Avril 2008

Dernière mise à jour:dimanche 18 mai 2008 - Accueil - Message






Hypothèses spéculatives




Samedi 12 avril


Ma vie redevient progressivement "normale", si toutefois ce mot peut avoir un sens. J'ai un travail salarié, une vie plutôt tranquille. Pas de soucis particuliers. Pas de joies particulières non plus. Des petits plaisirs ponctuels. Une vie simple. Calme.

Hum, c'est vachement inspirant, ça ! Palpitant au plus haut point !

Désormais conseiller municipal, je suis souvent en réunions ou groupes de travail. Occupé. Un peu trop occupé. C'était pour moi une façon de passer à autre chose, me confronter au concret, m'affranchir de ma retenue dans les relations sociales. Maintenant que j'y suis, je ne suis pas certain d'y trouver durablement satisfaction...

Et puis agir, certes... mais qu'en est-il du temps pour penser-écrire ?

Je vis seul. Tranquille et peinard. Personne pour me déranger dans mon train-train. Mouais... personne non plus avec qui partager. Et puis je me laisse aller. Ma maison est négligée. Un peu crade.

Tout ça sent le renfermé. Vivre en solitaire peut vite mener à tourner en rond dans une autosuffisance infertile. Je n'ai pas beaucoup de relations, hormis au travail. Les salariés sont sympas, mais question échanges et réflexions... faut pas aller chercher trop loin. Ma collègue Artémis semble avoir repris une distance toute professionnelle, n'abordant plus l'aspect ambigu qui m'avait sorti de ma torpeur en me plongeant dans un questionnement perplexe. Je ne cherche pas à en parler avec elle, la laissant libre d'exprimer davantage. Nous nous entendons bien, mais elle ne semble plus désireuse d'aller au delà. Je crois que ça me va comme ça.

Même genre de situation avec Charlotte, que je ne sollicite plus. J'apprends à me tenir à distance, disponible sans être intrusif. Hier elle m'a appellé, toute heureuse, pour partager sa joie d'avoir été reçue à un poste qu'elle briguait. Mettant de côté le pincement infligé par sa dernière maladresse je l'ai félicitée et même fait rire avec quelques taquineries. J'aime quand elle rit.

D'une manière générale j'aime bien faire rire. Il me semble que c'est devenu rare. Mais je crois que je me trompe. Disons que c'est du rire anecdotique, pas du rire complice.

Par ailleurs je continue ma formation à l'accompagnement-écoute. C'est passionnant... mais ça réveille beaucoup de choses. C'en est épuisant, psychiquement parlant. Je constate que je suis encore "pris" dans des problématiques anciennes et que les manifestations affectives de ces dernières années en sont une conséquence directe.

À la longue je suis fatigué de me coltiner ce travail sans fin d'émancipation-reconstruction. J'en arrive à me demander à quoi ça sert. Ouais, pas vraiment enthousiaste ces jours-ci.

Du côté des relations internautiques il ne se passe quasiment rien. Je suis "absent", ailleurs, occupé dans une vie active à la fois bien remplie et "creuse". Il manque quelque chose de l'essentiel. Il manque du sens, il manque de l'élan vital. Quelque chose qui se projette vers l'avant, qui aille au delà d'une simple vie.

Le retour au calme ressemble a la fin prématurée d'un grand voyage.

Ça me déprime.

C'est comme si j'acceptais de renoncer. Baissant les bras après des années de lutte pour... je ne sais même pas quoi ! Du rêve ? de l'idéal ? de l'espoir ? Mais qu'ai-je donc crû ?

Je n'en finis pas d'accepter de me résigner au principe de réalité.

Je trouve ça triste. Profondément... décevant. J'ai l'impression d'avoir loupé quelque chose. Il y avait un passage temporairement ouvert et, tout embarassé du fardeau d'un passé mal construit, je ne suis pas parvenu à le franchir à temps.

C'est difficile de renoncer. Accepter mon impuissance à obtenir ce que je désire.

C'est pourtant le passage obligé pour aller vers de nouvelles découvertes. 
De nouveaux désirs, de nouveaux élans.

Peut-être. Probablement.
Hypothèses spéculatives...








Éclipse




Dimanche 21 avril


La mort est absente mais son ombre est toujours présente. Elle accapare depuis trop longtemps l'énergie de vie que j'ai jadis senti naître en moi. Soleil noir d'une éclipse totale, il fait nuit en plein jour. Je résiste contre la froidure, je ne veux pas m'engourdir, je ne veux pas me figer dans la rigidité du solitaire.

Résister à la tentation de l'isolement meurtri.






Opacité




Lundi 22 avril


Je ne sais pas toujours pourquoi je me mets à flotter dans des eaux de marasmes, mais il y a toujours une raison. Pour ce qui se passe en ce moment il me semble bien que cela date des signaux émis par Artémis. À coup de grandes déclarations mystérieuses elle m'a replongé dans les affres des questionnements sensibles. Que voulait-elle dire sans le dire ? Qu'attendait-elle de moi ? Qu'y avait il derrière ces flous volontaires ?

Mais ce qui m'a fait vaciller c'est son éloignement inattendu, sous le prétexte que les choses n'allaient pas assez vite... Ben merde alors ! Elle attendait que je me lance vers l'inconnu alors qu'elle restait planquée derrière ses mystères !

Il n'en fallait pas plus pour raviver une histoire inachevée et remonter à la surface tout ce que je n'ai pas encore élucidé. D'où l'importance d'aller au bout des choses...

Franchement, j'en ai assez de rester coincé dans l'opacité de l'inexprimé ! Et puis j'en ai assez d'être toujours le "gentil" qui cherche à comprendre l'autre, sans brusquerie, sans insister, en respectant son rythme et ses limites...

Pfff, en faisant cela c'est moi que je ne respecte pas, finalement !





Situations idiotes



Mardi 23 avril


Une fois de plus je scinde mes écrits entre mon Carnet et ce journal. Les curieux liront les deux versions...

