Octobre 2008

Dernière mise à jour:lundi 27 octobre 2008 - Accueil - Message






Référence inévocable


Samedi 18 octobre


Longue pause. Je me suis posé pas mal de questions au sujet de ce journal en ligne. De mon blog, aussi. De mon écriture sur internet, en général.

Est-ce avantageux de continuer ? Si je sais bien ce que je gagne en écrivant (meilleure conscience de mes relations affectives), je ne sais pas trop ce que ça me coûte en économie psychique et en temps de vie. Pas sûr que la balance soit positive...


[blanc]


Je reste devant mon écran, incapable d'écrire davantage.

Voila des semaines que je ne parviens plus à écrire. Trop d'idées à exploiter et trop de sélections a effectuer. L'entonnoir est étroit pour ce qui aura la place de se dire.


[blanc]


Comment retrouver une certaine liberté ? De quoi puis-je me délester ?

Hmmmm... je vais dire ce qu'il en est, peut-être que ça se décoincera. Les faits publiquement connus, sans interprétation subjective.

Je me sais lu, ou lisible, par quelqu'un qui ne veut plus que j'évoque une situation. Ni même que j'y fasse allusion.

Bon... rien que d'écrire ça, c'est déjà transgresser l'injonction.

Le problème, c'est que ce que je fais de ma vie s'appuie en grande partie sur cette situation passée. En quelque sorte, c'est le point de départ d'une nouvelle façon de vivre mon rapport aux autres dans le domaine affectif.

Comment faire, donc, pour ne pas me référer à ce qui me sert de référence ? Certes je peux tenter de ne pas revenir à ce référentiel, même s'il est souvent réactivé par ce que je vis ou apprends. Je peux aussi me contenter de ressentir, vivre les situations, sans chercher à les décrire. C'est une des pistes se sortie, et je ne la néglige pas. Elle me conduirait à largement désinvestir l'écriture autobiographique. Pourquoi pas ? Finalement est-ce que je ne reste pas figé dans ce descriptif, au détriment du temps que je pourrais passer à autre chose ?

D'un autre côté je sais tout ce que m'a apporté cette recherche descriptive. Si je n'étais plus pris dans ce bloc compact que j'essaie tant bien que mal de contourner en ce moment, ne pourrais-je pas retrouver une écriture plus insouciante, légère, représentative de ma façon d'être... hors de ce magma tentaculaire qui me happe dès que je m'en approche ?

Oui mais voila... comment faire pour m'en éloigner alors que je sais qu'il me rattrapera inopinément, dès que je serai confronté à une situation m'y faisant penser ?

Ça en fait des questions, hein ?

Petits bouts de l'énorme pelote qui ne demande qu'à se dérouler.

Je ne sais que faire, alors en attendant... je laisse passer le temps.


[blanc]


J'aimerais bien en sortir, mais sans faire de dégats. Sans outrepasser les injonctions qui m'ont été faites...

Ouais... mais des injonctions, ça ne m'est pas évident à accepter. Et là commence la longue litanie des questions qui s'enchainent : qui ai-je envie d'apaiser préférentiellement ? Suis-je capable de trouver une vraie paix en m'extrayant volontairement de ce qui continue à me questionner ? Y a t-il des réponses satisfaisantes à ces questions ? Qu'attends-je vraiment ?

Et si l'intérêt de tout ça était de... non pas répondre à des questions, mais de supprimer les questionnements ? C'est bien ce qui se passe depuis tout ce temps de silence...

Peut-être n'est-ce qu'une question de temps, les interrogations se résolvant au fil des rencontres, des lectures, de toutes ces variations relationnelles que la vie propose.

Peut-être que tout se résoudra le jour où j'aurai davantage de réponses que de questions. Quand je serais plus affirmatif qu'interrogatif. Un changement dans l'état d'esprit, dans la posture, dans la confiance en ce que je sais.

Je crois que c'est un peu tout ça qui se joue autour de cette situation inévocable.








Casse tête



Dimanche 19 septembre


Chers lecteurs,

Je me trouve devant un problème auquel je ne trouve pas de solution. Il n'est pas nouveau, mais aurait tendance à se complexifier en fonction du temps que je mets à le résoudre. Je ne pense pas que vous puissiez m'aider, par contre je peux probablement y voir plus clair si je le pose devant vous, selon le principe bien connu de la clarification par les mots : « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». Je ne sais pas si les mots viendront aisément, par contre je suis certain qu'ils ont un pouvoir clarificateur.

Ce préambule étant posé, j'entre dans le vif du sujet et je pose les données. Froidement, pour garder la distance qui convient.

