Août 2006

Dernière mise à jour:jeudi 31 août 2006 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Subtilement rebelle




Jeudi 3 août
[mis en ligne le 9 août]

La tentation du changement se manifeste fort en ce moment. Changer de vie, changer de façon d'être. Me servir de mes nouveaux acquis et faire un pas en avant.

Je sais que cela passe par des décisions. Des choix fermes auxquels je dois me tenir. A la fois n'agir que lorsque je me sens prêt... mais me contraindre à l'action. Sinon ce serait trop facile de me laisser aller.

Pour commencer, je n'ai plus envie d'être gentil. J'ai pas envie d'être poli et bien comme il faut. J'ai pas envie d'être "bien-pensant". Là ça se complique, parce que le conformisme se cache même dans l'anticonformisme. Et puis de toutes façons je ne suis pas non plus un rebel of the society. Je n'ai pas sans dans le sang. Non, pas vraiment...

Quoique... un peu quand même. Mais gentiment. Poliment. Sagement. Subtilement.

Et ça m'emmerde. J'aimerais bien décider un truc, comme ça parce que j'en ai envie, sans me demander si c'est bien ou si ça n'embête personne. J'en ai marre de trop penser à ce que vont penser ou ressentir les autres. Je me fous de ce que pensent les autres !

Hum... disons que j'ai envie de m'en foutre, ça sonnera plus juste...



J'en ai marre du monde des gentils. J'en ai marre des égos sensibles (comme le mien) qu'il faudrait protéger de toute agression. « Mais je m'en fous de tes sensibilités ! C'est ta vie, c'est ton choix. Tu fais ce que tu veux mais n'attends pas de moi de protection particulière ! »

Non non, je ne suis pas en colère. Je m'entraîne... ;o)

Je suis certainement excessif. Ça fait de bien de temps en temps. M'exprimer sans me justifier [fais gaffe, là tu frises la justification !].

C'est redoutable chez moi, cette tentation de la justification. Chercher à légitimer mes pensées, mes mots, mes actes. Ouais... j'aimerais pourvoir faire tout ça sans explication particulière. Juste « parce que j'en ai envie ». Ou même « parce que ! ». Comme disent les enfants.

Ça sent un peu la révolte d'ado, hein ?
Normal, c'en est une. Et comme disait Lao-Tseu: mieux vaut tard que jamais







Le tour de la question




Vendredi 4 août
[mis en ligne le 9 août]


La vente de nos biens immobiliers est devenue une sorte de saga, avec rebondissements successifs et grains de sables qui enrayent et débloquent successivement le mécanisme. Beaucoup de choses échappent à nos possibilités d'action immédiate. Je prends ça avec philosophie, bien que cela nous maintienne dans l'incertitude. Finalement on se fait à tout...

Mardi nous étions chez le notaire, une fois de plus, pour faire le point avec les acheteurs. Vu l'heure tardive de la fin du rendez-vous et l'éloignement de nos domiciles contigus, nous nous sommes payés un petit restau avec Charlotte. Je l'ai ensuite accompagnée chez ses parents à qui elle voulait rendre visite. Ça faisait des années que je n'étais pas allé chez eux. Sa mère, qui perd un peu les pédales, ne comprenait pas grand chose à notre situation. Il a fallu que Charlotte lui rappelle qu'on était sé-pa-rés pour qu'elle finisse par dire que pour elle c'était de la rigolade. Elle nous voyait ensemble, manifestement pas en guerre, et cela ne convenait pas du tout à sa représentation d'une séparation.

Ce n'est pas la première fois que notre statut hybride surprend. Séparés, dans la tête de pas mal de gens, ça signifie conflit. Ou du moins mésentente suffisante pour ne plus pouvoir se supporter. Or on se supporte très bien. On s'entend bien, on rigole ensemble, on reste proches.

Mais y'a rien à faire: pas pour vivre ensemble.

Charlotte m'en reparle de temps en temps maintenant qu'elle me sait "seul", mais on arrive toujours au constat d'impossibilité. On a trop avancé dans nos vies respectives. On sait bien ce qu'on peut ou ne peut pas supporter, ce qu'on désire ou ne veut pas. On sait aussi qu'on a des choses à vivre chacun de notre côté. Cette émancipation nous est nécessaire.

