Novembre 2004
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Dire oui



Lundi 1 novembre


J'ai souvent été impressionné par le recul sur les évènements que pouvaient avoir certaines personnes. Je vois là une forme de sagesse dont je ne me sens bien souvent pas capable. Pourtant, je sais que c'est là que réside la voie à suivre, et je m'y efforce.

Ce que je vis actuellement nécessite de "lâcher prise", impérativement. Il s'est passé une succession d'évènements qui ne dépendent que partiellement de moi et je dois les accepter comme tels. Expérience dont je pourrai tirer des enseignements bénéfiques pour la suite de mon existence.

Il y a longtemps que je pressens que c'est dans la non-possession que réside la liberté. Celle-ci inclue la non possession du temps, ainsi que la non-possession des évènements. Tout est impermanence, et il faut l'accepter comme tel. Rien n'est jamais acquis, et le bonheur est une conquête permanente. Le bonheur lui-même est une quête, et ne tombe pas du ciel. Ce que je veux faire de ma vie dépend largement de moi, quoique je doive accepter les évènements qui me contraindront à une évolution permanente.

Je sais tout cela et l'intègre de plus en plus profondément. Il n'empêche que bien souvent je réagis avec de vieux réflexes inspirés par des peurs. J'oublie ce que j'ai découvert. Probablement parce que j'ai besoin de le redécouvrir encore avant d'en être imprégné.

Et cela aussi je dois l'accepter.
Je dois dire oui, ne pas refuser ce qui se passe en moi ou à l'extérieur de moi. Oui à mes émotions, oui à ma souffrance, oui à mes désirs, oui à mes limites et à celles des autres. Oui à leur différence, oui aux circonstances. Je dois dire oui parce que c'est là. Dire non à ce qui est c'est souffrir, parce qu'on ne peut rien y changer. Il faut accepter. Je dois pourtant aussi dire oui à mes "non", parce qu'ils expriment mon incapacité actuelle à dire pleinement oui.


Je n'invente rien en écrivant cela. Je ne fais que restituer à ma façon ce que la lecture d'un texte a réveillé en moi. Comme si je le savais déjà mais sans l'avoir vraiment mis en pratique.

Voici quelques extraits de ce que proposait Swâmi Prajnânpad:


«Vous devez vous rappeler que tout ce qui arrive, arrive pour le mieux. Il y a une distribution divine des choses. Votre vie eût été appauvrie sans toutes les choses qui vous sont arrivées. Aussi tout doit être accepté, le bon et le mauvais. En fait, vous n'avez pas le choix. Si vous voulez le bon, vous aurez le mauvais aussi. Chaque chose a deux aspects. Si vous voulez le côté face d'une pièce, vous devez prendre le côté pile aussi. C'est inutile d'attendre seulement du plaisir. Le plaisir et la peine vont toujours de pair. Il faut prendre les deux, ou rien du tout. Quand une chose arrive, acceptez-la d'abord. C'est la vérité. C'est arrivé. Pouvez-vous la refuser et dire que ce n'est pas arrivé? Non. Après avoir pleuré et vous être lamenté vous allez accepter en tout état de cause. Pourquoi ne pas l'accepter dès le début ? Dites " oui " à tout. Quand vous acceptez de plein gré une chose, il n'y a pas de souffrance.

La peur doit être bannie de votre vie.
La peur que quelque chose arrive est pire que la chose elle même. Les peureux meurent bien des fois avant l'heure de leur mort. La peur doit être bannie de votre vie car elle est irrationnelle et bloque l'action. »


«Il faut accepter ou rejeter. Si vous ne pouvez pas dire oui, dites non. Il n'y a rien entre les deux. Entre les deux est une illusion. "J'accepte mais... " C'est un mensonge. Ce " mais " est émotionnel. Si vous avez accepté, vous avez accepté de tout votre coeur et complètement. Si vous êtes incapable d'accepter ce qui arrive, rejetez-le, c'est-à-dire voyez la cause pour laquelle c'est arrivé et cherchez à éliminer cette cause. Si la cause est éliminée, l'effet disparaîtra également. Si, toutefois il ne vous est pas possible d'éliminer la cause de ce qui arrive, laissez-la. Acceptez-la comme vous appartenant et expérimentez-la. Le plaisir et la peine, le chaud et le froid sont les deux aspects d'une même chose.»


«S'identifier c'est projeter son petit moi partout. Vous ne connaissez que vous-même; quand vous voyez un autre, au lieu de le voir, c'est vous-même que vous voyez. Vous dites couramment: " Il n'aurait pas dû agir ainsi ". Ce qui est une manière de supprimer l'autre. Vous refusez de lui concéder une existence séparée. Puisque chaque chose est différente et distincte d'une autre, il ne saurait y avoir de comparaison. Vous ne pouvez pas voir l'autre, si vous vous projetez en surimposition sur lui. Vous vous voyez partout, et tout devient terne et monotone. Mais si vous reconnaissez: " Il est différent ", " ceci est différent ", " cela est différent " etc... tout sera en vous et vous, vous deviendrez vaste, tolérant, compréhensif, incluant tout, pénétrant tout. Vous n'éprouverez plus ni déception, ni souffrance.»


«Les désirs naissent de la double croyance que l'on peut obtenir quelque chose d'un autre et que l'on peut le garder de façon permanente. Ces deux croyances sont fausses. Personne ne donne jamais rien. L'autre ne donne que s'il obtient lui-même ce qu'il veut. Aussi vous faut-il donner d'abord. Et ce faisant, nous ne sommes pas sûrs que l'autre a reçu réellement; cela peut le laisser indifférent. Ensuite, croire que nous pourrons garder quoi que ce soit, c'est faire fi de l'impermanence de tout ce qui est. Alors, voyant cela, nous ne sommes plus emportés par le désir. Mais tant qu'ils sont là, ces désirs, nous devons les accueillir. Nous ne devons surtout pas les refouler, mais les réaliser consciemment et voir où ils nous mènent. Si le résultat est positif, nous pouvons les garder. S'ils entraînent de la souffrance, alors ils doivent disparaître.»



«La libération vient le jour où l'on peut dire : "J'ai fait ce que j'avais à faire, j'ai reçu ce que j'avais à recevoir, j'ai donné ce que j'avais à donner."».


Et le plus paradoxal et intriguant à mes yeux, qui me demande une réflexion plus poussée: «Vivre heureux, c'est vivre sans espoir»


La simple lecture de ces textes m'apporte une grande paix intérieure. Je sais que ce qui se passe actuellement, ce temps prolongé de réflexion, est quelque chose qui m'est nécessaire et que je dois accepter. En restant à l'écoute de mes désirs, en disant oui à ce qui arrive en moi et de l'extérieur, j'irai vers le bon chemin pour moi.







Persévérance





Mardi 2 novembre


On m'a souvent reproché mon indécision. Certes, je ne peux nier qu'elle existe. Mais elle a peut-être aussi un sens, en étant la conséquence d'autre chose. Si je suis indécis entre deux relations, c'est parce que les deux me sont importantes, que j'y tiens beaucoup, et leur donne une valeur équivalente (mais pas identique). On peut donc voir de l'indécision dans mes difficultés à choisir celle que je sacrifierai [quelle absurdité!!!], mais aussi de la persévérance. Car malgré les difficultés et les complications, je persiste à lutter pour que chacune d'elle demeure jusqu'au plus près de ce qui est possible et acceptable conjointement.

La solution de trancher aurait été évidemment plus simple, supprimant la souffrance diffuse de l'incertitude (mais créant celle, violente, de la certitude...) et permettant d'aller plus vite (est-on vraiment pressé quand il s'agit de tels choix de vie?). Le choix est simple lorsqu'une des options apparaît comme meilleure que l'autre. Dans ce cas le renoncement reste douloureux, mais sa justification aide à l'acceptation.

Reste à savoir ce qui caractérise le "meilleur choix". Il dépend évidemment des critères retenus et chacun aura les siens, même si le raisonnable est la première idée qui vient en tête [quoique... ça depend des têtes...]. Par définition la raison manque de fantaisie, de spontanéité, de folie, d'audace. Tiens... précisément ce qui fait défaut dans mon existence! La raison est-elle alors vraiment le meilleur choix pour moi? Il me serait aisé de dire que c'est le seul choix, puisque la raison, avec tout ce qu'elle contient d'évitement de l'inconnu et des peurs qui s'y rattachent, est mon mode de réflexion habituel. Oui, il serait simple de dire «la raison veut que tu choisisses de privilégier ta relation conjugale». Alors pourquoi est-ce que je ne me rallie pas à cette raison? Pourquoi est-ce que je ne me résigne pas? Pourquoi est-ce que je ne renonce pas à ce qui paraît être une utopie, un rêve? Pourquoi est-ce que je persévère à chercher une autre voie que la plus simple?

D'abord par intuition: je "sens" que c'est dans cette direction inconnue que je dois aller, malgré les difficultés prévisibles. Ensuite parce que je désire poursuivre la relation la plus "folle", celle qui m'a permis d'aller à la rencontre de moi-même, et n'accepte pas d'y renoncer (je le peux temporairement, mais pas définitivement). Et enfin parce qu'il y a une idée de... fidélité. Autant à moi-même qu'aux relations que j'ai construites. Et si je suis prêt à en modifier la teneur (passer de la conjugalité à l'amitié), je lutte pour n'en supprimer aucune. Il n'y a pas de choix entre l'une ou l'autre, pour moi, mais recherche de compromis afin qu'aucune des deux ne soit totalement sacrifiée. Il s'agit bien évidemment là de ma propre démarche, qui est difficile, et ne peut s'appliquer que si elle est acceptée par chacune de mes partenaires. C'est ce que j'essaie de voir en ce moment, en fonction des nouvelles données de la situation.

Cette notion de fidélité n'est pas un choix. C'est un état. Je suis fidèle à mes relations amoureuses et ne peux rien y changer. Aller contre cela est une violence contre moi-même. Je ne peux pas quitter quelqu'un que j'aime. C'est une fidélité attachée à une morale personnelle, indépendante de ce que peuvent en penser celles envers qui elle s'exerce. C'est pour cette raison que, malgré une situation de séparation, je ne baisse pas les bras (ou pas durablement) et je persévère à ne pas abandonner le chemin qui a été suivi ensemble. Ça peut paraître absurde (et le devenir si je me retrouve seul...) mais pour moi toute la force du lien est là, dans cette persévérance. Après tout, je n'ai jamais renoncé à maintenir ma relation de couple, même aux moments de rejet à mon égard. Je ne le regrette pas puisque ce que nous clarifions maintenant n'aurait pas pu exister dans une ambiance conflictuelle. Je crois que ma persévérance n'aura pas été inutile, même si l'incertitude aura été difficile à vivre. Je ne regrette pas d'avoir choisi de prendre le temps de réflexion.

Je n'ai jamais "jeté l'éponge" au cours de mes (rares) relations amoureuses et me suis toujours battu pour qu'elles tiennent, même dans les moments difficiles. Je suis peut-être indécis pour mes choix, mais déterminé pour ce à quoi je tiens. Lent, mais déterminé. Voire opiniâtre...



* * *




«Il faut accepter ou rejeter. Si vous ne pouvez pas dire oui, dites non. Il n'y a rien entre les deux. Entre les deux est une illusion. "J'accepte mais... " C'est un mensonge. Ce " mais " est émotionnel. Si vous avez accepté, vous avez accepté de tout votre coeur et complètement.»
Ce paragraphe m'a sérieusement touché. Il me ramène directement à ce qu'avait écrit nathalie il y a quelques mois: «quand il n'y aura plus de "oui mais"...». Il réveille simultanément la prise de conscience que mes "oui mais" sont des oui qui disent aussi non.

Alors ce matin j'ai réfléchi en tournant nerveusement dans mon lit. J'ai brassé ça dans tous les sens et je me suis rendu devant l'évidence: je ne peux pas dire oui à Charlotte pour poursuivre notre relation comme elle l'attend. Je ne désire pas tout investir dans sa reconquète. Je ne peux, ni ne veux, me lancer à fond avec elle. Parce j'ai connu nathalie, qu'elle a pris place dans ma vie, et que désormais je sais. Je sais qu'il y a un certain nombre de choses qui me sont essentielles et que Charlotte ne peut pas me donner, quels que soient ses efforts. Parce que ce n'est pas sa nature, parce que ce n'est pas en elle, parce qu'elle n'a pas la personnalité qui m'a séduite en nathalie. C'est comme ça et il n'y a rien d'autre à faire que de l'accepter. Je sais aussi que je ne veux pas me priver de vivre ce qui me tient à coeur parce que ça lui déplairait. Je ne veux pas d'une liberté avec une laisse autour du cou. Je ne veux plus ne pas avoir la place de déployer mes ailes si longtemps entravées.

Si je ne peux pas dire oui entièrement... alors je dois dire non. «Non, je ne peux (veux) pas poursuivre avec toi selon ce que tu désires». Même si je tiens à elle et à notre lien, je dois dire non. Être honnête avec elle et avec moi. Mon oui entier ne peut concerner que notre relation d'amitié, au maintien de laquelle je consacre beaucoup de mon énergie.