Prenons un individu que nous nommerons "A", soumis à diverses pressions inconscientes qui le rendent à la fois unique et multiple en lui-même. Cet individu A cherche à comprendre les pressions qui l'animent, de façon à tendre vers une unification des personnalités qui le composent.

Prenons un ensemble d'individus "B", hétérogène, disparate, variable, au milieu duquel A est plongé.

A se sert de ses interactions avec l'ensemble B pour mieux saisir sa propre pluralité, tendant à excercer un contre pouvoir conscient sur les pressions inconscientes qui le gouvernent. A dispose de plusieurs moyens d'observation, d'expérimentation et d'analyse, en direct ou en différé, selon son degré d'immersion dans l'ensemble B. Certains sont classiques et se déroulent relativement simplement, donc sans problématique particulière. Nous ne les évoqueront donc pas.

Observons plutôt un autre de ces moyens, assez singulier : l'écriture intime publique (nommée parfois écriture extime). Notons-en les particularités.

a) l'écriture est pour A un moyen d'observation et d'analyse à distance. C'est un outil de prise de conscience ayant un pouvoir clarificateur, donc libérateur.
b) le fait que l'écriture soit exposée en public augmente considérablement ce pouvoir clarificateur
c) l'écriture en public devant l'ensemble B est aussi un moyen de se construire une identité (A1)
d) la possibilité d'entrer en interaction avec A est donnée à un sous-ensemble B1 qui lit A1,via une adresse mail et par la possibilité de commenter sur un blog.
c) l'expression de A1 devant B1 s'inscrivant dans une continuité, en un lieu fixe, induit une construction concommitante de liens.
d) les liens, comme leur nom l'indique, peuvent devenir liberticides.

On voit donc que d'intentions libératrices le procédé peut devenir liberticide en d'autres domaines. Continuer sous la même forme sans tenir compte d'un processus liberticide ne peut qu'aboutir a une aliénation croissante.

L'objectif étant de rester dans un processus libérateur, il convient donc de trouver des solutions en se tenant à l'écart des zones liberticides. Voire d'augmenter les effets libérateurs.

Sont potentiellement liberticides les interactions avec chacun des individus du groupe B1, lecteurs des écrits publics de A. Ces interactions sont tout aussi potentiellement libératrices, selon les dynamiques qui se créent.

Développons la problématique et argumentons les solutions envisagées :
Dès qu'un des individus du groupe B1 entre en interaction avec A, il devient membre d'un sous-ensemble B1a, à propos duquel plus rien ne pourra être décrit sans subjectivation. Afin d'éviter d'éventuelles tensions, les membres du sous-ensemble B1a se verront donc protégés de toute expression publique qui serait en deça de la neutralité factuelle ou de l'attention bienveillante. À moins que les individus de B1a soient anonymes et non identifiables, A devra s'abstenir de toute observation et analyse de ses propres interactions avec B1a, à moins qu'elles ne soient exclusivement favorables [et tout ira pour le mieux dans le monde des Bisounours...]

Si les tensions et conflits ne sont pas redoutés, voire sont recherchés [kss kss...], la dynamique pourra être toute autre, mais le cas ne devrait pas trop se produire autour de réflexions intimistes...

Autrement dit, tout écrivant de soi n'est plus libre d'écrire publiquement sur autrui dès lors qu'ils sont en relation et qu'autrui est identifiable par des tiers. C'est en quelque sorte le "cadre" duquel on ne doit pas sortir.

Je peux énoncer la règle d'or suivante : « Tout écrivant du net s'abstiendra d'évoquer publiquement de façon défavorable un lecteur identifiable s'il veut conserver une relation harmonieuse ». Cette règle de vie devrait d'ailleurs aussi être respectée dans la vie courante...

Cela sert deux objectifs : le respect de l'autre, d'une part, et le respect de la relation d'autre part.
Sachant qu'on n'est pas obligé de chercher l'harmonie relationnelle [impossible avec tous], il resterait le respect dû à l'autre. On sait cependant à quel point la notion de respect est subjective : il est souvent bien difficile de savoir qui, le premier, n'a pas respecté la sensibilité de l'autre. Et d'ailleurs... faut-il systématiquement la respecter ?

Venons-en à l'aspect plus épineux de mon problème personnel, mentionné au début de mon texte.

Il se trouve que, il y a fooooooort longtemps, a été officialisé publiquement et réciproquement le lien que j'avais avec un membre du sous-ensemble B1a. L'initiative ne venait pas de moi, mais je l'avais acceptée avec plaisir. Il est donc devenu de notoriété publique, dans le microcosme des écrivants du net, que A (en l'occurence moi) vivait une relation privilégiée avec X, autre personne écrivant sur le net.

