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 Lundi 15 Août
 
 
 J'ai (re)découvert le Journal d'Ariane Fabre, diariste en ligne
                quasiment aussi ancienne que moi (j'ignorais
                  qu'elle poursuivait sous un autre nom). J'ai lu avec
                plaisir ses débuts, dans un style qui me plaît et auquel
                j'aurais aimé que le mien ressemble : des entrées courtes,
                écrites sur un ton à la fois léger et sérieux, sobre et
                savoureux, avec une lucidité qui rend l'ensemble pétillant. Je
                lis par petits morceaux, comme lorsque je déguste des carrés de
                chocolat noir.
 
 Lire des textes datés de onze ans, c'est un peu bizarre dans le
                monde d'internet, mais j'aime bien y trouver des traces
                d'intemporalité.
 
 De mon côté j'écris. Un gros pavé qui devrait paraître dans
                quelques jours. Non, ce n'est pas un livre : seulement un très
                long texte que je fractionne en épisodes cohérents. Marre des
                trop longs textes [oui, je sais
                  que des lecteurs aiment ça...]. Il accroissent le
                sentiment de lourdeur qui fait qu'il m'est difficile de publier
                ici. Je n'aime pas vraiment ce que mon journal est devenu : a
                demi-déserté et monomaniaque. Je ne m'y retrouve pas. Ma
                vie ne se résume pas à ce que j'en dépeins. Et comme je n'ai pas
                envie de me donner à lire sous un jour qui me déplaît, je
                m'abstiens. Mais l'envie d'écrire est toujours
                là. Simplement contenue, muselée.
 
 Ah, tiens, c'est justement en rapport avec mon pavé...
 
 Depuis combien d'années ne me sens-je plus libre d'écrire ? Ouh
                la... pas mal d'années [mais
                  c'est ainsi...]. L'ai-je été un jour, libre ? Oui, je
                crois. Aux moments où mon enthousiasme me portait à une
                sorte de dépassement. Comme si j'étais grisé par ce que je
                vivais, désinhibé par une légère ivresse.
 
 Hum... est-ce que cela voudrait dire que mon existence actuelle
                ne m'exalte plus beaucoup ? Disons que je vis autre
                chose. Je parcours des paysages qui présentent moins de
                relief. C'est assez calme. Tranquille.
 
 À écrire cela, peut-être en suis-je arrivé a un point où la
                saveur de mon existence commence à manquer de surprises ? Je ne
                voudrais pas, à force de chercher la paix de l'esprit, en
                arriver à une vie trop ascètique.
  Chemin
                        d'émancipation
 Faire le point
 
   
                
 
 Mercredi 24 août
 
 
 Dans l'intervalle de silence qui sépare leur publication mes
                  textes sont désormais le fruit d'une lente, très lente
                  gestation. Une mise en mots qui peut être extrêmement
                  laborieuse : c'est à un véritable travail que je me
                  vois convié.
 
 Je m'y livre avec zèle, tout en me demandant où peuvent encore
                  se nicher les fragments intacts de l'écriture spontanée. Que
                  reste t-il du primal jaillissement quand chaque mot signifiant
                  est repris, évalué, soupesé, mesuré, calibré, millimétré pour
                  s'ajuster à... ce que j'ai envie de mettre en évidence ?
                  En cherchant à m'approcher de ce qui me semble le plus juste
                  je ne laisse plus rien au hasard. Sous la force de la
                  contrainte le plaisir de l'écriture change de nature : moins
                  libératrice dans l'instant, elle est davantage génératrice de
                  conscience à long terme. Elle me travaille.
 
 Avec une telle volonté de contrôle j'ai forcément réduit la
                  fréquence de mes interventions. Je les centre sur ce qui
                  m'est le plus nécessaire, sous une rigueur pesante dont ce
                  journal pâtit peut-être. À tel point qu'il pourrait bien
                  s'étouffer complètement si je continuais ainsi.
 
 Mais la recherche de précision m'est utile : par elle la
                  perception que j'ai de moi-même et de mon rapport aux autres
                  s'affine. Mon récit, autrefois abondamment descriptif, a vu sa
                  part muette, non transcrite, devenir prédominante. Et c'est
                  là, dans ces silences, que s'élabore le changement intérieur !
                  Le processus d'émergence propre à l'écriture introspective ne
                  passe plus uniquement par la mise en mots mais aussi, et
                  beaucoup, par le travail préalable à la publication. La simple
                  perspective de la transcription, réduite parfois à quelques
                  annotations, ébauches de pensée, fragments de dialogues, peut
                  même suffire à induire le mécanisme de conscientisation. C'est
                  une écriture mentale, en quelque sorte.
 
