Août 2016

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Attachement



Vendredi 5 août 2016


Me laisser aller à une atmosphère de réflexion et de méditation. M'accorder le temps de laisser errer mes pensées. M'ouvrir aux émotions sereinement.

C'est ce que j'ai fait aujourd'hui
[sur mon blog], en écrivant autour de la mort et des liens. Des heures d'écriture pour un simple texte, mais en m'offrant le luxe du temps et de la liberté de penser. Il y a longtemps que j'ai envie d'aller voir ce qui se cache dans mes pensées. Ce que je refoule. Ce que je m'interdis d'aborder.

L'attachement.

C'est probablement un des derniers "continents noirs". Une zone insuffisamment explorée, laissée en friche après la grande catastrophe. Je sens bien qu'il y a là quelque chose à reprendre.




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Sans jugement


Dimanche 7 août


Écrire les faits, seulement les faits. Sans jugement, sans interprétation, sans chercher à donner sens.




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Un manque



Mardi 16 août


Je suis venu à l'écriture introspective sur internet en la découvrant chez d'autres. Cette forme d'expression m'apparut comme étant d'une grande densité : profondément et simplement humaine, et intrinsèquement riche de cela. Ce fût une puissante révélation et, quel qu'ait pu être mon parcours depuis, je suis resté fidèle au grand intérêt qu'elle suscite en moi. Malheureusement les sources ou je m'abreuvais n'ont cessé de se raréfier. À moins que je ne sois devenu plus assoifé au fil des ans ? Car voilà des années que, dans la sphère de l'expression personnelle, je ne trouve qu'une insuffisante pitance et que mon appétit crie famine...

Alors je me demande ce qui a changé : est-ce moi ou bien le monde ? Je veux dire : "les autres ".

J'ai beau chercher, renifler, goûter... j'erre et ne trouve plus qu'avec une extrême parcimonie ce qui, au début, me faisait palpiter et me paraissait sans autres limites que mes capacités à l'explorer. Je ne trouve plus cette "profondeur" qui, autrefois, faisait mon délice. Il n'y a pourtant pas de raison pour que le monde ait changé. C'est donc forcément le regard que je porte sur l'expression du soi qui s'est transformé. Peut-être suis-je devenu plus exigeant ? Peut-être que, n'étant plus surpris à force de découvertes, ce qui me manque c'est l'inattendu ?

Ou bien serait-ce que je garde la nostalgie d'une période un peu euphorique ? Fugitivement euphorique ?

Toutes ces questions ne m'empêchent nullement de dormir. Il n'empêche qu'une frustration est là. Un manque. Depuis longtemps...

Il y a quelques jours j'ai tenté la recherche méthodique : sur un hégémonique moteur de recherche j'ai inscrit "Écriture introspective sur internet". Je pensais accéder à des sites qui proposeraient une telle démarche et entreprendre d'y farfouiller à la recherche de quelque perle rare. Las ! Je n'ai trouvé que des sites faisant référence à ce type d'écriture. Des sites universitaires, des articles, des analyses, des actes de séminaires ou de colloques. Mais d'écriture introspective, nullement !

Par contre je suis tombé sur une étude fort complète dans laquelle j'ai trouvé quelques éléments intéressants sur les objectifs de la démarche introspective. Peut-être y a t-il là de quoi trouver un fil à dérouler ? Car au final, ce que je cherche... c'est peut-être ma propre inspiration. Ou une autre tonalité.

Quelque chose...




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Lucidité



Mardi 30 août


Depuis des années je m'interroge sur le sens de mon écriture ici, sans en élucider vraiment les motivations profondes. Je me sens ambivalent, tantôt en considérant que ce que j'élabore ici a forcément une utilité ; tantôt en me demandant en quoi elle peut consister. Je ressens mon écriture comme anarchique, pulsionnelle, libératoire... et en même temps corsetée par je ne sais quelle contrainte auto-administrée. Une forme d'autocensure existe. Ou du moins à existé... Elle n'a pas nécessairement été nuisible puisque, la percevant, elle m'offrait des pistes vers les zones sombres qui m'apparaissaient.

J'en parle au passé parce que je ne la ressens plus vraiment présente. Il me semble que mon rapport à l'écriture "à lire" est en évolution. Le fait de me sentir un peu caché, perdu dans un recoin oublié d'internet, quasiment sans rapport direct aux lecteurs - dont je n'ai plus aucune idée du nombre - joue certainement un rôle facilitateur. Et puis je le constate : je n'ai plus de grands questionnements.

