Juin 2004
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Mutation





Samedi 5 juin


Rhaaa la la... y'a quelque chose qui ne va plus entre ce journal et moi. Il m'arrive de penser dans la journée à ce que je pourrais écrire, mais le soir venu je ne sais même plus de quoi il s'agissait. Puis bon... tellement de choses ont évolué ces derniers temps. C'est étonnant comme la situation s'est apaisée, comme mon existence s'est simplifiée. J'aime ma nouvelle façon de voir la vie. Chaque jour m'apporte son lot de révélations. J'ai l'impression de tout comprendre de ma façon de fonctionner.

Du coup... ben je ne ressens plus la nécessité de m'en ouvrir dans ce journal. Je n'ai plus ce besoin de témoigner de mon vécu, de garder la trace de mon cheminement et d'en proposer la lecture à des inconnus (ou même des connus). Finalement il y a quelque chose de très personnel qui ne me convient plus. J'aimerais passer à un stade plus général, car de mon aventure personnelle je découvre bien des comportements assez universellement répandus.

Je continue à m'exprimer en divers lieux d'internet, mais en étant beaucoup plus ouvert aux autres. J'ai envie de faire bénéficier de mon vécu à ceux qui souffrent dans leur rapport à autrui et en qui je retrouve une part de mes souffrances passées. J'ai envie de leur offrir des pistes de réflexion, espérant que quelques mots feront *tilt* dans leur pensée et leur permettront d'avancer sur leur chemin.

Finalement l'expression à sens unique dans ce journal a quelque chose de frustrant. Ça manque furieusement de communication croisée. La grande idée qui me fût si chère d'une "communauté de diaristes" s'est révélée être une utopie. Chacun est retourné dans son monde, a laissé se refermer les portes, et la communication naissante s'est éteinte. Et j'ai fait de même...
La plupart des liens que j'avais pu nouer se sont distendus, sont en sommeil de longue durée, en hibernation.

Je suis complice de ces silences que j'ai laissé s'instaurer. 

Internet serait-il un accélérateur relationnel? Empathie immédiate, échanges passionnants, puis distanciation plus ou moins brutale, tacitement acceptée. Souvent il suffirait d'un rien pour rétablir le contact au point où il était resté... mais personne ne le fait. Pas plus moi que les personnes que j'appréciais. Nous sommes tous pris dans la réalité de la vie, et de ce qu'on appelle "manque de temps", excuse qui ne devrait tromper personne... Le seul manque, c'est celui du désir réel de communiquer, parce que les sujets communs ont été épuisés. Il est si facile de se perdre de vue sur internet...


Euh... non, je ne me sens pas pessimiste. Ni même désabusé, puisque je m'inclue dans ce que je décris. Je constate, c'est tout.

Peut-être ai-je fait le tour ce que ce média pouvait révéler de nouveau? Ou bien ai-je compris que j'en avais abusé pour pallier un déficit de communication directe? Peut-être n'aura-ce été qu'un moyen d'aller à la découverte de moi-même?

Dans ce derniers cas, l'objectif aura été atteint. Je sens à quel point j'ai "avancé" ces dernières années, et combien cela préparait la révolution intérieure que je vis actuellement. L'épilogue ne sera sans doute pas écrit dans ce journal. Ni dans un journal privé. Tout se passe au niveau du vécu, des sensations. Je ressens les changements en moi, et n'ai nul besoin de les décrire. Je n'ai plus besoin de m'en convaincre par la répétion. C'est en moi désormais. Acquis définitivement.





«Belle rencontre en tête-à-tête avec ma fée marraine, celle qui m'a donné l'envie de créer ce journal, qui m'a inspirée et qui, sans le savoir, m'a aidée à cheminer dans un moment difficile de ma vie. Oui, les écrits publiés sur Internet sont autant de bouteilles lancées à la mer et il arrive que le message qu'elles renferment soit repêché par quelqu'un qui l'attendait, qui en avait besoin, juste au bon moment.»

L'instant-clic (21/05/2004)






Seul parmi eux





Dimanche 6 juin


Hier et aujourd'hui j'ai été en contact avec mes attaches familiales et amicales. Autour de personnes proches que je connais "depuis toujours" (ou presque) j'ai été traversé par diverses sensations. D'abord une impression de différence. C'était la première fois que je revoyais la plupart d'entre eux depuis que je ne vis plus avec Charlotte. J'ai pu discuter longuement avec deux personnes que ma démarche intrigue: comment est-il possible que nous en soyons arrivés à ça alors que notre couple semblait fonctionner si bien? Et surtout, par quel processus bizarre puis-je rester attaché à Charlotte tout en ayant un autre amour qui occupe une part de mes pensées? Aaaah oui, ça c'est très intriguant. Ça laisse même perplexe, tellement ça semble inhabituel de le dire [mais est-ce si inhabituel de le vivre?]. J'ai même eu droit à des allusions à la polygamie... [Tendance à vouloir coller des étiquettes sur ce qui est inconnu].

Pfff, alors que je passe mon temps à discuter avec des gens qui, soit le vivent sereinement [certes après des années difficiles d'ajustement], soient se trouvent confrontés à cette inadéquation du modèle traditionnel du couple et en mesurent bien les limites, je me suis retrouvé là à énoncer les principes de l'émancipation amoureuse. Mouais... y'a du chemin à faire. Mais enfin bon, je sens quand même une curiosité.

Peut-être parce que ça vient de ma part, pas vraiment soupçonnable d'agir de façon irréfléchie...



Deuxième chose que j'ai remarquée: une impression de décalage d'avec tous ces couples que constituent nos amis, ma fratrie, mes cousins. Si moi je me sentais plutôt à l'aise et détendu, je ne pouvais pas faire abstraction de ce que je perçevais chez Charlotte. Je lui ai demandé comment elle se sentait, et a confirmé mes soupçons: la vision de ces couples la ramènent immanquablement à notre séparation.
Ce qui me surprend toujours, c'est qu'elle le ressente ainsi alors que c'est elle qui la souhaite et la maintient. Mais bon... je peux comprendre qu'elle préfère ainsi s'épargner des souffrances compte tenu de sa vision des choses. Dans une logique d'amour exclusif, c'est soit 100% soit rien. Puisqu'elle sait qu'elle n'a pas les 100%, elle préfère le rien... même si elle souffre de ce rien. Compliqué, hein?



Troisième élément ressenti, en rentrant seul après ces journée de rencontre et d'échange: je ne me suis pas encore fait à une vie de célibataire. J'avais au coeur un petit sentiment de déprime. Pas de partage d'impressions avec Charlotte, comme autrefois. Seul dans ma voiture, avec une belle après-midi ensoleillée comme unique programme. Libre de faire ce que bon me semblait. Je n'en ai pourtant pas profité. Pas envie, même si j'y ai songé. J'ai repris la direction de "chez moi"... sans bien savoir ou ce "chez moi" se situe. Encore dans ce logement que j'occupe, ou dans cette nouvelle vieille maison en travaux que je vais habiter? Si près de celle de Charlotte, où sont nos enfants...

Au même moment, de l'autre coté de l'océan, nathalie commençait sa matinée... Loin, si loin...
Deux jours à vivre des choses différentes, chacun de son coté, que nous ne pourrons échanger qu'imparfaitement par le biais des mots.

L'amour distant est une forme quand même bien particulière. Tellement différente de ce que vivent tous les gens que je connais.


Vivre un double amour ouvertement est déjà peu courant. Vivre un amour en ne se voyant que deux fois par an l'est encore davantage. Le cumul des deux devient sans doute quelque chose d'assez rare, même si j'ai eu des contacts avec d'autres personnes dans ce cas. Mais ce n'est pas un hasard, puisque je m'exprime publiquement sur le sujet.



A ce propos... j'ai réfléchi à ma dernière entrée. En y repensant je n'étais pas très à l'aise d'avoir écrit certaines choses. Peut-être que j'étais un peu triste hier matin, un peu dépité, sans bien connaître les raisons de cet état.
Hmmm... sans doute une impression de solitude...

Peut-être ai-je tenté, inconsciemment, de m'adresser à ce lectorat silencieux? Quoi qu'il en soit, il a suffi que deux personnes manifestent leur intérêt pour mes écrits pour que je me mette devant mon clavier dès la lecture de leurs mails.

Si je n'étais pas très à l'aise depuis hier, c'est parce que j'ai senti mes propos injustes. Je n'ai pas à regretter la dilution des liens que j'avais pu nouer. S'ils se sont effilochés, il y avait des raisons pour cela. Et surtout une évolution des préoccupations respectives.
Finalement les rencontres ne sont que le croisement de chemins et il n'est pas vraiment surprenant que bien peu de chemins restent longtemps parallèles. Et puis je n'oublie pas des liens qui sont toujours resté relativement discrets, mais fidèles sur la durée. Et là... c'est parfois moi qui ai été peu présent, me contentant généralement de répondre, mais sans stimuler.

Mouais... un petit mea culpa s'impose. Un peu d'humilité aussi...


Bref, tout cela pour préciser que si mon écriture va probablement évoluer, je crois que j'ai quand même encore des choses à dire. La démarche sera peut-être différente, parce que je n'ai plus besoin [ou plus autant?] de regards rassurants pour me sentir apprécié. Du coup, je crois que j'ai moins besoin de me justifier.

Et tout cela est lié à cet élément bigrement important que j'ai découvert. Oh, rien de révolutionnaire. Ce qui change tout, c'est que j'ai compris. J'ai intégré ce phénomène tout bête qui conditionne mon comportement depuis des décennies:

La peur
Tout simplement.

La peur d'être soi. La peur d'oser. La peur d'exister en étant soi, donc différent des autres. La peur d'être original en laissant libre court à ce qui constitue l'essence de soi: la part spontanée, créatrice et la plus vivante. D'une certaine façon je me maintenais dans une cage que je m'étais construite par manque d'audace. Pour tout un tas de raisons liées à ma petite enfance et que je pense avoir maintenant comprises.

Ouais, ça paraît bête à dire comme ça, mais quand on vit les conséquences de sa peur et qu'on voit les aberrations que ça peut engendrer, ben d'un coup on se dit que c'est trop con de se laisser gouverner par ça.

Et alors là, c'est assez miraculeux... mais ça change tout! Enfin... presque tout. Oui bon: Disons que ça commence à changer
.

Ma peur m'empêchait de vivre, et c'est cette révolte intérieure qui bouillonnait en moi et m'a donné la force de persévérer, à force de questionnements.

C'est ça que je ne parviens plus à traduire dans ce journal, parce que cet élément-clé à des conséquences innombrables qui s'enchaînent en cascade. Trop compliqué de tout relier. Et surtout inutile de chercher à le faire. Parce que c'est très lié à mon histoire personnelle, donc de peu d'intérêt à être décortiqué en public.

C'est comme si, tout à coup, je prenais conscience du coté très intime de ce journal. Non pas dans le sens de "caché-secret", mais dans celui de "personnel-unique". Mon histoire n'appartient qu'à moi. Elle est non transposable, même si des analogies se retrouvent dans l'histoire personnelle de beaucoup de gens.
Il me semble donc devenu inutile d'énoncer cette part intime. Ces derniers jours, je ne ressentais aucun besoin de transcrire mes pensées. Ni même de les énoncer aux personnes qui me sont proches. D'un seul coup, ce que j'ai intégré devient mon bagage, mes convictions. Une part de moi. Quelque chose qui me constitue et ne me pose plus aucun problème de compréhension. Je n'ai donc plus le besoin d'en parler.

Mais en revanche j'ai envie d'aider ceux qui sont sur le même genre de chemin à accéder à ce qui sera leur révélation. Lorsque je lis quelqu'un qui semble bloqué dans le même genre de processus inhibant, je propose mes pensées, qui peuvent être autant de petits cailloux qui amèneron, un jour, à la prise de conscience nécessaire de l'autre. Car c'est ainsi que j'ai fait mon propre chemin.

Et puis... il me reste maintenant à mettre mon comportement en adéquation avec mes idées, en étant vigilant par rapport à des réflexes et des habitudes longuement polis.






Trop bien





Lundi 7 juin

Depuis quelques jours, les choses allaient bien avec Charlotte. On passait du temps ensemble, on mangeait ensemble, on discutait régulièrement et de bonne façon. Tout en restant chacun de notre coté, il me semblait que nous trouvions peu à peu un modus vivendi qui nous convenait.

Ben non...
Apparemment on était trop bien.

Trop bien ensemble. Trop conforme à ce que je souhaitais, c'est à dire une relation proche. Charlotte se sent «manipulée», avec l'impression que je parviens à mes fins en étant agréable avec elle. Ben oui, forcément! Puisque j'ai envie que notre relation dure dans de bonnes conditions, je fais ce qu'il faut pour y parvenir.

Sauf que Charlotte ne veut pas de cette double relation. Résolument.

Il semble que cet état de bien-être commun l'entretienne dans une illusion. A chaque fois qu'elle reprends conscience de la réalité, elle veut marquer la distance. Je ne comprends pas grand chose à cette logique.

Alors on va de nouveau s'isoler chacun de notre coté, et se sentir mal de cette situation. Il semble que le mal soit mieux que le bien, du moins à court terme. Car en effet, dans une logique de séparation marquée, il est bien sûr préférable que la situation floue dure le moins de temps possible. Et une rupture bien tranchante, même si elle fait mal, est préférable à une blessure constamment entretenue, mélange de souffrance et d'apaisement.


Pour ma part je préfère les transitions douces, mais si je ne me sens pas en accord, alors je suis tout à fait capable de couper net.







Besoin de solitude




Mardi 8 juin


Réveillé à 5h30, ce matin. Comme ça, brutalement. Des pensées tournent dans ma tête, autour de mes deux amours. Avec une impression d'ouvrir les yeux sur une évidence, connue depuis longtemps, mais pas du tout interiorisée: je suis seul à vivre ma vie. Seul responsable de ce que j'en fais. Seul à ressentir mes émotions propres. Seul capable de me déterminer. Et finalement, définitivement seul à pouvoir orienter cette vie dans le sens qui me conviendra.

Je n'ai plus envie de souffrir de l'attitude des autres, qui n'est que l'expression légitime des choix de vie qu'ils font pour eux-même. Je veux devenir égoïste, penser à moi d'abord, ne plus agir en fonction de la gêne ou de la supposée peine que je pourrais faire à autrui.

