Septembre 2008

Dernière mise à jour:lundi 20 octobre 2008 - Accueil - Message






Guerre et paix


Vendredi 5 septembre


Oups... j'ai touché une zone sensible ! Par effet de ricochet ma dernière entrée à eu des conséquences inattendues.

Ce n'était ni prévu ni désiré.

Quoique...


[là mes pensées arrivent en pagaille et se bousculent au portillon]


Quoique...

En y réfléchissant bien, qui sait si en écrivant ainsi je ne cherchais pas à provoquer une réaction ? Enfin une réaction ! Quelque chose, n'importe quoi, mais quelque chose qui soit réel.

Je crois bien que j'avais besoin de réalité dans ce qui, cela m'a permis d'en prendre conscience, était devenu très largement imaginaire.

J'ai réalisé, face à sa colère, que celle qui a réagi n'était pas vraiment celle dont je parlais. J'avais progressivement construit un *personnage* basé sur une identité réelle. Il s'en était peu à peu dissocié faute de réajustement à une réalité devenue interdite. Comment aurait-il pu en être autrement ?

Le personnage que j'identifiais par un prénom n'était pas celle qui le porte, mais le résultat de la lente dérive portée par la représentation que j'en faisais. Pour moi ça n'avait guère d'importance puisque je me suis servi de cette représentation pour me reconstruire. Mais pour la personne réelle, évidemment, il ne pouvait être question de se reconnaître dans ce personnage affublé de son prénom...

Avais-je d'autres choix ? Oh oui, bien sûr, j'aurais pu tenter "d'oublier"... mais apparemment ce n'est pas dans ma nature. Je ne crois pas à l'oubli volontaire. Si oubli il doit y avoir, c'est l'inconscient qui s'en chargera. Tout comme il s'est chargé, pour moi, de me laisser élaborer cette représentation d'un *personnage*.

Ça peut paraître "fou", et pourtant je crois que c'est non seulement inévitable, mais aussi nécessaire. En permanence nous réajustons notre imaginaire (désirs, fantasmes, projections...) face à la réalité. Pas surprenant que, lorsque la réalité fait défaut, l'imaginaire parte en roue libre...

Ce personnage imaginaire calqué sur une personne réelle m'a servi de support de réflexion, dispensant au fil du temps toute la richesse expérientielle accumulée durant les temps forts d'une relation tout particulièrement signifiante. Depuis que je me suis retrouvé seul [du moins le croyais-je...] dans les vestiges de ce lien je me les suis approprié à ma façon, oubliant un peu que j'y incluais celle qui ne voulait plus y être. C'est assez compliqué de délimiter les usages privés de ce qui fût commun, surtout quand l'autre ne se manifeste plus...

Alors peut-être avais-je besoin de savoir où étaient les limites ? Je crois que je les cherchais...

Je les ai trouvées devant une réalité bien concrète : une grosse colère. Je n'ai pas été surpris par ce rappel de la réalité, conforme au dernier contact, il y a plus d'un an. Par contre j'ai été plutôt surpris de voir que le lien, supposé être rompu depuis cette époque... persistait toujours par le biais d'une lecture discrète ! Tiens tiens... [contradiction, quand tu nous tiens...]. Ainsi, tout ce que j'écrivais était bien lu, et toujours sans un mot... tiens tiens... Peut-être le sentais-je intuitivement. Qui sait si je n'ai pas voulu le vérifier en poussant le bouchon plus loin...

Par ailleurs j'ai pu constater que la dissociation entre imaginaire et réalité fonctionnait pleinement en voyant apparaître, dans la colère susmentionnée, un personnage, censé être moi, qui n'en était qu'une représentation. Fort heureusement d'ailleurs, parce que sinon vous feriez mieux de vite quitter ce journal tenu par un malade mental doublé d'un abruti qui ne comprend rien à rien.

Mouais, la colère autorise quelques abus...

Mais bon... tenter de préciser les choses, de les corriger pour les ramener vers une réalité plus juste serait sans intérêt ici. Revenir sur des visions discordantes du passé ne sert à rien, si ce n'est à entretenir des oppositions et fixer des ressentiments tenaces.