Alors on est bons amis.


D'ailleurs je tiens à cette liberté que ça me permet. Je peux renconter qui je veux sans que ça ne pose de problème. Et comme mes amitiés sont essentiellement féminines, ça évite bien des tracas...

Je peux aussi passer le temps que je veux à écrire, lire, ou "communiquer" sur internet.

Quoique... je commence à sentir de toute part les limites de ces formes de communication. J'ai exploré les chats, les forums, les blogs... et vient un moment ou une forme de lassitude s'installe systématiquement. Ça tourne en rond. Les sujets d'échange s'épuisent. Je n'éprouve plus le frisson de la découverte.

Peut-être que je suis parvenu au bout de ce qui était échangeable ? Les relations avec autrui, le couple, l'amour, l'exploration de soi... N'ai-je pas fait le tour de la question ? Est-ce que je ne suis pas dans la redondance ? Finalement, qu'est-ce que j'apprend de nouveau, si ce n'est des détails? Importants, certes, mais peu propices aux grands enthousiasmes.

Ce dont j'ai envie c'est de vivre la rencontre. La découverte. Ce qui me plaît c'est l'inconnu (même si ça me fait peur...). Pour ça que la petite routine bloguienne m'ennuie un peu en ce moment. A commencer par la mienne : j'ai l'impression d'avoir usé mes lecteurs. Mes écrits sur blog suscitent souvent peu de commentaires. Parfois ça me frustre [pourquoi ?]. Je n'ai pas envie d'écrire avec cette vague impression d'être inintéressant [ça c'est ma bête noire]. Je préfère encore écrire ici, où je n'attends aucun commentaire.

Pfff... je n'ai pas encore vraiment trouvé ma place dans la dichotomie entre "expression" et "communication".

Voila: en quelques lignes apparaît cette éternelle crainte. Ce besoin d'être nourri par le regard de l'autre. Or le retour ne vient que si je "donne" d'abord. Donc si je crois suffisamment en moi. Mes ressources sont à l'intérieur de moi, l'autre ne peut les révéler que si je les exprime.






Quarantaine




Mercredi 9 août


Je vais vous dire une chose : si j'avais su, j'aurais fait ma crise d'adolescence à l'âge dévolu pour cela ! Parce que reporter jusqu'à ce que ça explose à la quarantaine, ce n'est pas une sinécure ! Oh la la, quel boulot... Que d'énergie dépensée, que de temps investi...

Ma p'tite crise de quarantaine est du genre carabinée. J'espère qu'elle sera suffisante pour que je trouve ma place dans la vie. Parce que là, je sature un peu. Je ne compte plus le nombre d'années écoulées depuis les premières manifestations, mais j'ai hâte de voir le bout du tunnel. Y'en a un peu marre de cette instabilité et des remises en question existentielles. Je commence à fatiguer...

Ce qui est difficile, c'est l'étendue de la remise en question et la grande incertitude des objectifs à suivre. J'aimerai bien savoir pour quoi me battre. Où je dois investir mon énergie. Dans quelle direction agir.


Certes, comme je le disais récemment à mon amie Inès, je n'ai jamais vécu aussi intensément que ces dernières années. En cela c'est plutôt une bonne chose. Mais en même temps je n'ai jamais passé autant d'énergie dans un changement. En fait je ne vis pas vraiment: je change. Ma vie actuelle c'est davantage évoluer que "prendre le temps de vivre". Et honnêtement, je ne le referai pas. J'aspire à une vie plus sereine.

Une vie plus calme, cérébralement parlant, mais plus active, plus créatrice. Penser c'est bien... agir c'est mieux.


Je disais récemment à Charlotte, au cours d'une petite marche dans les collines, que j'avais intégré les limites de la théorisation. Entre le désir d'être et sa réalité, il y a parfois un immense fossé. Et si "comprendre" est utile, c'est sur le "faire" que l'on se jauge. Oui, je n'invente rien en disant cela...

