Février 2015

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  Palpiter



Lundi 2 février 2015


Au moment de publier mon précédent texte, et afin de vérifier la validité de mes souvenirs, je suis allé visiter les archives de ce journal pour la période concernée. Pas de problème : ma mémoire est fiable. Les détails s'estompent avec le temps, bien sûr, mais ni la chronologie ni les grands traits ne sont altérés. Cela n'a pas toujours été le cas puisque, pour d'autres faits, j'ai eu parfois la surprise de constater qu'il y avait une certaine confusion dans l'enchainement des évènements.

En relisant mes textes anciens j'ai cependant été étonné par l'intensité dans laquelle je vivais les changements, au plus fort de ma révolution intérieure. Quelques lignes, écrites peu de temps avant la première rencontre, traduisent bien l'état dans lequel je vivais et mon incapacité à en fixer le contenu : « Tout ce que je vis en ce moment est le plus extraordinaire changement que j'ai jamais vécu. C'est le tournant majeur de mon existence. C'est tellement important que je ne sais même pas comment l'écrire dans ce journal. Depuis des jours je sens intérieurement tout ce qui se passe, les mécanismes qui se débloquent, s'entraînent, se conjuguent, s'accélèrent... mais c'est impossible à décrire. C'est trop immense. » (31 août 2003).

Avec le recul je suis presque surpris de l'ardeur que je consacrais à faire en sorte que cette amitié, tellement précieuse, puisse se vivre pleinement. Je suis heureux d'avoir gardé trace de tout cela car ces textes portent l'empreinte de ce qui m'anime
, plus d'une décennie plus tard. Cette évolution fut vraiment une période sans équivalent dans tout mon parcours de vie. Du moins jusqu'à maintenant...

Il est peu probable, compte tenu de mon âge, que j'aie la chance de vivre de nouveau quelque chose d'approchant mais... sait-on jamais ?
[oserais-je dire que je le crois ?]

Je me sens être devenu très prudent
[est-ce vraiment la cas ?]. Même si quelqu'un me plaît je me garde bien de libérer trop largement mon enthousiasme [et pourquoi donc ?]. M'apprivoiser n'est pas chose facile [réellement ?], bien que je garde intacte cette aspiration à me lier confidentiellement [voire davantage...]. Je reste marqué par les séquelles de... mes attentes excessives. En fait ce n'est pas d'autrui que je me protège... mais de moi-même ! Je crois que je redoute un peu de voir s'emballer cette part immature qui a pris le dessus, jadis.

Est-ce bien moi sous cette carapace ? Est-ce ainsi que j'ai envie de vivre ? Pas sûr...

Au gré des alternances qui parcourent mes sentiments, oscillant alternativement entre sensation de proximité et de distance,
je déplorerai sans doute encore longtemps que ma complice d'autrefois n'ait pas accepté de reprendre le dialogue. Ensemble et en nous-même c'est une paix que nous pouvions réciproquement nous offrir. Son refus têtu me pince encore, parfois, alors que j'ai fait tant de chemin pour rendre possible ce qu'avec elle j'avais entrepris...

Mais ce qui palpite en moi ne s'arrêtera pas là :)





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Proximité incongrue




Vendredi 6 février 2015
[texte laissé en suspens, finalement publié le 7 mars]


Souvent j'ai pensé que ce journal pourrait bien s'éteindre, croyant que tout avait été dit. Et puis, tôt ou tard, j'y suis toujours revenu. Jusqu'à quand ?

Depuis plus de dix ans j'ai raconté en détails [parfois trop...] par quels cheminements tortueux je passais pour surmonter ce conglomérat d'émotions constitué de peine, de chagrin, de colère, de tristesse, de révolte... tout entiers contenus dans un gigantesque et tenace espoir. Il m'aura fallu toutes ces années pour que disparaisse le ressentiment dû à cette espérance tant de fois brisée. Oh que j'en ai voulu à l'amie qui repoussait mes tentatives de réconciliation ! Et puis le temps a fait son oeuvre et, à coup de douches froides répétées, ma colère s'est dissoute [bah oui, la colère se dissoud à l'eau froide, vous ne saviez pas ?].

