Juin 2014

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  Tilt





Mardi 10 juin 2014
[Rédigé le 29 mai, modifié les 3 et 4 juin, laissé moisir dans son coin jusqu'à aujourd'hui]

S'il me faut parfois plusieurs jours pour finaliser un texte, il en aura fallu davantage, cette fois, pour publier celui-ci,
pourtant sans enjeu particulier. C'est que "besoin" d'écrire n'en est vraiment plus un. Et quand le texte est à peu près finalisé, la question de la publication se pose : pour quoi faire ? À quoi ça sert ? Tout au plus ressens-je la très facultative nécessité de poursuivre le récit entamé il y a des années, en vue de parvenir à je ne sais quel aboutissement. Parachèvement à n'en plus finir de l'œuvre, aussi dérisoire qu'utile, d'une construction personnelle.



Au fil des ans j'ai pris conscience du pouvoir qu'exerce mon imagination sur la perception des situations et j'avoue que cette faculté à imaginer une réalité, voire à transformer le réel dans un sens qui convient à mon inconscient, m'a fasciné. Cela en dit beaucoup de mes névroses... J'en parle au "je" parce que c'est d'abord en moi que j'ai constaté le phénomène, parfois fort gêné de mes élucubrations mentales, mais presque simultanément j'ai commencé à l'observer chez d'autres
[ce qui m'a plutôt rassuré].

Je viens de vivre deux expériences significatives à ce sujet :

Je prends d'abord l'exemple de Miss Étincelle, cette lectrice totalement inconnue qui, après m'avoir interpellé, m'a fermé la porte au nez dès que j'ai répondu à ses courriers. Objectivement, avant de m'écrire elle ne représentait rien pour moi. Dès lors, qu'est-ce qui fait que sa défection ait pu m'atteindre ? Qu'est-ce qui s'est mis en place dans mon psychisme pour que ses mots me touchent, d'abord favorablement, puis désagréablement ? Après tout j'aurais fort bien pu rester impassible face à ces changements de flux...

Mais précisément, parce qu'il y avait flux, donc une forme d'énergie, je crois que j'ai été mis en situation de réaction : cette femme, en venant vers moi, me proposait indirectement d'entrer dans son monde. D'une certaine façon je pourrais dire que j'ai été littéralement "séduit" par le peu qu'elle m'avait montré d'elle. Par contre, en la voyant fuir dès que je me suis approché, elle a induit un courant d'énergie opposé auquel je suis particulièrement sensible : le rejet. Infime, certes, et sans conséquences notables, mais rejet quand même : elle ne voulait plus de l'intérêt qu'elle avait suscité.

Dans les faits, puisq
u'elle m'avait annoncé qu'elle ne m'écrirait plus, j'ai continué mon chemin sans trop m'attarder, enrichi de cette expérience décidément moins anodine qu'il n'y paraissait. L'épisode m'a d'ailleurs permis, en marge, de réfléchir à mon rapport à la confiance et c'était très bien ainsi. Tout aurait donc pu s'arrêter là. Et bien figurez-vous que trois jours plus tard elle revenait déjà vers moi... tout en confirmant qu'elle ne voulait pas de prolongations. Pas de problème, je suis resté parfaitement zen : on a le droit de changer d'avis, surtout si c'est pour mieux finir et ajouter quelques mots qui paraissent nécessaires. Je n'ai donc pas surenchéri après ce bref retour car pour moi l'affaire était close.

Sauf que dix jours plus tard je recevais de sa part deux nouveaux mails, coup sur coup ! Là, en mon for intérieur, je me suis quelque peu étonné : que voilà une personne inconstante ! Et déconcertante. Car le contenu des courriers était intéressant et j'ai commencé à me demander si je ne pourrais pas reconsidérer ma position.
Après tout, moi aussi je pouvais changer d'avis... si le contexte évoluait. Prudemment, je me suis cependant accordé quelques jours de réflexion. Chat échaudé... De toutes façons je n'étais guère disponible à ce moment-là. Quatre jours passent. Nouveau mail : cette fois je suis définitivement congédié, avec moult griefs et propos peu amènes. Alors que je n'avais même pas réagi ! Mais peut-être que mon "silence" à été le déclencheur d'une colère ? Allez savoir...

Toujours est-il que, sans avoir rien fait d'autre que ne pas répondre, je suis passé du (je cite) « Je vous trouve très intéressant et attachant » au « Pauvre petit Pierre, comme je vous plains d'être si peu ouvert et généreux, vous qui prétendez l'être. » Entre les deux tonalités, aucun autre évènement que ce qu'à produit l'imagination de cette lectrice, décidément fort impulsive ! Son regard sur moi a changé par la seule force de ses représentations changeantes.

Fascinant, n'est-ce pas ? On ne dira jamais assez la part de responsabilité du lecteur dans l'interprétation qu'il donne aux pensées d'un autre...