Alors, puisque j'ai décidé d'affronter mes peurs, je lui ai dit. Ouais, je me suis lancé! Et curieusement ça s'est plutôt bien passé. Je lui ai longuement expliqué en quoi je tenais à elle, et en quoi j'avais besoin de continuer librement ma route. Notre échange était dense, avec pas mal d'émotion, mais sans rejet de sa part. En fait, je ne faisais que réaffirmer ce que je lui avais dit il y a quelques jours: «Tu sais.. j'ai la certitude que le désir ne reviendra pas. Il ne faut pas que tu passes de l'énergie à tenter de me reconquérir». C'était vendredi, au sortir d'une séance de thérapie au cours de laquelle s'était confirmé ce que je ressens depuis pas mal de temps. Ce jour là, aussi, j'avais décidé d'affronter ma peur de déclencher sa douleur et sentir son rejet. Ça c'était moins bien passé puisque j'avais complètement craqué lorsque j'avais perçu sa désespérance, au point de brouiller totalement mes convictions pendant quelques jours. Une fois de plus je m'étais perdu entre mes pensées propres et l'effet de parasitage qui se produit en présence de Charlotte.

Si j'entreprends maintenant d'avancer en agissant c'est parce que, bien qu'il faille prendre le temps de clarifier notre relation, je sais que trop de temps qui passe deviendrait nuisible. En évitant l'affrontement avec mes peurs, il me serait facile de laisser aller les choses vers l'oubli, la résignation... et les regrets à vie. «Faites que le rêve dévore votre vie avant que la vie dévore votre rêve». Je ne veux pas de ça. Et la seule solution est de croire en moi, entendre cette voix intérieure qui me guide.

D'ailleurs les effets positifs ne se sont pas fait attendre: je me suis senti en pleine forme, léger, ouvert. Le simple fait d'oser avoir franchi la barrière de la peur procure une sensation de bien-être particulièrement appréciable. Il faut que je m'en souvienne!

Oser avoir franchi la barrière de la peur procure une sensation de bien-être particulièrement appréciable.

Il n'est pas question de se soulager en se débarassant de ses soucis sur l'autre, mais d'être authentique en n'accumulant pas frustrations, ressentiments, confusion interne. C'est simplement se dire, être soi, dans le respect de chacune des personnalités. Je n'invente pas le fil à couper le beurre en écrivant ce genre de choses qui jalonnent les bouquins de développement personnel, mais je les fais miennes.



Nous avions une séance de thérapie de couple, ce matin (ce n'est pas un hasard si j'avais dit tout ça auparavant...) et avons assez librement discuté avec la psy. Amour, amitié, liberté, désir... Un peu ce que je développe ici à longueur de pages. Je sens que les choses bougent, que nous parvenons enfin à nous trouver sur des terrains d'entente, à établir des passerelles. J'ai accepté de renoncer à certaines choses et cela ouvre des perspectives d'accord. J'espère que nous pourrons poursuivre sur cette lancée.

Maintenant... il me faut être vigilant. Car la complicité qui nous relie ne doit pas être ambiguë. Je me sens proche de Charlotte, mais en tant qu'ami. Ami intime, très proche, très lié, mais ami. Et Charlotte ne ménagera sans doute pas ses efforts pour aller vers ce qu'elle espère... Il va donc nous falloir passer par un processus de "rupture" afin que les choses soient bien claires pour Charlotte. Probablement renoncer à certains gestes qui ne font pas classiquement partie du registre de l'amitié. Et puis matérialiser cette séparation de la vie commune. Ça ne sera pas facile.
C'est ce que nous allons définir dans les temps à venir, une fois intégré la réalité de ce qui se présente devant nous.




[P.S: comme à chaque fois que j'avance, survient peu après une phase de doute. L'impression de... ne pas me rendre compte de ce vers quoi je m'engage. La voix de la raison revient en force et éparpille les éléments posés. «Tu rêves, tu n'es pas dans la réalité, tu prends tes désir pour du possible et tu n'es même pas capable d'aller plus loin, de franchir des étapes décisives et irrévocables». Syndrôme de l'imposteur. Sentiment de tricher avec moi-même... Et patatras, tout s'écroule. De nouveau perdu. Beeeuuh!.]








Déculpabilisation




Mercredi 3 novembre


Maintenant que le plus gros des remous a disparu, que s'est décantée l'eau trouble, que puis-je observer de la situation?

Dans les premiers temps de la "suspension" de notre relation avec nathalie, je n'ai pas bien compris ce qui se passait. Tout allait si vite tout à coup, avec des décisions à prendre dans l'urgence [ben voui hein, à force d'attendre...]. J'ai réagi à l'instinct, et je pense que c'était la seule chose à faire. Quand les jours ont commencé à passer, je n'ai pas été capable de davantage de discernement. Totalement perdu dans un maelström d'émotions, voyant se concrétiser une catastrophe que j'avais toujours redoutée, j'ai laissé les choses se faire. Quoi faire d'autre, puisqu'aucune direction précise ne me servait de cap? J'étais sur un bateau sans gouvernail, égaré dans une tempête qui le disloquait.

Ensuite est venu la honte du naufrage, et la culpabilité. Une honte terrible qui m'engloutissait avec ma tristesse. Mon incapacité à réagir me dégoutait. Et surtout, la pire chose qui soit à mes yeux, la honte d'avoir "abandonné" nathalie. L'impression de l'avoir trahie en reculant. D'avoir trahi la confiance qu'elle avait eue envers moi. A vomir! Et pourtant, j'avais aussi l'impression d'avoir été dépassé par quelque chose, que je n'étais pas totalement responsable de ça.

Simultanément est apparu, puis s'est renforcé, un sentiment de révolte et d'injustice. Si j'avais bien laissé faire, ce n'était pas moi qui avais pris des décisions (j'en étais incapable). Quelque chose m'avait échappé à un certain moment, quelqu'un avait pris la barre d'autorité et avait orienté le navire pour me ramener au port. Et j'avais laissé faire. A ce moment là j'en ai voulu à nathalie de nous avoir "laissé tomber", de n'avoir plus cru en nous, et même de m'avoir dépossédé de mes décisions. Elle m'avait imposé quelque chose, tout en me disant que c'était "pour mon bien" (je pense qu'elle y croyait et je sais que son geste était inspiré par l'amour: elle m'encourageait à retourner vers les eaux calmes d'où je venais).

Naaaaan, quelque chose n'allait pas entre ces deux interprétations trop émotionnelles. Tout ça manquait de raisonnement (en ces circonstances, oui, la raison est indispensable pour analyser). Ni elle ni moi ne pouvions avoir eu ce genre d'attitude. On n'agit pas ainsi quand on s'aime. Sauf... en cas de terrible souffrance. Quelque chose semblait s'écrouler entre nous, nous déchirait le coeur, et je crois que nous avons tous les deux fait ce que nous avons pu pour nous sauvegarder. C'est à dire pas grand chose.

Je crois que ma non-liberté faisait planer depuis longtemps comme une ombre au dessus de notre relation. Il y avait cette incertitude face à un avenir inquiétant, mon non-choix qui s'éternisait, et lorsque le moment crucial est arrivé nous nous sommes désolidarisés. Peut-être que notre confiance dans la relation n'était-elle pas aussi grande que nous le pensions? Nous avons douté, perdu la foi. Au lieu de nous serrer les coudes et de voir comment nous allions pouvoir gérer la crise, les circonstances ont fait que nous avons divergé. Nous n'avons pas pris le temps ni le recul nécessaires. Mon apathie a peut-être inquiété nathalie, qui l'aura prise pour une incapacité à aller plus loin, voire un refus? Je ne sais pas...

En fait, il n'y a pas eu de recul de ma part, mais un arrêt. Pour moi il s'agissait de temporiser, de prendre le temps. Pour nathalie, j'ai l'impression [je ne peux que me borner aux suppositions...] que ce temps d'arrêt équivalait à une sorte d'arrêt définitif. Il me semble que c'est sur ce point qu'à eu lieu une incompréhension. Et ensuite tout s'est enchaîné. Là où j'avais besoin de sentir son soutien pour reprendre la route, j'ai trouvé quelqu'un qui semblait couper les ponts en ne croyant plus à un avenir commun. Presque toutes mes tentatives se sont heurtées à des mots de plus en plus définitifs: «impossible», «plus jamais», puis des «arrêt... coupé... terminé...». Autant de termes qui tranchaient dans le vif, qui coupaient mes élans, qui ravivaient mes peurs de l'abandon. Etait-ce une sorte de "provocation" catastrophiste destinée à me faire réagir? Ou une façon pour elle d'envisager le pire, de se faire à cette idée?

Alors j'ai compris, il y a un mois, que je ne devais plus m'appuyer sur elle. Trop blessée elle ne pouvait que me blesser si je l'approchais. Même ses silences me blessaient... Si je voulais quelque chose, ce serait seul que j'y parviendrais. J'ai donc continué à cogiter tout seul, le temps de laisser émerger ce qui était vraiment en moi. Très attentifs aux manifestations émotives qui échappent au contrôle de la raison, j'ai observé mes émotions de joie ou de tristesse, mes ressentis profonds. Cela m'a servi de boussole. J'ai aussi repassé plusieurs fois le film des évènements, pour tenter de comprendre comment nous en étions arrivés là. Et je crois avoir trouvé un certain nombre d'explications. Elles me sont nécessaires si je veux sortir de la culpabilité de la "trahison". Ce genre de culpabilité abusive est nocive, comme un boulet qui entrave le mouvement.

En fait, ce qui se passe entre deux personnes est toujours la résultante de leurs comportements respectifs. Chacun de nous à agi en réaction à ce que nous percevions de l'autre (subjectif...), et le silence qui s'est très vite installé nous aura empêché de rester solidaires pour passer ce cap difficile. Si moi j'ai effectivement marqué un temps d'arrêt qui a pu inquiéter nathalie, en revanche je crois qu'elle en a amplifié les effets. Nous sommes, je le crois, co-responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.



Décrypter le passé n'a d'importance que pour expliquer le présent. Ce qui est fait est fait et c'est sur cette base qu'il faut réfléchir maintenant. L'avenir n'est pas tracé et c'est au présent qu'on peut agir pour l'orienter selon nos désirs. Si certaines choses sont actuellement "impossibles", rien ne dit qu'elles le sont à tout jamais. Je me méfie beaucoup des mots définitifs, qui coupent les élans, qui oblitèrent l'avenir, qui ferment des portes. Pour moi rien n'est perdu.

Et peut-être que cette épreuve était indispensable pour aller plus loin en chacun de nous, faire un retour sur soi. Car à l'évidence il existait une complication croissante dans notre relation. A responsabilité co-partagée, là encore.

J'aurais appris une chose de tout cela: c'est que nathalie n'étais pas aussi "solide" que je le croyais. Je lui faisais trop confiance quant à sa capacité de gérer les conséquences de mes hésitations. Je l'ai découverte faillible et fragile, tout comme moi. Simplement humaine, tout comme moi. J'avais trop pris l'habitude de la voir résister stoïquement à mes pertes de confiance en moi, et en nous, et finalement c'est elle qui a fini par chuter aussi. Par effet de contraste je découvre en moi la force de la ténacité et de la non-résignation.

Bon... je pourrais en rester là, parce que ce sont des éléments personnels probablement non transposables. Mais euh... comme je relate depuis le début le détail de ce qui se passe, je vais poursuivre ici. Il semble que plusieurs d'entre vous y trouvent des éléments qui les aident à mieux comprendre leur propre vie. Et comme nathalie m'avait toujours laissé quartier libre pour parler de nous dans ce journal, je continue. En espérant que ma subjectivité ne déforme pas trop la réalité...

(suite au prochain épisode...)


«la vie est un bien perdu
pour celui qui ne l'a pas vécue
comme il l'aurait voulu»

(auteur inconnu)





Comprendre





Vendredi 5 novembre


Que s'est-il passé cet été? Quel concours de circonstances a pu faire que s'interrompe notre belle relation aussi soudainement?

Tentative d'auto-explication selon une vision unilatérale [précaution indispensable face à la subjectivité de mon point de vue].



A priori, il n'y avait aucun problème du coté de l'entente et du plaisir à être ensemble. Ce temps en commun avait été très largement agréable et chaleureux. Je me sentais bien [quoique pas toujours...], en confiance [quoique... j'y reviendrai...]. J'étais très heureux de partager avec nathalie les gestes du quotidien, vivre sa présence, la découvrir encore un peu plus. Et puis lui faire visiter un peu de ma région et de mon cadre de vie. Potentiellement, tout aurait pu très bien fonctionner.

Néanmoins... tout n'était pas parfait [le contraire aurait été étonnant]. Et pour tout dire, j'avais la sensation qu'il y avait un petit quelque chose qui clochait [d'où mes "quoique"]. Sans savoir d'où me venait cette impression, évidemment. Alors à force d'y réfléchir, et avec le recul, je suis parvenu à quelques explications. Pour moi il est important de comprendre. Car cela peut expliquer largement, voire entièrement, pourquoi cet amour est devenu maintenant emmuré sous une chape de silence. Ce qui est, convenons-en, plutôt attristant...


