Juin 2009

Dernière mise à jour:lundi 13 juillet 2009 - Accueil - Message






Sur le cul !


Samedi 27 juin


Le constat s'impose : j'écris très peu ici. Il y a plusieurs raisons à cela, dont la principale est le manque de temps au moment nécessaire. Depuis que je suis devenu salarié je n'ai plus cette liberté d'écrire lorsque l'envie est là. Je sens bien qu'ainsi je laisse s'échapper beaucoup d'idées que j'aurais aimé développer et le nombre de textes qui n'auront été écrits que dans ma tête, ou seulement ébauchés, est considérable. Mais c'est ainsi et j'accepte cette nouvelle réalité. Le cheminement se fait autrement, de façon plus diffuse, intérieure. J'ai retrouvé un rapport avec la réalité commune à tous : autrefois je passais un temps considérable à écrire et réfléchir, l'un entretenant l'autre. De ce fait j'étais un peu hors du monde et hors du temps.

Certes j'écris encore assez régulièrement sur mon blog, mais c'est résolument différent. Je ne saurais dire précisément à quoi cela tient, mais je sens qu'ici je peux aller plus en profondeur. Je ne perçois pas votre lecture de la même façon ici et là-bas.

Il n'y a pas que le manque de temps libre qui a raréfié mes interventions. Il y a aussi que j'ai voulu prendre de la distance avec l'écriture. Celle qui m'absorbe, celle qui vient des profondeurs obscures de ce que j'ignore de moi. Et puis j'ai eu besoin de m'éloigner des suites désastreuses d'une relation révélatrice qui avait tellement nourri mes réflexions et ouvert à tant de remise en question. Peut-être, enfin, y a t-il eu un besoin de ne plus donner de moi de façon aussi impudique et exposante. Vaste mouvement de reflux de l'exposition intime, qui était allée trop loin.

Pour autant... ai-je vraiment changé dans ma façon de *vivrécrire* ? Ainsi formulé, le terme "changer" ne veut rien dire. Oui, j'ai beaucoup changé... et en même temps je suis resté le même. Combinaison d'adaptations et de retournements de fond.

Je reconnais avoir un peu fui le bouillonnement intérieur, ayant besoin de retrouver une tranquillité qui avait volé en éclats quand des angoisses profondes (abandon, rejet, désamour...) étaient remontées à la surface. Je me suis déconnecté d'un certain nombre de registres émotionnels, dont le plus visible aura été celui des vibrations amoureuses.

Mais... précisément... il se joue certainement beaucoup de choses autour de cette dimension très particulière de la rencontre entre êtres. D'ailleurs c'est bien au coeur d'une telle situation que ma vie est entrée en révolution, il y a quelques années, pour ma plus grande satisfaction. Alors... pourquoi m'en tenir à l'écart désormais ?

Hmmm... il se pourrait que quelques bouts de fils commencent à aparaître dans l'inextricable fouillis de la pelote. Ma psy m'aide à mettre en évidence ces amorces de réflexion, qui commencent à se relier dans mes idées brouillonnantes.

[au passage, je note que mon écriture sous forme de paragraphes courts et scandés correspond à la venue des idées par saccades. Un peu comme une série de pensées qui se succèdent, ponctuées par de courts silences de relance]


Première idée du moment : le désir. Au sens large. J'ai longtemps cru que je n'avais pas beaucoup de désirs, et il m'apparaît maintenant que c'est probablement le contraire : trop de désirs à la fois, parfois contraires, et entre lesquels je ne sais pas choisir. Désirs qui proviennent autant de moi que des autres, à qui je chercherais à « ne pas déplaire » en répondant à leurs désirs supposés. J'ai donc à faire le tri, à choisir à qui je veux plaire d'abord : l'autre ou moi.

Je dis ça en quelques phrases mais c'est évidemment quelque chose de très complexe qui s'origine loin dans mon enfance. J'en suis arrivé récemment à comprendre que je pensais ne pas avoir les "bons" désirs. Comme si je me trompais de désirs, que les miens n'étaient pas "raisonnables", pas "réalistes" [Cf. mon hypersensibilité aux appels à être "réaliste"]. Ne pas oser entendre, croire, exprimer mes désirs aboutit évidemment à quelque chose de très inhibant, qui aurait même des effets castrateurs sur mon audace et ma créativité. Cependant je sais, pour l'avoir vécu, qu'oser vivre mes désirs m'est accessible, et peut m'amener à la plénitude d'intenses satisfactions. Je m'appuie sur cette expérience pour retrouver cet élan vital.