Le présent est la seule réalité sur laquelle je puisse agir. Fidèle à mes convictions je souhaite le rendre pacifique et serein. Au moins pour moi...

C'est pourquoi, face à une demande cette fois très explicite, et même carrément menaçante [je me demande ce que je pourrais craindre comme terribles représailles...], je m'engage à ne plus citer le prénom interdit, ni son initiale, et à m'abstenir le plus possible de faire allusion à cette singulière relation. M'engager à ne plus jamais en dire un mot équivaudrait à aseptiser ce journal en le vidant de sa substance. Toutefois j'ai bien conscience des limites de la vie privée et j'y serai vigilant.

Cependant, je tiens à dire et répéter très clairement que, si j'ai mis autant de temps à me reconstruire c'est parce que, quoi qu'il en soit dit, cette rupture à été totalement floue [à mes yeux], et que si son début date bien d'il y a quatre ans, une amitié complice s'était réinstallée durant toute l'année suivante. La vraie "fin" [et on voit toute l'absurdité de ce mot encore aujourd'hui...], date d'octobre 2006, pour des raisons qui me sont restées incompréhensibles et que je n'ai eu de cesse de comprendre seul. Faudrait voir à ne pas oublier cette réalité factuelle avant de piquer des grosses colères me faisant passer pour un débile...

Mon intention n'est pas ici de raviver une polémique par blog interposé [ô clarté de la communication...], mais de la clore. Définitivement, je l'espère. Et puisqu'elle a été menée sur la place publique, c'est en ce lieu que ce sera fait.


Je me considère désormais "guéri" de l'emprise à laquelle je m'étais soumis [ça se voit, non ?] et l'action consistant à décrire mes avancées par rapport à cette relation était en voie d'achèvement. Cela a été une façon de trouver un sens à ce qui, pour moi, n'en avait pas. Au fil des ans le mur du silence a néanmoins permis à mon imagination de s'émanciper d'une réalité trop absurde. En écrivant j'ai supposé, subodoré, inventé, construit une réalité qui, à mes yeux, trouvait un sens. C'est comme ça que s'est aussi transmué ce *personnage* qui servait mon objectif : comprendre et pacifier.

J'ai écrit. Beaucoup. Des années d'écriture, dense, éparpillée, rabachée, longue, répétitive, hasardeuse... et libératrice ! Cette écriture m'a libéré du désarroi de l'absurdité, m'ouvrant du même coup à la diversité des comportements humains, me permettant de mieux appréhender la différence d'avec mon mode de pensée. Ce résultat est, j'en suis persuadé, très appréciable pour mon parcours d'homme. C'était très bien ! Une belle aventure personnelle après l'aventure "à deux".

Certes, la verbalisation surabondante a pu déplaire...

Comme m'a déplu le refus du dialogue.


Hum...


Opposition ?

Oui, opposition : deux façons opposées de gérer la même situation. Donc "guerre".

Ce conflit ouvert autour de l'expression n'est pas une découverte, je l'avais perçu depuis longtemps. Mais à la lecture de la vive réaction qui a suivi ma dernière entrée, j'en ai eu la confirmation. Il y est déclaré très clairement que plus je m'exprimais et plus le silence y répondait. De mon côté, plus le silence était épais et plus je m'exprimais. Jusqu'à un apaisement global, comme en atteste l'espacement de mes interventions sur ce journal.

C'est là que les "hasards" sont ironiques : malgré le tassement il y a quand même eu un "trop", la goutte qui à fait déborder le vase. Et la parole retenue a subitement explosé, alors que je ne m'y attendais plus. Comme avantage j'y ai trouvé des réponses à des questions restées vides. Et puis une explication au silence tenace.

Une certaine satisfaction donc, mais sans plaisir. Parce que je ne souhaitais pas déclencher de nouveau de l'hostilité. Il n'y a rien à gagner à susciter de la colère et du ressentiment. Je n'ai jamais voulu la guerre...

