Décembre 2010

Dernière mise à jour:dimanche 30 janvier 2011 - Accueil - Archives - Message






Vingt-trois femmes




Mardi 14 décembre


Souvent j'ai décrit mon imaginaire amoureux en berne. C'est comme si j'étais resté assommé après un choc un peu trop violent pour moi. Sidéré. Insensibilisé. Neutralisé. Depuis je n'ai plus ressenti de papillonnement émotionnel, sensation de vibration fébrile en présence d'une personne qui, pour de mystérieuses raisons, devient irrésistiblement attirante.

Enfin si, c'est arrivé dans l'après, il y a quatre ans, lors d'une rencontre d'âme à âme... mais depuis, plus rien. J'ai bien sûr ressenti diverses formes d'attraction envers les femmes avec qui j'ai eu la chance de vivre des moments de partage : désir, amitié, affection. Il y a aussi eu le plaisir à partager de bons moments de discussion, d'intimité, de tendresse, de sensualité plus ou moins sexualisée. Mais d'attirance véritablement amoureuse point. Quant à l'amour... n'en parlons pas ! Peut-être aurait-il pu se développer quelque chose de cet ordre avec une impatiente aguicheuse, mais nos différence ne l'ont pas permis. Bref : calme plat depuis plusieurs années. Je sens pourtant que le mécanisme sentimental est toujours en ordre de marche et que, tôt ou tard, il pourra de nouveau s'activer. Il suffirait que se présentent des conditions favorables.

J'ai eu cette semaine la confirmation que c'était atteignable : une des vingt-trois femmes avec qui j'étais en stage m'a fait de l'effet ! Bon... c'est suffisamment rare pour que je m'y attarde un peu.

Vingt-trois femmes. Forcément je les ai regardées de ma place d'homme. De mon oeil de mâle. Mais aussi avec mon coeur d'enfant. Je vivais avec elles quelque chose du registre de la fraternité, si ce n'est de l'amitié, mais une alternance de différents types de regards n'est pas interdite... Ils se sont juxtaposés selon les situations, les émotions, les mouvements du corps, la proximité physique. 

La plupart du temps nous étions assis en cercle, en face à face commun propice aux échanges et à l'observation. De temps en temps je zyeutais. Et lorsque ma pensée disposait de suffisamment d'espace pour s'échapper, il m'arrivait de me demander ce qui faisait que certaines de ces femmes m'étaient attirantes ou non, me paraissaient "contactables" ou pas. Simples pensées passagères, regards furtifs agrémentant des épisodes denses de réflexion et échanges soutenus au sein du groupe.

Centré sur mes ressentis, parce que c'était l'objectif de ce stage, j'ai bien perçu comment j'étais touché par ce qui émanait de certaines de mes collègues : allure générale, fluidité des mouvements, aisance, voix, élocution, regard, douceur, personnalité, silhouette, façon de parler ou de rire, de pleurer, de se livrer en confidences... D'autres m'ont laissé plutôt indifférent. Peut-être celles qui ne mettaient en évidence aucun de mes critères de féminité ?

Je dois bien admettre que ce sont des critères physiques qui orientent d'abord mes préférences et attisent mon intérêt, depuis toujours. L'intériorité et la profondeur, aussi riches soient elles, n'ont, jusque-là, jamais été suffisantes pour déclencher en moi un engouement amoureux qui s'émanciperait des sens. Comme si l'attirance physique [donc a finalité sexuelle ?] était prévalente dans mes entichements, première étape du frémissement amoureux. Cet attrait n'est cependant pas suffisant...

Mes préférences sont multiples et combinables. Ce sont les convergences, à la fois physiques et intérieures, qui feront que le charme opère plus ou moins intensément. Par exemple j'ai repéré que j'étais attiré par les (jolies) femmes déterminées. Elles me fascinent [rechercherais-je ce que je ne suis pas ?]. Mais face à elles je ne m'aventure pas ! Je ne me sentirais pas faire le poids, avec mes hésitations et doutes perpétuels, mon besoin de temps... Comme si je pressentais ne pas avoir ma place sans devoir m'affirmer... ce qui ne correspond guère à mon désir relationnel. Ce type de femme me met donc face à un trouble intérieur : tiraillé entre attirance et crainte. C'est tout l'intérêt de la situation, me direz-vous...

Me séduisent aussi les (jolies) femmes qui pratiquent un certain humour, surtout si c'est avec audace, dérision ou provocation. Cette image de la femme délurée qui rit et fait rire est en décalage avec mes représentations du féminin, mais me plaît beaucoup. Sauf que, là encore... je pourrais vite être impressionné pour une question d'assurance apparente...