Deux écrivants de soi qui, en sortant du cadre, se sont retrouvés dans la situation potentiellement périlleuse qu'il convient d'éviter absolument... quand on veut conserver une relation harmonieuse [et seulement dans ce cas]. Situation casse-gueule dès que la première complication se présenterait. Le piège était en place, mais toutefois évitable.

Nb, en aparté : Le lecteur perspicace aura compris d'emblée pourquoi je n'évoque plus ce que je vis actuellement avec K., autre écrivante du net...

Pour différentes raisons le piège s'est peu à peu refermé, se renforçant inéluctablement.
Comme vous le constatez, à ce jour je n'en suis pas sorti.

C'est là que mon problème prend tout son sens : comment me libérer du piège sans y retomber inlassablement ?

L'écriture peut-elle encore m'être utile ? Sous quelle forme ? En quel lieu ? Sous quels regards ? Quelle variable puis-je changer pour sortir d'un cercle vicieux ?

Pour moi l'enjeu est de taille puisqu'il s'agit de la (re)construction de mon identité masculine afin de trouver ma place d'individu dans les relations affectives. Bref, c'est une bonne part de mon avenir qui se travaille là.

Actuellement le problème est posé avec les variables suivantes :
- j'écris [quand j'y arrive...]
- publiquement
- sous une identité connue (pseudonyme)
- en deux lieux fixes accessibles à tous (journal et blog)

et les faits suivants :
- j'ai reçu l'injonction de ne plus faire allusion à un sujet précis
- je suis lu, ou lisible, par la personne qui m'a fait cette injonction
- ledit sujet est précisément celui dont je désire me libérer

Hmmm, joli casse-tête, n'est-ce pas ?

Ne pouvant pas changer les faits, je ne peux jouer que sur autre chose. Soit les premières variables citées, soit d'autres de nature à modifier le cadre d'observation des faits. En clair les possibilités sont :
1 - cesser totalement d'écrire [ah ben oui, pourquoi pas ? ].
2 - cesser d'écrire publiquement sur le sujet proscrit [et donc suivre l'injonction].
3 - écrire publiquement mais sous une autre identité, vers un nouveau lectorat [occasion de me "refaire une virginité"].
4 - écrire ailleurs, en m'adressant au même public, mais hors de vision de la personne que cela dérange (journal secret).

Chacune de ces options a des avantages, à un moment où je m'interroge sur l'importance qu'a pris l'écriture sur internet dans ma vie à travers les interactions qui en découlent. Elles ont aussi des inconvénients notables... que je ne peux évoquer sans entrer dans ce que je voudrais éviter.

Si je ne change pas ces variables, en quoi puis-je modifier le cadre d'observation des faits ? Que puis-je changer dans ma posture, dans mon regard, dans mon appréciation ? C'est là que ça peut devenir intéressant...

Hélas, trois fois hélas, me voila de nouveau face au problème susmentionné : ne pas faire allusion au sujet susceptible d'éveiller des sensibilités.

C'est le serpent qui se mord la queue, ce fameux piège dans lequel je suis : en parler pour en sortir, c'est retomber dedans. Mon histoire ne m'appartient plus en propre. Je ne suis plus libre d'écrire ce qui m'intéresse.

Je ne peux donc pas m'extraire ici du cadre qui me contraint. Enfin si, je peux... mais est-ce que je le veux ? Est-ce que j'en assumerai les conséquences ? Qu'ai-je à y gagner et y perdre ? Quels sont mes objectifs réels ? Ai-je le droit moral d'aller plus loin ? Quelle est mon éthique personnelle à ce sujet ?

En mon for intérieur je chemine. Je laisse décanter, je prends le temps. J'essaie de prendre du recul.

Je me dis que le but n'est pas tant d'avoir des réponses à des questions, qui finalement n'ont pas grande importance pour mon cheminement individuel, que de me demander ce que j'ai fait d'une situation donnée. Ce n'est pas de l'extérieur que j'aurais des réponses, mais de l'intérieur. Pourquoi ai-je réagi ainsi à tel moment, face à telle situation ? C'est la seule chose sur laquelle je puisse agir.

C'est probablement ce que j'avais à comprendre...





Rupture virtuelle




Lundi 20 septembre


Écrire entraîne l'écrit... Il suffit que j'ouvre un peu les vannes, même en utilisant des artifices distançeurs, pour que je sente affluer tout ce que je maintiens contenu. En fait lorsque je n'écris pas, c'est souvent parce que j'aurais trop à écrire. Incapable de faire le tri dans la vague que je sens prête à déferler.

Dans mon texte d'hier, plusieurs mots me *travaillent*, nécessitant d'être précisés. Le mot "respect", par exemple, qui demanderait à être observé de près. Mais peut-être aurais-je avantage à tenter de le disséquer sur mon carnet/blog, là où l'avis des autres peut m'apporter un éclairage élargi.