Je ne pense pas qu'elle ait été voulue en face.

Cette guerre, c'est pourtant bien celle de deux obstinés qui n'ont pas été capables d'accepter le point de vue de l'autre. Je dis bien "pas capables", qui indique que c'était hors d'atteinte. Ce n'est pas une question de volonté. Je crois que ni l'un ni l'autre n'avait alors la capacité de s'adapter à la demande de l'autre. Parole contre silence, deux stratégies de survie. Donc non négociables. On ne négocie pas sa survie (au sens psychique, évidemment).

Elle a eu besoin "d'oublier", tandis que j'ai eu besoin de tout revisiter. Incompatibilité absolue.

Opposition. Et même... provocation. « Si tu écris je fais silence... » ne pouvait qu'être provoquant pour celui qui a besoin de paroles. Pro-vocare : faire parler. J'ai donc beaucoup parlé (écrit). Inversement j'étais provoquant en voulant imposer la parole à qui n'en voulait pas. Et son mode d'expression étant devenu le silence... c'est ce qu'elle a choisi. Résistance. Deux provocateurs involontaires qui, n'acceptant pas qu'on leur impose quelque chose, résistent à leur manière. Peut-être pas si différents que ça, finalement...

Maintenant je sais que les deux options sont légitimes et qu'il n'y en pas pas une qui soit meilleure que l'autre. Tout est question de fonctionnement personnel. Et probablement de temps : celui des mots et celui du silence.

Ce qui est certain c'est que ce genre de jeu ne se joue qu'à deux. Co-responsabilité, donc, tant dans la forme que cela à pris que la durée du processus. Un infime changement d'un côté pouvait modifier le résultat dans un sens ou dans l'autre. Ce qui se voit aujourd'hui avec cette excellente occasion de terminer une crise qui dure depuis bien trop longtemps [sur ce point nous sommes d'accord], mais qui ne pouvait durer moins avec les circonstances dont elle bénéficiait.


Depuis que j'ai lu cette réaction de colère, que je comprends et respecte sur le fond, je suis passé par différents états. Le plus marquant a été celui d'une certaine satisfaction. Celle d'avoir obtenu des réponses, qui me libèrent davantage. Peut-être aussi, je l'avoue, celle de l'avoir fait sortir de son silence. Mais il y a aussi une sourde tristesse d'en être arrivé à ça, tellement à l'opposé de la paix commune que j'espérais. Vraiment désolé de susciter un gros désagrément... Et puis une courte colère m'a traversé, devant certains de ses mots à mon égard et une présentation faussée des faits. Mais bon, je considère ça comme la rançon de ce que, moi aussi, j'ai pu déformer dans mes écrits.

Maintenant, avec ce texte qui pour moi clôt la polémique, je me sens avoir repris une place entière. Je n'ai plus besoin de manifester ma désapprobation face à celle qui ne m'en donnait pas la place puisque je sais qu'elle m'a lu. Je n'ai plus besoin d'insister pour être "entendu". Indirectement, en abordant ce sujet publiquement, elle m'a rendu cette possibilité d'exister debout.

Bref, je considère qu'après cet épisode, peut-être un peu désagréable mais éclairant et utile, nous sommes quittes. Je crois que notre "guerre" est soldée. Parole et silence auront eu leur place. Il aura fallu tout ce temps pour y parvenir.

Je souhaite vraiment que cela ne relance pas une polémique. Maintenant, s'il y a des choses à dire, que ce soit en privé.


Ite, missa est.








Séparations libératrices




Samedi 27 septembre


Certains d'entre vous ont été, il y a quelque temps, témoins d'une incompréhension relationnelle aux effets tristement spectaculaires. Cette mésaventure m'a poussé à réfléchir de manière élargie aux dysfonctionnement qui ont déjà eu lieu dans mes interactions avec autrui. Car à l'évidence, si j'aimerais être toujours accueillant et disponible, ouvert à la différence, je dois bien reconnaître que mes ambitions se heurtent à une réalité plus terre à terre : il m'arrive d'échouer magistralement !