Il y a aussi l'image de la femme aux tenues vestimentaires... comment dire... avantageusement séduisantes. Très impressionnant pour moi, parce qu'éveillant d'abord la part masculine que j'ai tendance à refouler. C'est clairement le désir sexuel qui s'éveille et me trouble, en même temps qu'une curieuse impression de « ne pas être à la hauteur » de telles femmes. L'une des vingt-trois était de ce genre, look et mensurations de top-model, avec bottes de cuir et maquillage adaptés. Pas mon genre, mais quand même pas sans effet. Pendant plusieurs jours je n'ai pas osé l'approcher. Trop belle pour moi, trop classe, trop impressionnante... Ce n'est que vers la fin du séjour que nous avons pu échanger un peu. Peut-être parce qu'elle était aussi du genre délurée, ce qui atténuait son allure de femme inaccessible. J'ai été assez satisfait d'avoir pu dépasser avec elle la barrière de l'apparence. Nous avons pu parler sur un tout autre mode que ce que mon regard percevait. Simplement d'être à être. Si j'en avais eu le temps j'aurais bien poussé la conversation vers l'image de soi dans le regard des autres. Je lui aurais demandé comment elle vivait cette stature qui, assurément, pouvait induire un certain regard de la part des hommes. Bon, c'était quand même un peu trop personnel pour que je m'y aventure. Je me suis contenté de son appréciation sur ma voix [ce qui me fut fort agréable...].

Dans un autre registre j'ai été attiré par deux femmes. De l'une émanait une fluide féminité dans la gestuelle, ainsi qu'une bienfaisante impression d'insouciance. Une grande rieuse, elle aussi. Pour l'autre j'ai perçu quelque chose de très touchant dans l'intériorité. « Je me suis souvent demandé si l'amitié entre homme et femmes était possible et avec toi j'ai eu la réponse », m'a t-elle dit [pfiouuu, j'ai été gâté là-bas !]. Je ne peux pas dire qu'elle était jolie, mais son regard laissait passer quelque chose de profondément sensible, qui m'a ému. Le regard demeure pour moi un des éléments les plus déterminants de la séduction, avec le sourire.

Et celle qui m'a fait de l'effet, alors ? vous impatientez vous. J'y arrive ! Entrée en scène de celle qui aurait pu, si la durée l'avait permis, mettre quelque émoi dans mon coeur. D'abord un sourire radieux [classique, le coup du sourire...]. Une présence incarnée par un visage illuminé [y'a pas mieux, comme cliché]. Un regard franc et sans détours [t'idéaliserais pas un peu ?]. Une bouche particulièrement expressive [pulpeuse ?], une voix chaleureuse et claire [un rossignol ?], assurée, avec une élocution parfaitement modulée [rien que ça...]. Si si, je vous assure ! D'elle émanait une belle confiance en la vie, de même qu'une grande attention portée aux autres. Je l'ai trouvée rayonnante [sans blague ?]. « Solaire » ai-je entendu dire d'elle. Honnêtement, elle était une des personnalités marquantes du groupe, apportant rire et présence, chantant avec une étonnante clarté dès qu'elle pouvait entraîner dans son sillage le moindre groupe vocal improvisé. Ses tenues étaient incontestablement féminines, mettant en valeur son corps sans ostentation. Bref, j'étais séduit avant même de m'en rendre compte ! [on l'aura compris...]

J'observais souvent cette femme qui me paraissait totalement inaccessible du seul fait de son aisance, de son charisme, de son rôle fort dans le groupe. Clairement elle m'a fasciné [ah ouais ?]. J'ai eu envie de lui en faire part, sans trop savoir comment. Quand c'est elle qui est venue vers moi, le dernier soir, pour me dire qu'elle appréciait ce qui émanait de moi, j'en ai été étonné et ravi. Je me croyais presque insignifiant aux yeux d'une femme aussi expressive [et si t'arrêtais de douter de toi ?]. Alors j'en ai profité pour lui lâcher ce que je percevais d'elle... et une longue conversation a démarré [ben tu vois !]. En fait, c'est surtout elle qui m'a fait parler ! Je lui ai dévoilé une part de mon parcours affectif, remontant loin vers les origines. Accompagné par son écoute j'ai évoqué mon couple et son achèvement, le sens que cela pouvait avoir dans ma vie et ma réorientation professionnelle. J'ai parlé du regard que je porte aujourd'hui sur les relations affectives. Elle s'est montrée très intéressée, relançant continuellement vers un approfondissement. Au final je me suis beaucoup confié. Après une bonne heure passée debout en tête à tête dans la nuit glaciale, à l'écart du groupe qui s'animait au chaud, elle m'a glissé quelques mots de sa vie de couple, pas aussi satisfaisante qu'elle l'aimerait. Il lui manquait des échanges approfondis avec son mari...