Je me dis que tout au long de ma vie j'ai cru "comprendre", alors que je n'ai fait qu'apprendre. J'enregistre, mais seule la restitution en situation montrera si j'ai vraiment intégré.

Sur ce journal, combien de fois ai-je clamé que j'avais "compris" ? Non, j'ai seulement appris, mais pas au point de comprendre dans mon intériorité. Je n'ai compris que ce qui s'est passé dans des circonstances particulières, mais pas l'intégralité de la leçon à tirer d'une situation. Et en fait, après chaque leçon de vie, je ne suis qu'un tout petit peu moins ignorant.

J'en viens à me demander si l'effet de toute mon écriture n'est pas dérisoire. Question rentabilité en fonction du temps passé et de l'énergie investie... ce n'est pas un bon placement ! Et pourtant, si je n'avais pas fait tout ce "travail", où en serais-je ?

Peut-être qu'apprendre c'est passer par cette débauche d'énergie pour un tout petit avancement à chaque fois ? Et, à moins d'être confronté à des situations qui déclenchent une prise de conscience immédiate et font "grandir" en très peu de temps, il n'y a peut-être pas d'autre méthode que d'apprendre pas à pas. Ainsi y a t-il peut-être une part de "chance" à vivre quelque chose de douloureux, parce qu'alors on comprend ce qu'il aurait fallu des années à intégrer. Finalement ma vie d'adulte a été plutôt facile jusque-là, me préservant de complications formatrices... Ce qui pourrait passer pour une "chance" a peut-être généré une sorte de handicap en prolongeant le temps d'acquisition des leçons fondamentales de l'existence.







Les illusions vaincues




Samedi 12 août


J'ai écrit il y a quelques jours que mon estime de moi avait été endommagée par les suites de complications relationnelles. D'autres fois je crois avoir dit que tout mon processus évolutif me redonnait confiance en moi. Les deux sont vrais. J'ai à la fois davantage confiance en moi... et une méfiance.

Bizarre, non ?
Évidemment ça ne concerne pas les mêmes domaines...

Globalement mon estime de moi est largement accrue et, malgré de nombreuses incertitudes dues à l'absence de visibilité vers l'avenir, je me sens plutôt bien dans ma vie. Je sais que ce n'est qu'une question de temps pour que s'affirment avec détermination mes choix de vie et mon ancrage dans la force sereine d'une masculinité assumée.

Je suis certain des effets positifs à long terme de tout ce que j'élabore depuis quelques années.

Très bien.



En revanche, je dois bien constater qu'il y a eu de profondes fissures consécutives à la lente implosion que j'ai relatée ici depuis trois ans. Au point que je me sens toujours fortement destructuré sous une façade de sérénité... a renouveller constamment. Cela tient de l'effondrement-reconstruction en continu. Le maintien d'une cohésion palliant la fragmentation absorbe beaucoup, beaucoup, de mon énergie. Ça me vide.

En mettant en évidence sur ce journal certaines de mes failles profondes, j'ai lacéré l'image que j'avais de moi en tentant de correspondre à une autre, encore inaccessible. Je m'y suis désagrégé sous vos regards, sans m'être vraiment recomposé depuis. Ce ne sont pas les lézardes en tant que telles qui m'importent, mais le fond de ce qu'elles montrent : quelqu'un qui n'est pas à la hauteur de ce qu'il aimerait être. Quelqu'un qui a sous-estimé la difficulté qu'il y a à se surpasser seul. Quelqu'un qui a été dépassé par l'imprévu de ce qui s'est dérobé. Quelqu'un qui n'a pas su anticiper, ni s'adapter assez rapidement pour ne pas perdre pied. Car j'ai bel et bien perdu pied en perdant mes appuis. Hagard comme un funambule tombé de son fil. La chute de l'artiste déchu. Rude coup porté au regard que j'ai envers moi.

J'aurais dû pleurer ma déchéance seul dans mon coin. Et pour panser mes fractures, me cacher après la chute...

