Juillet 2004
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Rien que pour moi




Jeudi 1 juillet


Nous l'avions prévu depuis longtemps, puis en étions presque arrivés à y renoncer pour le moment. Parce que nous ne nous sentions pas en conditions optimales pour cela. Parce que l'échéance nous mettait une pression en se rapprochant. Parce que ce désir même de nous rencontrer, dans la situation compliquée que je vis, avait des conséquences qui nous influaient défavorablement.

Mais, pratiquement au moment où nous avons laché prise en acceptant mutuellement que de se rencontrer à tout prix n'était pas une bonne idée... tout s'est dénoué. La perspective de l'annulation du voyage de nathalie, ou du moins de son report à l'hiver prochain, aura servi de déclic. Le point le plus bas de notre relation, durant lequel nous sentions que quelque chose n'allait vraiment pas, allait nous permettre de toucher une limite pour mieux rebondir.

Depuis, le changement est assez stupéfiant: j'ai cessé d'idéaliser, d'être demandeur, d'être en attente. Toute la pression que nathalie ressentait a disparue... et c'est désormais elle qui manifeste régulièrement ses envies de communication! Tandis que de mon coté je prends les choses comme elles viennent, sans impatience, sans attente. Tout se passe au mieux entre nous, de façon plus spontanée, et je crois même que notre rythme de communication s'est accru, avec deux coups de téléphone par semaine. Ces derniers sont très détendus et je parviens à une liberté d'expression, une aisance supérieure à ce qui existait auparavant [le coté direct du téléphone créait une certaine retenue, par peur de "trop" en dire].

Bref, tout va très bien.


Du coup... l'idée du voyage est rapidement redevenue d'actualité. Nous avons alors parlé plus sérieusement de cette éventualité, et en quelques jours tout s'est décidé. Mais auparavant nathalie avait besoin de savoir que je désirais vraiment ce voyage, et que je mesurais bien les conséquences prévisibles sur mon lien à venir avec Charlotte. Alors j'ai à nouveau tout mouliné dans mon cerveau, juste pour vérifier que je savais bien ce que je faisais (autant que cela m'est possible...)... et je n'ai pas trouvé de grumeaux. J'avais déjà tout passé au filtre de mes réflexions tellement de fois...
J'ai donc pu lui confirmer, clairement et sans hésitation, mon très grand désir qu'elle vienne. Puis il a fallu le temps de faire quelques réglages entre mes deux vies, savoir si Charlotte n'avait pas de sensibilité particulière quant au lieu de notre rencontre (préférer que je sois géographiquement loin ou proche) ou préciser les dates de mon "absence" (préferer me voir à mon retour ou reporter ce moment délicat à son retour de vacances, ce qui signifie un mois sans se croiser).

Une fois que tout cela a été vérifié, concerté de part et d'autre, nathalie m'a proposé ses dates de vol. Hop, ultime vérification pour que tout soit ok... et... GOOOOOOO! J'ai donné le top départ pour qu'elle courre acheter les billets avant qu'il ne soit trop tard (eh, nous en sommes à tout juste un mois de la date prévue!).

J'ai quand même "attendu" [guetté] un peu, hier, la confirmation qu'elle avait bien pu avoir une place. Ce n'est qu'en soirée qu'elle m'a appris la bonne nouvelle: c'est tout bon!

Ouuaaaaiiis! J'étais très très content! Et en même temps, presque incrédule devant... ce qui était pourtant prévu depuis si longtemps. Wow! Cette fois c'est bien vrai, elle sera là dans un mois!

Pendant que nous bavardions, je pensais, étonné: «elle va faire ce voyage pour moi, rien que pour me voir!». Oui, pour elle aussi, évidemment. Mais bon, c'est quand même pour me voir qu'elle va affronter sa phobie de l'avion, et m'offrir deux semaines de ses vacances. C'est... hmmm, j'en étais tout retourné. Que quelqu'un fasse 6000 km au dessus de l'océan pour moi c'est... extrêmement bienfaisant/valorisant. L'an dernier, notre rencontre avait certes été un des prétextes de son voyage en France, mais n'en constituait pas la seule finalité.


Bon... mais elle est marrante cette fille: alors que j'étais encore sous le charme de cette annonce, que je commençais à lui dire des mots tendres sur les effleurements de nos regards dont je me déléctais d'avance... la voila qui se met à bailler [et à en rire! tsss...]. Puis à me dire qu'elle avait faim! Ah ben pour la séance romantisme, schhplofff! c'est raté...

Voila, c'est ça nathalie: imprévisible. Tantôt pensive et perdue dans mon regard, tantôt ailleurs alors que je suis là. Tantôt forte et déterminée, puis sensible et émotive quelques instants plus tard. Tantot très proche et exprimant le manque, tantôt plus distante et avide de liberté...

Une fois passé le coté... déstabilisant de ces changements impromptus, je crois que j'aime bien cet aspect insaisissable. Il y a un coté fascinant et "jamais acquis".

Nous avons donc rapidement clos cette conversation, tout à la joie de cette perspective prochaine... parce que nathalie avait subitement faim.


Allez comprendre les femmes...






Sereine assurance




Vendredi 2 juillet


J'ai reçu un mail de la part de ma mère, pour un sujet d'ordre pratique. Mais elle le poursuivait ainsi: «Nous avons passé une très bonne après-midi avec toi. Nous te découvrons dans une plénitude rassurée et une sorte de sagesse tendant à la spiritualité. Merci de rester toujours attentif et aimant envers Charlotte comme tu le fais, envers tes enfants, tout en continuant ton propre épanouissement. Tu es en marche, c'est certain. Et elle aussi. Sans doute dans des directions différentes. Demain est un autre jour, n'est ce pas ?». Elle faisait allusion à notre dernière rencontre, que j'avais beaucoup appréciée aussi.

Je dois dire que ces quelques phrases m'ont fait très plaisir. Maintenant que je me suis sorti de l'emprise de mes parents, j'apprécie de façon beaucoup plus juste ce qui vient de leur part.

D'ailleurs, lui téléphonant ce soir, je lui ai dit combien je me rendais compte maintenant de la préciosité de ce qu'ils m'avaient apporté. Une certaine ouverture d'esprit, une capacité à me remettre en question, la non-acceptation béate des idées de masse, un sens critique tolérant, une aptitude à la responsabilisation personnelle, et surtout une vision optimiste de la vie. Je ne suis pas un râleur permanent contre "la société", dont je me sens être un des éléments, un des acteurs.

J'ai dit à ma mère que si pendant quelques années j'avais énuméré tout ce qui m'avait posé problème dans mon enfance avec eux, je voyais désormais les choses sous un autre angle. Tout comme avec Charlotte j'ai commencé par mettre en avant ce qui ne fonctionnait pas, pour ensuite mieux voir ce que j'aimais.

C'est comme si j'avais besoin un jour de tout mettre à plat, de voir les choses en face, de désidéaliser la relation... pour finalement accepter pleinement celle-ci. Une fois que tout est mis au jour, je ne ressens plus de frustration, plus de rancoeurs. Je suis libre d'apprécier la personne telle qu'elle est. Avec ses forces et ses faiblesses. C'est sans doute cela, "aimer".



Ces derniers temps, je dois bien reconnaître que je suis parvenu à une certaine forme de sérénité. Je le vois au cours des discussions que je peux avoir ici ou là. Mes idées sont devenues très claires, et je n'ai pas de difficulté à les dévoiler. Je m'exprime avec une certaine assurance, qui semble faire impression plutôt favorable. Je crois même que, globalement, on estime mes pensées

C'est surprenant à plus d'un titre. D'abord parce que je n'aurais pas cru un jour atteindre cette forme d'assurance. Ensuite parce que je crois que je ne cherchais plus à séduire avec mes idées. Enfin parce que je n'aurais jamais imaginé que cela puisse se faire en parlant de mes émotions et ressentis personnels.

En fait, c'est comme si ma délivrance venait de ce que je craignais le plus de laisser sortir de moi. Comme si ce que j'avais peur d'exprimer était mon "trésor" intérieur, demeuré invisible à mes yeux durant tout ce temps. Je savais que pour me sentir bien je devais sortir ce qui était en moi, mais j'ignorais que simultanément le regard d'autrui envers moi changerait et renforcerait ce bien-être croissant.



Finalement, je suis en train de me rendre compte (mais est-ce réellement une surprise?) que c'est en ouvrant grand les portes de ce que je suis, dans mon essence, que je peux "exister". Cette fameuse impression de ne pas exister n'était, bien évidemment, que la prison d'expressivité dans laquelle je me maintenais enfermé.

