reliés, nous n'avons pas su communiquer efficacement, et nous nous sommes progressivement éloignés. Elle a sa vie, désormais sans moi. J'ai la mienne, euh... sans elle [on va dire ça comme ça...].

Je vis bien. J'ai retrouvé un équilibre au présent et un plaisir à vivre tranquille. Pour tout dire, j'apprécie beaucoup cette paix ! La vie reste grande ouverte devant moi, fort de toutes ces découvertes inestimables faites ensemble et depuis la déchirure. Mon avenir n'attend que moi.

C'est là qu'est le hic.

Ce "rêve dissous" fait que je ne parviens pas à retrouver un dynamisme activement concret. Je suis bien dans un désir de reliance aux êtres et au monde, de communication enrichie, de rencontre de l'altérité... mais je n'agis guère. Dans les faits, j'opte souvent pour l'isolement. Je préfère ma solitude et ma tranquillité.

Ça m'inquiète un peu.

Désabusé, je ne crois plus à la durabilité des liens. Ou ne veux plus y croire. J'apprécie beaucoup les échanges, qui m'enrichissent, mais ne cherche plus à construire quoi que ce soit. Je prends ce qui vient, mais sans chercher à faire durer. Je suis dans l'instantanéité de la rencontre.

C'est plutôt bien, mais contraire à ce que je croyais désirer : des liens de confiance durables. Quelque chose qui se construirait patiemment, qui s'investirait dans la solidité. Or je n'envisage plus d'avenir. Seule reste sa mortelle limite : le temps est compté [45 ans, déjà...].

Oui, c'est ça : je ne prévois plus d'avenir ! Aucun projet précis. Seulement des désirs flous... que je tenterai de réaliser ou pas. Aucun engagement. Il me semble que je n'avais jamais vécu cela auparavant...
Mais ça ne me dérange pas. J'observe cet état de fait, simplement.


Avant je ne me liais pas, par crainte de l'effondrement qui aurait accompagné une "trahison" redoutée (abandon). Avec nathalie, pour la première fois depuis la rencontre de Charlotte, j'ai choisi délibérément de me lier, j'ai osé faire confiance, je me suis abandonné... et nous en sommes à un éloignement correspondant exactement au scénario que je redoutais. Je ne crois pas me tromper en estimant que pour elle la blessure est de même ampleur. Probablement pas exactement dans le même registre, mais notre déception réciproque aura été très forte, c'est certain.

Pour autant je ne regrette rien de mes choix conscients, ni de la confiance que j'ai eue. Je sais qu'elle était méritée. Les choses ont changé, c'est tout. [oui, c'est chiant...]

Je crois que je... elle... nous nous sommes trompés de bonne foi. Nos inconscients perfides nous ont disjoints. Je n'ai pas su éviter des écueils que pourtant je connaissais. Notre confiance initiale réciproque n'a pas suffi. Ma... sa... notre volonté de dialogue sincère non plus. Nous n'avons pas su conjuguer nos efforts. Avec tous les éléments de conscience et de connaissance que j'avais, j'ai échoué.

Flop !

Ça s'est fait ainsi parce que ce ne pouvait être autrement à ce moment-là.

Mais maintenant, comment croire en autre chose si avec des atouts pareils, la volonté de réussir, l'attachement que j'avais, je n'y suis pas parvenu ? Comment envisager de créer de nouveaux liens "sans limites" ? [pourquoi cette exigence ?]

J'avoue que je n'y crois plus, et ça m'effraie un peu d'en être arrivé là. [pourquoi ? N'est-ce pas la voie du détachement ?]

Ce que je considère comme un échec relationnel majeur me laisse désemparé devant le reste de mon existence. Pas du tout désespéré, mais désemparé. Je me vois dans l'incapacité de concevoir des relations d'intimité poussée, alors même que j'entretiens plusieurs relations d'amitiés féminines avec qui je me sens en confiance. Mais je ne prends cela qu'au présent. Rien n'est acquis. Je sais qu'à n'importe quel moment ces relations peuvent s'effacer pour toute sorte de raisons, quelque soit la proximité actuelle [et alors ?]. Je n'investis plus les relations de la même façon. Non seulement je m'en sens incapable, mais surtout je ne le veux plus. Pas pour le moment.

Et pourtant j'aspire toujours à aller vers les autres. Mais plutôt vers quelque chose de limité dans le temps et l'implication intime. En restant "à distance". Simultanément j'aimerais pouvoir m'ouvrir vraiment sans ressentir le besoin de parler de mon ego nombriliste. J'apprécie beaucoup l'accompagnement que l'on m'apporte depuis que je me dépatouille de toute cette histoire qui me fait grandir, mais je n'ai pas l'intention de laisser cet égo envahir trop longtemps les échanges. J'aimerais qu'il s'efface, redevienne intime. Discret. Parce que je serais devenu capable de gérer seul mes émotions et les fantaisies de mon inconscient facétieux.
[ça viendra...]

Cependant, je me méfie de moi... La tentation du repli est attirante. C'est plus simple de rester seul, plus simple de ne pas prendre de risques dans la rencontre. Parfois je retrouve en moi, ô ironie, le désabusement de nathalie. Cette tendance que je ressentais comme défaitiste, qui pompait tellement de mon énergie et drainait mes forces vives. L'inertie redoutable du fatalisme [ou de la perte du désir ?].

S'il y a bien une chose sur laquelle je n'ai jamais voulu suivre mon amie, c'est dans ce côté que j'appelais "pessimiste", qui s'acentuait au fil du temps. Il me ruinait. Tant que j'essayais de l'en sauver [pourquoi cet acharnement ?], c'était sans issue. Ma force est dans mon optimisme, ma croyance en ce qui relie les êtres, la communication, le partage, l'élan vital ! Je crois en cela, et je veux agir pour cette vision de l'humanité.

Je ne veux pas devenir un incrédule !

Je n'ai jamais voulu suivre ma partenaire dans cette direction, et voila que je me sens parfois attiré par ce repli. A l'inverse, je n'ai pas su lui transmettre ma foi [naïve ?] en l'humain. Pourtant, c'est bien sa jovialité et son humour qui m'avaient séduit. Décidément cette histoire abracadabrantesque a quelque chose de subrepticement comique...



Je sais que je dois me bouger pour aller au devant des autres. Me satisfaire d'accepter les occasions qui se présentent de temps en temps ne suffit pas. C'est à moi de prendre des initiatives de rencontre. Or je ne le fais pas. Repli, ou refuge confortable ? État temporaire ou tendance qui s'installe ? Aller au devant des autres c'est s'exposer, c'est prendre des risques. C'est plus compliqué que rester bien planqué derrière un clavier à tapoter frénétiquement sur des touches. Le bavard que vous lisez n'échange que peu en face à face. Il me faudrait franchir un pas et agir.

Je sais que je dois enclencher un mouvement, devenir moteur dans mes désirs de rencontre. 

Le désir est bien là, encore faut-il que je ne cède pas à un aquoibonisme stérile et mollasson...







Autocritique




Lundi 5 mars


Je me suis réveillé en pensant au long texte que j'ai mis en ligne précédemment. Sentiment de gêne, parce que je parle encore de mon histoire. Mais surtout parce que je parle de mon amie...

J'aime pas.

Je suis toujours mal à l'aise lorsque je le fais, parce que je sais être subjectif, malgré ma volonté de relative objectivité. Me reviennent certains de mes mots que je trouve déplacés, grandiloquents, excessifs, trop étroits, imprécis. Gêne aussi parce que mon texte montre que je n'ai pas encore tourné la page. Gêne enfin parce que je sens bien, au fil du texte, que je ne peux ignorer l'éventualité de son regard sur mes lignes. De là à lui "parler", à glisser quelques précisions, il n'y a qu'un tout petits pas que je franchis malgré moi.

J'aime pas !

Lit-elle ? Je n'en sais rien... Mais cette "présence" est là.

