Septembre 2016

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Tôt ou tard





Samedi 3 septembre 2016


Vivant seul je jouis d'une grande liberté. Peu de contraintes, hormis d'aller gagner ma croûte et quelques obligations municipales. Pour le reste... je fais ce qui me plaît ! C'est un énorme privilège.

La contrepartie c'est qu'il me revient de décider ce que je fais de cette liberté. Rester chez moi ou partir ; profiter de ma solitude ou choisir la compagnie ; être dans la nature ou explorer les univers virtuels... Parfois je tergiverse, hésitant entre les solutions les plus tranquilles, les plus aisément accessibles, et celles qui, au prix de quelques efforts, permettent de vivre plus inténsément. Mais les arbitrages se font en moi, au gré de mes envies du moment. Je n'ai pas besoin de prévoir à l'avance. Même mes voyages peuvent être décidés à la dernière minute, ou presque. C'est extrêmement confortable.

Vivre seul est un luxe auquel j'ai pris goût. À tel point que j'imagine mal de perdre une once de ma précieuse liberté...

Or il y a quand même "les autres" avec qui je dois composer. Les autres avec qui il faut organiser, prévoir, anticiper toute activité commune. Avec certaines
personnes je répondrai systématiquement oui, sans hésiter, parce que mon envie de partager avec elles est en état de latence permanente. Mais ce n'est pas le cas pour toutes et parfois il m'est difficile de répondre à une proposition parce que je n'ai aucune idée de mes futures envies. Ou que je les sens pas très fortes. Ou que pour diverses raisons je redoute le tête à tête. C'est embarassant...

C'est embarassant parce que dans ces cas-là je ne sais pas quoi répondre. Je ne vais pas dire « oh oui, super ! » si je ne le ressens pas ainsi. Alors j'ai des réponses évasives, ni oui ni non, pourquoi pas, peut-être, on verra. De l'embarras je passe à l'inconfort.

Et à partir de là je perds ma liberté. Je me vois contraint de décider, tôt ou tard. L'autre n'y est pour rien : c'est moi qui me sens obligé. Je ressens comme une pression : décide-toi ! Sache ce que tu veux ! Et ça me paralyse parce que je ne sais plus quoi penser, entre mes envies personnelles, celles de partager quelque chose, celles de faire plaisir. Certaines personnes savent proposer en laissant toute liberté. D'autres semblent attendre une réponse nécessairement favorable, sous peine d'être déçues. Avec le risque - c'est là que ça devient piégeux - de le faire "payer" au prix de la culpabilisation : « tu n'as pas envie de me voir ? ». Ce n'est généralement pas aussi clairement dit
[quoique...] mais je le ressens intuitivement ainsi. Comme s'il y avait un devoir d'accepter, ne serait-ce que par politesse. Et que tout refus serait perçu comme un rejet.

Ce mode de fonctionnement tordu et culpabilisant réveille directement celui qui est issu d'un héritage maternel, lui-même transmis par les générations antérieures. Et c'est un poison relationnel.

Je travaille à l'éradiquer en moi depuis que j'ai commencé à comprendre les dégats qu'il causait. J'ai en mémoire les attentes que j'avais autrefois, méticuleusement disséquées ici-même dès qu'elles ont commencé à poser problème. En théorie j'ai assez rapidement compris ce qui se passait, mais en pratique il m'a fallu nettement plus de temps pour en sortir. Trop de temps pour servir la relation que j'entendais préserver, à l'époque, et qui a sans doute sombré à cause de cela.

J'avais des attentes et, déçu de ne pas les voir partagées, je cherchais à culpabiliser "l'autre". Un mode de fonctionnement qui a duré beaucoup trop longtemps, entretenu par un contexte douloureux particulièrement propice à l'entretenir.

Depuis j'ai toujours été vigilant sur ce point et je crois pouvoir affirmer que je n'ai jamais plus eu d'attentes culpabilisatrices.