Et maintenant, plus je libère cette expressivité, plus j'existe en moi, parmi les autres. Voila des années que je ne me sens plus ce "nul" que j'imaginais. Je ne me sens même plus "insignifiant". Tout cela ne revient que parfois, de façon éphémère, dans des situations qui sollicitent mes fragilités. Car il faut beaucoup de temps pour guérir des blessures d'enfance.






P'tit cul




Mardi 6 juillet


Ce week-end, nous étions invités avec Charlotte à l'anniversaire d'une de mes... euh... amies? Quelqu'un d'assez particulier pour moi puisque j'avais été très amoureux d'elle dans mon adolescence [je l'ai déjà appelée Zoé dans ce journal]. Elle avait dû le savoir plus ou moins puisqu'elle était la meilleure amie de ma soeur, qui recevait alors mes confidences. De mon coté, j'avais su que ses sentiments avaient été réciproques jusqu'à quelques mois plus tôt. Bref, en quelques mots nous nous sommes "ratés". Qui sait ce qu'il serait advenu si nous avions eu ces sentiments simultanément?

Depuis, nous nous voyons assez régulièrement, à l'occasion d'anniversaires, chez les uns ou les autres des membres de ma fratrie. Plus récemment nous nous sommes vus en couple "seul à seul", et j'apprécie beaucoup la personnalité et la sensibilité émotive de cette femme, par ailleurs plutôt séduisante. Jamais nous n'avons parlé de cette attirance passée.

A la fin de la fête, alors que Charlotte était repartie de son coté, Zoé m'a proposé de rester pour boire un verre. Elle savait ce qui ébranlait notre couple et avait sans doute envie d'en parler avec moi, ou de me proposer une oreille attentive. Nous avons eu une très longue conversation, et j'ai trouvé en elle quelqu'un qui semblait très réceptive à ce que je lui disais. Un de leurs couples d'amis vivant une situation similaire elle avait une vision déjà "préparée" à ce genre de situation.

Les confidences encourageant les confidences, c'est elle qui m'a ensuite délivré quelques éléments très secrets de sa vie. J'ai été vraiment touché de la grande confiance qu'elle m'a fait. Et c'est sans gêne que j'ai pu lui dire le plaisir que j'avais à parler avec elle, avec qui je ressentais une affinité dans notre perception et expression des émotions, tout comme dans notre sensibilité à divers évènements familiaux.



Durant cette même fête, j'ai été confronté à une situation un peu nouvelle pour moi. Alors que j'étais en train de danser, pas très loin de Charlotte, un slow a débuté. Je lui ai fait un signe discret lui proposant que nous le partagions [ben oui quoi... j'en avais envie...]. Elle m'a tout aussi discrètement fait signe qu'elle ne le souhaitait pas. Bon... tant pis...
Quelques secondes plus tard c'est une des femmes qui était là qui m'invitait. Elle aussi connue de très longue date, puisque nous étions à l'école primaire ensemble. Une femme assez expansive, pas froid aux yeux, et volontiers séductrice sans qu'on sache si elle en joue ou si c'est un peu plus sérieux. Dans le bruit, elle me demanda d'abord «alors, qu'est-ce que tu nous fais?». Moi le gentil garçon sérieux, c'était un peu surprenant pour elle que je transgresse ainsi les règles de la vie conjugale. Un peu décontenancé par la forme de sa question, j'ai répondu assez bêtement «j'ai juste envie de vivre». Un regard complice, un sourire, puis elle me prit dans ses bras sans distance, posant sa tête contre mon épaule d'une façon vraiment très... libre. Alors je ne me suis pas retenu, et j'ai posé ma tête contre la sienne avec le même naturel.

Etait-ce parce qu'elle me savait "libre", et que je me sentais de même? Je ne sais pas... Mais la sensation était bien agréable de sentir le corps de cette femme connue depuis si longtemps tout à coup si proche. Un peu plus tard, elle m'attrapa au vol [si je puis dire...] pour me faire danser un truc que je ne connaissais pas, mais à forte connotation coquine. Il y avait le mot "sexy" dans les paroles et durant toute cette danse de jambes entrecroisées, elle appuyait sans ambiguité son sexe contre ma cuisse. Hum... je n'ai pas osé faire de même et j'ai maintenu une légère distance avec sa cuisse. Elle me fixait parfois droit dans les yeux, avec un regard assez troublant que je ne pouvais pas bien soutenir. Tout cela n'était pas désagréable du tout, mais je ne sais pas bien ce qu'il fallait en penser. Dans le doute, je n'ai pas trop réfléchi, et j'ai profité du moment au lieu de me sentir mal à l'aise comme autrefois.



Durant toute la soirée je lorgnais aussi sur le joli p'tit cul d'une inconnue. Il me rappelait beaucoup celui de nathalie. J'observais aussi les gracieuses contorsions de quelques bassins. Il faut dire que je commence a être un peu en manque et que mon regard envers les silhouettes féminines est devenu nettement plus avide qu'auparavant. .
Je ne sais pas bien ce qui s'est passé ensuite, mais ce regard de mâle, ce regard d'attirance purement sexuelle m'a dérangé. Je n'étais pas très à l'aise avec cela. Je me suis même demandé quelle part il y aurait dans ma rencontre avec nathalie en réponse à cette frustration de sexualité. Tout d'un coup je me sentais "sale" dans mes pensées, en sachant que je ressens pour elle une attirance de cette nature. C'est comme si j'avais préféré rester dans la "pureté" des sentiments, ou de la simple amitié.

Bon... je ne suis encore pas totalement libéré de mes bonnes vieilles valeurs catho-rigides...







Penser par soi



Mercredi 7 juillet


Après pas mal d'essais en divers lieux, j'ai trouvé depuis plusieurs mois un forum sur lequel viennent une majorité de gens qui ont un peu réfléchi sur eux-même. Ou du moins qui y aspirent. Il y règne globalement un esprit de respect et d'entraide, où le but n'est pas de critiquer et dénigrer autrui pour valoriser un ego malformé. On est loin des échanges enflammés et stériles que j'ai pu parfois connaître ailleurs. Et auquel j'ai parfois participé, je l'avoue.
Loin aussi des discussions insignifiantes sur l'air du temps, les commentaires insipides sur l'actualité la plus spectaculaire, ou le copinage bla-bla réservé à un cercle d'initiés.

Sur ce forum on s'écoute, on commente, on tente d'apaiser. Il y a beaucoup d'humanité, de souffrance, de compassion, de joies. C'est "vivant", au meilleur sens du terme.

C'est là bas que j'exprime mes difficultés et avancées dans la complexité de ma double relation, de ce double amour sans infidélité ni tromperie. Manifestement ça intéresse (ou intrigue) puisque les sujets que j'ai initiés se prolongent souvent très longtemps, dépassant parfois les 200 messages. Il est rare que mes commentaires ne soient pas suivis d'autres, ou laissent indifférent. Je n'en tire aucune satisfaction personnelle (bien que ce soit plutôt agréable...), mais suis content de voir que ce que je dis interpelle, fait réfléchir, pousse à aller un peu plus loin que les premiers réflexes. Et de mon coté il m'est très utile de chercher à expliquer mon cheminement, ou commenter celui des autres. Parfois les questions que l'on me pose me poussent à aller plus profondément en moi, me propulsent vers les limites de mes réflexions. Il arrive que cela crée une certain malaise en moi, mais pour mon plus grand bien. Si je n'ai pas de réponse, c'est que je ne suis pas allé assez loin. C'est que quelque chose n'est encore pas clair. Alors je me livre, le plus sincèrement possible à de mini-introspections en public, un peu comme ici. En fait, ça me permet de poursuivre d'une façon différente ma thérapie analytique. Les divers intervenants jouent un rôle de psy en m'aiguillonnant.


Je crois que chacun bénéficie de cette synergie de réflexions en commun. Parce que, bien évidemment, il y a une réflexion aussi du coté de mes contradicteurs. Nous allons tous à la découverte de nous-même, de nos blocages, de nos peurs. C'est en quelque sorte une thérapie de groupe, où chacun s'enrichit des avancées des autres. Bon... ça ne marche pas pour tout le monde et on sent bien des blocages rigides, et parfois des jugements à l'emporte-pièce. Je vois alors bien toute la part des peurs qui bloquent un processus de pensée. Un évitement qui passe par une certaine agressivité, un rejet des idées sans vouloir/pouvoir pousser plus loin.

C'est intéressant, et ça m'éclaire sur mes propres comportements. A chaque fois que je bloque, que je m'énerve, que je me sens mal, je sais désormais que c'est parce que quelque chose me fait peur. Il ne me reste qu'à chercher ce que c'est, et pourquoi j'en ai peur.

