Juillet 2006

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Avantageuses séparations




Samedi 1er juillet


En ce moment je lis par petites doses « Une vie bouleversée », le journal d'Etty Hillesum (dont je recommande la récente présentation faite par Valclair et celle, plus ancienne, de Traou). Je reconnais nombre d'éléments de mon propre chemin de vie dans son parcours, mais aussi une certaine émancipation qui n'est pas sans me rappeller celle d'une femme qui bouleversa mon existence... J'aime trouver dans ces pages des changements d'humeur, alternance d'enthousiames très porteurs et de journées de doutes. Ainsi je me sens moins interrogatif par rapport à mes propres divagations.

Cette dualité nous habite probablement tous. La vie n'est que ça d'ailleurs: être balloté entre un état et son opposé. Entre un mode de pensée et son contraire.

Par exemple, j'ai beau dire que j'apprécie les contacts et les échanges, c'est parfois l'inverse qui se produit et je me recentre alors dans une solitude qui me convient parfaitement. Je me sens bien avec moi-même, suffisamment occupé pour préférer ce relatif isolement. A moins que quelque chose puisse m'en distraire... Car je ne suis pas fermé aux autres, mais simplement en bonne compagnie avec moi-même. Et puis je ne suis jamais "seul" puisque les enfants, ou Charlotte, font encore partie de mon quotidien. Spécialement en été, avec le rythme "vacances" et le va et vient qui le caractérise. Il en sera autrement dans quelques mois, mais je verrai à ce moment-là...

J'ai aussi le contact régulier avec la diversité des vies de ceux qui ont choisi de s'écrire sur le net. Cette intimité partagée est importante pour moi, quelle que soient mes questionnements autour du parasitage que la communication exerce sur la libre pensée.



Globalement je me sens très bien. La vague inquiétude qui anticipe sur les changements à venir est tout à fait admissible. Elle apporte même un peu de piment. L'inconnu à quelque chose d'excitant.
Le plus inquiétant [voire angoissant...] reste ma non-indépendance financière. Mais je me fais confiance: je saurai bien trouver quelque chose qui me conviendra lorsque ce sera absolument nécessaire. Quitte à prendre n'importe quel travail de subsistance. Je sais déployer beaucoup d'énergie quand il le faut, et me consacrer entièrement à ce qui me tient à coeur. De toutes façons une inquiétude stérile ne servirait pas à grand chose...

Je remercie souvent Charlotte pour la solidarité qu'elle a avec moi (mais elle me retourne le compliment...). Cela m'a permis de disposer du temps nécessaire à la remise en question de plusieurs éléments-piliers de mon existence. Elle aussi aura bénéficié de ce temps puisque le bouleversement existentiel est équivalent pour elle. Je l'accompagne autant qu'elle le fait à mon égard. En fait nous sommes tous les deux gagnants dans ce temps de séparation sous le règne de la confiance et du respect. Il n'y a pas de perdant.

Finalement je suis vachement fier de nous. Je crois que nous avons su nous déterminer, faire nos choix personnels tout en écoutant les désirs de l'autre. Nous nous sommes respectés l'un et l'autre. Et dans ces conditions... il n'y a aucune raison pour que ça se passe mal.

Certes, ce n'est pas facile de bouleverser sa vie. Mais lorsqu'on sait que c'est la seule voie d'intégrité possible, et qu'aucun des deux n'en tire plus d'avantages que l'autre, on peut se "soutenir". Ce respect de l'autre et de ses choix fait pour moi partie des valeurs humaines primordiales.

J'ai longtemps pensé que Charlotte perdait quelque chose dans cette séparation. Ne serait-ce que parce qu'elle est seule, sans autre homme que moi dans sa vie, et qu'elle quitte "notre" maison. Mais elle m'a souvent répété que ce choix lui convenait. Elle a gardé en partie une âme citadine, ou du moins villageoise. Moi je préfère me tenir un peu à l'écart du monde... 
Quant à l'autre homme... elle le désire mais n'y est pas prête, elle le sait bien.

Et finalement c'est aussi bien ainsi: ni l'un, ni l'autre, nous ne sommes en attente de former un autre couple. Nous prenons le temps de nous délier avant de nous lier par ailleurs. Même si je suis toujours lié à une "amie" un peu particulière... dont je sais qu'elle ne veut plus être davantage que ça. C'est d'ailleurs une des raisons principales de l'adoucissement de ma relation avec Charlotte, qui ne sent plus la présence d'une rivale. Quoi qu'on puisse en dire, il semble que cette viscéralité à être "l'unique" soit très forte chez la plupart des femmes.

A la longue j'ai moi aussi trouvé des avantages dans les deux "séparations" (émancipations), dont celui d'avoir le temps de me trouver. Un processus évolutif profond est forcément quelque chose qui demande du temps.






Optimisme




Lundi 3 juillet


C'est curieux comme avec le temps je me sens m'imprégner de sérénité face à la vie. Ce qui autrefois m'inquiétait a perdu beaucoup de son pouvoir. L'inquiétude demeure, et peut encore entraver mes décisions, mais au fond de moi je sais que ce n'est qu'une question de temps: si je désire quelque chose, je finirai toujours par trouver l'énergie suffisante pour y accéder... ou accepter que ce soit inatteignable. Et rien que ça, c'est dejà un moyen de rester serein.

Je sens que ma vision du monde et de l'humain est en évolution vers toujours plus de paix. C'est une certitude qui plonge ses racines toujours plus profondément, malgré les difficultés que je peux rencontrer. J'ai même l'impression que ce sont ces difficultés, surmontées, qui me donnent cette "force tranquille".

Oh, elle est encore fragile, cette force, puisque je ne sais pas toujours la maintenir vivace face à autrui. Mais je sens bien qu'elle ne cesse de se solidifier.
L'autre-différent a parfois vite fait de me déstabiliser, parce que la construction de l'homme que je suis est inachevée, mais chaque épreuve renforce l'édifice en mettant en évidence un point de faiblesse. Chaque argument, chaque contradiction que l'on m'objecte ne fait que me pousser à redescendre dans les fondations de mes pensées pour en retrouver l'ancrage profond.

Je n'ai pas toujours la réponse prête à fuser dans l'instant, ce qui pourrait laisser croire à un mode de pensée hésitant, mais il ne s'agit bien souvent que de l'expression d'une réflexion en mouvement. Ma pensée s'élabore dans l'échange.

C'est avec les personnes affirmatives et semblant sûres de leur fait que j'ai le plus de difficultés à me situer dans une authenticité immédiate. Parce que les certitudes et l'aplomb d'autrui éprouvent mes frêles certitudes temporaires. Chez moi le doute n'est jamais loin, et c'est fort bien. C'est cette capacité de remise en question permanente qui me permet d'avancer... bien que ce soit souvent inconfortable. Équilibre toujours précaire.


Pourtant j'ai des certitudes, qui s'affirment chaque jour davantage. Certitude d'être sur "le bon chemin" [le mien quoi...]. Certitude que je préfère voir le monde avec mes yeux d'optimiste. Acteur axé sur l'accès à mes projets, réalisateur sensible de mes rêves accessibles. Je suis fondamentalement un optimiste qui aime croire que les limites de ce qui paraît "impossible" peuvent toujours être repoussées. Résolument je m'efforce de regarder le bon côté des choses. C'est ce qui me donne l'énergie de croire et d'avancer.

Et c'est comme ça que je m'aime.







Irréversible




Mercredi 5 juillet


Bon, c'est plutôt la forme en ce moment...

Et pourquoi donc ?
D'abord c'est l'été. Y fait beau, y fait chaud...

Ensuite [et surtout...] il y a des tas de raisons pour que je me sente bien. Hier notre fils aîné a appris qu'il était admis pour entreprendre le Master (4eme année d'université) auquel il postulait. Ce n'était pas acquis d'avance puisqu'il y entrait sur dossier et après un entretien. Mais c'est bon, il est pris. Youpieeee !

La veille c'est notre fille qui passait un entretien similaire et apparemment son dossier de motivation était tout à fait satisfaisant. Résultats la semaine prochaine.