J'ai relaté ce soir une gueulante mémorable, sur laquelle je reviens ici.

J'ai quelques raisons d'en avoir marre d'être "trop gentil", et d'être en colère contre... moi-même. Car cela ne m'apporte pas toujours la reconnaissance dont je pourrais légitimement, et naïvement, bénéficier en retour. Être "trop gentil", ou même simplement attentionné, peut se retourner contre celui qui voulait être chaleureux.

C'est ce qui m'arrive avec ma collègue Artémis, qui est devenue étonnamment distante avec moi. Presque étrangère, comme si nous ne nous étions pas rapprochés durant les dernières semaines. C'est aussi ce qui s'est produit jadis avec Charlotte, du temps où elle manifestait une distance qui m'avait crevé le coeur durant des mois.

Maintenant, sans que je puisse dire que je m'en fous... je laisse faire. Je ne cherche pas garder le contact, ni même à faire des efforts particuliers. Je ne m'accroche pas. Je deviens neutre. Ni chaleureux, ni froid. Seulement là, mais sans m'impliquer, sans chercher à aller au devant de l'autre. Présent à titre utilitaire, sans affectif.

Je n'avais pas revu Charlotte depuis deux semaines, ni ne l'avais eue au téléphone. Elle m'a demandé de lui apporter des objets, ce que j'ai fait, mais sans rien de plus dans mon attitude que le minimum. Petit échange courtois, détendu, mais sans aucune expression d'affectivité.

C'est quand même bizarre d'en arriver à ça...

Je n'ai plus envie de faire preuve de gentillesse à fonds perdus. Je suis lassé de ne pas recevoir de retour. Moi aussi je sais me mettre à distance...

Je trouve que cela mène à des situations idiotes, mais tant pis.





Loin des yeux, loin du coeur





Mercredi 24 avril


J'ai enfin pu avoir quelques mots avec ma collègue Artémis. Échange fort instructif, éclairant pour des situations que j'ai vécu jadis.

Cette Chère Artémis, qui il y a deux mois me déclarait « voir de grandes choses possibles entre nous » [quelle choses ?], ressentant « quelque chose de très fort » [quoi donc ?], tout en refusant de me donner des éléments afin que je sache un peu de quoi il était question, à tout simplement d'autres centres d'intérêt ! En l'occurence son compagnon... qu'elle me confiait vouloir quitter il y a peu.

Loin des yeux, loin du coeur : il était simplement en déplacement durant les semaines. Maintenant il est chez eux, et Artémis souhaite passer du temps avec lui. Normal, évidemment.

Par contre, puisque nous ne travaillons plus ensemble durant nos journées, c'est moi qui suis "loin des yeux ". Donc je n'ai plus vraiment de place dans sa vie, cqfd. C'est à peu près ce qu'elle m'a dit. Explication plus ou moins valable, qui la convainc probablement davantage que moi. Car nous nous croisons quand même suffisamment pour que je perçoive nettement la différence, qui va au delà de ça. Il n'y a plus de signes d'amitié de sa part, plus de petits gestes et attentions, plus de temps pour rire et se taquiner, et aucune recherche de temps de dialogue. Dès la fin de la journée Artémis se sauve sous divers prétextes...

Mouais... heureusement que je ne m'étais pas laissé embarquer trop vite par ses demandes pressantes ! Je suis devenu prudent et cette protection m'est fort utile pour éviter désillusions et déconvenues. Il n'empêche que ça atteint quand même mon moral. Je crois bien que la période de morosité que je vis actuellement est largement issue de cet éloignement qui réveille quelques souvenirs râpeux.

C'est ainsi. Je n'ai rien à lui reprocher, elle est libre. Je ne lui en veux pas d'ailleurs, mais je suis touché, peiné. Je pensais que s'était développé entre nous une forme de lien qui m'aurait épargné de ce genre de choses. Au moins qu'elle ait le modeste courage de me dire ce qu'il en était, tout simplement.

Aaah, grand naïf que je suis ! [de moins en moins, heureusement...]
Je ne suis pas dupe de ce qu'elle ne m'a pas dit. Petites lâchetés ordinaires que nous avons tous, imaginant l'autre bien moins clairvoyant que ce que l'intuition permet.

Mais oui, tu es moins disponible, tu es préoccupée... mais oui, cela n'a rien à voir avec moi...
[mais tu ne m'en avais quand même pas parlé. Est-ce ainsi que tu conçois la confiance ? Mais je ne te dirai rien de cela, parce que tu le nierais avec une bonne foi outragée qui ne leurrerait que toi.]



Voila qui vient à point nommé par rapport à des réflexions que j'avais envie de développer : ma façon de me lier.

À force de réfléchir sur ce sujet éminemment sensible, et attentif à mes ressentis en la matière, j'en ai conclu que ma façon d'entrer en relation de proximité, ou d'amitié, reposait sur ce que j'appelle "confiance". Mais confiance en quoi ?

En fait lorsque j'investis un lien je le fais d'une façon qui ne va que dans un seul sens : toujours plus. N'étant pas conçu pour la marche arrière, chacun de mes engagements est sérieusement évalué. Pour moi le lien consiste en une "alliance", un pacte qui consiste à rester solidaire et présent, réceptif et bienveillant. Voilà la confiance. Je ne me désiste pas... et j'en attends autant en sens inverse. C'est là ma grosse erreur ! Celle que je répète à chaque fois malgré une prudence toujours accrue.

Naaaaan, l'autre ne voit pas le monde comme moi ! Pour n'en avoir pas encore suffisamment conscience, je me "fais avoir" par... ma trop grande crédulité. Je crois encore aux bons sentiments et à la fidélité...

Mais en suis-je capable ? En fait il se pourrait bien que moi aussi j'agisse de la même façon vis à vis de personnes qui investissent un lien avec moi sans que je ne le fasse de façon équivalente en réciprocité ! Tout simplement parce que chacun ne pense pas à dire ou demander ce qui semble évident selon notre regard personnel. Et puis parce que les bonnes intentions ne correspondent pas systématiquement avec la réalité des actes...