Tout cela a un lien direct avec la sincérité que je recherche. Tant avec moi-même qu'avec les autres. Si je vais si loin dans l'introspection, c'est parce que je veux savoir de quoi je suis fait, qui je suis vraiment. Parce que je ne veux plus avoir peur, ni de moi ni des autres. J'ai une soif de me connaître, afin de réagir au mieux face à diverses sources de stress potentiel.


Ma thérapie a débuté autour de cette peur des autres, que je ne comprenais pas. Puis rapidement j'ai pris conscience qu'elle venait de mon passé, et que je risquais donc de la transmettre à mes enfants. Depuis, je n'ai cessé d'être à l'écoute de moi-même, et j'ai de moins en moins peur. J'ai trouvé avec mes enfants un rapport que je ne pensais pas voir exister un jour. Je crois qu'il y a une confiance mutuelle, ancrée en profondeur. Même si, probablement, je ne saurai effacer certains de mes comportements de jeune père inexpérimenté, que je regrette aujourd'hui. Il y a certainement des traces indélébiles d'une autorité abusive, que je croyais alors nécessaire. Et puis un manque d'encouragements dans l'épanouissement vrai de la nature profonde de mes enfants. Mais bon... j'essaie de faire au mieux maintenant et je crois que c'est pas mal du tout.

Forcément, dans mon évolution vers plus d'authenticité, je change. En devenant vraiment celui que je suis au fond de moi, je suis partiellement différent de celui que j'étais en ayant adopté un comportement qui se référait à des normes. Il y des changements appréciés, et d'autres qui peuvent perturber. Je pense évidemment à Charlotte, qui subit de plein fouet l'évolution de son compagnon de vie. C'est très difficile pour elle. Tiraillée entre quelqu'un de meilleur, tel qu'elle le souhaitait et l'avait senti au fond de moi, et quelqu'un de... original, hors-norme, singulier. En étant à l'écoute de moi-même, je me distingue forcément des autres, notamment des plus conformistes. Je n'en tire d'autre fierté que d'être simplement moi.

Simultanément, je me sens aussi très humain, partie prenante des comportements universels qui nous réunissent tous à divers degrés. En fait, je m'ancre dans mon humanitude, mais je me désolidarise de tout ce qui est superficiel, appris, conditionné, normé. Que ce soient des normes culturelles, sociales, ou commerciales. Car l'aliénation à ce conformisme-là est stupéfiante chez nombre de mes contemporains. Si chacun croit s'être extrait d'un certain nombre de carcans normatifs, il est assez sidérant de voir à quel point les normes culturo-commerciales nous conditionnent. Le premier réflexe pour s'en sortir est de jeter la télé par la fenêtre...

Et ça, c'est à la portée de chacun. Sans le faux prétexte de dire que c'est la faute du système, des médias, des politiques, de l'économie, bref... des autres. Chacun est libre de suivre ou pas. Chacun est responsable de ce qu'il fait de sa vie. Encore faut-il pour cela se connaître en profondeur, et distinguer nos besoins fondamentaux de nos désirs superficiels.






Petits regrets




Lundi 12 juillet


Via Télérama, je suis tombé sur le site Embruns, qui se penche sur l'histoire de la blogosphère. Le point de départ retenu semble être le journal de Brigitte Gemme, qui se trouve aussi être considérée comme étant la première diariste francophone (juin 1995).

J'ai parcouru cet historique... presque surpris de voir le peu de place attribuée au diarisme "classique". En quelques années, le blog a très largement supplanté le premier courant des "journaux intimes". Je me souviens encore des polémiques qui entouraient l'apparition de plus en plus massive de cette nouvelle forme d'écrits. Il y avait comme un protectionnisme (élitisme?) à ne pas considérer les blogs comme de "vrais" journaux... Et quelques années plus tard, les journaux en ligne sont devenus très largement minoritaires. Négligeables, vus du monde des blogs.

L'éclatement des communautés successives de diaristes peut surprendre. Surtout si on compare au foisonnement relationnel qui existe dans le milieu blog, qui semble s'accroitre de façon exponentielle (mais qui tend aussi à se dissocier en différentes chapelles...). Les diaristes se sont peu à peu isolés, après des tentatives pourtant solides de regroupement. Après le Cercle des jours écrits et imagés, la Société des Diaristes Virtuels, puis la Communauté des Diaristes Virtuels, successivement éteintes ou sabordées de l'intérieur, la dernière tentative semble être la Règle du Je, dont l'objectif n'est pas à proprement parler un regroupement autour du diarisme mais qui a le mérite d'être vivant. Les Biographes du net ressemble davantage à une liste qu'à un groupement actif.

Quant aux webzines qui ont tenté de s'intéresser au fonctionnement du diarisme en ligne (Jmag et Claviers Intimes) ils ont tous les deux disparus, faute de participants suffisamment motivés. Il semble que l'écriture intime, par nature portée à un regard introspectif, s'accomode mal des synergies. Les tentatives restent rares et sont peu suivies. Rien à voir avec le dynamisme qui règne dans la blogosphère.

Je crois que je garde quelques regrets de n'avoir pas su, ou pu, m'investir plus en avant. Nous n'étions pas assez nombreux à nous intéresser à notre pratique. Et sans doute avons nous raté le virage. Mais peut-être était-ce souhaitable de rester dans une relative discrétion? L'intimité mise en public garde un coté antinomique...

Peut-être n'y a-t'il rien à regretter?

Et puis bon... il se trouve que j'ai eu autre chose à vivre à ce moment là...








Pour moi




Mercredi 14 juillet


Pendant longtemps, j'ai cru pouvoir me passer des autres. D'être en relation avec les autres. Par mon histoire, j'avais appris à ne pas trop compter sur quiconque, à vivre en autarcie. J'avais une vie plutôt solitaire, avec des loisirs qui l'étaient tout autant. Seule Charlotte avait une place à part, ainsi que nos enfants. Elle était presque devenue "tout" pour moi. Les autres... c'était Charlotte.

C'était évidemment trop lourd pour elle, et insatisfaisant pour moi puisqu'elle ne pouvait pas répondre à tous mes besoins relationnels.

Avec internet, j'ai découvert toute l'importance de la communication élargie, du rapport relationnel en dehors des échanges de convenances, des bla-bla insipides. Je m'y suis plongé avec passion et délice, sans être exempt de déconvenues, aussi.

Et maintenant, je me trouve souvent frustré, en manque d'échanges. Comme si j'avais besoin de ma dose quotidienne de discussions approfondies. Ce que Charlotte ne pouvait pas m'offrir, je ne le trouve pas davantage dans la diversité des contacts que j'ai noués. J'ai élargi la palette des couleurs relationnelles, enrichissant considérablement les possibilités d'échange, mais j'ai toujours la même frustration de ne pas pouvoir peindre ma vie en toute sérénité. Je suis devenu compulsif, accro, dépendant des contacts avec les autres. Comme si j'étais à la recherche de quelque chose, de quelque eldorado toujours inaccessible.

Or je sais très bien ce que je recherche dans le contact avec les autres: c'est ce besoin "d'exister". Ce besoin de trouver dans l'échange cette part de moi que je ne connais pas. Mieux me connaître, afin de mieux m'accepter. Afin de mieux m'aimer. Dans leur regard, lorsqu'ils m'apprécient (et c'est généralement le cas), je me vois "aimable". Je ressens ma force intérieure. Par eux je peux me voir plus objectivement. Avec eux, je suis un personnage qui n'est pas insignifiant.

Je me demande jusqu'à quand j'aurais besoin de ce regard d'autrui, celui que moi-même je suis incapable de porter sur moi lorsque je suis seul. Je me demande si ce n'est pas une course éperdue. Car à chaque fois que je suis rassuré, je continue à chercher d'autres sources de réassurance. C'est une boulimie. Ce journal, par exemple, à longtemps été un moyen de valorisation. Me savoir lu me réconfortait, me donnait "de l'importance". Il me rendait aussi très vulnérable dès que j'étais critiqué. Dans un autre cercle, c'étaient des forums qui me permettaient d'exister, de m'affirmer. Mais là aussi j'ai eu de cruelles déconvenues.

Pourtant je pense être ressorti plus fort de ces aventures. J'ai appris à la fois à moins souffrir des (rares) regards négatifs, et à moins ressentir ce besoin d'expression existentielle. J'écris toujours ici, mais en étant de moins en moins attentif au regard que l'on peut porter sur moi. Idem sur les forums. Je deviens plus "simple", plus authentique, davantage moi-même.