Mais le plus enthousiasmant, depuis quelques temps, c'est que notre situation transitoire de couple en pré-divorce évolue enfin: nous sommes en pleine procédure de vente des biens immobiliers dont nous nous séparons [de vieilles granges et la petite maison inhabitable où je vis]. Dès que ce sera opérationnel et définitif, nous pourrons enfin passer à l'étape suivante: divorce.

Chouette, on va pouvoir divorcer !

C'est presque devenu un sujet de plaisanterie, signe qu'on a largement dédramatisé cette étape importante. En rire est une façon de voir les choses avec distance, sans les occulter. Au moins on en parle...

Actuellement, même si tout se passe bien avec Charlotte [très bonne entente entre nous deux, ambiance détendue avec les enfants], tout le monde commence à avoir hâte de voir cette séparation se concrétiser de manière plus formelle. Il est temps de faire le pas.



Aujourd'hui nous avons donc franchi une nouvelle étape avec Charlotte: signature de deux compromis de vente chez le notaire. C'est pendant que ce dernier expliquait aux acheteurs les différentes conditions que je me suis mis à penser à ce qui nous avait menés là...

C'est sur une plage de l'Ile d'Oléron que le mécanisme s'est enclenché, il y a deux ans. Ce soir là, seul face à la mer, portant un regard vers l'autre coté de l'Atlantique, je m'étais déterminé: cap vers l'aventure. Oui, je rencontrerai nathalie ! Quelles que puissent être les conséquences.
[Un long texte garde la trace de ce moment déterminant]

Assurément j'ignorais ce qui allait advenir, mais j'avais décidé de l'assumer.

Je n'ai jamais eu le moindre regret depuis ce choix, quoi qu'il se soit passé ensuite. Ce jour là j'ai osé agir pour moi-même, en choisissant la liberté de la vie, en toute conscience. Je savais que Charlotte n'accepterait pas tout, nous en avions bien parlé. Je savais aussi que nathalie ne s'engageait à rien, et je faisais de même à son égard. C'est entièrement libre que j'ai fait mon choix.

Ensuite, étape après étape, j'ai continué à renforcer ce choix. Je persistais en sachant que je me coupais de tout retour en arrière. Et si une seule fois j'ai hésité... je sais maintenant qu'il y avait de multiples raisons à cela, et qu'elles ne venaient pas d'une peur d'avancer.



En sortant de chez le notaire avec Charlotte nous parlions de la prochaine étape, qui sera le divorce. Je lui disais que pour moi ce sera peut-être un peu plus difficile, symboliquement, que pour le compromis de vente. En fait je n'en sais rien. Je m'y suis tellement préparé depuis la première fois qu'une fissure était apparue entre nous...
[Ce que j'écrivais à cette époque montre que j'avais totalement conscience des risque que je prenais si j'allais au delà d'un certain point.]

Charlotte m'a dit qu'elle avait l'impression de divorcer d'avec son père. Un peu comme si la jeune fille qu'elle était en se mariant à 21 ans n'était pas vraiment elle-même, autonome et responsable. Beaucoup trop influencée par son éducation d'alors pour se déterminer en toute liberté. Elle a aussi convenu qu'il pouvait y avoir quelque chose qui tenait de la "réparation" en osant cette démarche du divorce. Car ses parents ne l'ont jamais franchie alors que leur mariage est incontestablement une catastrophe au long cours. Ce refus de se désengager d'un couple raté, dont les enfants portent encore de lourdes séquelles psychologiques [alors qu'ils approchent de la cinquantaine], à certainement motivé Charlotte dans son choix.

De mon côté il y a bien longtemps que je sais que j'ai réglé quelques comptes avec mon éducation en m'affranchissant de certaines "valeurs morales" symboliquement fortes...



Finalement, bien que vendant des bâtiments qui avaient été porteurs d'un projet commun, je ne m'en sépare pas vraiment: ils resteront là où ils sont. Je les verrai tous les jours puisque j'habiterai à côté. La seule différence c'est qu'ils ne nous/m'appartiendront plus. Et les acheteurs en prendront soin bien mieux que je ne pouvais le faire...

Nous avons eu la chance de rencontrer en eux des personnes sympathiques qui aiment comme nous les "vieilles pierres" et veulent en privilégier le caractère authentique. Je cède donc un bien à quelqu'un en qui j'ai une certaine confiance. Je fais confiance à l'inconnu... je tente la chance.

C'est un peu la même chose pour le divorce: bien qu'on se quitte, on ne se perd pas. Puisque nous avons su rester "amis" et solidaires, nous garderons certainement un lien privilégié, avec des vies distinctes.






Fil rouge



Vendredi 7 juillet


Le plaisir ressenti dans l'avancement matériel des choses n'empêche pas quelques angoisses concomitantes...

J'ai fait le malin, avant-hier, à dire que tout allait bien, mais la nuit suivante je me suis réveillé d'un coup en songeant à tout ce qui s'enclenche avec l'irréversibilité du processus. J'ai retrouvé la paix, depuis, mais je sens bien que ça "travaille" en dedans. La preuve: un inexplicable épuisement, hier, sans autre raison connue.

Certes je vais vers une liberté d'être dont j'avais viscéralement besoin, mais j'ajouterais volontiers « presque malgré moi ». Parce qu'au fond... j'ai peur.

Peur de cette solitude qui m'attend. Non pas de vivre seul, mais d'être seul responsable de moi-même. Sans cette présence permanente, solidaire et indéfectible, qui s'était instituée avec le couple. Je n'ai jamais été vraiment seul. Je ne sais pas ce que c'est que de ne pouvoir compter que sur soi dans tous ses choix, décisions, enthousiasmes ou galères. Vivre seul les bonheurs ou malheurs c'est, bien sûr, l'autre face de la liberté...

J'ai choisi de m'émanciper, de m'autonomiser, parce que je sais que c'est un passage nécessaire et obligé de mon existence. Pour ne plus en avoir peur, précisément...

Mais toute peur par anticipation est superflue et je saurai probablement très bien vivre seul. Ce n'est pas par hasard que j'en suis là aujourd'hui.

Lorsque cette démarche a pris son essor j'étais "porté" par un lien de complicité. Soutenu, encouragé, aimé, je ne me sentais pas seul. Cette attention était ma potion magique, mon talisman d'invincibilité. C'était ma kryptonite, et j'étais Superman. Insidieusement je suis devenu accro de cette force qu'un regard aimant me transmettait comme une énergie vitale. C'est bête à dire, mais avec elle je me sentais capable de tout surmonter [et j'en ai surmonté des peurs !]. Je pensais devenir un homme [un vrai, un dur, un tatoué...].

Ça n'a évidemment pas marché comme ça...

On ne devient pas adulte et autonome "avec" quelqu'un. C'est un non-sens. En tous cas par en devenant dépendant de l'attention de cette personne, et d'autant moins lorsque les stratégies de vie divergent. Il a donc fallu, après moult péripéties sentimentales, que je poursuive seul parce que c'est la seule façon de devenir homme debout sur mon chemin. Il semble que j'y parviens peu à peu. En tous cas je m'y emploie, personnalisant en solo les chemins d'autonomie que j'avais parcouru accompagné. La voie est en quelque sorte déjà tracée. 

Quand je dis "en solo", ce n'est pas exact. Je ne suis pas seul puisque l'attention des autres est toujours un support, un guide, un encouragement, un miroir. La différence principale c'est la pluralité de ces regards. Ou plus précisément la non-prédominance d'un seul regard, chargé d'une omnipotence surestimée.

Maintenant j'ai trouvé mon fil rouge. Il n'appartient qu'à moi, même si c'est par les autres, et avec les autres, que je m'y raccroche. Il est encore ténu et j'évite de trop m'en écarter, car c'est lui qui me permet de rester en contact avec moi-même. C'est en restant proche de ce fil rouge que l'obtiendrai le meilleur de mon énergie.

Si je m'en écarte trop je me prive de mes ressources. Je dilapide mon énergie. Je deviens impuissant [et un homme impuissant... c'est pas bandant].



J'aime ce que je deviens, seul, librement, conformément à mon essence. Je m'affirme dans ma différence et ma singularité. Je continue à grandir et à devenir homme. Je développe cette puissance personnelle, cette force qui ne nécessitera plus d'être soutenue par une présence externe à moi-même. Et qui sait si un jour je ne la transmettrai pas à d'autres...

J'ai peur... mais je sais que c'est le passage obligé vers la libération. Alors j'avance en souriant.