Tout d'abord les mois précédant la rencontre avaient parfois été éprouvants et nous avions eu des difficultés à nous comprendre. Outre les grosses complications de ma double relation, nos envies de nous retrouver durant nos soirées n'étaient pas concordantes et cela avait eu pour effet de perturber nos échanges à plusieurs reprises. Notre relation était en évolution et demandait de procéder à des ajustement entre les souhaits et possibilités de chacun. Je n'ai pas caché dans ce journal que j'aurais aimé davantage de démonstrativité et de contacts pour nourrir cet amour distant, ni que cela contrariait nathalie. Il avait même été fortement question de ne pas nous rencontrer cet été. Mais la perspective de prolonger de six mois le délai avant rencontre me semblait vraiment triste. Et comme il y avait aussi une grande incertitude vis à vis des réactions de Charlotte, ça m'encourageait un peu à ne pas perdre de temps [erreur de ma part?]. J'avais besoin d'y voir plus clair avec nathalie [ah ben c'est malin... maintenant j'y vois plus rien!].

La décision de la rencontre n'aura été prise qu'à un mois du départ, in extremis. Nous étions tous les deux très contents d'y être parvenu. L'élan initial du plaisir partagé ne me sembla toutefois ne pas durer de façon croissante. Avec le recul je crois que de chaque côté il y avait une sorte de... prudence? moindre désir? attentisme? Je ne sais pas bien le définir, mais quelque chose qui retient l'élan spontané. Je pense qu'attentisme est le mot le plus adéquat.
Bon, premier point marquant: il y avait donc déjà un terrain pas tout à fait favorable.
Relation distante + façon différente de vivre l'amour + relation conjugale contrariée = beaucoup de raisons que ça ne soit pas fluide.


Lorsque nous nous sommes rencontrés, il me semble que les effets de cet attentisme se sont immédiatement manifestés. Nous ne nous sommes pas jetés dans les bras l'un de l'autre avec une joie communicative comme nous le désirions. Ce fut plus modeste, malgré un plaisir évident. Les violons et travellings cinamatographiques n'étaient pas au rendez-vous. Pourquoi? Un peu comme si on attendait de voir si l'autre était bien "là", entièrement, avant de laisser éclater notre bonheur [merde, comme j'ai été con de ne pas oser... c'est pas possible d'être aussi coincé!]. C'est en tous cas ainsi que je l'ai perçu.

Il faut dire aussi qu'un élément notablement fâcheux était venu me perturber juste avant mon départ pour l'aéroport. Alors que je venais dire au revoir à Charlotte pour un mois de séparation (et avec qui nous n'avions plus que des contacts distants), celle-ci avait laissé éclater toute sa douleur de me voir partir. Pathétique et culpabilisant [ben oui, je savais que c'était "à cause de moi" qu'elle était dans cet état...]. Au dernier moment, c'était plutôt mal choisi! J'avais tenté de la rassurer au mieux, y avais passé du temps, et me trouvais donc en retard et préoccupé en allant à la rencontre de nathalie. Je suis arrivé en même temps que son avion , alors que je lui avais assuré que je serais là bien à l'avance pour l'accueillir. Téléscopage des deux relations. Je n'ai pas eu tout le temps nécessaire de l'attente et des émotions qui préparent à savourer l'instant magique des retrouvailles.

Ce léger flottement des premiers instants nous a probablement mis en position de qui-vive. La joie de nous retrouver manquait un peu d'exaltation. A tort ou à raison je percevais un parfum de léger malaise chez nathalie, et du même coup me sentais aussi dans cet état. En observation. Bon, il y avait aussi l'avion, qu'elle n'aime pas du tout, et le décalage horaire... je pensais que ce temps de réadaptation était normal, et qu'il ne durerait pas.
Donc deuxième point: mauvais hasard de circonstances dès nos retrouvailles.


La suite de notre séjour s'est déroulée un peu sur ce mode attentiste: alternance de très bons moments de complicité et de vague inquiétude. Je percevais parfois nathalie comme étant un peu ailleurs, pas entièrement et pleinement disponible, préoccupée. Mais je sais aussi que j'étais un peu inquiet, donc vigilant, sans savoir si c'est moi qui initiais ou entretenais ce flottement. Comme si l'inquiétude était aussi communicative que l'élan spontané.

Je ne connais pas les raisons de cette situation, et j'ai eu le tort de ne pas chercher à éclaircir ces vagues ressentis avec nathalie. Sur le moment ce n'étaient que des impressions fluctuantes que j'essayais de raisonner [gros malin, quand on a des doutes on demande!]. Je ne voulais pas plomber ce qui, précisément, ne semblait pas vraiment fluide. Et puis ça ne durait pas puisque nous retrouvions toujours des moments d'harmonie [ah ben oui, quand même!]. C'était une erreur de laisser ce flou, évidemment, une peur que j'aurais dû affronter [gnnn, pourtant te le savais qu'il faut aborder les problèmes et éclaircir les doutes!].

Plus inquiétant encore, cette impression s'est renforcée par un apparent moindre désir d'intimité et sexualité chez elle. Avec des effets inhibants chez moi, hypersensible à cette forme la plus aboutie de complicité, un des éléments magiques que je n'ai qu'à peine découvert au cours de nos rencontres précédentes.

Vu de mon côté, je trouvais nathalie manifestant parfois peu de désir et d'enthousiasme. Mais il est fort probable qu'elle percevait la même chose venant de moi! La retenue de l'un génère la retenue de l'autre, toujours le même genre de cercle vicieux. Je n'en ai pas parlé avec elle, et là encore c'est un tort [c'est fou comme à postériori les erreurs deviennent flagrantes].
C'est là le troisième point, découlant des deux précédent: un déficit de spontanéité et de désir.


Je crois aussi qu'il y a eu des incompréhensions, et peut-être des interprétations. Je me souviens avoir dit que ma famille me manquait, ou avoir été perturbé après des coups de téléphone de Charlotte en souffrance. Peut-être que nathalie à donné une signification surévaluée à ces remarques? Le manque que j'évoquais était pourtant sans commune mesure avec ce que j'ai ressenti plus tard à son égard. Il s'agissait simplement d'un manque vis à vis des gens que j'aime, mais tout à fait supportable. En aucune façon cela ne hantait mes pensées, ni ne signifiait que je m'ennuyais là où j'étais. D'après ce qu'elle en a conclu ultérieurement, je crois que nathalie a surdimensionné ces éléments. De même pour mon désarroi face à une Charlotte déterminée à me quitter, que nathalie semble avoir pris pour un refus que cela ne se produise.

Et pour couronner le tout, toujours un peu hésitant face à ce que je percevais de nathalie, je n'ai pas osé manifester mes envies de la distraire davantage. Il faut dire qu'elle se levait euh... fort tard [cette fille est une vraie marmotte!] et que les journées en étaient largement réduites. Un rythme de vie inhabituel auquel je ne savais pas bien m'adapter. Bon, bref, j'ai fait des tas de gaffes en n'osant pas laisser s'exprimer ma spontanéité [tiens tiens, comme c'est surprenant...], alors que peut-être cela aurait levé tous les doutes. Je pense que nathalie aura été déçue de me voir ainsi...


N'ayant pas pu revenir là dessus avec elle depuis la fin de notre séjour, je ne peux que subodorer des explications personnelles à cette situation d'attentisme et de moindre élan.

Il est indéniable que l'incertitude régnant entre mes deux relations et le choix que j'aurais fatalement à faire ont plombé ma spontanéité. D'ailleurs j'étais depuis des mois dans une position... attentiste. Ce que nathalie supportait de plus en plus mal (je la comprends...), avec pour conséquence de m'inquiéter d'avantage et renforcer cet attentisme. Plus j'y songe et plus je vois là l'explication majeure à ce qui allait mener vers la suspension de notre relation. L'élan spontané l'un vers l'autre était freiné, de façon réciproque à mon avis, par cette incertitude face à l'avenir. Il est certain que je n'étais pas encore "libre" et qu'il était difficile de se projeter vers l'avenir dans ces conditions hésitantes.

La suspension de notre relation est donc une très bonne chose de ce point de vue. Elle me permet de m'écouter et me libérer vraiment selon mes choix et hors pression d'une double relation ingérable parce que mal vécue. Il est devenu évident pour nous deux qu'il n'y avait plus de place pour deux relations simultanées, aucune des deux ne pouvant se développer entièrement et librement. Le polyamour n'est envisageable que totalement accepté par tous les partenaires. Autrement, c'est une catastrophe.


Pour le reste, je ne pense pas qu'il faille considérer ce temps d'indécision comme un manque d'amour, au contraire. Ma retenue à aller plus loin vers nathalie est venue du risque connexe de perdre Charlotte avec fracas. Or s'il y avait cette peur, c'est bien parce que ce que je vivais avec nathalie était suffisamment fort pour que ce risque soit très réel. Dans la balance il y avait tout le coté "engageant" envers nathalie, sur le long terme. C'était tout l'inverse de quelque chose vécu à la légère. Et c'est justement parce que je vois et souhaite un avenir que je me devais de le préparer. Ce n'était pour moi ni un jeu ni une histoire éphémère. L'envie de partager davantage de temps de vie, et durablement, était bien là. Et l'est toujours.

Je me souviens quand elle disait «je finirai comme une vieille folle, seule». Je n'aimais pas. J'avais envie de lui répondre que... pfff... ben merde... et moi alors? Ouais... je désirais voir durer trèèès loin ma relation avec elle. C'est bien simple: je n'y voyais pas de fin. Je crois que je ne lui ai jamais dit... J'avais peur qu'elle sente de ma part des envies trop engageantes, qu'elle se sente emprisonnée si je voyais trop loin. Je craignais qu'elle n'envisage que quelque chose d'éphémère entre nous, même si, rarement et avec beaucoup de pudeur elle a eu des mots qui montraient tout le contraire. Mots infiniments précieux que je garde bien en mémoire.
J'ai l'impression qu'on n'a jamais osé se projeter trop loin ensemble [que JE n'ai jamais osé...]. Elle, probablement blessée par des amours déçus, et moi en train de m'extraire d'un amour longue durée... dont je mesurais bien les possibles raccourcissements prématurés. Et puis évidemment il y avait mon couple, avec tout ce que ça sous-entendait d'impossibilités actuelles. Alors nous sommes restés très pudiques sur tout ce qui concernait notre avenir, largement incertain pour tout un tas de raisons. Aucune promesse.

Et maintenant... et bien je me demande si cette retenue n'a pas joué un rôle néfaste dans notre relation. A trop vouloir vivre au présent, nous ne construisions pas vraiment d'avenir. Nos projets se limitaient à nos rencontres. Et... même si l'amour se vit au jour le jour... j'en viens à me demander si un minimum de prise de position, de volonté exprimée de voir durer, n'est pas nécessaire. Peut-être... y avait-il comme un doute, une épée de Damoclès? Pour ma part je craignais que nathalie ne se lasse de ma lenteur d'évolution. Et peut-être qu'elle craignait que ce temps ne joue en notre défaveur? [que de suppositions...].

Là encore, j'aurais mieux fait d'aborder franchement ce sujet avec elle. Je l'avais d'ailleurs prévu cet été, parce que j'avais besoin de cette visibilité un peu plus poussée. Et puis justement, cette impression d'attentisme n'y était pas propice. Le sujet était tellement fragile, intime, hypervulnérabilisant. Je ne sentais pas le moment le plus approprié. Puis j'avais peur de lui faire peur avec tout ça...

[«peur de lui faire peur...»... Tsss. A se demander si le mot "peur" n'est pas le plus utilisé dans ce journal!]

Il n'empêche que je garde confiance en tout ce qui a été dit. Tous ces mots échangés depuis si longtemps, qui maintenant me reviennent et prennent un sens particulier. Et je me dis que, décidément, nous aurions pu aller plus loin dans l'expression de nos désirs. Euh.. surtout que j'aurais pu aller plus loin...



Alors dans ce contexte, quand Charlotte m'a donné son ultimatum, épuisé par des mois d'incertitude et de réflexions sans issue apparente, un peu égaré et rafraichi par cette complicité atténuée, j'ai laissé faire. Je me suis laissé porter par les évènements, sans résistance. Car, soyons juste, au départ j'ai accepté la décision proposée par nathalie (sans me rendre compte de sa portée). Il y avait comme un soulagement immédiat à me sortir d'une situation inextricable. J'ai même dit des phrases qui laissaient penser que j'acceptais que ce soit une fin.
Jusqu'à ce que je voie son avion décoller et que je réalise vraiment la portée de ce qui venait de se passer.

Depuis, je n'accepte pas l'idée de l'avoir perdue...
Je ne peux, ni ne veux imaginer de ne pas la retrouver un jour. Même lointain. Et je vais continuer à me battre pour ça. Me battre contre cette part de moi qui fera tout pour m'en empêcher en faisant appel à tous mes blocages et toutes mes peurs. La lutte sera difficile, mais la lumière de mon avenir en dépend.

Allez, du courage...






Contrarié




Lundi 8 novembre


Une fois de plus j'ai été seul pendant deux jours, sans Charlotte, à l'occasion d'un déplacement professionnel. Et, comme les autres fois, je constate que ces moments me permettent de me "retrouver" et d'entendre vraiment le sens de mon chemin.