Il s'est produit le même genre de phénomène avec mes deux relations féminines privilégiées. Je ne cherche plus à ne pas déplaire. Je m'affirme de façon plus authentique et c'est bien mieux comme ça. Il n'empêche que je reste très sensible au regard que chacune de mes amours porte sur moi. Je me rends compte que je ne suis encore pas autonome affectivement. Il y a une évolution dans ce sens, mais ce n'est pas encore acquis. Je reste donc vulnérable, sensible, dépendant. Je sais que la solution passe par un apprentissage; celui d'une existence libérée de cette attente de regard sur moi. Il faudra bien que je parvienne à vivre "seul". A porter sur moi ce regard plein de confiance en mes capacités, de tranquille assurance en ce que je suis, conscient de mes forces comme de mes faiblesses. C'est en bonne voie, et cela m'arrive de plus en plus souvent.

Mais les rechutes sont pénibles. Surtout lorsque ce sont des détails qui fragilisent tout l'édifice que je pensais solidifié. Sans cesse je dois me remettre à l'ouvrage.

Ma vie est devenue ce travail.


Alors peut-être qu'il est temps que je me consacre davantage à moi-même. A moi tout seul, pour faire ce que j'aime. Réapprendre à entendre ma voix intérieure. Celle de mes goûts, de mes aspirations, de mes lubies. Réapprendre une certaine forme d'égoïsme, qui consiste à penser d'abord à soi, même avec les gens que j'aime le plus fort.

Retrouver le goût de la solitude, de la rencontre avec soi, de l'harmonie intérieure. Rétablir l'équilibre entre le moi et les autres. Ne plus croire que c'est dans le relationnel qu'est la panacée... y compris en amour (surtout en amour!). La première personne que je dois aimer, c'est bien moi.

Je crois que je me suis un peu perdu avec les autres. En cherchant à me connaître et reconnaître dans leur regard, j'ai découvert des facettes inconnues, mais emporté dans un élan j'en ai oublié ce qui m'était essentiel: me faire plaisir. Vivre avant tout pour moi-même.

Je suis allé trop loin vers l'autre...







Amours diaristiques



Vendredi 16 juillet


Trouvé au hasard de mes pérégrinations sur Google...




«Imaginons le cas d'un diariste et d'une de ses lectrices qui tombent amoureux, par exemple. Le diariste aura du mal à continuer son journal puisqu'il sait que sa lectrice, qui est maintenant devenue la personne la plus proche qui soit, peut lire tout ce qu'il écrit (ce qui est en contradiction avec sa motivation de départ de ne pas dévoiler ses pensées intimes à ses proches). Et d'autre part s'il continue son journal, il y parlera inmanquablement de sa lectrice, puisqu'elle est maintenant la personne la plus importante qui soit pour lui. Mais elle risque fort de ne pas apprécier que son amoureux publie tout ce qu'il pense à propos d'elle sur le web»


"Le paradoxe du cyber-diariste"
(Le journal d'un rêveur - 31/12/2002)







«Ce doit être horrible de coucher avec un diariste.

Ce doit être encore plus horrible de coucher avec un diariste quand on est soi-même diariste.

(...)

Je ne peux m'imaginer sans un frisson le coup d'oeil furtif que chacun va devoir jeter sur l'entrée de l'autre (qu'est-ce qu'il/elle a dit sur moi ?)...
Horrible.

(...)

Les diaristes sont des monstres. L'amour diaristique est monstrueux. Même dans Loft Story, on n'avait pas imaginé mieux.
»


"Endogamie fatale", dans Vita nova (20/12/2003)




Devinez lequel des deux textes a ma préférence?








Amours diaristiques (suite)





Samedi 17 juillet


Les deux textes que j'ai cités hier tombaient à pic. S'ils ont retenu mon attention, ce n'est pas un hasard.

Au delà de la fatuité risible qui émane du second, le problème soulevé est bien réel: comment écrire son intimité en restant sincère lorsqu'on se sait lu par les personne de qui l'on parle? On voit souvent que, dès qu'un rapport s'établit entre lecteur et diariste, cette préoccupation apparaît pour l'écrivant. Le phénomène s'accroît lorsqu'il y a rencontre réelle, et davantage encore si la rencontre concerne des diaristes.

Selon les cas il y a occultation (on n'en parle pas), ou flou (mots signifiants pour les intéressés seulement), ou encore mise en avant des seuls points positifs. Les compte-rendus de ces rencontres virent ainsi rapidement à un positivisme forcené tant tout le monde parait extraordinaire (en n'oubliant surtout personne, quitte à se creuser la tête pour remplir).

J'en viens au cas le plus délicat: amour entre diaristes. C'est une situation qui est, à ma connaissance, assez rare. Oh, il y en a certainement davantage que je n'en connais. Je me souviens de quelques histoires éphémères, parfois de séparations spectaculaires avec extinction simultanée des journaux. Je connais un amour qui se vit dans la plus grande discrétion. Et je connais... ben le cas de nathalie et moi.


Je me demande si cette particularité n'a pas joué un rôle dans le progressif silence qui a gagné le journal de ma complice. Et moi-même, si j'ai longtemps tenté de conserver ma sincérité, ai finalement demandé à nathalie de ne plus me lire. C'était ça où le renoncement à la sincérité.

Non pas parce que ne voulais pas dévoiler mes états d'âme en sa présence (après-tout, elle aurait pu cesser de lire si elle en était blessée), non pas par discrétion (puisqu'elle n'avait pas d'objection contre cette sincérité publique), mais surtout parce que j'avais besoin de son regard. Et ça, ce n'était pas bon du tout pour la démarche de découverte.

Bien souvent j'écrivais en pensant à son regard, soit en ayant peur (quand même...) de la blesser en étant sincère. Soit en tentant de faire passer indirectement un message, n'osant pas l'énoncer en "face à face". Soit (et c'est le pire), en attendant ses commentaires... comme si j'avais besoin de me sentir encouragé, soutenu, félicité dans ma démarche. Insupportable! Je restais encore, sans m'en rendre compte, dans ce rôle de "petit garçon". Exactement à l'opposé de l'émancipation que je recherche.

J'avançais, fier de lui montrer que je surmontais les épreuves, que malgré les difficultés je tenais suffisamment à elle pour me battre contre mon inconscient et tous mes blocages. D'un autre coté je ne lui cachais rien de mes souffrances, tout englué que je suis dans mon mode de fonctionnement. Bref, ça n'allait pas.

D'ailleurs, peu à peu nathalie avait cessé de m'encourager. Elle ne commentait plus ce que je découvrais. Et c'est ce silence de sa part, dont je souffrais, qui m'a fait comprendre cette dépendance.



Bon, honnêtement, je dois dire aussi que s'il est trés agréable de décrire la naissance d'un amour avec tout ce que ça peut avoir de "romantique", il devient nettement plus délicat de décrire les difficultés qui apparaissent peu à peu. J'ai l'impression que le coté impudeur/voyeurisme prend toute son importance face à la souffrance d'autrui. D'ailleurs, je n'ai évidemment pas été sincère lorsque les premières manifestations de souffrance de ma part sont apparues. Je n'avais ni envie de les sentir en moi (refoulement), ni envie de les montrer en cassant l'image de la belle romance, et surtout pas envie de virer dans le sordide.

Et puis je dois dire que ces difficultés amoureuses me renvoient à une image pas très valorisante de moi-même. Parce que je sais que nos difficultés... sont souvent issues des miennes. C'est moi qui ne suis pas encore bien au clair. C'est moi qui ai du mal à savoir ce que je veux, jusqu'où je peux aller dans l'indépendance amoureuse. J'apprends donc peu à peu mes limites, me perds en route, me décourage. Et puis à force de réflexions je trouve des pistes, comprends mes blocages et mes conditionnements, retrouve espoir. Vaste mouvement de va et vient, qui dure depuis des mois.


Je sais à quoi cela est dû: nathalie sait comment elle a envie d'aimer, alors que de mon coté je ne sais pas ce qu'il en est pour moi. Et je ne le sais pas parce que je reste coincé dans une image "romantique", traditionnelle, de l'amour. Celle du couple binaire (ce fameux 1+1=2 dont je connais pourtant les pièges...). Je vis deux relations de couple binaire simultanées. L'une dont j'essaie de me libérer pour trouver ma respiration au dehors. L'autre à laquelle je m'accroche afin de trouver de l'oxygène. Je les vis dans un sens contraire. Dans l'une je sens qu'on m'empêche de prendre ma respiration, alors que dans l'autre c'est moi qui aurais tendance à produire cet effet.

Je suis bien conscient de tout cela et c'est ce qui alimente mes réflexions en inversant constamment les polarités. Je suis en train de construire deux relations à la fois. En apprenant à vivre "seul", par moi-même, dans chacune des deux. Je dois poursuivre la défusion, tout en gardant la force de l'amour. L'une n'en veut pas trop, l'autre m'en demande trop. C'est un vrai challenge.