Tiens, encore une qui me dit ça !

Je n'ai pas immédiatement perçu que quelque chose en moi s'était mis en mouvement. Une sorte de pétillement. Une infime effervescence. Ce n'est que le lendemain que je me suis surpris à chercher son regard. Dernière journée du stage, elle allait être courte. Les adieux étraient proches. Au moment des premiers au-revoir nous nous sommes longuement pris dans les bras, comme avec la plupart des autres membres du groupe. Sauf qu'il y a eu plusieurs épisodes, entre fin de la vie de groupe, temps de préparation des bagages et séparation définitive. Nous nous sommes retrouvés à trois reprises en pensant que c'était l'ultime. À chaque fois une nouvelle étreinte nous menait un peu plus loin dans les chuchotis pour nous dire combien nous avions apprécié ce qui émanait de l'autre. Visiblement nous avions quelque chose à partager. Je dois avouer que, à la différence des autres femmes, ces accolades corps à corps ont eu quelque effet sur mon anatomie. Les sens expriment parfois autre chose que les mots...

C'était un peu troublant, parce qu'il n'y avait en fait dans ces gestes de tendresse que l'expression d'une sympathie parmi d'autres. Un plaisir à s'être rencontrés, peut-être simplement un peu plus marqué. Un peu plus signifiant. Il n'y a rien eu de plus. Quant à son ultime regard et son grand sourire, ils pouvaient aussi bien s'adresser aux personnes qui étaient à côté de moi quand nous sommes partis.

De ce presque rien je garde la sensation d'une attirance particulière entre nos personnalités, étonné qu'une femme comme elle ait pu trouver quelque chose d'intéressant dans l'homme effacé que je me sens être. C'est pour moi très réconfortant, rassurant et réparateur [en aurais-je besoin ?]. Par ailleurs il m'est apparu que, globalement, ma présence avait fait impression dans le groupe : chacune de ces femmes m'a décrit comme solidement là, malgré ma discrétion, attentif et chaleureux [ouaaaah !]. Mon charisme a été évoqué, à mon grand étonnement : je n'aurais jamais pensé que ce terme puisse être utilisé à mon égard. Ma voix posée et calme semble avoir plu, de même que mon regard, ou la pertinence de mes interventions [gloups !].

Tout ça pour moi ? J'ai été surpris de ce qui était perçu à mon égard mais j'ai tout accepté, avec un grand plaisir, en serrant ces impressions positives bien fort contre moi. C'était bon...

En racontant ça je me sens un peu ado émerveillé par ses premiers émois amoureux. Il y a un peu de ça...

Mais je ne voudrais pas passer sous silence le regard d'une autre à qui j'ai ouvert les bras en voyant son visage éperdu d'émotion au moment des adieux. Physiquement aux antipodes de mon archétype féminin, son coeur était énorme et c'est une montagne de bonne humeur qu'elle a offert à tous. Ça aussi c'était bon, et même très bon. Étonnamment notre confiance réciproque s'est installée très vite et avait institué une aimable complicité. Quelque chose de très proche de ce que je viens de décrire, donc, la brise amoureuse en moins...

Quant à l'autre homme du groupe, j'ai peu été avec lui (le grand groupe de vingt-cinq était presque toujours scindé en deux). Il m'impressionnait par son aisance apparente parmi les femmes. À la fin du stage il est venu vers moi pour me dire qu'on avait certainement beaucoup de choses en commun, que nous n'avons pas su partager. Nous avons alors convenu qu'entre hommes... ce n'était pas facile de se rencontrer dans un registre d'expression émotionnelle. Et peut-être davantage encore au milieu de vingt-trois femmes.







En attente de validation




Dimanche 19 décembre
[publié le 31 décembre]


Ce que je choisis d'exposer de moi ne doit jamais rien au hasard. Même si je laisse plus ou moins "spontanément" couler ce qui vient, il y a toujours un choix dans les mots, les idées, les thèmes retenus. Il y a un objectif même si, la plupart du temps, je n'en ai pas directement conscience.

Et finalement c'est là que réside tout l'intérêt de la démarche : tenter de comprendre ce qui motive mes choix expressifs. En l'occurence, qu'est-ce qui fait que j'en sois venu à évoquer, dans le texte précédent, mon rapport aux femmes que je côtoie ? Qu'est-ce que je voulais montrer ? Et à qui ? À moi de trouver des éléments de réponse...