Ayant longuement exploré ici ce qui fonde mes convictions autour de l'importance des relations, j'en viens aujourd'hui à en observer l'antithèse : les séparations. J'espère que vous trouverez dans ce qui suit de quoi nourrir votre propre réflexion.



Depuis son origine l'histoire de mes relations affectives a plusieurs fois été marquée par des séparations précoces. Par précoce, j'entends « bien plus tôt que je n'y étais prêt ». De ce fait, dans un souci intuitif de protection de ma sensibilité, elles ont probablement été plus tranchées que nécessaire. Le moment est peut-être venu de restaurer un lien avec certaines de ces parts dont je me serais trop hâtivement et drastiquement amputé.

Sans remonter à la séparation d'avec le ventre maternel, irréversible et commune à tous, je retiens deux séparations significatives, que je crois résolument déterminantes dans mon enfance : d'avec mon père et d'avec mon frère. 

Mon père a toujours été maladroit pour transmettre son affection. Souvent elle passait par un autoritarisme rigide, censé nous donner un cadre et des repères. Le principe était bon, mais trop poussé. En fait, je crois que mon père avait surtout la crainte de ne pas être à la hauteur du rôle qu'il se donnait et d'être débordé. Mon père, cela m'apparaît au fil de son vieillissement, est un grand anxieux à la sensibilité dissimulée. Dès qu'un désaccord apparait la discussion est rendue impossible par les colères dans lesquelles il entre. Il traduit là son incapacité à gérer ses propres angoisses et montre les limites de sa capacité de remise en question. De ce fait, et depuis que j'ai son exemple, j'ai toujours vu ma mère se soumettre aux colères de mon père. Femme sous emprise, soumise aux exigences de celui qui, en dehors de cela, est bon, généreux, ouvert, curieux. Mais que rien ne vienne le contrarier, ou il se transforme en tyran domestique. Et il en faut parfois peu pour le contrarier...

Mon frère, lui, ne s'est jamais soumis. Il a fait preuve de résistance depuis l'origine en faisant des "bêtises" évoluant avec son âge. Cela mettait mon père hors de lui et mon petit frère a donc reçu à lui seul bien plus de fessées que toute la fratrie. Malgré cette différence de comportement je me suis longtemps considéré comme le quasi-jumeau de ce frère. Il était mon confident de l'enfance, mon meilleur copain, mon ami, celui qui me suivait de près et à qui, sans m'en rendre compte, j'ouvrais la voie. Au tout début de l'adolescence ce frère, en dévoilant mes confidences de tout jeune mâle, a induit un très fort sentiment de trahison. Il n'avait pas compris l'importance des "secrets" que je lui avais confié. A moins qu'au contraire, inconsciemment, il ait très bien perçu le pouvoir blessant que je lui avais donné en me dévoilant... Car plus tard ce frère profita aussi de sa force ou de sa verve pour m'humilier publiquement. C'est suite à cela que la notion de confiance trahie fut empreinte d'une telle intensité que toutes mes relations futures allaient en être imprégnées.

Mon père et mon frère sont deux modèles du masculin : l'un était devant moi, l'autre derrière. Je ne me reconnaissais en aucun d'eux. C'est ma mère, douce, attentive, écoutante, qui m'a semblé être le plus conforme à ce que je me sentais être. Je me suis davantage reconnu dans le féminin.

D'une certaine façon je pense m'être séparé du masculin que je voyais en mon père et mon frère. Séparé aussi de l'impulsivité en refusant la colère, très inhibante pour ma personnalité sensible. Et séparé d'une confiance spontanée du fait de la trahison ressentie dans l'amitié fraternelle. J'allais en acquérir une grande prudence envers les relations affectives.

Ces trois séparations symboliques gagneraient très certainement à être restaurées si je veux retrouver une identité d'homme complet. C'est à dire non divisé. Relié avec moi-même.


Deux autres personnalités, fort différentes, ont joué un rôle séparateur dans ce que je suis aujourd'hui. Cette fois avec un aspect plutôt bénéfique, en me faisant sortir de mes illusions de reliance universelle.