J'oscille entre les définitions de l'amour et de l'amitié, toujours à la recherche de cet état intermédiaire, hors définitions, qui combinerait les deux. L'attachement libre. Je ne peux pas aimer nathalie comme je l'aurais fait spontanément, parce que ça étoufferait cette avide de liberté. Je ne peux pas aimer Charlotte comme elle le souhaite parce qu'elle a besoin de m'avoir tout entier pour elle. Je ne peux pas dire non plus que je vis deux histoires d'amitié, bien que dans les deux cas ça y ressemble parfois...

Charlotte me demande d'avoir le comportement d'un ami, alors qu'on s'aime manifestement plus que ça. nathalie ne me demande rien, mais agit souvent comme si nous n'étions qu'amis (selon mes concepts), alors que je sais qu'elle m'aime. Je suis souvent assez déboussolé là dedans...

Avec comme enjeu le défi de ne perdre aucun des deux amours...
Et celui de les vivre différemment du concept "aimer" intégré depuis toujours. Vivre en pratique les théories que j'ai fait miennes depuis quelques années.



Le gros avantage, c'est qu'en étant constamment à l'écoute de mes émotions, j'entends peu à peu qui je suis, ce que je désire au plus profond, quels sont mes choix. Remise en question constante, mais très utile. Et ce va et vient entre les deux relations, tantôt à la place de l'oiseau, tantôt à celle de la cage, m'est très instructive. Surtout depuis que j'essaie d'avancer seul, sans en référer constamment ni à nathalie, ni à Charlotte. Je me débrouille désormais en solitaire, sans tout partager, sans chercher à me déculpabiliser d'un coté, ni à être encouragé de l'autre. Je prends cette distance qui me permet d'accéder à davantage d'autonomie.

D'ailleurs, je crois qu'il est en train de se produire un peu la même chose avec ce journal. Bien souvent je ne ressens plus le besoin d'écrire. Je n'y pense même plus. Ce n'est que lorsque je me mets devant mon clavier que la logorrhée démarre, comme une vieille habitude. Mais nombre de mes dernières découvertes, pourtant très importantes, seront restées non formulées. Je n'ai plus besoin de vos regards. Je ne cherche plus à "exister", à prendre une place, à convaincre du bien fondé de mes actions, à me déculpabiliser. Je suis... autonome dans mon introspection.

C'est plutôt une bonne nouvelle, non?





«L'@mour virtuel existe t-il vraiment?

Pour ceux qui ne connaissent pas le monde d'Internet, il est très difficile de comprendre qu'il existe une vie virtuelle dans laquelle on peut rencontrer des personnes qui peuvent avoir plus de valeur à nos yeux que celles que nous connaissons dans notre vie réelle. Et pour les autres, ceux qui surfent habituellement sur le Net, croire en l'amour virtuel leur est également difficile jusqu'à ce qu'ils soient concernés de très près.

J'ai connu plusieurs personnes sceptiques lesquelles, après avoir connu l'amour virtuel, se sont rendues à l'évidence, l'amour virtuel existe bien et il est totalement logique. Seuls ceux qui ont vécu ou éprouvé cette forme d'amour peuvent répondre à cette question.
»


Clara Kamininsky, psychologue, auteur d'une étude sur "les communautés virtuelles" [lire l'article]







Mois, émois, et moi...




Dimanche 18 juillet


Le petit sous-titre qui se trouve en haut de ma page, il est clair non? Mois, émois, et moi. Petit jeu de mots qui est plus à entendre qu'à lire, histoire de ne rien cacher de ma propension à parler de moi. Ouais, moi, mon égo de moi-même à moi! Egoncentriste, égotiste, égoïste. Ego, ego, ego...

Ici, je ne parle que de moi, jusqu'à la nausée. A se demander d'ailleurs ce que vous y trouvez, vous, lectrices et lecteurs. Sans doute quelque chose qui vous rapproche de votre "moi"? On me dit souvent que mes réflexions aident...
Ailleurs, sur des forums, je ne parle que de moi, moi, moi. Et même lorsque je réponds à d'autres c'est parce que ça éveille quelque chose en moi. Normal, me direz-vous...

Avec Charlotte, avec nathalie, avec mes amis, avec les correspondants divers que je peux avoir, je ne parle que de moi et de ce qui m'intéresse. Posez-moi des questions et je serai intarissable. Tant qu'on m'en posera j'aurai de quoi répondre (ou de quoi chercher). «Parlez-moi de moi, il n'y a que ça qui m'intéresse!».

Mais moi... est-ce que je m'intéresse aux autres? Est-ce que je leur pose des questions? Oui, lorsque je sens que je pourrais apprendre quelques chose qui enrichira mon propre cheminement. Mais des questions "gratuites", comme ça, juste parce que je m'intéresse à EUX? Ben... je ne sais pas si ça m'arrive.

Charlotte et nathalie, il y a quelques semaines, m'ont toutes les deux dit «tu ne me poses pas beaucoup de questions». Tiens, oui, c'est vrai ça. Je n'y avais jamais fait attention. En fait, c'est parce qu'elles me voyaient extrapoler sur leurs supposées pensées. Je leur attribuais mes propres peurs, j'imaginais dans leur tête les pensées que j'ai à mon égard (toujours les plus noires, évidemment...). Elles préféraient que je leur demande plutôt que de supposer et euh... ben je me suis senti un peu con de ne pas le faire habituellement.

Face à autrui, c'est mon égo qui prend toute la place. Sans doute parce que c'est face à autrui que je peux "exister", et que toute oreille attentive me permet enfin cet épanouissement tant désiré. Sinon, je n'ose rien dire et reste dans mon coin. Sentiment d'insignifiance, venu de si loin...
Ma signifiance n'existe que lorsque on fait attention à moi. Mais de moi-même je n'ose pas prendre simplement ma place. Je m'efface, me fond dans le paysage. 
Quoique... tout cela est en changement. J'ose de plus en plus "exister" et je vois que je ne suis pas insignifiant. J'ai même parfois peur de prendre trop de place, grisé par l'attention que l'on me porte. Je deviens parfois, sans le chercher, "personnalité de premier plan" sur des forums. Je n'aime pas trop ça parce que dès qu'on devient un peu visible on devient sujet à critique, voire à descente en flammes. Généralement c'est ce qui finit par se passer un jour, parce que quelque grincheux devient jaloux de cette (toute relative) notoriété. Plusieurs fois j'ai mal résisté à ce genre d'attaques, et fini par m'effacer doucement. J'aime qu'on m'aime et supporte mal le contraire.

Bon, mais les forums c'est une ambiance bien particulière. Ce qui m'intéresse aujourd'hui c'est mon rapport intime avec autrui. En tête à tête.

Récemment mes frasques amoureuses ont surpris, dans mon entourage. On est donc venu, pour les plus ouverts, me demander des eclaircissements. J'ai beaucoup apprécié ces "dialogues" (quasi-monologues, en fait), stimulés par les questions qui m'étaient posées. Ça me permettait d'aller plus loin, plus profondément en moi, et de m'entendre dire ce que parfois je me cachais un peu. La spontanéité du dialogue est plus efficace pour cela que la mesure de l'écrit.

Mais moi... je ne leur ai rien demandé aux gens qui s'intéressaient à moi. Je n'ai fait que parler de moi, moi, moi.

Pourquoi je ne m'intéresse pas plus que ça aux autres? Pourquoi je ne montre pas que je m'intéresse à ce qui les constitue, à leurs émotions, à leur essence?


*réflechissons*


Je crois que... cette peur d'aller au devant de l'autre est parfois une peur d'aller au devant de moi. C'est à dire qu'en leur posant des questions, je trahirais ainsi mes centres d'intérêt, mes préoccupations. Par le choix de mes questions, je me dévoilerai. Ou je craindrais qu'ils me demandent en retour ce que moi j'en pense. Qu'un dialogue se crée... sans que je ne le maîtrise.

Tandis que si je réponds uniquement aux questions, je laisse l'autre dans un relatif flou. C'est lui qui dirige la discussion, mais à l'aveuglette, sans connaître mes points de sensibilité, sans soupçonner les cotés secrets de moi que j'ai peur de dévoiler. Ma différence, mon originalité, ma singularité. En laissant l'autre me questionner selon ses inspirations, je reste largement caché. Je ne donne que des bribes de moi-même.

[Tout ce que j'écris là me vient au fil du clavier... Je n'y avais jamais pensé auparavant.]

Je crois aussi que j'ai comme un a priori: ce que disent les autres, bien souvent, ne m'intéresse pas. En disant cela, je pense aux discussions habituelles, aux bla-blas pour meubler le temps et l'espace. Aux nouvelles polies que l'on se donne et que l'on oublie aussitôt. Enfin que moi j'oublie. Parce que ça ne m'intéresse pas.

