Mai 2007

Dernière mise à jour:vendredi 25 mai 2007 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Autonomie




Mardi 8 mai


Je n'en reviens toujours pas : depuis quelques semaines, et en seulement quelques jours, j'ai radicalement changé de regard. Ou disons plutôt que je me suis mis à penser différemment. C'est bien simple : je ne me reconnais plus !

Comment cela a t-il été possible te demandes-tu, lecteur ébahi et avide de réponses ? C'est tout simple : résultat d'années de travail qui ont préparé ce basculement rapide. Au moment où c'était prêt, ça a switché (québequisme signifiant "interrupté"). Je suis moi-même surpris de la célérité avec laquelle les choses se sont produites.

Rapide historique, pour situer le truc : le processus libératoire a été impulsé un an avant que je débute ce journal, lorsque je faisais mes premiers pas vers la rencontre de l'altérité féminine [c'est sobrement formulé, hein ?]. Ébauches de séduction qui m'avaient rapidement effrayé par les potentialités diaboliques [mais ô combien tentantes...] qu'elles offraient. Je n'y étais pas prêt... mais le germe avait planté sa racine.

Un an plus tard, c'est à dire il y a sept ans, j'ai été de nouveau aspiré [ssschhhhlip!] vers ce qui, en latence, attendait le signal adéquat. Découverte fascinante d'une personnalité attachante qui était, en quelque sorte, ce que j'aurais voulu être. Un autre moi, au féminin. Rencontre décisive qui, tout en impulsant ce journal, allait me faire découvrir au fil des ans, et cette fois accepter, ce qu'était le désir. Dans son sens le plus large : désir de vivre, d'avancer, de me battre pour aller vers ce que je crois et ce que je veux. Et surtout pour devenir ce que je n'étais pas encore. Un mouvement résolument dynamique et porteur. J'allais aussi (mais est-ce vraiment distinct ?) découvrir le désir de l'autre, corps et âme, jusque dans le rapprochement le plus intime.

Fllchhkkrtzzzzzz !! (bruit d'étincelle éléctrique de haute intensité)

Découverte révélatrice qui m'a permis de prendre le virage le plus marquant de mon existence et prendre en main le sens de ma vie. Je devenais tout simplement homme. Je sentais en moi naître le masculin, resté trop longtemps en état de dormance. [Groumpfff !] Ma mâlitude refoulée trouvait enfin son chemin d'existence. J'osais, je m'émancipais, parce que je désirais.




Hum... je ne me suis pas rendu compte que, concomitamment, s'insinuait un phénomène de dépendance : j'avais besoin de ce moteur du désir pour avancer. J'avais donc besoin de celle par qui il se révélait. La dynamique était d'être désirant et désiré. C'était ma drogue, ma dope. Or la dépendance est exactement contraire à une dynamique du libre désir. Le besoin et le désir ne sont pas du même registre, ils agissent en concurrence (mortelle pour le désir), malgré leur ressemblance.

Lorsque j'ai perçu (et peu importent les raisons) que cette dynamique du désir réciproque s'auto-strangulait, le mécanisme qui me libérait s'est grippé. Ce par quoi j'avais trouvé mon chemin perdait son magnétisme et me désorientait. J'étais en manque d'indications, ne trouvant plus le chemin qui me correspondait. Cela m'a inquiété de façon croissante. Or la peur contrarie la mise en actes des désir...

Bref : le merdier !

A l'époque je ne comprenais pas tout ça. Ce que je voyais c'est que, pour avancer, j'avais besoin de ce qui s'échappait . Et très peur de le perdre. J'avais bien le désir d'évoluer... mais seul je ne me sentais pas aller suffisamment vite. Alors, puérilement, je me suis accroché...

Bah...

Inutile de revenir sur mon cheminement, tout est décrit au millimètre près dans les archives de ce passionnant journal...



Bon... finalement et fatalement, ce lien dont j'avais tant besoin s'est dissous dans les méandres de ses circonvolutions inquiètes. Je me suis retrouvé nu, seul, devant un vide de sens... et j'ai bien du me débrouiller. Lent travail de reconstruction. De compréhension. D'analyse. De décryptage. Tâtonnements et erreurs. Souffrance de celui qui cherche et ne trouve pas.

Mais... souffrance constructive ! Utile. Nécessaire.
Suivi de la prise de distance, le lâcher-prise, le ressourcement, l'acceptation sérénisante et... la révélation.