Je sais que m'échappent (et c'est tant mieux !) des idées que je ferais peut-être mieux de garder secrètes. Comme cette forme d'espérance tendue vers d'hypothétiques retrouvailles... Ça me donne peut-être un air pathétique. Tant pis, j'assume ! C'est pour une bonne cause : continuer à m'ouvrir aux autres. Continuer à croire aux élans de vie.
Je sais aussi que parler du passé comme quelque chose de beau peut laisser croire que j'en espère le retour à l'identique. Sauf que mes allers-retours entre passé et présent sont une façon de comprendre, pas un désir de fixation rétrograde.

J'ai parfois lu, en filigrane de ses textes, ce qui pourrait être des interprétations de ce genre. Je suis tenté de les corriger...


[interrompu, pas le temps de poursuivre]






Détacher, distancer, avancer (1ere partie)




Mercredi 7 mars


Fort de mes dernières avancées mais fatigué de rester préoccupé par les suites d'une histoire qui m'a changé, j'ai ressenti le besoin de décrire les avantages qui accompagnent le processus d'acceptation. J'aimerais, en déposant tout cela, que ça me permette de prendre davantage de distance avec ce passé. Le temps d'analyse est enrichissant, mais épuisant. Je suis lassé de ressasser. Je voudrais me détacher autant de l'histoire que de celui que j'étais, et en qui je ne me reconnais plus vraiment. Texte long, tendance analytique, pour amateurs du genre. En deux parties tout de même, pour une meilleurs digestion.




J'étais aux obsèques de ma tante, lundi. La famille avait rappliqué de toute la France et c'était l'occasion de se revoir tous ensemble... deux ans seulement après les obsèques de sa fille. A ce rythme, on va pouvoir prendre un abonnement de groupe pour visiter tous les funérariums de France...

Ce qui semble marquant dans cette famille, d'après ceux qui l'ont intégrée tardivement, c'est la solidarité et la chaleur qui relie tout ce petit monde. En cas de coup dur tous répondent présent et apportent leur soutien. Il y avait beaucoup de chaleur humaine, des embrassades, des accolades, des rires et des larmes. Les liens intergénérationnels se resserrent et se renforcent avec chaque épreuve, surtout parmi ceux qui vivent ces deuils à répétition. La cohésion est palpable.

Pendant la cérémonie des textes étaient lus par petits et grands, dont certains rappellaient l'engagement fort de la défunte dans la vie sociale et l'entraide. Forcément, quand quelqu'un meurt, on se rappelle du meilleur. Se souvenir des belles choses... C'était une femme qui, toute sa vie, portée par sa foi, a été attentive aux autres et s'est engagée en ce sens. Toujours ouverte vers autrui, discrète sur ses propres soucis dont elle ne parlait jamais. A tel point qu'elle ne s'est pas écoutée, n'a rien dit de sa fatigue, jusqu'à ce que son organisme flanche brutalement.

J'écoutais ces textes empreints de l'amour qui lui était porté, évoquant la charité de cette femme. Un terme presque ringard, un peu culcul. La charité... un truc de bigots et de bonnes soeurs ! Et pourtant, au delà de la désuétude du mot, n'y a t-il pas de grandes choses contenues dans cet état d'esprit ? Aider les autres, aimer les autres, c'est ça la charité. N'est-ce pas le meilleur de l'humain qui s'exprime dans cette main tendue vers celui qui est dans la difficulté ?

C'est curieux comme parler de ça sonne... catho. Je n'ose que progressivement et prudemment formuler ce que j'ai rejeté pendant des décennies. Cette réouverture ne changeant par ailleurs rien à ma totale désaffection de la religion.



J'écoutais ces textes, observant cette unité familiale, et je pensais.

Je pensais à mon propre engagement pour aider les autres, les inconnus... Mouais, c'est pas fameux. Mon amour je l'ai surtout donné à Charlotte et à nos enfants. Imparfaitement. Un peu à mes proches, aussi... mais je n'ai pas beaucoup fait oeuvre de charité en dehors. En même temps je crois que donner cet amour dans le couple et à nos enfants correspondait à un désir d'offrir une attention, une "chaleur affective" aussi proche de celle que j'aurais aimé reçevoir de mon père dans mon enfance, ou sentir entre mes parents. Faire en sorte que mes enfants aient suffisamment confiance en eux et se sentent bien dans leur peau.

En fait la question d'aller vers les autres ne se pose pour moi que depuis quelques années. Je m'en approche à petits pas, ressentant préalablement le besoin de clarifier certaines choses dans ma tête. Outre mon envie d'aller vers l'écoute et la relation d'aide, je suis attiré par le bénévolat social. Je n'ai pas encore franchi le pas...



Je pensais aussi à mon dernier texte, et à tant d'autres fragments éparpillés au fil des pages. Je pensais à tout ce que j'écrivais autour de quelqu'une que j'ai beaucoup appréciée, quoi que j'ai pu dire, quelle que fût ma peine et ma révolte devant certaines de ses attitudes que je ne comprenais pas. Je pensais à cette forme d'amour qu'on appelle agapé, qui transcende l'amour basique et égocentré. Oui, l'Amour majuscule, plutôt que cet "amour" immature (besoin d'amour) qui s'est trop souvent manifesté en moi...

Hum... je n'en suis pas fier. Mais oser l'écrire m'a permis d'en prendre conscience et d'agir sur cette immaturité affective pesante. En traquer l'origine me montre les noeuds que je dois défaire pour m'en libérer.

Non, je ne suis pas fier parce que ce besoin d'être accepté contrarie beaucoup ma capacité à être vraiment dans un amour adulte et émancipé. Un vrai amour épanoui et ouvert à l'autre. Le cocon trop étroit de mon petit égo instable résiste !



L'amour de l'autre, l'amour qui donne, l'amour altruiste, c'est quelque chose qui, auparavant, était abstrait pour moi. Lointain, théorique, difficile, inaccessible. Un truc de religion [donc suspect]. Un truc bon pour les saints...

Mon regard a changé le 8 août 2003, sur une autoroute de vacances. J'ai déjà évoqué plusieurs fois ce qui m'était arrivé : une... comment dire... euh... révélation ? Cette révélation (imprégnation, connaissance) était celle de l'amour de l'humain. L'amour universel. Inexpliquable, ça a jailli de l'intérieur de moi et en même temps ça me venait de partout à la fois. Comme si j'avais une nouvelle programmation dans le cerveau, instantanément. Paf, là, d'un coup, j'ai eu la connaissance de l'Amour ! Les années passant je comprends peu à peu le sens de ce... message ? [ou je lui en donne un, allez savoir...].

Longtemps c'est resté trop grand pour moi. Je n'étais pas capable de vivre durablement ce dont j'avais eu révélation. Ça ne venait que par étincelles, vite éteintes par ce petit égo criard qui m'habite. Cet ego insuffisamment fort, qui gesticule et se répand, cherchant à atteindre le niveau minimal d'existence dans le monde des autres.

Quel est le rapport avec tout ce que j'écris depuis des années autour de mon amie ? Et bien justement... tout est lié.



L'appel à vivre

D'abord cette révélation quasi-mystique est survenue dans un contexte bien particulier puisque, dans les jours qui suivaient, j'allais devoir choisir quel sens je donnerais à mon chemin de vie. Choisir entre rester dans une vie traditionnelle en renonçant à un impérieux appel à vivre... ou suivre cet appel qui allait forcément déstabiliser mon existence et celle de ma famille. Choix crucial qui m'avait fait perdre 6 kilos, par effet de stress.

J'ai fait le choix de rester ouvert au sens des choses et de prendre ce que m'offrait la vie. C'est à dire rencontrer "pour de vrai" l'amie, l'amour, la confidente, celle par qui, et avec qui, je découvrais des dimensions insoupçonnées de l'existence.