Ce qui m'intéresse ce sont les émotions, l'intériorité profonde, les tripes, les convictions. De quelle pâte sont faits les gens. Pas les activités de la semaine ou des dernières vacances. Ça m'intéresse... mais après qu'un contact fort existe. Or c'est bien souvent en commençant par le bla-bla qu'on peut aller plus loin. Phases d'approche, de découverte, qui portent sur des sujets anodins.

Pourquoi ne parviens-je pas à parler de sujets anodins? Parce que c'est du "temps perdu" par rapport à ce qui m'intéresse d'abord. Ou peut-être parce que je ne me sens pas être défini par mes activités, mais par ce que je suis intérieurement. Les activités diverses, l'extérieur, me semblent trop trompeurs. C'est par là que se créent les apparences, c'est par là que l'on peut tricher avec soi et avec les autres. C'est par là aussi qu'on est souvent imitateur, conformiste. Justement parce que ce sont les apparences que l'on voit et montre.

Même chose pour les opinions générales émises sur l'actualité ou le temps qu'il fait. Conformisme maximal, formaté par le petit écran, les "on-dit", les médias et leur séléctivité. Tous abreuvés à la même source, nous pensons tous à peu près pareil. Et on se chicane pour des broutilles. Rares sont ceux qui ont une pensée originale, construite, diversifiée, basée sur des connaissances suffisamment étendues. Qui ont une réelle connaissance des sujets qu'ils abordent. La plupart du temps les discussions naissent et meurent sans qu'elles n'aient rien apporté. Echange de banalités, réassurance de bien penser comme tout le monde, dans le moule que l'on s'est choisi. Et ça, ça ne m'intéresse pas.

Je veux de la pensée, pas du régurgité. Et moi-même, bien souvent, me sens incapable d'avoir cette pensée, faute de connaissances suffisantes. Alors je préfère me taire plutôt que de proférer des âneries (ce qui ne m'empêche pas de le faire, hélas...). Et lorsque j'ai quelques connaissances, j'essaie de garder l'humilité nécessaire en fonction des lacunes ou incertitudes dont je mesure l'étendue. Sauf que, selon l'interlocuteur et l'ambiance de la discussion, je peux me laisser emporter et entrer dans l'émotionnel dans lequel je risque de me perdre.



Je vois bien toute la contradiction qui existe entre la peur de me dévoiler et le désir d'exister. Entre le non-intérêt pour le conformisme et le manque d'audace à exprimer mes pensées profondes...

Toujours cette peur de n'être pas aimé, d'être rejeté, abandonné...
Et pourtant je sais que c'est aussi en étant moi même que je suis apprécié, et aimé.
Cercle vicieux.


Euh... vous avez une idée pour trouver la sortie?






Ombres et relief




Samedi 24 juillet



Mon dernier texte n'était peut-être pas très objectif. Je crois que je me vois plus "noir" que je ne suis. J'ai tendance à me focaliser sur les point négatifs. D'ailleurs, comme pour me contredire, le lendemain de cette mise en ligne, dans un tout autre cercle que celui des lecteurs de ce journal, on me félicitait pour mon altruisme, mon écoute, ma capacité de réflexion. Ouais, faut quand même que j'accepte de voir que l'on m'apprécie...

C'est étonnant ce besoin d'être éternellement rassuré sur cette appréciation. Comme si le trou n'allait jamais être comblé. Vais-je dépendre à vie du regard des autres? L'enfeeeer!
Je veux pas! Je veux me débrouiller seul, ne plus attendre cette béquille pour croire en moi. J'ai envie d'être autonome [tiens, c'est pas la première fois que je le dis...] et ne prendre des autres qu'un complément de ce que je trouve en moi.

Je suis en train de réaliser que je serais passé par différentes méthodes... mais que la quête reste la même: qui suis-je face aux autres? [ou "pour les autres"?]. Il y avait les dialogues avec Charlotte, il y a eu ce journal et l'interaction qu'il permettait, puis des "amitiés" internautiques. Il y a eu nathalie, puis maintenant un retour vers les forums de discussion ou je traque la moindre possibilité d'échange... Je suis en manque d'échange, et ce n'est pas ma relative solitude qui explique tout.

Il y a un besoin de me confronter aux autres. Que ce soit à la recherche des ressemblances ou des différences, j'aime les échanges passionnés et passionnants. J'aime aller à la recherche de moi en face des autres, m'enrichir de leur expérience, ou donner mon point de vue si je ne suis pas d'accord. Mais j'en deviens parfois "accro", dépendant comme on l'est d'une drogue. Il me faut ma dose quotidienne d'échange.

Je ne sais plus vivre "seul"... alors que ma vie l'est de plus en plus. Dans la journée, comme auparavant, mais dorénavant le soir aussi. Auparavant je me débrouillais très bien avec cette solitude diurne, maintenant elle me pèse. Je la trouve vide. Je ne sais plus apprécier ces moments "pour moi". Mon moi ne m'intéresse plus.

C'est assez contradictoire avec cette autonomie à laquelle j'aspire...


En fait, je crois que j'ai un besoin de rattraper le temps perdu. Ces décennies de "silence", de non-ouverture, d'absence de relations.

Et puis il se pourrait bien que cette soif de communication soit aussi une curiosité sur ce que pensent et vivent les autres. Pas si égocentriste que ça, finalement...


Si je me pose des questions sur tout cela, c'est parce que je constate qu'un des éléments qui m'a entraîné hors du couple était un certain manque de communication. Or, avec le temps, je vois que ce manque, comblé un temps, s'est à nouveau installé. Pourtant il y a maintenant nathalie... et toujours Charlotte. Deux interlocutrices privilégiées, mais avec qui je ne peux pas toujours aborder les sujets qui me préoccupent actuellement. Parce que, bien souvent, elles sont concernées plus ou moins directement. Il n'est pas toujours facile de parler de la relation que l'on vit avec la personne concernée. Cela touche rapidement à la sensibilité et demande de la diplomatie. Pourtant, il est pour moi essentiel de me sentir "bien" avant de pouvoir m'ouvrir aux préoccupations de l'autre. Et me sentir bien passe par une mise à plat de toutes les petites inquiétudes qui m'assaillent en continu.

Mais bon... cela me permet aussi d'apprendre à gérer tout seul mes propres fragilités, et à ne pas reporter sur mes compagnes ce qui ne vient parfois que de moi. Mes doutes, mes insécurités, mes blocages... je dois d'abord les analyser et en prendre tout la responsabilité avant de leur en parler. Ce n'était pas ce que je faisais auparavant...


Finalement, ce travail de responsabilisation est concomittant avec la prise de confiance en soi. Connaître ses faiblesses, ses limites, ses contours, c'est mieux se connaître. Avoir confiance en soi, c'est ne pas craindre de reconnaître ses zones d'ombre. Et par un effet de mise en relief, voire ainsi se dégager les points forts. Comme un éclairage rasant qui révèle toutes les particularités d'une surface qu'une lumière directe rendait lisse et uniforme. Et dans mon cas, avec une tendance à me sentir globalement "insignifiant" et terne, cette mise en relief de mes points forts ne peux que participer à la prise de conscience des points de solidité.

Je sais pertinemment que les gens qui m'apprécient connaissent mes points forts, et seraient certainement beaucoup plus objectif que moi. D'autres qui ne m'apprécient pas peuvent aussi faire apparaître mes lacunes, mes défauts. A moi d'accepter aussi ce regard pour y déceler des failles sans pour autant m'enfoncer comme s'il s'agissait de gouffres.


Peut-être... que je dois faire d'avantage confiance aux autres?  A leur regard en positif comme en négatif, et acepter les deux. Être à l'écoute attentive de la résonnance qui se produit entre ma propre perception de moi et celle qu'en ont les autres. Être vigilant envers les dissonnances, lorsque les points de vue sont opposés.


Mouais... finalement c'est bien ce que je fais. Alors c'est que je suis certainement sur la bonne piste.







Devenir un homme




Dimanche 25 juillet


«La pression de l'amour maternel oblige le fils à maintenir lui-même la barrière de l'inceste et imprime chez lui une peur du désir féminin qui vient se rejouer par la suite dans ses relations avec les femmes. Cette angoisse face à la demande maternelle explique en grande partie l'ambivalence traditionnelle des hommes par rapport à l'engagement amoureux. Ils craignent de se trouver à nouveau dans les mains d'une femme sans avoir la capacité de poser leurs limites. Cette situation prévaut tant qu'un homme n'a pas résolu la situation oedipienne.»