D'abord j'étais heureux d'avoir retrouvé un rythme de vie assez serein et une bonne humeur. Depuis que je ne suis plus dans l'incertitude, en fait... Depuis que je laisse venir les choses dans le sens qui me convient, même si très régulièrement des peurs diverses me refroidissent [je ruse: je les laisse s'agiter puis m'y attaque quand elles sont calmées, hé hé]. Ensuite parce que ce qui s'ouvre devant moi est un défi assez gigantesque et que cela a un coté stimulant [wouff, montée d'adrénaline]. Je ne sais pas bien par quel bout je vais commencer, ni le temps qu'il me faudra, mais je suis certain de vouloir l'affronter. Ce défi n'a pas de fin, il consiste simplement à se donner les moyens de vivre ce que je désire. L'important n'est pas un hypothétique but, mais le mouvement vers cet objectif. Tant qu'il y a quelque chose devant moi qui me donne envie d'avancer, je me sens vivant. Je vis. Et c'est la seule chose qui compte.

Ensuite je constate que le manque envers nathalie a totalement évolué. Je n'en souffre plus. Elle me manque, parfois beaucoup [n'y pensons pas...], mais j'ai accepté ce temps de silence, ce temps de pénitence qui me permet d'évoluer seul sans que cela ne pèse sur elle. Le temps viendra où je pourrai profiter de la liberté que je suis en train de conquérir. Au fond de moi s'est établi une confiance sereine: je sais que ma démarche de libération me mène vers ce qui permettra que je la retrouve dans des conditions optimales. Si toutefois elle le désire toujours [ce qui nécessiterait confirmation...].

Enfin, pour ce qui concerne mon couple, les bases de discussion sont maintenant établies et précisent son avenir:
- le désir est parti et ne reviendra plus dans les conditions actuelles.
- il semble y avoir accord pour que le lien d'amitié/confiance demeure, sous certaines conditions.
- des points fondamentaux de nos modes de vie sont actuellement inconciliables.
- aucun de nous n'envisage de renoncer à ce qu'il est.

La question n'est donc plus de se demander si on va se séparer, mais comment, et quand. Et c'est là que ça se complique... Car une des principales raisons de l'acceptation de la suspension de ma relation avec nathalie tenait quand même beaucoup à des considérations matérielles. J'ai plusieurs fois dit à ma psy que sans ces questions matérielles je n'aurais pas été à ce point ralenti dans ma démarche d'émancipation.


En fait mon problème avait plusieurs volets:

- le plus important était l'affectif relationnel, parce que je n'étais ni prêt à perdre Charlotte, ni surtout à "l'abandonner" (fidélité relationnelle). Ces deux points ont été bien dégrossis, longuement discutés, et deviennent peu à peu acceptables et acceptés. La démarche continue dans ce sens.

- le second est aussi affectif, mais d'un autre ordre. J'avais peur que nous devions renoncer à l'ensemble "lieu de vie familial / grand projet personnel" que constitue notre maison et son environnement bien particulier. Là encore les choses ont été éclaircies et il semble que nous tenions tous les deux à garder cette maison et son cadre, auquel nos enfants sont très attachés. Reste à établir les modalités pratique de gestion sous un régime de séparation... Quant à mon "grand projet personnel", rien n'est décidé mais il ne fera pas le poids face a mon besoin vital d'équilibre et d'épanouissement. Si un jour je dois y renoncer, ce sera douloureux mais pas insurmontable. Un "pré-deuil" est en cours depuis quelques mois. Et puis bon... il y a d'autres "grands projets" à vivre.

- le troisième volet était déjà problématique depuis quelques années: mon métier ne me permet pas de vivre décemment. C'était une passion, mais au bout de douze ans force est de constater sa non-rentabilité (arrêt de la phase de croissance depuis quatre ans). J'étais en réflexion là dessus et les évènements précipitent les choses. Reste à trouver des solutions pour l'avenir. Et compte tenu de mes projets de vie actuels (ne pas dépendre d'un lieu fixe), ça ne semble pas facile à mettre en place. Réflexion urgente à poursuivre et intensifier.

- le quatrième élement est sans doute encore plus urgent, parce que bloquant tout le processus: ma dépendance financière ne me permet pas de vivre seul en prenant en charge la moitié des dépenses familiales, auxquelles se rajoutera le loyer du nouveau domicile de l'un de nous. Or j'exerce un métier que je ne peux guère arrêter en quelques mois pour en exercer un autre. L'argent est véritablement LE problème majeur, incontournable. D'autant plus que je me trouve actuellement dans une mauvaise passe, avec un gros découvert bancaire. Ligoté par l'argent, je n'ai pas les moyens de vivre mes rêves [eh oui mon p'tit gars, c'est ça la réalité...].

Bref, c'est un tournant de vie considérable qui se met en place. Il y a des peurs face à tout cela, dont certaines sont trés réelles, mais aussi une stimulation face à la nouveauté. Et des perspectives un peu folles [et diablement attirantes] de changement d'horizons, d'alternance de lieux de vie...

Tabarnak, tout ça me redonne le moral et du dynamisme!

Sauf que... il me faut pour cela lutter face à des forces contraires, et non des moindres. Charlotte d'une part, qui résiste à ce changement [pardi! elle veut me garder!], et nathalie d'autre part qui m'a encouragé à ne pas bouleverser ma vie et à revenir vers Charlotte [pourquoi? je n'ai toujours pas bien compris...]. Mes deux amours me contrarient [oh les vilaines!]. D'une certaine façon c'est très bien parce que je m'émancipe de leur avis en suivant le mien, mais d'un autre coté cela me place à contre-courant [oh hisse, souquez ferme...]. Je me trouve privé de mes "soutiens", et dois en outre aller contre leur avis [heureusement que d'autres prennent le relais...]. Avouez que ça ne simplifie pas ma démarche, déjà lourdement apesantie par mes peurs. Et c'est la principale raison qui fait qu'il m'arrive de leur en vouloir superficiellement [grrrr...]. Quand je suis contrarié dans mes élans, qu'on veut me faire penser "à l'envers", c'est ce qui se passe.

Alors parfois je ronchonne interieurement devant l'absurdité de la situation: 
Charlotte voulait divorcer mais ne le souhaite plus maintenant que je n'ai plus de contact avec nathalie.
Moi je ne voulais pas divorcer mais suis contraint de le faire si je veux vivre ma relation avec nathalie
Et nathalie a disparu du paysage et je ne sais pas où elle en est... [hé oh, du bateauuu...]

Entre Charlotte qui me dit «si tu recontactes nathalie ça me poussera à divorcer» et nathalie qui m'a prévenu «tu ne pourra me contacter que si tu es divorcé», je fais quoi, moi? Je n'ai la force de bouleverser ma vie que si c'est pour vivre quelque chose avec nathalie, mais il semble qu'elle n'accepterait de poursuivre que si j'ai préalablement changé de vie...

Eh... on va se mordre la queue pendant longtemps comme ça?


De toutes façons, maintenant je suis cuit: il faut que je sorte de ce tunnel par l'avant. Toute marche arrière serait désastreuse pour mon estime de moi et ce chaos aurait fait beaucoup de dégats pour pas grand chose.

Allez, courage, on continue!





«Être adulte , c'est savoir quitter et être quitté, sans drame et sans heurt»
(auteur inconnu)






Très dur...



Jeudi 11 novembre


Des jours, des semaines, des mois que je lutte et que je résiste plus ou moins bien. Dans mon dernier texte, parce que je m'efforce de rester positif, j'écrivais que je ne souffrais plus du manque. Je n'aurais pas dû... ce n'était qu'un état éphémère.
Depuis, ce manque n'a fait que reprendre de l'ampleur. Tout n'était qu'assoupi parce que je focalisais mon attention sur ce que je devais éclaircir de mes objectifs de vie. J'y suis parvenu pour une part, mais la suite s'annonce tout aussi complexe, si ce n'est plus. Il y est question de choses très bassement matérielles: l'argent. Et là, c'est une toute autre démarche, bien réelle et incontournable: sans argent, pas de projets. Ce qui semble encore repousser leur accomplissement. Alors voila, le temps des larmes est revenu, sporadiquement et en cachette. Et puis il suffit d'une photo pour me faire craquer complètement. Une photo symbolique et les mots qui l'accompagnent qui me font sombrer dans la pire des tristesse. Ecroulé, effondré, laminé, éparpillé. Et je pleure sans fin...

Tout ce que je vis ces derniers temps (remise en question de tous mes choix de vie simultanément) est particulièrement éprouvant et mon courage ne suffit pas. Je me sens très seul et personne de mon entourage ne peut partager, n'ayant rien vécu de comparable. J'atteins mes limites. C'est... très dur. 

La réalité m'oppose ses limites incontournables et... je ne sais plus que faire. Quels que soient mes choix, je n'ai pas d'argent pour les vivre dans l'immédiat. Et le temps passe... La femme que j'aime vit de l'autre côté de l'Atlantique mais des histoires d'argent m'empêchent de la rejoindre. Et ce temps nous éloigne, et le silence nous sépare, déchirant lentement notre lien.

Et je regarde ça, impuissant. C'est terrible.







Aimer la souffrance




Vendredi 12 novembre


Après un réveil en cauchemar ce matin (habituel, en pensant à la complexité matérielle de la situation dans laquelle je me trouve...), j'ai poursuivi la matinée par de longs moment de gros sanglots bouillonnants [ben oui hein... ça arrive même aux mecs de mon âge]. Incapable de m'arrêter durablement, je pensais encore à cette coupure avec mon amie lointaine. Non seulement mon amour est devenu inaccessible, mais l'amie qu'elle était a disparu avec. Je crois que ce n'est que maintenant que je le réalise, un mois après notre ultime contact téléphonique. C'est si long, un mois...

J'ai l'impression que nous sommes en train de nous trahir mutuellement. Alors que nous avions pris d'infinies précautions pour nous approcher très prudemment, il y a quatre ans, nous apprivoiser en ouvrant lentement nos pensées fragiles et notre ultrasensibilité vis à vis de la confiance donnée à autrui, voila qu'en quelques semaines nous concrétisons le pire de ce que nous craignions. Un vrai saccage, avec repli sur soi, blessures des mots et des silences. Je sais déjà que si nous devions perdre vraiment le contact les séquelles seraient terribles. Pour moi, et probablement pour nathalie aussi. Je me demande si je saurai de nouveau accorder à qui que ce soit cette confiance que j'espérais depuis tant d'années. Il y aura toujours une peur qu'elle cesse un jour. La peur de la souffrance.

Alors cette fois je me suis décidé, après plusieurs hésitations durant les dernières semaines. Si nathalie ne peut me donner son amour ni son amitié (trop touchée elle se replie dans sa bulle...), moi je peux continuer à le faire. Je peux accepter son silence, mais pas qu'elle m'impose le mien. Ma parole m'appartient; tout comme mon désir de ne pas couper le lien. En retenant mes envies pour respecter ses désirs (et ceux de Charlotte...), je ne me suis pas respecté et j'ai fini par lui en vouloir de ce silence imposé. C'était contre-nature, pour moi. Son silence absolu lui appartient, mais n'est pas le mien. Et elle reste libre de me lire ou pas... Ainsi chacun se respecte. D'ailleurs, je crois que j'avais déjà écrit ça il y a quelques temps, non? Mais je n'ai pas osé la contrarier quand elle m'a refroidi juste après...
Le silence ne construit rien. Il oublie. Il désagrège. Il détruit. L'isolement et le repliement sur soi agit de même. Les laisser s'installer c'est assurément saborder l'avenir. Je n'ai plus rien à perdre à agir selon ce que je crois, car je sais que le silence total tuerait notre relation. L'amour a besoin d'être nourri. Au moins unilatéralement.

Mais les mots aussi peuvent détruire le lien...

J'ai compris une chose bien importante ce matin: je dois cesser de me regarder le nombril (regarder ma souffrance). Au lieu de voir un amour et une amie qui m'abandonnent, je peux voir mon amie, mon amour, qui souffre et s'isole.
Je peux l'aimer dans sa souffrance, plutôt que souffrir de son amour qui me manque.
L'aimer avec sa douleur plutôt qu'"aimer" ma douleur...

Honnêtement, je m'aime davantage en l'aimant qu'en souffrant. En donnant qu'en attendant...


Tout ce que je connais d'elle peut me permettre de lui rappeller la confiance qui nous liait. Ma confiance en elle, et en nous. Je sais un peu comment elle réagit dans pareilles circonstances, les blessures que cela ravive, et je peux tenter de rester présent, discrètement et sans rien attendre en retour.

Je veux faire ça pour nous. Parce que, définitivement, je ne peux cesser d'y croire.
Je n'ai pas d'avenir heureux sans ce "nous".






Coup de fouet




Mardi 16 novembre


Imaginons...

Une femme. Elle marche sur un sentier qui s'est enfoncé dans une forêt sombre, elle est mal. Elle avance sans se retourner, elle fuit l'homme qu'elle aime et qui l'aime, parce que leur amour est devenu trop compliqué à vivre. Derrière elle, attaché par une courte corde, l'homme essaie maladroitement de la suivre, de lui parler, de la toucher.