* * *




Tiens... en passant je vois que c'est aujourd'hui le 6eme anniversaire de ce journal.
On me dit parfois que j'ai beaucoup évolué depuis ce temps là. Ce qui est certain c'est que je vis de façon bien plus épanouie.






Six ans de pas à pas




Samedi 8 juillet


Je ne suis pas allé relire ce que j'écrivais en débutant ce journal, il y a six ans. Je me souviens d'un certain temps d'adaptation à l'écriture en public, puisque j'étais auparavant diariste sur papier, sans aucun lecteur. Je me souviens aussi que dès le début il y était question de réflexions autour de la séduction.

Depuis... oh la la, il y a eu de tels changements dans ma vie ! La séduction n'est plus source de questionnements. D'une part parce que je ne m'inquiète plus de mon "pouvoir de séduction" [non que je me sente irrésitible, mais parce que j'ai eu des réponses à mes questions d'alors]. D'autre part parce que tout mon rapport à l'amour a considérablement évolué.

Depuis six ans j'ai beaucoup écrit sur le sujet et décrit tant mon expérience de couple que celle d'une rencontre amoureuse... sur laquelle il est inutile que je revienne [vous z'avez qu'à tout relire depuis le début !]. Quoique... comment dissocier la naissance de ce journal, et sa longévité, sans les relier à cette rencontre ? C'est impossible. C'est la même histoire.

Plus que ça: c'est le tournant majeur de mon existence. Ma vie, le journal, la rencontre... c'est la même chose.

J'ai bien assez répété que j'avais vu ma vie bouleversée [!] par cette rencontre. Je ne reviendrai pas dessus tellement c'est évident.



Par contre - et je ne sais pas comment présenter l'enchainement tant il réunit de convergences - je sais que ce qui se passe actuellement dans mon esprit est en quelque sorte le sens caché de tout ce qui a précédé. Je veux dire que tout est lié, avec un sens qui m'était invisible. Ce qui s'est passé auparavant, ce qui se passe maintenant dans ma vie, a une signification, une orientation, que j'ignorais totalement en commençant à écrire en public. Mais il n'y a pas de hasard... ou du moins ai-je perçu et dessiné un sens dans les hasards successifs. Il y a une certaine logique, et aussi une part d'irrationnel. Du cérébral et de l'émotionnel. Les deux vont de pair.

Je vais rembobiner le film des évènements, en accéléré, et peut-être que ce sens sera plus compréhensible:

- Actuellement je lis, comme d'autres écrivants du net, "Une vie bouleversée" le journal d'Etty Hillesum. Quoique le contexte soit fort différent, j'y trouve une très forte résonnance avec une certaine façon de voir le monde qui se révèle à moi au fil des ans avec toujours plus d'acuité

- Si je me suis intéressé à cette lecture, c'est parce que j'ai rencontré, il y a un peu plus d'un mois, une personne qui étudie de près le journal d'Etty, en particulier dans sa dimension spirituelle. Rencontre marquante pour diverses raisons, relatées ici même.

- Une de ces raisons tient précisément à ce que je nomme une "expérience spirituelle" (faute de dénomination plus adéquate), vécue il y a quelques années, à un moment très intense de mon existence, alors que j'allais dédicer de ce qui changerait ma vie. État rare d'hypersensibilité. Cette expérience a consisté en une impression d'extra-lucidité bouleversante. J'ai ressenti ce que j'appellerai "l'amour universel" par et pour toute l'humanité. Ça m'est tombé dessus tout en m'investissant du dedans. Ça m'a rempli. Ça m'a irradié. C'est quelque chose qui ne s'explique pas en mots. Ça se vit, hors de toute tentative de raisonnement. C'est ! un point c'est tout. C'est une certitude et c'est immense. Cette "connaissance" m'a imprègné et agit en moi. Elle guide mes avancées et me procure une force qui me dépasse et me conduit à me surpasser.

- Cet évènement est survenu alors qu'un changement de vie était devenu une évidence grâce à la relation de complicité que je vivais. Complicité ressentie avec celle par qui mon journal est né... et par qui ma vie allait changer.



Voila donc, en hypercondensé, le résumé des évènements qui relient la naissance de ce journal, une relation d'amitié amoureuse hors du commun, un changement de vie, et la résonnance avec le journal d'Etty. Tout se tient et correspond à une suite logique.

Au delà de l'analogie des modes d'expression (un journal), il existe bien d'autres points de concordance, et notamment la relation qu'Etty avait avec S., son ami-amant-amour. Il fût pour elle une sorte de révélateur d'intériorité, mais aussi guide spirituel. J'ai moi aussi, autrefois, considéré ma complice comme "guide", et elle m'a révélé ce qui sommeillait en moi. Là s'arrête la comparaison, mais s'expliquent aussi les complications survenues avec ma complice... Car nous n'avons apparemment pas, à la différence d'Etty et de S., la même vision du monde et des humains. Ou du moins pas dans tous les domaines. Je n'ai pu que prendre une autre voie que celle que mon amie de coeur a choisie pour elle-même, non compatible avec mes aspirations.

Cette différence fondamentale, longtemps extrêmement difficile à comprendre pour moi, puis à admettre, a finalement été très utile : elle m'a permis de sentir ce qui était indubitablement "en moi" et "hors de moi". C'est à dire une vision du monde qui tend vers celle, quoique très absolutiste et hors de ma portée, d'Etty: j'aime l'humanité dans son entier, et je crois que le meilleur est au coeur de chaque humain.
Et pour tout ce que je n'accepte pas de la différence... c'est en moi que je dois en trouver et extirper les racines. Mon amour des autres dépend de ma connaissance de moi-même. Autant dire qu'il me reste du chemin à faire...

Ce que je considère comme un idéal, vers lequel je m'efforce de tendre [aussi loin soit-il...], est cet amour inconditionnel. En cela je retrouve bien ce que j'exprimais il y a quelques années et qui a abouti à une abolition des limites entre les différentes forme d'amour. D'ailleurs, j'ai noté que S. vivait un autre amour, en cette période troublée par la guerre, avec une femme qui vivait très loin de lui. Il aimait, lui aussi, deux femmes... (voire plus).

C'est ma volonté de dépasser mes peurs et limites, mes faiblesses, ma souffrance, qui m'a poussé à faire cette exploration de moi-même en lien avec le double amour que je vivais. Ce travail sur moi aura autant été une conséquence de mes difficultés à vivre l'amour librement qu'un outil pour y parvenir. Et là encore les réflexions d'Etty m'y aident, depuis que j'en ai connaissance. Tout comme les réflexions de ma complice m'y avaient aidé naguère. Car ce qui est assez troublant, c'est que je retrouve beaucoup de concordances entre certaines réflexions d'Etty et celles de mon amie !



Ce que je veux exprimer dans cette entrée emberlificotée - dont je repoussais la rédaction depuis quelques semaines - c'est que j'ai trouvé une voie. Ce "fil rouge", qui me guide désormais. Et ce chemin ne surgit pas de nulle part, mais s'ancre dans une suite d'étapes qui m'y ont mené. Des évènements, sans lien apparent, espacés dans le temps, se sont cristallisés il y a un peu plus d'un mois grâce à une rencontre "fortuite"...survenue juste au bon moment.

Car tout cela était empreint d'une dimension "spirituelle" similaire à que décrit Etty (dans le sens, mais pas dans l'intensité). Or je n'ai été prêt à l'entendre, et à m'ouvrir à cette dimension spirituelle, que parce que quelques jours plus tôt une de mes réactions m'avait fait m'interroger sur mon rejet de Dieu. Ayant déserté la religion depuis une vingtaine d'années, j'étais devenu assez allergique à tout ce qui peut concerner "Dieu" dans le sens commun. Je ne crois définitivement pas en un Dieu tel qu'il m'a été enseigné. La seule chose qui me semble importante, et ne s'est jamais éteinte en moi malgré mon éloignement religieux, c'est l'idée d'amour du prochain.

Avec l'amour (universel et inconditionnel) j'ai trouvé ma voie. J'ai trouvé ma force. Enfin, disons plutôt que... je sais où elle réside. Il me reste à apprendre à m'en servir, car à l'évidence je ne sais pas encore le vivre ainsi. Je suis trop "petit" dans mon coeur, encore souffrant de ses traumatismes d'enfance, pour donner de l'amour à la hauteur de ce que j'aimerais. Je me vois encore bien mesquin et petit joueur, fragile, sensible de l'égo. Mais le défi me tente et me porte !