Dans l'absolu je comprends parfaitement ce « loin des yeux, loin du coeur ». Il me convient pour la plupart des liens. Mais je peux en souffrir lorsque j'apprécie une relation, qu'elle m'apporte quelque chose dont j'ai "besoin" à ce moment-là, et que l'autre ressent un désir moindre d'échange. Surtout si ce n'est pas clairement verbalisé. Car une fois que je sais de quoi il est question, je prends mon petit chagrin par la main et je m'éloigne à une distance qui m'est plus confortable. L'important est que je sache à quoi m'en tenir. Artémis m'a dit les choses avec une franchise toute simple, peut-être même sans s'en rendre vraiment compte.

Ça me peine, mais au moins je ne suis plus dans le questionnement. Je reprends une place de "collègue". Mais faudra pas qu'elle vienne de nouveau jouer dans le registre des sentiments ! Je n'aime pas du tout les chaud-froid. Je n'aime pas me sentir considéré comme étant au service des fantaisies de l'autre !

Pour les personnes qui vivent les relations au présent, sans ces notions d'alliance, de pacte de confiance, de solidarité, je comprends que les choses soient plus simples : on prend ce qui est possible au moment où c'est possible. Et éventuellement on quitte dès que d'autres possibles se présentent.

On quitte aussi dès que la relation ne satisfait plus, ou n'apporte plus suffisamment de plaisir.

Voila qui ramène à la condition d'objet de désir...

Tout cela me fait vivre des choses un peu difficile, mais c'est toujours intéressant. Ne serait-ce que parce que je me confronte aussi à moi-même sous la forme de questions : « et moi, est-ce que je suis vraiment tel que je l'attend des autres ? » Pas si sûr...

Je crois que j'ai encore pas mal de choses à découvrir de l'altérité.



Du besoin d'écrire à celui d'échanger


Allez, encore un petit coup de théorisation abstraite, froide et désincarnée, comme je sais si bien faire...

Souvent j'entends parler du besoin d'écrire, comme s'il s'agissait de quelque chose de vital. À quoi correspond-il lorsqu'il s'agit d'écriture autobiographique ? Est-ce une libération ou une aliénation ? Et qu'en est-il lorsqu'il s'exerce sur internet ? Est-ce simplement un désir d'expression ? ou un besoin de reconnaissance ? une tentative de communication ? Vis à vis de qui ? Soi ou l'altérité du lectorat ? Moi, toi, nous...

Oh laaa, que de questions !

Je m'interroge parce que, sans ressentir véritablement un besoin d'écrire, je m'y mets souvent sans chercher à y résister, tout simplement parce que ça me fait du bien [quoique...]. Mais c'est aussi en anticipant sur une prévisible frustration en cas d'abstention. La frontière entre le désir et le besoin n'est donc pas vraiment nette...

Toujours est-il que je préfère ne pas me retenir. D'ailleurs, lorsque je ne peux pas écrire comme je le voudrais à cause d'un emploi du temps sans case vide, il me manque quelque chose. J'ai l'impression de vivre plus superficiellement parce que j'avance dans ma réflexion sans pouvoir en garder trace, et ressens donc moins, émotionnellement parlant, les choses dans les domaines qui m'intéressent. À savoir... euh... tout ce qui peut me faire avancer dans ma quête existentielle du moment.

J'ai l'impression qu'écrire dans l'idée dévoluer m'est un acte nécessaire, tout en sachant qu'il est insuffisant. À la fois délivrance et gestation de futures réflexions, je m'y trouve autant que je m'y perds. Cette ambivalence me laisse perplexe. J'aimerais être capable de seulement noter les points essentiels [voire des traits de génie...] comme autant de traces d'une avancée sur des repères dépassés, mais je m'égare trop souvent dans une narration-explication-réflexion qui me porte toujours plus loin dans le raisonnement. Et ce, peut-être, jusqu'à la déraison...

Cela d'autant plus que je me sens coincé dans des pensées labyrinthiques, à la recherche d'une porte de sortie.

Écrire me permet de poser les jalons de ma pensée en mouvement, mais ouvre sans cesse à d'autres explorations inattendues, telle une arborescence infinie. Par expérience je sais que ce n'est pas un processus vain : l'écriture prépare mes actes à venir, leur donne un sens au présent ou les conceptualise a posteriori. C'est une écriture de l'agir. Cependant elle reste longtemps dans une virtualité car seuls mes agissements attestent de l'intégration réelle par ma pensée. Les actes sont indissociables de la pensée, et réciproquement, l'un sans l'autre étant inopérant ou vain. Voila une des principales illusions quant à l'efficience immédiate de l'écriture qui se veut outil de connaissance de soi. Illusion d'autant plus redoutable qu'elle s'infiltre dans l'interface féconde du pré-conscient. Il y a là tous les ingrédients pour surfer avec une dissociation de la réalité : croire vraiment que ce que l'on écrit de soi est réellement ce que l'on est. En d'autres mots : tromper sa propre conscience. Je ne suis pas certain qu'on puisse éviter ce piège, même en le connaissant. 

Quel est, dans cette illusion, le rôle du lectorat, et en son sein du lecteur, témoin individuel entrant plus ou moins en résonnance avec l'auteur d'un texte ? Par son approbation ou son désaccord, son mutisme le plus souvent, quel type de relation se joue au creux de ces confidences lancées envers un public disparate, à la fois globalisé et individuel ? Comment le moi interagit avec le toi en créant du nous ?

Je ne suis pas sûr qu'on le sache vraiment en ce qui concerne l'expression-communication internautique. Le peu que j'ai lu sur le sujet laisse entendre que le psychisme aurait bien des difficultés à ne pas se leurrer, face au manque de symbolique de ce monde cérébral.