Le seul qui demeure et sur lequel je puis agir est mon rapport à la solitude, pour la part qui l'oppose à une aspiration encore relativement floue à "la rencontre". Aspiration que je pourrais résumer en un "manque d'autre". L'autre en question étant chargé(e) d'un certain nombre de représentations que je sais "exigeantes", comme je l'ai évoqué lors de mes tentatives du côté des sites dédiés. Expériences restées sans suite, faute de motivation. Faute de... "Rencontre" !

Le 7 août j'ai écrit une ligne. Une seule ligne : « Écrire les faits, seulement les faits. Sans jugement, sans interprétation, sans chercher à donner sens ». Je venais de lire l'étude mentionnée plus tard, le 16 août, et elle entrait en résonance avec la gêne [idée d'auto-jugement] que je ressentais à décrire les critères d'attirance féminine qui me constituent. Depuis je n'ai rien écrit mais j'ai pensé plusieurs fois à ces mots : « écrire sans jugement »...

Aujourd'hui je suis revenu lire l'étude susmentionnée et j'ai retrouvé la phrase qui avait servi de déclic : « Si nous lisons dans la plupart des journaux intimes présents sur internet, nous verrons invariablement que la plupart du temps, l'auteur est pris au piège de l'ego et se met à son service. Le journal intime est neuf fois sur dix un étalage du moi. Pas une compréhension du moi ». Or j'ai eu pour ambition, durant les périodes les plus fastes de mon introspection, de mieux comprendre comment je fonctionnais. L'écriture introspective était censée me permettre de m'observer de façon "extérieure". Cela a fonctionné, j'en suis convaincu : je suis plus lucide sur moi-même. Mais en même temps... ne suis-je pas tombé aussi dans le piège de l'égo ?

L'article "Lucidité et introspection", écrit par Serge Carfantan, pourrait me fournir des éléments de réponse...

L'auteur base sa réflexion sur un texte de Krishnamurti : "De la conscience de soi".
« Nous appelons introspection le fait de regarder en soi-même, de s'examiner soi-même. Or, pourquoi s'examine-t-on ? En vue de s'améliorer, en vue de changer, en vue de modifier. Vous vous livrez à l'introspection en vue de devenir quelque chose, sans quoi vous ne vous complairiez pas en l'introspection. Vous ne vous examineriez pas s'il n'y avait pas le désir de modifier, de changer, de devenir autre chose que ce que vous êtes. [...] L'introspection est un processus qui consiste à transformer ce qui est en quelque chose qui n'est pas. »

Si je m'en tiens à cette approche, mon écriture ne serait pas vraiment introspective puisque je cherche avant tout à comprendre (connaître) ce qui m'anime. Pas forcément à (me) changer. Ou alors à la marge, pour ce qui me déplaît de moi-même et pour lequel le changement me paraît accessible par simple prise de conscience. D'ailleurs je ne ressens pas les conséquences que Krishnamurti attibue à l'introspection : un effet dépressif. Je cite : « lorsqu'il y a introspection (...), il y a toujours un but en vue; et lorsque ce but n'est pas atteint, il y a de la mauvaise humeur, une dépression. Ainsi l'introspection va invariablement de pair avec la dépression. »

Dépression ? Je ne me souviens pas avoir ressenti cela après avoir écrit. De la gêne oui, parfois, voire un peu de honte, mais point de phénomène dépressif ou auto-dénigrant. Ma démarche d'écriture ne serait donc pas introspective ? Avec mes mots je l'ai souvent nommée "travail de conscientisation" (ou "de connaissance"). Le texte propose une autre piste, avec un terme que j'ai lui aussi souvent employé comme conséquence de ma démarche : la lucidité.

Voici ce qu'en dit Krishnamurti : « La lucidité est l'observation sans condamnation. La lucidité engendre la compréhension, car elle ne comporte ni condamnation ni identification, mais une observation silencieuse ». Là où je mets la lucidité comme conséquence de la prise de conscience, lui la situe en préalable. Dans l'ordre chronologique il y aurait donc : observation, puis lucidité, et enfin compréhension. Tandis que pour moi il y aurait : observation, puis compréhension, et enfin lucidité.

Peu importe, je ne crois pas que ça change fondamentalement les choses. L'important est ailleurs.

