Avril 2007

Dernière mise à jour:mardi 1 mai 2007 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Yves râle de son poids
(audacieuse contrepèterie)




Dimanche 1er avril


Vous savez quoi ?

? ? hum ? ? ? Hein ? Quoi ? ? [micros branchés chez les lecteurs]

Et ben j'en ai marre de me prendre la tête !

Hein ?? What ? Quoi ? Comment ? ??!!?

Si si, je vous assure : j'en ai ras le bol de me poser autant de questions.

Noooooon, pas possible ! Enfin !! Aaaaaaaah !!! Ouaissss ! Supeeeeer !

Hé hé...

Hé oh, attendez, y's'fout d'not'geule, là !

Comment ça ?

Ben regardez la date du jour !

Ah oui, bien sûr !
Ha ha c'te blague !
Oui, ça m'aurait étonné aussi !
Ah l'enfoiré, y nous a bien eus !

Ça y est, c'est fini les sarcasmes ?

... ... ... ... ...

Bon, ça fait un moment que ça couve : j'en ai marre de cogiter tout le temps. Vient un moment où le besoin d'agir se fait sentir.

Il a l'air sérieux !
Hé hé, c'est pas un scoop: il à toujours l'air sérieux... mpfffouahaha !!!

Il m'a fallu tout ce temps pour "rattraper" un énorme retard relationnel, comprendre l'origine de mes handicaps, et saisir un peu mieux ce qui me perturbait dans mon rapport aux autres. Mais théoriser ne suffit pas : il faut agir. Et là, maintenant, je crois être arrivé à un niveau de confiance suffisant pour me jeter à l'eau. Ça ne veut pas dire que les choses vont changer du jour au lendemain, mais que j'ai la volonté de me lancer, et que je sais que c'est un passage obligé. Je reprends la route après un loooooong détour.



Ça y-est, il a déjà fini ?
Aussi court ? 
Ben dis donc...
Y doit être malade...

Il a dû se trouver un remplaçant...



Y'a pas le pesant de mots habituel, là...






Humeur joyeuse




Mardi 3 mars


La vie est bien facétieuse...

Alors que je décide de changer quelque chose dans ce journal (changer de sujet, écrire moins long, agir plutôt que cogiter...) voila que la masse molle et informe dissimulée sous ma tignasse grisonnante se met à envoyer des signaux multiples et à haute densité. Ah ben bravo, moi qui cherchais le calme !

Je me disais « ça suffit de toujours analyser » et voila que les hasards s'additionnent pour me proposer de multiples pistes de réflexion !

A moins que... à moins que ne ce soit l'inverse : c'est parce que je prends du recul que ça libère de nouvelles pistes !

Ah oui, c'est plutôt ça.

Une sorte d'eurêka en gestation, avec tout un tas de choses sans lien direct mais qui s'agitent de concert, se préparant à converger jusqu'à ce que se déclenche une apothéose alchimique impulsée par je ne sais quel micro-évènement qui servira de révélateur. Ouais, je connais bien ce processus archimédien maintenant.

OoOooh oui, ça bouge là dedans. Ça frétille ! J'ai hâte de voir ce qui va en sortir.


Honnêtement, il y a quelques jours ça n'allait pas très fort. Pas le goût de vivre, tout simplement. Mais je savais que ce n'était qu'un point bas... y'avait qu'à attendre la prochaine remontée [y suffit de pas avoir de corde au moment où on est tout en bas...]. Là c'est la mise en ligne (partielle) de mon texte du 31 mars qui à servi de déclic. J'ai posé ce que j'avais à dire, j'en ai sabré les deux tiers, parce que ça n'avait rien à faire ici, et j'ai mis en ligne.  Pif, paf, dès le lendemain vous avez vu ce retournement spectaculaire, exploit digne d'une crépière bretonne chevronnée ? Reparti à fond la caisse !

Ouais, je sais, vous ne savez pas forcément à quoi je fais allusion. Mais moi oui, c'est ce qui compte, hein ?

Voui, je suis un peu familier avec vous. Hé hé, je suis d'humeur joyeuse.

Oui, je sais, ça change des gnagnasseries habituelles. Ras le bol des pleurnicheries ! Faut qu'ça change ! J'allais quand même pas me lamenter toute ma vie...

Bon ben allez, à la prochaine les kikis !

[vraiment, quelle familiarité ! Il est bourré ou quoi ?]




PS: la contrepèterie du 1er avril, plus auditive que scriptrurale, mâtinée de verlan et quelque peu tirée par les cheveux, était la suivante:
Yves râle de son poids = Poids son de râle Yves = Poisson d'âve ryles


Ouais bon, on fait c'qu'on peut...








Pas fréquentable




Mercredi 4 avril


Charlotte est passée chez moi, ce matin. Nous avions un rendez-vous à la Mairie au sujet des biens que nous vendons. Dans la conversation elle a glissé quelques mots porteurs d'un sens flou, non dénué de sous-entendus. Mon radar interne détecte désormais tout de suite ce genre de choses, et je lui ai demandé de préciser. Ce à quoi elle a rétorqué qu'il « vallait mieux ne pas revenir sur le passé ».

Hum... j'ai réfléchi quelques secondes.

Revenir sur le passé est inutile, c'est exact. En même temps, glisser subrepticement des petites phrases allusives risque fort de m'amener à des demandes de précisions. Donc soit on en parle librement... soit on ne glisse pas de petite phrase. Sinon je me retrouve encombré d'un truc poisseux dont je ne cerne pas les contours, un de ces non-dits dont je sais maintenant à quel point ils gangrènent le relationnel.

J'ai donc demandé des précisions...

« J'ai dit cette phrase en pensant que tu avais intégré (accepté) ce à quoi je faisais allusion », m'a t'elle répondu. Euh... oui... formulation tellement... *éclairante* que cela me faisait glisser vers des demandes de précisions complémentaires !
« Euh... attends, faudrait quand même que je sache de quoi on parle, là... », ai-je aimablement rétorqué tout en sentant bien la pente savoneuse sur laquelle je m'aventurais [zouip zouiiiiiiip!]. Mais je n'ai pas insisté parce que je sais très bien que c'est là que se situe LE problème de notre relation : nous n'avons pas le même besoin d'aller dans le détail. Nous ne descendons pas au même palier dans le tréfond des galeries de nos complications internes. Charlotte, à un certain niveau de discussion et d'embarras, a besoin d'en sortir : décider, trancher, choisir. C'est ça façon d'être et, maintenant que je l'ai comprise, je l'accepte. Chercher à la pousser plus loin conduit à la catastrophe, avec augmentation de son stress et de son agressivité. Elle se protège de ce qui la met en péril et elle a bien raison, si elle le ressent ainsi.

Mais moi... euh... je vais vous livrer un scoop hallucinant : j'aime approfondir les choses. Dans le genre mineur de fond besogneux, explorateur de sinuosités.