Les femmes avec qui je suis, ou ai été, en relation d'intimité non-amoureuse me demandent toujours, avec une belle unanimité, quels sont mes véritables désirs relationnels. Qu'est-ce que je veux vivre avec elles ? Dans quelles dimensions ? À la longue, je le sais de mieux en mieux et le précise à la demande.
Avec la même unanimité elles sont aussi, régulièrement, dans des phases de souffrance en comprenant progressivement que je n'entrerai pas dans une logique amoureuse. Ces moments de douleur me posent réellement problème ! Je n'aime pas du tout me voir être acteur de leur souffrance, même si je sais qu'elle les mène à un travail sur elles-mêmes et qu'elles sont responsables de leur choix de poursuivre, ou pas, la relation.

Récemment il m'est apparu qu'être témoin-acteur de cette souffrance générait en moi un mal-être certain, que je ne peux tolérer qu'en me tenant à l'écart d'un trop d'affectif. Tout simplement parce que je redoute de me voir "attaqué" sur ma façon d'être, et suis sensible à l'aspect menaçant d'être "abandonné" pour cela, voire rejeté. De plus, la culpabilité de faire vivre cela n'est jamais loin. Au coeur de mon refus de l'état amoureux il y a bien ce rapport entre l'investissement affectif et la souffrance que génère sa non-réciprocité...

Tout ceci se relie par plusieurs points : la souffrance de ces femmes face à ma "distance", et réciproquement, présente des similitudes avec ma souffrance de jadis, lorsque ma demande de réassurance affective était excessive. Sauf qu'entretemps j'ai fait ce qu'il fallait pour ne plus jamais me retrouver dans une telle situation de détresse et d'angoisse...

Je pense à ce qui se braque en moi lorsque je sens une pression qui tendrait à réduire cette distance protectrice que je maintiens. Je ne me protège pas sans raisons hautement valables (bien conscient de toute la subjectivité de mes critères de valabilité). Toute tentative d'outrepasser mes barrières réveille une fermeté et une "froideur" qui me sont ensuite reprochées. De la part des femmes blessées, leur réaction de retrait m'entraine vers... un mélange de tristesse et de colère, froides et silencieuses. Le sentiment de trahison du lien n'est jamais loin, même si je me suis blindé contre cela.

« À quel prix ? », dirait ma psy...
Il est vrai que cette économie psychique à un côut élevé.

Hier elle m'a dit que je pouvais très bien quitter ces relations où je vois ces femmes souffrir. J'ai rétorqué vivement, me souvenant de la violence d'une décision imposée, que ce n'était pas à moi de décider à leur place. Ce à quoi elle a répondu que je pouvais me préserver de la souffrance ressentie en les voyant souffrir...

Se préserver du spectacle de la souffrance d'autrui... Ouais... c'est vrai, ai-je pensé en laissant des souvenirs s'éclairer d'une lumière nouvelle...

Par une série de liens que seul le recul permet, ma psy en est arrivée à me mettre devant des questions auxquelles je n'ai pas su répondre. C'est rare, parce que j'ai presque toujours des réponses, longuement élaborées durant mes cogitations en veille active. Elle m'a demandé ce qui, à mes yeux, différenciait les jalousies féminines et masculines. Je n'ai pas su répondre, si ce n'est en disant que les femmes semblaient avoir besoin de se sentir aimées entièrement et exclusivement, bien que certaines ne semblent pas correspondre à ce schéma...

Ma psy est revenue à la charge en me posant des questions sur les différences hommes-femmes... et puis elle a mis en évidence le fait que je n'aimais pas trancher. Que je n'aimais pas du tout les alternatives en noir et blanc. Je lui ai dit que je m'intéressais plutôt aux nuances de gris... Et plutôt que de regarder les extrêmes et les tout-ou-rien je préférais les entre-deux, les ambivalences, les contradictions internes, que je trouvais beaucoup plus fertiles.