Pourquoi l'ai-je autant décrite ? Pourquoi me suis-je minoré en décorticant mes travers, mes erreurs, mes faiblesses, mes manques ?
Certes, ce faisant je n'ai pas triché. Je suis resté honnête en me montrant sans fard. J'ai au moins cette satisfaction.

Mais je crains d'avoir payé très cher cette sincérité tapageuse. En montrant mes lacunes j'ai ouvert des fenêtres sur ce qui aurait pu rester caché. Je ne me suis pas protégé et j'ai donné une image de moi irréaliste. Nu, plus fragile que je ne suis. Je ne gagne rien à me montrer sensible, c'est bien trop vulnérabilisant et peu propice à la restauration d'un ego disloqué. Cette sincérité de l'intime est un engrenage suicidaire. J'aurais appris réappris cela. Et c'est justement ce qui me fait un peu peur maintenant, parce que je pensais que c'était une force que de savoir dire ses faiblesses. Toutes ses faiblesses. Là, j'ai vu que c'était une erreur.

Je suis allé trop loin dans le dévoilement de mes failles.

Ai-je fait preuve de complaisance envers moi-même en racontant mes mésaventures ? Zapping indécent, avec arrêt sur image, ralentis, travelling arrière. Quelle mise en scène ! Qui en est le pathétique héros ? Avais-je à ce point besoin de me justifier ? Devais-je systématiquement tenter de restaurer l'image que je désagrégeais antérieurement ?

Je crois qu'il est toujours préférable de se montrer sous son meilleur jour, tout en gardant pour soi une lucidité intérieure qui rappelle à la modestie. Préserver aussi une part de mystère. Se dire avec parcimonie. Savoir faire silence. On apprécie les forts, pas les faibles (sauf pour se rassurer sur soi...). On a tous des faiblesses, mais la sagesse consiste à les connaître sans les dévoiler. Ou seulement à dose homéopathique, en gage de confiance réciproque. Dans l'intimité.

C'est l'essence même de l'intimité : donner des parts secrètes de soi, privilège accordé à qui les reçoit. L'intimité publique est un sacré piège et je m'y suis fait happer. Ça m'apprendra ! Depuis le temps que je flirte avec ses limites nauséeuses...

J'apprends maintenant la retenue (sans bien savoir la doser...).
Avec autrui j'instaure le maintien à distance comme moyen de protection, tout en restant accueillant envers les mains qui se tendent et capable d'ouvrir les miennes. Trouver la juste distance, car il serait dommage que je me ferme trop...

Équilibre délicat à établir.



La rencontre de l'autre est, que je le veuille ou non, un combat permanent. Même avec les personnes que j'aime. Peut-être même surtout avec elles. Lutte en douceur, passive, en m'affirmant pour préserver mon territoire vital. A ne pas vouloir blesser, je me fais blesser... et je blesse en retour. Ingénuité gaffeuse des "gentils" qui veulent bien faire. Pour l'avoir ignoré, ou plutôt avoir refusé de me soumettre à cette logique territoriale, j'ai perdu une bataille. Et une part de mon estime personnelle avec. Pour un temps...

J'ai heureusement gagné sur d'autres domaines, par lesquels je me restructure solidement.

Petit combattant défroqué, aux intangibles victoires, égaré au milieu du champ dévasté des grandes batailles qu'il a voulu mener sans se protéger. Je n'ai gagné que contre mes propres chimères en tuant nombre d'illusions. C'est déjà pas mal, me direz-vous... Mais j'ai perdu en blessant ce qui m'était cher. Cadavres et blessés jonchent le sol, entremêlés.

Je continue l'inventaire : gains et pertes, vivants et morts, passé et avenir. Je m'efforce de retrouver une dignité intérieure. Inspirer une sagesse supérieure. Retendre le fil conducteur de l'existence vers un avenir à désirer...
Travail de bénédictin. Reconquérir cette estime de moi en continuant à forger l'homme fiable que je peux être. Car dans le fond, je sais bien que je suis fiable. Et honnête. Et courageux. Et persévérant... Il me suffit de croire en moi.

Entre faible et fiable, il n'y a qu'une tout petite inversion.