En 1976 j'ai quinze ans. Solitaire, renfermé, je suis au coeur d'un échec scolaire certainement lié à mon incapacité à entrer en relation et à faire confiance. Fracturé, je ne trouve pas ma place d'individu. Notamment par rapport à mon identité masculine. Je rencontre une jeune fille de mon âge qui fait naître en moi des sensations inconnues venues des profondeurs. L'envie de me rapprocher d'elle est viscérale et hautement sensuelle. Je deviens à la fois ami et amoureux platonique, faute d'audace virile. C'est là que je découvre que je me sens bien mieux en compagnie des filles que des garçons. Cette relation ambigüe dure deux annnées, durant lesquelles je retrouve un goût à la vie et une capacité d'ouverture au monde. Deux ans exclusivement dans le cadre scolaire. À la fin de la scolarité cette jolie jeune fille, qui habite totalement mes pensées, me fait promettre de lui écrire « toutes les semaines ». Elle ne répondit qu'à mes deux premières lettres. Anéanti, sidéré, prompt à me sentir insignifiant, je n'ai pas persévéré dans ces échanges épistolaires. J'ai toutefois continué longtemps à aller la voir avant de renoncer devant trop d'indifférence...

Il me fallut beaucoup d'années pour "oublier" cette douloureuse déception d'amitié sentimentale, que je ne compris pas. Une nouvelle fois je sentais ma confiance trahie. Ce fût une réelle rupture silencieuse de sa part. Non dite, non matérialisée, non ritualisée.

Même la rencontre, trois ans plus tard, de celle que j'allais épouser ne réussit pas à effacer cette incompréhension et le sentiment d'injustice qui l'accompagnait. Par contre Charlotte fût celle en qui, enfin, je pouvais placer ma confiance et m'ouvrir au monde. Grâce à elle je me suis éveillé à la vie. De façon un peu trop fusionelle puisque cette ouverture aux autres n'était bien souvent opérationnelle qu'en sa présence.

En 1995 j'ai 34 ans. Durant une période d'importants changement de vie je recontacte mon amie-amour d'adolescence, perdue de vue depuis bien longtemps. J'avais besoin de clarifier certaines choses. Un premier échange téléphonique se déroule plutôt bien, malgré ses inquiétudes sur le sens de ma démarche. Nous bavardons longuement, parlons de nos vies respectives, et elle répond à certaines de mes incompréhensions. Je suis très heureux de ces retrouvailles, la vie est belle pour ceux qui osent ! Un second appel de ma part se heurte à une fermeture sèche, brutale, sans que je n'en comprenne le sens. « Tu es marié, qu'est-ce que tu cherches avec moi ? ». J'en reste abasourdi et ressens une injustice : je ne suis pas celui qu'elle croit. À partir de là tout se complexifie : j'essaie de rééxpliquer ce que je prends pour un malentendu. J'ai à la fois besoin d'être apaisé et d'apaiser cette soudaine colère. Ce rejet m'est insupportable, alors que mes intentions n'avaient rien de condamnable. En fait j'avais besoin de me confronter à la réalité : voir qu'elle avait changé et actualiser un imaginaire désuet. La démarche me paraissait saine.

J'ai insisté, envoyant quelques longues lettres que je pensais suffisamment explicatives, mais rien n'y a fait. Elle n'a plus jamais répondu. Il m'a fallu quatre ans d'écriture personnelle pour me libérer et accepter cette nouvelle séparation, après avoir cru me "réparer" du traumatisme ancien. Au delà de la réparation il y avait certainement d'autres enjeux inconscients, et notamment un désir de retrouver une confiance et un ton de confidences avec une autre femme que Charlotte.

Tentatives que, finalement, je mettrai de nouveau en action cinq ans plus tard en découvrant les possibilités de dialogue intimiste offertes par internet. Depuis ce temps les rencontres du féminin n'ont cessé de m'enrichir l'esprit, indépendamment de leur éventuel investissement sentimental. Elles m'apportent la diversité qui manquait dans l'aspect fusionnel de mon couple conjugal. Elles me permettent aussi cette qualité d'échange que ne ne trouve que très rarement avec le masculin...