Une idée me travaille aussi : ma... comment dire... "gentillesse" ? C'est à dire l'attention que je porte à l'autre, à ce qu'il me dit, et donc à son ressenti. Comment concilier mes besoins (écrire, par exemple) et ceux de l'autre (l'interdiction d'évoquer publiquement un sujet précis) ? Vraiment, je ne sais pas comment me dépatouiller avec ça. Cela me ramène à la notion de respect. De moi et d'autrui.

Mais bon... il y a tant d'autres choses que j'aimerais explorer simultanément...

Comment faire, alors que le temps dont je dispose est limité ? Non pas en durée (j'ai toute la vie devant moi) mais en quantité. J'aime penser, réfléchir, ressentir, explorer, analyser [ça se voit, hein ?]. Cela constitue une part importante, essentielle, vitale, de mon existence. Si je ne pense pas, je ne vis pas vraiment. Et si je ne garde pas trace de certaines pensées structurantes, j'ai l'impression de perdre une richesse. J'aimerais garder trace de tant de pensées fugitives. Non pas en tant qu'objet à conserver, mais comme si l'écrire, et plus encore publiquement, le gravait plus profondément dans ma conscience. Exposer mes pensées leur donne vie, les éclaire, me permet de mieux me les approprier. Les dire aussi, en me laissant surprendre par ce que j'ignorais avoir en moi. Oui, mais je n'ai pas toujours (et même rarement) un interlocuteur avec qui aborder les sujets qui m'intéressent. Voila pourquoi j'aime l'écrit.

Je repense souvent à tout ce que je garde en moi, issu de tous les ressentis nés de ma grande aventure relationnelle. C'est une expérience fantastique (ou du moins en ai-je fait cela...) qui m'a énormément apporté tout au long de sa durée. Jusqu'à maintenant et, c'est certain, pour encore longtemps. Ce que j'en fais... m'appartient. Surtout depuis que je vis cette aventure "seul". Que je mette quatre ans à quitter une histoire n'a pour moi aucune importance. La question de la durée n'est pas là puisque j'ai commencé à y réfléchir depuis bien plus longtemps, et que s'il me faut dix ans pour épuiser le sujet... et bien ce sera ça ! Même s'il me fallait toute une vie. Au contraire, c'est le signe que l'expérience était suffisamment riche pour diffuser durant des années tout ce qu'elle pouvait m'apprendre de la vie. Jauger cela en fonction d'une simple rupture passerait à côté de toutes les autres dimensions que je peux explorer.

Bien sûr je comprends qu'il puisse être désagréable de se voir incorporé dans quelque chose qui, selon certains critères, n'existe plus. D'où mon questionnement récurrent : à qui appartient une histoire qui fut commune ?

Mais rien que ce questionnement m'intéresse, me fait réfléchir aux limites de l'expression de soi, aux limites des territoires de l'intimité. Oui, j'aime m'interroger à ce sujet. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant de la part de quelqu'un qui ne sait pas trop comment trouver sa place parmi les autres...

Des questionnements multiples et interdépendants j'en ai en permanence. Non pas à chaque instant, mais en continu au fil des jours. Et chaque jour m'apporte des éléments que j'incorpore dans ma pensée en mouvement. Un peu moins en période de calme, et beaucoup en période de trouble, de crise, d'évolution. C'est ce qui fait que je trouve ma vie "riche".

Tenez, par exemple : j'ai reçu un mail ce matin. Avec quelques phrases qui m'ont interpellé, parce qu'elles éveillaient quelque chose auquel je n'avais jamais vraiment songé. « Je crois qu'une relation "vécue" dans la réalité de la vie mérite d'être rompue, si tel est la volonté des deux, dans cette même réalité. Tant que cette rencontre n'a pas lieu, chacun reste dans le mental, l'imaginaire, le virtuel...il n'y a aucune limite et le champs des possibles est immense. » Ben oui... c'est tellement évident ! Comment n'y avais-je pas pensé ? Comment ai-je pu passer à côté de ce qui relie des pensées que je n'ai eues que séparément ? La rupture que j'ai eu tant de mal à... enregistrer est virtuelle ! Virtuelle !!! C'est par écrits, qui plus est indirects, que je l'ai apprise. C'est par l'épaisseur du silence que je l'ai sentie se matérialiser. Peu importe le détail de son déroulement saugrenu, ce qui compte c'est que cela n'a jamais été une vraie rupture ! Il y a longtemps que je sais qu'une mise en présence physique était le seul moyen de me faire vivre la réalité de ce qui demeurait du lien, mais je n'avais pas conscientisé que cette nécessaire incarnation correspondait au besoin de dévirtualisation [bah, c'est bien utile de cogiter autant !].