Ouais... je comprends bien que ce ne soit pas forcément apprécié par tout le monde. Mes décorticages peuvent être assez chiants, à la longue, je l'admet. En même temps c'est ma façon d'être actuellement. Tant qu'à mes yeux il reste des zones d'ombre qui me posent question... ben je ne me sens pas en paix.

Et oui, je suis fait comme ça ! Pour le moment, du moins. J'aime que les choses soient limpides. Or dès que je me trouve face à un problème un peu complexe, la limpidité ne va pas de soi. Souvent il faudrait fractionner, simplifier, donc décortiquer élément par élément. Tout le monde n'a pas le goût à ça...

Moi c'est pas que j'en aie un goût immodéré, mais c'est que j'en ai besoin, en l'état actuel de ce que je suis. Mon équilibre harmonique passe par là.

Alors je me dis que, de près, je ne suis peut-être pas très fréquentable...

Avec ma soif de comprendre, de découvrir, de m'enrichir... et d'avancer pour rattraper les années immobiles, ben je suis certainement assez usant, à la longue. Imaginez si vous deviez passer votre temps avec moi, hein !!! [éparpillement de lecteurs comme une volée d'oiseaux après un coup de fusil...].

Meuh non, je ne suis pas que ça ! Et puis je ne l'ai pas toujours été. C'est surtout depuis que j'ai commencé ma crise de quarantaine [l'est carabinée celle-là !]. Probablement parce que j'en avais marre de me sentir mal à l'aise avec les autres, parce que je n'osais pas affirmer ma singularité. De là est partie la réflexion : qui suis-je ? que pense-je ? que veux-je faire de ma vie ? suis-je cohérent avec moi-même ? etc...

Et vous, vous êtes les témoins ébaubis et ravis de mes divagations [ouais, sinon vous seriez déjà partis...]

Bon, mais justement, j'ai plus trop envie d'analyser, mais plutôt de ressentir. Alors vous m'excuserez si je ne vais pas plus loin dans ce que d'aucuns qualifieraient de "prise de tête", mais je préfère laisser ces quelques idées infuser en moi tranquillement.

Sinon y'en aurait encore pour des pages...








Le temps d'agir




Jeudi 5 avril


Rendez-vous chez ma psy, ce matin. Elle m'accueille avec le sourire. Sans idée préalable, j'entame mon déballage égotiste avec ce bout de phrase, qui va me servir d'amorce : « j'ai des difficultés à agir ».  

Difficile d'agir, parce que je ne sais pas toujours choisir (donc renoncer), parce que je voudrais faire au mieux, parce que je ne veux pas me fermer de porte de changement ni perdre ma liberté... enfin bref : parce que j'essaie de combiner tellement de facteurs de détermination que je deviens incapable de décider entre de multiples possibilités...

J'ai bla-blaté un moment, pendant que ma psy faisait son boulot : ne rien dire. Et puis j'en suis arrivé, je ne sais plus comment, à l'idée d'engagement.

Jadis, je n'ai pas voulu choisir entre deux relations parce que je m'étais engagé irrévocablement des deux côtés simultanément. L'une correspondait au passé (immaturité, infantilisation), l'autre était mon avenir d'homme désirant (mais complexe à mettre en oeuvre). Je vous épargne le détail du pourquoi de ce double engagement, ainsi que ce qu'il signifie, ce n'est pas ce qui m'importe maintenant.

L'important, c'est que ma psy m'a fait sentir le lien entre ma difficulté à agir (choisir, décider, trancher...) et la très haute idée que j'ai de l'engagement.

Un engagement, pour moi, ça ne se désengage pas ! Ce n'est pas réversible ! Donc je ne m'engage pas à la légère.

Pas étonnant que tout choix un peu complexe et/ou engageant à long terme [ce qui est le cas de beaucoup de choix...] en devienne un casse tête immobilisant. Je mets trop d'enjeux dans la balance. Je cogite alors sans fin à la recherche de la solution optimale, repoussant la décision d'agir.
Bon, là il faudrait moduler, parce qu'un engagement n'est pas forcément global et pourrait être détaillé élément par élément. Par exemple, les lecteurs assidus se souviendront de mes réflexions sur l'engagement de "fidélité" dans le mariage, et à quel point j'avais scindé fidélité sexuelle, affective, relationnelle...

Actuellement [et ça dure depuis quelques années...] ma difficulté à agir se situe au niveau de mon orientation professionnelle : je ne sais toujours pas vers quoi me diriger pour me mettre à l'abri de l'incertitude financière... tout en gardant mon indépendance... et faire quelque chose qui me plaît ! [ben quoi ? c'est trop demander ?]. En fait je sais bien ce que je voudrais faire, mais n'en ai pas les moyens financiers.

Et le pire, c'est que tant que je n'ai pas cette place dans la société je ne me sens pas "homme". Donc pas viril, pas masculin. Et pas libre de mes choix ! Au contraire je me retrouve en échec dans le regard de mon entourage, qui s'inquiète pour moi comme si j'étais un petit garçon immature et rêveur qui ne se rend pas compte des réalités de la vie [oh punaise, que ça m'énerve ça...].

J'y vois un rappel, trois décennies plus tard, de l'étiquette dévalorisante de l'élève "en échec scolaire" qui me caractérisait pendant mon adolescence. Je me perçevais comme un raté, celui qui occasionne du souci a ceux qui s'occupent de lui, celui qui ne comprend rien...

Dans ma tête ça va bien maintenant, et je me fais suffisamment confiance. Mais dans les faits il semble que je donne l'image de quelqu'un qui est un peu paumé [nuance : c'est juste que je n'ai pas encore trouvé !]. Du coup j'évite le regard de ces autres. J'évite de les rencontrer.

D'ailleurs je commence à me "protéger" de quiconque me renvoie ce reflet négatif du rêveur immature, à commencer par Charlotte...



En fait, ce n'est pas tant que tu as des difficultés à agir, c'est qu'il te faut du temps pour répondre aux défis auxquels tu t'attaques.

Euh... oui.

Ne t'attardes pas ce qu'en pensent les autres, mais fais-toi confiance. Suis ton intuition... et laisse-toi le temps de parvenir à tes fins.



À propos d'engagement, je parlais hier avec Charlotte du mariage, acte engageant s'il en est [conversation ayant probablement induit cette idée dans mes élucubration psychothérapeuthiques matinales...]. Ah, le mariage... un truc auquel, maintenant, je n'adhère plus [notes aux récents marié(e)s qui me lisent : je parle pour moi, hein !]. Selon mes critères, la facilité de casser cet engagement lui ôte ce qui en faisait la valeur. Il n'a plus le sens que je lui donnais, et je ne sais plus ce qu'il représente pour moi. Il y a quelques années (avant que Charlotte ne me parle de divorcer), je pensais l'inverse : j'avais une très haute idée de cet engagement. Je ne comprenais pas bien qu'on ne se marie pas lorsqu'on s'aimait. Qu'on n'aie pas l'audace de s'engager pour de bon. Pour la vie. Ouais, carrément ! J'avais une vision des choses quelque peu entière...