Mais cela existe déjà dans la pensée en solitaire, qui manque d'apports extérieurs. Quant à l'écriture pour soi, elle permet d'aller un peu plus loin, mais reste un processus endogène. L'échange, au contraire, tout dématérialisé qu'il soit, grâce à la rencontre avec l'autre, oblige à aller au delà du confort illusoire de l'accord avec soi-même; oblige à la remise en question des acquis précédents; oblige au changement permanent. Encore faut-il dialoguer avec des personnes qui soient porteuses d'une différence, tout en ayant suffisamment de points de concordance. En certaines circonstances communiquer peut être inconfortable et laborieux, parce que c'est un cheminement sans fin.

A contrario, le confort d'un état stable et harmonieux tant recherché par l'humain, ne risque t-il pas d'être stérilisant pour la pensée qui, pourtant, le caractérise ? « Pourquoi sommes-nous si réticents devant le changement, alors qu'il est l'essence même de la vie, en perpétuelle évolution », me demandait récemment une amie ?

La réponse est certainement complexe. Pour ma part une quête de l'au-delà de ce que je sais m'anime, me stimule et me fait vivre. D'où ces interminables réflexions existentielles dont je ne doute pas une seconde que vous vous délectez. Je comprends que d'autres ne souscrivent pas à cette recherche quand elle ne leur est pas nécessaire. Il m'arrive de m'y épuiser lorsque je suis assailli de questionnements croisés et que le manque de certitudes, ou du moins de balises stables, ne me permet pas de reprendre pied.

Des épisodes de ce genre reviennent périodiquement, par accumulation d'idées en tension, entrecroisées et interdépendantes : il faudra que quelque chose cède quelque part dans mes convictions pour que le mécanisme se débloque.

La tentation de l'écriture comme révélateur d'idées enfouies me vient alors. Pour moi... toi, nous. C'est ce qui se produit par vagues sur ce journal, et dans une moindre mesure sur mon Carnet. Mais ce besoin (?) de passage par les mots sous d'autres regards n'entretient-il pas la quête infinie dont je désire à la fois la fin et la continuation ? En observant comment mon écriture et ma vie interagissent, est-ce que je ne fais pas durer ce qui n'existe que parce que je continue à l'écrire ? [oh foutredieu, ces questions à la mord moi le noeud !]. Ce besoin d'écriture délivrante n'est-il pas proche d'une addiction ?

Mais au fait... de quoi ai-je besoin de me délivrer ?


(à suivre...)

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Je commence à en avoir une vague idée...
Il me semble bien que cela n'est pas sans rapport avec le fait d'être "gentil"




Jalons

La juste distance


Voila quelques semaines que l'équilibre serein atteint depuis le début de l'hiver a vacillé, lorsque je me suis de nouveau trouvé confronté à une relation affective. Les avances floues de ma collègue ont ravivé mes craintes et désirs, d'autant plus que nombre de ressemblances comportementales éveillaient mes souvenirs.

Ces dernières semaines n'ont donc pas été très agréables, émotivement et cérébralement parlant. Comme à chaque fois que quelque chose bouge, craque, change, c'est le signe qu'il va de nouveau me falloir changer de repères, donc "travailler" sur ce qui s'était stabilisé auparavant. Brasser de nouveau le fond et troubler la limpidité de l'eau...

Passage en voie de résolution, il me semble, puisque j'ai trouvé plusieurs clés de compréhension à propos de ce qui s'est passé. J'en tire quelques règles à usage personnel, éléments d'une connaissance accrue de mon mode de fonctionnement.

Règle 1 : Il m'est plus simple de me rapprocher que de devoir remettre de la distance. Être en relation saine avec quelqu'un c'est donc savoir me situer à la distance optimale, ni trop proche, ni trop loin. En cas de doute il me vaut mieux opter pour le maintien à distance.

Je supporte mal de voir l'autre reprendre de la distance. J'ai l'impression que c'est moi qui suis rejeté [vestiges égocentristes d'un narcissisme mal construit...]. Sans explications suffisantes je ne comprends pas ce qui se passe et me sens privé des moyens d'action appropriés. Ne me reste que la mise à distance immédiate, blessé par ce que je ressens comme un manque de confiance à mon égard. Naît alors un mélange de sentiment d'injustice, de tristesse et de frustration. Ce ressenti douloureux fait monter en moi de la colère.

À ce moment-là je n'ai plus envie d'être "gentil"... [voir ce mot]

Si n'intervient pas un espace de réconciliation, un temps d'écoute mutuelle et de reconnaissance de chacun... alors la blessure ne cicatrise pas vraiment. La colère demeure, évolue, mute en je ne sais quel ressentiment. Quelque chose de l'ordre de la confiance ne se rétablit pas et bloque la continuation de l'épanouissement relationnel. Ma mémoire d'éléphant me fait penser: « tu m'as pris quelque chose qui comptait pour moi et j'ai besoin que ce soit reconnu ». Tout en étant prêt à reconnaître que moi aussi j'ai ou avoir un comportement inadapté...


Par exemple, si j'observe comment s'est installée, puis dégradée ma relation avec Artémis, je distingue plusieurs phases :
Phase 1 - Découverte d'affinités, puis échanges dans un registre personnel --> Approche spontanée et réciproque, agréable et simple :o)
Phase 2 - Expression par Artémis d'un fort désir d'aller plus loin, proposition de rapprochement accru --> Surprise, perplexité et circonspection pour moi, avec demande de précisions, non accordée --> déclenchement d'un mélange de désir et peurs --> ressenti contradictoire :o/
Phase 3 - Artémis bloque le processus d'approche --> Expression de ma position et de mon désir de ne pas me laisser mener par mes peurs, invitation claire à poursuivre --> compréhension par Artémis... mais status quo de sa part, puis éloignement perceptible :o(
Phase 4 - Remarques négativement critiques d'Artémis vis à vis de mon attitude professionnelle, puis comportement agressif alors que j'exprimais pacifiquement un désaccord --> réaction blessée de ma part, explications, reconnaissance mutuelle de nos différentes approches --> retour à une apparente de stabilité :o(
Phase 5 - Poursuite de l'éloignement d'Artémis, de plus en plus marqué, absence de contacts, comportements de fuite --> Réaction équivalente de ma part, désinvestissement, pas de recherche de restauration :o|

Ayant d'abord été clair vis à vis d'elle, autant que me le permettait la latitude des flous qu'elle a laissé subsister, je n'ai pas fui le dialogue. Lorsqu'elle s'est éloignée j'ai exprimé ma surprise, mon incompréhension et ma tristesse. Apparemment entendue, mais avec confirmation de l'éloignement que je perçevais. Du coup je suis moi aussi entré dans un processus de désinvestissement relationnel. Je n'ai pas cherché à maintenir absolument le dialogue, ce qui est une nouveauté révolutionnaire pour moi ! Mise à distance et neutralité tendance froide.