Pendant toute cette période, en serrant les dents, je n'ai pas lâché mes objectifs inconscients : me libérer de mes insécurités. Coûte que coûte. J'y aurais passé le temps qu'il fallait, décortiqué le moindre élément, mais je ne pouvais que poursuivre inlassablement. J'avais passé le point de non-retour de la connaissance et il n'y avait qu'une issue : continuer.

Ouais, j'en ai chié un max ! Mais c'était vachement intéressant. Certains lecteurs ont suivi ça avec plus ou moins de patience et d'intérêt, se demandant sans doute si je sortirais un jour de mon gluant marasme. D'ailleurs beaucoup m'ont laissé en chemin, amenuisant la fréquentation de ce site. Ne restent que les fidèles, ceux qui trouvent quelque chose qui les nourrit d'une façon ou d'une autre.

Merci à vous : vous êtes la raison qui me fait poursuivre le récit de mes palpitantes tribulations.

Y'en a même qui m'écrivent pour décrire de façon comique leurs récents éclats de rire devant l'écran. Tant mieux ! Ouais, on n'a pas rigolé tous les jours ici. L'ex-Idéaliste n'est pas un clown. Quoique, si on me titille un peu...


Euh.. où en étais-je ?

Ah oui : j'en ai chié, je me suis pris mon incompétence en pleine gueule [flatch !]. Normal, je ne pouvais pas réussir du premier coup un pareil défi... Rholala, qu'est-ce que ça fait mal ! Mais qu'est-ce que ça fait du bien de dépasser tout ça.

Ben oui, voila : j'y suis arrivé !
Sorti de ma gangue de boue.

Je me sens homme libre
Plus libre qu'homme, mais ça viendra...

Yeeepeeeee, champagne !



Qu'est-ce qui me permet de dire ça, te demandes-tu, lecteur dubitatif et perspicace ? Ben... je le sais ! C'est tout. Je le sens intérieurement en moi. Je n'en doute plus.

Je suis devenu... hé hé hé... je suis devenu au-to-nome.
Ça c'est directement du vocabulaire choisi par celle qui m'a permis d'en arriver là. Mon inspiratrice révélatrice. A l'époque je ne comprenais pas tout le sens de ce mot, qu'elle avait fait sien.

Autonome, ça veut dire que je n'ai plus besoin de personne en particulier (mais de tous les autres en général). Je ne dépend plus de quiconque. C'est ter-mi-né. Je suis moi, libre.

Affectivement du moins...
Nettement moins financièrement, mais ça c'est un autre sujet.

Ça signifie que je n'ai plus peur de perdre quiconque (sans pour autant signifier que ça m'indiffère si ça devait arriver !). Avec comme conséquence une plus grande franchise dans les rapports. Je sais me poser, affirmer ma différence, exprimer mes désirs ou non-désirs. Et tant pis si ça ne convient pas. J'y gagne en considération, et en estime de moi-même.


Euh... c'est pas encore 100% opérationnel, mais c'est en bonne voie.







Les étoiles filantes




Mercredi 16 mai


C'est depuis un des jardins personnels que je fréquente assidument que j'avais suivi ses traces et découvert son petit coin de forêt à l'écart du monde. J'appréciais ses pensées et réflexions. Alors je me suis invité chez elle en y déposant quelques mots. Ensuite c'est elle qui est souvent venue chez moi poser ses commentaires. Je m'en délectais. Comme avec bien d'autres une affinité singulière était née, avec quelques échanges à l'abri des regards. Si chaque lien est unique en son genre, celui-là avait un petit je ne sais quoi d'indéfinissable qui le rendait important. C'était léger, agréable, sympathique, sautillant. Subtile complicité...

Je ne sais plus depuis combien de temps je la lisais. Je ne fais plus attention à ce genre de choses, sachant combien les liens peuvent se révéler plus fragiles et éphémères que ce que j'aurais pu croire. Je ne me lie plus de la même façon qu'auparavant. J'accepte l'impermanence des relations et les cueille au jour le jour.

Pourtant, ce qui s'est passé m'a particulièrement pris au dépourvu : elle a disparu sans un mot, sans aucun signe annonciateur, en supprimant son espace d'écriture. Rien ne laissait présager ce départ.



Qu'est-ce que ça voulait dire ? Quel était le sens de cet anéantissement ? S'était-il passé quelque chose dans sa vie qui puisse le justifier ? Ai-je joué un rôle dans tout ça, en lui ayant simplement proposé, quelques jours plus tôt, qu'on se téléphone ? Sa réponse ne laissait pourtant rien présager de tel...