J'ai changé radicalement d'avis en constatant, éberlué, les réactions de celles avec qui je m'étais considéré comme "engagé" (mariage ou pas, d'ailleurs), et qui n'avaient pas la même vision que moi de l'engagement relationnel...

Ah ben oui, c'est vrai, nous sommes tous différents...
Depuis, j'ai admis que je pouvais observer les choses sous un nouvel angle : ne pas s'obliger à rester dans une situation désagréable à vivre.

Non, non, ne me regardez pas avec cet air ahuri comme si c'était évident : j'avais un héritage éducatif chargé !

Maintenant, je ne crois absolument plus en l'idée d'engagement relationnel, en fonction de ce que je me sais être. Pour simplifier je serais du genre à déclarer avec solennité « Croix de bois, croix de fer, je m'engage... jusqu'à ce que je change d'avis », crachant par terre pour valider la formule. Inutile de préciser sous quelle forme j'envisage toute nouvelle relation...

Reste quand même à régler l'épineux problème de la reconversion de mes engagements pris antérieurement...


Je me marre tout seul en voyant ce renversement total de situation ! J'ai adopté le comportement qui m'inquiétait tant ! Je cherchais à m'assurer de ne jamais être "abandonné", et voila que je refuse désormais toute idée d'engagement.

Wow, c'est probablement là le changement le plus radical de mon mode de pensée !








De la relativisation de l'échec




Vendredi 6 avril


A propos d'échec et d'engagement relationnel, voici un texte tout à fait juste et éclairant qui m'a été communiqué. Il résulte de difficultés relationnelles au sein d'un petit groupe de discussion, et répond à une remarque qui qualifiait d'échec le processus d'éclatement éventuel dudit groupe.

Il offre un intéressant contrepoint à l'idée d'engagement à long terme tout en apportant beaucoup de résonnances avec mon vécu de ces dernières années. Je vous le livre tel quel, appréciant beaucoup la sagesse qui s'en dégage...



« Il n'y a rien de plus intéressant que les échecs... Plein d'enseignements à en tirer. D'ailleurs, il y a peu de choses qui méritent vraiment d'être appelé « échecs ». Il serait bien pessimiste (pour ne pas dire méprisant) de qualifier d'échec une expérience qui nous a enrichi pendant longtemps et dont nous n'avons sûrement pas encore cueilli tous les fruits !

L'échec, c'est quoi au juste ?

Ne pas arriver au but qu'on s'était fixé ? Mais qui dit que le but en question était, premièrement, quelque chose de réalisable, et deuxièmement, quelque chose de « souhaitable » ? Ne serait-ce pas un peu présomptueux ?


Dans notre relation à quatre nous sommes allés loin je crois. Loin « dans l'Autre », à charcuter sans ménagement, sans concession, dans le seul but de nous découvrir nous même et, secondairement, de permettre à l'Autre de trouver des trucs perso.

Il est normal qu'en procédant de la sorte, quand on arrive à l'os, c'est à dire soit en s'attaquant au noyau dur, soit en relevant nos incohérences, nos « fuites » sémantiques ou en mettant à nu tous autres petits arrangements avec notre conscience, on peut se sentir ébranlé dans nos fondements et on n'a pas envie de voir tout le château de cartes seffondrer...

L'expérience n'est valable que si elle est « extrême » et cela signifie une acceptation sans réserve du scalpel de l'Autre jusqu'à ce que la douleur prenne le dessus. A jouer dans ce registre, on risque l'explosion, c'est vrai. Mais c'est la règle.

Par ailleurs, notre expérience « aux limites du supportable » demande une confiance presque absolue dans la « bonne foi » de l'Autre. (...) Mais nous ne sommes pas tous égaux en matière de confiance en soi, de limites de notre espace privé, de peurs, de pudeur, etc.

Je suis d'accord sur le fond avec l'idée d'un « bas les masques, sinon ça ne m'intéresse pas ». Si nos échanges se bornent à nous filer des recettes de cuisine ou relater nos balades dominicales, même si c'est très sympathique, je n'alimenterais pas longtemps... (...) Je veux de l'authentique, du vrai, du « de derrière les fagots qui obstruent notre troisième oeil ». Je n'ai plus de « temps à perdre ».

Je n'ai à aucun moment mis en doute la sincérité de nos échanges. Je n'ai pas trouvé l'authenticité de tous, mais c'est un autre problème... Je l'ai peut-être rencontrée mais ne suis pas apte à la reconnaître ou à l'accepter comme telle. C'est différent.


Le début de la fin... quelle idée nostalgique !
Le jour de ta première respiration, c'est le début de la fin...

Vie/Mort/Vie, renaissance du Phénix, rythme de la respiration, du coeur qui bat. En haut, en bas, en haut... C'est la Danse de la Vie.

La fin d'un truc, le début d'un autre, se nourrir de ce qui a vécu pour enrichir le terreau de ce qui va naître, ici ou ailleurs... en dehors, en dedans...

On taille les arbres pour qu'ils poussent plus drus...

Plutôt que de pleurer sur ce qui a été, je préfère dire MERCI à Madame la Vie qui a fait qu'on s'est rencontrés, qu'on a fait un bout de chemin ensemble, qu'on a osé aller le plus loin possible et espérer que plein d'autres expériences nous attendent, ensemble, séparément, avec d'autres... »


Reproduit et "anonymisé" avec l'autorisation de l'auteur.







Le savoir et l'être




Dimanche 15 avril


« Une vie peut très bien ne se justifier que par le combat. J'ai consacré la mienne à livrer bataille contre les séquelles d'une infirmité qui a fini par occuper le centre de mon existence. Aujourd'hui celles-ci me laissent quelque répit, mais, à ma grande surprise, la lutte me manque. Plus largement, mon désarroi révèle un danger inattendu : se bâtir contre l'adversité, se lancer constamment des défis pour échapper au présent, n'est-ce pas différer les occasions de joie ? Il me plaît de rejoindre les philosophes pour quitter cette logique de guerre qui toujours prépare au bonheur sans qu'il soit cependant jamais vécu, qui forge des idéeaux pour fuir le réel mais s'enferme dans les regrets.
(...) Je l'avoue d'emblée, j'en ai marre de ressasser mon histoire (...) Si le handicap fur la porte ouverte à une réflexion, je souhaite désormais, sans la nier, la franchir, aller plus loin. Une chose est de refuser sa singularité, une autre est de s'y complaire, s'y claquemurer. »


Alexandre Jollien, avant-propos de "La construction de soi".




Ces lignes, lues il y a quelques semaines, résument parfaitement mon état d'esprit actuel : je suis fatigué de ressasser mon histoire et de différer le temps du bonheur à vivre.

Conséquence immédiate : j'en ai marre de passer du temps à écrire plutôt qu'à vivre. Le temps semble venu de réduire l'intensité de ce travail incessant. Non pas de cesser cette lutte, conquête illusoire d'une liberté qui ne sera jamais totale, mais ne plus en faire un objectif. Seulement un moyen.