La femme refuse, demande le silence et fait la sourde oreille. Elle veut ne plus entendre, ne plus parler, ne plus voir, rester seule. Elle voudrait détacher le lien que l'homme ne veut pas couper. Mais lui ne comprend pas, cherche encore et encore à lui parler. Il utilise tous les tons: gentil, triste, encourageant, découragé. Il essaie de s'expliquer et de comprendre. Mais il n'y a rien à comprendre. Un rêve est brisé. Elle n'y croit plus, elle a trop mal et veut rester seule. C'est tout.

Parfois, obéissant à la femme qui lui demande de rebrousser chemin, il s'arrête brutalement. Mais la corde se tend et le tire en avant. Il ne veut pas trancher le lien. Trop près d'elle, il oppresse probablement la femme. Il laisse parfois la corde s'allonger, mais elle avance toujours, s'éloigne en silence. L'homme pressent qu'elle n'aura probablement pas la force de tenir ce qu'il a pris pour une promesse. Il craint qu'elle regrette ses mots trop vite prononcés, devine que le jour venu cela n'aura plus aucun sens. Qu'elle sera partie trop loin.

Alors par peur de la perdre, il revient vite. Sa peur l'aveugle. Il n'a pas compris qu'elle souffre.

De temps en temps, dans sa course, la femme entraine des branches qui se détendent sur le visage de l'homme et le giflent. Il tombe, puis inlassablement se relève et continue. Epuisé, titubant, désorienté, il suit toujours sans comprendre vers où elle fuit. Ou au contraire, comprenant trop bien...
Il se sent qu'ils s'éloignent, et redoute de la voir disparaitre dans cette vaste forêt qu'ils arpentaient autrefois ensemble. Il essaie encore de lui parler, de maintenir ce lien qui se distend. Un petit chat sur le bord du chemin lui redonne confiance et il commence à s'habituer au silence. Et puis soudain une fine branche accrochée par la femme lui cingle en plein visage et le fouette jusqu'au sang. Coupe sa chair comme une lame. La douleur est fulgurante, le terrasse. Il s'écroule.

Alors en peu de temps tout change pour l'homme dans sa perception des choses. Il comprend qu'il ne peut suivre d'aussi près celle qui fuit et le blesse. Il ne veut plus avoir aussi mal, ni s'épuiser en allant vers une direction où il devine qu'il n'aura plus de place. Il sait que là où elle va il n'y a pas d'issue pour deux et que le lien finira par s'arracher en causant une déchirure. Il ne veut plus dépendre des choix de celle qui, redevenue solitaire, n'est désormais plus un guide et l'égare loin de lui-même. Alors, au lieu de laisser partir à tout jamais la femme dans sa douleur sourde, il comprend qu'il peut tenter de l'aider. Il laisse la corde s'allonger, filer autant que nécessaire, mais ne lâche pas. Il veut l'accompagner en restant à distance. A coté, ou devant. Mais pas trop près, ni derrière. Plus jamais derrière. Il ne veut plus donner à quiconque un pouvoir sur lui. Il ne suivra plus un chemin qui n'est pas le sien.

Ainsi l'homme retrouve sa dignité. En luttant contre ses démons et ses peurs il ranime sa force intérieure. Il se ressource et se souvient...  Il a compris que son tour était venu de guider la femme perdue. Lui proposer d'autres chemins que ceux qu'elle envisage. Il reste présent, sans plus rien demander. Laisse sa liberté à la femme blessée redevenue sauvage. Il va juste lui parler, doucement, lui murmurer des paroles encourageantes. Restaurer la confiance, apprivoiser de nouveau. Il ne veut pas la laisser tomber, parce qu'elle vaut bien mieux que ce qu'elle croit. Il croit en celle qui ne croit pas. Il a confiance et sait qu'à eux deux, en unissant des forces complémentaires, ils peuvent explorer des territoires bien plus loin que s'ils restent seuls.

L'homme ose prendre sa place, se déterminer et choisir seul son chemin. Il cesse de se comporter comme un enfant docile. Le coup de fouet ne laissera pas de traces, mais l'aura fait réagir. Et c'est ce qu'il fallait.



Histoire imaginaire... ou pas?
C'est en tous cas ainsi que je le vois et en tire une leçon de vie.




Le mur de la peur



Mercredi 17 novembre


Hormis l'épisode déterminant du "coup de fouet", je suis resté plutôt silencieux ces derniers temps en ce qui concerne l'évolution de la situation. Comme bien souvent, mon silence exprime une surabondance d'éléments nouveaux. Tout arrive trop vite et je me vois incapable de faire le tri. Alors je laisse passer du temps pour qu'il soit plus aisé de parler de ce qui est déterminant. Et puis je voulais m'assurer que tout s'installait bien.


Je ne sais pas trop pourquoi je raconte par le détail ce qui m'arrive. Ça ne m'apporte rien, puisque je ne fais que relater des faits. Peut-être... donner une certaine "matérialité"? M'engager devant témoins? Me couper toute possibilité de recul, comme lorsque je dévoile à Charlotte les arcanes de ma pensée? A chaque fois que je "m'engage" avec des mots, je ne peux les retirer. Ils sont posés et contrarient tout retour en arrière. Je crois que c'est un peu ce que je tiens à faire ici.


En fait, depuis quelques semaines je me focalisais sur une date: 12 novembre. C'était il y a un an, lorsque Charlotte avait finalement décidé de ne plus accepter ma relation parallèle. Elle m'avait demandé de choisir et le cauchemar commençait (le sien avait commencé avant...). Un an de tergiversations, de souffrance, d'hyperémotivité, de vie trop intense pour être vraiment de la vie. Très riche, mais souvent très douloureux aussi. Alors je voulais que quelque chose se décide pour cette date [les dates symboliques sont des balises qui m'aident à prendre des décisions], qui coincidait avec celle des trois mois écoulés depuis son ultime ultimatum. Le jour où nathalie a commencé à ne plus y croire...

A ce moment là, en acceptant partiellement les conditions de Charlotte, j'avais permis de faire baisser la tension. Je ne regrette pas ce choix de l'apaisement, quoi qu'il ait pu en coûter pour ma relation avec nathalie [j'ai fait ce que j'ai pensé bon de faire, et elle s'est déterminée de même]. C'était pour moi une question de fidélité à ma relation d'amitié conjugale, d'engagement mené jusqu'au plus loin. Je ne pouvais ni ne voulais faire moins, question d'éthique personnelle [non dénuée de peur du conflit, j'en conviens]. Rapidement s'est confirmé que ce qui était éteint dans notre couple ne reviendrait pas. Il aura pourtant fallu encore beaucoup de discussions avec Charlotte pour que nous parvenions à un accord librement et mutuellement consenti. Celui-ci s'est peu à peu concrétisé, dans un mélange de complicité inattendue et de prise de distance intime. Il fallait bien se rendre à l'évidence: nous ne pouvions plus continuer, nos désirs avaient divergé. Charlotte a fini par l'accepter, n'espérant plus me voir changer d'avis. Elle semble même le souhaiter maintenant, réalisant combien une part d'elle ne peut exister à cause de l'inertie de nos blocages respectifs. J'ai ressenti un apaisement à voir enfin les choses se préciser sans rancune l'un vis à vis de l'autre.

J'en étais là depuis quelques temps lorsque j'ai mesuré toute l'importance des autres complications prévues. Une prise de conscience qui aurait dû précéder toute ma démarche: cette foutue dépendance financière me maintenait "prisonnier" [en fait c'est quelque chose d'autre, en amont, qui m'emprisonne, j'y reviendrai plus loin]. Mais bon... les choses se sont faites selon un certain ordre et c'est la relation amoureuse qui a d'abord bouleversé ma vie.

J'entendais bien me consacrer pleinement à cet aspect matériel de mon indépendance dès que j'aurais moins de travail, mais il y avait un autre problème qui m'inquiétait beaucoup plus: nathalie semblait s'éloigner. Tout m'indiquait [vision pessimiste ou réelle intuition?] qu'elle était en train de tirer un trait. A chaque fois que j'avais voulu être rassuré, la réponse avait été plus inquiétante encore. Les mots choisis dans ses textes me semblaient être de plus en plus fatalistes. Le long délai de réflexion qu'elle m'avait initialement accordé, que j'avais pris pour un cadeau inestimable... paraissait s'évanouir [c'est compréhensible, il y a des limites à la résistance et à la confiance dans l'avenir]. Elle m'avait assez rapidement dit que j'attachais trop d'importance à cette échéance, puis un peu plus tard que tout cela avait été dit «pour que ce soit moins difficile de reprendre l'avion». Bref, mon inquiétude me bouffait et son silence n'avait rien de rassurant. Alors faire toute cette démarche de libération et risquer de ne trouver plus personne au bout me faisait vraiment très peur. Ma confiance en elle n'était-elle pas une illusion? Un refus de voir la réalité en face? Plus j'avançais et plus je ralentissais, finissant par piétiner sur place, bloqué par cette peur. Il y avait comme un mur de peur et je me demandais comment je parviendrais à le franchir "seul". Or nathalie m'avait demandé le silence...

Je ne voyais pas d'issue. Je n'osais pas me lancer dans le vide [depuis le temps que j'emploie cette image...] tout en sachant qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Il fallait que je me sorte de ça, que j'avance, que j'ose! C'est par l'écoute de mes émotions que j'ai pu progresser, sachant vers quoi allaient mes désirs et où me retenaient mes satanées peurs. J'avais décidé de ne plus les écouter, de ne pas leur laisser prendre de l'importance, et au contraire de faire confiance à mes envies. Bon... ça marchait plus ou moins bien. Chaque pas en avant était refroidi par ces foutues peurs. Et surtout celle de perdre nathalie. Mais ça avancait quand même. Lentement... [avec moi, c'est toujours lent, n'est-ce pas?]

Et puis il y a eu ce coup de fouet qui a tout débloqué. L'idée de coupure a déclenché une déferlante émotionnelle sans ambiguité: je ne pouvais me résigner à laisser perdre ma relation avec nathalie. C'était bien trop fort, plein de désirs et de promesses. C'était mon bonheur de vivre qui était là en jeu, LE tournant décisif de mon parcours de vie. D'ailleurs, c'est bien dans ce sens qu'allaient toutes mes réflexions, depuis toujours.

Passé le choc, c'est tout un mécanisme de pensée nouveau qui s'est mis en place. La peur de la perdre m'a envahi et submergé... mais m'a aussi fouetté le sang. J'aurais pu renoncer, mais c'est l'envie d'avancer plus vite, plus loin, qui a pris le dessus. Une nuit a passé et au réveil j'étais décidé: que nathalie soit encore là ou pas [impossible de le savoir...], tant pis, j'avance! Je décide d'opter définitivement pour la séparation d'avec Charlotte, de concrétiser malgré la frousse, malgré la tristesse prévisible. Plus de temps à perdre. Plus le temps d'attendre que tout soit correct, rassurant, solidifié. Plus le temps de différer. Car finalement il y n'y avait qu'une chose vraiment importante dans l'acceptation euh... le choix [assumons...] de suspendre ma relation avec nathalie: que la confiance entre Charlotte et moi soit restaurée. C'est désormais le cas, alors il était temps d'agir. Une nouvelle urgence se manifestait: ne pas laisser nathalie ne plus croire en nous sans réagir.

J'ai décidé de ne plus laisser mes peurs entretenir le doute. J'écouterai seulement ce qui en moi dirait «oui» a l'envie d'avancer. Plus de place pour le doute, la décision est prise et je m'y tiens fermement. C'était samedi dernier, et j'ai immédiatement retrouvé une très grande forme. Encore seul durant deux jours j'ai pu bien conforter mes convictions. Depuis, des peurs ont bien ressurgi mais ma décision est prise de ne plus les écouter et de suivre le chemin décidé [mouais... faut parfois s'accrocher, mais ça marche pas trop mal] .


Avec Charlotte nous continuons donc à aller dans le sens qui se précisait. Nous savons maintenant que la séparation est inéluctable, notamment pour tous un tas de raisons qui sont apparues récemment [attendez, j'y reviendrai, j'vous dis...]. Il y a pas mal de moments d'émotion, avec une nostalgie de nos premiers moments de bonheur d'amoureux qui remontent... Il y a de l'inquiétude face à cet avenir de vies séparées. Mais il y a aussi comme un soulagement. Un plaisir certain à imaginer la liberté que cela nous donnera. Et pour moi une envie de me frotter à la réalité. Cette complicité dans la séparation est presque étonnante. Je ne sais pas si elle durera, mais elle correspond tout à fait à ce que j'espérais. Et cela n'a pu se produire que parce que la relation avec nathalie n'interfère plus en direct.

Je suis parfois un peu triste, mais le sentiment de choisir mon avenir me procure aussi une grande satisfaction. Sortir des tergiversations pour aller dans la direction que je souhaitais installe une sensation de bien-être euphorisante. C'est motivant. J'ai toujours le sourire lorsque quelque chose entre nous se décide dans le sens de mes envies.