Jamais je n'ai regretté ce choix engageant. C'était le bon. Je l'ai d'ailleurs réitéré six mois plus tard, à l'issue de trois jours de réflexion solitaire en montagne. Pourtant, il laissait voir des conséquences douloureuses. En modifiant unilatéralement un contrat tacite d'exclusivité amoureuse je devenais celui qui "abandonne" sa femme. Elle ne pouvait pas suivre mes aspirations à la liberté dans le couple et tout semblait lui donner raison. J'ai abjuré partiellement l'engagement de ma jeunesse, pris avec elle "pour la vie". Et même si j'ai essayé de rester au plus près, de ne rien détruire du lien... Charlotte a beaucoup souffert de ce qu'elle a vu comme une déchirure du couple. Comment ne pas la comprendre ? Comment ne pas compatir à sa douleur ? Encore aujourd'hui j'ai mal en pensant à ce qu'elle a pu ressentir.

Je me suis fait passer avant elle. Je n'ai pas sacrifié mes élans de vie pour la préserver. Peut-être n'avais-je pas suffisamment d'amour de charité pour oublier mes aspirations ? Ou bien s'agissait-il d'un vrai besoin d'exister par moi-même, et d'aimer en plus grand ? Quoi qu'il en soit j'ai fait le choix qui me semblait le meilleur : il allait dans le sens de la vie.

Abandonner... c'est un terme fort, qui touche à une de mes plus grandes fragilités. Or là, c'est moi qui "abandonnais" ! D'où mon désir de maintenir cohésion et solidarité au sein de ce couple qui se dissociait. Trois ans de lent détissage, afin de conserver le lien essentiel de la confiance. Ne pas abandonner, justement. Rester digne de confiance, fiable. Honnête.

J'ai dû endurer le besoin de distance de Charlotte et toutes ses manifestations de rejet dues à la souffrance. Période vraiment difficile, durant laquelle j'étais repoussé, maintenu à distance. Je l'ai acceptée comme étant le prix à payer pour mes choix. La froideur de Charlotte m'a fait mal, mais j'ai compris cette attitude. C'était... nécessaire. Et puis je n'ai pas été un saint avec elle : pour apaiser ma culpabilité je trouvais des justifications à mes choix, qui l'accablaient. Ces moments sont tellement difficiles à vivre, tellement déstabilisants... Je regrette de n'avoir pas su faire autrement qu'en passer par là. Encore aujourd'hui le sujet reste sensible entre nous.

Oui, j'ai fait pas mal d'erreurs...



L'abandon

Il y a quelques temps je crois avoir compris d'où me venait mon hypersensibilité à l'abandon et à la trahison. Sans surprise, je la crois issue de mon enfance. Quand j'étais petit, mon père était autoritaire, cassant, terrorisant et violent [depuis il s'est adouci]. Il frappait vite, et fort. Il gueulait. J'ai souvent été le témoin effrayé de ses colères contre mon petit frère, pleurant de désespoir, qu'il "massacrait" [c'est le terme qui m'est venu en thérapie, en même temps que les souvenirs et les larmes]. Et moi je voyais ça... sans rien dire. Comme ma mère. J'étais "complice muet", ayant bien compris mon intérêt: si j'étais sage je ne subirais pas les colères. Je me suis soumis [en apparence seulement, mon inconscient trouvant d'autres formes de résistance...].

Je crois que ces scènes choquantes m'ont rendu très sensible à l'injustice et à la souffrance morale qui l'accompagne. C'est une des rares choses qui puisse déclencher mes colères. Lorsque je cesse de les contenir [par crainte de ressembler à mon père...], elles peuvent être fortes. Ces souvenirs pénibles ont aussi déclenché en moi un réflexe de solidarité avec les victimes d'injustice. C'est aussi de là que pourrait bien venir ma haute sensibilité à l'idée d'abandon : je n'abandonnerai plus jamais quelqu'un que j'aime.

Je n'abandonnerai plus jamais quelqu'un que j'aime.

Or je me suis trouvé, voici trois ans, face à un insoluble dilemme : je devais choisir entre deux femmes que j'aimais, donc obligatoirement en "abandonner" une. On appelle ça conflit de loyauté, et c'est une torture. Je ne voulais en abandonner aucune. Je ne voulais faire de mal à personne. Je ne voulais pas faire souffrir, surtout pas...

En même temps ma haute sensibilité à l'abandon, résultant d'un autre épisode de mon enfance durant lequel ce même petit frère aimé m'a "trahi", a fait que je n'avais pas la maturité affective suffisante pour risquer un rejet fort de la part de Charlotte. De l'autre côté, nathalie exprimait de façon contradictoire et ambigüe ses désirs de partage avec moi. Je sentais en elle une ambivalence. Entre sa liberté revendiquée haut et fort et certaines de ses confidences les plus intimes, je percevais une incohérence. Je ne savais pas où se situait l'authentique nathalie, forte et fragile, et encore moins ce qu'elle désirait vraiment [ses mots contredisaient ce que je sentais intuitivement].
La forte m'impressionnait, et en même temps j'avais envie de protéger sa fragilité cachée. Du moins est-ce ainsi que je le sentais.

C'est donc autour des concepts de non-abandon et de liberté que nos sensibilités respectives se sont conjuguées. Défavorablement. On voit bien ce qu'il peut y avoir de contradictoire entre les deux idées...

Vous avez suivi ?



Engagement et liberté

Et bien en fait c'est encore un peu plus compliqué que ça: lorsque j'ai "rencontré" nathalie dans le partage de confidences, j'ai découvert une femme blessée par son passé amoureux, plutôt désabusée (je n'entrerai pas dans les détails). Mon âme de chevalier servant sensible à l'injustice, mon coeur grand ouvert et prêt à donner, mais aussi l'irruption d'un désir insoupçonné et d'une forme d'amour inconnue ont conjointement généré quelque chose de très fort à son égard. Outre le fait qu'elle était mon amie, que je l'aimais et la désirais, j'avais envie de prendre soin d'elle, de la rassurer sur ses doutes, de lui apporter ce qu'elle n'avait pas eu, et surtout de lui prouver qu'on pouvait l'aimer sans l'abandonner... tout en la laissant libre.

Je ne l'abandonnerais pas, moi ! Je ne la quitterais pas ! Elle pouvait me faire confiance.

[Hein, quoi ? étouffant ? euh... p't'êt' bien...]

Cet engagement, jamais verbalisé, s'est profondément ancré en moi. Avec le recul je me rends compte que j'étais prêt à (presque) tout endurer de sa part. Et euh... hum... j'en ai enduré un peu trop...

Elle m'avait mis en garde très tôt: je ne devais avoir aucune "attente" à son égard, sinon « ça ne marcherait pas entre nous ». C'était assez logique, dans le fond, mais moi j'en ai déduit qu'il fallait absolument que je m'adapte à elle! Mortel, évidemment... je niais mes attentes pour répondre aux siennes ! Suicidaire. Mais cette femme était tellement... pfff... drôle, séduisante, curieuse, originale, émancipée, fofolle, à la personnalité riche et affirmée... J'étais conquis. Ébloui. C'était la femme que je ne pensais jamais rencontrer. Elle était rare, elle était unique. Et en plus, je lui plaisais ! Cocktail bouleversant et révolutionnaire. Une femme pareille, il ne fallait pas que je la perde.

Raté...



Lorsque nathalie a décidé de suspendre la relation pour cause d'ultimatum conjugal, j'ai d'abord été docile, dépassé par les évènements : matériellement je me retrouvais coincé, et pris dans ces logiques de non-abandon. Face à Charlotte qui "m'attendait", nathalie exprimait un net refus face à l'idée de me voir un jour la rejoindre dans son pays ! C'était peu encourageant... Et puis... je sentais confusément que depuis quelques temps quelque chose dans son regard, dans ses attitudes, avait changé. Son désir semblait en décroissance.