C'est ce défi lancé à moi-même et l'ensemble de ce qui était en jeu qui a conféré le caractère exceptionnel et rare de ma rencontre avec nathalie. C'est aussi ce qui m'a permis de m'accrocher au moments où c'était le plus difficile à vivre. Car bien souvent j'ai approché les limites de ma résistance malgré la certitude bien ancrée qu'on avait énormément à apprendre l'un de l'autre. Je me suis aussi beaucoup égaré...

Que j'ai souffert de mes étroites limites !

Mais finalement cette foi en l'amour, qui m'a fait tenir [jusqu'à accepter la perte...], est bien de la même essence que "l'expérience spirituelle" qui m'a éveillé à des dimensions de l'humain que je n'imaginais pas.



Bon... j'ai bien conscience que ce que j'énonce aujourd'hui peut paraître un peu allumé... voire carrément givré. Ou pire: exalté. Aaarghhh, l'idéaliste a pété les plombs !
Que nenni ! Je me sens vraiment en état de paix intérieure. J'ai envie de l'exprimer, ça me semble important d'en témoigner. Parce que c'est en moi. Ça fait partie de moi. C'est mon parcours et ce qui lui donne son sens. Sans ça... c'est toute ma persévérance qui serait "folle".
Je crois que cela ne s'explique pas de façon rationnelle et ne sera peut être compris (ressenti) que par ceux qui ont vécu quelque chose de similaire.







Je ne suis pas un idéaliste




Dimanche 9 juillet
(matin)

Hier j'ai déposé mon gros paquet de pensées ici, un peu en vrac. Je crois que ce que j'ai exprimé est vachement important [pour moi, cela s'entend...]. Ça éclaire tout mon parcours, et en particulier celui des dernières années. Mais quand je dis "éclaire", pour le moment c'est plutôt de l'ordre de la lueur de bougie. Je ne distingue pas tout, je ne relie pas encore chaque élément aux autres. Ça viendra.

J'ai repensé à un truc, et je veux le préciser: quand je dis que j'aime l'humanité (comme on aime sa famille), ça ne veut pas dire que je suis capable d'aimer tous les humains individuellement [surtout que je ne les connais pas tous, hé hé...]. Mais je crois que j'aime en chaque humain sa part d'humanité.

En tous cas je ne hais personne. Je crois que la haine est quelque chose qui m'est étranger. Je peux détester, en vouloir à quelqu'un, honnir des comportements, me révolter. Mais pas haïr. Pas dans le sens d'un contraire d'aimer. Et pourtant... il y en a des comportements que je n'aime pas ! Mais il me semble qu'ils ont toujours une explication, et c'est en cela que je ne peux haïr. L'explication c'est le début du pardon, qui est incompatible avec la haine.

Quoi qu'il en soit, je me préfère ainsi. Je vis mieux en ne haïssant pas.

Finalement, aimer est pour moi plus facile que haïr. C'est une petite logique égoïste qui m'arrange bien... J'aime pour mon bien-être. Je me sens bien quand j'aime, et mal quand j'en veux à quelqu'un. Je me fais du mal quand je fais du mal à autrui.

Je sais aussi que si je me sens mal c'est parce que quelque chose souffre en moi, et que ce quelque chose correspond généralement à la sensibilisation d'une part de moi qui n'est pas assez solide. Si je me sens blessé, vexé, frustré... c'est que quelque chose qui vient de mon enfance est touché. Quelque chose que je n'ai pas encore suffisamment mis à jour, guéri, et dépassé. C'est donc bien en moi qu'est la douleur et le pouvoir de l'autre n'a été que de la réveiller.

Ce qui n'empêche pas que je puisse aussi ressentir de l'injustice lorsque le mal que je reçois est indépendant de mon histoire, donc hors de mon pouvoir de changement. Et c'est pour ça que l'injustice me révolte aussi fort et me rend particulièrement combatif.

Car tout "gentil" que je sois, et en recherche de paix et d'harmonie, je sais aussi me battre pour les causes que je considère justes. Mais je me bats sans haine. En cela j'ai souvent quelques difficultés avec nombre de mes frères et soeurs humains, qui semblent souvent voir en l'autre un "ennemi" envers qui des mots de haine et d'intolérance sont proférés.



Euh... tout ce bel énoncé est quand même un peu idéaliste. Je ne suis évidemment pas toujours à la hauteur de mes nobles pensées, hélas. Mais j'essaie d'y tendre.

C'est en cela que l'amour est une lumière. L'amour de l'autre, l'amour du prochain. Et ce que je trouve fascinant dans le journal d'Etty Hillesum, c'est tout l'amour dont elle est capable, même envers les "bourreaux". Ses écrits m'ont fait prendre conscience d'un chemin, mais aussi de l'endurance et du dépouillement qu'il exige. Avec comme corollaire la plénitude qu'elle dit ressentir. Non exempte de moments de souffrance, évidemment.

Mais par ailleurs je ne me sens pas la vocation d'un stakhanoviste de l'amour. J'en suis bien incapable ! Je ne peux donner qu'en fonction de mes propres ressources, qui dépendent déjà de l'amour que j'ai envers moi-même. Je reste quelqu'un d'assez discret, qui s'épanouit dans les rapports d'intimité. L'amour que je peux donner reste dans ce registre-là. Je suis mal à l'aise dans les rapports superficiels, exubérants, ou face aux inconnus. C'est ainsi. Ce sont mes limites actuelles et je dois composer avec.

Ma vie n'a donc rien à voir avec celle d'Etty. Surtout le contexte dans lequel je vis. D'ailleurs il se peut que ce soit précisément ce contexte qui l'ait placée dans un état de sensibilité particulière, avec une sentiment d'urgence devant ce qui se profilait (l'extermination du peuple juif). Une vie plus calme et en paix n'aurait peut-être pas permis cette éclosion.

Ceci dit je ne m'identifie pas à cette femme. Je me contente d'observer le chemin qu'elle a suivi et de m'en inspirer. En fait je ne fais qu'écouter en moi ce qui se met en vibration tout en m'apportant un sentiment de paix, de bonheur, ou de joie. Comme je le fais depuis quelques années pour trouver "le bon chemin". A chaque fois que je sens l'odeur et le frétillement de la vie, je sais que c'est la direction à suivre. Et "la vie", pour moi, c'est ce qui met en vibration ma part d'amour humain.

Je crois qu'auparavant je n'ai pas été assez vigilant en face de ce qui éveillait la vie en moi. J'ai eu tendance à "oublier" ce qui m'a apporté du bonheur. Par facilité, je me suis contenté de prendre ce qui venait à un moment donné sans faire l'effort de le faire durer. Quoique... non, j'ai aussi su lutter pour faire exister ce en quoi je croyais. Pas forcément de la bonne façon, mais ça c'est une autre histoire...

Finalement c'est peut-être d'apprendre à sentir "la vie" qui aura été la grande leçon que je tire de ce qui s'est passé ces dernières années.





Par contre...
(ajout du soir)

... une fois de plus je me demande pourquoi je déballe tout ça en public !



Ressentirais-je le besoin de me justifier ? A mes yeux, ou aux votres [qui ne demandez rien] ? Faut-il absolument qu'il y ait un bien-fondé à chacune de mes démarches ?

Je crois que ce qui est important c'est que je me sente dans une démarche "juste". Et peut-être que, vu les complications et conséquences dans lesquelles j'ai entrainé des personnes que j'aime avec moi, je recherche à trouver la légitimité de tout ça. Pour que ça ne reste pas les errements irresponsables d'un quadragénaire qui se cherche. Sinon... j'aurais une bien piètre image de moi-même.

J'ai besoin de sentir que tout cela a un sens et qu'il en ressortira quelque chose de positif. Et pas seulement pour moi...

Il n'empêche que cela me pousse à dévoiler des parts assez intimes de moi.