 Aiguillonné par les aléas du réel, porté par la curiosité et
                  le goût de la découverte, un véritable travail sur ma
                  conscience s'est fait grâce à cette démarche. Paradoxalement
                  j'ai l'impression qu'il n'en transparait pas grand chose dans
                  mes écrits. Ils restent mobilisés, de près ou de loin, autour
                  d'un filon de réflexion semblant inépuisable : l'exploration
                  de mon rôle dans un scénario relationnel à l'épilogue
                  indécidable. Aaah, nous y voilà ! Au coeur du sujet ! Dans
                  l'objet diaristico-relationnel. À l'interface entre une
                  relation élevée au rang de mythe et la narration publique de
                  ses conséquences. C'est LA référence dont j'ai étudié
                  en détail les énigmatiques circonvolutions. En utilisant
                  le journal pour "faire le point" à intervalles aléatoires, le
                  rôle que j'ai accordé a l'écriture, à la fois introspective,
                  récapitulative, démonstrative, en a fait un instrument de
                  premier plan pour agir sur mon évolution. Avec des aspects
                  positifs observables immédiatement... et d'autres qui ne se
                  révèleront probablement qu'avec l'écoulement du temps.
 
 Un jour je n'aurais plus à remâcher les dernières questions
                  sans réponse: j'en aurais compris les obscurs enjeux et tiré
                  les enseignements nécessaires. Un jour je m'en sentirai
                  libéré. Un jour que je voudrais proche mais qui viendra... le
                  moment venu.
 
 Pour l'heure je ressens encore une molle nécessité d'inscrire
                  la trace de récentes avancées. Pour qui, pour quoi... je ne
                  cherche pas trop à savoir. Il s'en faudrait de peu pour que je
                  garde tout cela dans le secret de mon ordinateur. Si vous le
                  lisez c'est que je l'aurais finalement mis en ligne, fidèle à
                  je ne sais quel esprit de continuité.
 
 
 
 
 Flash-back : il y a quelques années le discret
                  quadragénaire que j'étais se sentait engoncé dans un cadre
                  moral trop étroit. La conscience de l'unicité de mon
                  existence, sans doute devenue plus prégnante avec la
                  perspective évaluable de l'échéance de ma mort, m'a donné
                  envie de vivre mes envies avant qu'il ne soit trop tard. En
                  particulier une envie forte, dont je m'étais interdit
                  l'éventualité jusque là : accéder à l'intimité d'autres femmes
                  que ma compagne. Oh je ne l'aurais pas exprimé aussi
                  clairement à cette époque, proscrivant ce genre de mâles
                  pensées, mais il s'agissait bien de cela. Ce que d'aucuns
                  appelle "démon de midi", parce qu'il se manifeste très
                  communément à mi-vie. Une motivation qui, pour moi, a été
                  suffisamment puissante pour m'extirper de mon étouffant carcan
                  moral. L'attirance vers le continent méconnu de la diversité
                  féminine a fait le reste. Cet attrait m'a permis de me
                  confronter aux craintes qui me limitaient, les dépasser
                  parfois, et découvrir ainsi d'autres modes de pensée, d'autres
                  façons de ressentir, d'autres sensibilités. Et d'autres corps,
                  bien sûr, mais était-ce vraiment là l'essentiel ?
 
 J'étais parti à la rencontre du féminin, j'y ai trouvé
                  l'humain. Sans distinction de genre. L'humain avec ses
                  grandeurs et ses limites, ses croyances et ses éclats, ses
                  peurs et ses faiblesses, ses grands idéaux et ses petits
                  arrangements. Bref : l'autre, dans ce qu'il a de terriblement
                  semblable et de tellement différent de moi. L'altérité qui me
                  révèle à moi-même. Que cet "autre" soit femme, finalement, ne
                  change pas grand chose à l'affaire...
 
 Sauf que, pour moi, cette altérité était plus attirante.
 
 Il m'a quand même fallu oser l'approche. Aller à la rencontre.
                  Audaces d'abord discrètes, timorées, mais dont les réussites
                  m'ont permis de renforcer ma confiance en moi. Suffisamment
                  pour croire que ce que je suis ou ce qui émane de moi pouvait
                  intéresser une pluralité d'autres. Ne pas redouter que
                  ce ne soit pas le cas. Et comme ça ne l'a pas toujours été,
                  j'ai pu apprendre à l'accepter simplement comme une
                  non-coïncidence, sans le prendre comme une remise en question
                  de ma valeur.
 
 D'un autre côté il a aussi fallu que je me laisse approcher.
                  Acquérir une confiance dans ma capacité à accueillir
                  l'altérité, en souligner les contours, parfois la contenir,
                  tout en restant au contact d'un égo en évolution constante.
                  Apprendre à ne pas être sur la défensive, qui ferme, mais
                  tendre vers l'ouverture sans crainte. Disponible pour recevoir
                  l'inattendu.
 