Très rapidement la suspension s'est transformée en coupure. Abasourdi, je me suis senti "abandonné" par celle que je n'avais pas voulu abandonner. Je la voyais changer la règle du jeu au fur et à mesure. Amie-amour-amante, elle reprenait tout à la fois ! Elle s'effaçait. Il n'en avait jamais été question pour moi. Là j'ai complètement disjoncté. Je n'avais pas la capacité de comprendre ce qui se passait. Ni de l'accepter. C'était une aberration, une distorsion de perspective, un cauchemar. Tout cela s'est déroulé sur quelques semaines. A partir de là, plus j'ai insisté pour comprendre, plus elle s'est éloignée...

Mouais, dynamiques inversées. L'exact contraire de la complicité qui nous avait liés.

Maintenant, avec les années de recul et un minimum d'expérience sur la façon dont peut se passer une séparation après une relation forte, j'ai pu comprendre ses réactions [ou accepter de ne pas les comprendre...]. Une telle "violence" (la violence du silence) ne pouvait que traduire une grande souffrance; ou du moins une attitude visant à éviter une trop grande souffrance. Cette stratégie, trop peu verbalisées à mon goût, m'a mis face à un vide incompréhensible. C'est avec les quelques éléments qu'elle me donnait que j'ai dû me débrouiller pour trouver du sens. D'où l'étirement de ce deuil à doses homéopathiques. Quelques précieuses amitiés féminines m'ont beaucoup aidé à comprendre les réactions de nathalie, et son isolement. Finalement j'ai accepté ce silence contre-nature [contre ma nature]. Ou disons que je suis en cours d'acceptation...

Pas facile...
Faut faire taire l'égo et s'ouvrir tout grand à la différence et à l'amour de l'autre. Je t'aime... donc je te laisse partir.

Gloups...

« Va, ma grande, je te souhaite le meilleur ».


(à suivre...)






Détacher, distancer, avancer (2eme partie)




Jeudi 8 mars


Le sens caché des mots

Entre mon amie-amour et moi il était très clair qu'il n'y avait eu aucun engagement . « Attachement libre », avions-nous conjointement défini dès le départ. « Libraimance », selon le joli néologisme qu'elle avait inventé. Sauf que j'avais, au fil du temps, conclu des engagements inconscients [c'est un nouveau concept...]. Notamment lorsque j'étais passé de la non-qualification de la complicité qui nous reliait (j'appellais cela "[pas de mot existant]") au terme lourdement chargé de sens qu'est "amour". Quand nathalie m'a dit, réjouie et encourageante, « ben oui, tu es amoureux », ce terme validait en quelque sorte ce que je n'avais pas investi jusque là : le domaine hypersensible de l'amour, synonyme pour moi de lien d'attachement fort. Très fort... [voire indestructible]. Un schéma inconscient préétabli duquel je ne m'étais pas encore vraiment détaché [euh... maintenant c'est bon : l'option "temporaire" est de série]. D'ailleurs, quelques temps plus tard, décontenancé par son besoin de liberté qui ne correspondait pas à mes critères de lien amoureux, je lui avais dit qu'il me fallait la considérer comme "amie", pour que je puisse gérer ça. Qualificatif distançant qui, visiblement, lui avait déplu. Je m'étais donc réengagé pleinement [souci d'adaptation, toujours...] dans un processus amoureux, avec tout ce que ça impliquait d'attentions et de régularité de contacts, selon ma conception des choses. J'étais très "présent", quotidiennement. La réciproque n'était pas tout à fait équivalente, et ça allait être un des germes de nos tensions à venir. C'est à peu près au même moment qu'elle a dit que nous formions un couple, terme là encore porteur d'une symbolique forte. Je crois que c'est sur ces quelques mots hautement chargés d'affect que se sont scellées nos incompréhensions. Nous n'avions pas du tout le même bagage relationnel, pas du tout les mêmes expériences amoureuses ou de couple. Et pas les mêmes attentes. La curiosité mutuelle du départ envers la différence de l'autre rencontrait de plein fouet le décalage de nos représentations inconscientes.

Légers décalages sur le sens des mots et les idées qu'ils portent. Rien de grave à priori. Nous avions d'ailleurs un même intérêt pour le sens des nuances et de la précision du vocabulaire. Et une volonté similaire d'authenticité. Quand j'y repense, je me dis que c'est fou que nous ne soyons pas parvenu à maintenir notre cohésion... Que d'interprétations différentes, que de projections avons nous fait sur les mots communs ! Bel exercice de travaux pratiques en décodage de la communication humaine...

Les bonnes intentions ne suffissent pas. Les dynamiques inconscientes avaient des choses à régler...

Peu à peu sont venus se greffer sur la relation des phénomènes de culpabilité/culpabilisation [conscientes ou refoulées] et des sujets "tabous" ont commencé à apparaitre. On ne parlait pas franchement de ce qui causait problème. Ou pas avec la même approche sensible, ou pas la même patience. Avec le temps ces zones de non-dit n'ont cessé de se développer. D'autant plus qu'à mon besoin de verbalisation exhaustive s'opposait un désir de simplicité silencieuse. A l'inverse, la franchise un peu brutale de nathalie, sans fioritures, mettait parfois à rude épreuve ma sensibilité affective. Je n'étais pas habitué à ce genre de rapports amoureux bourrus...

En fait nous avions chacun notre façon de gérer les troubles.

Troubles... effectivement, lorsque l'eau se trouble, mieux faut cesser de l'agiter. Sur ce point mon inquiétude l'emportait sur la patience dont je me targue. Je ne supportais pas le trouble et cherchais à apporter de l'eau claire au plus vite. De son côté nathalie préférait opter pour la fermeture des robinets.



Bon, tout ce passé trépassé est loin maintenant. Je l'exhume car il explique (voit texte précédent) l'enracinement profond de cette relation dans mon existence, et ce qui s'est joué lorsqu'elle a décliné. Là se situe l'explication du temps qu'il me faut pour me reconstruire après cette complicité avortée [oui, je me justifie, et alors ?].

Pourquoi ce besoin d'interminables explications justificatives ? 

C'est le dernier volet de cette palpitante reconstitution. Il y est question de...



Responsabilisation et culpabilité.

Au cas où j'en aurais douté, j'ai pu constater avec Charlotte que se séparer est un processus douloureux, même quand ça se passe de façon satisfaisante. Douleur non seulement en soi, mais aussi en voyant la douleur de l'autre. Alors, pour éviter de porter la culpabilité de faire souffrir l'autre aimé, l'inconscient à trouvé une arme efficace : c'est la faute de l'autre si ça ne marche pas ! Et hop, d'une pierre deux coups : c'est pas de ma faute (je suis un peu plus blanc), et l'autre n'en est que moins "aimable" (il est un peu plus noir). Je ne peux que reconnaître, piteusement, que j'y ai souvent eu recours malgré moi. Et de façon d'autant plus grossière et lourdasse que je verbalise (ou écris) beaucoup. Ça laisse des traces... Ceci dit, on peut fort bien, en très peu de mots, être culpabilisant. Le "tu" en est la meilleure flèche. Le « tu qui tue », dit Jacques Salomé.

Je ne crois pas avoir ressenti le besoin de me justifier sans aucune raison... Si je manifeste avec autant d'énergie l'injustice de mon sort [hop, costume de Caliméro], c'est probablement parce que j'ai senti porter sur moi des appréciations que j'estimais injustes [mon ego y est sensible...]. Je m'agitais d'autant plus que je ne sentais pas entendues mes dénégations, ou que je n'avais aucun moyen de les exprimer directement. Parfois c'étaient mes intentions que je voyais mal interprétées. En fait l'équilibre des vérités est certainement à mi-chemin. Encore faudrait-il que chacun accepte de parcourir cette moitié de chemin vers l'autre... mais pas plus ! On voit bien à quel point le cercle vicieux "parole contre silence" peut se renforcer: plus tu te tais et plus je parle, plus tu parles et plus je me tais.