Je veux devenir égoïste délibérement, pour ne plus être égocentriste par souffrance. Penser à moi, prendre soin de moi, écouter mes ressentis... mais ne plus attendre d'autrui ce regard bienveillant que je n'ose pas me donner. Attente qui crée un égocentrisme que je déteste.


En ce moment, j'ai besoin de solitude.

Solitude pour m'entendre. Savoir qui je suis et ce que je veux. Ce que je veux pour moi, sans me référer à ce que pourraient vouloir les autres. Car bien souvent je ne peux que supposer, extrapoler, ce qui me conduit à faire des erreurs nuisibles à chacun.

Je dois apprendre à m'entendre et à dire ce que j'entends. Être vraiment sincère avec moi pour l'être vraiment avec les autres.


Et puis je veux me simplifier la vie. Charlotte ne veut plus de moi si ce n'est pas totalement? Alors je fais de même: je ne veux plus d'elle. Je ne veux plus la voir. Je ne veux plus souffrir en cherchant à maintenir un contact qu'elle ne me donne pas. Je choisis la facilité, le manichéisme [hmmm, que ça fait du bien d'agir ainsi...]. Puisqu'elle n'est pas bien avec moi, je disparais. Je n'aime pas me sentir mal aimé, maintenu à distance, rejeté pour ce que je suis. Mais je ne veux plus que ça me démolisse et déclenche cet air de chien abandonné quémandant de l'attention, des sourires, des échanges. Marre de subir. Moi je m'aime, et à ce titre je veux prendre soin de moi. Je préfère encore être seul que de souffrir à deux.

Je sais très bien qu'un comportement fermé ne produit rien, mais j'en ai marre de faire des efforts pour deux. Si Charlotte tient à moi, alors qu'elle vienne vers moi.

Désormais je m'adapte et agis de façon similaire à celle d'autrui. Principe de réciprocité(*), une fois de plus.

Je ne veux plus être en attente d'amour, d'affection, d'attention. Je ne veux plus dépendre du regard d'autrui sur moi. Je n'ai plus peur de perdre, je n'ai plus peur de m'entendre. Et j'ai de moins en moins peur de dire...

Finalement, je suis au coeur de ma quête.


Et... peut-être... que c'est ce qui me permettra d'être plus ouvert à l'autre? Moins plongé dans mon intériorité, me questionnant moins sur ce qu'il serait bien de faire ou ne pas faire, sur ce que je pourrais donner afin d'être éventuellement apprécié, je serais plus réceptif à ce qu'autrui récèle de beau et d'enrichissant.

Peut-être que je pourrais ainsi poser des questions ouvertes, sans chercher en l'autre le reflet de cette image de moi que je ne sais pas voir seul.




* Principe de réciprocité:

Il consiste à ne pas s'impliquer davantage que l'autre dans une relation. C'est un ajustement dans toutes les composantes relationnelles (temps consacré, registre de communication, expressivité sous toutes ses formes, etc.). Ainsi il y a toujours une adéquation entre les deux, sans que ne se créent manques ou attentes.
Cependant, afin de ne pas aboutir à un cercle réducteur, il convient de rester expressif. Autant dans ses désirs, afin de garder un crédit positif (sans pour autant aller au delà de l'impression de "trop" donner), que dans ses non-désirs, lorsque on ressent ce désir de moindre implication. Dans les deux cas cela évite l'apparition d'un décalage relationnel, frustration ou envahissement, et toutes les conséquences qui peuvent l'accompagner: manques --> demandes --> envahissement --> fuite --> manques.

Lorsque la relation décroît en intensité pour l'un des partenaires, donc avec une implication moindre, alors l'implication de l'autre s'ajuste afin que ne se crée pas un décalage, source d'inquiétude (réveil de peurs diverses).

C'est une variation de la loi du "Suis-moi, je te fuis; fuis-moi, je te suis".







Je voudrais pas crever




Mercredi 9 juin


«Je voudrais pas crever avant d'avoir connu...». C'est le début d'un poême de Boris Vian qui a servi de point de départ à une question ouverte posée à des inconnus lors de l'excellente émission de radio "Là bas si j'y suis". Les gens répondaient chacun avec leurs désirs. Parfois très altruistes vis à vis de la misère du monde, avec des envies d'aider leurs proches, ou bien avec des envies en apparence futiles ou encore celle de laisser une trace de leur passage sur terre.

Et moi je me suis demandé ce que j'aurais pu répondre. Spontanément mes désirs étaient individualistes. Deux choses me sont venues en tête: parcourir le monde et... vivre la volupté du désir.

Je me souviens très bien, il y a quelques années, avoir réalisé un jour que je ne connaîtrai jamais d'autre femme que mon épouse. J'en avais alors ressenti une grande fustration par anticipation. Je pressentais dèjà les regrets que j'aurais, en m'approchant de la mort, de n'avoir pas touché à d'autres femmes. De m'être interdit de vivre des moments de plénitude sensuelle.

Je pense que ce jour là j'avais entrebaillé une porte dans mon esprit, étroitement coincé dans des limites qu'au fond de moi je n'acceptais pas. Force est de constater, quelques années plus tard, que j'ai ouvert la porte... et que je n'ai aucune envie de la refermer. Je me demande même si ce que j'ai longtemps pris pour un besoin de réassurance sur mon potentiel de séduction ne s'ancrait pas dans une dynamique sexuelle. Je veux dire par là que c'est certainement parce que ma sexualité n'était pas épanouie que je cherchais "quelque chose" de ce coté là.

Bien sur, ce n'est pas directement que je m'en suis rendu compte. Même si, avec le recul, je réalise que les premiers échanges que j'ai eu sur internet avaient stimulé cette part de moi qui était en sommeil. Je me souviens encore de ma stupéfaction lorsqu'une femme, au bout de quelques heures, m'avait manifesté son désir de faire l'amour avec moi. Bon... ça m'avait évidemment refroidi instantanément, parce que bien trop rapide pour moi, mais simultanément j'avais ressenti une impression rassurante, une potentialité insoupçonnée. Et j'avais aussi découvert, naïf que j'étais, que faire l'amour avec d'autres femmes n'était pas impossible. Et que ça paraissait même plutôt facile d'avoir ce genre de rencontres. Ça ne m'intéressait pas... mais ça éveillait ma curiosité. Ça réveillait un désir enfoui.

Une autre femme me proposa la même chose quelques temps plus tard, me permettant d'aller un peu plus loin à la découverte de mes désirs. Mais je ne tentais pas davantage la moindre mise en pratique. Toutefois, mon imaginaire s'aventura un peu plus loin. Une troisième rencontre, centrée sur le dialogue et la complicité devait me permettre d'oser toucher une autre femme que mon épouse. Expérience assez fantastique dans la découverte des potentialités inexplorées de la sensualité. Mais je n'étais pas prêt. Grisé, m'approchant trop près et trop vite de mes limites rigides, j'ai anéanti cette tentative prématurée.

Après cette fuite j'ai cessé toute recherche de relation, sentant bien le "danger" qu'il y avait à m'approcher des autres femmes...



Et puis j'ai rencontré nathalie par un autre biais. Entre nous tout est venu en douceur, très doucement, avec infiniment de respect mutuel. L'amitié d'abord, puis la "complicité", l'amour, et enfin la sensualité. Tout cela par des mots puisque nous ne pouvions pas nous toucher. Quand j'y repense, je me dis même que c'est assez fou d'être ainsi tombés amoureux sans s'être jamais rencontrés!

Dans notre relation, parce que l'amour était présent, j'ai pu accepter de laisser éclore mes désirs. Sans doute aussi parce que la distance me "protégeait". Je me suis découvert capable d'exprimer mes envies, sans refoulement. J'ai pu entendre ma spontanéité, mon envie de sensorialité et de rapprochement physique intime. Ce journal, et ceux qui le lisent, en auront d'ailleurs été les témoins.

L'épreuve de vérité aura évidemment été notre rencontre. Elle fût décisive de plusieurs façons. D'abord parce qu'elle permettait d'ajuster la part imaginaire à la réalité. Ensuite parce qu'elle permettait enfin ce contact tant désiré, avec le développement de cette sensualité dont nous avions envie tous les deux. Enfin parce qu'elle concrétisait de manière inaltérable une dimension nouvelle de notre relation. En quelques heures seulement, quelque chose d'inouï s'est produit en moi. Notre relation devenait multidimensionnelle, omnisensorielle, polycommunicante. Non seulement parce que nous étions en présence l'un de l'autre, avec tout ce que cela permet comme canaux d'échange, mais surtout parce que s'ouvrait pour moi un vaste domaine très mal connu. Celui de la sexualité désirante, expressive, épanouissante.

Cette dimension physique est devenue pour moi quelque chose d'essentiel.

C'est aussi, hélas, ce point précis qui allait devenir le plus inacceptable pour Charlotte...

Trop tard, j'avais découvert ce que je cherchais sans le savoir. Ce que je n'aurais eu de cesse de désirer, plus ou moins consciemment. Cette alliance de l'esprit et du corps. Ce désir partagé et exprimé qui, en large partie, manquait dans mon couple. De la sexualité-tendresse j'étais passé à la sexualité-désir. De la sexualité-amitié j'étais entré dans la sexualité-amoureuse. De la sexualité-habitude à la sexualité-aventure. La différence était énorme, et inoubliable.

Ces deux nuits avec nathalie restent gravées dans ma mémoire de façon indélébile, alors que je serais bien en peine de me souvenir précisément d'une des huit mille nuits que j'ai passées aux côtés de Charlotte... Non pas que je les ai oubliées, mais parce qu'aucune n'a eu la même charge émotionnelle. Ou alors... plus depuis bien longtemps. J'ai toujours trouvé très agréable, rassurant, confortable, de dormir dans les bras de Charlotte. Notre sexualité, quoique frustrante à cause d'une fréquence assez espacée, était très satisfaisante, mais il y manquait, pour moi, cette alliance du physique et du mental. Ce manque de sensations émotives était frustrant et, finalement, un des points d'origine de ma quête.

«Je ne voudrais pas crever...» sans avoir connu les délices du partage le plus intime. Celui des coeurs et des corps. Et maintenant que j'y ai eu accés, que j'ai vécu cet indescriptible bonheur qui fait jaillir les larmes... et bien je ne veux toujours pas crever. Et je n'ai qu'une envie: retrouver cette sensation de plénitude, d'accomplissement parfait.

Pourquoi diable le hasard (?) a t-il fait que la personne avec qui j'ai envie de le partager vive si loin de moi?





Je me souviens...

... des frissons que la pointe de tes doigts explorant mon corps déclenchaient. Jamais je n'avais ressenti cela. Le bien-être du temps qui s'étirait donnait toute la liberté nécessaire à cette expression tactile, tantôt apaisante, tantôt éléctrisante.

Je me souviens de nos corps s'effleurant, se serrant longuement, de cette communication par la peau, de ce langage sans mots. Nous nous explorions et je découvrais des sensations inconnues. Il y avait un heureux mélange de pudeur et d'audace. Nos corps se découvraient doucement.
.

Ton regard prenait souvent une profondeur extrêmement troublante et livrait le fond de tes pensées. Ton désir était là, indubitablement expressif et communicatif.

Et nos sourires complices ponctuaient cette communication intime, la plus aboutie qui soit...









La fin d'une époque





Mardi 15 juin.


Trois mois après avoir émigré dans un logement dans le centre du village où je réside, je recommence à faire mes cartons de déménagement. Dans quelques jours il me faut libérer cet espace, loué de façon assez peu légale. Ce sera la fin d'une parenthèse, étape transitoire dans la séparation conjugale en cours. 

La maison insalubre que je vais désormais habiter est devenue à peu près utilisable, depuis un mois que j'y fais des travaux. Il y a maintenant des fenêtres, une porte d'entrée qui ferme, l'éléctricité partiellement, le téléphone depuis ce matin, bientôt l'eau courante... En ce moment j'aménage une petite cuisine. 
Le tout restera sobre et peu conforme au standards du confort, mais largement mieux que ce que des millions d'humains n'auront jamais. Tout est relatif.


Le hasard fait que je vais intégrer cette maison au moment où bien des choses se passent dans mon entre-deux relations [mais y a t'il un moment où il ne s'y passe rien?]. Coté matériel je vais donc m'installer dans une situation durable. En revanche, coté relationnel c'est le flou qui persiste, va et vient perpétuel entre différents états. Et qui atteint sans doute ses limites...

Voila peut-être venue la fin du temps des illusions

Car depuis des mois j'essaie de concilier l'inconciliable. Et je m'y éreinte. J'y passe une énergie considérable, qui draine mes forces, qui occupe une très grande part de ma vie. Les moments de répit sont de courte durée et alternent avec des phases bien difficiles de remise en question.
Il semble que je doive me rendre à l'évidence: il n'y a pas d'issue. Du moins aucune issue qui ne soit exempte de beaucoup de douleur. Je ne peux pas vivre une double relation si une de mes partenaires ne veut pas de ce style de vie. Alors me voila perdu. Revenant face à la réalité des choix déchirants, dont j'avais pu m'extraire depuis quelques temps en optant nettement en faveur d'une des relations. Mais opter nettement, ce n'est pas opter totalement... Et cette part d'incertitude a des répercussions sur chacune des relations. Je ne parviens pas à renoncer à la part d'amitié que j'ai encore avec Charlotte. Et je ne parviens pas à abandonner l'amour frustrant que j'ai avec nathalie. Pour éviter le déchirement du renoncement, je cherche à maintenir aussi loin que possible les deux de front. Mais a vouloir faire vivre les deux relations, j'ai parfois une peur vertigineuse de tuer les deux.

Et de fait, c'est ce qui pourrait bien se produire. Charlotte coupe peu à peu les ponts qui nous liaient en perdant l'espoir de me voir redevenir exclusif dans mes choix amoureux. Pour elle cette coupure est vitale. Quant à nathalie, je sais bien que ma peur de perdre Charlotte influe sur notre relation. C'est insidieux, mais je sens que ça suinte de partout. Parce que je suis engagé dans une lutte contre le temps, et contre la distance. C'est perdu d'avance...

Je me suis mis dans une situation inextricable.

Il me faudrait du temps pour parvenir à entendre ce que je suis et désire vraiment. Mais ce temps joue contre la dynamique relationnelle. Plus le temps passe sans que je ne m'engage totalement et plus je perds une part de ce à quoi je tiens. Parce que si moi j'aurais bien toute la patience nécessaire, il n'en va pas de même pour chacune de mes partenaires. Elles ont besoin de savoir où je vais... et quelle vie je me choisis. Le temps de l'incertitude les éloigne de moi, je le constate.