Certes, chacun est libre de "disparaître" à sa guise et du même coup de s'effacer de la vie des autres, je ne le sais que trop. C'est un choix qui a ses raisons propres, perçues comme "bonnes", donc respectables, sans aucune obligation de les justifier... si ce n'est, peut-être, une certaine conception du respect d'autrui.

Quoi qu'il en soit, je ne suis jamais indifférent à une disparition. Cela me touche toujours.

Inquiet, j'ai écrit. Aucune réponse ne m'est parvenue.
Après quelques jours j'ai voulu faire part de ma surprise... et mon courrier m'est revenu sur-le-champ : elle a aussi supprimé sa boite à lettres. Volatilisée ! Inaccessible. Perdue.
Ça, par contre, j'aime pas...
Pas du tout !

Alors à la légère tristesse et inquiétude initiales, grandes ouvertes à la compréhension, j'ai senti s'ajouter... de la colère. Ne serait-ce que parce que, faute de sens, je ne savais pas laquelle de ces émotions était en droit de librement s'exprimer. L'incertitude et l'ambiguïté relationnelle, hormis dans le registre délicieux de la séduction, me sont devenues absolument indigestes. Je n'en veux plus.



L'avantage de ce genre de silence, dont la brutalité est dénuée de sens, c'est qu'il me met face à moi-même. A défaut d'explications, c'est ce qui s'éveille en moi que je peux entendre. Alors j'écoute...

Ce qui m'est dabord venu est le terme "frustration".

Tristesse, inquiétude, colère, frustration : ce ne sont que des ressentis "négatifs" qui me venaient. Je ne souhaitais pas les garder en moi. Alors, faute de mieux, j'ai commencé à les déposer ici, en brouillon. Je savais très bien que je pouvais faire un "travail" d'apaisement intérieur (prise de distance, relativisation, recul, deuil, lâcher-prise, etc...) qui aurait été relativement simple, vu le peu d'implication, mais cette fois je n'avais pas envie d'y consacrer de l'énergie. Je n'ai plus ce genre de patience. Je ne supporte plus de "dépendre" des états d'âme de qui que ce soit. D'ailleurs, je ne supporte pas d'avantage qu'on dépende des miens !

En fait c'est surtout contre moi que je me suis vu en colère, contre ma façon de me lier. Contre une faiblesse résiduelle qui date d'avant. Peut-être aussi une réaction contre mon acceptation, en une toute autre sphère, qu'une femme s'attache trop à moi et me donne ainsi tout pouvoir sur ce qui se développe. Je ne veux pas être celui qui a le pouvoir sur l'autre.

Je ne veux plus ressentir aucun lien de dépendance, aucune forme de soumission vulnérabilisante. Je ne veux que de la liberté. La liberté est devenue pour moi la seule façon de me lier.

La liberté de vivre des relations implique aussi la liberté de les quitter. Et d'être quitté. De perdre le lien. « Vivre, c'est perdre », comme dit je ne sais plus qui [Comte-Sponville ?]. Établir un lien c'est aussi construire sa rupture, aussi tardive soit-elle. Donner naissance à une relation, c'est aussi lui donner la mort.



J'ai donc écouté ma colère, l'ai accueillie et laissé s'exprimer. Elle avait des choses à me dire et remplaçait un travail que je n'ai plus envie de faire. En posant mes mots je leur ai permis de s'adoucir. Je ne veux plus être "gentil" (d'ailleurs je ne le suis plus...). Je deviens "vrai".

Depuis huit ans que je suis sur le net plusieurs femmes avec qui j'avais établi des liens d'estime mutuelle dans une intimité d'esprit, si ce n'est de coeur, ont un jour décidé de ne plus avoir de contact avec moi, ou d'en changer la nature. Généralement il y a eu quelques explications claires, plus ou moins sereines, permettant de tourner la page définitivement. Parfois il y a eu défaut d'explications, ambiguïté, et ça a pu être beaucoup plus pénible. Mais aucune explication, ça je ne l'avais encore pas connu ! Auparavant je l'aurais mal vécu. Ici ça n'aura pas duré longtemps.

D'ailleurs c'est déjà fini.

Jusque-là j'ai toujours "pardonné" le manque d'explications claires, supposant des justifications plausibles, prenant à ma charge le travail nécessaire pour dépasser ma frustration afin de rester ouvert à un hypothétique retour. Aujourd'hui je n'ai plus envie d'attendre quoi que ce soit de toute personne qui n'aurait pas le courage de m'exprimer clairement ses choix. J'ai désormais besoin de franchise dans les relations.