Parfois je me demande si, pour contourner l'impression de solitude existentielle, je ne me crée pas une illusion de cercle relationnel. Vous. Du moins les "vous" que je connais et avec qui je correspond individuellement. Je me demande si j'y construis une force d'émancipation, ou au contraire une fragilité de "dépendance". Si j'étais brutalement coupé d'internet, que me resterait-il ?

Oh, ça me fait penser à un truc, ces questionnements sans fin : l'autre jour, chez le notaire, il était question des servitudes (droits attachés au sol, et non au propriétaire, comme une source, un droit de passage, etc...). Et je me suis mis à envisager des tas de possibilités en fonction de l'avenir (hypothétique revente des biens), en songeant à ce que personne ne soit lésé. Bref, je me projetais dans un avenir que tout le monde ignore... et j'ai bien vu que ça compliquait tout ! Il est impossible d'anticiper sur toutes les éventualités de l'avenir.

Alors mes questions... ben parfois elles ne mènent à rien !




Oups... attendez... finalement je sais ce qui se passe au moment où j'écris. J'vais tout vous dire...

Il se passe que ce que j'ai écrit hier pourrait me faire passer pour un idéaliste. Le genre de gars complètement déconnecté de la réalité. Quelqu'un dont, finalement, il faudrait se méfier.

SchhkKkrbLITZ !!!
[disjoncte]


NAOOON, JE NE SUIS PAS UN IDÉALISTE !!!

Enfin si... mais pas dans le sens auquel on peut l'entendre.
Pas dans un sens péjoratif, irresponsable, immature.

C'est mon point sensible ça.
[vous remarquez que personne n'a rien dit et que je pique ma crise tout seul...]

"On" m'a tellement empêché de laisser ma spontanéité s'exprimer, "on" à tellement bridé ma fantaisie, "on" m'a tellement appris à être raisonnable... que j'ai les plus grandes difficultés à laisser s'échapper ce qui vient du plus profond de moi. J'ai été bridé, pour ne pas dire castré, tant par mon mère [ouch c'est quoi ce lapsus ?] mon père que ma mère. Me laisser aller à être moi-même me fait toujours craindre la sentence qui tue: « tu ne te rends pas compte, tu rêves, tu n'es pas réaliste ». Arghhhh, mais laissez-moi viiiivre !!!

Exprimer cette part totalement irrationnelle que j'ai dévoilé hier se situe en plein là-dedans. Et si maintenant j'ose laisser sortir cette fantaisie, me sentant tout à fait serein au moment où je le fais, il ne faut pas très longtemps pour que je me dise « mais qu'est-ce que j'ai raconté ??! », avec une crainte grandissante de passer pour un illuminé [que je suis peut-être, allez savoir...].
Alors je rationalise ma pensée, j'explique, je justifie. J'anticipe toute contradiction, afin de conserver la légitimité de ce que je ressens comme juste et fondé. Vivre selon mes aspirations me demande donc une énergie justificative démentielle...

C'est dingue comme ce regard parental a encore de l'effet, alors qu'ils ne me parlent plus comme ça et semblent désormais estimer mon parcours.

[Hum hum... je vous laisse imaginer l'effet dévastateur sur mon estime personnelle lorsque toute allusion de ce genre a pu être prononcée par les femmes que j'aime... Floutch... petit garçon pris en défaut, on recule de 30 ans]

Mouais... j'ai encore du travail à faire...
[Gnnniii, j'y arriverai, j'y arriverai !]







Dresser le phallus




Lundi 10 juillet


Ce que j'ai écrit ces derniers jours (amour universel et gna gna gna...), je m'étais dit que je n'en parlerai pas ici. Trop personnel...

Je me disais que c'était un truc qui ne concernait que moi et qu'il ne servait à rien de le dilapider. Et en même temps, je sentais que de le faire pourrait me libérer. Ce sont des choses qui ne se disent pas vraiment [ça paraît vite culcul, ou naïf...] et c'était donc une affirmation de moi que de l'écrire en me foutant de ce que les gens peuvent penser. Ça ne m'apportait peut-être rien pour le contenu, mais c'était important dans le geste.

Sauf que j'ai du mal à assumer sur la longueur [j'ai songé à éliminer ces textes...].

Bon, mais je ne vais pas épiloguer là dessus. C'est fait et c'est très bien comme ça.
Avançons...



Maintenant... il est peut-être temps que je m'interroge sur l'idée de castration, qui est apparue dans mon texte en parallèle de la spontanéité refoulée. Et puis il y a aussi cette petite phrase pas anodine du tout, dans laquelle je parle de l'effet dévastateur de certains mots sur l'image que j'ai de moi face aux femmes que j'aime (ou toute personne à qui j'ai envie de plaire).

[pourquoi en parler en public, alors que je pourrais le faire tout seul de mon côté sans "m'exposer" ? Toujours ce désir d'offrir le témoignage d'un homme qui se cherche... et probablement un désir conjoint d'être "soutenu" par des regards qui valident ma démarche exploratoire]

En fait la question n'est pas de savoir si je suis effectivement un rêveur ou pas, spontané ou pas, mais que certaines observations peuvent me destructurer jusqu'à me faire perdre toute consistance. Peu importe ce qui en est la cause: ce qui pose problème c'est le fait que je ne suis pas suffisamment sûr de moi pour entendre certaines choses sans les colorer d'un sens négatif. Je leur donne une réalité (ma réalité) qui n'est pas forcément celle de la personne qui a énoncé sa réalité. Autrement dit: j'interprète. Je projette sur les mots des autres mes craintes fantasmées. C'est absurde, mais hélas ça se passera malgré moi tant que je n'aurais pas décortiqué ce mécanisme débile.

Pourquoi ça fonctionne comme ça ?

D'abord parce que chercher à être sûr de soi quand on veut sortir d'un cadre trop étroit et inconfortable, ben c'est pas évident. Le cadre, même inadapté, ça reste rassurant: au delà des limites... où sont les limites ?

C'est typique de mes derniers textes: sitôt la barrière franchie avec allégresse, je me demande ce qu'on va penser de moi. Avec aussi ma propre interrogation introspective : ce que j'ai énoncé était-il sensé ? Ce que je me sens être est-il encore dans le "raisonnable" ? Suis-je "normal" ? Le doute s'immisce...

Ensuite, parce que je ne me sens pas assez "homme", à ces moments là. Trop fragile et trop sensible. Un peu perdu dans le nouveau territoire que j'essaie de conquérir. Ça ne va pas avec l'image d'un homme stable, solide, bien campé sur ses deux pieds, les muscles saillants... J'aimerais pouvoir affirmer ce que je crois avec calme et pondération, imperturbable, le regard franc et déterminé portant loin sur l'horizon [allons-y carrément dans les clichés !]. Dans le genre : « Je le dis parce que j'ai bien réfléchi et que je n'en doute pas. Faites-moi confiance » [sourire ravageur de Georges Clooney]. Sauf que c'est moi-même qui doute très vite de ce que j'affirme, rien qu'en supposant ce qu'on pourrait penser d'une telle audace... qui finalement me paraît un peu présomptueuse. Alors je me castre tout seul... avant que quelqu'un d'autre [image du père] ne le fasse.

C'est comme si ce qui venait de moi allait automatiquement conduire à la castration : « tu ne penseras, ni n'agiras différemment de ton père qui, lui, sait. »
[imaginez ici un colosse haut de cinq mètres, qu'il ne ferait pas bon défier...]

Ou autrement dit: inutile de chercher à grandir, tu ne seras jamais aussi fort que moi.



Mouais... assurément je n'ai pas encore trouvé le bon dosage dans la recette d'émancipation. J'ai largement tenté de laisser s'épanouir ma part dite "féminine", mais je n'ai pas cherché à développer ma part "masculine". Parfois je me dis que je suis trop féminin...
Non: pas assez masculin. C'est pas tout à fait pareil...

D'ailleurs je m'entends très bien avec des femmes. J'ai plusieurs amies. Mais pour ce qui est de séduire...

Remarquez, je ne cherche pas à séduire, ceci expliquant peut-être cela.

Aurais-tu peur de séduire ?

Euh... oui, c'est fort possible. Pas envie de revivre des trucs compliqués. Je ne me sens pas prêt. En fait j'ai pas envie de rencontres sentimentales. J'ai pas envie d'amour-amoureux. Comme si je sentais que je ne suis pas capable d'être un homme désirable.

Pourtant tu l'as été...