Je constate une fois de plus, en tant qu'auto-cobaye payant de ma personne, à quel point le virtuel est pernicieux. Il ressemble à la réalité mais ne s'imprègne pas du tout, dans l'être, de la même façon. D'où ma recherche inlassable de réalité dans l'histoire sans fin que je raconte...

Cela n'a plus guère d'importance pour le moment, je ne suis plus dans cette recherche. Des mots suffisamment clairs ont été énoncés pour que j'en comprenne le sens. Je sais que la rupture est consommée. Je le sais... intellectuellement. Pour ce qui est de ce que j'en ressens c'est autre chose, mais au moins puis-je m'appuyer sur quelque chose de clair dans le mental. Je peux reconstruire autrement une nouvelle réalité, toute virtuelle qu'elle soit.

Mon imaginaire l'incorporera... selon son bon plaisir. [ah ben ça promet !]






Vrai faux journal




Samedi 25 octobre


Je crois que les contrecoups de l'estocade qui m'a fait taire sont maintenant bien atténués. J'ai laissé refroidir en considérant que, selon les objectifs que je poursuis, la libre expression n'était pas opportune. Je ne regrette pas ce choix. Ce sont les contraintes qui font que la liberté existe et taire momentanément permet probablement de mieux dire ultérieurement.

Mais bon, pour le moment je vais laisser de côté ce genre d'analyse et aller vers un questionnement qui est davantage d'actualité : quel est le sens de ce journal ?

Exutoire, outil de prise de conscience... ouais ouais, rien de nouveau. C'est connu depuis longtemps. Insuffisant pour expliquer ma persévérance ! Il me faut aller plus loin. Alors... quel est le sens inconscient de ce journal ? Qu'est-ce qui *se* cherche au travers de cette écriture, dans le contexte très particulier qui est le sien ?

Il est certain que la teneur de mes écrits aurait été très différente s'ils étaient destinés à mon seul usage. Cela me conduit à penser que la destination peut modifier profondément les conséquences de l'écriture. Si j'avais écrit pour moi je n'aurais pas pris conscience des effets de mes pensées sur autrui, ni de ce qu'allait déclencher en moi le constat de ces effets. L'écriture interactive intègre l'altérité dans ses effets. Elle a donc un rôle "actif". Je considère mon écriture comme active, en ce sens qu'elle agit sur mes pensées, sur le regard que je porte sur le monde, donc sur mon existence [et accessoirement sur l'existence ce mes lecteurs...]. Tout cela n'est pas vraiment nouveau, j'ai déjà souvent écrit à ce sujet.

Bien...

Maintenant si j'observe dans quel contexte particulier s'inscrit mon écriture intime sur internet, je vois se réunir concomitamment :
- une thématique : recherche personnelle centrée autour des relations, plus particulièrement affectives.
- une implication personnelle, qui sert un objectif : à partir des relations dans lesquelles j'interfère j'essaie de tirer une meilleure connaissance de l'humain.
- une observation constructive : mon mode de pensée évolue en s'appuyant sur l'analyse de ce que j'observe.
- une participation plus ou moins active d'une part de mes lecteurs : en coulisses, ils me font part de leur avis. Les lecteurs sont donc intégrés, ou intégrables, dans mes observations.
- un processus d'émancipation affective décrit en continu, très axé sur une relation singulière devenue "relation référence".
- la possibilité laissée à "l'autre bout de la relation" de lire comment ses actes interagissent dans ledit processus évolutif.

C'est dans les deux derniers points du contexte que se situe ce qui actuellement m'interroge : jusqu'où puis-je utiliser comme référence une relation singulière si cela pose problème à l'autre personne impliquée ? Le point positif c'est que cette complexité stimule ma réflexion...

Le tout est décrit avec une volonté d'objectivité... forcément subjective puisque je ne peux être à la fois observateur et observé.

Je ne pourrai prétendre que ce genre d'expérience est unique [j'me prendrais pour Rousseau, là]... mais quand même : à ma connaissance c'est plutôt rare sur une si longue durée. Peut-être qu'un chercheur en je ne sais quelles sciences humaines tombera un jour sur ce récit-fleuve et trouvera de quoi satisfaire sa curiosité...

Laissons de côté cette hypothèse hasardeuse pour revenir sur l'idée de « rupture virtuelle », que je trouve tout simplement géniale. Cependant, plutôt que le concept de "virtuel", dont l'interprétation commune tend à s'écarter de la pertinence du sens littéral (Larousse de poche : « qui n'est pas encore réalisé, qui reste sans effet actuel; potentiel »), je préfère utiliser le terme "imaginaire". Il est plus conforme à l'idée que je souhaite mettre en exergue : ma façon de vivre dans ce monde d'internet est largement portée par l'imaginaire.