Je me suis senti sous un feu roulant de questions (habituellement la psy est quasi muette...), auxquelles bien souvent je ne savais quoi répondre, ou digressais sans m'en rendre compte. Ce que la psy n'a pas manqué de me faire remarquer...

Pendant que j'hésitais dans mes phrases je sentais dans ma tête se passer de drôles de choses. Comme un vide temporaire causé par le déplacement d'idées en plein mouvement. Comme si tout d'un coup j'entrevoyais ce qui était devant mes yeux avec une certaine évidence sans que je n'aie jamais établi ces liens invisibles.

La psy rassemblait un certain nombre de choses que j'avais énoncées depuis des mois, des années, autour du désir, de mon identité masculine, de mon attirance vers les femmes... mais aussi de l'importance pour moi de l'amitié durable, de la confiance... à comparer à mon désinvestissement amoureux. Mes interrogations autour de ce qui différencie amour et amitié, objet de toutes mes recherches, semblaient prendre sens. Tout comme ma quête de ce qui différencie fondamentalement hommes et femmes, au delà de leur anatomie...

Et c'est là qu'elle m'aiguillonna de façon totalement inattendue, mais pourtant fort logique, sur mon identité sexuée : « vous sentez-vous homme ou femme ? »

Bigre... vu sous cet angle direct...

Oui, c'est vrai, je me sais être habité par un pôle féminin assez marqué, que j'assume et revendique de plus en plus, mais je me sens indubitablement homme ! Je suis dans un corps d'homme. D'ailleurs mes attirances vont bien vers les femmes ! Tout comme mes amitiés. « Et vos amitiés avec les hommes ? », demanda t-elle. Euh... c'est une amitié qui peut survenir, mais je ne la recherche pas, ni ne l'entretiens véritablement. Parce qu'il n'y a pas de séduction.

Je voyais venir avec une certaine... aversion, le spectre d'une homosexualité refoulée. [tiens tiens, aversion ? devrais-je me demander...]. Ma psy m'a dit qu'elle ne parlait pas d'identité sexuelle, mais psychique...

J'avoue que si je n'avais pas été assis dans un fauteuil je serais tombé sur le cul. Allons-bon, qu'est-ce que c'est que ça ??? Décontenancé, hésitant, dubitatif, je ne savais plus trop que penser. J'étais totalement pris au dépourvu... et en même temps *ça faisait sens*. Elle touchait quelque chose d'important. Je sentais se précipiter des idées autour du désir, de ma sexualité, d'une certaine ambivalence entre mes parts masculines et féminines...

Ne pas vouloir trancher, m'intéresser aux entre-deux et aux nuances de gris, m'approcher des limites qui séparent deux concepts aussi proches et distincts que l'amour et l'amitié... Mais oui, bien sûr !

Et puis toutes ces fois où j'ai dit que je ne me reconnaissais pas dans le masculin, le mâle, le viril, le dominant... tout en me sentant quand même homme. Cette phrase surréaliste d'une femme avec qui j'étais en désaccord sur sa représentation des hommes qui m'a rétorqué, au milieu d'un groupe de formation, « oui, mais toi t'es pas un homme ! »« Mais que suis-je, alors ? », m'étais-je étonné. Et puis ces relations que je vis, toujours un peu complexes, avec des femmes ayant pour point commun un pôle masculin développé. Notamment dans l'expression de leur désir, parfois très *puissant*... Femmes conquérantes, désirantes, décidées, qui viennent vers moi et que j'accueille avec un esprit volontiers protecteur, bienveillant, voire "sauveur"...

Inversion des rôles prédéterminés ?

Qu'est-ce qui est désiré, de leur part et de la mienne, dans ces amitiés désirantes... ?



Je ne sais pas trop quoi faire de tout ça, alors je le dépose ici.






... et puis il y a ce que je n'ai jamais évoqué ici. La lumière, la force et l'énergie qui m'animent. Qui durent. La confiance qui résiste, aussi. L'engagement.

Confidences rarement dites mais dont l'intensité me revient par qui vient de les entendre.




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