Je suis désormais capable de vivre d'une façon tout-à fait satisfaisante, même si c'est encore loin du bien-être idéal auquel j'aspire. Je vis suffisamment bien. Mon handicap relationnel existe toujours, mais j'ai acquis suffisamment de connaissance de moi, et de repères de solidité, pour renoncer à la permanence de ce combat. Je me sais être capable d'être en relation avec autrui, je me sais être apprécié par suffisamment de personnes pour ne plus rechercher dans les regards extérieurs cette confiance en moi qui me faisait tant défaut.

J'entends les appréciations favorables que l'on a sur moi, je les accepte sans remettre en question leur véracité.

Mais si tout cela a bel et bien été rendu possible par l'écrit, j'ai compris désormais que la graphomanie peut devenir un piège, voire une aimable fuite. Monde des pensées solitaires où seul l'imaginaire définit les possibles... 

Et puis je suis non seulement fatigué d'écrire en longueur, mais surtout bien plus enclin à l'échange direct. Auparavant je redoutais les risques de cette expression spontanée et l'effet de surprise ou de déstabilisation qui pouvait en découler.  Aujourd'hui j'en apprécie au contraire les caractéristiques et les possibilités. Je préfère le dialogue les yeux dans les yeux, ou de bouche à oreille. Je ne le crains plus. Je sais y trouver ma place, je sais y exister.

Je me lasse de l'introspection. J'ai beaucoup appris en analysant mes réactions et celles d'autrui, mais cette compréhension n'a finalement que peu d'effets si elle ne fait qu'ouvrir des portes successives. C'est une clé, mais il faut franchir les passages qu'elle ouvre. A quoi cela sert d'aller toujours plus loin si je ne sais pas vivre ce que j'ai découvert antérieurement ? Ouvrir seulement les portes donne une idée de ce qu'il y a derrière, mais il faut pénétrer ces mondes nouveaux et se coltiner à leur réalité, mettre en pratique le savoir théorique. Je sais beaucoup de choses... mais ce qui compte c'est ce que je sais en faire. Ce n'est évidemment pas le savoir qui importe, mais l'être.






Laisser aller




Vendredi 20 avril


Soyons honnête : je n'allais pas très fort ces derniers temps.

Parce qu'en présence des autres le mal qui m'affecte disparaît, je pense qu'en apparence ça ne se voyait pas. Mais dès que je me retrouvais seul ça revenait. Maintenant ça va mieux, bien que rien ne soit guéri.

Je ne crois pas que ce soit un effet de la solitude. Je ne la sens pas me peser puisque je saisis chaque occasion d'échange ou de rencontre, et elles ont été fréquentes ces derniers temps. D'ailleurs, heureusement qu'il y a ces présences pour animer mon existence. Certes, je me sens plutôt bien en célibataire mais je ne crois pas que cette situation me convienne lorsque je commence à broyer du noir...

Mais ce mal qui m'atteint n'est pas lié au relationnel. Il s'agit de l'absence de projets. Le manque de visions d'avenir. Pas de désirs réalisables en vue. Je ne prévois rien pour le futur et vis au jour le jour. Ce n'est pas désagréable... mais pas vraiment porteur. Je subis les fluctuations de mes états d'âme, me laissant balloter par la houle en suivant les courants.

Oui, c'est ça : je me laisse aller. Parfois joyeux et volubile, à d'autres moments sans aucune énergie. Dépourvu d'enthousiasme. Flasque. J'ai peut-être un peu trop lâché prise ? À la longue c'est embêtant...

C'est embêtant parce que... je n'ai pas d'envies [j'avais écrit "pas envie de vivre", mais ça faisait un peu tragique].

Je n'y crois plus. Y'a plus d'élan vital. C'est comme si quelque chose ne cessait de se déliter en même temps que je me construis, avec l'impression de ne plus avancer. « À quoi bon ? », me dis-je. Même mon écriture se tarit : à quoi ça sert de décrypter autant le mécanisme de mon rapport à autrui si c'est pour me rendre compte que mes désirs sont inaccessibles ?

Boaf... [long soupir...]

Oui oui, je sais, c'est une vision pessimiste. Ou réaliste, selon le point de vue.

Voila justement le piège de l'écriture introspective solitaire : se construire une réalité subjective. Mon mal vient peut-être de trop de face à face avec moi-même. Or je me sais assez peu objectif vis à vis de moi...

Le regard des autres me renvoie l'image de quelqu'un de plutôt courageux, qui a entrepris un énorme travail, et qui ne baisse pas les bras. On me perçoit aussi comme digne de confiance, honnête [voire trop honnête, trop scrupuleux, trop sincère...]. On m'encourage à laisser aux choses le temps de se faire, à l'évolution de se produire, et que les résultats en vaudront la peine...

Voui, sans doute... mais l'animal est fatigué.

Peut-être est-ce aussi une des raisons de mon manque d'énergie : j'ai plus de jus. J'ai pompé sur les réserves pour atteindre mes objectifs mais certains, chimériques, étaient de véritables puits sans fond. Et pourtant il me faut encore de l'énergie pour investir un nouveau travail et gagner de l'argent... sans lequel tout le reste n'est guère possible. Je peux bien me sentir libre, sans moyens de subsistance je n'irai pas loin.


Mais est-ce un vraiment hasard si je me trouve dans ce marasme ?

Ne serait-ce pas encore une subtile manoeuvre de mon inconscient ? [oui, je sais, j'ai dit que je cessais de m'analyser... il n'empêche que certaines coïncidences sont troublantes]. Je suis libre dans ma tête [enfin... disons bien plus libre qu'avant] mais, faute de moyens, je suis immobilisé.
Bizarre, non ?

J'en parlais un peu avec Charlotte, récemment : la vie m'entraîne vers une existence relativement "insécure", pour ne pas dire aventureuse. Ce qui m'attirerait plutôt... sauf que je suis un peu froussard devant l'inconnu. Je n'apprécie ni la routine, ni les chemins balisés, et en même temps j'ai peur dès que je m'en écarte. J'ai peur de me tromper... Pourtant, peu à peu, je vais vers cette insécurité parce que j'ai voulu suivre mes désirs profonds.

Tssss... toujours cette idée de "désirs", d'envies, de motivations...
Le désir... ce qui m'a aspiré vers une vie plus aventureuse [ouais bon, je ne cherche quand même pas à rivaliser avec Indiana Jones...]

En fait, la sécurité matérielle m'importe assez peu [quoique...]. En revanche la sécurité affective semble m'être très importante. C'est comme si mon courage dépendait d'un accompagnement affectif. J'aurais aisément du courage pour deux, comme lorsque j'ai créé mon entreprise... à condition de ne pas être affectivement seul. C'est comme si l'autre me procurait des lunettes pour suivre ma boussole en même temps que le carburant pour me surpasser.