Il semble, oui...

Tu étais donc bien "homme" à ce moment là.

Oui, au début, je crois. Mais c'est ensuite que ça se complique, parce que j'aime sentir une certaine "force" (assurance) chez une femme. Une part un peu "masculine". Mais en même temps... si elle est un peu trop sûre d'elle, autoritaire, c'est moi qui risque de ne plus me sentir à la hauteur: pas assez "fort", pas assez viril. Donc l'équilibre est délicat à trouver. Ça peut vite basculer !

Ce qui est certain c'est que c'est bien à moi de construire cette assurance qui me fait défaut. Et que... ben je ne saurai sans doute pas vivre de relation amoureuse équilibrée tant que je ne le serai pas, équilibré.

Il va bien falloir que je le dresse, ce phallus !
[au sens psychanalytique du terme, hein !]

En tant qu'homme, il ne faut pas que j'aie peur: je ne deviendrai pas "comme mon père", autoritaire et dominateur. Je ne suis pas le même.
Faut pas non plus que je sois "comme ma mère", très gentille mais un peu con à se laisser manger la laine sur le dos par son autoritaire de mari... qui n'est en fait qu'un petit garçon tyrannique qui crie fort pour masquer sa peur d'être dépassé. Un petit garçon qui a peur et se transforme en ogre pour faire peur.

Yeaaah, merci papa et maman pour les modèles que vous m'avez transmis !!

En ayant eu peur d'être un homme (image paternelle = "bourreau"), j'ai préfèré être "victime" (donc "féminin" = mère = soumission). Ce qui n'empêche nullement que je sois bourreau en certaines circonstances, d'ailleurs (comme papa !).

Putains de relations de peur et de domination...
Putain d'Oedipe mal réglé...
Putain de phallus inaccessible...

Au secours, tonton Freud !
Comment j'en sors ???



[Bon ben finalement, si c'était pour en arriver au phallus, ça vallait le coup de parler de spiritualité. Les voies de l'inconscient sont souvent tortueuses...]







On reprend tout, dans l'ordre




Mercredi 12 juillet


Hum... je crois que j'ai touché quelque chose de bien important ces derniers jours. Quelque chose des fondements de mon fonctionnement psychique.

Je ne sais pas si je vais pouvoir écrire beaucoup sur ce sujet. Et même s'il serait judicieux de le faire... Car j'entre là dans le domaine psychanalytique et ne suis pas du tout sûr qu'il soit opportun de dévoiler publiquement ce genre de choses. La trés récente entrée dans laquelle j'ai abordé mon expérience spirituelle, à la fois affirmative, délivrante, et un peu honteuse, m'a montré une fois de plus les conséquences du paradoxe de l'intimité publique. Lorsque j'affirme (j'expose) mon intériorité, je ressens alternativement délivrance dans l'instant et grande gêne a postériori. C'est quelque chose qui mobilise pas mal d'énergie.

Pourtant c'est ainsi que je progresse dans ma connaissance personnelle depuis que j'écris ici, et les avancées sont incontestables. C'est aussi dans l'affirmation de mes failles que je deviens plus "fort" puisque je ne crains plus qu'elles soient découvertes. Je deviens lucide sur moi-même, donc je m'accepte mieux et gagne ainsi cette assurance dont j'ai besoin pour me sentir bien dans ma vie.

J'ai l'impression qu'on gaspille beaucoup d'énergie à vouloir (se) cacher ce que l'on est alors qu'il serait plus simple et plus "économique" de se montrer dans un dépouillement, sans artifices ni masques. D'autant plus que ce qu'on veut cacher est soit déjà perçu par les autres, soit investi d'un impact infiniment supérieur à ce qu'ils en perçoivent.

Ou autrement dit, l'image que l'on a de soi... que j'ai de moi et voudrais donner de moi, correspond à quelque chose de fantasmé. Je peux me sentir faible, lâche, mesquin, sans intérêt... passer beaucoup d'énergie à tenter de cacher cette image honteuse, alors que ce n'est que l'hypertrophie faussée d'un moi insécure. Et je bâtis ainsi ma vie sur un désir d'atténuer, gommer, cacher, quelque chose qui existe surtout dans mon imagination amplificatrice. Les autres ne me voient pas tel que je m'imagine.

Ben oui: pour les autres je suis probablement quelqu'un de tout à fait "normal", qui ne se distingue pas particulièrement de ses congénères humains [oui bon, raconter sa vie intime sur internet n'est pas banal, mais ce n'est pas non plus débile].

Pour les autres je suis tout simplement un homme masculin de sexe mâle.

Oui, mais moi... et bien j'ai un problème avec cette virilité. Un problème tel que ma vie entière pourrait bien en porter les traces. Un problème tel que je cherche absolument à (me) le cacher, et en même temps à m'y confronter. Je cherche à conquérir ma virilité autant que je la refoule, dans une épuisante lutte interne, victoires alternatives du conscient et de l'inconscient l'un sur l'autre.

Dans la virilité il y a un rapport à la sexualité et à tout ce qui est signe de "puissance". Notamment le travail et l'argent. Mais aussi une façon de "conquérir" le monde et d'y prendre sa place. Le tout étant évidemment en lien direct avec la part définitivement manquante de l'homme: son impossibilité d'être femme.

Je n'ai jamais vraiment réfléchi sur la stratégie que j'ai adoptée pour devenir homme. Ni si elle me convenait. Et surtout je n'avais jamais pensé que c'était peut-être de là que me venait un certain mal-être face aux autres, dû à un non-positionnement clair dans mon identité masculine.

Alors... je crois que je dois tout reprendre dans l'ordre, et depuis la base.


Au passage, pour ceux qui ne sauraient pas comment fonctionne l'exploration de l'inconscient, je crois montrer là un bel exemple d'association d'idées: partant de la spiritualité et ma déclaration d'amour de l'humain... j'en suis arrivé à ma virilité mal assumée ! Et c'est tout un pan de la boite à mystère qui s'ouvre. Cela parce que l'ouverture a été longuement "préparée" par ce qui s'est passé dans ma vie depuis quelques années, relaté ici même...

Et d'ailleurs... c'était certainement cette confrontation au masculin que je cherchais par des voies détournées. En effet, j'ai beaucoup réfléchi, et écrit ici, au sujet de l'amour et du couple. Mais il aurait peut-être fallu que je remonte un peu plus en amont. Me rapprocher de la source qui fait naître l'amour. Travailler les assises, les fondations.

C'est ce que je vais tenter de faire maintenant, sans bien savoir jusqu'où je pourrai poursuivre. Il se peut que ce soit un changement dans le déroulement de ce journal.




Les bases:

Avant de pouvoir aimer et être aimé (au sens amoureux) il faut conjointement:
- S'aimer suffisamment (croire en soi et se croire "aimable")
- Être sexué (on est aimé pour une identité sexuelle)
- Aimer cette identité sexuelle (se sentir bien dans son sexe)

C'est à dire avoir conscience et représentation de son identité sexuée, et se sentir bien en elle. Tout cela au niveau de la psychologie des profondeurs. Car il ne suffit pas de se savoir homme (ou femme) en regardant ce qu'on a au bas du ventre pour intégrer toutes les composantes de cette identité.

Je sais bien que je suis un homme, au niveau conscient, mais en profondeur... que suis-je vraiment ? Qu'est-ce que veut dire "être un homme" dans mon inconscient ? Comment est-ce que je me situe et m'affirme en tant qu'homme ? Quelle représentation associe-je au mot "homme" en tant qu'être viril ?


Explorons !


De ma naissance à aujourd'hui, mais surtout dans mon enfance, je me suis construit dans ma masculinité selon différents modèles, plus ou moins influents.

Le premier est incontestablement mon père, élément référent principal. Puisque je suis un garçon, je suis "le même que lui". Il était donc mon modèle. Mais il y a aussi ma mère, et le regard qu'elle porte sur son homme de mari, ainsi que sur les autres hommes. Je me suis identifié au père, mais influencé par le regard que ma mère portait sur lui, ainsi que dans la relation qui les unissait. Je me suis aussi construit par rapport à ma mère en tant que "différence".
Ensuite il y a eu "les hommes" selon l'interprétation que j'ai intégrée de l'image sociale de ce qu'est un homme. Des plus proches (cercle familial élargi, frère, autres garçons, etc...) au plus lointains (livres, films, etc...), en passant par tout ce que la société véhicule (hommes de la rue, publicités, etc...). Et, de la même façon, les femmes proches ou lointaines, les filles de mon âge, l'évocation des hommes par les femmes, m'ont appris comment ces "différentes" se situent par rapport à l'homme..