Je m'explique : dans toutes nos relations nous sommes en représentation. Réprésentation de soi, comme l'artiste qui se met en scène, mais surtout représentation de l'autre, dans le sens qu'on se le représente en fonction de ce que l'on observe. Notre regard est subjectif, interprétatif, personnel, et nous formons dans notre esprit notre réalité, que l'on a tendance à prendre pour la réalité. En fait, nous imaginons une grande part de ce que nous vivons. Il y a une large part d'imaginaire, assimilable à du "virtuel", dans le monde réel. C'est d'ailleurs ce décalage entre différentes perceptions d'une même situation qui fait que communiquer est à la fois indispensable et souvent difficile.

Je reviens à moi, pour ne pas trop théoriser dans une abstraction désincarnée...

JE suis dans la représentation de l'autre quand je suis en relation.

Je le suis davantage quand je suis en relation à distance. C'est à dire sans pouvoir capter l'autre à travers sa présence. L'absence virtualise un peu plus une relation (toute forme de relation, pas spécifiquement sur internet).

Je suis encore dans l'imaginaire quand je parle avec quelqu'un, mais avec toutefois la possibilité de réajuster en permanence en fonction des décalages de perception qui peuvent apparaître. 

Par contre je le suis bien davantage quand je parle de quelqu'un, parce qu'aucun réajustement n'est possible. Dans ces conditions je délivre ma vérité, ma vision de quelqu'un et de ses réactions. Je présente un personnage imaginaire, quelle que puisse être ma volonté d'objectivité. Et la personne qui m'entend ainsi parler d'autrui se représente à son tour une image selon sa vision du monde.

Dans un journal comme celui que vous lisez je présente ma vision des choses. Je représente ce que j'imagine être la réalité et vous, lecteurs, construisez votre propre réalité en fonction de ce que vous lisez.

Ce journal est donc une réalité imaginaire. Plus près du fantasme (projections) que du virtuel. Dans toute sa vérité, ce journal est... "faux". Il n'est vrai qu'en tant que journal, donc représentation subjectivée. C'est une vraie subjectivité !

Selon ce principe la rupture virtuelle qui aura largement alimenté ce journal est dotée d'au moins deux réalités imaginaires : celles de chacun des protagonistes [sans compter celle du lecteur...]. Acte ancien ou récent, selon le point de vue de chacun. Mots répétés ou non exprimés, selon les versions. Et cela essentiellement parce qu'il s'agit d'une rupture... manquant cruellement de réalité concrète.

Pour ma part, n'ayant pas suffisamment disposé de cette réalité, ni des mots qui m'étaient nécessaires pour mieux en mesurer les dimensions, je suis entré dans une recherche assidue de sens. À défaut j'ai eu besoin d'élaborer une réalité plausible qui satisfasse mon besoin de réponses. Ne les obtenant pas à la hauteur de ce que mon imaginaire avait antérieurement construit, je n'ai pas su faire autrement que de perséverer jusqu'à l'obtention de ce dont j'avais besoin. Cette persévérance m'a été "vitale", indispensable pour rester en vie [dans l'envie]. Une recherche de rééquilibrage qui n'a pas cessé tant qu'un équilibre, généralement temporaire et précaire, ne basculait pas vers la recherche de nouvelles réponses. La pensée, un moment satisfaite, reprenait alors son cheminement vers un nouveau besoin de réalité.

La façon dont tout cela s'est déroulé avait de quoi me rendre "fou"... Fou de questions, de recherche de sens, de besoin de réponses. Tant qu'elles ne me satisfaisaient pas, tant que je ne les obtenais pas, c'est comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Il me fallait quelques certitudes pour me reconstruire selon une nouvelle réalité et poursuivre selon de nouvelles références.


Cela me ramène, mine de rien, à ma question de départ : quel est le sens inconscient de ce journal ?

Et bien je crois que, justement, il est de me faire prendre conscience de toute la part inconsciente qui colore ma perception de la réalité ! Je recherche à tendre vers davantage d'objectivité en ce qui me concerne. Avoir un regard plus éclairé sur ma propre subjectivité. Bref : à savoir comment je fonctionne et de quoi je suis fait !

Mon journal parle de mes interactions avec des personnages imaginés selon ma perception de leur réalité. Un avertissement devrait être marqué en filigrane sous chaque texte : « je l'imagine ainsi ». Ou « ceci est la vérité telle que je l'imagine ». Imaginaire qui concerne ma représentation de l'autre mais aussi celle que j'ai de moi. Ce n'est pas, assurément pas, la réalité. Seulement la réalité de mes pensées...