Seconde expérience, en partant cette fois de mes propres représentations : il y a quelques temps j'ai passé trois jours de vacances dans des conditions très similaires à celles d'un autre séjour, ô combien mémorable, il y a une dizaine d'années. Même genre de lieux, même durée, mêmes conditions météorologiques, fréquentation touristique équivalente... Bref : quasiment la même configuration. A tel point qu'il m'a été impossible de ne pas faire le rapprochement, en mon for intérieur, à plusieurs reprises. La première des
situations avait été vécue avec une très forte intensité, l'autre l'a été de façon tout à fait agréable. Simplement agréable, pourrais-je dire. Or objectivement rien ne les distingue vraiment, si ce n'est que... ce n'était pas avec la même personne. Oui, je sais : ça change donc pas mal de choses. Mais justement : qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qui fait que les ressentis diffèrent selon la personne avec qui l'on est ? Pourquoi cela a été beaucoup plus intense et mémorable avec l'une qu'avec l'autre ?

Je sens confusément que répondre à ces interrogations pourrait m'apporter des éclaircissements sur ma façon d'investir une relation. Et je pense, évidemment, à celle dans laquelle je me suis fortement impliqué, si bizarrement interrompue. Qu'est-ce qui a fait que j'ai vécu tout cela aussi intensément ? Ou plutôt : pourquoi n'ai-je plus retrouvé cette intensité depuis ?

En observant comment j'ai vécu ces deux courts séjours, il est certain que la distinction se fait dans ma pensée, dans mes représentations, donc dans mon imaginaire. C'est bien mon esprit qui colore les deux évènements, qui leur donne un relief différent. D'un côté il y avait l'idée de construire quelque chose... de l'autre celle de simplement vivre un présent. J'ai l'impression que ces deux dynamiques temporelles, nettement distinctes, jouent le rôle majeur. Mais est-ce une explication suffisante ?

Il y avait aussi la puissance de l'exceptionnel... à comparer à la facilité de réitération. La découverte, l'inconnu, la nouveauté... face au déjà connu, à la répétition de sensations. Mais tout cela ne fait pas le poids : au début, dans les deux cas il y avait la découverte de l'inconnu(e)... et déjà une attirance différente.

Non, il y autre chose qui fait qu'avec une personne ou une autre ça "tilte"... ou pas. Autre chose... mais quoi ? Le sait-on jamais ?


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Rien ne m'échappe



Dimanche 29 juin 2014
[Mis en ligne le 12 juillet]

J'ai parfois la tentation d'écrire ici, mais à des moments où ce n'est pas possible. Ce peut être en écoutant une émission à la radio, en lisant des réflexions inspirantes, ou au cours d'une conversation. Tout au long de la semaine se présentent des occasions de poser quelques réflexions furtives. « Ah, il faudra que j'écrive là-dessus ! », me dis-je. Et puis le moment de disponibilité venu, je ne sais plus vers quelle idée j'avais été propulsé. Ou bien je n'ai plus l'inspiration. Ou encore ça me semble devenu superflu. Et c'est ainsi que ce journal se voit privé de ce qui pourrait encore le faire vivre. Car il semble s'éteindre doucement...

S'éteindre parce qu'il n'est plus animé par ce qui fût sa raison d'être : comprendre.
S'éteindre parce que la vie est ailleurs. S'éteindre faute d'écho [mais le propre d'un journal n'est-il pas de n'en pas avoir ?].

Voilà quatorze ans que je livre mes états d'âme et je n'ai plus la fougue qui m'animait à l'époque des grandes découvertes. J'ai pourtant encore à écrire, mais peut-être sur une autre tonalité, et sous une forme moins personnelle. En fait je ne trouve plus le ton "juste", celui dans lequel je me sentirais à l'aise. J'ai l'impression de traîner mon passé ici comme de vieilles casseroles bruyantes. Comme si je m'étais discrédité, à force d'erreurs. Comme si je ne parvenais pas à passer le cap d'une écriture plus mature.

C'est lorsque je m'exprime de vive-voix que je constate le décalage : j'y suis bien plus fluide que par écrit. Ce que, par écrit, j'aurais besoin d'élaborer longuement m'apparaît inopinément dans la fluidité verbale. Totale inversion par rapport à mes débuts ! L'expression directe est ainsi devenue plus révélatrice que l'écrit, que je contrôle trop ! Car ici rien ne m'échappe...


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Tôt ou tard



Lundi 30 juin 2014
[Mis en ligne le 12 juillet]

« Ici rien ne m'échappe »
, ai-je écrit. La vérité est moins radicale : je ne contrôle pas tout et le croire serait bien prétentieux. Je n'ai posé un embargo que sur ce qui aurait pu m'emmener plus loin que je le voulais. Je m'y suis tenu. Ce faisant, j'ai maintenu sous le couvercle les mots qui, nécessairement, ne pouvaient qu'attendre leur libération. Tôt ou tard elle viendra.

Ce sera en douceur. J'ai attendu pour que ce soit possible. Si j'ai longtemps gardé des traces de colère et de ressentiment, je crois qu'aujourd'hui il n'y en a plus. Elles se sont dissoutes. Voilà des mois que je n'en ai plus senti la véhémence. Tout semble s'être apaisé et j'en perçois l'irréversibilité. Bienfaisante sensation que d'être parvenu à cet état de conscience et de paix durable.







Suite : Juillet 2014