C'est par cette multiplicité de référence, se complétant ou se contredisant dans le temps, que j'ai pu trouver ce qui m'attirait ou me repoussait dans ces modèles masculins. Et c'est ainsi que j'ai élaboré ma propre construction de l'homme que j'avais envie d'être. Tout se joue là. Dans les choix inconscients que j'ai fait de m'identifier, ou au contraire me différencier du "même" qu'est mon père, du "différent" qu'est ma mère, et de tous ceux qui reproduisent les comportements de ces deux référents.

En fonction de ce que j'étais, de ce dont j'ai souffert ou de ce qui m'a apporté du plaisir, j'ai adopté des comportements de mon père ou de ma mère, et j'en ai rejeté d'autres. Et depuis, je vis avec ça... sans que ce soit forcément très judicieux pour l'épanouissement d'un moi vraiment autonome, construit en harmonie avec ce qu'il est fondamentalement.


(à suivre, peut-être...)






L'appel de la chute




Mercredi 26 juillet


Imaginez un explorateur amateur, mi-audacieux, mi-inconscient, qui aurait un jour décidé de s'embarquer sur une pirogue au milieu du Zambèze. Une sorte d'apprenti Indiana Jones, qui croit connaître suffisamment le fleuve pour aller vers de nouveaux horizons (et des lendemains qui chantent). C'est facile de partir quand on se sent bien équipé avec suffisamment d'atouts en main. La découverte des territoires inexplorés est fascinante. Il se sent pousser des ailes...
Mais lorsqu'il entre dans les zones de turbulences et de remous crées par les rapides, la bonne volonté et la détermination ne suffisent pas. Bing ! Bunk ! Crac ! Ça cogne de partout. Hop, perdue la boussole, et scritch, déchirée la carte... Il doit continuer à l'aveuglette, au feeling, au doigt mouillé. Impossible de rebrousser chemin. Et bientôt plus de vivres...
L'explorateur amateur sait bien qu'au loin il y a la falaise du haut de laquelle le gigantesque fleuve plonge. Il l'entend gronder, de plus en plus fort. Il va bien falloir trouver une halte, une crique, une piste. Vite !!! Sinon c'est la chute vertigineuse...


Ce farfelu sur sa barque, cet inconscient pathétique, c'est moi [sourire niais à la Harrisson Ford].

Et je dois bien reconnaitre que parfois je n'en peux plus. Je suis découragé. L'aventure dans laquelle je me suis lancé passe par des moments vraiment difficile. Bien plus que je n'imaginais.

La conquète de l'homme par lui-même n'est pas chose aisée.

Mes ressources s'épuisent, au sens propre comme au sens figuré. L'énergie n'est jamais remontée bien haut depuis la grande dégringolade, et je la gaspille dans l'inquiétude et l'immobilisme qui l'entretient. Une tristesse chronique me bouffe, aussi. Je ne me suis pas vraiment remis de ma précédente chute et suis encore tout fissuré de partout. J'ai beau rafistoler, solidifier, travailler sur les zones de faiblesse... reviennent régulièrement des complications post-traumatiques. Un p'tit peu tout cassé, quand même...

Oui, ça va de mieux en mieux, heureusement.
[ah ben oui, parce que là c'est plutôt noir comme tableau ! T'exagères pas un chouia ?]


Mais j'aurais besoin d'une convalescence à rallonge. Sauf que c'est pas possible. Je suis toujours sur ma pirogue et le fleuve tranquille ne le sera pas longtemps...

Devant moi un avenir constitué de beaucoup d'incertitude, sans visibilité, et pas follement réjouissant. Je crains fort qu'un certain mode de vie, orienté vers une sérénité choisie et une indépendance (professionnelle) affirmée, n'entre dans ses dernières semaines de répit. L'activation du processus de séparation, avec tout ce que ça implique comme décisions annexes, m'oblige à sortir de ma langueur. Il le faut bien.

C'est obligatoire maintenant.
J'entends la cataracte...


Il me faut renoncer encore à pas mal de choses auxquelles je tenais. Me délester. M'alléger. Et m'aliéner. Je m'ouvre à de nouveaux horizons, qui m'éloignent de ce à quoi je tenais. Peut-être pour mieux y revenir, plus tard, avec une énergie renouvellée ? C'est ce que je souhaite.

Une opportunité s'est présentée et j'ai décidé de la saisir. C'est une chance inespérée. Elle compliquerait beaucoup de choses si elle devenait possible, mais c'est probablement le salut. Alors je fonce...

J'y investis de l'énergie parce que j'y crois.


D'un autre côté j'en consomme beaucoup dans des complications administratives: des règlements d'urbanisme pourraient dynamiter ce qui est en cours d'avancement. Coups de théatre successifs. C'est inquiétant et ça rajoute à l'incertitude. Ça épuise mes forces.

Parfois je n'en peux plus.
[ouais, ça se sent aujourd'hui...]
L'apathie me saisit, comme un engourdissement au moment le plus inapproprié.


Vivement que ça bouge !
Avant qu'il ne soit trop tard...

J'entends le grondement de la cataracte.



[tu ferais mieux de faire autre chose qu'écrire...]
Oui, mais ça me fait du bien...
[pense à la chute !]







Haut les coeurs !




Jeudi 27 juillet


Ouais, bon, j'ai eu un petit "down"...

Pas toujours facile de retrouver le chemin des mots quand ils se bloquent. Ça me demande un effort pour dresser cet animal rétif qui voudrait partir en tous sens et se disperser. Je dois canaliser, trouver une direction et m'y tenir. Sauf que lorsque je broie du noir, ça s'imprime de partout. Et je noircis le tableau ! C'est pas faux ce que je dis, mais pas vraiment objectif. Et pourtant c'est souvent par les mots que je me libère de ce qui est lourd à porter. Juste après ça va bien mieux. D'ailleurs en me relisant j'en arriverai presque à me demander ce qui m'a pris d'écrire tout ça !

Je n'aime pas trop me montrer quand je ne suis pas en forme. J'ai plutôt tendance à m'isoler alors que je sais pertinemment que je ferais mieux de m'ouvrir aux autres. Mais pas en écrivant tout seul dans mon coin. Communiquer, parler d'autre chose, être surpris par ce que l'autre peut me donner de lui (ou d'elle..). C'est ce qui s'est passé hier soir, et ça m'a fait du bien.

En fait lorsque je suis seul, vu ma situation géographique, je suis vraiment seul : je ne vois personne. Même pas des gens dans la rue, vue qu'il n'y a pas de rue. Je ne parle à personne. A tel point que ma voix me surprend lorsque je la réactive...

Cette véritable solitude, celle d'un ermite (en moins durable...), joue certainement un rôle sur mon moral, en particulier lorsque je "porte" seul beaucoup de soucis. J'ai tendance à me sentir submergé. Et puis il n'est pas sans ma nature d'appeller à la rescousse : je veux me débrouiller seul.

C'est un peu bêta...


Si je n'ai plus d'énergie, ce n'est pas en me renfermant que j'en créerait. C'est en allant en puiser à l'extérieur. Parfois simplement avec une conversation, des plaisanteries, ou en allant me divertir hors de chez moi. Autant de questions qui ne se posaient pas autrefois, avec la vie de famille...

Ouais, vivre en solo c'est tout un apprentissage !
Mais j'y parviendrai, c'est sûr.







Ratatouille




Dimanche 30 juillet
[mis en ligne le 9 août]

Sur mon Carnet ouvert aux commentaires, il a été déposé le texte suivant :

« Maurice Blanchot disait (il parle ici de l'amitié grecque): "Nous devons renoncer à connaître ceux à qui nous lie quelque chose d'essentiel; nous devons les accueillir dans le rapport avec l'inconnu où ils nous accueillent, nous aussi, dans notre éloignement. L'amitié, ce rapport sans dépendance, sans épisode où entre cependant toute la simplicité de la vie, passe par la reconnaissance de l'étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis, mais seulement de leur parler, non d'en faire un thème de conversations mais le mouvement de l'entente où, nous parlant, ils réservent, même dans la plus grande familiarité, la distance infinie, cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport." »


Ça m'a fait un choc !
Belle densité en quelques phrases. Et belle pertinence...