Hé hé, c'est con l'humain !
Variante du "suis-moi je te fuis".

Comment arrête t-on cette stupide fuite-poursuite ? En étant attentif et ouvert au besoin de l'autre, sans le juger. En lui laissant la place, et le temps, de l'exprimer. En écoutant mes besoins propres aussi, puis en négociant entre les besoins de chacun. Bref : en établissant ensemble la juste distance qui permet l'équilibre et la satisfaction de chacun.

Encore un enjeu de communication...

Dans l'histoire que je relate, le triple rôle de ce journal (analyse, exutoire, communication) a sérieusement compliqué les choses, mélangeant les réflexions de l'homme en mouvement de maturité, les relents plaintifs de sa part immature, et les tentatives de justification et de conciliation de ces deux-là. En face, pas aussi détachés qu'elle l'aurait voulu, les écrits de nathalie participaient parfois à une certaine forme de communication indirecte.
Pour être complet je devrais aussi ajouter au tableau mon souci de garder un minimum de cohérence au "roman de vie" dont je témoigne. Sans oublier mes révoltes contenues, censurées, peu propices à l'ouverture accueillante.

Rien à faire, tout cela était trop chargé !



Ce n'est qu'en me libérant progressivement de cette charge que je peux me réouvrir pleinement au meilleur de moi-même. Actuellement je suis fatigué de préserver mon amie d'un poids... qui écrase le bien que je pense d'elle. J'en ai marre de cet étirement qui me distend, j'ai envie qu'il cesse. Achever cette longue période d'analyse et de réécriture de ce qui n'était pas digéré. L'enfant fragile doit laisser la place à l'adulte épanoui de demain. D'aujourd'hui ! J'ai une vie à vivre... J'ai envie de finir de nettoyer la plaie, assainir tout ça, et de nouveau sourire à la vie.

Ouiiiii :o)

Et puis cesser de me justifier !

Alors faut que ça sorte. Tant que je garde ce poids il entrave mon avancée.

Pour m'en débarrasser il faut que j'exprime mes culpabilités profondes, et trop lourdes, vraiment trop lourdes. Je pense surtout à celle-ci : à peu près au moment où nathalie à décidé qu'on devait s'oublier, elle a aussi écrit sur son site « il a accepté, je meurs ». J'étais censé ne pas lire cela mais un hasard lui a fait m'envoyer inopinément [je la crois !] un avis de mise à jour... Que pouvais-je penser face à de tels mots, qui contredisaient le discours d'éloignement qu'elle me servait ??? Comment les ignorer ? Où était la vérité de ses pensées ? Et quand, un peu plus tard, elle m'a dit qu'elle était morte en reprenant l'avion, comment ne pas en être effondré ? Je meurs, je suis morte... mots terribles ! Doublement violents, ils expliquent largement ma persévérance dans cette histoire. Violence parce qu'elle exprimait ainsi la fin de quelque chose : morte, elle n'était plus là, elle n'existait plus. C'était fini. Violence aussi parce que ces quelques mots faisaient indirectement de moi son assassin : c'est parce que je n'avais pas abandonné Charlotte en pleine desespérance que nathalie en était "morte". J'avais tué celle que j'aimais et qui m'aimait, je lui avais enlevé sa joie de vivre et ses espérances. Et elle me renvoyait tout son mal-être en me repoussant.

Ce poids écrasant, je l'ai longtemps porté, me sentant lourdement coupable de cet abandon mortel... pourtant décidé par elle. Un "suicide" dont j'étais la cause. Responsable de la mort de ce que je cherchais à garder en vie ! Inversion absurde... Grande confusion dans mon esprit, grande injustice, grande colère refoulée et total égarement. Et immense tristesse. C'était insupportable !

En face, le silence...

Privé de communication il m'a fallu très longtemps pour que je comprenne l'impact qu'avaient eu ces mots sur moi. Eh oui, je voulais "sauver" celle que j'aimais des déceptions amoureuse et je l'ai "tuée"...
Y'avait de quoi devenir un peu dingue, non ?  

Bon... pas étonnant qu'on ne soit pas parvenu à se réaccorder après tout ça. Si la mal-communication avait mené à notre éloignement, il y avait peu de chances que la séparation nous réunisse...

En fait, la seule chose qui pouvait nous réunir était notre amitié antérieure. Ça a presque fonctionné, en 2005, mais là aussi on s'est débrouillés comme des andouilles. C'est incroyable comme on a pu s'allier pour complexifier les choses ! Un capharnaüm de semi-vérités et de fausse-franchise, de non-dit, de mal-dit. Un carnaval de sincérité frelatée, de susceptibilités et fragilités. Un défilé de tentatives mal comprises, de trop dit et pas assez dit, d'interprétations et projections...  Un chef-d'oeuvre d'erreurs en tout genre. Un summum de polymérisation relationnelle. Tout bloqué, coincé. Un énorme noeud bien serré... sur lequel je préfère ziooooup _________________ tirer un trait.

Le genre de truc inracontable dont il vaut mieux rire, tellement c'est grotesque.
Je zappe.

Voila...



Conclusion

J'ai besoin de la parole pour sortir du flou, tandis que nathalie préfére le silence. J'ai besoin de contact pour calmer mes inquiétudes, alors qu'elle a besoin de prendre du recul pour s'apaiser. Nous ne pouvions donc pas nous rencontrer ! Nous ne pouvions pas nous comprendre sans aller l'un vers l'autre. Ben oui, chacun réagit à sa façon, et ça aussi il me fallait l'accepter. Ça aussi ça fait partie des "différences". Je n'ai pas été assez ouvert, insuffisamment accueillant envers un mode de fonctionnement qui m'était étranger. J'ai voulu calmer mes angoisses avant d'ouvrir vraiment mes oreilles, mes yeux, mon coeur à la singularité de mon amie-amour. Pour moi ça ne pouvait fonctionner qu'en respectant cette priorité. Mais pourquoi pas l'inverse ?

Que les choses sont compliquées, parfois...
Et elle qui voulait une relation simple ! Hé hé, la vie est bien facétieuse...

Maintenant je connais mieux mes limites. Et même si j'ai une grande patience, je sais qu'aller trop loin me distend, me fait perdre ma cohésion, ma force. Je dois rester rassemblé autour ce que je suis capable d'être. Mieux cerner qui je suis.

Par amour, parce que je tenais à elle, et à "nous", j'ai accepté bien plus que je ne le pouvais. Je me suis égaré en essayant de suivre les lubies et contradiction de nathalie... qui font partie de son charme.

J'ai tenté de comprendre... et puis j'ai enfin accepté de ne pas comprendre. Comprendre... com-prehendere : prendre avec. Non pas chercher à (com)prendre toutes les pensées de l'autre, mais (com)prendre l'autre avec toutes ses pensées. Prendre l'autre en entier, avec ses différences et sa part d'inconnu.

C'est un défi... immense.

Je suis riche de cette expérience relationnelle, parcourue de bout en bout. Je n'ai rien "perdu" dans cette histoire, je n'ai fait que gagner. De l'expérience, des souvenirs, des moments de bonheur, de la connaissance, de l'humanité. Oui... tout ça en passant par des erreurs et de la souffrance, mais ce n'est que temporaire. Les gains, eux, sont définitifs. Et puis...comme on apprend à aimer, on apprend à se séparer. A accepter les bienfaits d'une séparation, à ne plus en avoir peur. Et peut-être même à voir l'intérêt des silences...

J'avais tout cela à découvrir.

J'accepte que nathalie préfère "oublier" ce qui était nous, parce que tout cela était devenu trop compliqué et trop douloureux pour elle. De mon côté je vois les choses différemment, mais admet que ce ne soit pas réciproque. J'aime à ma façon. Je ne me coupe pas des gens que j'aime. Je crois que je sais aimer à distance, et même dans le silence.