Du vrai, de l'émotion, des tripes, du palpitant. Sinon, ça ne m'intéresse pas.

Ceci dit le silence est un langage qui, en creux, ne manque pas de franchise. Tant qu'il dure, il signifie : « je ne ressens pas le désir, au présent, d'être en relation avec toi ». Désormais je sais en entendre le sens, et l'accepter. Je le pratique moi-même de plus en plus, avec désinvolture...

En sachant mieux lâcher les liens inopérants je laisse la place à d'autres relations vibrantes, à vivre au présent. Pour croiser la course d'autres étoiles filantes...






Le sens du désir




Vendredi 25 mai


Vous en souvenez-vous, ô lecteurs fidèles ? Jadis j'écrivais presque tous les jours des textes interminables, explorant les recoins tortueux de mes pensées torturées. J'étais en recherche, je voulais comprendre ce qui était en moi, comment j'interagissais dans mes rapports avec les autres. Euh... du moins c'est le souvenir que j'en ai.

Depuis quelques temps le flux s'est réduit. J'écris de moins en moins ici, n'en ressentant plus vraiment le besoin. J'ai dépassé nombre d'étapes de connaissance qui rendent la poursuite de mon travail introspectif un peu superflu. Ma compréhension se passe désormais de la mise en mots. Elle coule de source et se trouve sans être cherchée. Du coup je vis dans le présent, et c'est très bien ainsi.

Tant pis pour l'aspect "témoignage " qui me tenait à coeur auparavant...

Un peu dommage , peut-être, parce que je partage moins mes heureuses découvertes personnelles alors qu'elle correspondent à la résolution de ce qui s'était noué ici. Je pense en particulier à l'idée de "désir", au sens d'élan vital, qui aura finalement été le fil conducteur de tout ce que j'ai pu vivre depuis que j'écris en ligne. De la découverte lumineuse du désir en moi jusqu'à assister impuissant à son extinction en l'autre j'aurai tout traversé. Mais... trop long à expliquer.

Peut-être que ça viendra par bribes, au fil du temps...


Maintenant je me pose beaucoup moins de questions qu'auparavant et j'ai la patience de laisser venir les réponses. Elles s'offrent à la cueillette comme un fruit mûr. Toute notion d'urgence à disparue. Ayant largement délaissé mes inquietudes devant l'inconnu je n'en suis pas encore à agir avant de réfléchir, loin de là, mais je me laisse davantage aller. Je sais que c'est par l'expérience qu'on découvre, bien mieux que par la réflexion.

D'ailleurs réfléchir autant n'était-il pas une façon de repousser les moments du choix ? Une incapacité à choisir ? Ou plus exactement une incapacité à entendre mes désirs ?

Désir... envie... en vie...

Toute ma recherche ne consistait-elle pas à découvrir ce qui était en moi désir ? Gavé de raison, de prudence, de réflexion avant d'agir, d'interdits, comment aurais-je pu développer le sens du désir ? Dans un environnement où le désir n'avait de place qu'après le sens du devoir, circonscrit par une culpabilité latente et tentaculaire, et où l'épanouissement de soi consistait à trouver quelques niches où cela ne dérangeait personne, j'étais atrophié dans mes dimensions les plus personnelles.

Mon individualité étriquée consistait surtout à taire une rebellion intérieure et à opposer une résistance passive. On me disait conciliant, et gentil, mais particulièrement obstiné lorsque quelque chose ne me plaisait pas. D'ailleurs la seule chose que je savais exprimer, directement ou sournoisement, était mon non-désir. Autrement je disais oui à tout, j'acceptais tout. Conciliant, désespérement conciliant... Je savais à peine dire ce que je n'aimais pas, et pas du tout ce que je désirais. Une personnalité diaphane qui se dégageait en creux.

Dés lors il n'était pas étonnant que, sans relief, je ne me sentisse pas "exister" face aux autres...


Depuis que, mû par je ne sais quel lame de fond aspirée par une soif de vivre avant qu'il ne soit trop tard, j'ai décidé d'écouter le murmure étouffé de mes désirs, ma libération a pris l'ampleur d'une déferlante. Et rien ne l'arrête. Chaque jour je me sens vivre d'avantage. C'est bon. Nom de dieu que c'est bon ! J'ai appris à entendre mes désirs et les exprimer. À les vivre. J'apprends à me positionner, à dire de vrais oui. J'ai encore à apprendre à dire de vrais non... et c'est probablement le plus difficile.