«Lorsque le désir [affectif] maternel n'est pas réfréné et celui de l'enfant non plus, cela aura pour conséquence une faiblesse de la construction psychique de ce dernier. Les instances interditrice du surmoi ne sont pas mises en place et cet être éprouvera des difficultés à poser ses limites et à s'affirmer. Il aura autant de difficultés à s'engager en disant "oui" qu'à refuser en disant "non". Par dessus tout, il craindra de causer de la souffrance à une autre personne car il n'aura jamais osé affronter le complexe maternel et faire de la peine à sa maman en lui signifiant qu'il n'était pas marié avec elle.»


Ces deux extraits d'un livre d'Alain Corneau "N'y a t'il pas d'amour heureux?" m'ont fourni d'intéressantes pistes de réflexion. J'y ai trouvé des explications à des comportements dont je ne connaissais pas l'origine profonde. C'est comme si c'est mon histoire que je trouvais là, écrite noir sur blanc. Oh, pas entièrement, ou pas dans les mêmes proportions, mais avec sufisamment de ressemblances pour que le déclic se fasse.
Et ce n'est directement dans mon rapport avec ma mère que j'ai fait le lien, mais avec... mon épouse, qui a partiellement pris son rôle. Toutes proportions gardées, Charlotte à un coté "mère" avec moi et une part de ce qui n'a pas été réglé avec ma mère s'est reporté dans notre couple.

Longtemps on disait de moi que je n'avais "pas coupé le cordon", ce qui m'agaçait prodigieusement. Psychologie de bazar, pensai-je, du haut de mes 15 ans... Mais de fait, jamais il n'y a eu chez moi de révolte par rapport à l'emprise maternelle. Je n'ai pas eu de crise d'adolescence, ni contre mon père, ni contre ma mère. Pas étonnant qu'elle se fasse un jour, maintenant, avec des proportions en relation avec la durée écoulée depuis l'âge auquelle elle aurait du se faire.



«Les pôles autour desquels gravite l'identité personnelle sont les besoins d'union d'une part et les besoins d'affirmation d'autre part; autrement dit, le besoin de se rapprocher de l'être aimé et celui de s'éloigner pour prendre conscience de soi. L'individualité prend forme grâce à la tension qui existe entre ces pôles à la fois opposés et complémentaires. Choisir l'un au détriment de l'autre, c'est à dire anéantir son individualité dans une relation ou s'enfermer dans un individualisme forcené qui fait fi des autres, conduit à toutes sortes de complications psychologiques. Nous avons besoin d'autrui pour exister et le groupe nécessite l'apport de notre individualité pour demeurer vivant.
Cela s'applique particulièrement à la relation entre une mère et son fils. L'enfant a absolument besoin de sa mère pour se construire mais il doit pouvoir émerger de sa position d'enfant pour devenir un homme
»


Ce que je n'ai pas réussi à faire avec ma mère, c'est avec sa part prolongée dans mon épouse que je le fais maintenant. Je m'émancipe de son emprise, à laquelle je m'étais inféodé sans transition en quittant ma mère.



«Malheureusement, l'expression des besoins d'autonomie est souvent mal ressentie par l'entourage familial et social. La plupart des gens préfereraient ne pas avoir de tels besoins, car leur expression exige une certaine dose d'agressivité. La terrible peur de blesser l'autre s'en mêle aussitôt, ce qui engendre la plupart du temps beaucoup de culpabilité»


C'est évidemment cette culpabilité de faire souffrir Charlotte qui provoque autant de tergiversations en moi... Car Charlotte, bien qu'ayant une part de "mère", est aussi mon épouse, celle que j'aime. En fait, je veux me détacher de sa part de mère, mais maintenir l'amour-affection qui existe entre nous. Même si l'amour-désir n'y est plus vraiment.
Et d'ailleurs... bien que je me détache de cette part d'amour maternant, je constate que le désir ne revient pas. Il y a quelques temps je me demandais si ce n'était pas cette part de mère qui entravait le désir (par analogie à un amour "incestueux" symbolique), mais il ne semble pas que ce soit le cas.

Il faut dire aussi que Charlotte reste encore beaucoup dans un vécu de "mère" avec moi (et peut-être aussi de "fille"...). Je ne sens que peu la femme réagir en elle dans la situation délicate que nous vivons. Pas de tentatives de séduction, et même refus de tout ce qui nous rapprochait dans notre rapport homme-femme.
Paradoxalement, Charlotte m'infantilise régulièrement: "Tu as un comportement infantile"; "tu fais ta crise d'adolescent"; "tu te conduis comme un enfant qui voudrait un jouet", en pointant une supposée immaturité. Elle n'a pas tort... sauf que c'est précisément ma sortie de cet état que j'effectue. Et elle, comme une "mère", m'en empêche. Elle me voudrait homme, mais me considère comme un petit garçon.
Elle tente de faire appel à ma raison, à l'anormalité de ce que je souhaite vivre, me rappellant sans cesse que je suis dans des théories qui ne peuvent passer à la pratique. Bref, pour elle je vais vers une impasse, et la "mère" qui est en elle tente de m'en protéger (et de s'en protéger...), quitte à devenir menaçante: "tu vas finir tout seul, un jour il sera trop tard...".


Comment pourrais-je ressentir du désir envers cette "mère" castratrice. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: me castrer. Ce qui lui pose problème, ce n'est pas que je m'ouvre aux autres, ou même à des amitiés féminines, mais que je puisse vivre des expériences sexuelles. C'est ma sexualité d'homme, acte le plus symbolique de la virilité primitive, qu'elle me refuse. Et moi, en bon "fils" qui se rebelle... c'est précisément cette virilité qui m'attire. Celle-ci passant par l'affirmation de moi face à la "mère" qui voudrait me garder pour elle en m'empêchant de grandir.

Et face à cela, nathalie, qui n'a aucun rôle de mère, m'encourage à devenir cet homme. Elle ne le fait jamais d'une façon maternelle, mais plutôt assez "virile", ce qui a souvent déstabilisé le petit garçon qui est en moi. Tant que je me prends en main tout seul elle est à mes cotés. Mais dès que je demande... elle se met en retrait. C'est à moi de faire mon chemin en solitaire.
Le petit garçon que je suis en a souvent été déstabilisé, se demandant s'il pourrait résister à cette "dureté", mais il y a comme une voix intérieure qui me pousse à continuer. Je SAIS, indubitablement, que c'est la voie à suivre. Renoncer à ces difficultés, céder à mes peurs, ce serait régresser vers le petit enfant.

Jamais, lorsque je me suis dis que c'était trop difficile et que j'envisageais de tout arrêter, je n'ai ressenti un début de satisfaction ou de délivrance. Au contraire, je sentais une tristesse, une faiblesse. Et toujours, lorsque j'ai passé une étape supplémentaire je me suis senti plus fort. Ou autrement dit: tout ce qui me porte vers l'homme me réjouit, tout ce qui me fait régresser vers l'enfant m'attriste.

Je ne suis réjoui avec Charlotte que lorsque nous parvenons à nous entendre bien, et à reconstruire quelque chose de nouveau entre nous. Je suis affligé lorsqu'elle me montre ses limites et me rappelle froidement l'impossibilité de ce que je souhaite. Lorsqu'elle brise mes élans d'espoir.
Avec nathalie, je suis affligé lorsque je constate mes limites, qui m'empêchent d'avancer aussi vite ou aussi loin que je le voudrais.


L'une m'empêche de prendre mon envol, l'autre m'y encourage.
L'une me prend pour un petit garçon, l'autre pour un homme.
L'une s'empêche de vivre de bons moments avec moi, l'autre y aspire.
L'une me veut tout à elle, l'autre me laisse toute liberté...

L'une ne croit plus en mon amour et me refuse le sien, l'autre y croit et me donne le sien.
L'une m'aime sous conditions, l'autre sans conditions.

Pourquoi hésiter alors? 
Par solidarité. Parce que c'est avec Charlotte que j'ai fait mon chemin jusque là, et que je peux bien "l'attendre" un moment. Essayer de continuer avec elle, si toutefois elle souhaite poursuivre avec moi.

Pour moi, il est là l'engagement. C'est celui de ne pas la laisser tomber, ni renoncer à notre couple. Mais je ne peux pas pour autant me sacrifier...
Pour moi, elle est là la fidélité: je crois toujours en notre relation, et désire la poursuivre, même si je vis une autre relation en parallèle.

Et pour aller plus loin, j'irai même jusqu'à dire, mesurant bien le coté "provoquant" de cette affirmation, que l'infidélité vient du coté de celui des deux qui ne croit plus à l'amour partagé. Et c'est Charlotte qui n'a plus la foi dans notre amour...