Maintenant quand quelque chose me fait penser à ma chère fugitive, parce que quoi que ce soit m'aura rappelé un instant de notre passé, je ressens l'ineffable saveur d'un plaisir mêlé à la douce tristesse de le savoir inaccessible. Un sentiment un peu absurde qui me fait sourire tout en poussant un soupir d'impuissance. « Aaah, Nathalie... », m'entends-je dire à voix haute. À ces moments-là je ressens une proximité incongrue, comme si la complicité d'autrefois existait encore tout en sachant la réalité de sa fermeture. Mes bras se tendraient volontiers si je ne cessais de me persuader qu'ils ne serreront plus celle que j'ai tant attendue [un comble, pour elle qui ne voulait pas que j'aie d'attentes à son égard...].

Finalement tout cela est devenu plutôt doux.



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Projet commun




Mercredi 12 février 2015


La vie en solo, celle que je me suis choisie depuis que j'ai dû absorber le choc d'une double séparation, me convient bien depuis plusieurs années. D'ailleurs, si ce n'était pas le cas j'aurais cherché à en sortir...

Sans autres tourments que ceux, quasiment éteints, issus du passé, je vis dans une paix de l'esprit croissante. En solo j'ai trouvé une liberté qui m'est précieuse et je veille à ce que cet état ne soit pas troublé par des complications relationnelles. En même temps j'ai bien conscience que ce calme volontaire n'est pas propice au retour de ce que j'ai tant aimé ressentir, jadis. Or, au fond de moi, je me sais l'espérer. Sans échéance aucune, sans action particulière, seulement espérer. Il suffit que je perçoive le parfum de ces sensations, au gré d'une affinité féminine intuitive et réciproque, pour que tout mon être se remémore combien cela peut-être délicieux. Et attirant. Je sens alors se réveiller une part de moi qui n'est qu'endormie.

Pourtant, voilà des années que ces brefs sursauts restent sans suite. Au point que je me suis parfois demandé si ma prudence ne s'était pas abusivement renforcée... sans toutefois croire vraiment en cette possibilité. Certes, dès que je sens que, peut-être, pourrait se développer ce que j'espère, je n'avance qu'à très petits pas. Quelques pas en avant, suivis d'un arrêt, voire d'un pas en arrière si j'ai des doutes. Ce n'est pas par calcul, mais parce que c'est ainsi : prudence, prudence, prudence. Garder la tête froide. Surtout ne pas s'emballer. Envisager le reflux. Dès que quelque chose ressemble à ce que j'ai connu je ne peux que me mettre en état de vigilance, attentif au moindre signe d'alerte. Cette prudence ce n'est pas envers l'autre qu'elle s'exerce, mais envers moi-même : je sais désormais avec quelle promptitude je peux croire réel ce qui n'est peut-être qu'imaginaire. Ou durable ce qui n'est peut-être qu'instantané. Je pourrais donc me leurrer et en ressentir la désagréable saveur.

Je crois que ma confiance la plus viscérale ne pourra probablement plus s'ouvrir sans anticiper la fin. Chaque pas en avant contient donc en lui le pas qu'il faudra peut-être faire un jour dans l'autre sens. Chaque commencement contient sa propre fin, je ne peux plus l'ignorer. Une fin qui pourra venir de moi ou de l'autre, et qui échappera à la volonté des protagonistes. J'ai donc besoin de sentir avec quelque certitude qu'il y a bien équivalence de désirs et dans des registres compatibles. C'est pourquoi je ne saurais plus accueillir la confiance d'autrui si elle me paraît trop empressée par rapport à ce que je peux offrir, par exemple. J'ai besoin de m'assurer qu'il n'existe pas trop de décalage, au départ, entre les aspirations de chacun.


Il y a sept ans, encore insuffisamment ferme dans mes convictions nouvelles, j'ai laissé A. m'approcher alors que notre décalage affectif était manifeste. Si ma prudence m'a permis de m'ajuster à la situation, tout en accompagnant A. dans sa tentative d'équilibrage, pour elle l'expérience aura été perpétuellement difficile. Les moments de satisfaction et de bonheur lui ont toujours paru insuffisants, et leur réitération trop incertaine. Aujourd'hui l'aventure a atteint ses limites puisque A., en ayant pris conscience de l'impasse vers laquelle conduisaient ses espérances, prend ses distances. J'ignore encore quel sera sa décision finale mais je sens que cette fois elle ne reviendra pas...

Un texte, qui pourrait se résumer en quelques mots à « si on n’est pas deux à être emballés, autant laisser tomber », vient à point nommé préciser ce que je n'aurais su décrire.