En cela, et seulement en cela, mon journal est "authentique". Et encore... puisque je n'écris pas toutes mes pensées !

En observant mes pensées et ressentis, les décalages qui peuvent exister avec d'autres perceptions de la même réalité, je prends conscience de mon imaginaire. Mon journal me permet donc de travailler sur mon imaginaire... en même temps que mon imaginaire me travaille. Je procède exactement selon le même principe lorsque je dialogue, mais dans d'autres registres. Le journal intime me permet de travailler sur mon imaginaire intime. Je crois y avoir assez largement exploré mes représentations des relations affectives, par exemple, notamment dans le domaine amoureux. En cela je crois être dans un travail psycho-analytique [à defaut de réellement psychanalytique...] pertinent et efficient. Certes je ne suis pas dans le cadre d'une psychanalyse, mais le silence bienveillant des lecteurs vaut probablement autant que celui du psychanalyste. Je m'exprime souvent sans qu'aucune réaction ne survienne et je dois faire avec ce que j'ai déposé ici, voir comment ça travaille en moi.

Le sens de ce journal est donc de *me* travailler. Me faire travailler sur mes mécanismes inconscients. Observer comment je réagis à ce qui m'arrive, tenter de comprendre pourquoi ça m'arrive et ce que j'ai fait pour que cela se produise.

Ce n'est pas facile, parce que, par définition, mes choix inconscients m'échappent. Mais à la longue je peux repérer des répétitions, voir apparaître des choses non vues. Vos avis de lecteurs y contribuent de façon décisive, parfois. En cela je ne peux que remercier celles et ceux qui, occasionnellement, me font part de leurs impressions. Ce journal n'est pas que personnel, il est aussi, comme je l'écrivais plus haut, interactif. Vous participez à ce que je deviens.

Et en plus, l'observation de mon imaginaire me donne une idée de la mesure dans laquelle il peut agir chez les autres...





Aimer n'est pas aider



Lundi 27 octobre


« Vous participez à ce que je deviens », ai-je écrit. Vous, c'est l'ensemble des lecteurs qui interagissent avec moi. Vous qui m'écrivez directement, donc, ou que je rencontre occasionnellement. Mais c'est aussi... ahem... toute personne qui fait en sorte, plus ou moins consciemment, que je sache de quelle façon elle se positionne face à moi.

Je connais bien cette forme d'expression indirecte pour l'avoir très souvent pratiquée, ici même. Maintenant que j'en connais mieux les effets pernicieux je m'en méfie beaucoup. J'ai pu constater, en tant que lecteur, à quel point ce genre de monologue perverti [1] peut rapidement dériver vers un double langage, entre objectivité factuelle et projections fantasmées. En clair : il serait préférable que deux écrivants en ligne ayant un lien affectif fort cessent de s'entrelire s'ils constatent qu'ils ne sont pas capable d'une communication directe libre. Ouais... mais la curiosité est un vilain défaut. Pas facile d'éviter ce regard sur l'autre, et ce d'autant plus que le dialogue direct est déficient.

D'où mes interrogations actuelles sur la continuation de ce journal tentateur...

Je fais le point afin de savoir si, et comment, je veux le poursuivre. Je me sais incapable de le transformer en le privant du fond de mes questionnements. C'est donc mon approche du fond qui doit changer... ou le journal qui devrait s'éteindre. Je préfererais ne pas en arriver là.

À moins que... je poursuive en me rappelant que la lecture est libre, et que chacun prend ses responsabilités en venant lire ici mes réflexions en sachant qu'elles sont subjectives et largement teintées de projections !

Ouais... réflexion à suivre.


Vous constatez que j'ai repris le rythme tranquille de mes cogitations. C'est redevenu serein mais... ça travaille ! Oh que ça bouge là dedans ! Des trucs se mettent en place, se réorganisent, en prenant le temps qu'il faut. Tout est mis à contribution : passé relationnel, forcément, mais surtout ce que je ressens, constate, éprouve, observe dans tous les types de relations auxquelles je suis confronté actuellement, privées et professionnelles. J'ai l'impression que se met en place ce qui s'est travaillé depuis maintenant des années. Je ne suis d'ailleurs pas seul dans cette réorganisation puisque à la fois ma psychothérapie personnelle (avec une psy), ma formation à l'accompagnement relationnel (avec des psy), et l'analyse de ma pratique professionnelle (par une psy) y concourent. Tout ça me semble suffisamment encadré et diversifié pour que je ne fasse pas fausse route. Je réoriente constamment mes avancées en fonction des nouvelles intégrations. Finalement tout irait à ce rythme pépère si je n'étais pas quelquefois bousculé par des relations affectives quelque peu... tourmentées. Je pense bien sûr aux quelques femmes avec qui des ajustements relationnels ne sont pas encore stabilisés.