Durant les années 2000 à 2003 je m'ouvre au monde et découvre les possibilités de dialogue par internet. Du tchat, rapidement abandonné, je suis passé aux forums de discussion. Je bute simultanément sur la particularité des échanges dits "virtuels" : la place prépondérante qu'y prend l'imaginaire au détriment du réel, par le biais de diverses projections et interprétations. L'illusion de "présence", mais réelle absence, prive du "langage non-verbal" et fait que, au moindre désaccord, certaines discussions s'enflamment. Il y a une tendance exacerbée à voir dans les mots de l'autre ce qui réactive nos propres tourments. Les forums sont des poudrières, concentrant les névroses de chacun.

Je finis par arriver, un peu par hasard, sur un espace d'échange entre dissidents du forum d'un journal culturel, estimé trop consensuel. J'interviens dans quelques sujets à forte probabilité polémique, sans me rendre compte dans quelle guêpier je me fourre. Quelques individus, en l'occurence fortement orientés politiquement, réagissent vivement. Des discussions houleuses s'engagent. Le ton monte très vite et je me vois étiqueté, calibré, houspillé, mes idées rejetées sans appel. Batailles d'arguments, opposition de valeurs personnelles et de convictions. Les insultes fusent, l'agressivité se déchaîne, tandis que je fais appel à la tolérance et au respect des idées de chacun. Rien à faire, je passe pour un père-la-morale, puis carrément pour l'abruti de service. J'ai beau tenter de rappeller que la forme des "débats" en obscurcit complètement le fond, rien n'y fait. Passant des mois à proposer des messages très développés, j'ai trouvé en réponse d'aussi longs messages tentant de me prouver que j'étais le dernier des cons. On m'accusait tantôt d'être de mauvaise foi, tantôt de ne rien comprendre. Pour moi cela revenait au même : je n'étais pas entendu. Finalement ce qui me fascinait était l'incapacité mutuelle à trouver un langage commun, avant même de trouver un éventuel terrain d'entente. Non, obstinément je restais perçu comme celui qui ne comprend rien à rien. Il m'était difficile de ne pas en être atteint, d'autant plus que les échanges étaient publics. Aux yeux des plus virulents, aussi acharnés à me rejeter que je l'étais à tenter de nous concilier, je me voyais être tout autre que ce que je me sentais être. Heureusement, en privé, des participants me faisaient part de leur opinion positive à mon égard. Ils n'étaient évidemment pas dupes des tentatives de disqualification. J'ai fini par quitter ce lieu de haine, laminé par tant de vaines tentatives de dialogue.

Ce que j'ai péniblement appris de ces deux expériences de communication défectueuse, c'est qu'il ne sert à rien de perséverer face aux personnes qui se sont forgées une opinion négative. Quelles que soient les tentatives de rétablissement, la recherche de points d'accord, la reconnaissance d'éventuelles erreurs et maladresses, elles seront refusées. Il y a parfois le besoin de vous faire correspondre à l'image qu'elles ont envie de voir en vous. Vous êtes la personne dérangeante à rejeter. Résister est sans autre issue que le conflit. L'unique solution pacifique est d'accepter la sentence... et de disparaître.

Cette séparation d'avec mon désir de reliance s'inscrit au coeur même des relations. Pluriforme, elle implique de renoncer à une correspondance avec l'image que les autres peuvent avoir de moi; d'accepter l'impuissance des mots pour me faire comprendre; d'accepter l'irréductible différence de perception entre des réalités subjectivées; d'accepter, enfin, d'être irrémédiablement jugé et rejeté pour cela.

Sans oublier que moi aussi je suis "l'autre", donc soumis plus ou moins aux mêmes errements.