« Il y a un vaste marécage dans le domaine des rencontres amoureuses et dans lequel beaucoup de monde s’enlise : quand les sentiments sont ambigus, ou bien quand l’un des deux a des sentiments bien plus forts que l’autre. Cette zone d’indécision est la cause de vrais problèmes. Pour les hommes, il s’agit souvent de savoir s’il faut persévérer et continuer de chercher à séduire une femme qui semble tiède ou qui se comporte comme une girouette. Quand on est une femme, la question qui se pose souvent est de savoir ce qu’il faut faire quand un garçon suscite chez soi des sentiments ambigus. »

En effet, si on ne parvient pas à trouver des objectifs communs suffisamment satisfaisants pour l'un et l'autre il devient inutile de persévérer : il y aura de la frustration, de la douleur, du mal-être et peut-être des rancoeurs. Ce n'est évidemment pas ce qui donne une relation de qualité...

En lisant ce texte m'est immédiatement revenu en tête la notion d'élan vital, qui m'avait furieusement conquis lorsque j'en avais entendu parler. Je me souviens de cette sensation tellement puissante qu'elle me permettait de m'affranchir de tous les obstacles. Porté par cet "élan" j'avais osé entreprendre ce dont je ne m'imaginais pas capable. Mais c'est aussi parce que je sentais qu'il y avait un désir équivalent de l'autre côté : à deux nous étions plus forts. Et nous semblions vouloir la même chose.

Alors oui, partager le même projet, le même rêve, ce sont les bases d'une cohésion solide. Peu importent les aspirations, du moment qu'elles sont suffisamment largement partagées. Au contraire, se sentir en décalage affaiblit le projet, l'épuise, et dévore une précieuse énergie. Tout ça pour, au final, s'achever dans un renoncement plus ou moins douloureux...

Je n'ai plus rencontré une femme avec qui j'aurais senti un élan réciproque suffisamment fort, ni des objectifs suffisamment compatibles pour me sortir de ma léthargie. Aucune autre que celle qui a laissé son empreinte dans mes écrits ne m'a donné envie de me surpasser. Et si j'ai parfois, au gré des rencontres, entrevu des étincelles de rêve allant jusqu'à allumer quelques flamêches, elles n'ont pas réussi à rallumer mon feu intérieur. C'est peut-être ce qui fait que le passé heureux et les rêves qu'il a porté gardent une place prépondérante dans ma vie sentimentale...



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Reflux




Jeudi 19 février 2015


Dès l'origine elle m'a clairement laissé entendre qu'elle pourrait arrêter notre relation. Au début la fin était pour elle une perspective certaine et à court terme : vivons ce que nous avons à vivre, ça ne durera pas longtemps et ensuite tu n'entendras plus parler de moi. Mais ça ne s'est pas passé ainsi et elle s'est attachée à moi. Plus tard, quand elle a commencé à comprendre qu'elle ne trouverait pas auprès de moi ce qu'elle espérait, la fin est devenue une porte de sortie latente. Plusieurs fois elle a franchi cette porte, puis est très vite revenue. Les années passant, en constatant qu'elle était toujours là, j'avais fini par penser que l'éventualité de fin se reporterait toujours plus loin. Comme si elle avait besoin de sentir qu'elle pouvait cesser à tout moment. Une impression de maîtrise ?

En ce début d'année 2015, prenant davantage conscience que ma position n'évoluerait pas, e
lle a eu besoin de prendre du recul. Besoin de faire le point en elle, pour elle. Et elle a eu raison.

Les jours ont passé, puis les semaines. J'ai respecté son besoin, sans m'en formaliser. Je pensais qu'elle reviendrait. Durant cette période il n'y a eu
aucun moment passé ensemble, et très peu de contacts. Sans impasses dans le dialogue, l'expression a été libre et franche. Répétant son besoin de se recentrer, elle a aussi clairement exprimé l'éventualité... d'une non-reprise. Sujet sensible pour moi, quoique je m'y sente très bien préparé. À chaque évocation l'issue est restée en suspens et j'y percevais une part de défi. De test. Alors lentement a pris place en moi une sensation : celle d'être sur un siège éjectable. Désagréable moins par le risque d'éjection (j'ai tous les parachutes nécessaires) que par le fait d'être considéré comme variable d'ajustement (sacrifiable). Je me suis alors préparé à ce qu'elle m'annonce qu'elle en resterait là. Ses insinuations sur une éventuelle non-reprise ont fini par me faire évoquer ce que je sentais refluer en moi : son repli engendrait le mien. Elle en a été surprise, considérant probablement que je resterais imperturbable face à ses fluctuations.