Cela accentue, qu'on le veuille ou non, une distance. Qu'elle soit géographique ou sentimentale, elle a une importance considérable. Je suis très loin de nathalie, et cette distance incompressible nous handicape. De l'autre coté Charlotte m'a demandé que je m'éloigne d'elle. Du coup je suis "loin" de chacune d'elle. Et chacune d'elle, tout comme moi, désire une proximité physique...

Nous sommes tous les trois frustrés de cette absence d'intimité. Et chacun nous allons, inexorablement, tenter de combler ce manque. Si moi je le tente par les mots et une intellectualisation des sentiments, faute de pouvoir être explicite dans la tendresse et la sensualité, je sais qu'il n'en est pas de même pour mes partenaires. D'une part parce que les mots n'ont jamais été, ou ne sont plus, leur domaine d'expression affective.
D'autre part parce que j'ai tendance à les "envahir" par mon expressivité, d'autant plus forte que je manque en retour de leur démonstrativité affective. Envahissement qui, comme chacun sait, n'a pour effet que d'éloigner davantage l'autre...

Et tout cela contribue à bloquer toutes les possibles issues de ce qui se révèle être une impasse. Il y a une inadéquation de plus en plus flagrantes entre les attentes de chacun. Les points communs ne suffisent plus à compenser les différences.



Pourtant je ne cesse d'avancer dans la connaissance de moi, de surmonter des blocages, de découvrir l'origine de mes peurs... mais ça semble vain. Tout ce à quoi je tiens semble me glisser entre les doigts.

J'ai voulu vivre deux relations fortes, mais temps et/ou distance les ternissent, sans que personne n'y puisse rien. Et j'ai beau dépenser une énergie folle pour en maintenir l'intensité, c'est peine perdue. Cela semble même néfaste. Sans doute parce que je n'agis pas de la bonne façon. Je m'y tue à petit feu et j'asphyxie chacune. Je suis trop "loin" pour répondre à leurs désirs, que j'ignore en grande partie.

L'époque des rêves réalisés et du merveilleux semble bien s'éloigner inexorablement...




«Mais voila, il faut réellement vivre les choses pour les comprendre, les ressentir, et réaliser la colossale connerie de nos peurs générées par l'imaginaire projeté, avant que la réalité ne vienne démontrer que tout cela était pure chimère.»

J'en rêve encore (10/06/2004)








La trahison des mots





Mercredi 16 juin


Après que, par l'écriture, j'ai appris à sortir du silence dans lequel je m'étais enfermé depuis l'adolescence, que je me sois libéré de mes émotions et ressentis, voilà que je me heurte à d'invisibles barrières. Je me cogne sans cesse aux limites des gens que j'aime. Et je leur fais du mal avec les mots qui autrefois me faisaient du bien. Mes mots qui semblaient séduire et donnaient le sourire deviennent parfois des mines qui explosent en pleine face.

Je ne trouve plus la sortie. Et je suis tout endolori par ces chocs à répétition. Et honteux de mes maladresses que les autres doivent supporter. Pourtant je sais très bien que le silence n'est pas une issue. Il me faut apprendre à trouver les mots justes. Entendre en moi les émotions, mais sans en imposer le poids.

Apprendre à être sincère, mais sans l'être trop.
Apprendre à m'ouvrir, mais sans me décharger. 
Apprendre à m'exprimer, mais sans jamais m'imposer. 
Apprendre, apprendre, toujours...


Mais peut-être n'ai-je simplement qu'une plus grande conscience de mes lacunes, qui autrefois bénéficiaient de l'invisibilité des non-dits?
Et que parmi tous ces mots qui sortent je ne vois parfois que ceux qui font encore mal, oubliant ceux qui font aussi du bien. Je manque peut-être d'indulgence avec moi-même...



Les stades de l'apprentissage chez l'adulte, extrait d'une conversation avec Lou:)

stade 1: Incompétent inconscient (on ne sait pas comment faire quelque chose mais on ignore qu'il y a une façon de le bien faire)

stade 2: incompétent conscient (on prend conscience qu'il y a une façon mais on ne la maîtrise pas encore) = angoisse de ne pas avoir "ça" en soi

stade 3: compétent conscient (On sait comment faire mais pour y arriver il faut être conscient de ce qu'on fait, lutter contre nos automatismes) = inconfort et maladresse

stade 4: Compétent inconscient (on a intégré le nouveau comportement/apprentissage dans notre façon d'être, ça vient naturellement) = Très cool mais on recommence avec l'apprentissage suivant....

à l'infini (ou presque)







Au bout?




Jeudi 17 juin
[mis en ligne le 22 juin]


Parfois je perds les pédales, comme si j'oubliais tout ce que j'ai péniblement appris. Je fais gaffe sur gaffe et, le constatant, m'enfonce dans un pessimisme qui ne me ressemble pas, contraire à tous mes efforts d'épanouissement. Je me renferme sur une souffrance tout en sachant que je suis seul responsable de l'importance que je lui attribue. Je perds courage et espoir. Je vois tout en noir et me recroqueville sur moi-même. Régression flagrante vers une attitude enfantine. Ce ne sont que quelques mots, lourds de sens, qui auront réveillé des craintes qui n'étaient qu'assoupies.

Au cours d'une conversation avec nathalie, au cours de laquelle nous évoquions les difficultés à concrétiser notre rencontre prévue pour cet été, elle m'a dit que nous étions «peut-être au bout de ce que nous pouvions vivre». Je sais très bien que ses mots n'étaient pas infondés, puisque moi-même j'y ai souvent pensé, non sans effroi. Mais là, dit aussi clairement et en concordance avec mes pensées, ça m'a glacé. Vidé instantanément de tout mon courage. Parce que je sais que ça fait partie des éventualités possibles de l'évolution de notre relation.

Je suis resté sans voix, me sentant perdre pied sans savoir comment lutter puisque tous les deux nous semblions nous résigner. Il faut dire que dans la même conversation nous avions déjà évoqué plusieurs sujets complexes centrés précisément sur cette évolution relationnelle, compte tenu de cette incroyable distance qui nous sépare. On le sait tous les deux: c'est un pari un peu fou que de s'aimer en ne se voyant que deux fois par an. Ça demande une très grande confiance, et une extraordinaire complicité. Ce sont ces conditions réunies qui nous ont permis de croire à cette folie.


Mais tout évolue, et notre complicité n'y échappe pas. Nos vécus respectifs se révèlent, avec l'apparition progressive de différences comportementales. Et la mise en évidence d'un décalage important dans notre maturité relationnelle et amoureuse. Je suis en pleine remise en question sur ce point alors que nathalie a quelques années d'avance. Nous nous étions rencontrés alors que tous les deux nous étions en recherche mais, depuis, nathalie à cessé de se poser autant de questions que moi. Elle vit sereinement la vie qu'elle s'est choisie et la relation qu'elle a avec moi, parce qu'elle sait ce qui lui serait préjudiciable.

Ce n'est pas mon cas. Et d'autant moins que mon choix de vie demande un renoncement à une part de ma relation avec Charlotte. Il y a une peur de mon coté, que je parviens à surmonter pas à pas, mais qui se manifeste quand même régulièrement au fur et à mesure de mes avancées. C'est cette peur de perdre l'amitié et la complicité que j'ai avec Charlotte qui complexifie ma relation avec nathalie et me pousse à aller très loin dans les questionnements.

Qui complique aussi nos désirs de rencontre. Car à chaque fois il m'a fallu faire un travail de préparation pour partir l'esprit libre. Mais cette fois il m'est diffficile de me libérer en sachant quelles conséquences sont à prévoir... Quitter la relation conjugale m'a été possible, mais quitter l'amitié ne l'est pas.


Et cela m'est d'autant plus difficile que je ne parviens pas à retrouver durablement avec nathalie cette complicité que nous avions autrefois. Car les choses ont changé. Nos modes d'expression ont beaucoup évolué. Ils étaient basés à l'origine sur l'écriture de mails passionnants et interminables, de lecture croisée de nos journaux, et sur fond de réflexion soutenue sur notre relation... et tout cela n'existe plus. Il y a eu ensuite une longue période d'échanges quasi quotidiens sur tchat, période durant laquelle toutes mes soirées s'achevaient vers deux heures du matin. C'est d'ailleurs la situation qui était devenue insupportable pour Charlotte. Cela non plus n'existe plus, et mes soirées sont désormais souvent solitaires. Mais ce qui m'inquiéte le plus c'est que même l'expression amoureuse, ainsi que celles du désir et de l'attirance, ont évolué. Ce manque est cruel pour moi, si je ne prends garde de me raisonner. Il réveille régulièrement des craintes... que je dois garder sous silence.

Désormais nathalie ne se sent bien que par échange téléphonique. Il est vrai que c'est celui qui offre la meilleure qualité de contact grâce au dialogue rapide et direct. En revanche, compte tenu du coût, nous nous limitons généralement à un échange hebdomadaire. Ce qui me pose un problème dans cette fréquence réduite de communication, c'est qu'il me faut un certain temps pour m'immerger dans le bain de complicité qui permet la plus grande sincérité. Si nous n'avons pas eu de contact "émotionnel" depuis quelques jours, je ne peux plonger directement dans une communication profonde. Il me faut retrouver une intimité avant de pouvoir aller au coeur de mes préoccupations. Mais simultanément je redoute de ne plus disposer d'assez de temps ensuite. Sans oublier les peurs diverses qui ont longtemps handicapé ma libre expression (peur de déplaire, de m'affirmer).
Cette communication allégée a aussi des effets secondaires dangereux: me retrouvant seul à cogiter, je m'égare parfois sur des pistes erronnées... ce qui déplaît fortement à nathalie qui ne se sent pas disposer d'une chance de précision. Elle n'a pas tort... mais le manque de temps en commun induit ce genre de limites.


Tant bien que mal je tente donc de m'adapter à cette évolution. Souvent j'ai exprimé ma frustration face à ces manques, mais cela a tendance à aggraver les choses.
Maintenant j'ai compris que le processus ne s'inverserait plus. Nous vivons les choses «autrement», m'a t-elle bien précisé. Je ne dois plus attendre ce retour. J'avoue que ce renoncement m'est difficile... Il est de l'ordre du deuil: long et douloureux. Mais c'est ainsi et je dois l'accepter... ou cesser la relation si elle ne me convient plus.



D'un autre coté nos rencontres ont eu l'effet inverse: un rapprochement très fort, fondé sur une attirance physique dont je ne cesse de découvrir les suites, un partage émotionnel qui passe par d'autres canaux. Cette forme de complicité aura été pour moi merveilleuse et éblouissante. Une révélation essentielle qui répondait à un questionnement insoupçonné. Sans ces rencontres... je ne crois pas que j'aurais pu résister à l'évolution décrite précédemment. Du moins pas en restant dans un registre amoureux. J'ai besoin de beaucoup plus d'expressivité en amour.

Alors me voila tiraillé entre une nostalgie interdite et un espoir de nouvelles rencontres. Et selon les périodes mon état émotionnel peut varier beaucoup. Dès que nous retrouvons une communication satisfaisante, je suis heureux, épanoui, rayonnant, volubile, solide, plein d'entrain et avec l'envie de rire et de jouir de la vie. Je suis vraiment moi-même, l'homme dans la peau de qui je me sens bien.
Au contraire lorsque les périodes de moindre communication se prolongent, je ressens un manque qui, bien souvent, finit par ressortir d'une façon ou d'une autre. Je m'étiole sans ce regard de celle que j'aime, ce regard dans lequel je me vois "beau" à ses yeux. Et j'ai beau tenter de me raisonner, la frustration est telle qu'elle trouve toujours une façon de s'exprimer. Généralement indirectement, en contournant les barrières que je m'efforce de placer. Car je sais que nathalie n'aime pas cette attente de ma part. Et cela me renvoie une image de moi que je trouve laide. Je ne m'aime pas comme cela.

Je garde donc, en silence. Je fais le gros dos, je patiente...
J'essaie de ne rien espérer, pour ne pas être déçu. Et j'endure les journées sans communication, tout en continuant moi-même à être toujours présent, quotidiennement, parce que c'est comme ça que j'aime et que j'ai envie de manifester mes pensées. Pourtant, désormais j'essaie de m'en tenir au principe de réciprocité. De ne pas donner plus que je ne reçois afin de ne pas générer de frustration lorsque le retour ne vient pas. Alors parfois je ne me manifeste pas non plus. Mais jamais sans un effort de détachement. Un renoncement volontaire.



Oui, tout cela est compliqué. Je ne suis dans un amour serein et vivifiant que par intermittence. Et pourtant, quoique frustré, je ne veux pas y renoncer. Parce que quelque chose en moi me dit qu'il est important que je continue, même si c'est douloureux. Aussi, plus classiquement, parce que je sais que lorsque nous communiquons je suis tout à fait heureux. Nos longs échanges téléphoniques hebdomadaires ont toujours un effet fortement régénérant, rassérénant, apaisant. Malheureusement... deux ou trois heures de vraie communication par semaine, je trouve que c'est peu. Peut-être parce que j'ai le tort de comparer avec le passé? Ou bien parce que je sais qu'avec Charlotte je ressentais le même genre de manque et que pointe la crainte de voir se reproduire la situation dont j'ai eu besoin de m'émanciper. Celle d'une communication amoureuse insuffisante...

Mais surtout, j'espère beaucoup de nos retrouvailles réelles, qui nous permettront cette communication sensorielle. Je sais que nathalie privilégie aussi cette rare et précieuse mise en présence, avec tout ce qui passe sans les mots. Et c'est à ces moments là que je me sens vraiment vivre quelque chose de merveilleux avec elle.