J'ai quand même eu les mains qui tremblaient un peu en appelant un avocat pour prendre rendez-vous pour la séparation... Je tenais à faire la démarche moi-même. Charlotte était en face de moi, nous étions d'accord.

Car le temps des grandes décisions, du passage à l'acte, est venu.





Justement... revenons un peu sur ce passage à l'acte. C'est ce que je voulais approfondir par mes petites remarques entre crochets.

Ce que j'ai compris [mouais, faut pas être grand devin pour ça...], c'est que la vraie raison qui me retenait dans ma libération, si je vais au fond des choses, c'est... la peur [tiens, tiens il me semble déjà avoir employé ce mot là ces derniers temps...].

S'il y avait bien un réel désir que tout se passe au mieux avec Charlotte [par peur qu'elle me rejette?], il y avait surtout une panique générale à l'idée de changer de vie. Parce que pour cela je dois affronter une multitude de peurs, alors que toute ma vie a été orientée de façon à les éviter: je travaille seul (peur de la complication des relations de travail...), j'habite relativement loin de tout (évitement du contact humain), n'ai pas vraiment d'amis (peur de... je ne sais quoi). En fait, tout se résume à une chose: la peur des autres. Oui oui, j'ai peur des autres! [bouh!] Anxiété sociale, ou phobie sociale, comme on dit. Oh, ce n'est pas tellement visible puisque je sais rester courtois, poli, gentil [ah ça oui...] mais toujours un peu à distance. Pas de réelle implication. Et surtout évitement préférentiel de toute situation de confrontation ou d'évaluation.

C'est en constatant mon inertie pour sortir de ma dépendance financière que cette peur des autres s'est rappelée à mon souvenir. Et si je sais depuis longtemps que ma dépendance financière est un frein à ma liberté, j'ai laissé aller en arguant de toute sorte de "bons" prétextes pour ne pas affronter ma peur des autres. J'ai la frousse de me relancer sur le marché du travail. De devoir postuler à des emplois où je serai évalué, jaugé. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de l'échec.

Franchement... ça m'angoissait de devoir affronter tout ça. Ne serait-ce que de me présenter dans une agence de travail intérimaire... Je me dressais une montagne d'éventualités toutes plus négatives les unes que les autres pour me persuader que je ne ferai pas l'affaire, ou que ça ne collerait pas avec mon activité professionnelle.
Merde! et c'est à cause de ça que je ne suis pas capable de me libérer? Mais c'est dingue!

Mon courage [pfff, tu parles...] reste dans les mots, mais passe difficilement la barrière des actes. Je ne m'en étais pas vraiment rendu compte jusqu'à présent, trop affairé à affronter d'autre peurs (de la solitude, de l'abandon, de la culpabilité, de l'inconnu...). Et en fait, maintenant que j'ai repoussé nombre de peurs à coup de raisonnement, de convictions et de réflexions sur la morale... et bien me voila devant ce mur de la peur, brut, net, lisse: j'ai peur d'affronter le regard d'autrui. J'ai peur d'oser être moi en face des autres. Oui, je sais, c'est pas nouveau. Mais je ne pensais pas que c'était aussi étendu.

Bon, il y a aussi la peur du changement (changer de métier, peut-être quitter ma maison, vendre une partie de nos biens... euh... éventuellement partir... loin). Mais tout ça me semble plus facilement surmontable. Presque stimulant. C'est l'ensemble qui a un coté assez inquiétant et particulièrement déstabilisant. Mais bon, la stabilité est-elle une fin en soi?

Maintenant que j'en ai pris conscience, je sais que je vais devoir m'attaquer à cette peur protéiforme. Pas question de me laisser dominer par ce genre de craintes puériles. D'ailleurs, ce n'est qu'une variante de ce sur quoi je travaille depuis des années. N'est-ce pas même le sens de ma quête: oser être moi, donc ne plus avoir peur du regard des autres à mon égard. Ben oui, c'est ça devenir adulte...

Et c'est bien ce que je "travaillais" avec nathalie, depuis quatre ans. Sauf que je n'étais manifestement pas prêt. Pas encore assez audacieux. Pas assez moi-même en face d'elle. Peut-être que cette séparation sera le coup de pouce nécessaire?

Voila, c'est en me rendant compte de ces peurs qui me retenaient prisonnier que j'ai décidé de les affronter, toutes. Pour ça que j'ai appelé l'avocat sans plus tarder...
Demain, agence d'intérim.

Avancer pas à pas, étape par étape, plutôt que de regarder un ensemble de choses qui paraissent insurmontables. Et finalement, ça n'est certainement pas si difficile que ça de changer de vie...






Croire en soi




Jeudi 18 novembre


Bah... peut-être que c'est trop tard. Peut-être qu'elle a vraiment mis notre relation au passé, comme une belle histoire terminée. Peut-être même que tous ses sentiments à mon égard ont disparu, qu'elle ne m'aime plus?
Et puis... je ne serai peut-être même pas capable d'affronter tout ce que je veux. Je n'aurais pas le courage. Et en plus... je risque de me retrouver tout seul, sans Charlotte ni nathalie. Et puis financièrement dans la merde. Alors à quoi bon continuer?


Voila, on appelle ça la pensée négative. Ou la pensée perdante.
L'autre façon de penser, c'est ça:

Je ne sais pas où en est nathalie, mais j'ai envie de faire tout ce qui est en mon possible pour la retrouver. J'ai envie d'y croire, ça me porte, ça me donne du courage. Je me souviens de tout ce qu'on s'est dit et je garde confiance. Et puis... si jamais elle n'est plus là le jour où je serai enfin libre, et bien tant pis, je serai devenu moi-même, aurais été fidèle à mes désirs, fort de tout ce chemin parcouru.
De toutes façons, je crois en mes capacités et je saurai toujours m'adapter à des situations nouvelles.


La première méthode a l'immense avantage d'éviter de chercher à déplier ses ailes. Et le non moins appréciable de couper toute possibilité évolutive. En revanche la seconde présente l'horrible inconvénient de devoir se bouger le cul. Et le risque effroyable de parvenir à ce qu'on souhaite!



A l'évidence, si je veux me donner la chance de vivre (ou revivre) mon bonheur, je dois m'en donner les moyens. Y croire est le meilleur et, pour tout dire, le seul. Si je veux espérer retrouver ma complicité avec nathalie, je dois croire que c'est possible. Faire comme si ça se réalisera. Tout en gardant à l'esprit que je ne maîtrise que ma part des choses, et n'ai aucun moyen d'action sur ce qui vient d'elle.

Voila, le parfait petit manuel de celui qui croit en lui.


«Croire en soi...». C'est la dernière phrase prononcée par ma psy, restée en suspension comme si elle me laissait toute lattitude d'en faire ce que j'en veux. Elle synthétisait ce que je lui avais énoncé durant ma séance: peur des autres, peur de me lancer, peur de grandir... peur, peur, peur... Comme d'habitude, quoi.

Je lui disais cette impression d'être maintenant acculé devant le mur de mes peurs, sans possibilité d'évitement ni de repli puisque ayant coupé mes arrières. "Au pied du mur". L'expression convient parfaitement.

La psy m'a demandé quelle était vraiment ma peur. 
Celle de "tout perdre": les femmes que j'aime, donc ma joie de vivre, donc toute énergie combative. «Peur de finir sous les ponts?», m'a t'elle demandé. Oui, c'est exactement ça. Peur de finir dans une déchéance après avoir passé autant d'énergie à me retrouver... si loin de mes désirs. Plonger en dépression en ayant "tout perdu". Puis je me suis repris: non, je ne finirai pas sous les ponts, parce que j'ai quand même des compétences, une volonté. Je saurai m'en sortir... Elle a souri. Et je me suis rendu compte que de dire cette peur la rendait finalement très exagérée.

En fait, en analysant un peu plus en détail, j'ai compris qu'il ne s'agissait pas seulement d'une peur des autres, mais surtout de celle des rapports conflictuels, ou de force, ou de domination. Ma hantise! Forcément, en tant que "gentil", j'ai toujours cette crainte de ne pas oser m'affirmer. Me frotter aux autres, c'est prendre le risque de me trouver pris par la peur de ne pas être moi. Alors j'évite les autres... Ah ben c'est malin! J'ai évité et maintenant que je dois m'y confronter j'ai encore plus peur! Merde (tabarnak), c'est à cause de cet évitement que je n'ai pas été capable de m'assumer et de faire confiance en mes possibilités de "rebondir" vers une nouvelle vie.

Pfff, en fait tout est confondu là dedans: peur d'une évolution conflictuelle dans ma relation avec Charlotte et peur de me lancer "seul", et dépendance financière. Je ne saurais dire lequel des trois l'aura emporté. Les trois conjointement, probablement.



Ce qui est certain, c'est que ce qui s'est passé ne pouvait être autrement. Je n'étais pas prêt [vouais, je me répète, mais c'est pour éviter la culpabilisation...]. Pour ce qui s'est passé ensuite (la mise sur "pause" de ma relation avec nathalie), ça m'a largement échappé. Je ne peux donc pas agir là dessus.

Et puis honnêtement, c'est très bien. Très dur, certes, mais très bien. Obligé de me déterminer tout seul, de bien savoir ce que je veux vraiment. Et si je la ressens parfois comme atrocement douloureuse, je sais que cette solitude décisionnelle me sera bénéfique. Si je réussis à franchir ça tout seul, je pourrai être fier de moi. J'aurai osé croire en moi et n'en serai que plus fort.

Il y a une chose que j'ai comprise en parlant avec mon amie Inès: je n'ai jamais eu de regrets pour ce qui s'est passé. Même si mon couple éclate, même si ma relation avec nathalie me semble parfois compromise [tsss, elle doit se marrer à me voir élucubrer mes craintes et mes espoirs dans le noir absolu...], et bien je ne regrette rien de ce que j'ai fait. Non, je ne regrette pas d'avoir temporisé ma relation avec elle, même si j'ai énormément souffert des conséquences. Même si le manque de sa présence et l'irruption de souvenirs me noue encore bien souvent la gorge. J'ai fait ce que je pouvais, comme je le pouvais, en fonction de ce que j'étais à ce moment là. Et c'est très bien.

Euh... hem... si je n'ai jamais eu de regrets... pourquoi donc garder des peurs? [hé hé, futée la question, hein?]
J'en ai surmonté des peurs, j'en ai franchi des barrières "insurmontables", j'en ai fait des choses "impossibles"... et je ne les ai jamais regrettées! Au contraire, j'en suis fier. Et cela m'a permis de vivre de vrais moments de bonheur qui illumineront le reste de mon existence.

Alors bien noter ça: je n'ai jamais regretté d'avoir surmonté une peur.

[Alors pourquoi t'as encore peur, andouille?].




Compte rendu de la visite dans deux agences d'intérim: J'avais raison d'avoir peur. Dans la première, on m'a dit que j'étais un nul, un incapable, et on m'a sorti à coup de balais. Dans la seconde, l'hotesse m'a mordu tandis que son acolyte me tapait dessus à coup de gourdin ...

Euh... non, en fait on m'a aimablement conseillé en fonction des spécificités de ma situation de travailleur indépendant. Je pourrais travailler en "trois-huit", ce qui me laisserait des plages de disponibilité pour continuer à exercer ma profession. Mouais... tout simple en fait... même si je ne dois pas m'attendre à des miracles coté intérêt du travail. Ça me laissera le temps de trouver mieux ensuite tout en résolvant ce délicat problème de la dépendance financière.

Prochain petit pas: rédiger mon curriculum vitae







Grain de folie et rêves qui poussent




Vendredi 19 novembre


Suite aux questions d'un lecteur, à divers commentaires des gens qui suivent mes tribulations et me font part de leur avis, et surtout à mes cauchemars récurrents du réveil, je dois préciser quelques éléments.

Ouais, ce vers quoi je me lance est assez fou. Envisager de "tout quitter" (terme abusif, mais commodément évocateur...) est déjà un peu dingue. Mais quand c'est pour aller vers l'inconnu, vers un désir sans avoir d'autre certitude que la confiance en ce qui a existé, là ça peut passer carrément pour de l'inconscience.

Je vous rassure tout de suite: c'en est. Je n'ai évidemment pas conscience de toutes les répercussions de ma démarche. Quand j'y pense à ces moments bien particulier d'hyperconscience de l'endormissement ou du réveil, j'ai des bouffées de sueurs froides, une oppression terrible en me disant «je suis fou!». J'en viens même à évoquer des «Mon Dieu... mon Dieu!» désemparés, très surprenants et pas du tout dans mon registre de conviction ni d'expression. Bizarre...
Franchement, c'est très très flippant.

Il serait si "facile" de dire: «j'arrête tout». Ouais, sauf que c'est trop tard maintenant. J'ai tout fait pour que ce soit trop tard. Et puis arrêter quoi? Chaque fois que j'envisage cette éventualité, c'est la tristesse qui m'envahit, le refus du renoncement à ce en quoi j'ai cru. Il y a comme une "force", une évidence qui m'anime, qui me pousse à me surpasser. Pour ça que ça me lamine d'ailleurs: j'ai pas vraiment la résistance et la force pour ce genre d'audace.