Je crois qu'il y a une part d'autopersuasion : j'écris ce que je pense pour le saisir avec davantage de conviction. Comme si je dessinais ma personnalité en appuyant sur les traits d'esquisse qui me paraissent signifiants. Mais il y a aussi une volonté d'afficher publiquement - même si c'est sur un espace plutôt confidentiel - des idées, pensées, ressentis, avec lesquels je ne suis pas encore vraiment familiarisé. Une façon de m'affirmer... et peut-être de voir si ça déclenche des réactions.

En quelque sorte je serais en attente de validation !

Hum... c'est prendre un risque : mes pensées pourraient être rejetées, mes mots critiqué. Il est cependant rare qu'ils le soient en apparté. C'est la grande différence avec la visibilité des commentaires d'un blog. Je redoute l'effet amplificateur de la mise en scène de soi, qu'elle soit centrée sur l'écrivant ou ses commentateurs.

C'est pour cette raison que j'en suis venu à éviter d'évoquer certains sujets sur mon blog. Mon rapport actuel aux femmes en fait partie. Au vu de quelques réactions j'ai compris que je touchais là un domaine un peu sensible. Me sentant jugé en fonction de je ne sais quels critères de morale personnelle, je me suis tu.

Pour autant je n'ai pas envie de passer sous silence ce que je vis et ressens en diverses situations relationnelles plus ou moins inédites. Persuadé que ça peut être enrichissant pour moi et une part des personnes qui me lisent, je continue de relater mes expériences. J'essaie d'aller vers ce qui me semble bon pour moi, tout en restant attentif à ce que vivent les personnes avec qui j'interagis. C'est d'ailleurs le souci de l'autre qui est probablement à l'origine de beaucoup de mes questionnements, à l'opposé d'une image d'égoïste qui m'a parfois été renvoyée. Ces regards défavorables, parfois hostiles, m'ont été pénibles. Ils m'ont ramené vers un sentiment de rejet, que je ne connais que trop. Je le sais destructeur de l'estime de soi, même si, à la longue, j'ai appris à m'en servir comme levier : c'est en m'appuyant sur des critiques ressenties comme "injustes" que je forge mes convictions personnelles. Et c'est ainsi que ce qui m'affaiblit un moment finit par me rendre plus résistant. À la longue l'entreprise est bénéfique. Il se pourrait même qu'elle devienne libératrice, en m'apprenant à m'affranchir d'une trop grande attention portée au regard d'autrui. Car c'est bien là un de mes plus forts handicaps relationnels...

Ainsi il y aurait une boucle logique : en écrivant mes difficultés à être je parviendrais à les atténuer, via le regard que les autres portent sur moi (ou ce que j'en imagine). L'ensemble se jouant sur un théatre particulier : ma position d'homme par rapport aux femmes. Et plus particulièrement dans les rapports de séduction...


Je n'ai pas besoin de chercher trop loin l'origine de mes doutes existentiels : je l'attribue à l'attitude qu'a eue mon père au moment où j'entrais - difficilement - dans l'âge d'homme. En me rabaissant, en m'humiliant, il a sapé à la base mes assises narcissiques. Son but était de toucher mon amour-propre de mâle pour me faire réagir mais la dose était trop forte pour moi et a profondément fissurée une grande part de mon estime personnelle. En clair son attitude m'a "castré" au moment où je devenais homme. C'est du moins la conclusion à laquelle je suis parvenu, par divers recoupements, en analysant mon rapport aux autres de façon générale, et aux femmes en particulier.

Mais il se peut que l'attitude paternelle n'ait fait que mettre en évidences des prédispositions latentes ? Peut-être aurais-je de toutes façons développé une attirance vers le relationnel sous forme douce ? Il se peut que, quoi qu'il se fut passé, je serais devenu un homme ne se reconnaissant pas dans les représentations traditionnelles du masculin.

Bref : j'accepte la part qui me revient dans ce que je suis et n'en fais grief à personne. Même si je considère que quelques personnes auront fortement contribué à accentuer mes questionnements identitaires et affectifs, je crois pouvoir m'en réjouir : au final ce sera bénéfique.