Finalement... parce qu'elle sait ce qu'elle veut vivre, nous ne nous retrouvons vraiment que via les modes d'expression qui conviennent à nathalie. De mon coté je suis encore tâtonnant, en phase de découverte, et n'ai pas la capacité de clarifier mes besoins. Parce que j'ai trop besoin de poursuivre cette relation. Je ne suis pas suffisamment prêt à éventuellement y renoncer. Je n'ose pas dire «ça ne peut pas marcher entre nous si...». Et pourtant... combien de fois l'ai-je pensé...
Alors je me laisse mener comme un enfant, avec toujours cette crainte de ne pas être à la hauteur de l'enjeu. Oh, cela se précise peu à peu, et je sens se faire intérieurement tout un travail de consolidation, de connaissance de moi. Et je sais qu'un jour, qui peut arriver à tout moment, je saurai être authentique et affirmer mes besoins. Bien souvent j'ai entendu en moi cette voix, avec parfois l'envie de renoncer. Mais je reste encore trop dépendant...
Je n'aime pas me savoir comme ça, mais je sais que ça fait partie de l'apprentissage. Que tout cela est intégré dans ce gigantesque processus de réappropriation de moi face aux autres. Pour le moment c'est avec nathalie que je le construis, avec qui j'ai fait des progrès considérables, mais un jour viendra peut-être où je me rendrai compte que cet apprentissage difficile m'éloigne de mon propre chemin... que j'ignore encore. Il est normal que je peine pour apprendre à m'émanciper, mais je dois rester vigilant afin d'entendre vraiment ce qui me convient, et qui peut être très différent du processus évolutif qu'a suivi nathalie.

Depuis quelques mois je me suis détaché de l'observation attentive du chemin qu'a suivi mon guide. Je commence à tracer ma propre voie, nourri de son expérience et de mon vécu, mais suis encore trop hésitant pour être sûr que ce soit l'itinéraire qui me convient.


Ce que je constate, c'est que nathalie sait ce qu'elle veut et agit dans ce sens. Alors que moi je reste souvent dans un rôle passif lorsque je crains de lui déplaire. Je n'ose agir que lorsque je sais que nous sommes d'accord. Parce que je crains que si je ne m'adapte pas notre relation ne tienne pas...
nathalie m'a dit un jour que si je n'entretenais pas notre relation, celle-ci s'éteindrait probablement. Elle se sait ne pas être élément-moteur dans les relations. J'ai donc le pouvoir de faire durer ou non... mais cela revient au fait que c'est à moi de m'adapter à elle, si je le peux, si je le veux. Car elle ne fera rien qui ne lui conviendrait pas.
Le principe de ne pas se forcer est très sain, j'en conviens, mais dur à vivre lorsque les élans ne sont plus réciproquement équivalents. Peut-on même construire quelque chose qui puisse espérer durer sur ce principe? Je ne le sais pas encore en ce qui me concerne. Si je connais bien les risques qu'il y a à faire des concessions, je crois aussi qu'il y en a d'autres dans le refus d'en faire.

Cependant, je ne voudrais pas être injuste et je sais très bien que je ne suis pas à la hauteur de l'indispensable sincérité que cela requiert. Je l'écris souvent ici: je ne parviens pas à oser m'affirmer. Par peur de l'abandon, toujours... Et pourtant, j'ai travaillé fort sur cette peur, et l'ai très largement amoindrie.
Si je disais très clairement ce que je souhaite ou refuse, il n'y aurait plus ce genre de problème. Mais il n'y aurait peut-être plus de relation non plus. Ou du moins plus dans le domaine amoureux.

Non, ce qui me retient c'est que j'aime nathalie et que sa présence, même si elle se raréfie, me ravit. Il faut croire que le solde plaisir/frustration reste encore bénéficiaire.



Bon... tout cela pourrait s'ajuster doucement. Je suis d'un naturel patient et opiniâtre: quand je veux quelque chose je finis par y parvenir.

Le problème c'est que le temps est compté...

Depuis des semaines je pense à cette rencontre estivale, prévue en France, qui ne se concrétise pas... parce que nous ne retrouvons pas assez durablement notre complicité. J'ai l'impression que notre désir n'est pas assez fort, face aux complications diverses. Pour moi c'est directement lié au manque de communication que je ressens. Pour nathalie... je ne sais pas bien. Je ne sens pas son désir de faire ce déplacement, et cela joue directement sur le mien (et réciproquement, peut-être?). Et au milieu de tout ça il y a l'ombre de Charlotte dans mon esprit... qui sans doute influe sur le désir de nathalie.

Charlotte que j'ai peur de perdre en rencontrant nathalie... nathalie avec qui la communication manque pour que je me sente porté par mon élan. Nous ne parlons que peu de tout ça, alors que c'est le coeur du problème, celui qui provoque mes cogitations. Je me sens en porte-à-faux, hésitant entre la relation que j'ai envie de privilégier.

Or mes élans vers nathalie se brisent souvent face au peu d'expressivité amoureuse de sa part. Je n'ose plus exprimer mes désirs, mon attirance. Parce que je suis seul à le faire. Et parfois je me sens stupide de lui dire que je l'aime...

Et j'ai beau en avoir exprimé le besoin plusieurs fois, je ne sens plus venir spontanément de sa part cette démonstrativité dont j'ai besoin.

J'oscille entre grands élans du coeur et fermeture à cet amour dont je ne sens plus l'expressivité partagée. Je ne sais plus où j'en suis. Bonheur et tristesse se succèdent trop rapidement.

Et finalement la question qui se pose est la suivante: cela vaut-il la peine de prendre le risque de couper davantage mon lien avec Charlotte si celui qui existe avec nathalie ne nous apporte plus ce bonheur que nous avons connu ensemble? nathalie elle-même s'en rend compte et, peut-être, se sent mal dans la posture de celle qui distend un couple sans savoir si elle pourra apporter assez. Tout cela est bien complexe et l'enjeu est assez considérable.


Alors à force de m'égarer dans les questionnements, je finis par perdre les pédales, dire ce que je ne voulais pas dire... et irriter nathalie. Ce qui complique encore les choses et fragilise à nouveau la sérénité que nous tentons de retouver. Je ne sais plus comment m'exprimer, puisque la sincérité qu'elle souhaite de ma part n'a que peu de temps pour le faire, et seulement en direct téléphonique, ce qui ne m'est pas toujours possible compte tenu du temps d'intégration nécessaire (je réfléchis/analyse lentement). Il me faudrait bien plus de temps pour que je puisse me retrouver en phase plus durablement que quelques jours. Mais le temps semble faire défaut...

Or chaque incompréhension distend notre lien pour un temps... Temps "perdu" qui raccourcit encore le délai de retour de cette complicité amoureuse devenue épisodique. Et le temps avant notre hypothétique rencontre s'amenuise encore. Et mon stress ne fait qu'augmenter, ce qui accroît les risques d'erreur d'interprétation de ma part.

Pourtant, nathalie m'affirme qu'elle reste bien dans un registre amoureux, et non pas dans ce que je perçois comme tendant vers de l'amitié. Je ne peux que la croire, même si je perçois autre chose. Mais cette dichotomie me perturbe, assurément. Quand les sens et la raison n'ont pas la même interprétation, les questions valsent: à qui se fier?

Je pourrai, certes, agir en réciprocité comme je l'ai écrit souvent ici. Mais rester dans le seul registre de l'amitié m'est difficile. Je sais que je m'investirais moins, que nos échanges deviendraient essentiellement factuels, que mes sentiments s'atténueraient. Je suppose aussi que les temps de silence s'allongeraient... et au final je me demande si notre relation ne perdrait pas toute chance de retrouver ce désir amoureux. Mais peut-être est-ce son destin?

C'est pour éviter cela que je m'adapte sans cesse, avec plus ou moins de succès. Mais je me sais toujours gaffeur en puissance, avec le risque permanent de déplaire à nathalie et qu'elle me le manifeste. Epée de Damoclès...


Je sais que la mise en présence changerait tout, nathalie retrouvant ainsi tout l'expressivité qui me manque. Parce que c'est son mode de communication amoureuse priviligié. Malheureusement, à distance, cela est sans effet sur moi. Nous avons du mal à trouver une communication adéquate.



Peut-être, oui, atteignons-nous les limites d'un amour à distance...


J'espère que ce n'est pas le cas et que nous trouverons une façon de poursuivre ce qui a été si fort.








Nouveau départ





Vendredi 18 juin
[mis en ligne le 22 juin]


Plutôt pessimiste le texte précédent, hein?
Ou bien réaliste...

Moi je l'ai trouvé "fort", parce que j'osais livrer un peu plus précisément ce que je ressens depuis longtemps et qui me fait craindre une issue fatale à cette relation amoureuse tellement lointaine. Et en fait... ben je ne l'ai pas mis en ligne hier. Je ne pouvais pas livrer mes pensées ainsi alors que nathalie lit ce journal. Je devais d'abord tenter de lui dire directement. Et c'est ce que j'ai fait le soir même.

Je l'ai rapidement sentie désabusée, fatiguée des complications dans notre relation qui se répètent depuis des semaines, voire des mois. Clairement, elle en avait marre de me sentir demandeur, me répétant que ça avait pour effet systématique un éloignement de sa part. C'est donc le serpent qui se mord la queue. Une spirale très dangereuse dont nous perçevons tous les deux les effets. Mais à chaque fois que nous avons tenté de nous expliquer à ce sujet... nous ne nous sommes pas vraiment compris. Du moins je ne me suis pas senti compris. Voire même nié dans mes ressentis, ce qui est particulièrement frustrant et désagréable. De son coté nathalie se sent frustrée aussi parce qu'elle considère que mes interprétations sont erronnées. Nous sommes mal barrés...

C'est devenu pour moi le sujet-tabou. Mais qui en devient obsédant. Car cette moindre présence jouant directement sur la force de mes sentiments... c'est en quelque sorte l'essentiel qui est devenu tabou. Et ça ne peut évidemment pas durer. J'y reviens donc régulièrement, et régulièrement nathalie se décourage du fait que je revienne toujours là dessus. Impasse. Et inquiétude réciproque de sentir notre lien menacé. Et inquiétude de ma part que mes sentiments s'effritent peu à peu...


Tout cela sur fond de rencontre prévue dans quelques semaines, avec délai de réservation des avions en période de vacances. Et sachant que nous n'avons que deux périodes possibles dans l'année pour nous rencontrer. Si on rate celle-là, c'est reporter la prochaine à janvier. Bref, source de stress des deux côtés en voyant l'échéance se rapprocher (sans compter d'autres stress dans nos vies respectives). C'est une des nombreuses particularités de l'amour à distance que nous vivons.


Alors hier soir nous sommes revenus là dessus. Et sentant nathalie à deux doigts de perdre patience, de se décourager... ben... cette fois je ne me suis pas effacé. Habituellement je craignais ses colères, mais c'est de moins en moins le cas. Parce que je ne faisais qu'accumuler dans un grand sac ce que j'avais à exprimer, sans parvenir à le vider efficacement.
Etonamment c'est elle qui toujours m'encourage à exprimer mes ressentis... mais c'est aussi elle qui réagit fortement lorsque je le fais en ce qui la concerne. Certes il peut y avoir une part d'injustice dans ce que j'exprime, mais certainement pas la totalité...

De mon coté, je souhaite aussi qu'elle exprime ses ressentis, et particulièrement si elle a moins besoin que nous ayons des contacts. Pour que je sache au moins à quoi m'en tenir et n'attende pas en vain.


Bon, en fait, je découvre peu à peu la personnalité de nathalie. J'accepte d'ouvrir les yeux sur ses points de faiblesse, alors qu'autrefois je me résignais à prendre à ma charge le poids de nos incompréhensions. Simplement parce que je tenais trop à elle pour courir le risque de la heurter. Oui, c'est très con, je sais...

Disons que nathalie a... hum... du caractère, du tempérament. C'est ce qui lui donne cette personnalité si attachante, séduisante: elle sait ce qu'elle veut. Et j'avoue que ça m'a plutôt fasciné de voir le chemin qu'elle avait fait pour y parvenir, elle qui se décrivait comme plutôt timide. D'où le rôle de guide que je lui avais peu à peu donné. Sans doute sans assez de discernement...

Je pense que je m'étais méfié de l'idéalisation dans certains domaines, mais que pour d'autres je doutais trop de moi pour douter d'elle. Et si elle s'emportait face à ce que je disais, j'en déduisais que c'est moi qui me trompais. Forcément, puisqu'elle avait davantage d'expérience que moi.
Sauf que son expérience n'est pas entièrement transposable sur moi, tout complices que nous soyons. Nous avons beaucoup de points communs, mais évidemment des points de dissemblances. Et ma différence vaut autant que la sienne.

Et puis... je crois que les gens qui s'énervent contre moi [même un tout petit peu...] bénéficient des suites de l'ascendant que mon père avait sur moi. Je suis facilement impressionné et ne sais plus m'écouter à ces moments là. Je perds mes moyens et ne retrouve mes esprits qu'un peu après, une fois seul. Et c'est là que, bien souvent, j'ai fait la gaffe d'écrire à nathalie, en interprétant parfois de travers ses pensées... ce qui la blessait/énervait à juste titre.

Mais hier j'ai tenu bon. J'ai osé affirmer ce que je savais depuis bien longtemps, et m'y tenir. Et nathalie a fini par concéder que, oui, peut-être était-elle moins démonstrative depuis un certain temps. Et c'est tout ce que je voulais entendre. Pour ne plus passer pour celui qui demande sans raisons, pour qui «ça ne sera jamais assez». Je ne me suis plus senti nié dans l'expression de mon ressenti. Je n'avais plus cette désagréable impression de me faire des idées pour rien, presque d'inventer des problèmes là où il n'y en a pas. Je me suis simplement senti respecté.

Il était très important pour moi que nous tombions à peu près d'accord sur l'interprétation des choses. J'ai besoin de me sentir le plus possible en phase avec les gens que j'aime. Même si c'est pour se dire que nous sommes dans une période de moindre intensité amoureuse! Car ainsi je peux m'adapter aux désideratas de l'autre, au lieu de m'inquiéter d'un éloignement que je ne comprends pas... et qui est nié. Au lieu de chercher des signes de ce qui existe ou pas, exerçant involontairement une pression qui crée un éloignement... qui m'inquiètera davantage.

Pour moi la communication est absolument e-s-s-e-n-t-i-e-l-l-e. Dans toute relation, d'autant plus qu'elle est proche. Et c'est bien par ce principe que nathalie m'a séduit la première fois que je l'ai lue.

En fait, ce qui est assez surprenant, c'est que c'est précisément autour du noyau sincérité/confiance/expression que nous nous sommes retrouvés, et que c'est aussi sur celui-ci que nous échouons. Moi le novice qui n'ose pas encore assez, elle la baroudeuse qui sait s'exprimer... mais pas tout entendre. nathalie dit les choses très franchement, ce qui clarifie les situations, mais... il semble qu'elle ait aussi ses propres limites, et peut-être du mal à admettre que certaines choses puissent venir d'elle. Pourtant... il semblait un peu bizarre que tous nos problèmes viennent de ma part. Généralement dans une relation les responsabilités sont partagées...