Je crois qu'accepter tout cela m'a fait gagner en liberté. Ces séparations (renoncements) difficiles au sein de relations "impossibles" m'ont permis de me rapprocher de ce que je suis. J'ai appris à me défaire de ce que pense autrui à mon égard. Plus détaché, je sais désormais supporter sans trop de dommages de me voir villipendé, tout en sachant aussi m'éloigner. Me reliant à moi-même, revenant à mon essence par la force des circonstance, j'entends ma voix intérieure, salvatrice. J'y passe parfois une énergie considérable, à la hauteur de ce que j'ai espéré relier, mais c'est ainsi qu'après chaque séparation/renoncement je suis devenu prêt pour aller plus loin, vers d'autres individualités plus en adéquation avec mes aspirations profondes. Sachant désormais que ces adéquations ne durent qu'un temps...

C'est toujours vers un objectif de sérénité heureuse que me portent mes pas, quels que soient les détours que je puisse faire pour m'en approcher. C'est un choix de vie qui m'est personnel, intime, que j'ai parfois tenté de partager inconsidérément : mes idéaux de paix ne sont pas universels. Je dois m'en détacher en renonçant à apporter cette vision de la vie à qui n'en veux pas. C'est probablement le meilleur moyen d'être ouvert à d'autres façons de voir le monde...







Accepter le conflit




Dimanche 28 septembre


Je continue dans la veine des séparations.

J'ai évoqué quelques comportements qui ont visé à empêcher des relations de se dérouler pacifiquement, préférant le conflit ou la désertion. Ces atttitudes, quoique rendant la communication "impossible", n'ont cependant jamais supprimé un lien. Un lien ne disparaît pas. Il se transforme. Il peut devenir hostile, conflictuel, violent, silencieux, mais il demeure en état de veille. Ne serait-ce que dans le souvenir des protagonistes.

Un lien ne meurt qu'après la mort du dernier survivant [sauf si des rejetons sont nés du lien, mais c'est un cas un peu particulier...].

Couper une relation, rompre un lien, c'est rendre inopérant le contact. Le refuser. À partir de là, très lentement, l'oubli progressif fera lentement son oeuvre de transformation, de façon différente selon les ex-partenaires.

Chacun peut décider de quitter une relation : en se séparant (reprise de distance) ou en rompant le contact. Unilatéralement ou bilatéralement. Avec ou sans mots. Pacifiquement ou conflictuellement.

Ma préférence à toujours été pour des voies pacifiques mais, avec l'expérience, je reconnais que le conflit est parfois incontournable. Il suffit que l'un des deux n'accepte pas le choix de l'autre, et que ce dernier refuse de chercher un accord, pour entrer dans une logique de conflit. C'est avant d'en arriver là que la qualité de la communication aura été déterminante. Et, surtout, le désir de rester lié...

En cherchant à privilégier coûte que coûte des voies pacifiques j'ai fini par me rendre compte que j'y passais une énergie absolument considérable, bien souvent en pure perte [du point de vue de la relation, pas de ma connaissance de l'humain]. Même avec Charlotte il a fallu que je lui rappelle fermement [au cours d'une grosse colère !] que j'avais moi aussi la capacité d'entrer en conflit "dur" si elle n'y mettait pas du sien. Les solutions pacifiques ne peuvent exister qu'avec une participation bilatérale et une solide détermination. De ce fait elles ne sont pas toujours préférées : elle ne sont qu'une possibilité. Ce n'est pas parce qu'elle ont ma préférence qu'elles conviennent à tous.

Soit.

Pour ma part je suis tout à fait capable d'entrer en conflit ouvert, et probablement de plus en plus [faites pas chier !]. Je pense, d'ailleurs, après quelques expériences douloureuses, que cette option peut être préférable lorsque l'un des deux a choisi ce terrain. Chercher la paix lorsque l'autre est en guerre demande d'avoir le coeur bien accroché et une résistance à toute épreuve. Ce qui n'est mon cas que jusqu'à une certaine limite...

Je me suis littéralement épuisé, asséché, en cherchant à maintenir le dialogue avec des personnes qui n'en voulaient pas. Prenant sur moi, estimant qu'il y avait toujours une façon de sortir "par le haut" d'une mal-communication, je me suis battu en vain contre ceux qui ne comprenaient pas mon combat, ou n'y adhéraient pas.