* * *



En me relisant je trouve que tout cela ne paraît pas follement enthousiaste. L'enterrement des illusions est un peu triste, certes, mais porteur d'une force accrue. Je suis devenu plus réaliste, mais pas moins espérant.
Je dois bien reconnaitre que tous ces combats contre moi-même m'ont éreinté, et c'est peu de le dire ! Trois ans que ça dure ! Je vais bien, pourtant. Globalement et en apparence. Parfois je vais même très bien et je peux rire, sifflotter, être détendu et profiter du temps présent. Mais je me leurre un peu moi-même: je fais en sorte que ça aille bien. Parce que la vie est là, à dévorer. Je la saisis mais n'y suis qu'à moitié, projetant le reste au delà du brouillard de mon avenir opaque.

Je ne vis pas vraiment là où je suis. Comme si j'attendais je ne sais quelle délivrance.
Attendre...

Oh, ce n'est pas vraiment embêtant puisque une partie du dénouement s'approche. Mais je me demande s'il ne serait pas judicieux de changer quelque chose, au moins pour ce temps qui reste. De plus en plus souvent je me dis que je devrais me soustraire du monde d'internet, trop stimulateur de pensée, et revenir dans une réalité bien terre à terre. Une vie normale quoi. Une vie dans laquelle je ne me poserais pas trop de questions existentielles. Une vie simple, comme celle que j'avais avant. Une petite vie tranquille...

Il y a la tentation d'oublier toutes ces désillusions, qui finalement, vont finir par me coûter plus cher que les bienfaits engrangés grâce à cette "cybervie" hyperréaliste.

Ouais... et si tout cela n'avait été qu'un rêve ?

[blooomm, trois tonnes de plomb...]

Hmmm, voui, j'exagère. Je crois que je suis un chouia dépité-déprimé-désabusé-désanchanté.
Il serait temps de respirer un air neuf...

Silence jusqu'à ce que ça aille mieux ?







Restaurer le secret de l'intimité




Lundi 14 août


Mon dernier texte, accouché dans la douleur des contorsions, m'a fait frôler le malaise. Si, si, j'vous jure, ça ressemblait à ça ! Du coup ça m'a mis face à moi-même: je ne peux plus continuer ainsi. Ces vomissements retenus dans des spasmes angoissés m'indisposent profondément et contribuent à absorber une énergie qui me serait bien plus utile ailleurs.

Aussi avais-je décidé hier de suspendre ce journal, le temps de retrouver un nouvel équilibre et une sérénité un peu plus épaisse. En y réfléchissant ce n'est peut-être pas cette manière radicale qui apaisera ma schizophrénie...

Voila en effet pas mal de temps que je piaffe dans ce dévoilement contrarié auquel personne ne me contraint. Il me faut casser une certaine dynamique de l'intime exposé, quitter ce déshabilloir, arrêter de gratter autour des plaies intouchables. Je suis nu et sous la peau irritée est le sang. Je me fais du mal en persévérant. Alors stop !

Respire...

Prends le temps, rien ne presse. Zeeeeen...



Hier matin j'ai longuement discuté avec Charlotte. Nous parlions d'argent, ce lien incongru qui nous enserre encore, dernière entrave au processus d'émancipation. Beaucoup de choses sont sorties, probablement préparées par mes écrits ici, mais aussi par les sujets abordés dans ma psychothérapie : mes représentations du masculin, de l'argent, du pouvoir. Et ce qui se bloque dans la combinaison de ces points. Tout cela est chargé d'identifications à mon père, cet homme-référent.

Je ne sais pas si je pourrai aborder ces sujets ici.

J'ai un travail intérieur à faire, mais que je ne divulguerai sans doute pas publiquement. Ou alors succinctement. C'est trop de travail et c'est... trop intime. J'ai déjà largement dévoilé de grands pans de mon intimité et c'est suffisant. Aller au delà deviendrait probablement trop exposant. Peut-être ailleurs, un jour...

Bref, je dois encore y réfléchir.