Pour l'heure j'en suis encore à me demander comment être avec les femmes que je côtoie dès lors que les rapports de séduction entrent en jeu. Je me sens bien en compagnie féminine (ou avec des hommes vivant pleinement leur part dite "féminine") mais ne vis pas sans une certaine complexité mon identité masculine. Ainsi l'image de "séducteur" que je tente de subtilement souligner [hum...] dans mes écrits est loin d'être aussi évidente dans la rencontre. Si je me plais à rapporter ce que certaines femmes apprécient chez moi c'est à la fois pour endosser un habit auquel je ne suis pas accoutumé et affirmer publiquement cette reconnaissance de euh... virilité. Je suis toujours surpris de séduire... et en même temps je m'accroche à chaque élément de preuve pour clamer que j'ai ce "pouvoir". Si je séduis, c'est sans y croire, sans le vouloir, sans le savoir. Bien que, à la longue, je commence à en prendre conscience... D'ici à l'assumer et m'en servir, il y a un pas que je suis loin d'avoir franchi. Néanmoins cette prise de conscience du masculin qui m'habite est capitale dans la restauration de mon estime de moi sur ce plan-là.

C'est important puisque, en plus de ce que qui émane de moi, c'est aussi par mon identité masculine que je séduis, me semble t-il. Et je pressens qu'il est attendu de moi que je l'affirme en certaines circonstances. Je pense bien sûr à un domaine de la séduction ou les archétypes comportementaux restent apparemment solidement ancrés : l'approche corporelle. Il semble assez généralement attendu [?] par les femmes que l'homme fasse preuve d'audace, d'un caractère entreprenant, d'un désir affirmé et conquérant. Vient un moment où la douceur, l'écoute, le dialogue, pourtant fort appréciés et demandés par nombre de femmes... doivent être mis en sourdine. Ou du moins ne pas empêcher que ce qui est attendu se mette en place. Le confident se doit de rester solidement masculin [dans l'action ?].

Et moi, tellement attentif à ne surtout pas brusquer ces femmes [d'où me vient cette tendance protectrice ?] dans la rencontre intime, je me sens en porte-à-faux entre deux attitudes : le respect ou la conquête. J'ai besoin de signaux clairs pour comprendre ce qui est attendu de moi, lorsque le confident est aussi désiré comme amant. C'est pourquoi les femmes entreprenantes m'attirent... tout en éveillant mes craintes, parce qu'une "inversion des rôles" n'est pas simple à vivre. Tout ce qui pourrait ressembler à un ascendant de l'un sur l'autre (domination/soumission) me mettrait en grande difficulté. Ne sachant parfois plus comment me situer j'ai alors tendance à cérébraliser, à verbaliser, à tenter de comprendre ce qui se joue. Avec pour effet de m'éloigner des sensations et émotions.

Il m'arrive de ne plus savoir si je suis homme ou femme [cette phrase qui m'échappe me laisse un peu perplexe...]

Je reformule : ne plus savoir si je dois me comporter en "homme" ou en "femme", selon les représentations que j'ai de ces rôles, issues du regard social intériorisé porté sur chaque genre. C'est à dire avoir le désir conquérant (« je veux ! ») ou respectueux de l'autre (« que désires-tu ? ») [en écrivant cela je sens bien qu'il serait judicieux que j'éclaircisse quelque peu mes représentations du rapport à autrui...]. 

Ce qui est certain c'est que j'aime sentir vibrer la puissance du désir féminin en attente d'un aboutissement. J'aime qu'il me soit demandé de le satisfaire. En même temps il m'est arrivé d'en redouter l'intensité, comme si je pouvais me faire engloutir par une vague pulsionnelle semblant s'ancrer dans un affectif tentaculaire et possessif. Surdimentionné par rapport à ce que je peux offrir. Comme si je sentais une soif insatiable qui ferait de moi un roi ou plus rien selon que j'aurais ou non donné satisfaction en matière affective et sexuelle. Adulé ou déchu par celles-là même avec qui la confiance préalable laissait supposer qu'elle constituait une base solide pour aller plus loin dans la rencontre d'être à être...

J'ai parfois eu l'impression qu'une attirance initiale faisait naître des sentiments de circonstance, mais n'avait pour objectif insu que de mener vers une jouissance protectrice et sexuelle. Je me suis parfois senti utilisé comme instrument de réassurance et de plaisir. Ce qui, en soi, peut parfaitement me convenir lorsque c'est clairement établi [d'autant plus que je fonctionne actuellement sur un mode compatible]. Mais pas si je me sens transformé en homme jetable [homme-objet ?], "oublié" dès qu'il ne donne plus suffisamment de satisfaction libidinale et/ou sentimentale.

Un mot me vient : éjectable. C'est ainsi que j'ai ressenti plusieurs éloignements relationnels. Quand, de partenaire en confidences je suis devenu amant [réel ou envisagé] sans que n'apparaisse simultanément un sentimentalisme "amoureux", j'ai vu fondre en peu de temps ce que je pensais voir se construire dans une confiance croissante. Fort heureusement ces réactions de déception, que par ailleurs je comprends, n'ont pas toutes abouti à un éloignement. Certaines ont conduit à un réaménagement de la relation et l'amitié a pu se poursuivre.