Je vous assure que parfois c'est épouvantable cette angoisse qui me prend. Comme si j'avais des moments de lucidité soudaine. Je ne sais pas trop comment réagir face à ces sonnettes d'alarme, mais y accorde beaucoup d'attention. Et si par hasard ces jours là quelqu'un pointe sur les risques que je prends, alors ouille, ça fait mal. Mes peurs m'assaillent et me submergent. Heureusement, je sais que ça ne dure pas. Revient toujours cette "force tranquille", cette assurance que je fais la bonne chose, que je me donne des chances de vivre ce qui me mène vers ce "moi" qui a du mal à s'épanouir. C'est ma force future que je construis en ce moment.


Ce qui se précise quand même au fil des jours, et surtout depuis le "coup de fouet", c'est que c'est bien pour moi que j'entreprends tout ça. Je me donne les moyens de ma liberté avant tout. J'ai longtemps espéré que je retrouverai nathalie, certes, mais je ne peux plus compter dessus. La déception aurait été trop terrible en cas de refus de sa part. C'est un peu surprenant, mais d'un coup de ciseau je crois qu'elle a coupé le lien de dépendance. Peut-être même beaucoup plus que ça...

Je précise que tout ce que j'énonce est en cours d'intégration. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut des déclics de déclenchement, mais ensuite du temps d'intégration. Je vais même vous faire une confidence: il m'arrive souvent d'écrire, mettre en ligne, puis penser complètement à l'envers une fois que c'est fait. L'impression de m'être trompé moi-même, de m'être écouté sans réfléchir à la portée de ce que je publiais. D'avoir rêvé en public... Sensation de vertige, de nausée, de peur en voyant de quoi je me crois capable sans en avoir la force. Et puis ça finit par passer, j'intègre, je retrouve le courage de ce que j'ai écrit. Comme si de l'avoir écrit posait un jalon sur lequel je pouvais vraiment m'appuyer ensuite. Je jette un pavé dans l'eau trouble, puis peux poser une planche dessus et avancer.

Je suis convaincu que sans ce journal je n'en serai pas là. Je n'aurais pas pu aller aussi loin. Je n'aurais pas pu intégrer aussi fortement ce que je rabache à longueur de pages.

J'en viens même à me demander si parfois cette vie écrite, cette presque "autre vie" ne viendrait pas prendre la place de la "vraie" vie. Si à force de vouloir aller plus loin dans la vraie vie grâce aux bienfaits de cette écriture cette dernière n'influencerait pas le cours de ma vie.

Ouch, c'est compliqué à suivre là, non?

Je veux dire par là que de me pousser à vivre mes rêves en les écrivant fait que... je finis par vivre ce que j'écris. Par exemple, lorsque j'écrivais toutes les bonnes raisons qui me poussaient à rencontrer nathalie, elles finissaient par devenir tellement évidentes que je trouvais la force de vivre l'incroyable. Et là, maintenant, c'est un peu la même chose qui se passe: je me lance vers un truc assez époustouflant parce que mes écrits transcrivent mes désirs profonds, donc leur donne corps, force de conviction qui se mue en force d'action.

Vous avez suivi?

Bon, si je rêve d'aller sur la lune c'est pas sûr que le système fonctionne...
Ça tombe bien, j'ai pas envie d'aller sur la lune.
Seulement celle d'aller au Québec...


Il y a quand même un vertige de la pensée: et si j'étais vraiment un peu fêlé? Et si j'étais devenu un de ces cyber-depéndants qui ne distinguent plus le monde virtuel et le monde réel? Et si un jour je tombais de haut parce que la réalité est incompatible avec mes illusions? Eurf... encore un coup tordu de ma raison qui s'associe avec mes peurs pour me déstabiliser. Oui? non?

J'arrête, sinon vous allez vraiment me prendre pour un fou...







Flammes vacillantes





Dimanche 21 novembre
[18h00]

Très belle journée de milieu d'automne, douce en ensoleillée. Certains arbres sont déjà nus alors que d'autres gardent des feuilles qui n'en finissent pas de brunir. L'herbe des prairies commence à jaunir après les fortes gelées qui sont survenues brutalement. J'ai profité de ce temps splendide pour travailler (très modérément) dans le jardin, et marcher dans la campagne. Changer d'air, m'aérer la tête, retrouver une vie apaisée. Me ressourcer en énergie naturelle.

Depuis quelques jours le moral oscille mais va fréquemment bien mieux. Je ne sais pas bien ce qui opère dans ma tête, mais je sais que ça évolue dans le bon sens. Les moments de pensées négatives semblent s'espacer et faire place à des temps de bien-être. Et même d'une certaine joie. Je ressens le plaisir de la compréhension de l'autre, de l'ouverture, de la compassion sincère. Impression indéfinissable, mais qui installe le sourire dans les pensées.

Car le temps passe et la déchirure se cicatrise. C'est intéressant, d'ailleurs, d'observer par quel processus s'effectue l'acceptation de ce qui paraissait inadmissible. D'abord l'hébétude. Ne plus rien comprendre, et être dépassé par ce qui survient. Ensuite le chagrin insondable, le gouffre, l'amputation, le vide. Une absence terrifiante qui envahit toute l'existence. Puis vient le moment de la révolte, de la colère. Contre tout et tous. Le cri désaccordé devant l'injustice qui est faite, par la vie, par l'autre perçu si soudainement différent. L'incompréhension totale, les remises en question stériles, la recherche des erreurs commises. Gesticulation qui traduit le trouble et le désarroi.
Toutes ces phases s'intercalant alternativement, se chevauchant, s'annulant puis revenant en force.

Finalement l'acceptation vient par étincelles. De plus en plus fréquentes malgré les sursauts de révolte. D'abord par résignation, abandon de la lutte. C'est une fausse solution... Et puis ce sont comme des flammes qui s'allument, vacillantes au départ, mais qui peu à peu prennent de l'ampleur. C'est alors une énergie nouvelle qui réchauffe le coeur.

S'ouvrir à l'autre. Chercher à comprendre le sens de ses actions. Se souvenir, retrouver la confiance intime. Celle qui, batie au cours des années reste solide et inébranlable. Celle qui était à l'origine, celle qui est d'amitié. Car l'amour est trop fragile quand il est blessé, et déchire en voulant se protéger.

Je découvre (redécouvre...) cette forme d'amour entier, qui ne demande ni n'attend plus rien. Cet amour qui prend l'autre tel qu'il est, sans chercher en lui quelque chose de rassurant. C'est mon petit égo blessé qui m'a fait réagir en crises de larmes ou de colère, ma souffrance qui a initié de la rancune...
Mais il y a un autre amour, pétri d'humanitude, qui s'ouvre vers l'autre. Vers la personne aimée. Un amour qui accepte la différence. L'être aimé vu pour ce qu'il est, non pour ce qu'il ne m'apporte plus.

Et cette façon d'aimer, aux antipodes de l'amour-demandeur, procure une douce plénitude. Dans les mêmes proportion que la douleur ressentie lorsque la demande reste inassouvie. Il m'aura fallu cette épreuve de la séparation pour vraiment l'assimiler...

Et lorsque j'y parviens (ça se fait tout seul, mais n'est pas un état permanent), je ressens une chaleur intérieure qui me donne beaucoup de force. Et je m'aime en aimant de cette façon.


On dirait un prêchi-prêcha digne du catéchisme, mais c'est pourtant ainsi que je le ressens...








Destins et octets




Lundi 22 novembre


On aurait tort de se fier aux miracles de la technologie informatique. Un système devenu aussi courant que le courrier electronique est loin d'être un moyen de communication sans défaillances. Ce n'est pas la première fois que je finis par savoir que des messages ne me parviennent pas. Ce genre de mésaventure pourrait avoir des effets assez dérangeants.

Il y a quelques semaines, je recevais un message assez triste de ma mère, après que je n'ai pas répondu à un courriel précédent. Et pour cause... je ne l'avais jamais reçu. Je sentais dans son second message des traces d'amertume, avec des doutes nettement perceptibles sur mon empathie vis à vis de ses inquiétudes. Il avait alors fallu que je l'assure bien de ma bonne foi: non, je n'avais vraiment rien reçu.

Ce genre de mésaventure m'était arrivée avec mon amie Inès, du temps où notre relation était très proche. En cette circonstance une non-réponse de ma part avait été mal interprétée, causant beaucoup de tristesse. Certains courriers un peu délicats souffrent en effet mal d'une absence de retour.

C'est un peu ce qui s'est passé il y a quelques temps, avec un message dont la non-réponse pouvait laisser croire toute sorte de choses. Par chance, les évènements ont fait qu'une nouvelle tentative se justifiait et que cette fois le second message m'est bien parvenu. Mais il aurait pu être fort regrettable que cet autre message ne me parvienne pas...

Aujourd'hui, c'est un de mes collègues qui laisse un message vocal sur mon répondeur en faisant allusion à un mail qu'il m'a envoyé... et que je n'ai pas reçu. Là, ce n'est pas grave, quoique cette répétition devienne inquiétante. Mais imagine t-on quelles conséquences fâcheuses peut engendrer ce genre de disparition d'octets dans le cyber espace? Les histoires de lettres jamais parvenues à destination qui scellent des destins ont fait de tragiques sujets de roman. Je pense au "Manon des sources" de Pagnol, où une lettre qui se perd brise un amour, chacun interprétant l'absence de signe comme la fin de ce qui existait. Brrr, un vrai cauchemar!

Je... hem... j'imagine si un jour j'avais à faire parvenir une nouvelle importante qui demande réponse. Vous voyez, ce genre de contact qu'on peut chercher à renouer sans trop savoir comment faire. Le truc vachement déterminant, quoi... Et si un mauvais hasard faisait que justement ce message se perde. Et interpréter le silence comme un refus. Tssss, imaginez un peu le truc...

Moralité: ne jamais se fier à l'absence de réponse. 



D'ailleurs, il y aurait beaucoup à dire sur les mauvaise interprétations que l'on peut déduire du silence... On a vite fait d'imaginer de qu'on redoute le plus. Cela montre avec une certaine évidence une propension au doute, un manque de confiance en soi. Du manque de confiance en soi au manque de confiance en l'autre, il n'y a guère de différence. Car comment croire en l'autre si on ne croit pas en soi? Comment croire que l'autre croit en moi si moi-même je n'y crois pas? Je découvre, non sans quelque gène, que je suis loin d'être débarassé de ce genre de chose.

J'en apprécie d'autant plus les gens qui savent garder confiance en eux malgré les aléas.







Projections, transpositions et autres fantasmes




Jeudi 25 novembre


Un des nombreux avantages de la situation dans laquelle je me trouve est qu'elle me permet de mieux comprendre le fonctionnement de mes semblables. Et le mien, puisque je fais partie du même groupe social. J'ai ainsi découvert à quel point le phénomène de projection était fréquent. C'est à dire appliquer sur l'autre notre propre mode de fonctionnemment. Plaquer une image qui nous semble cohérente, niant ainsi la personnalité propre de l'individu que l'on ne comprend pas.

Selon les gens qui ont connaissance de ce que je vis (généralement par un très vague aperçu...), je passe pour un égoïste ou un gars courageux, un lâche ou un type plein d'attentions pour les autres. Pour les uns je suis plutôt méprisable (un de ces machos qui délaisse sa femme pour s'offrir un rajeunissement factice et illusoire), pour les autres je mérite des encouragements vis à vis de la démarche d'autonomisation que j'entreprends.

Je n'accorde plus beaucoup d'attention à tous les pisse-froid. Leur discours est toujours le même et les arguments invoqués tournent en rond. Je garde aussi une certaine prudence vis à vis de certains «fonce!!!» qui me semblent faire abstraction de tout un tas de complexités. S'écouter est une chose, mais prendre simultanément soin de l'entourage est pour moi une évidence incontourable. Tout simplement une forme d'amour et de respect. Je suis donc adepte d'une détermination qui prend son temps sans en perdre [le juste dosage entre des tendances contraires est très subjectif...]. 



En fait, ce genre de situation est un bon révélateur des peurs et des désirs des gens. Je vois ainsi la tendance au mouvement ou à l'immobilisme de ceux avec qui je communique. Les plus timorés me révèlent à leur insu leurs peurs enfouies en m'enjoignant de faire attention aux risques que je prends (remarques pas forcément injustifiées...). Ou bien, plus souvent, en se mettant à la place imaginée de «celles que je fais souffrir». Souffrances supposées, souvent très éloignées de ce qui m'en est dit par les intéressées.
Les plus ouverts au changement m'encouragent à écouter mes désirs, me parlent des regrets à venir si je ne le fais pas, sans que je ne sache vraiment si eux-mêmes agiraient de même ou transposent sur moi leur propre désir de changer.