Maintenant il y a plusieurs personnes avec qui j'ai des liens affectifs d'amitié. C'est important et bienfaisant. Mais euh... c'est pas de ce genre d'affectivité dont je parle, si vous voyez ce que je veux dire. Et en même temps, je n'ai pas du tout envie de recommencer à construire une relation ! Pas d'énergie à y consacrer. Pas de motivation. Désirs en berne [hum... ça dépend de quels désirs je parle].

Vous voyez comme la situation est coincée ?



Faut croire que quelque chose à besoin de cette stagnation pour émerger...
Ouaip... faudra bien que je trouve les ressources en moi. Que je sache lire ma boussole tout seul et trouve en ma confiance en moi l'énergie nécessaire pour avancer. C'est d'ailleurs très probablement ça qui doit émerger !

Je sais que ce n'est qu'une question de temps, mais là ça commence à faire long.

Bon, allez... pas d'inquiétude : quand on est dans un creux on ne peut que remonter, hein ? D'ailleurs je sens que ça remonte déjà...







Désinvolture




Vendredi 27 avril


Oups ! Ce journal n'est pas à jour !
Ben oui, un journal, c'est censé être écrit au quotidien. Faut pas se fier à ce qui est écrit un jour, hein, ce n'est que la photographie d'un moment particulier. Alors hop, je change de photo.

Diapo suivante !


Toute trace écrite risque d'être fausse dès l'instant qui suit sa rédaction et c'est ce qui s'est passé avec mon dernier texte. Il était déjà largement périmé alors que je venais de le mettre en ligne. Entretemps j'étais passé chez ma psy...

Mais bon... depuis pas mal de temps ce journal "de travail" (auto-analytique) est très souvent en décalage avec mes pensées après quelques jours ou semaines. C'est une sorte de brouillon (« Les brouillons de soi » à écrit Philippe Lejeune en parlant du journal intime). Il me permet de poser des mots, les laisser décanter, puis les corriger quelques temps plus tard. Ou pas... Car je ne m'amuse pas systématiquement à reprendre mes propos lorsque je me rends compte de mes erreurs. Allez, je le reconnais, j'ai écrit pas mal de conneries ici. Elles étaient "vraies" au moment de la rédaction, mais avec le temps je me suis rendu compte que beaucoup de mes pensées avaient été des fausses pistes. C'est le but de ce travail d'écriture, me direz-vous : conscientisation de soi...

Exact. Sauf que là je le fais en public. Je laisse des traces. Il ne faut jamais oublier que ce n'est que ça : des traces. Des fragments périssables. Parfois ils sont fiables, parfois ils ne sont plus valables. Durant l'écriture je peux corriger immédiatement, ou après quelques temps de recul, mais dès que je considère qu'il s'agit de la version définitive et que je met en ligne, le risque de décalage se pose.

Dooooonc, aujourd'hui, le 27 avril... et bien c'est plus pareil que le 20. Pas seulement parce que je change d'âge [ééééh oui...], mais parce que je vais plutôt bien. Un important travail souterrain (inconscient) semble se faire. Je laisse opérer, c'est du bon...

Je constate déjà que j'adopte un comportement désinvolte (tiens, ce mot me rappelle une formule qui m'avait séduit, autrefois : « l'extraordinaire liberté de la désinvolture »). Je me laisse aller... mais dans le genre apaisement, fin des "prise de tête". Cool, quoi. Et... hum... je me vois adopter un comportement dont j'ai pu souffrir autrefois : je fais les choses lorsque j'en ai envie. Comme euh... répondre aux mails. Hum hum... j'ai une pile de longs mails en attente, mais comme je voudrais y répondre avec ferveur et engouement, ben je reporte de jour en jour. Je ne pense pas que ce soit la seule raison : il y a aussi quelque chose qui se joue de l'ordre du détachement. Ou du "non-attachement" pour être plus précis. Une façon de marquer ma liberté d'être.

Hum hum... y'aurait de quoi en rire : je me vois adopter une posture semblable à celle d'une diariste de mes connaissances sur laquelle je ne m'étendrai pas [hélas...].

Hum, bon, allez, assez écrit.
À la prochaine les kikis...
[ah ben alors, que de familiarités !]



* * *




Pour amateurs du genre archéoscriptural, je m'étais livré à une "correction" de mon dernier texte quelques heures après sa mise en ligne. Chiant à lire, mais pas forcément inintéressant de voir combien, en peu de temps, la "photo" peut être vue sous un autre éclairage. Avec une semaine de recul je serais tenté de modifier quelques modifications, mais faut quand même pas exagérer. Allez hop, tel quel !


« Soyons honnête : je n'allais pas très fort ces derniers temps. C'est un constat, et il était exact.

Parce qu'en présence des autres le mal qui m'affecte disparaît, je pense qu'en apparence ça ne se voyait pas. Les personnes les plus intuitives l'avaient quand même senti avant moi... Mais dès que je me retrouvais seul ça revenait. Maintenant ça va mieux, bien que rien ne soit guéri. Exact.

Je ne crois pas que ce soit un effet de la solitude. Je ne la sens pas me peser puisque je saisis chaque occasion d'échange ou de rencontre, et elles ont été fréquentes ces derniers temps. D'ailleurs, heureusement qu'il y a ces présences pour animer mon existence. Certes, je me sens plutôt bien en célibataire mais je ne crois pas que cette situation me convienne lorsque je commence à broyer du noir... Toujours exact.

Mais ce mal qui m'atteint n'est pas lié au relationnel
est lié au relationnel... mais dans une autre sphère que l'intime. Il s'agit de l'absence de projets. Faux : j'ai des projets forts... mais je n'ose pas agir. Le manque de visions d'avenir. Faux : c'est juste que ce n'est pas possible dans l'immédiat. Pas de désirs réalisables en vue. Tout dépend de l'échéance envisagée... Je ne prévois rien pour le futur (vrai et faux) et vis au jour le jour (vrai). Ce n'est pas désagréable... mais pas vraiment porteur. Je subis les fluctuations de mes états d'âme, me laissant balloter par la houle en suivant les courants. Exact...

Oui, c'est ça : je me laisse aller. Parfois joyeux et volubile, à d'autres moments sans aucune énergie. Dépourvu d'enthousiasme. Flasque. J'ai peut-être un peu trop lâché prise ? À la longue c'est embêtant...

C'est embêtant parce que... je n'ai pas d'envies
[j'avais écrit "pas envie de vivre", mais ça faisait un peu tragique].
En fait, j'ai bien des envies : envie de me réaliser, envie de sortir de mon marasme, envie de vivre en état de paix intérieure. Envie d'aller vers les autres, mais pas seulement avec un objectif personnel : envie d'aider les autres. Mais... j'ai peur de me lancer. C'est cette peur qui me rend "immobile" et fait que... je n'y crois plus. Effectivement, il n'y a plus d'élan vital. C'est comme si quelque chose ne cessait de se déliter en même temps que je me construis, avec l'impression de ne plus avancer. C'est la peur, qui m'empêche de suivre mes désirs. « À quoi bon ? », me dis-je quand je déprime. Même mon écriture se tarit : à quoi ça sert de décrypter autant le mécanisme de mon rapport à autrui si c'est pour me rendre compte que mes désirs sont inaccessibles ?