C'est dans ces zones que se trouvent bien des explications à ce qui s'est passé dans ma vie depuis que j'ai entamé ma "crise de quarantaine". Tout est lié, imbriqué, interdépendant. Jusqu'à récemment je n'avais réfléchi que sous certains angles de vue: la séduction, la sexualité, les liens d'attachement, la problématique de la dépendance... Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Je n'ai fait que soulever un coin du voile... En fait c'est un peu comme une enquête policière: je cherche les indices qui peuvent expliquer le "crime" [quel crime ?] et je remonte la piste. Pourquoi ai-je "choisi" de changer ma vie ? Quels sont les mobiles qui m'ont donné le courage de me lancer dans cette entreprise ? Pourquoi n'ai-je pas renoncé devant tant de difficultés qui se sont successivement présentées devant moi ?

Si mes nerfs lâchent de temps en temps, en ce moment, c'est parce que je touche du doigt mes angoisses profondes. C'est là, maintenant, ou dans quelques semaines, que la concrétisation de tout ce travail va se matérialiser. J'ai peur. Je suis prêt, mais j'ai quand même peur. La tentation absurde de tout oublier et revenir en arrière en est la preuve. Je vis des moments pénibles, sans autre récompense que la satisfaction d'avancer dans le bon sens. Je m'y sens... terriblement seul. Je suis souvent à bout de forces, je dois bien l'admettre. Heureusement j'ai les ressources suffisantes pour continuer à croire au bien-fondé de ce que je fais.

Oui, ce que j'ai entrepris est difficile. Un travail sur soi en profondeur est un investissement bien plus colossal que je n'imaginais. Il est normal que je ne puisse gravir ce passage sans efforts. Il est normal que je sois épuisé. Il est humain que j'aie fait des erreurs, que j'aie des faiblesses. Je ne suis pas un héros mais n'en suis pas moins méritant.

Je sais que dans quelques temps je serai heureux et fier d'avoir passé ces épreuves initiatiques [non, je ne me suis pas bariolé de peintures de guerre...]. Seul face à moi-même. Coupant ce lien fantasmé qui me relie à des regards dont je guette la bienveillance. Là où je me rends il n'y a pas de guide. Personne ne peut m'accompagner [mais me soutenir, c'est permis...].

Je suis épuisé, découragé... mais je garde la ténacité pour continuer. Je vais peut-être grimacer, suer, pleurer, faire des pauses, paraître désespéré, devoir tempérer mon coeur en charpie, mais je poursuivrai. Le sourire reviendra. Ma vie est de l'autre côté et peu importe le temps qu'il me faudra pour y parvenir.


Voila, j'avais envie d'offrir une note plus optimiste :o)



Je sais que ce que je fais est bon pour moi. Je sais qu'une grande part de ma délivrance est au bout. Je sais que la sagesse que j'en tirerai me permettra d'être davantage capable d'ouverture à autrui.

De ce que je vis j'espère un jour pouvoir transmettre à d'autres la révélation de leur force intérieure. Ce sera ma plus belle récompense.








Derrière les nuages, le ciel est toujours bleu...







Avec le temps



Mardi 15 août


Je ne sais pas trop comment fonctionnent les hormones du cerveau, mais c'est assez bizarroïde. Depuis quelques jours j'étais assez mal [voire un peu plus...], comme les plus perspicaces d'entre vous auront pu le subodorer...

Pourquoi ça n'allait pas à ce moment là ? Alors ça... si je savais ! Tout un tas de trucs, des bonnes et de moins bonne raisons, mais là n'est pas l'importance. Non, le mystère c'est que rien n'a changé d'un jour à l'autre. Sauf ma façon de voir la situation. Vous y comprenez quelque chose, vous ? Non, certainement encore moins que moi...

Peut-être était-ce la météo pourrie qui, me confinant chez moi, me faisait broyer du noir ? Peut-être était-ce l'absence d'échanges qui me faisait penser en circuit fermé ? Oui, il y a probablement de ça...
Peut-être d'autres raisons encore, comme un triste anniversaire.