Après cette alerte son silence a continué et, imperceptiblement, mon repli s'est poursuivi. J'ai repris mes habitudes de solitaire. Trouvant sans problème de quoi occuper mes soirées et mes week-ends, je crois que j'ai repris goût à la grande liberté...

Hier elle m'a envoyé un texto (!) pour me dire « je crois que j'aimerais bien ». Qu'elle aimerait bien... quoi ? Reprendre, ai-je supposé. À cet instant je me suis rendu compte que j'étais déjà loin...

Ai-je envie de reprendre ce qui a été suspendu ? Ai-je envie de continuer ?





"Clore des cycles, fermer des portes, finir des chapitres peu importe
comment nous appelons cela, l’important est de laisser dans le passé
les moments de la vie qui sont achevés."

Paulo Coelho



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S'accompagner jusqu'au bout





Samedi 21 février


Vendredi matin, 7h30. Un sms de A. me demande s'il n'est pas trop tôt pour qu'on se téléphone. Appel. Elle parle vite, souffle court. Son stress est évident, son angoisse déborde : « j'ai besoin de savoir comment va être ma journée, selon qu'on décide de poursuivre la relation ou pas. Est-ce que tu en as encore envie. Ah oui, au fait, bonjour. »

Je sens l'extrême sensibilité de la situation. Tout peut exploser d'un instant à l'autre. Calmer le jeu. Parler.

Plutôt que de répondre à ses questions précises je lui dis que je ne sais pas vraiment où j'en suis. Les mots que j'ai rédigés la veille sur ce journal me sont utiles. Mes idées sont claires : je suis dans le flou ! Je ne sais pas ce qui est encore possible après son éloignement. J'ai cheminé durant ce temps de silence. Je lui parle de ce que j'ai ressenti en prenant vraiment conscience de mon statut d'éjectable. Je l'ai vraiment éprouvé, cette fois, alors qu'auparavant cela restait mental.

Finalement je pose le constat, très calmement : depuis le début nous savons que nos désirs ont une part d'incompatibilité. Chacun a cheminé vers l'autre mais il reste un fossé irréductible : elle est exclusive et je ne le suis pas. Nous avons décortiqué cela dans le détail depuis sept ans, avant même qu'elle ne quitte son compagnon, et nous avons vu et revu tous les points de concordance et de différence. Elle m'a répété qu'elle ne supporterait plus que je m'approche d'une autre femme et mettrait immédiatement un terme à notre relation. Alors j'ai mis en évidence cette certitude, qui implique que notre relation aura nécessairement un terme, tôt ou tard. Parce que je renoncerai pas à ma liberté de rencontrer, ni ne mettrai de limites dans le degré d'intimité de ces éventuelles rencontres.
Dès lors, à quoi bon "reprendre" notre relation mise en sommeil ?

« Alors on ne se reverra plus ? », lança t-elle sur un ton sec et inquiet. Mais si, on peut se revoir... mais en sachant que notre relation est sans issue. Il ne nous reste plus qu'à nous préparer à cette fin, à nous accompagner vers l'inéluctable. Avancer avec cette idée en tête et voir comment cela va évoluer en nous.

Admettant que l'épée de Damoclès resterait toujours suspendue, elle a semblé accuser le coup tout en se rendant à l'évidence de mes arguments. Je crois qu'elle a aussi été rassurée de sentir que je ne la laissais pas tomber...

Pour elle ce sera difficile de retourner vers sa solitude et renoncer à ce qu'elle appréciait chez moi. Quant à moi je vais être confronté à ce que j'ai anticipé : la fin n'aura pas de prolongation. Pour elle une relation ne peut exister que si la sexualité en fait partie, et celle-ci est étroitement liée à une proximité affective... qui n'a de place que dans l'exclusivité. Nous ne deviendrons donc pas "amis". Du moins c'est ainsi qu'elle envisage la suite, et cela n'a jamais varié.