Règle 2 : Je ne cherche plus à "comprendre" : je prends les choses telles que je les reçois. Je ne cherche pas davantage à "aider", n'étant pas inscrit dans ce cadre relationnel particulier. Étant impliqué dans une relation affective je me mets à l'écoute de mes propres ressentis avant tout.

C'est ainsi que j'ai appris à procéder au cours de l'éloignement de Charlotte, dans un "chacun pour soi" qui semble parfois être la meilleure solution pour éviter les tensions.

C'est ce que je n'ai pas su faire assez rapidement avec ma complice d'autrefois.

Ce qui s'est passé avec Artémis n'est donc pas vain : avec elle je comprends d'autres dynamiques relationnelles.

Et voila pourquoi ces derniers temps a opéré une évolution importante dans le processus de prise de distance d'avec mon amie Nathalie. C'est aussi ça [surtout ça ?] qui alourdissait mes pensées. À force de questionnements, d'explorations les plus diverses, de fermetures d'impasses et d'ouvertures de possibilités, je crois parvenir à un état d'acceptation de la situation suffisant pour qu'un basculement opère.

Accepter, comme je l'ai écrit sur mon Carnet, cela consiste à faire des deuils successifs. Dans ce cas, accepter la prise de distance, accepter le silence, accepter le refus de communication. Accepter de ne pas comprendre.
Accepter l'éloignement affectif, dans tous les registres qui avaient été investis.
Accepter que les choses se soient passées ainsi et demeurent.
Accepter que l'amour, l'amitié, l'affection, la complicité, l'humour, n'aient plus cours. 
Accepter que ce soit comme une mort... sans mort.

Je crois que j'ai accepté tout cela. Je me suis éloigné, j'ai pris mes distances. Je suis progressivement redevenu acteur de ma vie, après m'être laissé déposséder de cette faculté dans un souci de... suradaptation. Je mesure maintenant à quel point je me suis soumis, laissant mon amie diriger les opérations à sa manière faute d'expérience en matière de relations, et surtout par défaut de confiance en moi.

J'ai cru qu'elle savait comment il fallait procéder, négligeant le fait qu'elle ne connaissait que son mode de fonctionnement. Aïe... ce que c'est que douter de soi...

Maintenant je sais que j'avais la possibilité de réagir autrement, en me positionnant de façon plus affirmée. Car je savais bien ce que je désirais...


Règle 3 : Je n'ai pas à être attentionné (= "gentil") envers qui ne désire pas ma présence. Je n'ai pas à outrepasser des résistances, ni à chercher à réduire des blocages. C'est à chacun de régler ses problèmes... et éventuellement de demander de l'aide extérieure pour cela. Je n'ai pas à aller au devant de cette demande...

Je suis gentil avec les gens par qui je voudrais être aimé. Et comme je voudrais être aimé par tout le monde... non... aimé par tous les gens de qui j'ai une opinion favorable, tous les gens qui comptent pour moi.

Je recherchais une reconnaissance de la part de celle qui me fascinait par sa liberté de ton. C'est dans cet objectif que j'ai tenté de répondre à ses exigences... sans cesse croissantes. Un défi impossible, de quoi rendre fou l'élève attentif que j'étais. Je n'étais pas capable d'un discernement suffisant pour exclure de mon admiration des aspects qui n'auraient jamais du en être l'objet.

Règle 4 : Il me revient de me protéger de qui me fait du mal et de ne pas nourrir des dynamiques malsaines, à composantes sado-masochistes. Me protéger c'est me mettre à distance des interactions affectives.


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Parfois je me dis que mes textes sont un ressassement d'évidences que je découvrirais benoîtement alors que tout le monde le sait depuis longtemps. Ouais... peut-être, pour ceux qui ont déjà pas mal décortiqué le sujet. En même temps je constate qu'il n'est pas inutile de rabacher des "évidences" qui le sont surtout intellectuellement. Si chacun savait comment vivre en harmonie avec l'autre ça se saurait...

Je poursuis donc mon petit état des lieux du moment, avant de passer à autre chose.


Avec ce qui s'est passé avec ma collègue en processus accéléré j'ai trouvé plusieurs clés de compréhension . J'en tire quelques règles à usage personnel, éléments d'une connaissance accrue de mon mode de fonctionnement.

Règle 1 : Il m'est plus simple de me rapprocher que de devoir remettre de la distance. Être en relation saine avec quelqu'un c'est donc savoir me situer à la distance optimale, ni trop proche, ni trop loin. En cas de doute il me vaut mieux opter pour le maintien à distance.

Je supporte mal de voir l'autre reprendre de la distance. Ça réveille mes vieux démons : sentiment d'insignifiance et douleur de l'abandon. J'ai l'impression que c'est moi qui suis rejeté [vestiges égocentristes d'un narcissisme mal construit...]. Sans explications suffisantes (moi seul sait ce qui m'est nécessaire...) je ne comprends pas ce qui se passe et me sens privé de moyens d'action appropriés. Ne me reste que la mise à distance immédiate, blessé par ce que je ressens comme un manque de confiance à mon égard. Naît alors un mélange de sentiment d'injustice, de tristesse et de frustration. Ce ressenti douloureux fait monter en moi de la colère [contre l'autre, de me placer dans cette situation, et contre moi, d'avoir été "trop gentil" auparavant].