Boaf...
[long soupir...]

Ce désabusement est évidemment issu du processus d'incommunication qui m'a séparé de mon amie. J'ai eu beaucoup de difficultés à accepter cette dissolution d'une relation dans laquelle j'avais investi énormément d'espoirs et une énergie considérable. Envisager de m'aventurer dans un nouveau défi relationnel (aider les autres) me fait peur. Je crains de nouveau l'échec de communication. Je redoute d'échouer et de me sentir "incapable". Je crains aussi de me retrouver face à mon impuissance face à des cas trop complexes. 

Oui oui, je sais, c'est une vision pessimiste. Ou réaliste, selon le point de vue.
Vision déformée par le découragement... et rappel de vieilles blessures mal cicatrisées.

Voila justement le piège de l'écriture introspective solitaire : se construire une réalité subjective.
Oooooh que oui ! Mon mal vient peut-être de trop de face à face avec moi-même. Non, il vient de l'inaction après avoir compris. Or je me sais assez peu objectif vis à vis de moi... surtout si je me laisse aller à la plainte...

Le regard des autres me renvoie l'image de quelqu'un de plutôt courageux, qui a entrepris un énorme travail, et qui ne baisse pas les bras. On me perçoit aussi comme digne de confiance, honnête
[voire trop honnête, trop scrupuleux, trop sincère... en fonction des risques que je prends à l'être !]. On m'encourage à laisser aux choses le temps de se faire, à l'évolution de se produire, et que les résultats en vaudront la peine...

Voui, sans doute...
c'est certain ! mais l'animal est fatigué... parce qu'il tire dans tous les sens à la fois sans avancer.

Peut-être est-ce aussi une des raisons de mon manque d'énergie : j'ai plus de jus.
Si, mais je ne sais plus dans quelle direction l'envoyer, alors je me décourage. J'ai pompé sur les réserves pour atteindre mes objectifs mais certains, chimériques, étaient de véritables puits sans fond. Exact ! Il suffit de redéfinir des objectifs atteignables. Et pourtant il me faut encore de l'énergie pour investir un nouveau travail et gagner de l'argent... sans lequel tout le reste n'est guère possible. Je peux bien me sentir libre, sans moyens de subsistance je n'irai pas loin. Hé hé... on appelle ça "principe de réalité...


Mais est-ce un vraiment hasard si je me trouve dans ce marasme ?
Certainement pas...

Ne serait-ce pas encore une subtile manoeuvre de mon inconscient ?
[oui, je sais, j'ai dit que je cessais de m'analyser... il n'empêche que certaines coïncidences sont troublantes]. Je suis libre dans ma tête [enfin... disons bien plus libre qu'avant] mais, faute de moyens, je suis immobilisé.
Bizarre, non ?
Non. Suite logique de tout ce que j'ai intellectualisé : vient un moment où il faut passer à l'action. Sinon c'est l'étiolement.

J'en parlais un peu avec Charlotte, récemment : la vie m'entraîne vers une existence relativement "insécure", pour ne pas dire aventureuse. Ce qui m'attirerait plutôt... sauf que je suis un peu
très froussard devant l'inconnu. Je n'apprécie ni la routine, ni les chemins balisés, et en même temps j'ai peur dès que je m'en écarte. J'ai peur de me tromper... Peur de l'échec, peur de l'erreur... Pourtant, peu à peu, je vais vers cette insécurité parce que j'ai voulu suivre mes désirs profonds. Et c'était bien la voie à suivre, le sens de la VIE.

Tssss... toujours cette idée de "désirs", d'envies, de motivations...
Le désir... ce qui m'a aspiré vers une vie plus aventureuse
[ouais bon, je ne cherche quand même pas à rivaliser avec Indiana Jones...].

En fait, la sécurité matérielle m'importe assez peu
[quoique...]. Le confort matériel m'importe peu, mais pas la sécurité. En revanche la sécurité affective semble m'être très importante. C'est comme si mon courage dépendait d'un accompagnement affectif. Restes d'immaturité affective... besoin d'être rassuré sur "les bons choix", avec le risque de dépendance des avis extérieurs, très néfaste. J'aurais aisément du courage pour deux, comme lorsque j'ai créé mon entreprise... à condition de ne pas être affectivement seul. Impression de partager les risques... C'est comme si l'autre me procurait des lunettes pour suivre ma boussole en même temps que le carburant pour me surpasser. Signe de ma dépendance du regard des autres, et d'une insuffisance de confiance en moi.

Maintenant il y a plusieurs personnes avec qui j'ai des liens affectifs d'amitié. C'est important et bienfaisant.
Essentiel ! Mais euh... c'est pas de ce genre d'affectivité dont je parle, si vous voyez ce que je veux dire. Hin hin... non, développe un peu ta pensée pour voir... Et en même temps, je n'ai pas du tout envie de recommencer à construire une relation ! Exact ! Preuves à l'appui... Pas d'énergie à y consacrer. Pas de motivation. Désirs en berne [hum... ça dépend de quels désirs je parle].

Vous voyez comme la situation est coincée ?
Il ne tient qu'à moi de la décoincer en agissant.


Faut croire que quelque chose à besoin de cette stagnation pour émerger...
Tout à fait exact !
Ouaip... faudra bien que je trouve les ressources en moi. Que je sache lire ma boussole tout seul et trouve en ma confiance en moi l'énergie nécessaire pour avancer. C'est d'ailleurs très probablement ça qui doit émerger !
Absolument.

Je sais que ce n'est qu'une question de temps, mais là ça commence à faire long.
Ben... voui... il est peut-être temps de se bouger le cul.

Bon, allez... pas d'inquiétude : quand on est dans un creux on ne peut que remonter, hein ? D'ailleurs je sens que ça remonte déjà...

Alors change pas de main...








La chance de ma vie




Samedi 28 avril


Ce qui m'avait séduit chez elle, c'était sa liberté. Liberté de ton, liberté d'esprit, liberté sentimentale. Lorsque nous nous étions rapprochés, c'était même devenu plus fort que de la séduction : une fascination attractive. Enthousiaste, j'étais fasciné par ce qu'elle était. La seule à m'avoir jamais fait un tel effet. Femme libre, si proche de ce que, sans le savoir, je cherchais à être...

Il suffisait que j'ose écouter cette voix intérieure qui me guidait irrésistiblement vers elle. Vers moi.

J'ai osé, de plus en plus. Je me suis mis en mouvement. Ça s'est mis à craquer de partout pour sortir de cette coque rigide qui m'avait corseté depuis si longtemps. Oh ça n'a pas été facile, mais j'avais avec elle un modèle, un guide : elle le vivait et semblait en être heureuse. C'était donc possible, atteignable.

