Juin 2007

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Dispersion ou recentrage ?




Lundi 11 juin


Depuis mon dernier texte j'ai plusieurs fois ouvert le logiciel qui me permet de mettre en ligne ce journal. J'ai bien en réserve quelques pages suspendues, qui pourtant ont pu me demander beaucoup de temps de rédaction à force de retouches, mais la plupart du temps je me suis dit « à quoi bon ? »

À quoi bon écrire ce que je sais déjà ? À quoi bon écrire ce que d'autres ont déjà décrit ? À quoi bon évoquer ce qui tient de l'universalité de l'expérience de vie ?

Ma vie se poursuit et évolue dans des dimensions qui auparavant m'auraient fait noircir des pages. Mais là, non. Rien.

J'y vois un progrès. Une simplification existentielle.

Cependant je ne respecte plus l'engagement qui consistait à raconter mon cheminement. En revanche je respecte celui de ne pas me forcer à écrire.



Depuis le temps que je disais que ce journal introspectif allait changer...

Je préfère maintenant les échanges directs et interactifs. Écrire longuement me lasse. Ce que j'ai envie de dire s'écoule avec aisance au téléphone ou dans des rencontres en face à face, alors que je trouve bien trop long de raconter ma vie par écrit à ceux qui ne la connaissent pas. Et puis quel intérêt d'évoquer le passé lorsqu'il est compris et accepté ?

Oh bien sûr il m'arrive encore de m'étaler assez longuement sur mon Carnet, lorsque je réfléchis "à voix haute" et que j'apprécie que des avis me soient donnés. Mais là-bas aussi mon écriture ne trouve plus vraiment sa place. Quant à l'introspection, elle m'ennuie un peu. Ceux qui s'y sont livrés, comme moi, en arrivent finalement tous au même point, à coup de formules magiques qu'il est bien plus facile de rappeller aux autres que de vivre selon leur principe : lâcher-prise, ne rien attendre, vivre au jour le jour, chaque épreuve rend plus fort, bla bla bla. Du Paulo Coelho pur sucre, sans son talent de vulgarisateur de l'universalité humaine...



Je ne pense pas cesser d'écrire, mais je me cherche. Redéfinir mon rapport à l'écriture en ligne et les interactions avec le lectorat, connu et inconnu. Pourquoi écris-je ? Qu'est-ce que ça m'apporte ? Qu'est-ce que ça me prend ? Quelles dimensions ai-je envie d'explorer ? Comment retrouver la liberté d'écrire ?

Souvent j'ai eu envie de me créer une identité inconnue. Anonyme, repartir de zéro en terre vierge. Faire abstraction du passé que j'ai décrit dans ces années d'écriture laborieuse. Trouver un autre registre, un autre ryhtme, d'autres sujets, d'autres lecteurs et lectrices.

Donner place à l'homme plus mature et au masculin qui naît en moi. L'être sans attendre de le devenir.

Car finalement dans tout mon parcours d'émancipation, sous-tendu par la rencontre du féminin, c'est bien ma virilité que je cherchais. Désir de vie, oui, bien sûr... mais aussi désir d'être, et désir tout court. Être désirant. Acceptation du désir dans ses dimensions les plus pulsionnelles, animales. Liberté de désirer et désir de liberté, dynamiques réversibles qui s'autogénèrent.

En faisant voler en éclat mes valeurs anciennes, en réinvestissant ce que j'étais profondément, j'ai trouvé le chemin de cette liberté d'être que je contraignais. Dans mon écriture de maintenant j'ai envie de retrouver cet élan que j'avais senti éclore en 2003, lorsque j'avais écouté cette part intuitive qui révolutionnait mon mode de pensée.

Puis-je continuer ici, comme si je formais couple durable avec ce journal ? Ou bien quitter mon lien à ces pages du passé pour aller vers des espaces vierges ? Finalement je retrouve quelques uns des ingrédients qui m'ont mis face aux questions existentielles : durer dans la continuité ou changer pour la nouveauté. Persévérer ou renoncer.

Aucune des solutions n'est plus facile que l'autre et chacune présente avantages et inconvénients.