Bon, voila pour un des aspects des choses. Mais sur le fond demeure ce décalage entre nos modes d'expression. nathalie, en renonçant à certains modes qui ne lui convenaient plus, à restreint l'étendue notre champ de communication a distance. Je l'accepte, elle ne peut pas se forcer.
Cependant, dans le souci du principe de réciprocité, je me vois contraint de réduire de façon équivalente mon expressivité. Ce qui, curieusement, semble déranger nathalie. Tout comme lorsque j'avais évoqué un ajustement de mes sentiments en fonction de ce qu'elle pouvait me donner des siens. Comme si elle voulait que mes sentiments restent au sommet alors que les siens fluctuent.

Le sujet est délicat, car nathalie semblait dire que ses sentiments ne diminuaient pas, alors que manifestement je compte parfois moins dans son existence qu'à d'autres. Choses quantifiables de multiples façons et que mon sens du détail ne peut laisser échapper.

Bref, j'ai fini par accepter (ce fût long...) que nous n'ayons plus d'échanges par mail, ni par chat, hormis ceux que l'on pourrait qualifier d'amicaux (essentiellement factuels). Mais il restait un problème de taille: je lui donnais toujours beaucoup de moi. Elle avait accès à mes pensées sans que j'aie la même chose en retour. Je veux parler de ce journal. Le sien étant en sommeil prolongé depuis des mois.

Plus complexe: le fait qu'elle me lise est à double effet. D'un coté stimulant, parce que je sait qu'elle apprécie de me lire (même si maintenant elle ne m'en parle plus que rarement), mais d'un autre coté... assez délicat à manier. Car bien qu'elle me dise mettre un filtre de lecture, en acceptant que je donne cette présentation univoque de notre relation, je ne me sens pas libre de m'exprimer comme je le ferais si elle n'y avait pas accès. Plusieurs fois j'ai modifié mes textes, ou ne les ai pas mis en ligne. Parce que j'avais peur de la blesser, ou de l'irriter. Ou de montrer que je n'osais pas la sincérité totale.
Dans ce genre de circonstances, il est difficile d'être sincère avec soi-même. Du coup ce journal perd une part de son rôle de révélateur. Or je n'y suis pas encore prêt. J'ai encore besoin de cette écriture auto-analytique. Et j'ai encore besoin qu'elle soit publique, puisque ce sont vos regards de lecteurs/témoins qui m'aident à approfondir (par souci d'explicité). Je souhaite aussi continuer à livrer mon vécu, dans le souci d'aider éventuellement ceux qui y trouveraient matière à réfléxion. Régulièrement je reçois des mails dans ce sens, et je sais que mes mots apportent un certain réconfort par identification.

J'ai donc demandé hier a nathalie de ne plus lire mon journal, ce qu'elle a accepté.
Il est certain que je n'aurais pas écrit aussi librement aujourd'hui si je savais qu'elle allait me lire...



J'en profite pour préciser que, bien évidemment, ce que je dis de notre relation n'est que ma version des faits, donc totalement partiale et subjective. C'est ce que je ressens, sans prétendre à la vérité. nathalie en ferait sans aucun doute une toute autre présentation.


Et maintenant? Et bien je me sens tout à fait bien. J'ai exprimé à nathalie ce que je ressentais, sincèrement. Je suis prêt à m'adapter à son rythme de communication... tout en sachant que de mon coté cela jouera sur mon investissement expressivo-affectif. Ça me semble quelque chose de normal qu'une relation respire et suive des cycles variables et aléatoires. L'important est d'en être conscient. C'est pour cette raison que j'ai demandé à nathalie davantage de vigilance et d'écoute d'elle-même afin de me tenir au courant de son investissement amoureux. Pour moi c'est la condition sine qua non du maintien de l'harmonie relationnelle. L'amour est peut-être un acte fondamentalement égoïste, mais il me semble indispensable qu'il y ait un partage des ressentis. Sinon... je crois que je ne pourrai pas vivre une relation où chacun vit sans se préoccuper de ce que ressent l'autre.


Et, comme pour renforcer mes convictions, hier soir c'est moi qui me suis senti solide durant notre conversation, alors que nathalie traversait une mauvaise passe. En osant affronter mes peurs, et en osant dire mon ressenti profond, j'ai pris davantage d'assurance. Je crois que cet échange aura marqué une évolution importante. Je pense avoir un peu rééquilibré l'importance respective de nos personnalités, ce qui me semble indispensable pour une relation épanouissante.

Du coup je me sens à nouveau très confiant dans notre relation, prêt pour un nouveau départ.

Il concordera alors avec ma nouvelle vie qui commence puisque ce soir j'ai déménagé dans ma maison ex-vétuste.



[la question de mettre en ligne ce texte et le précédent se pose: est-ce bien nécessaire puisque je les ai formulés en imaginant qu'ils seraient lus? Faut-il concrétiser la publication pour donner du sens à la prise de conscience?

Je pense que oui puisque ces textes font partie intégrante de cet amour double et à distance que je raconte depuis des mois. Passer sous silence cet épisode décisif d'une certaine "désidéalisation" rendrait peu compréhensible la suite, ou entraverait mon écriture. Et puis cette réalité de la fin des illusions fait partie du processus amoureux lorsqu'il s'installe dans la durée. Je pense même qu'il en est le garant...]









La fin des illusions





Samedi 19 juin
[mis en ligne le 22 juin]


Suite de mon ouverture des yeux, ou encore désidéalisation, fin des illusions...
En comprenant enfin ce qui restait mystérieux et inquiétant dans le comportement de nathalie, je m'autorise à la voir de façon plus lucide.

Je sais que cette longue période d'incompréhension qui a compliqué notre relation s'ancre directement dans mon passé. Il y a un rapport évident avec mon premier amour d'adolescence, Laura, qui a laissé une empreinte indélébile dans mon vécu amoureux, tendance passionnel. Il y a chez moi un coté "habituel" à vivre douloureusement l'amour dès lors que son intensité semble ne pas être partagée. Et conjugué à cela plane l'ombre de mon père et de son ascendant sur moi.

Le premier couac entre nathalie et moi est survenu l'an dernier, à une période où nathalie avait été moins disponible, donc moins présente dans notre relation. Je m'en étais inquiété, avais manifesté une attente de signes de sa part, ce qui avait eu pour effet de créer un sentiment d'étouffement pour nathalie.

C'est là qu'elle m'avait prévenu: «ça ne marchera pas entre nous si tu es en attente». La remarque était juste, et j'ai été convaincu que l'amour ne pouvait pas être demandeur. Ce qui m'a obligé à faire des efforts pour ne plus l'être. Très bon principe.

D'un autre coté nous étions engagés dans un pacte de sincérité et... forcément, je lui disais donc ce que je ressentais. Y compris mes attentes lorsqu'elles se manifestaient à nouveau. Ben oui, je n'allais pas changer en quelques semaines, hein?


nathalie, quoique patiente et attentive à mon cheminement, s'irritait un peu lorsque je lui parlais de mes attentes, sentant sans doute que cela nuirait à notre relation. Elle est célibataire, indépendante (elle préfère dire "autonome") tenant à le rester, et supporte mal toute forme de pression qui pourrait restreindre la liberté à laquelle elle aspire. De mon coté, vivant en couple et habitué à un contact quotidien, souhaitant une communication approfondie afin de parvenir à l'harmonie relationnelle, je m'accomodais mal de silences que je ne comprenais pas. Or je ne savais pas à quel degré nathalie avait parfois besoin de liberté, de se retrouver solitaire... sans forcément penser à m'en avertir précisément. Elle me le signalait mais j'évaluais mal la latitude de liberté nécessaire. Souvent c'est la question de la durée de ces périodes qui devenait problématique, puisque apparemment nous n'avons pas la même notion du temps. Je pensais donc faire ce qu'il fallait, mais ce n'était pas suffisant pour elle. Et nous ne nous en apercevions que lors de moments de crise, qui ne sont pas les plus propices au dialogue dépassionné.

C'est là qu'entre en jeu le rapport avec mon père. Parce que lors du tout premier couac elle m'a parlé fermement, et m'a donc, sans le vouloir, sans que je le réalise, soumis à son autorité. Ce qui initia une forme de crainte qui faussa alors notre rapport. Il est devenu inégalitaire. Je me sentais en échec, mauvais élève, et perdais mes moyens. Ce qui ne me donnait pas une image très valorisante...

Je n'ai eu alors de cesse que de faire taire cette part enfantine en moi... alors qu'elle existait et que je devais au contraire la regarder en face.


Mais j'avais une inquiétude [une de plus...]: parce que j'avais lu nathalie depuis longtemps, je savais qu'elle pouvait être très ferme dans ses relations amoureuses. Elle a ainsi "ejecté", parfois sans beaucoup de ménagement, certains de ses amants lorsque la relation ne lui convenait plus. Notamment un qui était trop impressionné par elle... Inutile de dire que cette perspective me faisait tenir à carreau! Une telle mésaventure aurait été catastrophique compte tenu de l'investissement affectif que j'avais laissé se développer avec elle, et du degré de confiance que j'avais enfin pu donner à quelqu'un. Je savais que les conséquences auraient été dramatiques pour mon avenir et le chemin d'ouverture aux autres que j'avais entamé. Je me souviens encore de ma réaction chez ma psy lorsqu'elle m'avait demandé «et si vous perdiez nathalie?». Non, ce n'était pas envisageable en plein processus de reconstruction. Il y aurait eu trop de dégats et je devais tenir. Je me suis donc efforcé de m'adapter aux souhaits de nathalie en niant les miens. Je ne pouvais pas m'imposer et prendre le risque d'un échec de notre relation.

Je me suis peu à peu vu devenir extrêmement dépendant et vulnérable, tout en sachant que ça ne pourrait pas durer. Je savais que c'était un état transitoire, de durée inconnue. Parallèlement, dès que j'ai senti nos différences de désir de communication et d'expressivité... j'ai hésité à aller plus en avant dans la vulnérabilité qu'offrait la totale sincérité. Ma sincérité est donc devenue séléctive, ce qui assurément, faussait les bases de notre relation. Cela je l'ai découvert il y a un peu plus d'un mois, et nathalie a été affectée par cet aveu. Un certain flou s'est installé depuis, pour elle. Alors que chez moi le flou existait depuis longtemps et était la raison même de mon manque de sincérité. Tout cela implique actuellement la reconstruction d'une part de notre lien.



Ce que je découvre au fil du temps c'est que nathalie, en grand contraste avec les moments où elle donne beaucoup, a parfois une façon de vivre l'amour assez... sobre. Sans doute ne s'en rend t-elle pas compte, parce qu'en revanche elle reste toujours présente dans la part "amitié" de notre relation. Et probablement y a t-il là une des causes de nos incompréhensions: pour elle nous communiquons régulièrement. Elle ne comprend donc pas lorsque je parle de manque...
Et il m'aura fallu longtemps pour que je précise que ce qui me manquait était surtout la part amoureuse. Il m'a fallu décortiquer, séparer chaque part de ce qui nous lie... et oser le dire. Ce qui n'est pas facile, parce que montrant une fragilité, une sensibilité, une sentimentalité... qui demandent de la confiance pour être dévoilées.

Pourtant je sais nathalie sensible à cette baisse de l'intensité et de l'expressivité amoureuse. Elle l'évoquait par le passé avec d'autres relations qu'elle avait préféré cesser à cause de cela. Contradiction qui a contribué à maintenir mon trouble...


Je ne comprenais pas non plus qu'elle ne se rende pas compte de la diminution quantitative de nos échanges, pourtant vérifiable (mais je ne me suis jamais amusé à établir des preuves). nathalie me rétorquait que nos échanges par téléphone remplaçaient avantageusement nos mails et nos tchats d'autrefois. En qualité de dialogue, certes... mais sous réserve d'un temps et d'une fréquence suffisants pour le faire. Nous n'arrivions pas à nous entendre la dessus et le sujet était devenu très sensible, donc tabou.

Mais je me suis demandé si nathalie... acceptait de se sentir jouer un rôle, même partiel, dans un dysfonctionnement. J'ai l'impression qu'elle s'énerve parce qu'elle se trouve acculée devant une part de responsabilité dans ce manque, qu'elle ne comprend pas. Et il est certainement plus confortable psychologiquement de dire que c'est moi pour qui il n'y en a jamais assez...
Ce qui n'est pas faux, compte tenu de la diminution croissante de nos échanges. Donc, forcément, même en réduisant mes besoins, la part de manque suit la décroissance.

Par ailleurs, depuis que je la cotoie je sais que sous sa douceur et sa compréhensivité existe aussi une certaine impulsivité. Elle peut s'énerver très fort contre des gens dont l'attitude lui déplaît. Ou si elle a l'impression qu'on lui "marche sur les pieds", ou qu'on puisse restreindre une liberté à laquelle elle tient farouchement. Elle est capable de couper définitivement les ponts avec quelqu'un, de façon assez catégorique. Sans appel. Elle, pourtant si pointilleuse sur les détails du sens des mots, ne fait alors pas dans la nuance lorsqu'elle me décrit certains des ses déboires relationnels. Et volent les noms d'oiseau... Je n'essaie même plus de tempérer son jugement à ce moment là, sous peine de passer du mauvais coté de la barrière et de l'agacer à mon tour. Il ne fait pas bon contester une nathalie en colère...

Alors forcément, lorsque ce sont mes réactions qui provoquent un agacement, et même si je bénéficie d'un régime de faveur très tolérant, je deviens prudent à l'extrême. Et n'insiste pas trop pour faire entendre mes prérogatives.

Enfin... disons que jusqu'à maintenant j'ai procédé ainsi. Je crois que c'est terminé. Je me rends bien compte que ça n'est pas vivable parce que cela joue sur ma franchise, donc sur la relation elle-même. Et à force j'ai admis que je devais oser m'affirmer. Donc prendre le risque d'irriter éventuellement nathalie, et même celui de perdre notre relation. Il n'y a pas d'alternative pour que ça fonctionne entre nous: la relation doit être égalitaire et sincère. Quoique très sensible (ou justement à cause de ça?), nathalie a un caractère fort. Elle sait ce qu'elle veut. Si je veux exister face à elle, moi aussi très sensible, je dois laisser s'exprimer la force de mon caractère, sous peine de me laisser bouffer... et en souffrir.
D'une certaine façon, c'est moi qui me suis laissé envahir par la façon de fonctionner de nathalie. je n'ai pas assez osé affirmer ce à quoi je tenais. Je comptais trop sur notre complicité exceptionnelle des débuts et m'imaginais qu'elle durerait toujours. J'ai oublié de me respecter dans cette histoire.