Elle m'a accompagné et encouragé, soutenu. Je peux dire que c'est grâce à elle que j'ai pu m'émanciper. Je faisais le travail seul... mais je n'étais pas seul. Travail colossal pour l'homme que j'étais, pétri de principes, timide, engoncé dans le costume serré d'une éducation étriquée. D'autres amies, me taquinant, m'ont comparé à un eunuque... elles n'avaient pas tort. Mais elle était là, désirable, attirante, fascinante, époustouflante, et pour me rapprocher d'elle je trouvais l'énergie nécessaire. Je savais qu'elle était ma chance. La chance de ma vie. Si pour elle je n'osais pas... alors je n'oserais jamais. Je ne devais pas manquer cette chance. Pour rien au monde !

Car c'est à un nouveau monde qu'elle m'ouvrait l'accès. Celui de la liberté d'être soi.

J'ai avancé, j'y ai mis une énergie folle. Et j'ai trouvé avec elle la clé de ce que j'ignorais chercher : le désir de vivre pleinement. L'élan vital. Hélas je n'ai pas pu renoncer à mon ancien monde aussi vite que nécessaire, je n'ai pas pu quitter mon ancien costume suffisamment complètement. Ma peau était trop cousue en lui.

Incapable de faire mieux à ce moment là.

Lorsqu'elle s'est sauvée, abandonnant le défi commun, elle a occis l'enfant affectivement immature qui vivait en moi. Et là encore c'était ma chance...

J'ai cru en crever, mais elle me sauvait aussi. En abandonnant l'enfant, elle permettait à l'homme de mûrir dans sa complétude.



Longtemps, longtemps l'enfant s'est acccroché, jusqu'à ce que sa douleur s'éteigne avec lui. C'était la seule issue vers une liberté ouverte au monde.

Il m'a fallu tout ce temps pour comprendre ce qui s'était joué...



Je découvre maintenant qu'en m'éloignant de ce que je ne voulais pas perdre, je m'en suis rapproché. Par l'autre côté. Comme si, en faisant un contournement, ce à quoi je n'avais pu accéder côté jardin je l'atteignais côté cour.

Ce que je voulais approcher... je le deviens.
Je ne tends plus vers... je suis devenu.

En moi je vois ce que je voyais d'elle sans comprendre. Vu de l'intérieur, l'évidence s'impose. Inversion de perspective inattendue qui fait se résoudre d'elles-mêmes les énigmes inadmissibles.

J'étais un ignorant. Je ne connaissais que très partiellement ce que sont les relations d'amitié, l'amour, le désir. Naïf et inexpérimenté, bourré d'utopies, maladroit... [j'ai dû être un vrai fardeau !] Mais si c'est bien face à elle et sa différence que me sont venus les questionnements, c'est en revanche en moi que se trouvaient les réponses.

Parce qu'il fallait du temps et que j'ai voulu aller vite tout s'est coincé. Dans l'urgence la pelote de fils embrouillés est devenue pelote de noeuds, qui se sont inextricablement serrés dans ma précipitation à vouloir les démêler. Je n'aurais pas dû insister...

Ce n'est qu'en suivant les fils un à un que j'ai pu défaire les noeuds l'un après l'autre. C'est en grande partie avec ce journal que j'ai ainsi pu détisser la trame de mon costume étriqué et inadapté. Parfois j'ai trop tiré certains fils, croyant mettre en évidence la transparence alors que je faisais des plis déformants. J'ai accentué des vérités partielles, inabouties, exagérées. Beaucoup de ces ébauches n'étaient que des marchepieds pour voir un peu plus loin : inutiles et périmés une fois le nouveau palier atteint.

J'ai tenté l'expérience de faire ce travail au grand jour et j'ai constaté que c'était une erreur. En cessant de m'exposer ainsi j'ai permis à mon intimité de se restaurer. En faisant taire l'enfant, j'y retrouve une solidité d'homme.

J'ai persévéré... et me découvre libéré.
La vie est devant moi, ouverte.




Un merci particulier à toutes celles qui, d'une façon ou d'une autre, m'aident à (me) comprendre.





Le poids des mots




Dimanche 29 avril


J'aime bien le texte que j'ai mis en ligne hier. Je trouve qu'il traduit bien mon état d'esprit actuel : une prise de recul sereine sur ce qui s'est passé dans ma vie depuis certains évènements déstabilisants, et une vision positive de ce qui découle de cette expérience de vie.

Ouaip, j'en suis content.

Sauf... sauf pour un seul mot. Un mot qui laissait paraître que tout n'est pas encore aussi apaisé que je le dis. Un mot violent duquel exsudait la violence du choc que j'ai ressenti. Un mot outrancier. Une image caricaturée.

Signe que le travail de pacification intérieure et de relativisation n'est pas tout à fait terminé, bien qu'il ait considérablement avancé.


Ce mot de trop, c'était dans le genre "Le poids des mots, le choc des photos", slogan du magazine à sensation "P@ris-M@tch". Du racolage. Un mot qui choque. Excessif. Ça m'agace de constater que je me suis laissé aller à en faire usage. Arhh, j'en ai discrédité tout mon texte ! [pour ceux qui auront lu avant que je ne le supprime]

Mais bon... le côté positif c'est que ça me permet cette prise de conscience, n'est-ce pas ? J'ai reformulé ce que je voulais dire.





Je m'efforce de ne plus évoquer ce sujet, que par ailleurs je n'analyse plus. Façon de "tourner la page". Je le sais encore un peu sensible en moi, bien que la distanciation joue son effet apaisant. Cependant je ne crois pas que de faire comme s'il n'existait plus soit judicieux. Cela a fait partie de ma vie et l'a considérablement influencée, je ne peux pas le passer sous silence.

C'est le choc de ma vie. Double choc, devrais-je dire...

Et précisément je suis heureux de pouvoir en tirer les aspects bénéfiques. Ils sont innombrables. Un jour, lorsque j'aurais terminé le "travail" qui aura découlé de cette expérience relationnelle, que les dernières traces d'amertume se seront dissoutes, je pourrai en parler tout à fait sereinement. Je le veux.

Je crois que j'ai trop longtemps traîné ces casserolles d'enfance et d'adolescence que sont les souffrances non exprimées, les problèmes non résolus, les situations non clarifiées. Je ne veux plus de ça. Depuis une douzaines d'années, lorsque j'ai réalisé combien ce genre de choses m'empoisonnait la vie, je cherche à verbaliser et susciter le dialogue. Parfois maladroitement, parfois en insistant trop, parfois en me trompant, parfois en culpabilisant, parfois en étant agressif. Mais que les mots sortent ! C'est pas forcément joli, mais ça a le mérite de faire bouger les choses. Et tant pis si ça irrite, tant pis si ça génère du conflit, tant pis si ça sépare.

Dans mon expérience plus récente j'ai compris qu'il y avait des façons d'améliorer ma façon de faire. En laissant du temps. En travaillant d'abord ce qui était de mon ressort. En cherchant en moi plutôt qu'en l'autre.