Alors, vais-je abandonner ce journal ou au contraire le ranimer d'une vibration nouvelle ? Revenir à une authenticité entière ou au contraire me disperser pour devenir plus insaisissable ? Fuir vers une liberté ou la conquérir ici même ?

Cet espace peut-il répondre à mes désirs d'expression ou dois-je aller chercher ailleurs ? Rien ne l'empêche. Je ne me suis pas engagé à l'exclusivité avec ce site.










Désir brut




Mardi 12 juin


Pourquoi autant de remises en question autour de l'écriture en ligne ? À la fois parce que je ne suis plus le même, que mes besoins ont changé, et que certains faits ont été récemment déclencheurs. En outre j'approche d'une date particulière et j'aime me servir de ce genre de symbole comme repère.

J'en parlerai probablement, le moment venu [ouais... je garde une part de mystère...].

Mais plus que tout c'est mon rapport à l'intime qui a changé. Je suis devenu plus ouvert au monde sensoriel et le curseur de ce qu'est pour moi l'intime s'est déplacé. J'ai à la fois l'envie d'être beaucoup plus franc ici et celle de me protéger. Davantage brut, incisif, moins explicatif. Et puis je préfère agir qu'écrire. Ou disons plutôt que je préfère vivre l'action que l'écrire.

En fait je suis entre deux eaux, hésitant entre deux façons d'être. L'ancien et le nouveau monde. Je sais que l'ancien ne me correspond plus, tout en n'étant pas encore très aguerri dans le nouveau, inconnu, indéfini. Le vrai monde, celui où chacun doit faire sa place. Je me sens pousser des canines...



En ce moment, trouble scriptural aidant, je me suis mis à suivre de blogs en blogs les exploits et ébats de personnes qui se trouvent dans le même genre de situation que moi. Célibataires après avoir été en couple, cicatrices au coeur, et découvrant l'incroyable liberté qu'offre la vie pour peu qu'on ose la prendre.

Leur vie n'est pas forcément simple, mais au moins ils/elles en profitent. Relations successives, enrichissantes, diverses, et de durée variable. Intermittences. Avec ou sans amour, avec ou sans sexe. Prendre ce qui vient, suivre le désir vibrant [non, ce n'est pas un ustensile...].

N'est-ce pas ce que je cherchais, bien enfoui sous des tonnes de beaux principes et de grands sentiments ? [hé hé, quand je vois où m'ont mené les sentiments...]

C'était pas cousu de fil blanc mon affaire ? La découverte du désir, vaincre la phobie de l'abandon, sentir se dresser le mâle... ben à quoi ça peut mener ce genre de chemin ? À l'homme qui suit ses désirs sans craintes ! Et des désirs masculins... ça rencontre des désirs féminins. Cqfd.

Mouais, c'est pas si simple. Pas aussi trivial. Quoique...
Disons qu'il ne s'agit pas que de ça, ce serait un peu triste, mais que ça tient une vraie place. Après moult détours et circonvolutions, extases et tristesse, désir et désillusions, fulgurances et égarements, il semble bien que je me sois débarassé d'une bonne part du fatras moral qui entravait mon avancement. A force de décortiquer le mécanisme de ma pensée je crois avoir éliminé nombre d'éléments perturbateurs et être relativement au clair avec moi-même.

Suffisamment pour avancer sans trop de craintes.







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Vendredi 15 juin


Depuis quelques semaines j'ai un contrat d'enseignant vacataire, dans un établissement qui se trouve à l'autre extrêmité du département. J'y vais pour des demi-journées, afin de réduire les frais de déplacement (à ma charge...). Il avait été prévu que je dorme sur place de temps en temps, puis ça ne s'est pas fait pour diverses raisons. Mais la semaine prochaine c'est ce qui va arriver. Mon amie Inès habite à quelques dizaine de kilomètres de cet établissement et elle m'avait proposé que nous en profitions pour nous voir. Elle m'aurait hébergé pour la nuit. 

Malheureusement, lorsque je lui ai annoncé cette possibilité elle m'a dit qu'elle ne serait pas là pour cause de vacances en Provence. Tant pis, nous trouverons une autre occasion.