À ce moment-là je n'ai plus du tout envie d'être "gentil"... [voir ce mot]

Après un conflit, une incompréhension, j'ai besoin d'un moment de réconciliation, un temps d'écoute mutuelle et de reconnaissance de chacun. Sinon la blessure ne cicatrise pas vraiment, la colère demeure, évolue, mute en je ne sais quelle tumeur. Quelque chose de l'ordre de la confiance ne se rétablit pas, reste en suspens prudent et bloque la continuation de l'épanouissement relationnel. Ma mémoire d'éléphant me fait penser: « tu m'as pris quelque chose qui comptait pour moi et j'ai besoin que tu reconnaisse ce préjudice ». Tout en étant prêt à reconnaître que moi aussi j'ai pu avoir un comportement inadapté...

Bref : j'ai besoin de dialogue.

Par exemple, si j'observe comment s'est installée, puis dégradée ma relation avec Artémis, je distingue plusieurs phases :
Phase 1 - Découverte d'affinités, puis échanges dans un registre personnel --> Approche spontanée et réciproque, agréable et simple :o)
Phase 2 - Expression par Artémis d'un fort désir d'aller plus loin, proposition de rapprochement accru --> Surprise, perplexité et circonspection pour moi, avec demande de précisions, non accordée --> déclenchement d'un mélange de désir et peurs --> ressenti contradictoire :o/
Phase 3 - Artémis bloque le processus d'approche --> J'exprime alors ma position et mon désir de ne pas me laisser mener par mes peurs, l'invitant clairement à poursuivre --> compréhension par Artémis... mais status quo de sa part, puis éloignement perceptible :o(
Phase 4 - Remarques négativement critiques d'Artémis vis à vis de mon attitude professionnelle, puis comportement agressif alors que j'exprimais pacifiquement un désaccord --> réaction blessée de ma part, explications, reconnaissance mutuelle de nos différentes approches --> retour à une apparente de stabilité :o(
Phase 5 - Poursuite de l'éloignement d'Artémis, de plus en plus marqué, absence de contacts, comportements de fuite, froideur --> Réaction équivalente de ma part, désinvestissement, sans recherche de restauration :o|

Ayant d'abord été clair vis à vis d'elle, autant que me le permettait la latitude des flous qu'elle a laissé subsister, je n'ai pas fui le dialogue. Lorsqu'elle s'est éloignée j'ai exprimé ma surprise, mon incompréhension et ma tristesse. Apparemment entendue, mais avec confirmation de l'éloignement que je perçevais. Du coup je suis moi aussi entré dans un processus de désinvestissement relationnel. Je n'ai pas cherché à maintenir absolument le dialogue, ce qui est une nouveauté révolutionnaire pour moi ! Mise à distance et neutralité tendance froide.

Règle 2 : Je ne cherche plus à "comprendre" l'autre: je prends les choses telles que je les reçois. Je ne cherche pas davantage à "aider", n'étant pas inscrit dans ce cadre relationnel particulier. Étant impliqué dans une relation affective je me mets à l'écoute de mes propres ressentis avant tout.

C'est ainsi que j'ai appris à procéder au cours de l'éloignement de Charlotte, dans un "chacun pour soi" qui semble parfois être la meilleure solution pour éviter les tensions.

C'est ce que je n'ai pas su faire assez rapidement avec ma chère complice Nathalie...

Ce qui s'est passé avec Artémis n'est donc pas vain : avec elle je comprends mieux d'autres dynamiques relationnelles.

Et voila pourquoi ces derniers temps a opéré une évolution importante dans le processus de prise de distance d'avec mon amie Nathalie. C'est aussi ça [surtout ça ?] qui alourdissait mes pensées. À force de questionnements, d'explorations les plus diverses, de fermetures d'impasses et d'ouvertures de possibilités, je crois parvenir à un état d'acceptation de la situation suffisant pour qu'un basculement opère.

Accepter, comme je l'ai écrit sur mon Carnet, cela consiste à faire des deuils successifs. Dans ce cas, accepter la prise de distance, accepter le silence, accepter le refus de communication. Accepter de ne pas comprendre.
Accepter l'éloignement affectif, dans tous les registres qui avaient été investis.
Accepter que les choses se soient passées ainsi et demeurent.
Accepter que l'amour, l'amitié, l'affection, la complicité, l'humour, n'aient plus cours. 
Accepter que ce soit comme une mort... sans mort.

Je crois que j'ai accepté tout cela. Je me suis éloigné, j'ai pris mes distances. Je suis progressivement redevenu acteur de ma vie, après m'être laissé déposséder de cette faculté dans un souci de... suradaptation. Je mesure maintenant à quel point je me suis soumis, laissant mon amie diriger les opérations à sa manière faute d'expérience en matière de relations, et surtout par défaut de confiance en moi.

J'ai cru qu'elle savait comment il fallait procéder, négligeant le fait qu'elle ne connaissait que son mode de fonctionnement. Aïe... ce que c'est que douter de soi...

Maintenant je sais que j'avais la possibilité de réagir autrement, en me positionnant de façon plus affirmée. Car je savais bien ce que je désirais...


Règle 3 : Je n'ai pas à être attentionné (= "gentil") envers qui ne désire pas ma présence. Je n'ai pas à outrepasser des résistances, ni à chercher à réduire des blocages. C'est à chacun de régler ses problèmes... et éventuellement de demander de l'aide extérieure pour cela. Je n'ai pas à aller au devant de cette demande...

Je suis gentil avec les gens par qui je voudrais être aimé. Et comme je voudrais être aimé par tout le monde... non... aimé par tous les gens de qui j'ai une opinion favorable, tous les gens qui comptent pour moi.

Je recherchais une reconnaissance de la part de celle qui me fascinait par sa liberté de ton. C'est dans cet objectif que j'ai tenté de répondre à ses exigences... sans cesse croissantes. Un défi impossible, de quoi rendre fou l'élève attentif que j'étais. Je n'étais pas capable d'un discernement suffisant pour exclure de mon admiration des aspects qui n'auraient jamais du en être l'objet.