Qu'on veuille couper un lien me faisait trop mal, mais désormais je sais que ça peut être nécessaire pour d'autres. Charlotte a pris beaucoup de distance, et je le vis bien, maintenant. Je ferai de même avec nathalie.

Parfois notre amitié me manque, j'aimais beaucoup notre complicité... mais c'est ainsi.
J'aime penser à elle, à notre "aventure", et ça me met un sourire aux lèvres.


Maintenant, j'ai envie d'être en paix avec tout ça.
Je veux me souvenir des belles choses...






L'amplificateur du moi




Vendredi 9 mars


Des textes comme ceux que j'ai écrit dernièrement me pompent beaucoup d'énergie. Il y a une lutte interne entre audace et crainte. Oser dire, prendre le risque de déplaire, oser affirmer ma différence... et peur de casser ce qui reste.

Difficile prise de distance, qui ne veut abandonner personne tout en cherchant comment dépasser et apaiser ma blessure. Qui ne veut ni renoncer ni lutter en vain. Simplement être ouvert à ce que la vie offre comme opportunités, sans attentes.

Ce travail de détachement, que je refuse de voir passer par la simplicité de la coupure, draine mes forces et mobilise une bonne part de mes ressources. Apprendre l'attachement libre, la non-dépendance, voila le travail auquel je me livre depuis des années. Et mes tergiversations se tracent au fil des pages, au fil des mois et des émois.

Le "trop tard" n'a jamais fait partie de ma façon d'être. Peu importe le passé, quand la volonté d'être ouvert au monde est là. J'apprends de mes erreurs. Je mets à profit l'expérience vécue. Ça ne peut que m'être utile pour le restant de ma vie, pour ne plus reproduire ce par quoi j'ai failli.

Mot après mot, page après page, c'est la force qui naît de la conscience de soi que j'écris ici.



Ce journal, je l'ai déjà bien souvent dit, est faux. Vraiment faux. Ou faussement vrai. La vérité de mes pensées est dans leur déroulement continu au fil des heures. Toute fixation écrite est un cliché, aussi faux qu'une photo. Embellissantes, retouchées, recadrées.. d'un même sujet une photo peut proposer nombre de variations. Changer d'éclairage, de coloration, de focale... chaque paramètre transcrira une vision subjective et bidimensionnelle. Faussée. Partielle et partiale.

C'est pareil pour ce journal. Faux... tout en se voulant rigourement authentique.

Me permettant de regonfler, de reconstruire, d 'amplifier un "moi" faible, il amplifie aussi les variations, exagère les avancées, dolorise la souffrance, magnifie les joies, pathétifie la tristesse, exalte les ressentis.

Amplificateur du moi.

Lorsque je repense à certains textes très personnels, je suis parfois saisi d'une sorte de nausée : mais non, je ne suis pas tel que je l'ai écrit ! Pas à un tel point ! Pourquoi est-ce que je me dévalorise ainsi ? Pourquoi est-ce que je me montre sous un jour faible ? Pourquoi est-ce que je clame une immaturité... dont la simple prise de conscience exprime l'inverse ?

Je suis bien plus fort que je pense le laisser paraître... et en même temps bien plus sensible que je n'accepte de le voir.

Peut-être faudrait-il parfois lire en négatif...

Lorsque j'annonce que je suis content de mes avancées, ne fais-je pas l'impasse sur toute cette énergie que j'y ai consacré ? Et lorsque je dénigre mon comportement infantile, n'est-ce pas oublier que je suis désormais fait d'une autre trempe ? Que cette part d'enfant n'est qu'un reliquat que je surmonte mieux jour après jour.

Où se cache la vérité de l'écrit ? Probablement dans cette écriture au long cours, au fil du temps...







Amour violent




Lundi 12 mars


Brutale accélération dans la prise de conscience de mon système de pensée. Je ne sais pas si c'est dû à ma "distanciation", ayant enfin accepté ce que j'avais si longtemps refusé, ou bien à cette plongée dans mon enfance que j'effectue dans le mouvement collectif des Petits cailloux et ricochets, mais ça bouge ! Et vite !

En allant grattouiller dans mes souvenirs d'enfance, j'ai regardé en face certaines souffrances et les actes qui les ont causées. J'ai exhumé et affiché ces traumatismes devant un public inconnu. Ainsi cela sort de moi, est reconnu. L'invisible devient visible.

En même temps j'ai pu voir le sens que j'avais donné à ce qui était une violence ordinaire. Un sens empreint de subjectivité : c'est bien moi, tout petit, qui ai projeté sur des actes une interprétation, puis qui me suis construit sur cet ensemble mi-réel, mi-fantasmé. Ce sont mes terreurs d'enfant, démesurées, qui sont parvenues presque intactes jusqu'à l'âge adulte. Parce qu'elles n'avaient jamais été verbalisées, jamais entendues, et même... jamais vraiment conscientisées. Personne ne m'avait expliqué le sens des colères incompréhensibles de mon père. Jusqu'à récemment j'avais tout gardé enfoui...



Les réflexions que j'ai écrites autour de ça sur mon carnet ont suscité quelques commentaires, qui m'ont permis d'avancer d'un coup. Et là je... comment dire... je vois la réversibilité de mon mode de pensée. C'est à dire que je subirais et... hum... agirais selon le même modèle [laissez-moi la possibilité du conditionnel...].

Au moment de la construction de ma pensée j'ai certainement associé amour et violence, sans vraiment les distinguer. En fonction de cette alternance incompréhensible que leur donnait mon père, le sens que j'ai probablement donné c'est que l'amour est violent. Heureusement il y avait aussi un autre amour référent : celui de ma mère, fait de gentillesse et d'attention, mais aussi de faiblesse par rapport à son mari autoritaire. Je crois donc avoir un double modèle d'amour : gentil, attentionné, et rassurant (mais soumis), ou alternance aléatoire et angoissante gentil/violent (et dominant). Amour maternel opposé à amour viril et brutal. L'un ou l'autre.

Voila qui expliquerait beaucoup de choses dans ma façon de vivre l'amour, dès lors que le moindre grain de sable vient enrayer l'entente cordiale...

[Merde...]

Bon, le problème que je découvre c'est que ces schémas simplistes et erronnés qui me servent de modèle sont opérationnels non seulement dans ma façon de percevoir l'amour, mais pourraient bien l'être aussi dans ma façon de le... donner.

Là c'est nettement plus grave !

Tant que c'est moi qui subis les conséquences de mes schémas personnels, c'est mon problème (quoiqu'ils contaminent la relation...). Mais si je les fais subir aux personnes que j'aime... là c'est vraiment très très embêtant ! Or si j'associe amour et violence... et bien il n'est pas du tout exclu que je sois moi-même violent (psychiquement) quand j'aime...

[Merde !!]

Oh, pas quand ça va bien, évidemment, mais lorsque je suis en situation de mal-être et que je cherche à l'apaiser. Le violent n'est-il pas celui qui rejette sur l'autre ce qui lui fait mal en lui-même ?

[Merde !!!]

Non seulement je verrais de la violence là où il n'y en a pas forcément (interprétation), mais, plus grave, je créerais de la violence en retour de celle que j'ai cru percevoir. Et ça c'est dramatique ! Le mal que je ressens me fait réagir de façon inadéquate.

[oui, je sais, on fonctionne tous un peu comme ça, mais c'est pas une raison] 

De toutes façons, qu'il y ait ou non violence objective, c'est bien moi qui choisis de l'accepter ou pas. Je suis donc responsable de laisser durer une situation que je ressens comme violente à mon égard ! En quelque sorte : responsable de ma souffrance. C'est pas une découverte, mais j'ai tendance à vite l'oublier.



Pfff, ça fait quelques semaines que je tourne autour de ça dans ma tête, me rendant bien compte de la tonalité souvent doloriste de mes écrits. Putain... ça fait chier... Je suis bel et bien contaminé ! J'ai beau faire attention à ma tendance victimaire, ça m'échappe toujours quelque part.