Tandis que nous bavardions elle me raconta le périple qu'elle avait prévu avec son ami de coeur. Quelques jours du côté de Marseille. Je l'ai écoutée et puis tout d'un coup, devant sa joie communicative, je lui ai lancé, enthousiaste « profite bien de ce séjour, profite bien du plaisir d'être avec cet homme ». Au même moment j'ai senti mes yeux se mouiller...
- La solitude te pèse ? M'a t-elle répondu.
- Non... mais je me souviens comme c'était délicieux de partager de beaux moments avec une personne aimée.

Peu de temps après c'est Charlotte qui me téléphonait. Je lui ai répondu sur un ton enjoué et taquin. J'aime bien la taquiner. Depuis quelques semaines nous avons pu retrouver cette complicité, qu'elle n'avait plus acceptée pendant pas mal de temps, lorsque la situation était tendue. Oups... c'était pas très facile de la voir réagir avec froideur à mes tentatives de détente. Je me suis pris quelques douches froides, pour ne pas dire glaciales. C'était assez douloureux de sentir ce désamour... Mais il semble que les choses sont désormais très largement apaisées. Probablement depuis que je l'ai laissé s'éloigner autant qu'elle le désirait. J'ai accepté tous ses désidératas, et elle s'est alors sentie suffisamment "libre". Elle n'a probablement plus eu cette impression que j'étais encore demandeur de quelque chose.

Je suis content d'être sorti de cette période difficile, qui aura quand même duré pas loin de quatre ans. Difficile... mais instructive, évidemment. J'ai beaucoup appris sur les rapports relationnels et les liens affectifs. Je ne les vis plus du tout comme auparavant.







Sept raisons et sept années




Mercredi 20 juin


Ceux qui lisent mon Carnet se seront rendu compte que je réinstalle une certaine distance avec les lecteurs et avec une convivialité que je vivais mal en public. Ici, sur ce journal, j'étais aussi en "crise" depuis quelques temps, ne trouvant plus vraiment dans quel registre m'exprimer.

Cette concomittance n'est évidemment pas fortuite. 

Depuis que j'écris en ligne je cherche comment me situer au sein du paradoxe de l'intimité publique. Me situant souvent "sur le fil" des limites de ma pudeur, celles de ma confiance en moi ont été notablement repoussées avec les années, changeant en profondeur ma façon de me percevoir face aux autres et dans les relations que je peux avoir. Les effets positifs sur mon existence sont nets : je me sens plus ouvert, souriant, détendu, enthousiaste. Le regard que portent sur moi ceux qui me connaissaient auparavant me le confirme, si besoin était. Je continue cependant à surfer sur la crête de frontières mouvantes, donc avec ma capacité à les franchir.

Alors, que s'est-il passé pour qu'il y ait cristallisation, et décisions en conséquence ?



Le point de départ aura probablement été la préparation de mon intervention à la table ronde de l'APA. Pour témoigner de ma pratique de l'écriture intime en ligne, une prise de recul m'a été nécessaire. Elle m'a notamment conduit à la décision de cesser de parler de ce qui avait tant occupé mes réflexions : les suites complexes d'une amitié amoureuse.

D'ailleurs, sans grand étonnement, je n'ai guère écrit depuis que j'ai fait ce choix. Mon écriture amputée se cherche, hésite, se dissimule, et finalement se retient. Cela n'a pas été inutile puisque j'ai poursuivi mon avancée intérieurement, silencieusement, gagnant ainsi en maturité et en indépendance. Sans que cela ne transparaisse dans la narration, j'ai considérablement évolué.

Mais précisément : puisque nombre d'éléments ne sont plus racontés... j'en suis venu à me demander quel était désormais le rôle de ce journal. Et quel est son avenir ?