Règle 4 : Il me revient de me protéger de qui me fait du mal et de ne pas nourrir des dynamiques malsaines, à composantes sado-masochistes. Me protéger c'est me mettre à distance des interactions affectives.


Artémis : "tu es trop gentil" + dispute à ce sujet
Nat, idem

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pour me permettre de dedésaliénation. Mes "à suivre" s'enchainent pour décrire comment j'y suis parvenu. Le problème c'est qu'ils m'enchaînent aussi : en continuant à écrire j'entretiens une partie de l'aliénation...

Depuis l'origine de mon écriture en ligne j'ai dit que celle-ci était née d'une découverte : celle d'un alter ego. L'écriture et la relation se sont entreliées et lorsque la relation s'est désagrégée je suis resté pris dans un "nous". aliénation c'est celle qui relie écriture et la relation qui l'a initiée.

Passer d'un désir de nous à l'existence d'un je/tu

se veulent être un état des lieux avant de sortir de l'emprise d'un système d'écriture. Le problème c'est que j'aurais davantage à écrire que le temps dont je dispose pour le faire...--

Parfois je me dis que mes textes sont un ressassement d'évidences que je découvrirais benoîtement alors que tout le monde le sait depuis longtemps. Ouais... peut-être, pour ceux qui ont déjà pas mal décortiqué le sujet. En même temps je constate qu'il n'est pas inutile de rabacher des "évidences" qui le sont surtout intellectuellement. Si chacun savait comment vivre en harmonie avec l'autre ça se saurait...



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Au fil des années je me suis efforcé de parler d'autre chose. Tentatives de diversion souvent vaines. Ce n'est pas parce que je n'en parle pas que ça n'existe plus. J'étouffe mes phrases, je baillonne les mots explicites, je détourne le récit, je contrôle mes élans... et ça reste là.

Non, je n'ai rien ooouuuublié, comme l'énonce Aznavour.

Je n'ai fait qu'accepter une succession de pertes. Au début dans la souffrance, puis de plus en plus dans l'inéluctable paix. Mois après mois je constatais que mon amie s'était éloignée davantage que ce que je croyais. Pour tout un tas de raisons je n'ai pas vu clairement les choix qui avaient été faits par celle avec qui je me suis si fortement lié. C'est notamment ce qui a rendu le processus si long.

Je ne crois pas qu'elle ait compris ce que je vivais avec elle, et il est probable que je n'avais pas non plus compris les enjeux qu'elle avait placé dans cette relation. D'ailleurs, bien que j'ai longuement écrit ici par quoi je passais, je pense que peu l'ont compris. Ceux qui n'auraient vu qu'une banale histoire d'amour, ou pire, une passion, seraient dans une projection. Mais qu'importe, finalement, chacun trouve ce qui lui convient...

Ce qui est certain c'est qu'à la longue j'ai trouvé bien plus que je n'aurais imaginé. Durant tout le temps de ce travail d'acceptation j'ai découvert un monde que j'ignorais. La révélation s'est poursuivie après la disparition de celle qui m'avait ouvert les yeux. En est né, certes dans un accouchement douloureux, une force personnelle qui attendait sa délivrance.

J'ai fini par m'émanciper de celle dont la coupure m'avait fait si mal. Je me suis éloigné, protégé. Une transmutation sentimentale a opéré.

Depuis longtemps je ne sais plus rien d'elle, ni ne veux plus rien savoir... pour ne pas raviver ce qui n'a plus la place d'exister. Et pourtant, pas un jour n'est passé sans que je ne vive "avec" elle. Parfois dans la colère et le ressentiment, parfois dans la certitude que ce temps d'éloignement aurait un jour sa fin. Il m'est arrivé d'accepter jusqu'a renoncer, mais cela n'a jamais duré au delà de quelques jours. Toujours j'étais de nouveau près à avoir moins que l'inacceptable de la veille. En même temps j'ai compris qu'en acceptant l'inacceptable je me maltraitais, je me niais. C'est sur ce refus que s'est aiguisée ma conscience. J'ai distingué l'acceptable de l'inacceptable et j'ai cessé de me martyriser. Ma collègue Artémis, sans le savoir, aura une précieuse révélatrice à son tour. Avec elle j'ai mieux compris les mystères du lien dont j'ai été privé.

Congédié par mon amie, je n'en ai trouvé que d'avantage de capacité d'affirmation et de résistance. Je n'ai jamais fui, je n'ai fait que m'éloigner pour ne plus susciter le rejet. Je crois avoir appris à "rester là" sans m'exposer outre mesure.



Je ne vais pas très bien, en ce moment [ouais, je suppose que ça se sent...]. Je ne sais pas ce qui travaille en moi mais...

Si, je sais, mais c'est comment l'évoquer que je ne sais pas. Je commence et recommence des bouts de textes, puis je renonce à poursuivre.

C'est quoi qui travaille ?






Je ne parviens pas à me libérer de "quelque chose", et j'en ai ras le bol. Dans ce cas, rien de mieux qu'un petit dialogue avec moi-même pour débloquer la situation.

Pfff... t'as besoin de ce préambule ? Mais vas-y, lance le dialogue !

Oh la, du calme. Je vais prendre les choses en main...

Toi, le conciliateur ? Le consensuel ? Le gentil ? Ah ben ça promet. Dans trois minutes je me serais endormi...

Eh oh, c'est moi qui décide ici.

Tiens, le v'la qui se réveille...

Bon, je commence. T'as pas l'air d'aller fort en ce moment.

Gna gna gna... t'as pas l'air d'aller fooort... pauv' chochotte. Ben tiens, depuis le temps qu'il a pas baisé !

Ta gueule ! Non, c'est vrai, il y a quelque chose qui ne passe pas.

C'est quoi le problème ?

Je ne sais pas vraiment. C'est un ensemble. Une grande lassitude.

Pourtant dans ta vie de tous les jours, ça ne se sent pas.

