Dimanche 31 janvier 2016
Hem...
ce journal semble se dissoudre peu à peu
dans le néant...
N'aurait-il plus aucune utilité pour moi
? C'est étonnant de voir combien, en
quelques années, ce qui avait autant
d'importance peut perdre son attrait. De
moins en moins je ressens le besoin de
m'exprimer. Le contact avec un
interlocuteur me manque, ici. Et je ne
parviens pas à retrouver une tonalité
"journal intime" qui ferait abstraction
du regard de lecteurs.
Je me souviens pourtant de mes débuts,
quand je me réjouissais de cette forme
d'expression devant des lecteurs
invisibles et inconnus. Par rapport au
journal intime privé que je tenais, je
sentais que la "présence" de lecteurs me
poussait à aller plus loin, à quitter le
confort du "monologue intérieur". Mais
voilà : le temps a passé, les
expériences aussi, et j'ai du mal à
maintenir ici quelque chose de vivant.
J'aimerais retrouver les profondeurs
d'une authentique introspection, sans
concessions. Explorer les tréfonds de
mes questionnements. Est-ce possible ici
? Je veux dire sur ce site, avec toutes
les traces du passé encore accessibles ?
Me sentirais-je plus libre si je
recommençais autre chose ailleurs ?
Ohlalaaa,
que de questions ! Arrête un peu de
tergiverser et agis !
Ce serait oublier que je n'agis jamais à
la légère...
Ça te
ferait du bien, pourtant. Arrête de te
prendre le chou et fonce. Il n'y a
aucun enjeu, rien à craindre.
Ben oui, mais je ne sais pas ce que je
veux. C'est confus...
Pffff,
désespérant...
En fait j'aimerais me sonder. Je suis un
peu en panne dans ma vie. Il ne se passe
pas grand chose. Je ne sais pas trop
vers quoi aller. Ça ronronne.
La routine
en solitaire ?
Ah ben oui, c'est exactement ça ! J'ai
voulu quitter la routine du couple et,
quinze ans plus tard, me voilà dans une
routine solitaire.
Hé hé, toi
qui rêvais d'une vie de liberté faite
de rencontres...
La liberté je l'ai. Elle me convient
bien. Les rencontres, euh... c'est plus
aléatoire. Je reste assez ambivalent sur
ce point. J'aimerais vraiment partager
de beaux et bons moments mais j'ai admis
que ce n'était pas vraiment simple. Pour
vivre de bons moments de partage il faut
se connaître, et pour se connaître... il
faut être libre d'attentes. Autrement
dit : il ne faut pas avoir peur de se
lancer sans être assuré de...
... de
quoi ?
Euh... je sais pas trop. Ce qui est sûr
c'est qu'il ne faut rien attendre !
Seulement se lancer et voir ce que ça
donne.
Carpe
diem.
Oui, c'est ça : prendre ce que la vie
offre. Parfois c'est beaucoup, parfois
c'est peu. Cette posture demande un
détachement que je n'ai sans doute pas
dès qu'il y a "l'autre". J'investis sans
doute un peu trop toute forme de
relation - avec des femmes, cela va de
soi - pour m'y sentir libre. Du coup je
n'investis pas grand chose... en
redoutant le désengagement d'un coté ou
de l'autre.
Tu as peur
de blesser ?
Oui. Et d'être blessé. Ou plutôt
frustré. Ou déçu, attristé. Bref :
d'avoir eu des attentes et de devoir y
renoncer.
Et tu
crois que ce manque de rencontres -
féminines, cela va de soi - pourrait
expliquer la routine que tu évoquais ?
Je ne sais pas. Je me le demande. Je
trouve que ma vie est devenue un peu...
terne. C'est comme si j'étais en train
d'abdiquer.
Devant
quoi ?
Devant... euh... l'âge.
Hein, quoi
? Tu te prends déjà pour un vieux ??
Ben, euh... j'ai franchi le col et je
suis sur la pente descendante, c'est
indéniable.
Mais non,
tu continues l'ascention vers les
sommets ! Oui, tu te casseras la pipe
un jour, mais il est encore loin.
Potentiellement.
Mais oui,
potentiellement ! Et d'ici là tu n'as
qu'une seule chose à faire : vivre ! À
fond !
Ouais ouais, je sais bien... C'est bien
ce qui me pose problème : je ne trouve
pas... disons le renouveau
qui pourrait relancer l'envie de vivre.
J'ai l'impression d'être dans une phase
de transition. Une certaine naïveté
n'est plus possible puisque je suis
aguerri. Et maintenant, fort de cette
expérience, je n'ai pas encore trouvé la
nouvelle énergie qui pourrait me
propulser. D'où cette sensation d'être
"en panne". Mes désirs sont devenus
inconsistants. Je ne sais plus vers quel
objectif me tourner.
Être
heureux ?
Mais... je le suis, et ce n'est pas
suffisant. Je voudrais être, au moins de
temps en temps,
très heureux !
Comme
pendant tes voyages solitaires en
pleine nature ?
Oui, un peu comme ça. Mais peut-être pas
toujours en solitaire...
Aaaaah,
nous y voilà ! Tu te sens seul.
Parfois oui.
Tu l'as
voulu.
Disons qu'un fois que je me suis trouvé
seul j'y ai trouvé nombre d'avantages.
Maintenant j'en ressens aussi les
inconvénients.
Hé, on ne
peut pas tout avoir !
Le beurre et l'argent du beurre...
... et le
cul de la crémière !
En tout cas pas longtemps.
Bon...
finalement tu vois que tu as parlé. Il
suffit de te tirer les vers du nez.
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