Hum... j'ai immédiatement pensé à tout ce que j'ai écrit ici en parlant de mon "amie de coeur"... Et auparavant en parlant de mon épouse-amie.

Être devenu l'ami de son amour, ou tomber amoureux d'une amie, en voila une source de complications quand on n'est pas au clair avec soi ! Quelle confusion, quel cafouillage ! Quelle ratatouille sentimentale !

Pourtant, combien ma vie s'est enrichie depuis que j'en parle ! Que de découvertes !

Ce que cela m'a permis de faire de moi, avec l'aide de mon écriture ouverte aux regards, j'en suis fier. J'ai eu le courage [oui, il en faut un peu...] de me regarder en face, d'oser affronter les regards tout en me mettant à nu, et apprendre à me connaître le plus honnêtement possible, reconnaitre mes faiblesses, apprendre aussi mes forces. C'est un travail audacieux pour qui manque de confiance en soi.
Ça n'a pas toujours été facile [euphémisme]. Accouchement dans la douleur et le déchirement, mais re-naissance. Et si je me suis parfois fait de grosses peurs et hontes retrospectives, c'étaient aussi des étapes importantes pour l'acceptation de ce que je suis. Ou étais... En devenant moi je suis devenu autre, considérablement moins flou. Moins dédoublé. Et je continue, bien sûr.

Oui, franchement, j'en suis fier.

En revanche je suis beaucoup moins fier des méthodes que j'ai parfois employées: j'ai beaucoup évoqué publiquement, et trop détaillé, les complications que je vivais avec chacune de ces femmes. C'était pas correct de faire ça. Le désir de partage, bien que frustré, n'avait pas a étouffer l'amitié.

Ça aussi il me fallait l'apprendre.

Peut-être était-ce même l'apprentissage de la distinction entre amour et amitié, que j'avais à faire ? L'amitié amoureuse n'est pas une confusion des deux sentiments, mais une façon d'aimer qui tient de l'un et de l'autre. Ce n'est pas un flou nébuleux, mais au contraire quelque chose de bien différencié. Quelque chose qui, je crois, préserve des pathétiques dérives de l'état amoureux.

Ben voila. Maintenant je sais.


A la fois fier et un peu honteux.
Mon estime de moi y a laissé quelques plumes que, lentement, je m'efforce de retrouver.

Je me dis que les circonstances exceptionnelles sont une des raisons pour lesquelles je n'ai pas su faire autrement. Je me suis trouvé pris entre deux feux : soit continuer à "avancer" dans mon exploration avec ce journal public, soit... soit quoi ? Attendre que le dialogue redevienne possible ? Protéger les liens de confiance en gardant le silence ?

Ça aurait été idiot. Quelque chose ne fonctionnait plus dans les liens de confiance. J'ai préféré avancer, parce que la vie n'attend pas. Parce que l'immobilisme ne produit rien. Parce que je ne voyais pas d'autre solution. Et parce que je crois à l'ouverture par les mots.

En parlant de chacun de ces liens complexes et de ce que j'en ressentais, j'ai avancé. J'ai compris ce qui se passait en moi en observant le réveil de traumatismes et blessures issues du passé. En constatant les blocages dus aux boulets de mon histoire, je me suis libéré. J'avais tout un travail personnel à faire, "seul" (c'est à dire sans elles... mais avec vos regards), pour pouvoir mieux vivre le lien. Assurément j'ai été plein de bonne volonté. J'ai vraiment pensé agir dans un bon sens (selon mes critères). Je me disais qu'il en ressortirait quelque chose d'assaini.

Ce qui est le cas.

Mais bon, pour assainir intérieurement sa vie il faut ouvrir en grand les fenêtres, récurer dans les coins, vider les poubelles, enlever les toiles d'araignés, sortir les cadavres de rats crevés, soulever les coins de tapis, passer la serpillère... Le tout en rouspétant parce que c'est un énorme boulot, épuisant [désir qu'il soit reconnu ?]. Il y a parfois des relents nauséabonds dans ce travail peu ragoûtant et il vaut mieux que les invités ne soient pas dans les parages.

Or j'avais laissé la porte ouverte sur mes mots/maux et j'étais suivi du coin de l'oeil...
Je n'avais pas assez fait le ménage avant de laisser quelqu'un entrer dans mon intimité fragile et incomplètement construite. Bêtement, je me sentais fautif pour cette impréparation. Des deux côtés.


Ouais... c'est sûr que, idéalement, il aurait fallu procéder autrement. Si seulement j'avais su...

Mais compte tenu de la réalité... je crois qu'il s'est passé ce qui devait se passer. Ce n'est que parce j'ai vécu cela dans la souffrance que j'ai pu m'en affranchir. On appelle ça "expérience". J'avais commencé mon travail toutes fenêtres ouvertes et je l'ai continué ainsi, dans un naïf souci de "transparence" inappropriée, non dénuée d'une générosité... envahissante.
Quant au lien qui s'était développé en parallèle de ce journal... c'est tout naturellement que j'ai parlé de son évolution. D'autant plus qu'au départ c'était, selon mes dires de l'époque, "merveilleux".

Certes ce fût une erreur d'avoir persévéré dans une narration publique, cependant je ne peux pas dire que j'aie des regrets, même pour les aspects un peu sordides. Non: ça s'est fait ainsi. C'était une réalité vécue, liée à un contexte. Il m'a fallu en passer par là pour comprendre des tas de choses inexpliquées. Ai-je agi égoïstement ? Irrespectueusement ? Oui, sans doute... Pourtant il y avait vraiment de ma part une volonté de résoudre ce qui devenait compliqué, et de le faire ouvertement. Un désir de comprendre ce qui se passait, ensemble. Une recherche de lucidité pour un changement personnel. Pour que "ça marche".
Parce que... parce que j'en avais envie et que je me donne à fond quand je tiens à quelque chose !

J'ai donc fait, dit, écrit des choses idiotes, dictées par la conjoncture, que des gens extérieurs (toi, lecteur ou lectrice) ont lu. Cette "publicité" (rendre public) a fait partie de la dynamique relationnelle et de ses impasses. Je n'ai pas su voulu fermer les fenêtres par lesquelles l'air et la lumière éclairaient mes avancées. J'ai répondu comme j'ai pu à ce que je ressentais parmi des intuitions contradictoires, tout en essayant de ne pas être trop injuste envers celles dont je parlais...

J'ai vraiment fait au mieux de ce que je pensais.

Ce faisant je suis descendu bien profondément dans les souterrains de mon passé. Je suis allé jusque dans les tréfonds de ma conscience trouver l'origine de mes comportements, de mes sensibilités. J'ai exhumé quelques cadavres (bon appétit !). C'est un travail exploratoire assainissant, enrichissant et précieux. Pour moi, pas nécessairement pour les personnes que je côtoie. Peut-être même surtout pas... Là était probablement mon erreur majeure, dans ces faiblesses avouées avec candeur. Mais ce qui est fait est fait.
Maintenant je sais sur quoi moi je dois agir. Je dispose d'un meilleur plan du labyrihthe complexe de mes pensées. Y'a plus qu'a simplifier, patiemment, dénouer les trajets embrouillés pour éviter de traverser autrement que seul mes zones sombres et un peu glauques. J'y travaille depuis longtemps et ça s'améliore sans cesse.

C'est loin d'être fini mais toute ma vie en est changée. Mon rapport aux autres est infiniment plus ouvert à la différence, et avide de celle-ci. C'est un peu la découverte d'un nouveau monde...


Ce qui est certain, c'est que je vis plus sainement maintenant.
Et que mes relations se sont simplifiées.



Tout cela sent un peu l'auto-absolution. Mouais... c'est probablement nécessaire pour me libérer d'un fond de culpabilité et retrouver mon estime de moi, lourdement atteinte en ce domaine. Il y avait quand même un certain nombre de raisons pour que ça se passe ainsi.

Et puis si moi je ne me pardonne pas, qui pourrait bien le faire ?






Mois d'août 2006