 Mon cheminement m'a conduit à faire de nombreux détours, mais
                  je suis persuadé qu'ils avaient tous leur raison d'être. Et ce
                  n'est pas fini...
 
 
 
 (à suivre)
 
 
 
 
 
 
                Chemin
                          d'émancipation
 Sept temps de réflexion
 1 - L'approche intime
 
   
                
 
 Samedi 27 août
 
 
 J'aime l'idée de la rencontre. Elle m'a séduit plus que
                  je ne l'aurais imaginé. Je veux parler là de la rencontre en
                  tant que mouvement de l'un vers l'autre, attraction
                  mutuelle au devenir inconnu. La rencontre quand elle ouvre au
                  partage intime, approfondi. Chez l'autre la surface
                  m'intéresse peu, mais accéder à la part secrète, sensible,
                  fragile, vulnérable, émotive, voilà ce qui me plaît ! Là où
                  l'on s'expose, se met à nu, coeur à vif, et qui, pour cela, ne
                  s'offre qu'avec circonspection. S'accueille avec gratitude. Un
                  dévoilement qui nécessite un climat de confiance réciproque,
                  qu'il ait été nourri par la durée des temps partagés ou soit
                  né subitement des circonstances de l'instant.
 
 À partir de là l'élargissement de l'éventail des possibles
                  devient fascinant. Excitant.
 
 C'est évidemment lorsque je perçois une sensibilité qui touche
                  la mienne que je m'implique avec le plus de réceptivité.
                  J'aime alors explorer l'espace qui se situe entre des
                  personnes qui, par le jeu des ressemblances et des
                  différences, s'attirent. J'aime sentir ce mouvement hésitant
                  de l'un vers l'autre, les frottements avec le besoin de rester
                  intègre. J'aime cette recherche qui consiste à s'ouvrir autant
                  à l'autre qu'à soi. J'aime l'approche intime.
 
 
 
 Bon... tout cela est rigoureusement exact, mais ne correspond
                  que partiellement à la réalité. Mes attractions sont
                  sélectives : jusque-là, allez savoir pourquoi, c'est envers
                  des femmes, et seulement des femmes, que mes envies de
                  rencontres ont prédominé. Surtout si quelque chose en elles me
                  les rend séduisantes... Bien sûr il m'arrive aussi de faire de
                  belles rencontres masculines, mais elles sont généralement le
                  fruit des hasards. Je veux dire : non recherchées. Mon attrait
                  pour le féminin explique largement le déséquilibre mais je
                  crois que s'y ajoute une barrière mentale : avec un homme la
                  rencontre sera *forcément* limitée. Or le partage intime tel
                  que je l'imagine peut être cognitif, émotionnel, intellectuel,
                  spirituel... mais aussi, éventuellement, sensuel.
                  Voire sexuel. Il semble que la perspective de cette dernière
                  éventualité pèse lourd dans la balance, bien que la réalité ne
                  permette que rarement d'atteindre cette dimension de la
                  rencontre.
 
 Je ne peux que le constater : si nombre de femmes ont attisé
                  ma curiosité vers le mystère de leur intimité, de façon plus
                  ou moins sublimée, je ne me souviens pas avoir jamais été
                  attiré par un homme. Intrigué, peut-être, mais pas attiré.
                  Il en va de même pour l'aspect sentimental, en tant que mise
                  en résonance émotionnelle. Quel que soit le degré de
                  confidences atteint, aucun homme ne m'a fait vibrer dans ce
                  domaine comme une femme le peut. Ce qui, par contraste, met en
                  évidence la composante sexuée, donc sexuelle, que mon
                  psychisme relie à la notion d'intimité partagée. Rien à faire
                  : le désir reste encore le principal moteur de la rencontre !
                  Une réalité à laquelle je ne saurais échapper. Elle se situe
                  toutefois dans un registre de confiance connecté aux affects
                  sentimentaux. Mâle je suis, incontestablement, mais accordant
                  ouvertement une grande importance à l'affectif. C'est
                  peut-être en cela que je me distingue d'une part de mes
                  homologues masculins. Ou du moins de l'image qui en est encore
                  couramment dépeinte. Ou que j'imagine être dépeinte...
 
 Mais que sais-je des autres hommes, finalement ?
 
 De leurs pensées intimes, pas grand chose. Mes relations avec
                  eux se limitent à des scénarios assez simple et dénués
                  d'ambitions puisque le rapprochement est d'emblée borné :
                  attirance sexuelle et inclination sentimentale n'en feront pas
                  partie. J'ai pourtant parfois pris grand plaisir à échanger
                  des points de vue sensibles avec quelques compagnons
                  d'aventure, notamment pour évoquer nos vicissitudes
                  sentimentales...
 
 Avec un homme je vois surtout du « même que moi ».
 