Il n'empêche que, finalement, j'en suis venu à redouter l'alliance des sentiments et du désir. Sentiments qui, selon le sens que je donne à ce mot, ne sont pas de l'amour, même si cela peut y ressembler...

Au fil des rencontres j'en suis arrivé à nettement distinguer ce qui appartient à chacun des registres du partage : coeur, corps et pensées, voire esprit. Une scission exactement à l'opposé de ce que j'ai autrefois senti réuni dans une bouleversante alliance menant vers des sommets éblouissants. Était-ce une illusion ? Une chimère ? Aujourd'hui je ne sais plus. Mon esprit s'était peut-être égaré dans un rêve idéalisé... Un retour au concret m'a été nécessaire et je ne suis donc pas surpris de fuir désormais la confusion des genres, en excluant ce qui m'est le plus sensible et précieux : le sentiment amoureux.

J'apprécie toujours la compagnie des femmes, confidentes, amies, presque soeurs. En tant qu'homme mon désir de rapprochement physique reste toujours latent avec un certain nombre d'entre-elles. Ce n'est que la coexistence des deux registres qui m'interpelle, lorsque la question des sentiments entre en scène.

À moins que ce ne soit celle de l'attachement ?






Éviter l'invite




Jeudi 30 décembre
[publié le 31 décembre]


Écrire m'est devenu complexe. Mes interventions se raréfient, même si, de temps en temps, quelques salves rapprochées rappellent que je pourrais être aussi prolixe qu'autrefois. Le principal obstacle c'est le temps à y consacrer. Au fil des ans, et surtout des évènements connexes liés à la tenue de ce journal public, j'ai de plus en plus souvent travaillé mes textes, cherchant à trouver le mot juste, au plus près de ce que je ressens. Au plus près de ma vérité. Mais l'entreprise est vouée à être sans cesse reprise puisque les mots importants sont souvent insatisfaisants, trop ou pas assez signifiants, m'obligeant à me demander si c'est bien tel ou tel que je veux employer.

C'est bien sûr parce que mes mots ne sont pas seulement pour moi, mais destinés à faire passer un message, voire plusieurs messages simultanément. Si j'écris devant des lecteurs, c'est que je cherche à faire passer quelque chose. Je n'ai pas toujours conscience de ce langage parallèle, ni de ce que je cherche à toucher, ni qui en est le destinataire : moi ou... qui d'autre ?

Parce que je retravaille de plus en plus mes textes, étalant parfois les reprises sur plusieurs jours, laissant reposer longuement, il m'arrive de ne même plus savoir quelle date attribuer entre le premier jet et la mouture finale ! J'y passe des heures, qui deviennent parfois, en se cumulant, des journées. C'est un peu fou ! Mais ce n'est pas tant la recherche du mot juste qui m'occupe que le travail de prise de conscience qu'il induit. En me relisant j'accroche sur certains termes, certains phrases, et cela me conduit à m'interroger sur ce que je veux dire [ce qui cherche à se dire]. Est-ce vraiment un ressenti authentique ou l'idée que je cherche à en donner ? À qui est-ce que je m'adresse ? Quelle instance, réelle ou imaginaire ? Qui est-ce que je cherche à influencer ? Quelle est la part d'auto-persuasion ? Il me faut parfois le temps de la décantation pour le savoir...

Au final le texte publié ne sera plus vraiment en phase avec le cheminement qu'il m'a permis d'effectuer. Pour autant ce travail est loin d'être vain puisque la publication fait partie du processus : je me vois avoir évolué entre le premier jet et la publication. Je ne suis plus le même. Ma conscience s'est élargie.

Et puis il y a tout ce qui m'apparaît et que je ne divulgue pas. Tous les à-côtés mis en mouvement. Le brassage d'idées qui en éveillent d'autres mais que je ne peux intégrer au texte sous peine de le rendre confus et tentaculaire. « Une pensée en arborescence », me disait jadis une amie.

Une amie ?

...

Ai-je besoin de cette précision ? Que veux-je dire par là ? Quelle est l'importance de ce terme ?

Voilà ce qui se produit fréquemment quand j'écris : quelque chose apparaît. À moi de voir si je choisis de suivre, ou pas, ce petit fil...

Une amie...

Moi je sais très bien de quoi il est question et n'ai nul besoin de me le préciser. Alors pourquoi le fais-je ? Hum, je n'irai pas plus loin... j'évite ce genre de sujet.