* * *




Lu sur Télérama, au sujet des relations de voisinage : « nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir vivre seuls, or c'est impossible : l'espace nous contraint, nous sommes condamnés à vivre les uns à côté des autres, sinon les uns sur les autres »
Hélène L'Heuillet, psychanalyste




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Liberté, tranquillité, sérénité





Mardi 20 septembre 2016


J'ai l'impression tenace que la raréfaction de mon écriture ici découle de son extension sous la forme "blog". Une part importante de mon flux d'expression y est captée, que ce soit dans la rédaction des textes ou dans les échanges qui parfois en naissent. Sans même parler du temps accaparé puisque je m'y vois plus exigeant : abordant des sujets généralistes, il me faut souvent aller chercher quelques informations étayant mes dires.

Le journal, au contraire, correspond à une expression personnelle, subjective, largement égocentrée. Il n'y est pas question d'idées, mais de ressentis. Il n'y a ni débat, ni approbation ou désapprobation. Seulement d'éventuelles résonances.

Il y a quelques jours A. m'a dit que j'étais moins tourné vers la psychologie qu'il y a quelques années. Mon intérêt lui semble s'être porté davantage vers la sociologie. Voire, plus récemment, sur une démarche presque "scientifique" puisqu'elle m'a vu me passionner pour des observations statistiques et m'appuyer sur des faits plutôt que faire confiance à des ressentis. Sa remarque m'a surpris mais je n'ai pu que convenir qu'elle avait raison : la psychologie m'intéresse beaucoup moins que lorsque j'avais besoin de comprendre mon propre fonctionnement. Est-ce à dire que je n'aurais plus de questionnements existentiels ? Et bien oui, il semble que ce soit le cas ! Je ne me sens plus traversé de questionnements. Une sorte de limpidité a pris place avec la disparition de ce qui a pu me tourmenter. Mon rapport aux autres s'est simplifié depuis que j'accepte et reconnais ce que je suis. Parents viellissants, enfants devenus autonomes, amitiés libres... finalement mon rapport aux autres est sans accrocs. Seul le cadre professionnel me préoccupe de temps en temps, mais là aussi je trouve peu à peu un positionnement qui me correspond : ni trop proche, ni trop distant.

Relativement autonome je peux fonctionner avec les autres sans avoir besoin d'eux. C'est ce qui me confère une grande liberté, gage d'équilibre.

Pour autant je reste doté d'une sensibilité envers autrui. Je perçois aisément les émotions, la détresse, la souffrance, et aussi la joie. Mais d'une façon plus aiguisée qu'autrefois, me semble t-il. Moins perméable. Je peux écouter sans me laisser happer. Je crois pouvoir discerner les plaintes nécessitant assistance et celles qui attendent une complaisance pas vraiment justifiée. En fait j'ai pris confiance dans ma capacité à ressentir, avec ce qu'on pourrait appeler "intuition", mais qui correspond plutôt à une capacité à interpréter des signes et manifestations émotionnelles.

De mon côté il est devenu fort rare que je ressente le désir de me confier. Lorsque je me sens en confiance, avec une écoute suffisamment qualitative, je peux le laisser aller à quelques confidences. Mais rien qui me soit essentiel. Et ça aussi c'est une liberté : ne rien attendre en termes d'attention. Libre de parler ou de me taire. Oh bien sûr il peut m'arriver d'être fustré lorsque, m'étant laissé aller à dévoiler quelques éléments importants de ma pensée, je m'aperçois que l'écoute n'est pas vraiment là. Dans ce cas je me tais rapidement, seulement agacé de m'être un peu trompé. J'ajuste alors le rapport relationnel afin de retrouver une concordance.

Equilibre, concordance... tout cela correspond bien à ce que je ressens.

Si je devais me choisir une devise, ce serait : liberté, tranquillité, sérénité













  Mois d'octobre 2016