Grosse remise en question à faire !

Là violence que je ressens m'appartient et je n'ai pas à me plaindre du rôle des personnes extérieures, alors que je suis libre de mes mouvements. Je ne suis victime que de la violence que j'exerce contre moi-même en acceptant de subir quelque chose qui me déplaît.

En outre, me placer en position de victime est un acte de... violence envers qui m'aime. Parce que c'est "violent" de voir quelqu'un souffrir. Et plus encore si cet autre souffre "à cause" de soi. Il y aurait là une tentative de culpabilisation.

Euh... comme mon père faisait avec ma mère.

[merde, merde et merde]

Putain, mais c'est pas possible d'avoir été contaminé à ce point ! C'est tout mon référentiel qui est pourri ! Pas étonnant que je sois attiré par d'autres formes d'amour, ou que j'en aie une vision altière.

Sauf que je n'en suis pas encore capable. J'ai pas sufisamment fait le ménage dans mon psychisme. Je ne suis pas encore allé assez loin.

Et euh... vaut peut-être mieux que j'y aille seul. Pas sûr que je sois capable de bien aimer.



Quoique... sans aimer je n'apprendrai pas à aimer. Il me faut donc accepter de tâtonner et d'avancer pas à pas. De toutes façons, n'a t-on pas tous nos complications avec l'amour ? Et ne s'aide t-on pas dans chaque relation à avancer, à réparer un peu ce dont nous avions besoin ?

Est-ce que chaque autre n'est pas, à un moment donné, le "partenaire idéal"... avant que ne se conjuguent les difficultés propres à chacun. Et là... ben ça passe ou ça casse. Et chaque jour est un nouveau défi : alliance dans l'avancée, ou individualisation. On s'arrête ou on continue ?

Allez, va, je ne suis ni amer, ni triste, ni découragé. J'ai vécu plein de choses très belles, et c'est ça qui compte. Plein de souvenirs dans la tête. Je sais que j'ai apporté quelque chose de bon à un moment donné, et que j'ai aidé aussi. Et maintenant, il me reste plein de nouvelles pages à écrire... avec qui le désirera avec moi.

Elle est pas belle la vie ?








Du besoin au désir




Mercredi 14 mars


Lorsque j'ai une écriture "libératrice", comme ces derniers temps, ça fuse un peu dans tous les sens. J'ai beau essayer d'avoir les mots justes, de mesurer le jaillissement de mes réflexions, je sais qu'il y a un effet d'emballement. Je suis à fond dans mon sujet et il se peut que je me laisse emporter [ce qui, d'ailleurs, ne devrait avoir aucune importance puisque je suis libre -théoriquement- d'écrire ce qui me plaît...]

En général, dans ces moments là, il y a un effet expansif après contention : ça gicle, ça gonfle, ça déborde, ça crépite et ça postillonne. Les mots que j'utilise peuvent correspondre à une certaine jouissance de leur découverte. Ainsi en est-il du mot "violence", que j'ai utilisé abondamment ces derniers jours.

J'ai besoin de nommer certaines choses au moment où je découvre que je les refoulais. Je devrais d'ailleurs parler de redécouverte, tant nécessite de réitérations un processus d'intégration. Alors j'en use et j'en abuse. Violent, violence, vi-o-len-ce !

Le mot "violence" est fort. En fait il traduit une idée, une tendance, et pas un acte pur. La violence en question peut être minime, en valeur absolue. Par exemple se voir regardé avec un sale oeil, c'est une violence, être agressé verbalement aussi, mais bon... on y survit. Lorsque je parle de violence psychique, ce peut être un jugement, une dévalorisation, un dénigrement. Ou nier, ne pas tenir compte, minimiser. Ou se moquer, parler de façon cassante, déformer des propos. La liste est sans fin. Rien de bien grave en soi. C'est le renouvellement de ces micro-violences qui, à la longue devient "violent", si on ne sait pas en cesser l'installation.

C'est à ce moment-là que devraient, normalement, se dresser certaines limites. Exprimer un désaccord avec ce qui est entendu avant que ce ne soit perçu comme trop violent. Cela nécessite de bien se connaître pour détecter au plus tôt ce ressenti préjudiciable

Bon, évidemment, tout ce que je découvre ou redécouvre tardivement met en évidence la méconnaissance que j'avais de mes limites. Pas étonnant : apprendre à me connaître est un des buts de ce journal ! Plus subtilement, m'apparaît aussi ma capacité à accepter ce qui me fait du mal... Comme si j'y étais habitué. Comme si j'acceptais par avance de subir une violence qui anihile ma capacité de résistance...

Merci papa...

Tant de choses me ramènent à ces comportements adoptés dans l'enfance !

Et tout cela apparaît en grande partie grâce à ce journal. Ou même au simple fait de penser, à n'importe quel moment de la journée, à ce journal-confident. Ce que j'y ai écrit auparavant, ce que j'aurais envie d'écrire à un instant donné...

Journal-révélateur.



A l'évidence mon mode d'écriture est d'ordre analytique : je fouille dans le passé pour comprendre les actes du présent et fais remonter quelques souffrance et traumatismes d'enfance. Nous avons tous ce genre de séquelles et je crois qu'il est bon de les mettre à jour. Sauf que généralement ce genre de choses ne s'exprime pas en public... Dévoilement incongru. Potentiellement gênant.

Pourquoi le fais-je, alors ? Euh... probablement parce que ça me fait du bien. Parce que j'y trouve une satisfaction [ne me demandez pas de l'analyser...]. Ou plutôt un rééquilibrage. Ce n'est pas vraiment de l'ordre du choix, mais de l'impérieuse nécessité : j'ai besoin de me sortir de mes carcans mentaux.

Ai-je eu raison de le faire en public ? Oui, pour les points que je viens de citer. Oui aussi, à titre de témoignage. Oui encore parce que vos présences quasi-muettes me stimulent. Puisque je veux bien me livrer à nu, tandis que que ça aide des gens qui me lisent, pourquoi me retenir ?

Mais euh...

... ahem... par rapport à quelqu'une avec qui j'étais en relation, ça n'a certainement pas été une bonne chose. Naaan, pas du tout. Enfin... pas une bonne chose pour le "nous". Mais bon... tant pis [quoi dire d'autre ?]. En prenant cette option de la transparence, il y a trèèèèès longtemps, je sentais bien qu'il y avait une part de risque. Il y avait aussi une part de chance : continuer à construire une relation forte, empreinte d'une très grande authenticité. J'ai tenté cette chance et je ne le regrette pas [j'aurais appris que trop se dévoiler était une erreur].

Hélas... ma volonté d'aller au fond des choses n'a pas du tout eu, pour diverses raisons, l'effet escompté (favoriser le dialogue, ouvrir à l'échange sincère, entretenir un lien de confiance). J'ai commis l'erreur (?) de persister à écrire sur la relation. L'erreur, aussi, d'émettre des idées "négatives" au sujet des complications. Ça c'est une mauvaise chose, je le crois vraiment. Mais bon... en situation difficile, on fait comme on peut pour ne pas couler. Chacun sa barque, et chacun sa façon de ramer.

Cette relation étant née de l'échange par l'écriture et sous le signe d'une remise en question permanente portée par ce journal, j'étais pris dans un engrenage dont je ne savais plus comment sortir. Sans même savoir si je devais réellement en sortir.... Ce n'était pas qu'une question de volonté, mais bien d'un enjeu relationnel. Ce qui s'est joué dans ce dévoilement écrit sous un regard singulier est certainement assez complexe et je le comprendrai, si nécessaire, en temps voulu. Mais en gros, soit j'optais pour le "je", soit je le sacrifiais au "nous"... qui ne pouvait pas exister sans un "je" suffisamment fort.