Finalement, je ne sais pas comment se font les hasards, mais je ne pouvais pas mieux tomber pour apprendre à exister, comme je le cherchais. Parce que nous avons de nombreuses similitudes avec nathalie, une façon de fonctionner bien souvent semblable, et que nous avons le même genre de quête existentielle. Seules quelques années de cheminement personnel nous séparent. Dans quelques années j'aurais probablement acquis une grande part de la force qu'elle a. Je ne pense toutefois ne pas acquérir son impulsivité...

Il ne nous reste donc qu'à trouver comment fonctionner ensemble pour les temps à venir...


Voila tout ce qui se tramait en moi, sans que je n'en aie vraiment conscience, depuis quelques mois que je... souffrais [oui, oui...] dans cette relation qui m'apporte tellement par ailleurs. Voila pourquoi le ton de mon journal se faisait parfois hésitant, entre grand déballage et retenue. Mais je crois que je ne dois pas renoncer à ce qui me fait du bien. J'ai besoin de cette écriture pour me connaître, et c'est ce qui doit être prioritaire. Tout comme avec Charlotte j'ai compris que je devais écouter ma voix intérieure, je dois procéder de même avec nathalie. Et voir ce que ça donnera...

C'est la seule façon pour que je me sente vraiment libre d'être moi-même.

La preuve: je me sens très bien d'avoir exprimé tout ça. De me libérer de ce qui me tarabustait depuis des semaines en me contraignant à tourner autour du pot sans m'en approcher assez pour voir ce qu'il contenait. Je ne pouvais plus tenir en me muselant dans l'auto-analyse, et me baillonnant dans les échanges directs. Maintenant je me sens prêt pour poursuivre notre relation sur ces bases assainies.

Et tout cela devra être dit à nathalie.

Lorsque je trouve des réponses à toutes mes questions, je ne fais plus de marche arrière...
Lorsque j'ai compris, je ne peux plus taire.





«Je ne sais plus où j'ai lu récemment que l'écriture n'était jamais thérapeutique, qu'elle pouvait même être tout le contraire par les apaisements illusoires qu'elle apporte, elle contribue à l'organisation des résistances, elle conduit à la remise à plus tard de la vraie démarche thérapeutique nécessaire.»

Les échos de valclair (19/06/2004)






Innamoramento




Dimanche 20 juin
[mis en ligne le 22 juin]


Innamoramento. C'est le titre d'un livre de Francesco Alberoni, traduit en français par "Le choc amoureux", mais je préfère le néologisme tout à fait compréhensible "ennamourement". Tomber en amour, tomber amoureux, s'ennamourer. C'est un état instable, en mouvement crescendo continu. C'est ce moment plus ou moins durable qui voir apparaître, croître, puis s'installer le sentiment amoureux. Moment magique s'il en est... mais qu'il semble hélas illusoire de voir durer. Ce sont pourtant ces quelques mois (statistiquement trois, si je ne me trompe pas...) qui font rêver et que l'on aimerait voir durer. Enfin... que moi, dans mon idéal, voudrais voir durer.

Et euh... ben j'ai beau connaître le phénomène, savoir qu'il a ses limites temporelles... je crois bien que je l'avais un peu oublié ces derniers temps.

Hum... j'ai bien l'impression que j'étais resté dans cette phase, sans me rendre compte que le temps était passé. Et c'est la nostalgie de ce qui n'est plus qui avait pris la place devenue vacante. Ce qui fait que je ressentais un manque, et ne percevais plus cette "expressivité amoureuse" telle qu'elle avait pu l'être dans le passé. Ben oui... é finito l'innamoramento! C'est probablement ce qui a fait dire à nathalie que désormais c'était «autrement». Ou encore que «nous ne sommes plus dans la construction d'une relation, mais que nous la vivons». J'avais pas percuté... [j'vous dis que je suis un lent...].

Et là, paf, subitement j'ai compris ça ce matin. Bizarrement, ça m'a soulagé. Parce que j'aime bien comprendre ce qui se passe.
Notre dynamique relationnelle à évolué, est devenue plus mature, stable (quoique...), moins sensible aux variations. Mais par conséquent moins entreprenante, moins portée sur la découverte. Il y a... oui... une sorte de... routine qui s'est installée. Et peut-être y ai-je été un peu trop sensible, moi qui avais été attiré hors de mon couple pour précisément y trouver une part d'inattendu, de fantaisie, et surtout d'échange approfondi. Du coup... je me suis sans doute un peu focalisé sur cette inquiétude, et je cherchais à être rassuré.

nathalie m'a un peu expliqué ce qui s'est passé pour elle: après notre première rencontre, elle était devenue infiniment triste de notre éloignement. Elle pleurait souvent et a fini par décider de ne plus souffrir des difficultés dues à cette distance qui nous sépare. Il semble que ce soit la raison de son relatif "détachement". Elle m'en avait parlé, je m'en souviens maintenant, mais encore une fois j'avais mal évalué, mal compris le degré de ce qu'elle ressentait.

Effectivement nous avions bien été obligés de constater qu'aller plus loin dans notre relation nous était pratiquement impossible actuellement. On ne change pas de pays comme ça (bien que certains le fassent...) alors que, chacun de notre coté, nous avons une cercle familial qui compte sur nous, et des responsabilités diverses envers eux. Dès lors... l'investissement amoureux ne pouvait qu'être limité pour ne pas trop souffrir. Peut-être nathalie l'a t-elle compris plus tôt que moi? Et c'est ce moindre investissement que je n'ai pas compris dont, à mon tour, j'ai souffert.


Si nous sommes «peut-être au bout de ce qui nous est possible», ce n'est sans doute pas dans notre relation en globalité, mais dans certains de ses aspects. L'investissement amoureux en fait apparemment partie, du moins pour la majeure partie du temps que nous passons à distance. Il peut en être autrement lorsque nous sommes en présence l'un de l'autre, mais pour un temps indéterminé, ce ne sera possible que fugitivement.

Peut-être est-ce une façon de maintenir le désir très fort... bien qu'il doivent être mis en sommeil tant qu'aucune rencontre n'est certaine? Peut-être est-ce une façon, paradoxalement, de faire durer l'état amoureux... mais en acceptant qu'il n'existe intensément que de façon épisodique?

Cette perspective ne m'inquiète pas. Je pense même que... je la souhaite. Je préfère vivre un amour dans l'intensité et dans la durabilité, ce qui semble a priori incompatible... sauf si le désir et l'attirance sont contrariés par une forme de séparation, plus ou moins librement aceptée. On le sait, les amours contrariés sont les plus désirants.


Mais il est indispensable que chacun vive la chose de façon satisfaisante, sans amertume. Et pour cela une communication la plus sincère est seule garante de la confiance dans ce lien sans attaches matérialisables.

Je ne pense pas y être parvenu jusqu'à maintenant...


Et ce n'est pas en cherchant unilatéralement à faire revivre un passé désormais révolu que je le retrouverai. Au contraire. C'est à nous d'inventer une façon de retrouver l'ajustement optimal du plaisir à être "ensemble", tout en tenant compte des spécificités de ces 5900 km qui nous séparent. Après tout... nous avons vécu des moments merveilleux sans nous être jamais vus mais avec l'espoir que ça arrive. Il est certainement possible de continuer à vivre les prochains espoirs de rencontre avec émerveillement, désir, attirance.


Je me disais qu'en réduisant ma présence, ma "pression", nathalie reviendrait vers moi. Je me demandais s'il fallait user de stratégie en amour, me retirant pour qu'elle revienne... Non, ça ne marche pas comme ça, parce que ça maintiendrait toujours un espace-tampon entre nous, une distance affective dont nous serions sans doute le plus rapidement affecté. Et probablement moi le premier... Personne n'en serait comblé.



A lire: un descriptif succinct sur le sujet du "choc amoureux"







Feu vert





Lundi 21 juin
[mis en ligne le 22 juin]


C'est assez stupéfiant d'observer comme le fait d'avoir soustrait au regard de nathalie mes réflexions m'aura aidé à libérer ce qui restait coincé. J'ai l'impression d'une énorme avancée ces derniers jours. Comme si quelques éléments du puzzle que je n'osais pas regarder/montrer bloquaient un gros paquet d'autres pièces qui avaient besoin de ces éléments pour se positionner.

Je suis en train de comprendre, par exemple, que ce n'est pas forcément moi qui suis lent à prendre mes décisions (parfois elles sont déjà en moi depuis plus d'un an...). Qu'il faut plutôt y voir un désir d'accompagner Charlotte dans une évolution, un respect du temps nécessaire pour elle à accepter la situation.
Et c'est d'ailleurs peut-être une pure connerie, puisque depuis longtemps elle me dit souffrir de mon incertitude. Or je suis sûr de moi. Quelque chose n'a pas changé depuis le début, jamais: je ne veux pas choisir entre nathalie et Charlotte. Je choisis de ne pas choisir. C'est donc un choix clair et sans ambiguité, contrairement à ce que des esprits quelque peu étroits m'ont plusieurs fois signalé. Mon frère aurait même dit que c'était de la lâcheté... (mais, courageusement, pas à moi puisque nous ne nous sommes pas parlé depuis que la dualité de ma vie est connue).

Non, non, non, choisir de ne pas choisir est bien un choix! J'ignorais même que je reprenais là une pensée de Sartre: «Choisir de ne pas choisir c'est encore faire un choix».

Donc... j'ai choisi. A de multiples reprises j'ai exprimé aussi d'autres choix: celui d'être moi-même, celui d'aller vers celle qui m'accepterait tel que je suis, celui de privilégier ce qui me fait du bien plutôt que ce qui fait du bien à l'autre (mais me faire du bien ce peut aussi être d'en faire à l'autre...). Tout est là, prêt en moi, écrit ici depuis des mois.

Et c'est comme si j'attendais... je ne sais quoi. Un feu vert, peut-être?

Que Charlotte accepte la situation et n'en souffre plus? Impossible, je n'aurai jamais ce feu vert. C'est à moi de choisir... oui, choisir, de prendre le risque de perdre avec elle bien plus que je ne le souhaite. Il est là mon choix, et pas ailleurs.
Et il me fait peur, bien sûr, puisque je tiens à notre amitié, à notre confiance, à notre complicité, à tout ce qui nous lie depuis presque un quart de siècle. Hélas, je ne dispose que de la moitié du pouvoir pour que cela perdure. Alors bon... je ne peux pas attendre indéfiniment un feu vert qui ne viendra pas. Voila venu le temps de mettre les choses au clair.

Faut dire que... Charlotte ne cherche pas particulièrement la discussion [euphémisme...]. A de nombreuses reprises je lui ai proposé qu'on discute en profondeur, afin de se remettre en concordance, savoir où on en était tous les deux. Je lui ai suggéré de me poser toutes les questions qu'elle désirerait, afin que je réponde a d'éventuelles interrogations de ma part et ne s'égare pas sur de fausses pistes... Mais rien ne vient vraiment. Elle préfère réfléchir seule. Soit.



Jusqu'au printemps 2003, et tout au long de notre vie de couple, je disais à Charlotte que je la rechoisirais comme épouse si je le pouvais. Depuis, j'ai compris que je ne désirerai plus m'engager avec qui que ce soit de cette façon. Il n'empêche qu'hier j'ai de nouveau dit à Charlotte que je la rechoisissais... comme très proche amie. Comme celle avec qui j'ai envie de continuer à partager une part très privilégiée de mon existence. Je lui propose une amitié intime, si toutefois elle souhaite la partager.

Mais je ne peux plus aller au delà. Je sais désormais que je ne m'engagerai plus à un amour exclusif. Je ne peux plus, parce que j'ai acquis une lucidité sur moi-même. Maintenant que je sais, que j'ai trouvé des réponses à mes questions, que j'ai vu combien des certitudes pouvaient être construites sur du sable, je ne promettrai plus rien de ce genre. Et cela que nathalie soit dans ma vie ou pas.



Tout est clair en moi désormais, et il est inutile de prolonger l'illusion d'un possible retour en arrière. Depuis que j'ai compris de quelle façon mon amour pour Charlotte interagissait avec celui que j'ai pour nathalie, que l'un et l'autre se nuisaient parce que je n'osais pas lâcher sans tenir de l'autre coté... je peux continuer à avancer. Charlotte fera son cheminement intérieur plus librement si elle sait précisément ce que je choisis.

Il m'aura fallu pour cela comprendre que ce qui se passait avec nathalie n'était pas un moindre attachement à mon égard, mais la simple adaptation de ce que nous pouvons vivre en fonction du degré de liberté que je m'octroie.

Peut-être réaliser aussi que nous étions sortis de cet état amoureux qui rend temporairement l'autre "unique". Car je ne crois pas qu'on puisse s'ouvrir à d'autres relations fortes tant qu'on est dans l'état amoureux naissant, l'innamoramento. Quelques mots de nathalie sur ce sujet auront fait partie des multiples déclencheurs de ma prise de conscience actuelle

Il m'aura fallu aussi, probablement, m'installer plus définitivement dans une nouvelle vie. En intégrant mon nouveau-vieux logement, en y passant ma première nuit, en y prenant mes premiers repas, j'ai compris que ça durerait longtemps. Ce n'est plus une solution transitoire comme le logement de location précédant, «en attendant d'y voir plus clair». Non, j'ai rénové cette maison en sachant que j'y vivrai seul durablement. En construisant, je prévoyais pour que ça tienne des années. 

Et puis maintenant l'annonce de ma nouvelle vie à fait le tour de la famille élargie, et tous nos amis le savent. C'est "officiel", même si pas mal de gens font comme si de rien n'était, sans doute par gêne. Ou parce qu'ils s'en foutent, ou considèrent que ça ne les regarde pas. A ce titre, j'apprécie beaucoup ceux qui viennent en parler avec moi, s'informer, tenter de comprendre en me posant de questions plutôt qu'en jugeant selon des schémas tout prêts et forcément inadaptés. C'est d'ailleurs en en parlant que je réalise à quel point tout est clair en moi. Je n'hésite jamais: je dis ce que je sais. Les mots viennent aisément, et j'ai du plaisir à voir mes interlocuteurs intéressés par ce que je leur énonce, manifestement surpris mais plutôt favorablement.