C'est parfois un peu pénible à vivre mais je sais bien que c'est aussi une façon, encore une fois, de "travailler" dans les liens affectifs et ma façon de les investir. Je suis satisfait de ce que je vis. Je sens que je ne me laisse plus déborder par des situations trop compliquées. Je sais mieux m'en écarter ou garder la distance nécessaire.

On pourrait croire que garder une distance est une façon de se "protéger" abusivement. Égoïstement. En fait j'apprends à me placer à la distance qui m'est confortable. C'est la meilleure façon de rester opérationnel, et présent face à l'autre. C'est la base de la relation dite "d'aide", qui est en fait un accompagnement souple, s'ajustant en permanence aux besoins de l'autre : parfois prévenant, parfois laissant totale liberté dans les décisions à prendre pour avancer. Je constate que j'ai suffisamment intégré cette façon d'être pour la mettre en place dans mes relations privées. Ce qui n'est pas toujours compris...

En fait ce n'est pas forcément aider quelqu'un que de répondre à sa demande d'aide.

Hmmm, concept pas évident à intégrer pour moi : j'ai très longtemps cru qu'il fallait toujours pouvoir aider l'autre, quitte à me faire passer après. Inutile de dire que je n'y suis jamais parvenu sans conséquences, tout en me sentant fortement coupable de ne pas être capable de cette abnégation.

J'apprends donc à transformer mon désir d'aide "à tout prix" en *présence* à la hauteur de ce que je peux donner sans me mettre en péril. Écouter les désirs et besoins de l'autre tout en étant simultanément attentif à ma capacité à donner à ce moment-là.

Pour moi c'est tout simplement révolutionnaire ! Non seulement je ne suis pas obligé d'avoir envie d'aider l'autre, ou de lui faire plaisir, mais même si j'en ai envie, je n'en suis pas forcément capable. Et même si j'en suis capable, ce n'est pas forcément la meilleure chose que je puisse faire pour lui !

Oufff, quel soulagement...

Bon, je l'intègre progressivement en théorie (c'est très long de changer de mode de pensée !), et ça ne ne se traduit d'abord que par une prise de conscience, une ouverture nouvelle, lorsque je constate que je me laisse encore prendre dans mon désir d'aider. Il est redoutable, celui là !

Aimer, ce n'est pas aider ! C'est *être là* en cas de besoin, de coup dur, d'incapacité momentanée de l'autre à aller plus loin. Mais « être là » ce n'est pas forcément répondre à la demande ! Parce qu'aimer c'est aussi laisser l'autre faire ses expériences et apprendre, comprendre à partir de ça. Savoir ne pas aller trop loin dans l'accompagnement...

Le bon parent, le bon prof, le bon éducateur... ou le bon ami, le bon "aimant", c'est celui qui sait jusqu'où être présent sans priver l'autre des nécessaires frictions avec la dureté de l'existence. Ce n'est pas le surprotecteur.

C'est aussi celui qui connaît ses limites et sait se préserver pour rester aidant sans être emporté trop loin dans les problématiques de l'autre.

Position pas toujours facile à tenir quand l'autre demande de l'aide et peut nous en vouloir de ne pas la lui accorder... Ne pas céder aux tentatives (inconscientes) de culpabilisation, aux menaces de désamour, aux accusations d'insensibilité et de froideur. Ah c'est sûr qu'on est moins "gentil" en procédant ainsi. 

Ouaip, je sais de quoi je parle. J'en viens.

Je crois que c'est en grande partie pour faire le point sur cette façon d'être que depuis plusieurs années je me tiens un peu à distance des relations affectives. Pour le bien de chacun.




[1] J'appelle monologue perverti cette liberté que se donne un écrivant public de dire ce qu'il ressent tout en sachant qu'il est lu par des personnes concernées par ses ressentis. En s'autorisant à se dire librement (monologue), aux risques et périls du lecteur curieux, s'installe une communication pervertie qui dit "par derrière" ce qui n'est pas énoncé "en face". Le libre accès laissé au projections personnelles met en évidence, aux yeux du lecteur informé, une forme de double langage entre le "ce que je dis" et "ce que je pense". Le lecteur ne peut qu'être interpellé par cette différence. Elle peut alors ouvrir à un échange direct, productif, ou à un parasitage dangereux si un véritable dialogue n'est pas mis en place pour diverses raisons... qu'il serait opportun d'analyser : quel avantage les protagonistes trouvent-ils dans la poursuite de ce système perverti, qui n'existe que tant que chacun y participe ?