Évitement. Voilà l'idée qui, depuis quelques temps, s'installe subrepticement dans mes réflexions. Un évitement qui, comme tout ce qu'on veut occulter, fini par envahir et tétaniser la pensée.

Il y a quelques semaines j'ai noté sur un petit post-it « j'évite d'y penser », suivi de deux initiales. Celles de deux prénoms. Régulièrement j'ai revu ce bout de papier coloré qui se rappelait à mon souvenir. C'est son rôle. J'avais envie de revenir sur cette idée... tout en persistant à l'éviter, bien entendu ! Éviter d'en parler, surtout... Reporter à plus tard. Mais jusqu'à quand vais-je éviter ce qui s'invite ?







Attachement




Vendredi 31 décembre


Éviter d'y penser. Savoir qu'il y a "quelque chose" et ne pas y aller. C'est une fuite. C'est aussi une protection : je n'y vais pas parce que je sens confusément que je n'y suis pas prêt. Je reporte...

Je sais pourtant que mon intention est claire : un jour j'irai au devant ce que, pour le moment, j'évite. Quand je me sentirai suffisamment solide pour ça. Et je travaille à cette solidification, qui n'est qu'un autre nom pour la confiance en soi.

Ce que j'évite ? Oh, tout plein de situations qui me font peur. Crainte d'être rejeté, crainte d'en être affecté. Crainte que ma bonne volonté et mon désir de concorde ne soient incompris. Refusés. Crainte, peut-être, de voir se dresser le mur d'une réalité qui ne correspondrait pas à ma vision du monde. Crainte de voir de nouveau les repères sur lesquels je m'appuie balayés. Et ramer encore...

Pourtant maintenant je suis aguerri ! Je sais qu'apprendre la vie se paie ainsi.

Et puis des questions essentielles et structurantes : est-ce que je suis sur une "bonne" voie ? Est-ce que les choix existentiels que je fais sont réalistes ? Tenables à long terme ? Suis-je "fort" en cherchant à aller vers une certaine vision du monde, ou bien encore dominé par des représentations erronnées, naïves, et tout compte fait largement immatures ?

En clair, est-ce que l'importance que j'accorde aux liens d'attachement va dans le sens... d'une plus grande humanité, ou bien signe d'une immaturité persistante ?

Est-ce que je suis « quelqu'un de bien » [essaie de l'être...] ou un pauvre hère perdu dans une errance vague ?


[Mon approche est confuse, j'en ai bien conscience. Il m'est difficile d'entrer dans le vif de ce que j'évite.]


Je vais prendre le plus facile : Charlotte. C'est une des deux initiales concernées par le « j'évite d'y penser ». Ce n'est pas à elle que j'évite de penser, mais à ce qu'est devenu notre relation.

Charlotte à très longtemps été "tout" pour moi. C'était évidemment trop. Aujourd'hui, hormis notre passé commun et notre fonction de parents d'enfants largement émancipés, il ne reste... presque rien. Au présent notre relation, quoique cordiale, est devenu quasiment inexistante en dehors des aspects matériels concernant les enfants. Nous n'avons plus aucun temps d'échange personnel. Nos rares mails se limitent à quelques lignes allant à l'essentiel, cependant toujours agréméntés d'un petit signe de gentilesse sans implication. Nos contacts s'espacent, laissant souvent plusieurs semaines s'écouler sans nouvelles. De toutes façons nous ne nous en donnons que lorsqu'une raison particulière nous en fournit le prétexte.

Cette raréfaction s'est faite imperceptiblement, sans élément déclencheur clairement identifiable. Au début je constatais cela un peu surpris, considérant que c'était un processus normal de détachement. Je ne l'ai pas contrarié, sentant bien que Charlotte en avait besoin. Quant à moi j'apprenais le détachement et cette "épreuve" utile m'était tout à fait supportable. De toutes façons j'étais bien plus préoccupé par un autre détachement relationnel, nettement plus chargé affectivement...

Mais depuis quelques temps je ressens un léger manque, dû à la distance de Charlotte. Il se teinte doucement de tristesse. Une tristesse différente de celle des débuts, plus subtile. Pourtant j'ai largement accepté les conséquences du divorce, lui-même suite logique de tout un processus prévisible de longue date. Le choix de Charlotte de me quitter découlait de celui que j'avais fait pour "m'émanciper". Tout était donc cohérent. Ce qui l'est moins, à mon sens, c'est l'éloignement de Charlotte en tant qu'amie... Longtemps elle a été ma seule et plus proche amie, ma confidente, mon âme-soeur, celle avec qui je partageais bien d'autres choses que la parentalité ou la seule vie de couple. Oui, Charlotte était aussi mon amie.