Second élément déterminant : j'ai su, il y a quelques semaines, qu'Eva avait écrit pour le journal de l'APA (numéro de juin, qui vient de paraître) un texte dont je ne connaissais que le titre et l'idée maîtresse: « Pourquoi je ne blogue pas ? ». Elle est en effet, à ma connaissance, la seule parmi ces "pionniers" de l'écriture en ligne encore actifs à n'avoir pas cédé aux sirènes du blog et de ses commentaires en public. Ayant moi-même greffé la formule blog pour une part de mes écrits, je comprends son choix et sa "résistance". Je peux aisément comparer les deux formes d'écriture et la liberté que procure la discrétion. Si je n'avais pas été pris dans les méandres de l'histoire amoureuse dont je ne savais plus comment parler, je ne suis pas certain qu'à l'heure actuelle j'aurais ouvert un blog. Quoique... la curiosité aidant, j'y aurais peut-être cédé... 

Je ne regrette pas l'adjonction de mon Carnet, qui a élargi le cercle de mes affinités et ouvert à une communication directe avec le lectorat. J'y apprécie tout particulièrement la richesse des échanges sur certains sujets qui s'y prêtent. Pas forcément cette présence continue, qui a créé une addiction pesante. Sur le blog j'apprécie la convivialité amicale... mais pas trop quand elle se mélange avec les sujets que j'estime "sérieux". Je cherche donc comment retrouver un équilibre satisfaisant entre la communication conviviale et les échanges de points de vue enrichissants.



Ce qui m'est donc apparu c'est que j'en étais arrivé à ne plus me sentir à l'aise, ni sur ce journal, ni sur le blog. Quand quelque chose ne fonctionne pas, il faut changer.

L'idée de trancher en prenant une décision radicale de coupure m'a titillé à plusieurs reprises, mais les habitués savent que ce n'est pas le mode d'action que je privilégie. Je préfère les mesures en demi-teinte, retoucher à coup de nuances. [Pourtant... ne serait-ce pas précisément un acte de haute portée symbolique que de trancher des liens. Quelque chose de résolument différent de mes habitudes...]

À ce moment-là est venu se conjuguer un troisième point influant sur la prise de conscience actuelle : dans quelques semaines je vais parvenir au terme de sept ans d'écriture en ligne continue. (C'était alors mon vrai début, celui du mois de février de la même année n'étant qu'une initialisation...)
Sept ans, l'âge de raison. Est-ce raisonnable, judicieux, de poursuivre sous cette forme ? Le moment ne serait-il pas venu de tirer ma révérence ? Sept ans, c'est aussi l'anniversaire d'une rencontre qui allait faire naître ce journal. Alors... tourner une dernière page, fermer le livre, et aller vers autre chose ? Questions en suspens... Le verdict sera donné le jour dit.

De façon annexe un quatrième élément a influé sur le grand remue-méninges du moment : l'approche du terme des six mois de silence et de prise de distance que je m'étais imposés dans l'indicible relation d'amitié-amoureuse. L'échéance approchante m'a poussé à faire le point, à l'écart de ces pages, et tirer des conclusions. A changer intérieurement, aussi, pour être prêt. La date est maintenant dépassée...

Cinquième constat, et pas des moindres : un temps excessif passé dans les "relations virtuelles". Probablement trop de simili-liens, dont la plupart sont peu investis, échanges temporaires par nature. Une impression de dispersion. Finalement, rares sont les vraies amitiés qui, développées sur le net, durent depuis des années, et pourraient durer sans ce cordon de liaison. La fidélité relationnelle se jauge sur le long terme...

De cet éparpillement dans des échanges multiples découle directement le sixième élément : à trop vouloir m'enrichir l'esprit, je ne cesse de m'appauvrir dans la triviale réalité de mon compte en banque. Je me suis insuffisamment impliqué dans la recherche de moyens de subsistance. L'urgence était à me reconstruire pour mieux vivre, mais il faut aussi se nourrir, s'habiller, se déplacer... La liberté sans argent perd beaucoup de ses possibilités.

Septième élément, s'additionnant aux autre et probablement décisif : mes enfants ont manifesté leur désir de me voir plus disponible. Ils aimeraient faire davantage de choses avec moi...

Là, un déclic s'est fait.


Voila, brièvement énumérées, et en simplifiant beaucoup, les principales raisons de mes questionnements actuels. Ça vaut bien un moment de concentration un peu à l'écart...






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