«La victoire sur le complexe maternel signifie qu'un homme cesse de se cacher ses responsabilités en prenant les autres comme paravent, ou en prétextant d'une enfance difficile pour expliquer ses comportements. Il devient libre mais du même coup pleinement responsable de ses actes. Il ne peut plus être le garçon sans cesse poli, gentil, courtois; il doit assumer son ombre, sa capacité de faire souffrir. Il doit également assumer la culpabilité liée à ces gestes. Il ne peut plus jouer l'innocent. En tuant sa mère symboliquement, il tue son enfance. Voila le sacrifice auquel il doit consentir pour être un homme.»

«Le bon garçon est un être qui sous des allures ouvertes a toutes les peines du monde à s'engager dans une relation car son coeur est fermé. Pour s'affranchir, il devra (...) affronter son dragon maternel et rencontrer son ombre pour délivrer sa créativité et sa capacité d'aimer.
Le bon garçon souffre de la même maladie que la bonne fille, à savoir une suradaptation aux demandes de son entourage. Le coeur d'un homme qui a connu une mère blessée narcissiquement, trop exigeante et culpabilisante, est fermé à double tour. Il peut être le garçon le plus charmant du monde, il connaît une grande solitude intérieure. Cette solitude est dominée par un complexe maternel sévère qui lui interdit d'exprimer spontanément ses réactions. Son comportement a quelque chose de contraint et il ne correspond pas à sa personnalité fondamentale. Il n'entre pas en contact avec ses profondeurs parce qu'il s'y cache trop de souffrance d'enfant mal-aimé.
La prise en charge de ce problème et l'affirmation de ses véritables goûts signifie en effet des changements déstabilisants qui risqueraient de lui faire perdre l'estime d'un entourage dont il est dépendant. Cela engagerait surtout une véritable rupture avec la mère et la trahison de leur union symbolique. Car, lorsque parent et enfant sont liés par un même problème psychologique, il existe un pacte inconscient entre eux qui interdit que l'un ou l'autre s'en sorte.
Pour changer, le bon garçon devra affronter la culpabilité de laisser derrière lui sa propre mère au risque de lui faire de la peine. Il lui faudra surmonter la peur qu'elle ne survive pas à ce changement d'attitude de la part de son fils. Mais surtout il devra prendre contact avec son feu intérieur pour retrouver cette vitalité.
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Charlotte et moi avons établi un rapport de couple assez bizarre (mais très fréquent, je crois...): une double relation mère-fils et père-fille. Tous les deux mal construits dans notre enfance, moi à cause d'un père "manquant", elle à cause d'une mère "absente" (gros problèmes psychiatriques), nous avons surinvesti le lien avec le parent du sexe opposé... qui nous a transmis directement ses propres problèmes. Avec un seul parent référent, et un autre parent à la fois présent et incapable d'assurer une grande part de son rôle, notre estime de nous-même est boiteuse. C'est donc entre nous que nous nous sommes "reconstruits", mais chargés de toutes nos lacunes que l'autre n'a pu qu'imparfaitement compenser. Nous avons tenu longtemps, nous sommes soutenus, entraidés, enlacés, entrelacés... mais certains de nos problèmes restent sans solution. Ou pire, se nourissent, s'entretiennent. Notre lien est donc très fort, et pourtant il faut le détacher. Et c'est à moi que semble revenir le rôle assez cruel du "dénoueur". Je dois à la fois me délier, ce qui est inquiétant, et refuser de me laisser "accrocher" par Charlotte... tout en essayant de ne pas trancher trop brutalement.

Elle et moi sommes dans un ballet d'éloignement/maintient/rapprochement. Tout confondu, nous devons démeler l'écheveau de nos multiples liens et faire le tri entre les bons et les mauvais.

C'est un travail extrêmement minutieux sur une matière fragile et précieuse.
Et c'est pour cette raison qu'il me faut autant de temps pour le libérer sans (trop) faire souffrir celle que j'aime...






Bonheur à prendre




Jeudi 29 juillet


Comme avant chacune de mes rencontres avec nathalie il s'opère d'importants mouvements dans mes pensées. Cette fois, je n'ai pas eu besoin de me "préparer" mentalement afin d'éviter une culpabilité envers Charlotte. Il n'empêche qu'une onde de fond a modifié en profondeur la dynamique de mes relations. En fait, c'est ma conception de l'amour qui a évolué. Non pas comme quelque chose de nouveau et insoupçonné, puisque tout était déjà énoncé depuis au moins un an, mais parce que cette fois mes "découvertes" sont passées du cérébral à l'émotionnel. Du raisonnement au coeur. Du concept au tripes.

Il m'aura en effet fallu plus d'un an pour que je parvienne vraiment à vivre ce que j'avais pressenti l'été dernier. Pour que j'intègre au plus profond de mon être que l'amour n'attend pas mais laisse l'autre libre. Que l'amour est confiance, sans peur. Qu'il est don, et proposition de bonheur à vivre quelque chose ensemble.

Je ne sais pas bien ce qui s'est passé dans ma tête ces derniers temps. J'ai beaucoup moins réfléchi et les choses se sont placées toutes seules, parce que le temps était venu que cela se fasse. Après de multiples trébuchements, qui m'ont à chaque fois enseigné quelque chose, mes inquiétudes se sont assez subitement apaisées, dans chacun de mes couples. J'ai "lâché prise", cessé de chercher à contrôler les réactions de mes partenaires. J'ai accepté les différences de point de vue et de sensibilité, sans chercher une communion à tout prix.

D'une certaine façon, je me suis recentré sur moi, et cela m'a ouvert plus largement. Je me suis donné davantage de latitude pour "exister", sans chercher à correspondre aux désirs de Charlotte, sans chercher à plaire à nathalie. Je suis devenu plus authentique. Et ça va très bien avec nathalie qui s'efforce de vivre selon ce principe. Ça ne va pas forcément mieux avec Charlotte, mais pas pire non plus.


J'ai décidé de choisir le bonheur. J'ai envie de le vivre le plus souvent possible, et avec qui le voudra. J'ai envie de m'ouvrir à ce bonheur en toute circonstance, et qu'émane de moi le bien-être. Avec mes plus proches comme avec des inconnus. Je sais désormais que le sens de ma vie est entre mes mains. Bonheur ou tristesse, c'est en moi. C'est moi qui décide. Et je voudrais que les circonstances extérieures n'orientent plus mon baromètre intérieur. Ou le moins possible.

Je sais qu'il me faudra encore beaucoup de temps pour parvenir à cette forme de détachement, mais j'ai désormais trouvé la piste à suivre. Il fallait que je la trouve par moi-même, et toutes les lectures qui me l'indiquaient ne pouvaient que me guider vers cette conviction intime. On ne peut pas faire l'économie de l'expérience personnelle. Il faut passer par une certaine forme de souffrance, de volonté, d'acharnement, avant de s'apercevoir un jour que ces épreuves marquaient le passage vers un autre état de conscience. Chaque difficulté était là pour me faire dépasser un blocage, un conditionnement, une incapacité à aller au delà.


Fort de ces expériences, c'est serein que je continue à avancer, sachant très bien que d'autres épreuves m'attendent. Mais je sais aussi qu'elle m'aideront à grandir et à aller vers le meilleur de l'homme que je suis vraiment.


Oui, tout cela paraît peut-être un peu "allumé" (non, je n'ai pas fumé de substances illicites), mais c'est un état qui s'installe et m'habite depuis quelques jours. Et ça fait beaucoup de bien d'atteindre cette forme d'apaisement après tant de questionnements.

Je vais retrouver nathalie dans ce sentiment de vivre pleinement la bonne chose, au bon moment, avec la seule personne avec qui je peux le vivre actuellement. Le bonheur est là, il n'y a qu'à le prendre...


Et je ne peux rien pour qui ne souhaite pas le vivre avec moi.






Samedi 31 juillet


Ce matin j'ai mis mon réveil pour qu'il sonne un peu avant que l'avion de nathalie décolle. Actuellement elle est quelque part au dessus de l'Atlantique...

Hier nous nous sommes dit un rare "a demain", au téléphone. Pour seulement la troisième fois nous allons partager nos vies durant quelques jours. Etonamment, c'est quelque chose qui devient presque habituel. Ce rythme de rencontres espacées a pris sa place dans nos vies. Il ne semble plus y avoir ce coté inquiet qui avait marqué nos premières rencontres: celle de la première mise en contact, en septembre dernier; celle du temps prolongé ensemble, en février. Maintenant nous savons que tout se déroule très bien entre nous durant ces épisodes si différents du rapport à distance auquel nous avons dû nous habituer.

Je crois même que c'est parce que nous savons à quel point ce contact direct nous est favorable que nous avons un peu modifié le ton de nos dernières conversations. Je me rends bien compte que j'ai mis mes réflexions en veilleuse jusqu'à cette mise en contact, bien plus propice à un partage total. Un peu comme si on mettait les choses en suspens, en attendant de pouvoir les libérer en face à face.






Mois d'août 2004