Le conflit est certes nécessaire, utilisé à bon escient, mais s'il casse la relation définitivement... c'est que quelque chose a été raté. Le conflit est un instrument relationnel utile, mais s'il ne trouve pas un apaisement, il y a échec. Paix dans la continuation, ou paix dans la séparation, mais pacification.

En fait, je ne cherche que la paix et le bien-être.



Voila, je referme la parenthèse de cet inépuisable sujet de réflexion, à aborder avec parcimonie...





Changer de point de vue



Lundi 30 avril


Permettez-moi de jongler entre mes différents lieux d'expression...
Sur mon Carnet j'ai posé une réflexion au sujet des relations d'amitié amoureuse, thème qui a looooongtemps occupé cet espace et d'autres, lorsque je me penchais aussi sur le polyamour. A cette réflexion sont venues se greffer des commentaires, des divergences, des élargissements. C'est ce que je désirais. Je sais que ce sujet ne passe jamais inaperçu. Il interpelle. Pour moi il est important d'échanger les points de vue.

Bien des fois on m'a mis en garde contre ce genre de fantasmes, d'idéaux qui ne pouvaient que le rester. C'est bien possible. Il se peut que dans quelques années, après quelques tentatives, je convienne que ce ne sont que des impasses parce que nous ne sommes pas "programmés" pour vivre cela. Oui, peut-être que je changerai d'avis...

Il n'empêche que pour l'heure je n'ai pas suffisamment expérimenté moi-même ce qui m'attire. Et que je n'ai aucune envie de me résigner et de baisser les bras, vaincu d'avance par un supposé savoir de ceux... qui n'ont pas forcément expérimenté cela.

Et même si d'autres l'ont expérimenté et que ça ne leur a pas convenu, rien ne dit que les expériences sont comparables.

Surtout... surtout, pourquoi renoncerais-je à quelque chose qui m'attire, me porte, et me pousse à une meilleure connaissance de moi-même ? Car qu'est-ce qui compte dans tout ça ? Que j'aboutisse à quelque conclusion non-généralisable, ou que je ressente le plaisir d'expérimenter ? Ou autrement dit : est-ce le but qui compte, ou le chemin qui y mène ? Vous connaissez aussi bien que moi la réponse...

Donc, j'expérimente. Je devrais dire que je m'expérimente : de quoi suis-je fait ? de quoi suis-je capable ? où se situent mes propres limites ? Car il est évident que je joue avec mes limites, avec tout ce que ça comporte comme part de risques et de chances si je les dépasse.

L'expérience d'amitié amoureuse que j'ai vécue et longuement narrée ici a été une prodigieuse expérience. Maintenant que je suis parvenu à transcender toute ma souffrance, je me réjouis vraiment de tout ce que j'ai partagé avec mon amie, présente ou absente. Tout cela a été très bon. Même la difficulté à été "bonne", parce qu'instructive, ô combien. J'ai vécu le meilleur, j'ai vécu le "pire de ce que je redoutais", et l'ensemble m'a permis une extraordinaire avancée personnelle.

Ce chemin qui m'a fait passer de la lumière aux ténèbres, pour en renaître, m'a fait changer en profondeur. Pour preuve, ces phrases qui sont sorties de moi à ma grande surprise : « Pour ce qui est de la non durabilité de ce genre d'aventure, oui, peut-être (mais peut-être pas...), mais j'ai envie de dire « et alors ?». On vit ce qui est à vivre, et puis si ça s'éteint chacun part vivre autre chose. La vie est perpétuelle évolution. Il ne faut pas avoir peur du changement... ».

Ce genre de discours est pour moi une révolution complète de mon mode de pensée. J'avais toujours privilégié, revendiqué, attendu, espéré, des liens durables. Je redoutais par dessus tout la perte de l'autre, l'abandon.
Maintenant je vois les choses à l'inverse : rien n'est fait pour durer. Si ça dure, tant mieux, c'est que ça se justifie et que c'est bon. Si ça cesse... c'est que ça devait mourir.

Pour parvenir à ce changement il a fallu que je meure à moi-même. De deuils en deuils, lâchant mes illusions une à une, quelque chose de moi est mort. Et c'est tant mieux ! Je me sens plus libre que jamais.

Étonamment je me retrouve de plus en plus proche des attitudes de mon amie, au temps où son cheminement personnel me fascinait. Bien souvent sous mes doigts je sens se glisser des phrases similaires à celles qui me plaisaient tant lorsque je la lisais. Sans avoir aucune raison de justifier pourquoi mon attachement a été si intense, je vois en cela la confirmation que j'avais bien quelque chose d'extraordinaire à partager avec elle. Je l'ai toujours su...

C'est pas pour rien que j'ai autant persévéré...

Peut-être que ça ne devait pas se dérouler comme je l'imaginais, vu les chemins divergeants qui nous ont éloignés, mais il y avait bien quelque chose de très fort à "partager" (ou à prendre ?). En nous je crois qu'il y a quelque chose de la même trempe, de la même pâte, bien que nous étions en décalage de maturité.

Oh je sais, tout cela peut paraître embelli. Qu'importe... je le vis très bien ainsi. J'ai toujours dit que je ferais en sorte d'émerger de cette expérience avec le sourire. Je ne le pouvais qu'en travaillant sur moi-même pour apaiser mes souffrances, les comprendre, et finalement les laisser se volatiliser. Il y a maintenant pas mal de temps que je ne souffre plus. J'ai continué à travailler sur les traces négatives qui restent. Elles finiront par disparaître totalement, parce que je le veux et que je ferai en sorte qu'il en soit ainsi. C'est ce travail intérieur qui me libère en m'obligeant à revoir la carte de mes représentations. Et c'est ce qui me mène à parfois inverser totalement mon regard sur les relations humaines.

Par exemple hier, en discutant avec une amie, j'en venais même à dire que le silence était peut-être préférable à la parole, lorsqu'elle mène au conflit sans issue. Et que ma volonté de toujours apaiser au plus vite les tensions, afin de restaurer l'harmonie, ne faisait probablement que marquer une tendance fusionnelle : surtout vite raccomoder le lien, pour lequel tout accroc me paraissait menaçant.

Non, il se pourrait bien qu'il soit parfois inutile de revenir sur ce qui sépare. Inutile de disserter des heures sur les raisons qui ont mené à une incompréhension, ou à ce qui a été touché comme sensibilité personnelle. Simplement en prendre acte, chacun de son côté, et poursuivre le chemin là où il s'était suspendu. Sans rancoeur, avec le sourire... parce que ce qui compte c'est d'être bien dans l'instant présent.

Voila, je ne poursuis pas davantage, mais j'avais envie de montrer à quel point peut s'opérer un renversement de point de vue. J'en suis le premier surpris !

Reste à savoir le vivre pleinement, mais ça ne pourra qu'aller en s'améliorant.