Mouais, si on n'approfondit pas ça peut faire illusion.

Et si on approfondit ?

Alors là... on ouvre la boite de Pandore !

Chouette, on va tout savoir ! Y'a quoi dans cette boite ? Des trucs cachés, des trucs cochons, des idées noires, des mauvais sentiments ?

Ouais, il y a certainement de ça.

Laisse les "certainement" et autres "peut-être". Réponds franchement, tu sais bien que c'est ta voie.

Exact ! Alors dans cette boite il y a tout ce que je n'ose pas encore dire et faire. Et c'est peut-être bien ça qui est pesant : je comprends pas mal de choses mais je n'ose pas vraiment les mettre en application.

Pfff "j'ose pas" ! Mais je rêve ! T'en es encore là ?

De moins en moins.

Mais ça ne suffit pas ! Il ne faut plus du tout être là dedans, tu le sais très bien.

Eeeeeh oui, je le sais bien...

C'est sûr, c'est pas facile.

Pas d'atermoiements : c'est pas parce que c'est pas facile que ça dispense de persister. C'est un devoir que d'oser ! Un devoir envers soi-même.

Bien dit !

Bon, assez de diversions, revenons au sujet : qu'est-ce qui ne va pas en ce moment.

J'en ai marre d'être ce que je suis. Ou de ne pas l'être, ce qui revient au même.

Qui es-tu ?

Je suis un homme qui cherche à avancer et qui ne cesse de se prendre les pieds dans le tapis de ses contradictions. Un homme qui est encore chargé de son passé, de ses croyances, de ses habitudes.

T'es surtout un homme qui n'ose pas...

C'est vrai. Je suis plein de peurs et ça m'emmerde.

Mais... quelle est ta peur, hé hé...

Ma plus grande peur ? C'est d'avoir définitivement perdu quelque chose de grand. Et avec ça, d'avoir perdu un souffle. Oui, c'est ça : un souffle. Une respiration, un poumon. De l'air à respirer.

C'est quoi ce souffle ?

Difficile à décrire. C'est un ensemble qui fait que la vie prend une autre dimension, qui donne envie de se battre, d'avancer, de chanter...

Hé l'aut' : " de chanter". Et pourquoi pas de danser tant que tu y es ?

Mais parfaitement : de danser avec la vie ! Vivre avec le sourire et croire en ce qu'on fait.

T'es vraiment un idéaliste rêveur, toi.

Ben... justement : j'étais. Et là je ne suis plus.

C'est triste.

Alors ça... c'est pas sûr du tout ! C'est voir la vie telle qu'elle est : pas drôle et pas rose.

Aurais-tu perdu ton optimisme ?

L'optimisme je ne sais pas, mais de la naïveté c'est certain ! Et c'est tant mieux. Ça fait mal, mais la réalité a souvent cet effet.

Bon, je m'ennuie dans cette conversation de salon, passons aux vrais questions : t'as pas envie de baiser ?

Baiser... j'aimais pas ce mot, avant, qui me semblait manquer de sensibilité. Mais finalement, ouais, c'est de ça dont j'ai envie.

Aaaaah, ça fait du bien de l'entendre !

Quand même... et les sentiments ? et la poésie, le romantisme d'une rencontre ?

M'en fous. C'est pas de ça dont j'ai envie. J'ai juste envie de rencontre physique. Baiser, quoi.

Mais... toi qui parlais de rencontre des âmes, de partage des sentiments...

Terminé tout ça. C'est plus à l'ordre du jour. Je veux juste de la rencontre toute simple, sans prise de tête. Je ne veux pas de sentiments.

On dirait les mots d'un homme brisé.

Je le suis. Mais je répare tout ça. Rien de tel qu'une bonne claque pour comprendre une leçon. Non, en fait je ne suis pas brisé : c'est seulement une part de moi qui l'est. Celle des sentiments.

Résultat : tu te blindes. Tu deviens inaccessible.

Je me rends inaccessible, oui. Je fuis.

Ah, ça manque de courage ça !

Ça manque surtout de désir.

Sauf celui de baiser, hé hé...

Ouais, parce que ça n'implique pas beaucoup.

Le crois-tu vraiment ? Crois-tu que tu puisses avoir ce genre de relation sans ressentir un minimum d'affinités ?

Non, c'est bien pour ça que je me protège. Je préfère en rester aux relations d'amitié... avec éventuelle sexualité.

Ouais, sauf que ça marche pas. T'as des amies, mais t'en baises aucune. Et la dernière que tu as baisée... comme par hasard tu ne lui donnes plus de nouvelles.

Oooooh, comme ce dont tu as souffert ?

Ah ben non, c'est pas pareil : je n'étais pas dans une relation amoureuse, et c'était très clair !

C'est vrai que t'es toujours honnête sur ce point.

Bon, t'as toujours pas ouvert ta boite de Pandore. Y'a quoi dedans ?

Y'a cette montagne, ce monument qui obscurcit mon ciel et bouche mon paysage. Je ne sais pas comment m'en dépêtrer.

Ben, quand même, tu y parviens...

Oui, mais pas assez vite. J'en ai ras le cul d'être encore pris là dedans. Je savais que j'en aurais pour des années, mais je commence à trouver que c'est long.

Très bien, très bien, ça bouge...

Et puis tu as considérablement avancé en cherchant à en sortir.

Ah ça oui ! Comme relation révélatrice, elle en aura révélé des choses, et dans tous les domaines ! Et c'est pas fini.

...

Bon, ben vous ne m'aidez pas beaucoup là. Vous ne me poussez pas dans mes retranchements; vous ne faites pas sortir les choses malgré moi.

Hé, gros malin... c'est qu'on est un peu en circuit fermé. Trois entités en une, ça reste un.

Bon, ben je vais me l'ouvrir tout seul, ma boite.

Euh... fais attention quand même, on nous observe !

Mais non, tu t'en fous ! C'est pour toi que t'écris. Tu vas pas te laisser emmerder par la peur des autres.