Je me suis battu "contre"... alors que j'aurais pu faire "avec" : accepter la logique conflictuelle. Chaos jetant par terre les constructions passées pour repartir de zéro. Ne pas craindre l'agressivité que cela suscite. Ne pas craindre... la colère.

Souvenir évident des colères de mon père et de la violence morale qu'il exerçait ainsi, plus ou moins consciemment.

Je me sais impressionnable par la colère. Je n'ai pas peur de la mienne [quoique...] que, jusque là, j'ai su très [trop?] bien maîtriser, mais de celle des autres. Une peur irrationnelle car je suis tout à fait capable, en tant qu'adulte, de la contrer. Mais j'ai [j'avais ?] peur que la colère ne brise quelque chose dans les relations. Parce que j'ai [j'avais ?] besoin de me sentir en relation. En confiance. Presque à n'importe quel prix...

Je l'ai payé très cher.
C'est le prix de l'émancipation et de la liberté d'être soi.

Pour moi la colère, quand elle ne répond pas à une injustice ressentie, exprime une peur inconsciente. Mais, par ses excès, elle peut aussi devenir instrument de domination. Or je n'aime pas du tout ce genre de rapports. Ils me rappellent trop le couple de mes parents, lorsque celui qui criait le plus fort tentait de prendre le pouvoir sur l'autre et où celle qui n'osait pas se défendre, ou se sentait plus faible, se soumettait à la tyrannie de l'emportement. Ces rapports fondés sur la peur ne me semblent pas sains.

Je n'en ai jamais voulu dans mes relations, sans parvenir à l'éviter complètement. Lorsque le cas s'est présenté sur un terrain neuf j'ai "préféré" me soumettre par peur de perdre la relation. Jusqu'à ce que je comprenne que cette crainte était tout autant destructrice de la relation que ce qu'elle voulait éviter. La peur inhibe, éteint la vivacité et tue la spontanéité. Une relation équilibrée est celle où chacun trouve sa place et communique de façon intelligible pour l'autre. Dans le respect et l'écoute, pour le mieux, mais aussi par la colère si nécessaire. Ne serait-ce que pour contrer des tentatives de prise de pouvoir. Par contre, laisser la colère exister en tant que système de domination c'est fausser l'équilibre. C'est ne rien réparer en laissant perdurer des peurs rampantes.




Mois d'octobre 2008


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J'ai reçu l'injonction de ne plus évoquer certains sujets.

Oui. Très bien... Et alors ?
La demande est un fait incontestable, mais qu'est-ce qui fait que je devrais la suivre ?

Cette injonction et toute la colère qui l'a accompagnée, je l'ai ressentie comme violente, brutale, disproportionnée. Dans une tonalité que je n'aurais jamais imaginée de la part de quelqu'un avec qui j'étais autrefois intime. Le coup porté à été rude, pénétrant profondément dans les fondements de mon être et touchant mes convictions, ébranlant jusqu'au socle de mes valeurs personnelles. Je me suis senti terrassé par K.O, sonné... et en même temps ragaillardi. Comme dans un combat de boxe.

J'ai laissé passer le temps. Me recentrer, m'interroger, écouter mon intuition. Entendre ce qui était demandé, en tenir compte. Réfléchir, analyser. Chercher comment sortir de tout ça. Poser le problème.

- L'injonction est venue de la part de quelqu'un que je considère/considérais comme une amie. Si je maintiens ce lien au présent j'ai toutes les raisons de suivre cette demande. Oui mais... est-ce qu'une amie ferait des injonctions avec une telle tonalité ? Est-ce que quelqu'un qui me considère comme un « ennemi » (je cite) peut encore être considéré comme ami ? Et si ce n'est plus une amie... en quoi devrais-je suivre cette injonction ? Qu'est-ce qui m'empêche de répondre « va te faire foutre ! ».

- me soumettre à l'injonction