Alors que nous allions clore la discussion, elle m'a cité la dernière phrase de son psy lors de son ultime séance, récemment : vous êtes dans le fantasme d'une relation. Elle imagine/rêve une relation avec un homme qui n'existe pas. Tout en connaissant nos différences, elle aura espéré jusque-là que je la choisirai un jour comme compagne exclusive. En l'écoutant dire cela j'ai pris conscience que j'étais moi aussi dans un fantasme équivalent : qu'un jour elle accepte ma liberté, qu'elle se rallie à mon point de vue. Nous avons alors convenu que
nos fantasmes ne pouvaient se rencontrer dans la réalité. Aussi loin que nous puissions aller dans nos passionnantes discussions, à décortiquer dans le détail nos aspirations et nos limites, nous ne nous rejoindrons jamais sur certains points fondamentaux. Même si nous partageons plusieurs centres d'intérêt, dont un goût marqué pour le dialogue introspectif et une certaine vision du monde. Bien que nous ayons énormément avancé ensemble, chacun selon nos pensées respectives, il reste qu'une part qui nous est essentielle ne recoupe pas celle de l'autre. Nos chemins ne peuvent être que parallèles sans espérer se rejoindre un jour.

J'ai beaucoup aimé cette longue discussion, à la fois franche et sensible, respectueuse des vulnérabilités de chacun. Je l'ai remerciée d'avoir su rester calme, sans sombrer dans l'agressivité, sans tout envoyer balader. Autrefois elle aurait brutalement mis un terme à la conversation dès qu'elle aurait senti qu'elle n'aurait pas ce qu'elle désirait...

Je crois que nous avons établi une relation forte, riche, ouverte, respectueuse. J'espère que nous saurons aller jusqu'à son achèvement en harmonie. C'est un de mes fantasmes : savoir s'écouter, se parler, en toutes circonstances. Même pour ce qui est difficile. Surtout pour ce qui est difficile. Et s'accompagner jusqu'au bout.



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S'extraire du silence




Lundi 23 février


Comment ne pourrais-je pas penser, au moment où s'instaure un processus de séparation avec A., à celles qui ont précédé ? Celle de mon couple, celle d'avec l'inoubliable amie...

La première s'est faite dans un dialogue presque satisfaisant, jusqu'à extinction. La seconde, véritable naufrage en termes de communication, à ouvert une ère de silence... infiniment féconde d'enseignements sur les dynamiques relationnelles et révélatrice des forces qui m'habitent, des faiblesses qui me traversent.

Ces derniers jours le hasard a voulu qu'un long fil d'échange autour du silence relationnel se réactive sur mon autre espace d'expression. Depuis neuf ans qu'a été écrit le texte d'origine, plus de 500 commentaires (dont un bon quart me revient...) l'ont suivi ! Je suis heureux d'avoir contribué à éclairer, et parfois apaiser, ceux qui ont été confrontés à l'incompréhensible. Régulièrement des cycles de dialogue et d'échange se sont ouverts, lorsqu'un nouvel intervenant faisait part de son témoignage ou de ses questionnements. Souvent cela m'a permis de voir, à travers les réponses que je tentais d'apporter, que mon approche évoluait : la sourde colère revendicatrice que je contenais au départ s'est estompée jusqu'à disparaitre et c'est aujourd'hui avec une grande sérénité que je peux aborder cette thématique. À tel point que je passerais presque pour un défenseur des silencieux ! Il est vrai que j'ai à leur égard beaucoup d'indulgence, voire une certaine tendresse...

J'ai compris que le mutique était plus à plaindre qu'à blâmer. Ne plus trouver les mots, perdre la capacité de communiquer sereinement, génère certainement une profonde souffrance. J'ai admis que le silence était une forme de protection et masquait des peurs. Ainsi le mutique est la première victime du silence qui l'étreint.

Cette ouverture vers l'autre m'a obligé à sortir de ma posture de "victime" d'un silence qui m'était violence. Mieux encore : j'ai compris en parallèle à quel point la notion de responsabilité de chacun était importante dans une relation. Si le mode relationnel que l'autre tente d'imposer ne me convient pas, il me revient de ne pas m'y soumettre.

Il m'a fallu du temps pour accepter pleinement l'idée de la liberté fondamentale de chaque partenaire. Y compris celle de s'effacer et de ne point répondre aux demandes d'explications. Cela je le dois au travail d'introspection illimitée entrepris depuis que j'ai été confronté à ce fameux "silence relationnel" qui m'a tant révolté, autrefois. Aujourd'hui, lorsque j'écris à ce sujet face à des personnes qui se sentent "victimes" du silence j'en appelle à leur part de responsabilité, les encourageant à se positionner par rapport au refus de communication auquel ils font face. Soit le refuser en quittant la relation, soit l'accepter comme composante de la relation. Mais on ne peut reprocher à l'autre de persister dans un mode relationnel qui ne nous convient pas...













Mois de mars 2015