Tout cela fait que... et bien voila, la réalité des choses est là.


J'ai choisi de conserver mon amitié intime avec nathalie. 
J'ai choisi aussi de conserver mon amitié intime avec Charlotte.

Ce n'est pas moi qui renoncerai à une de ces amitiés...
Mais si l'une d'elle ne veut pas d'une part de moi, alors je renoncerai au partage de cette part avec elle.

Quant à l'amour, sentiment tout à la fois imprévisible, intense, et volatil... présence physique, partage du corps et du coeur... je le prendrai où qu'il se trouve, dès lors qu'il est conjointement désiré.








Elle est pas belle, la vie?




Mardi 22 juin


Hier, finalement, j'ai pu aller plus loin dans la discussion avec Charlotte. Et bien des choses importantes ont été dites. Elle me trouvait «ambigu» lorsque je lui disais tenir à elle, lorsqu'elle me voyait rester aussi proche. Alors j'ai tenté de préciser les choses. Je lui ai expliqué mes désirs de maintien de notre lien, et de la "protéger" autant que possible de la souffrance.

Surprise: elle m'a dit que mes décisions n'étaient pas assez claires. Elle préférait carrément que je voie nathalie cette été, ce qui matérialisait ainsi pour elle quelque chose qui reste dans l'abstraction du virtuel. Comme s'il lui fallait quelque chose de cruel pour trancher dans le vif...
Bon, ça tombait bien, puisque j'avais décidé le matin même d'agir, de sortir ce l'incertitude en attendant en vain cet impossible feu vert.
Mais d'un autre coté, alors que je lui parlais de ça... elle me dit qu'elle ne voulait pas savoir ce que je vis avec nathalie! Là, ça devient compliqué. Si elle veut voir les choses en face... mais pas que j'en parle, je vais avoir du mal à trouver la solution. De toutes façons, je crois que de ne pas lui parler de ma relation n'est plus une bonne chose. Ce fût valable durant un certain temps, mais plus maintenant. Et puis je n'ai plus envie de faire comme si de rien n'était. nathalie fait partie de mon existence, et il faut regarder les choses en face. Mon amitié avec Charlotte ne pourra exister que si nous levons ce tabou... qui transpire de partout.

Comme elle me répétait qu'aucun retour n'est possible entre nous tant que je vois nathalie autrement que comme une simple amie, j'ai quand même insisté sur le fait qu'elle devrait peut-être chercher à savoir ce que je vis vraiment. Quelle devrait me poser un peu plus de questions. Ce qu'elle à refusé de faire [ah ouais, ça fait vachement avancer les choses de faire l'autruche!]. J'ai quand même tenu à lui dire qu'il y avait un élémént qui était au coeur du problème, et qu'il était dommage qu'elle ne veuille rien savoir. Elle a hésité un moment puis m'a demandé de quoi il s'agissait. Je lui ai simplement dit «tout est lié à la sexualité». Elle ne m'a rien demandé de plus et la conversation s'est arrêtée là dessus.

Elle est quand même revenue me voir plus tard, et je lui ai alors dit qu'une grande part de ce qui me liait à nathalie était justement, au delà de l'amitié, dans la complicité physique que nous retrouvons lorsque nous sommes en présence. Et que si ma quête, à l'origine, s'était orientée vers la communication et la séduction, le coté sexualité avait rapidement fait partie des discussions que j'avais eues sur internet. Ce qui me manquait dans le couple que je formais avec Charlotte était précisément ce trio: communication, désir/séduction, sexualité.

[aparté: je note que lorsque avec nathalie j'étais frustré de communication et de séduction, c'est la perspective de notre mise en présence physique qui m'a donné la force de tenir...]

Voila pourquoi je ne peux envisager de me restreindre à une simple amitié avec nathalie, et pourquoi je préfère renoncer à ma relation avec Charlotte. Euh... sauf pour la communication... même si je ne la trouve pas totalement satisfaisante.

J'ai fini par lui dire calmement, puisqu'elle me demandait de la clarté, que je préférais baiser [vouais, j'ai dit ce mot là...] quelques jours par an avec nathalie et faire abstinence le reste de l'année que de n'avoir qu'une sexualité de tendresse avec elle, Charlotte. Voila un choix clairement exprimé!


[Je suis en train de réaliser que la part de communication qui me manquait avec Charlotte était celle qui concernait le désir et la sexualité... et plus généralement tout ce qui pouvait être à la base d'une moindre complicité entre nous.

Et euh... ben c'est exactement ce qui s'est passé avec nathalie ces derniers temps, lorsque c'est moi qui n'osais pas aborder de front les questions.

En fait... je lie totalement communication, intimité, désir. Pour moi l'amour s'exprime autant dans les mots que dans les gestes. Et si une partie manque... je suis frustré. Un de mes lecteurs m'a rappellé que la différence entre amour et amitié, c'est le désir...]



Nous sommes aussi revenus sur ce "non-choix" qui est le mien, et qui la perturbe. C'est vraiment un point délicat entre nous, puisque je lui répète que mon choix est de conserver un lien avec les deux, même si je dois renoncer à la vie en commun et à la sexualité avec elle. Elle m'a alors demandé de préciser, en fonction de la réalité des conséquences de mon non-choix, c'est à dire la fin de notre relation.

Alors dans ce cas, mon choix est clair: c'est vers nathalie que je vais. Parce que nathalie me prend tel que je suis, ne me demande pas d'être un autre que celui vers qui mes désirs me portent. Ne me demande pas de faire taire ma spontanéité et cet élan de vie.

[Et puis... parce que c'est avec elle que je ressens des émotions, une attirance, un désir. Et que... c'est avec elle que j'ai le plus envie de faire l'amour, sans la mondre hésitation]

Donc oui, s'il le faut, je renonce au lien que j'ai avec Charlotte, malgré tout ce que ça a de "fou", d'incertain de "pas raisonnable" [justement pour ça, hyek hyek hyek...]. Parce que ma libération passe par l'écoute de mes désirs, de mon coté le plus vivant, le plus authentiquement moi-même. Et que c'est avec nathalie que je le découvre.

Ce que je n'ai pas dit à Charlotte c'est que, depuis plus d'un an, tous mes élans et enthousiasmes vont vers nathalie. Et si mes peurs de perdre, ou de me tromper, ont pu exister envers chacune de ces femmes, jamais je n'ai eu un élan de retour vers Charlotte. Ça me semble très significatif. Mes seules vélléités de retour ne l'ont été que par peur de perdre ce à quoi je tiens, cette proximité que nous avions, ce bonheur simple et doux... trop marqué par des silences qui nous privaient d'intensité. Je ne vois pas dans ces regrets une motivation très... désirante.

Pas dit non plus que je n'ai jamais ressenti pour Charlotte un désir aussi intense que les moments extraordinaires que j'ai partagés avec nathalie. Même si j'ai eu des moments désirants avec Charlotte... Même si j'en ai encore actuellement [euh... bon... peut-être aussi que la conjugaison de l'inaccessibilité et du manque de contact féminin joue un rôle non négligeable...].

Charlotte a fini par dire qu'elle me trouvait plus attirant quand je décidais, quand je cessais d'hésiter. Quand je devenais "un homme" quoi... Et que cette propension à tout expliquer, à écouter et être attentif à l'autre, devenait un défaut lorsqu'elle était poussée trop loin. Ce qui fait que, paradoxalement, je la séduis actuellement en osant m'affirmer dans mes choix, et en ayant cette audace d'aller vers ce qui me plaît.

Elle m'en veut quand même beaucoup d'avoir "abandonné" notre couple, d'avoir cherché ailleurs des réponses à mes questions. Pour elle, j'aurais dû chercher à régler tous nos problèmes de communication/désir/sexualité avec elle...
Pourtant, je crois que j'avais souvent tenté d'en parler. Même s'il est vrai que je n'ai jamais été très entreprenant coté sexualité et expression de mes désirs. Mouais... je ne crois pas que cela était possible sans cette ouverture que j'ai choisi de suivre. Charlotte m'a parlé de sexologue, de bouquins... mouais, mouais... je reste sceptique. Ça faisait dix ans qu'on en parlait occasionnellement, sans jamais rien tenter. Et puis, rien ne vaut le vécu, non?

Lui disant que j'aurais souhaité incorporer dans notre couple une part de ce que je pouvais découvrir ailleurs, elle m'a répondu que ça l'intéressait aussi... mais à condition que j'arrête avec nathalie. Ben euh... c'est à dire que... y'a quand même pas que ça entre nathalie et moi! C'est pas une histoire de cul qui nous lie! Et puis... elle est marrante Charlotte, mais... non seulement elle semble oublier qu'on s'aime, mais... ça ne semble même pas lui effleurer l'esprit que ça signifierait que je me sois "servi" de nathalie, que j'aurais découvert des tas de choses, puis que je n'aurais qu'a la larguer ensuite, une fois que j'ai appris ce que je voulais...
Mouais, bon, disons qu'elle ne se rend pas compte...
Et elle oublie que si nous avons maintenant cette connaissance des dysfonctionnements de notre couple, c'est bien parce que je vis autre chose en dehors. Eh... elle ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, comme on m'a si souvent dit.



Le soir, c'est avec nathalie que j'ai longuement discuté, et avec qui j'ai pu parler directement de ce que j'avais découvert ces derniers jours dans mes pages d'écriture. Excellente conversation, et retour très agréable à notre complicité, un peu perturbée ces derniers temps.
Nous avons parlé de ce voyage, qui désormais est redevenu trèèèès attirant pour tous les deux.

Elle m'a bien confirmé cette sortie depuis longtemps de l'état amoureux des débuts, parce qu'elle ne voulait plus vivre la souffrance due à la distance, qui rendait impossible bien des éventualités entre nous à ce moment là.

C'est étonnant comme après avoir constaté de lourds problèmes ceux-ci ont pu s'évaporer par le simple fait d'en parler très franchement. Alors que nous nous demandions tristement si nous n'étions pas au bout de ce que nous pouvions vivre, nous voila de nouveau très proches. Je me sentais frustré, et me voila tout à fait comblé, alors que nos habitudes n'ont pas changé.

Simplement parce que j'ai compris. Parce que j'ai eu des réponses aux questions que je me posais. Parce que j'ai surmonté ma peur de regarder les choses en face. Parce que j'ai été sincère avec moi-même, et avec elle.


Elle est pas belle la vie?








Tu dois choisir!





Jeudi 24 juin


Conversation téléphonique avec une de nos connaissances qui, manifestement, voulait plutôt parler avec Charlotte. Je la savais hostile à ma démarche, mais j'ai quand même donné des nouvelles de notre situation puisqu'elle m'en demandait. A suivi un court débat, basé essentiellement sur des arguments du type: «ça ne marche pas comme ça... tu ne peux pas... personne ne peut... tu n'y arriveras pas... je connais des couples qui... on est plus dans les années 70... ça ne peut pas fonctionner...», avec, bien sûr, ce leitmotiv que j'entends si souvent: «tu dois choisir!». Vouais vouais, je sais, on me l'a déjà dit...

Je dois choisir...

Ah bon... et... pourquoi? [rhôôô, le faux naïf...]

Parce que c'est comme ça! «Tu ne peux pas vivre deux histoire en même temps, beurre et argent du beurre, etc...» (tiens, j'ai échappé à l'égoïsme cette fois...).

Parfois il y a même d'intéressantes [hum...] digressions vers le harem ou la polygamie... [que les gens sont... cons!]. Généralement je cesse de m'expliquer plus loin à ce moment là.


Pourquoi est-ce que je DOIS choisir? Quelle règle universelle ou scientifique a t-elle établi qu'on devait choisir dans une telle situation? Basée sur quoi? En quoi le non-choix menace t-il l'équilibre de la société? En quoi concerne t-il ceux qui n'ont pas à vivre cette situation?


Je dois choisir... parce que Charlotte me le demande. Parce qu'elle ne peut (ne veut?) pas vivre selon ce que je lui propose. Là, oui, je dois effectivement choisir, et je le fais. Ce n'est donc pas moi qui choisis, mais la personne qui ne supporte pas une situation avec moi.

Lâcheté? Attitude «trop facile» que de laisser l'autre choisir? Oui, si on considère qu'un choix doit être fait. Mais on en revient à la question: pourquoi devrait-il être fait?

«Parce que... parce que... parce que c'est comme ça!». En gros c'est la réponse qu'on me donne [je caricature un peu...]. Il y aurait des façons de vivre desquelles on ne peut s'écarter. Une normalité quoi... Et moi je sors des clous. Au lieu d'écouter ce qui est censé se faire, j'essaie d'entendre ce que j'ai envie de vivre. Alors forcément, ça dérange. Je bouscule les repères, abolis certaines limites, ouvre des perspectives... qu'on s'empresse de qualifier d'irréalistes. Voire d'immatures.


C'est vrai, je n'ai pas forcément envie de suivre des règles que je ne comprends pas. J'ai envie de voir ce qu'elles valent, pourquoi elles sont là. Peut-être que je fais fausse route, peut-être que dans quelques années je dirais que je me trompais, mais au moins je saurai de quoi je parle. Je ne dirai pas que ce n'est pas possible parce qu'on me l'a appris, mais parce que je l'aurai vécu. Et peut-être que... je verrai que c'est possible. Que ça m'est possible, sans en établir aucune règle universelle.


Lorsque je lis des forums, je suis toujours étonné de voir la frilosité de ceux qui ignorent de quoi ils parlent et laissent s'exprimer leurs craintes fantasmées. On voit circuler des jugements péremptoires, des avis fondés sur la peur, des arguments basés sur les usages et habitudes, mais rarement quelque chose de solidement étayé. 
Les plus modérés sont généralement ceux qui ont réfléchi, se sont ouvert l'esprit, souvent en ayant vécu de près ou de loin ce dont ils parlent. Que ce soit dans un sens ou l'autre. J'aime quand quelqu'un me dit «moi je ne pourrai pas vivre ça» en sachant que c'est quelque chose de bien approfondi, ou vécu, mais qui reste un argument personnel, sans vouloir l'ériger en règle générale. Mais quand je lis des généralités basiques sur ce qui peut se faire ou pas, sur les "valeurs" à respecter, ou pire sur ce que sont censés être "les hommes" ou "les femmes" comme s'il s'agissait d'un ordre universel et immuable... je bondis. Ce... ce... conservatisme m'horripile. Pour moi c'est contraire à l'esprit même de l'humain, qui devrait être curieux de tout et avide de changer les choses. Vouloir que tout reste figé, ne pas tenter d'aller plus loin que ce qu'on a appris... mais c'est d'un affligeant!