[En me relisant je remarque le lien flagrant entre désir/mouvement=vie et peur/immobilisme=mort...
La peur, c'est de la mort par anticipation (la peur de la mort?), le mouvement c'est avancer vers/dans la vie. Vouloir figer les choses est contraire à la vie. «Tout est impermanence»... Hop, je ferme la parenthèse]



Bon, mais moi? Si je me regarde dans le miroir, qu'est-ce que je vois? [oui, c'est bien beau de parler des autres, mais il faut aussi savoir se regarder le nombril...]. Et bien je constate que je fais aussi beaucoup de projections. Que je transpose ma façon de réagir sur autrui. Mes peurs, mes découragements, il peut m'arriver de les attribuer à d'autres en supposant qu'ils pensent d'une façon similaire à la mienne. Ainsi je peux surprotéger en pensant à mon propre besoin de réassurance. De même, j'ai du mal à imaginer chez autrui de la confiance en soi dans des situations qui m'inquièteraient.

Hum... je crois bien que récemment j'ai projeté mes propres peurs sur nathalie...

J'ai parfois manqué de confiance en elle, en ayant peur de la perdre. Il m'est arrivé de craindre qu'elle ne se soit lassée de ma lenteur décisionnelle, ou qu'elle veuille oublier ce qui pourrait ne plus avoir d'avenir. J'attribuais à son silence (pourtant prévu) un sens considérable et "cherchais" [tout en m'y refusant...] à l'en faire sortir par le peu de moyens dont je disposais: dire mon désarroi et ma souffrance [plus ou moins élégamment...]. Je m'imaginais des scénarios qui pouvaient expliquer ce que je ne comprenais pas dans son attitude, mais en l'absence de confirmation ne pouvais m'appuyer sur rien de solide. Et ses rares mots, je les chargeais exagérement de sens, cherchant en eux le moindre indice qui pourrait apaiser le film noir que je me faisais. En fait, je "cherchais" en eux tout ce qui aurait pu confirmer mes craintes, et forcément je trouvais de quoi répondre à mes fantasmes négatifs...

Bref, j'ai fait fonctionner la transposition à fond! "Idéalisation négative", avais-je écrit il y a quelques mois dans le même genre de situation d'incompréhension.

Il faut que je m'interroge un peu sur cette tendance à imaginer le pire... C'est assurément lié à ce manque de confiance en moi, comme si se répétait indéfiniment un scénario de rejet gravé dans le programme de mon cerveau. Dans l'agitation mentale motivée par cette peur, j'ai souvent des difficultés à m'entendre durablement, à continuer à croire en moi et en l'autre. Je redeviens alors exactement ce dont j'essaie de me sortir. Je ne suis plus moi-même, mais un enfant apeuré qui a l'angoisse de se retrouver seul.

Et ce personnage craintif, brouillon, délirant sur d'improbables scénarios, est à l'opposé de l'homme posé qui choisit en toute confiance le sens qu'il donnera à sa vie. Les deux prennent alternativement le pouvoir. Le pire... c'est que je sais très bien que le premier déplaît et pourrait justement susciter le rejet tant redouté...

La solution paraît tellement simple: croire en soi.
Pourquoi est-ce si difficile à mettre en oeuvre?



Un coup de pouce que je n'attendais plus m'aura aidé à sortir de ce marasme de l'incompréhension et des délires négatifs. Je passais une énergie folle à lutter contre mes démons intérieurs qui se nourrissaient de l'incertitude. Pour surmonter chacune de leurs incessantes attaques, je m'épuisais à trouver au fond de mes ressources cette confiance en la vie dont je ne dispose encore qu'en quantité insuffisante. J'y parvenais peu à peu, mais c'était difficile.

Les choses se sont enfin éclaircies et beaucoup des questions qui m'avaient envahi depuis des semaines ont eu des réponses. Depuis j'ai retrouvé l'apaisement. La surpression créée par des questionnements sans fin est instantanément retombée, l'horizon s'est éclairci. J'ai retrouvé le temps et le plaisir de vivre.
Je suis très reconnaissant envers l'amie qui m'a aidé à y voir plus clair.

Ma confiance en moi est revenue et j'ai décidé de ne plus prendre le risque de la fragiliser. J'ai donc cessé de lire ce qui pouvait m'inquiéter inutilement. Je préfère pour le moment ne plus savoir ce que vit nathalie. Le temps de retrouver une solidité qui me permettra de ne plus voir ce que je redoute, mais bien ce qu'elle ressent. Dépasser mes fragilités et être capable de m'ouvrir pleinement.

Je suis maintenant capable de continuer à agir. Pour moi, et pour ce en quoi je crois.





«Seuls les gens qui ont un minimum de force intérieure et de solidité savent se rendre vulnérables...»
Commentaire d'Alain lu sur Petites paroles inutiles








Envie d'être seul




Samedi 27 novembre


Mauvaises nuits et mauvais jours. Des mots qui parlent d'une confiance qui n'est plus là, de quelque chose de cassé, et voila que s'est réveillée ma plus grande fragilité. Le lien sacré de la confiance. Je me suis trompé en pensant que cette confiance s'était restaurée à la hauteur de mes désirs, que le lien était maintenu intact. Il semble que j'ai fait preuve d'un excès d'optimisme. Comme d'habitude...

Je rêve et je finis toujours par tomber. Mes illusions fondent et décrochent mon sourire. Je plonge dans le noir et tout prend cette teinte sombre. 

Amertume. Trop de valeur donnée à la confiance. Trop de confiance donnée, trop de fragilité offerte, trop de vulnérabilité dévoilée. Trop de moi imposé à l'autre. Trop besoin du regard aimant d'autrui. En colère contre moi. Sentiment d'impuissance.

Alors tout devient lourd. Fatigué par tous ces efforts pour maintenir des liens dont je dépends, fatigué par les difficultés relationnelles, fatigué par l'amour et ses complications. Fatigué d'aimer. De mal aimer, de guetter l'amour. Fatigué de moi, fatigué des autres. Envie d'être seul, de vivre seul. De m'isoler dans une bulle. D'être enfin moi... mais seul.


Qu'importe de qui je parle...
C'est valable pour chaque relation forte que je tisse. Je compte trop sur le soutien d'autrui, alors que je suis seul à pouvoir prendre soin de moi. Seul à choisir ma voie. Seul à qui je dois plaire.

On est toujours seul face au mal-être qui est en soi.
Et seul à pouvoir en sortir.

J'y parviendrai...




Lever de pleine lune, hier soir. Temps qui passe. Temps passé et dépassé. C'est si loin maintenant. Pourtant ce symbole reste, comme un rappel, comme un appel vers un futur désiré. A chaque pleine lune je me souviens...







Confiance méfiante



Lundi 29 novembre


Hauts et bas se succédent. Persévérance ou moments de découragement, la mue est longue et difficile. Me sentant alternativement acteur responsable de ma vie ou petit enfant enserré dans le carcan d'une fragilité étouffante, je n'en finis pas de franchir des portes à la découverte de nouveaux domaines à défricher.

De la séduction à la sexualité, en passant par le filtre de la morale; de la conjugalité à l'amour, de l'amitié au désir, j'ai arpenté bien des espaces de réflexion et trouvé les réponses que j'ignorais chercher. J'ai beaucoup lu, écrit, parlé, échangé, et je commence à y voir clair dans ce que j'avais intégré et qui me bloquait. Maintenant, je me rapproche encore de l'épicentre, en prenant conscience de l'immaturité affective qui bride mes élans. Chaque jour je constate à quel point celle-ci est omniprésente et me maintient prisonnier de mon enfance.

A plus de quarante ans...




Ce qui s'est passé ces derniers jours, alors que l'idée de confiance a été abordée, m'a fait réaliser que l'importance que j'accorde à ce concept est démesurée. Je ne veux plus dépendre à ce point du principe de confiance. Il me faut apprendre à garder davantage foi en l'autre, quels que soient les mots qui peuvent m'être dits. Il faut aussi qu'une éventuelle perte de confiance à mon égard, limitée, ne remette pas tout en question. Ma foi en l'autre ne doit pas dépendre de la sienne en moi. Il est donc indispensable que je garde confiance en moi et en mes convictions. Je suis la seule personne en qui je dois garder une confiance totale.

Si je perds confiance en moi, comment les autres pourraient y croire?
Comment même croire que les autres la gardent acquise à mon égard?




Ce besoin de confiance *absolue* me place dans une dépendance extrême, avec au final une peur de la "trahison", ou de l'abandon. Elle me retient d'aller vers l'autre, en redoutant par anticipation une éventuelle trahison future, avec toute la souffrance qui en dépendrait. J'ai la confiance méfiante...

Et inéluctablement, avec un objectif aussi peu réaliste que *l'absolu*, vient un moment ou même la plus grande confiance ne peut tout accepter de moi. Des différences et des incompréhensions surviennent. Limite que je prends à tort pour la fin de la confiance totale. Le doute s'immisce, la méfiance s'installe et dévore la confiance.

Plus je me sens proche, plus le lien est fort, et plus je donne [impose...] de moi [et "attends" en retour...]. Comme si je voulais qu'on m'accepte entièrement [comme des parent?]. En fait, je crois que j'attends de l'autre qu'il [elles...] ait à ma place la confiance que je n'ai pas. Je surdimensionne ce que j'appelle "confiance", mais qui n'est qu'un lien d'attachement-dépendance, un cordon ombilical illusoire censé me relier à l'autre aimé en me protégeant de tout abandon...
Peur de l'abandon qui met en évidence ce comportement infantile: immaturité affective.
En parallèle, mon besoin de sincérité pourrait bien être lié à ce souci de transparence. Car je ne demande pas forcément à l'autre autant de sincérité que celle que je lui impose. Je ne fais ainsi que montrer mon besoin d'être aimé "tel que je suis", avec toujours la peur sous-jacente que ce ne soit pas le cas.


Je pense avoir compris que la seule façon de ne plus avoir peur de l'abandon, de la solitude, d'être ce petit garçon perdu... était, encore une fois, de l'affronter. Couper le cordon! C'est LA peur majeure, jamais vraiment affrontée. Trancher les liens, me retrouver "seul", c'est à dire sans lien de dépendance.
Vivre seul et l'assumer. Puisque mon chemin d'émancipation n'est pas partageable, alors je ne peux le poursuivre qu'en solitaire. Ce qui ne peut que contribuer à me rendre autonome. Est-ce un hasard si c'est ce que la vie me propose actuellement? N'ai-je pas finalement tout fait pour me trouver dans la situation que je redoutais le plus?
Je vais me séparer de celle qui m'a accompagné depuis vingt-quatre ans, et je me suis déjà isolé de celle qui avait pris le relais depuis quatre ans. Il était manifestement trop tôt et mon processus d'autonomisation n'aura été qu'incomplet. Je n'ai pu me délier de Charlotte que parce que je m'étais lié avec nathalie. Émancipation partielle, avec transfert de dépendance. Je n'ai pas pu éviter entièrement ce que je fuyais inconsciemment. J'ai largement reproduit le scénario en "étouffant" celle dont je pensais avoir tant besoin, tout en me suradaptant au point de gommer mes différences.

En passant directement du foyer de mes parents à celui de la vie en couple, je n'ai pas appris à me construire de façon autonome dans de nombreux domaines. J'ai toujours été enveloppé, protégé, sécurisé [materné...]. Ce qui fait que je n'ose pas maintenant me lancer seul à l'aventure [et surtout dans une direction qui laisse circonspects ceux qui m'apportaient cette sécurité]. Malgré eux ils ont entretenu cette immaturité qui me bride plus sûrement que n'importe quel autre moyen. Mes freins sont en moi, constitutifs de mes pensées. C'est comme si j'avais un antivirus intégré dans le disque dur de mon cerveau: déclenchement dès qu'il y a perception d'un danger potentiel.

A l'évidence je me rends compte de la nécessité de créér désormais mes relations affectives sur un mode autonome. Et non pas indépendant, ni solitaire, comme tentait toujours de me le préciser nathalie. L'autonomie, c'est avec les autres, mais sans dépendre d'eux. Nuance capitale...




Parce que je me sens trop sensible et vulnérable, la seule façon de me protéger est de ne plus craindre que cette sensibilité ne soit ravivée. Désamorcer à la source. Une des solutions consiste à s'endurcir et à ne pas trop s'attacher, ne pas trop se dévoiler non plus. Bref, être "un homme", un mec, un dur... Ça marche certainement, mais le risque est grand de se ratatiner le coeur [coeur sec]. Une meilleure solution consiste à rester à coeur ouvert, tout en croyant suffisamment en soi pour ne pas se laisser atteindre. Accepter la différence d'avec l'autre, les désaccords, les ressentis individuels, comme autant de sources de connaissance et de découverte. Aller vers l'autre plutôt qu'amener l'autre à soi en étalant ses petits états d'âme en souffrance.

Accepter aussi que le contact permanent [destiné à rassurer une confiance fragile] n'est pas la meilleure chose qui soit. Être autonome, c'est aussi prendre sur soi et se débrouiller tout seul pour régler ses problèmes internes. Je ne veux plus me montrer moche et triste en attente de réassurance. Je préfère m'ouvrir aux autres en pleine forme, bien dans ma tête, pour donner le meilleur de moi. Rayonner plutôt que me transformer en trou noir et absorber l'énergie de celle(s) que j'aime.

La recette est aisée à décrire, ne reste qu'a tenter de la suivre au plus près...
Laisser la compréhension imprégner le mode de pensée et d'action.






Mois de décembre 2004