Ou peut-être est-ce d'avoir relu en différé ce que j'avais écrit avant de le mettre en ligne ? Je garde souvent mes textes un peu "lourds" en attente de validation par ma commission de censure personnelle. Là, le lendemain, ça m'a paru vraiment trop catastrophiste, alors j'ai modifié. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais d'un jour à l'autre je ne pensais plus de la même façon. Je voyais écrite une tragédie alors que... bon, c'est sûr que c'est pas facile à vivre, mais après tout ce n'est pas la première fois. Je suis toujours parvenu à surmonter mes inquiétudes et avancer [certes à petits pas...] face à l'inconnu.

Dans le fond je crois garder confiance. Quand je me désespère c'est simplement une grande lassitude. Donc ce n'est pas grave. Juste un moment de déprime à passer. Pénible, mais temporaire.

Ouais... je dis ça maintenant. Faut pas pour autant que je minimise l'enjeu de ce qui se passe en ce moment. Ce que j'ai écrit ces derniers temps reste vrai. Mais comme dirait l'autre: « y'a pas mort d'homme ! ». Une situation compliquée n'est pas une situation désespérée. Chaque chose en son temps. Les noeuds se défont peu à peu et l'ensemble se simplifie.




A propos de simplification, ça me fait penser à un truc qui m'a surpris : avec Charlotte et notre fils aîné, on était en train de parler des fêtes que nous faisions quand nous avions son âge. A cette époque on rigolait bien avec nos copains et je n'étais pas le dernier à participer. Et puis bon... deux décennies plus tard les fêtes avaient perdu beaucoup de leur ambiance. Rencontres convenues, sages discussions durant lesquelles je m'endormais vite. Fini la rigolade. Du sérieux... pfff...

Bref, en parlant de ce passé anté-séparation l'un de nous trois à lancé, en boutade, qu'on pourrait faire une méga-teuf en invitant tous nos amis pour le divorce ! On a ri et Charlotte à surenchéri en disant qu'elle avait déjà lancé l'idée à ses copines. Là elle m'a scié ! Elle a drôlement avancé dans l'acceptation de tout ça. Il y a un an ou deux, lorsque je plaisantais sur ce genre de choses, elle me jetait un regard noir qui n'invitait pas à poursuivre dans cette veine [oah bon, si on peut plus rigoler...].
Alors on s'est tous les trois mis à plaisanter en parlant d'un faire-part de démariage. On pourrait réutiliser l'image d'origine, mais en la détournant, de façon à montrer qu'on prend chacun un chemin divergeant. Charlotte a même dit que ça couperait court aux vagues questionnements et non-dits de ceux qui ne savent pas trop quelle attitude adopter. Oui, fêter la déliaison comme quelque chose de "normal", quelque chose qui se passe bien, sans amertume ni guerre. Sortir de la connotation tragique qui colle à l'image du divorce dans notre cercle amicalo-familial.

Je ne sais pas si on le fera, mais j'ai trouvé déjà bien que ce soit dédramatisé pour Charlotte.


Cette anecdote pour dire qu'avec le temps, en laissant décanter, puis en donnant toute la place nécessaire au dialogue, et bien on évolue et on retrouve la paix. Donc ce que je vis avec quelque inquiétude et douleur actuellement n'est qu'un mauvais moment à passer. Un jour ce ne sera plus qu'un lointain [mais toujours mauvais] souvenir.




Mais au fait, qu'est-ce qui m'inquiète et me fait (parfois) déprimer ? Qu'est-ce qui déclenche ses abîmes d'angoisse ?
Ce n'est pas tant la perspective de la solitude à venir que tout ce qui est en bouleversement. La période actuelle est soumise à de nombreux aléas sans beaucoup de certitudes. Le plus inquiétant c'est l'argent, et mon métier (les deux sont liés). J'ai posé ma candidature pour un poste très motivant... mais dans une région éloignée. Je suis dans l'attente de la réponse. Or si elle est positive ça signifie que je laisserais la maison à Charlotte dans un délai très court. Dans le cas contraire c'est elle qui partirait. Du coup, nous sommes "suspendus" à cette réponse, ce qui empêche toute projection pour le mois à venir. Aucune visibilité.