Était-ce une bonne ou une mauvaise chose de continuer à écrire ici, publiquement, accessible à mon amie ? Impossible à savoir, et peu importe. Ça s'est fait comme ça parce que la dynamique relationnelle en a voulu ainsi. Toujours cette logique contradictoire de la communication contre le "silence" (relatif), qui s'est jouée à deux. Comme tout ce qui se joue dans une relation.

J'ai fait comme je pouvais, en fonction de la situation face à laquelle je me trouvais et compte tenu de ce que j'étais. Dans toute relation il y a interaction constante, quels que soient les actes de l'un ou de l'autre. Y compris les acceptations. Le silence m'était très contrariant et j'ai pris la porte de sortie qui me permettait d'atténuer cela.

[ça se sent que je me culpabilise d'avoir peut-être mal agi ?]



Dans cette écriture analytique, je me suis donc laissé aller. J'ai déballé ce que j'avais à découvrir. J'ai vidé mon sac, en essayant de le faire le plus proprement possible. Je pense que ça a pu être violent pour ma partenaire, quand elle lisait le sens que je pouvais donner au choses [tout comme le manque d'explications était violent pour moi]. C'était forcément subjectivé, avec une part fantasmée (à l'écriture et à la lecture, d'ailleurs).

Idéalement (?) aurait-il été préférable qu'elle ne me lise pas ? Peut-être... Je n'aurais pas cherché à "communiquer" par ce biais. Et moi je n'aurais pas dû (?) lire ses écrits. Mais bon... la curiosité... le désir de savoir où se situe l'autre, comment il évolue... Nous aurions pu couper ce lien de l'écriture, pour garder intacts les souvenirs figés. Conserver ça comme la relique d'une belle histoire "impossible". Moi ça ne me convenait pas. Je préfère la vérité, et tant pis si elle fait mal. Je préfère l'adaptation aux circonstances. Et tant pis si je souffre. Mais qu'au moins j'avance !

Dévoiler les mécanismes inconscients qui interféraient avec la relation était un pari risqué. C'est pas forcément un cadeau que d'ouvrir ce tiroir obscur, parce que ce qui s'y trouve à beaucoup de chances de réveiller les fantômes de celui qui lit ou écoute. Dynamisation des inconscients, pour le meilleur et pour le pire ! Je ne m'adressais pas à un psychanalyste, qui lui est formé pour rester "à distance" et détecter les transferts...

J'ai été naïf, inexpérimenté. Vouloir jouer le jeu de la transparence a ce point, c'était une erreur... pour le "nous". Mais une bonne chose pour moi.

Finalement c'était bien ça l'enjeu : privilégier soit le "je", soit le "nous". C'était évidemment la première option qu'il fallait suivre, et c'est ce que j'ai fait malgré tous mes états d'âme en voyant que le "nous" s'y désagrégeait.

Pour autant, j'ai toujours cru en ce "nous", que je voulais maintenir vivant. D'où mon effroyable dilemme pendant toutes ces années d'analyse de la dégradation relationnelle.

Je crois que j'ai fait un bon choix en continuant à écrire. Le meilleur pour moi. Le seul qui pouvait me libérer de l'incompréhension. J'ai insisté jusqu'à obtenir les mots dont j'avais besoin, pour comprendre et me détacher. J'en sors grandi. Ce cheminement de distanciation, effectué dans une souffrance étirée, quoique constructive, me permet de rester ouvert. A cette amitié et à d'autres relations.

Je peux désormais regarder le passé sans tristesse, sans amertume, sans révolte. Je peux me réjouir de ce que j'ai vécu, en conserver les meilleurs souvenirs et regarder nos erreurs comme autant de belles leçons de vie. Ça n'a pas été facile, mais le résultat en vallait la peine.

J'ai compris suffisamment de choses pour ne plus être face à un vide de sens. Je n'ai plus besoin d'explications, ni de communication. Je n'ai donc plus besoin de contacts.

C'est fini.

Il reste des désirs, mais ça c'est autre chose....







Conclusion




Samedi 31 mars


Plus je tarde, et plus ça va être compliqué de retracer les choses...

Ça a commencé tandis que je préparais la table ronde de l'APA. J'ai ressenti le besoin de me mettre un peu au clair avec les invraisemblables suites d'une complication amicalo-amoureuse racontée sous les regards d'un public euh... patient. Je n'ai jamais caché que je ne me sentais pas très à l'aise par rapport à cette histoire, sachant depuis très longtemps que d'en parler n'était pas une bonne chose... tout en ayant besoin de ce support pour en sortir. En pensant à la table ronde, j'anticipais d'éventuelles questions sur le respect de l'intimité d'autrui... Heureusement il n'en a rien été. Mais du coup ce souci de clarification m'a permis de mettre à jour quelques éléments importants expliquant les ressorts de ma persévérance. Car il fallait bien qu'elle ait quelque justification, tout de même. À l'évidence rien de tout cela ne s'est fait à la légère : ni la persévérance, ni l'éloignement, ne sont dus au hasard. Il s'agit bien d'un même mécanisme, conjointement animé, bien qu'il agisse dans des sens opposés. Mon travail continu d'analyse m'a permis d'aller toujours plus loin dans le nécessaire détachement, tellement compliqué à mettre en application dans une dynamique relationnelle finalement assez folle.

Il y a quelques temps des propos inattendus m'ont fait prendre la mesure, une nouvelle fois, de tout ce qu'il y avait de malsain à demeurer dans une forme de (non-)communication souterraine. La complicité active-passive devait cesser, absolument et définitivement. A plusieurs reprises, déjà, j'avais déjà tenté de cesser, mais diverses péripéties m'avaient de nouveau poussé à aborder ce sujet effarrant d'absurdité.
J'admet donc qu'il n'y a qu'une seule option pour que cela s'arrête: aller à deux dans le même sens. L'un des deux doit céder et ce ne peut être que moi. Je dois donc "oublier" totalement ce sujet dans mes écrits.

[Ce qui ne me dit pas comment je vais pouvoir poursuivre ce journal...]

Continuer à parler du passé répondait pour moi à un besoin fondamental de comprendre, avec un désir non-dissimulé de partage, mais constituait aussi une forme idiote de résistance à l'effacement de ce qui n'est plus. Je me laissais régulièrement emporter dans une sorte de piège dont j'étais la première victime. Or je ne peux qu'accepter ce qui est, et qui m'a été exprimé suffisamment clairement. Le dialogue est rompu dans les faits, il convient qu'il le soit sous toutes ses formes, journal en ligne compris. Mes analyses sur ce sujet ne doivent donc plus apparaître ici.

J'ignore de quoi je vais pouvoir parler ici, puisque mon Carnet répond déjà à tous les sujets courants. Quant à ce qui est du registre intime... c'est pour le moment encore trop relié à ce sur quoi je veux faire silence. J'ai souvent expliqué à quel point ne plus évoquer cette histoire fondatrice entrait en contradiction avec l'objet de ce journal introspectif, mais maintenant je suis allé suffisamment loin pour me voir dans l'obligation de tourner cette page. Par ailleurs je mesure aussi les effets négatifs de l'auto-analyse en public. Notamment celui de tourner en rond...


* * *



Pour conclure, je recopie ce commentaire tout-à-fait éclairant lu chez Coumarine, qui pourrait expliquer bien des choses de ce que j'ai vécu de si fort avec celle qui fût ma complice:

« Nous avions pris l'habitude, un amoureux et moi, de nous écrire beaucoup. C'était un échange magnifique, profond, très très intense. Et finalement, cela a nui complètement à la relation tant il était impossible après coup d'être dans la simplicité. Toute légèreté entre nous avait disparu et ça nous a rendus très malheureux...

(...)
L'écriture peut être dangereuse car tout y est plus fort, plus dense. Rien n'y est banal. Il faut faire très attention à ce que l'on écrit et à qui on écrit.

Et l'écriture peut être nécessaire, vitale, lorsqu'on est pris dans des sentiments ou un vécu plus grand que soi... »