Bon allez, je vais pas me lancer dans ce genre de réflexion, j'en aurai pour des heures.
Puis ça m'amènerait inévitablement vers ce qu'est la normalité et les regards bizarres que l'on ressent lorsqu'on s'en écarte. Devenir "différent" est un apprentissage enrichissant, qui donne un regard plus compréhensif envers toutes les "différences"..

En fait, les à-cotés de ce que je vis sont absolument passionnants. Faudrait un jour que j'exploite ça dans des réflexions plus abouties...








Désidéalisation (2eme acte)





Vendredi 25 juin


Immédiatement après avoir "désidéalisé" nathalie, je me rends compte que je suis en pleine procédure de désidéalisation de Charlotte. Ben oui, je ne m'étais pas rendu compte que j'avais une image faussée de ce qu'elle était.

Décidément, même en étant bien informé des dangers de l'idéalisation, et méfiant à ce sujet... ben il m'est difficile d'y échapper.

Il ne s'agissait pourtant pas du même type d'idéalisation, puisque la relation que j'avais avec Charlotte n'était plus d'ordre amoureux-désirant (cette désidéalisation-là s'est opérée il y a bien plus longtemps...). Non, j'idéalisais... son amitié, notre complicité. Ou plus sûrement une part d'amitié vaguement incestueuse. Je veux dire par là qu'en attribuant à Charlotte un rôle en partie maternant, il n'y avait pas que de l'amitié. Il y avait aussi un rapport de confiance-confidences qui allait sans doute trop loin. Et c'est cette part qui s'efface désormais. Tant mieux!

Je découvre une Charlotte qui n'accepte pas tout de moi (comme l'aurait fait une mère?), mais aussi quelqu'un qui a ses propres limites. Je vois devenir incompatibles avec mes idées certains cotés que j'avais plus ou moins supportés. Cette propension à faire l'autruche, notamment. Ou une certaine rigidité d'esprit, un relatif pessimisme, une tendance au renoncement.

Oh là! Je précise tout de suite que j'apprécie quand même son ouverture d'esprit. Mais disons que je croyais qu'elle l'était davantage.

Et puis... je pensais qu'elle tenait davantage à moi (je sais qu'elle pense la même chose à mon égard...). Nous avions un coté qui restait encore largement fusionnel, et nous le mettons à l'épreuve actuellement.
Je dois reconnaître aussi que son soutien affectif m'était précieux, ses encouragements, son attention, sa gentillesse... rassuraient ma part enfantine. Tout cela vole en éclat maintenant que je m'affirme en tant qu'homme. Sentiment ambivalent de force/fragilité qui se contrarient et qui font que Charlotte m'estime et me rejette à la fois, tout comme moi à son égard.

Bon, désidéaliser ça ne veut pas dire que l'autre devient moche. C'est juste que je vois les choses de façon plus lucide. Plus réaliste. Et je préfère ça.


Il n'empêche que c'est particulièrement difficile de voir que quelqu'un dont je me sentais si proche depuis un quart de siècle, tendance fusionnel, me demander maintenant de m'éloigner. Il y a bel et bien une rupture interne, une déchirure (crise d'adolescence tardive?).

J'ai toujours cherché à être attentif à ses désirs (sans forcément y répondre...) et je continue donc en respectant ses choix. Je suis parti de la maison, comme elle me le demandait. J'ai renoncé à toute intimité (sexualité). Je dois maintenant renoncer fréquemment au dialogue et à la mise en présence...
Ça commence à peser lourd.

Je ne juge pas son attitude de femme blessée, mais ça me fait mal. Très mal. Je ne comprends pas que, alors que j'essaie de rester au plus près afin de ne pas affecter la qualité de notre relation, elle ne se focalise que sur cette autre relation que je vis. Elle ne voit plus ce que nous pourrions vivre ensemble, mais ce que je vis avec une autre.

Pourtant, ce que je vis avec nathalie, en grande partie, je ne le vivais pas avec Charlotte. Hormis le temps (et encore...) je crois que je ne lui enlève pas grand chose. Surtout depuis quelques mois que ma relation avec nathalie est devenue moins intense en contacts.

Toutes mes tentatives de maintien de notre lien ne sont acceptées que de façon éphémère, et sont brutalement rompues, ou sont même carrément refusées. Que ce soit la discussion, les gestes affectueux, ou même la proposition d'une escapade à deux.

Je ne sais pas jusqu'où Charlotte va s'éloigner de moi. Mais bon... je me dis auissi qu'il lui faut du temps et qu'elle procède certainement de son coté à des ajustements. Elle apprend à écouter en elle ce qu'elle désire. Je ne tire donc encore aucune conclusion, considérant que nous sommes dans une période transitoire. Je reste patient et confiant.

Finalement, c'est à une "défusion" que nous procédons en ce moment.

Et peut-être que ce qui m'est pénible c'est de "défusionner" simultanément dans mes deux relations...


Je crois que c'est un bouleversement dans ma façon d'aimer que je vis actuellement. Toute mon idéalisation de l'amour romantique est en train de disparaître au profit d'un amour plus autonome, qui ne compte pas sur l'autre pour pallier des déficiences ou des faiblesses, et qui se vit au présent. Un amour adulte et responsable quoi...





Pourquoi?





Samedi 26 juin


Ça devrait être tout simple...
J'ai très envie de voir quelqu'un, qui en a aussi très envie. On est bien ensemble, ça nous rend heureux.

Alors pourquoi c'est si compliqué? Pourquoi est-ce que ça déclenche de telles conséquences?

Oui, je sais, mes questions sont naïves. Mais je trouve absolument démesuré de voir toute ma vie et celle de ma femme basculer pour quelque chose d'aussi... simple. D'aussi naturel, d'aussi évident. Et je maudis le poids de cette culture qui aura fait souffrir tant de couples, parce qu'il est intégré profondément en nous qu'il doit rester fermé sur lui-même en ce qui concerne sa part la plus vivante.

Ça me fait vraiment chier de voir mon couple éclater seulement parce que j'ai envie de partager des moments de bonheur avec une autre que mon épouse "légitime". Je hais cette morale qui complique tout, sans aucune justification autre que de faire durer un certain ordre établi.

Je vomis ce conformisme, cette "normalité", ces lieux communs qui simplifient la réflexion à coup de «mais c'est comme ça que ça marche, et pas autrement». Moi je fonctionne à coup de «pourquoi?».

Pourquoi suis-je ainsi? Pourquoi est-ce que je ressens les choses de cette façon? Pourquoi je pense comme ça?
Et inévitablement, en remontant à l'origine des choses, je me rends compte que c'est parce qu'on me l'a appris. Que d'une façon ou d'une autre, à tort ou à raison, j'ai intégré certains comportements, et une façon de penser. Alors les questions deviennent: pourquoi mes parents pensaient-ils comme ça? Pourquoi la société dit-elle qu'il faut penser ça?

«Pourquoi?» devrait être le premier réflexe, la question que l'on se pose avant d'accepter chaque chose. On se rendrait compte de la quantité incroyable de lieux communs que l'on véhicule sans s'en rendre compte. Et ceci de la façon la plus générale qui soit, en amour comme en économie de marché, en relations comme en politique. On se rendrait compte que "on" nous fait marcher sur la tête. Que "on" nous prend pour des moutons, en sachant que ce "on" n'est que la part de nous-même qui accepte cette soumission à un ordre général qualifié de "norme". Le "on" n'existe que si on en accepte la dictature, celle de la masse, celle de la facilité de la non-réflexion, que l'on confie à d'autres.





Conséquence inattendue





Lundi 28 juin


Rhôôô la la, comme tout change vite tout à coup! Une fois de plus je ne pourrai retranscrire les éléments qui ont fait que mon mode de pensée est redevenu résolument positif. Autant lorsque je me perds j'ai besoin d'écrire et de décortiquer ce qui me pose problème, autant lorsque tout se libère je ne cherche plus à décrire le processus évolutif.

Bon alors je vais noter des bribes, ce qui m'a marqué ces derniers jours.

Hier j'ai passé un moment avec mes parents. La discussion a forcément fini par s'orienter vers ce qui se passe dans mon... euh... faut-il que je dise "ex-couple"? Bref, ce n'est pas important.
Or donc, nous avons parlé d'épanouissement de soi. Je me suis vu fort bavard et enthousiaste. Je n'ai plus du tout la crainte de m'expliquer. Je parle très librement, avec assurance, parce que mes convictions sont désormais solides. Et lorsque des arguments me sont opposés, en général j'y ai déjà réfléchi depuis un moment et j'ai largement de quoi les contrer. Bien souvent il s'agit d'arguments basés sur... le conformisme que j'évoquais dans mon dernier texte.

Et lorsque c'est mon propre père que je peux ainsi contrer, je crois que ça me redonne une place de laquelle je m'étais trop longtemps effacé. En ce moment je constate que mes réflexions sont allées bien plus loin que celles de mes parents dans plusieurs domaines. Je crois même qu'ils sont un peu... fascinés (admiratifs?) de ce que j'ai osé entreprendre comme remise en question.

Bon... y'a quand même un aspect secondaire que je n'avais pas prévu: il semble que mon père, quand même fortement ébranlé de me voir suivre un chemin... inattendu, vive plutôt mal la situation. Pas directement. Pas parce qu'il serait déçu (je n'en sais rien, en fait...), mais parce qu'il se rendrait compte que lui-même n'a jamais su écouter ses émotions. Qu'il ne s'est pas permis de vivre selon ses désirs. Il a un peu plus de 70 ans et sa vie est en grande partie derrière lui.

Homme solide, imperturbable, qui impressionnait grandement son entourage... le voila qui réalise que la vieillesse est là, avec la perspective de la mort qui se rapproche. Alors quand je dis que je n'ai pas envie de mourir sans avoir vécu... ça doit le titiller quelque part. Lorsque je dis que j'ai envie de vivre mes émotions... il doit bien réaliser qu'il s'en est toujours coupé. Le "colosse au pieds d'argiles", comme me l'avait décrit ma mère il y a quelques années, sent peut-être se fissurer sa carapace. Il semblerait même qu'il ne refuse plus l'idée de «se faire aider» (= aller voir un psy), ce qui est doublement un exploit: accepter une aide, et accepter l'idée qu'il peut écouter son psychisme.

Je suis à la fois heureux de sentir sa sensibilité se réveler... et soucieux de ce qui peut en découler. Quand toute sa vie durant on fait taire ses émotions, leur réveil peut-être extrêmement douloureux et fragilisant.


Ce rapport avec mon père est très différent de celui que j'ai toujours eu à son égard. Je me sens "fort" de ce que je sais et vis, je n'ai plus peur de son regard puisque je sais que mon vécu amoureux et relationnel est désormais largement supérieur au sien, tout comme mon vécu émotionnel. Et d'un autre coté lui-même s'humanise peu à peu en manifestant des débuts de sensibilité. Voila quelques fois qu'il me propose de passer les voir, ou qu'il s'enquiert de savoir comment je vais, en sachant que je lui parlerai de mon ressenti. Il nous arrive même de parler un peu, même si je le sens très lourdement handicapé dès qu'il s'agit d'aborder le coté émotionnel. Mais il y a des progrès notables...

J'en suis franchement heureux.



A part ça, avec nathalie tout va très bien. Nous avons retrouvé notre si bonne complicité et nous préparons notre future nouvelle rencontre. Il est assez étonnant de voir avec quelle rapidité j'ai pu me sortir de mon coté demandeur et de cet amour à tendance fusionnelle. Nous avons frolé la crise majeure, mais nous en ressortons plus forts.
Avec Charlotte, ça va plutôt bien aussi. Notre séparation est devenue inéluctable. Quelque chose à basculé depuis quelques jours, sans que je ne sache bien pourquoi. Sans doute parce qu'elle m'a demandé très précisément de dire quel était mon choix. Mais aussi parce que j'ai compris, à force de discuter et de tourner les choses sous tous les angles, que son besoin d'éloignement était légitime, et pas dirigé contre moi. Je garde confiance en elle, et en nous, pour trouver le lien qui sera le meilleur possible.

Je crois que je me suis simultanément "défusionné" de mes deux amours. Et loin de me sentir perdu et seul, je me découvre une individualité, une force, une liberté.






Allez comprendre...




Mercredi 30 juin


Ce matin, je marchais dans les rues de la ville à coté d'une amie. Elle m'avait invité à faire les soldes avec elle, et je ne m'étais pas privé de cette mise en présence imprévue. Par habitude, à peine sorti de voiture, j'ai failli lui donner la main. Je me suis retenu in extremis. Elle l'a senti et nous en avons souri.

Nous étions détendus, nous avons bavardé et ri. Marchant côte à côte tout en évitant de nous effleurer, cela arrivait pourtant à chaque instant. Et puis il y avait parfois de drôles de regards échangés, une évidente complicité dans le non-dit. Une attirance aussi, une certaine séduction, mais que d'un accord tacite nous maintenions sublimée.

Nulle gêne avec cette amie, puisque qu'elle m'a même aidé à choisir des caleçons. D'un air entendu, elle m'a dit que ce n'est pas elle qui en profiterait...

Je souriais souvent de la situation, de cette proximité interdite, de cette douce ambiguité, et je regardais mon amie qui savait très bien ce que je pensais.


Plus tard dans la journée, cette amie m'a confié sa souffrance de femme sans homme. Le désir qu'elle ressentait au creux de son ventre. Ce manque de n'être pas étreinte... Je savais que ce n'étaient pas des paroles en l'air, et que c'est moi qu'elle désirait.

Je ne lui ai pas caché que mon désir était là, aussi. Nous nous sommes regardés, incertains, avec les yeux pétillants. Je la sentais hésiter, avec la peur d'écouter cette envie, la peur de le regretter ensuite. Alors je lui ai bien rappelé la réalité des choses, et la signification que nous ne devions pas mettre derrière ce partage de plaisir. Ce serait tout simplement une mise en commun de nos désirs, quelque chose qui nous plaisait à tous les deux...

Elle m'a écouté, attentive. Puis s'est écoutée...


Cette amie, c'était évidemment mon épouse.







Mois de juillet 2004