De plus, si ma candidature est retenue, ce sera un peu la panique puisque je ne suis pas encore vraiment libéré de mon métier actuel. Beaucoup d'argent y est "bloqué" puisque ce que je produis est en attente d'être vendu. Et il me faut absolument le vendre pour payer tous mes frais et charges. Donc ça risque de coincer si je suis éloigné. Inquiétant.

Malchance supplémentaire: mon véhicule de travail est en panne et la pièce de rechange est introuvable. Donc je n'ai pas de moyen de transport pour ce que j'ai à vendre. Et louer coûte très cher pour mes finances ascétiques...

Par ailleurs, nos deux étudiants doivent se loger et les loyers sont chers. D'où la peur de manquer d'argent et les crises d'angoisse qui en découlent. 

Voila, vous savez (presque) tout.

Il suffirait qu'on signe la vente de nos batiments pour que ça nous donne un peu d'oxygène, mais là aussi il y a une incertitude due à des "conditions suspensives" sur lesquelles nous n'avons aucun pouvoir. Le résulat est pour dans quelques semaines. Attente...

Tout cela n'est peut-être pas très explicite, et pas forcément imaginable pour qui ne le vit pas, mais ce qui est certain c'est que ce n'est pas évident de rester parfaitement zen en pareille situation !

J'ai donc droit aux circonstances atténuantes...








Idées fortes




Jeudi 31 août


Isolé dans un relatif silence, je me retrouve. Après m'être éparpillé à tous les vents, je me reconstitue. Je restructure mon axe désapointé. Je redresse ma colonne vertébrale, un temps désarticulée. Autant de métaphores pour dire que je me sens bien, et sur une bonne voie.

Oui, quelque chose de bon. De solide. Bien campé sur mes deux pieds. Avec suffisamment d'expérience de vie et de recul pour savoir que ce ne sont pas des mots pour faire joli. Ni de l'autopersuasion.

Dans mon isolement je peux me réouvrir aux autres, parce que je sais qui je suis et que je n'ai plus "besoin" de personnes en particulier. Suffisamment indépendant, ayant compris que dans la vie on est fondamentalement seul et que toute alliance n'est qu'un compromis de circonstances, qui n'engage que ceux qui le croient éternel. Finalement, une fois qu'on a accepté ça... on est enfin libre.

D'une certaine façon je peux dire que j'ai vécu le pire. Ma hantise. Ce que je redoutais le plus, ce qui me retenait d'avancer dans la vie vers l'altérité. Alors maintenant je me sens presque invulnérable, parce que je sais mieux comment me protéger. Ne pas aller trop loin dans l'ouverture à l'autre, qui ne me doit rien. A qui je ne dois rien. Ne rien attendre de l'autre. Nulle amertume à accepter cela, au contraire: c'est une clé de libération. Je dirais même que c'est une chance pour moi de l'avoir compris, sans m'être arrêté en chemin pour éviter le passage par la douleur qui, seule, pouvait me faire comprendre mes erreurs...

J'ai craint un moment de me renfermer. De me racornir. De me déssécher. Par peur d'avoir à souffrir encore. J'ai craint que mon coeur ne se ferme. Brisé. Aigri. Mais c'est le contraire qui se produit: il s'ouvre bien plus grand que jamais. Il s'ouvre autrement, plus accueillant qu'assoiffé. Bras ouverts. Et c'est ma force. On vient vers moi parce que j'apporte quelque chose. On m'apprécie pour ce que je suis.

Je m'étais égaré sur des voies qui n'étaient pas les miennes, qui ne me conviennent pas, auxquelles je ne crois pas. J'ai essayé et ça ne marche pas pour moi. Ça ne mène pas vers la lumière à laquelle je crois et pour laquelle j'agis. En écoutant ce en quoi je crois je me retrouve, plus solide, plus affirmé qu'avant. Mes convictions ne cessent de se renforcer, nourries par des racines profondes et inarrachables. Ce que je taisais à moi-même j'ose maintenant l'énoncer à autrui. Je n'ai pas peur.

Mais je me préserve, aussi, de toute situation qui pourrait solliciter mes fragilités. Connaître ses faiblesses, là est la plus grande force.