Aujourd'hui cette amitié me manque...

Avec elle tout n'était pas rose, loin de là, et avec le temps de séparation j'ai compris à quel point certains aspects de notre relation étaient déséquilibrés, inhibant notre développement individuel, réduisant notre capacité créative. Il y avait des blocages, des évitements, et même une certaine violence par inacceptation des différences de l'autre. Les frictions étaient fortes. Mais il y avait aussi beaucoup d'écoute, d'attention portée à l'autre et un réel souci de prise en compte de ses besoins. En bref notre relation restait riche de possibilités et si nous n'avions pas été mariés... notre amitié aurait peut-être mieux traversé le choc.

Ce que je me demande aujourd'hui, ce qui m'inquiète et que j'évite d'approfondir, c'est le devenir de cette amitié. Que la relation de couple n'ait plus sa place, soit, je l'ai pleinement accepté. Je n'envisage pas un impossible retour en arrière, qui ne semble plus avoir été imaginé par aucun des deux depuis longtemps. Mais l'amitié ? La confiance partagée ? Ces années de co-naissance dans l'intimité, que va t-il en advenir ?

Je ne crois pas que l'indifférence ait pu prendre place. Je sens que je garde une place dans l'existence de Charlotte, tout comme elle en garde une pour moi. Comment pourrait-il en être autrement ? Notre situation "d'étrangers" l'un à l'autre est donc plus formelle qu'affective. En même temps notre éloignement est réel et nous sommes devenus très largement indépendants. Nous n'avons plus besoin l'un de l'autre. Charlotte vit en quasi-couple depuis plus d'un an. Cette année elle a même invité la mère de cet homme pour noël et à emmené ce dernier dans sa famille. Symboliquement c'est significatif. D'ailleurs il parait que sur Facebook sont profil indique "en couple". J'apprends tout cela au hasard des conversations avec mes enfants, par ailleurs fort discrets sur ce qui concerne chacun des parents absents.

En y pensant... je me demande si l'éloignement de Charlotte ne s'est pas accentué avec l'entrée de cet homme dans sa vie. J'ignore comment elle se positionne mais peut-être est-elle un peu gênée par rapport à moi ? La façon qu'elle a eu de me le présenter la première fois, dans un contexte plutôt inattendu, m'a surpris. Un peu comme si elle me présentait maladroitement un trophée ! Je ne m'y attendais pas et sur le moment ça m'a un peu perturbé. Surtout pour sa façon de procéder... Depuis j'ai eu l'occasion de rencontrer quelques fois cet homme avec Charlotte sans que cela ne génère de malaise. Tout au plus le sentiment d'une situation un peu bizarre. Je crois cependant qu'à partir de là j'ai accentué ma discrétion. Je me suis effacé, laissant Charlotte libre de me contacter à sa convenance. Peut-être prend-elle cela pour de l'indifférence ?

C'est ce que je voudrais clarifier avec elle : souhaite t-elle que je me manifeste, ou au contraire que je reste loin de sa vie ? Comment me situe t-elle ? Comment considère t-elle notre amitié ? Désire t-elle la maintenir à un certain niveau ou préfère t-elle qu'elle s'éteigne ?

J'avoue que j'évite d'affronter la situation par crainte de ses réponses. Longtemps elle a manifesté un désir net d'éloignement, que j'ai finalement accepté. Probablement en évitant d'y penser... Mais maintenant je ne sais plus trop comment me comporter avec elle.

Qu'elle partage sa vie avec un autre ne me dérange pas outre mesure [sans être pour autant totalement anodin...], ne suscite pas de jalousie. En revanche me sentir "disparaître" de sa vie m'est plus difficile. Résurgence d'un sentiment d'abandon ?

J'ai toujours cette sensibilité forte au lien d'attachement, qu'il m'est douloureux de voir disparaître. Sentiment de vide, de "trahison"... Je sais que cette façon de voir les choses m'appartient et que je ne peux en faire grief à personne.

Je constate aussi que ce fameux lien d'attachement n'a plus pu se créer avec quiconque depuis le grand chamboulement de 2004. Qu'en penser ? Est-ce un signe de maturité et d'autonomie ou celui d'une fermeture préjudiciable ? Il serait peut-être bon que je clarifie mes pensées et mes ressentis sur ce point. Ça éviterait que je fasse preuve d'une prudence défensive face aux rencontres qui, probablement, continueront à se faire.

Bon, ça me laisse de quoi réfléchir pour l'année qui s'annonce !



En attendant, je vous souhaite que l'année 2011 réponde à vos désirs les plus essentiels !

Et merci pour votre fidélité...