Krishnamurti poursuit : « Si je veux comprendre quelque chose, je dois évidemment l'observer, je ne dois pas critiquer, je ne dois pas condamner, je ne dois pas le poursuivre comme étant un plaisir ou l'éviter comme étant un déplaisir. Il faut qu'il y ait simplement la silencieuse observation d'un fait. Il n'y a pas de but en vue, mais une perception de tout ce qui survient. Cette observation, et la compréhension de cette observation cessent lorsqu'il y a condamnation, identification ou justification. L'introspection est une amélioration de soi, et par conséquent l'introspection est égocentrique. La lucidité n'est pas une amélioration de soi. Au contraire, c'est la fin du moi, du je avec toutes ses idiosyncrasies, ses particularités, ses souvenirs, ses exigences, ses poursuites. [...] L'homme qui veut s'améliorer ne peut jamais être lucide, parce que l'amélioration implique une condamnation et l'obtention d'un résultat, tandis qu'en la lucidité il y a observation sans condamnation, sans déni ni acceptation. [...] Être lucide c'est comprendre les activités du moi, du "je"  dans ses rapports avec les gens, avec les idées, avec les choses. Cette lucidité est d'instant en instant et, par conséquent, n'est pas obtenue par des exercices. Lorsque vous vous exercez à une chose, elle devient une habitude; et la lucidité n'est pas une habitude. Un esprit routinier n'est plus sensitif, un esprit qui fonctionne dans l'ornière d'une action particulière est obtus, n'a pas de souplesse; tandis que la lucidité exige une continuelle souplesse, une grande vivacité. Cela n'est pas difficile: c'est ce que vous faites tous lorsque quelque chose vous intéresse, lorsque cela vous intéresse d'observer votre enfant, votre femme, vos plantes, vos arbres, vos oiseaux. Vous observez sans condamnation, sans identification; par conséquent, dans cette observation il y a une complète communion, l'observateur et l'observé sont complètement en communion. C'est cela qui, en fait, a lieu lorsque vous êtes profondément intéressé par quelque chose. Ainsi, il y a une très grande différence entre la lucidité et l'amélioration auto-expansive du soi qu'est l'introspection. L'introspection mène à la frustration, à de nouveaux et plus vastes conflits, tandis que la lucidité est un processus qui nous affranchit de l'action du moi; elle consiste à être conscient de vos mouvements quotidiens, de vos actions, et à être conscient des autres personnes, de les observer. Vous ne pouvez faire cela que lorsque vous aimez. Lorsque vous êtes profondément intéressé par quelque chose; et lorsque je veux me connaître, connaître mon être entier, le contenu total de moi-même et pas seulement une couche ou deux de ma conscience". »

Le raisonnement m'est un peu ardu à suivre mais retient mon attention. Certaines suites logiques ne le sont pas à mes yeux et me poussent à y réfléchir. Le principal obstacle se situe ici : puisque je cherche à m'améliorer... alors je ne pourrais pas être lucide ! Voilà une assertion avec laquelle je ne suis pas d'accord (mais je ne comprends probablement pas tout...). Opposer lucidité et amélioration, cela conduit inévitablement à choisir l'une ou l'autre voie. Au stade où j'en suis j'opte pour les deux ! Et advienne que pourra...

Ce qui me plaît dans ce texte, la façon avec laquelle je le sens résoner en moi, c'est l'idée de non-jugement : observer sans refouler. Or sans vraiment refouler, dans mes écrits, je n'expose pas toujours ce qui m'importe. En jugeant inopportuns certains aspects dérangeants [jugement] de moi je cherche à protéger mon égo d'hypothétiques jugements [!!] de lecteurs. Je biaise les observations en ne les livrant pas toutes. Ainsi je me prive d'une certaine lucidité en n'assumant pas entièrement ce dont je suis fait. C'est pourtant en passant par l'écriture publiée, pour ce qui concerne les aspects les plus singuliers de mon parcours, que j'ai pu accéder à une conscience accrue de ce que je suis. Parce qu'il y a toute une part de ce que je ressens, non partageable en face à face faute de vécu similaire, qui ne m'apparaît que par l'écriture "en partage" [rôle de "témoin" attribué au lecteur].

En fait je suis tenté de revenir aux origines de ce journal : « Je ne refoule plus, je mets à jour ». Y compris, et surtout, pour les aspects que j'assume mal. Si ce journal a encore un rôle à jouer, c'est sans doute celui-ci. Avec les années ce qui a changé c'est peut-être que je n'ai plus besoin de me sentir "aimé" dans ce que j'écris ici.

Enfin si, quand même : par moi !




[En me relisant je perçois certains contradictions latentes : La « silencieuse observation d'un fait » ne serait-elle pas incompatible avec l'écriture ? L'écriture "en partage" (devant témoins) ne m'expose t-elle pas tout particulièrement à la crainte du jugement ? Est-ce que l'objectif "libératoire" de l'écriture est conciliable avec la lucidité, pour laquelle il n'y aurait  « pas de but en vue » ? Autrement dit : est-ce que l'écriture de soi ne fait pas obstacle à l'objectif qu'elle entend servir ?]









  Mois de septembre 2016