 Avec une femme l'approche est très différente : notre
                  distinction fondamentale fait que plusieurs composantes
                  relationnelles peuvent se combiner. Ce qui rend la rencontre
                  attirantes c'est l'incertitude : du plaisir de l'échange
                  (dialogue), de l'amitié (confiance), du désir (attirance
                  sexuelle) et de l'indéfinissable "amour" (attraction
                  émotivo-affective), quels sont les moteurs qui entrent en jeu
                  ? Qu'est-ce qui me plaît et m'attire, me retient, m'inquiète
                  ou me stimule, quand je suis en relation avec telle ou telle
                  femme ? Qu'en est-il pour elle ? Jusqu'où ira notre
                  rapprochent intime ?
 
 Il n'est pas forcément besoin de se poser ces questions, et
                  encore moins de leur trouver réponse immédiate : la relation
                  peut se vivre telle qu'elle est, au jour le jour, au gré des
                  circonstances et du croisement des désirs. Sauf que cette
                  nébulosité ne convient pas à tout le monde, dès lors que
                  plusieurs composantes entrent en jeu. Si moi je m'en accommode
                  bien actuellement, j'ai plusieurs fois constaté que le besoin
                  de connaître la nature des sentiments, si ce n'est
                  leur hauteur ou leur intensité, conditionnait la suite de la
                  rencontre. En clair : si tu ne m'aimes pas autant que je
                  t'aime, le processus d'approche s'arrêtera là... et la
                  relation avec. Ce n'est généralement pas dit, peut-être même
                  pas conscientisé, mais je l'ai vu suffisamment souvent pour le
                  prendre en compte. Parfois c'est simplement la fréquence des
                  échanges qui est perçue comme insuffisante et conduit au
                  désinvestissement de la relation.
 
 Que devient alors l'amitié embryonnaire que la confiance
                  partagée avait construite jusque-là ? Bien souvent elle
                  cesse...
 
 Cette prévalence de "l'amour" (sentiment et/ou sexualité) sur
                  l'amitié m'a longtemps laissé perplexe. Pour moi la valeur
                  première est l'amitié (lien de confiance mutuelle),
                  indispensable pour aller plus loin dans l'investissement
                  sentimental. Quant au sexuel il reste certes un objectif plus
                  ou moins fantasmé, à valeur stimulante, mais n'est pas une
                  priorité. Je ne l'inféode pas non plus au sentiment amoureux [il
                    serait intéressant que je relise mes écrits les plus anciens
                    sur ce point...].
 
 Plusieurs rencontres, et c'est le grand intérêt de leur
                  diversité, m'ont donc ouvert à d'autres perceptions que la
                  mienne.
 
 L'inadéquation des envies à fait que j'ai vu s'effacer
                  quelques unes des femmes rencontrées sur mon parcours de
                  découverte. Après les temps d'approche et de confidences,
                  quand le désir a nettement fait irruption mais n'a pas été
                  accompagnée par un embrasement sentimental réciproque, leur
                  implication a cessé. La mienne aussi, par voie de conséquence.
                  L'amitié naissante, conduisant plus ou moins rapidement à une
                  approche sexuelle, semblait n'avoir eu pour elles qu'une
                  finalité : *l'amour* [ou
                    plutôt le besoin de signes fréquents de réciprocité
                    affective]. Mais cet amour-là ne faisait pas partie
                  de mes objectifs. Les miens demeurent immuablement l'approche,
                  la découverte, la recherche, l'exploration conjointe des
                  possibles. Le dialogue approfondi et la quête se sens y
                  tiennent la plus grande place. Si désir et compatibilités s'y
                  prètent, une sexualité peut éventuellement prendre
                  place lorsqu'elle s'accomode d'une intimité qui ne nécessite
                  pas d'être *l'amour*. Amitié amoureuse, amitié sexuelle,
                  amitié désirante, amis-amants, voilà les concepts qui me
                  tentent. Ils sont alors indissociables d'une confiance
                  réciproque, donc du respect des différences. Quant à l'amour,
                  le vrai, je considère qu'il est là dès qu'il y a écoute,
                  attention offerte, prise en compte des désirs de l'autre. Cet
                  amour-là n'attend rien.
 
 
 
 Tout cela fait que j'en suis venu à redouter de voir
                  apparaître les symptômes amoureux dans les relations
                  d'approche intime. Ils s'assimilent trop souvent à des
                  attentes dont l'insatisfaction conduit à de la souffrance. En
                  fait ce n'est évidemment pas l'amour que je redoute, mais une
                  insatiable attente d'amour que je ne saurais
                  satisfaire. J'en parle d'autant plus aisément que j'ai
                  moi-même connu cette attente torturante...
 
 Depuis que j'ai refusé de vivre de nouveau une telle
                  aliénation je n'ai pas cherché à retenir mes partenaires
                  d'exploration en partance pour d'autres aventures. Pas plus
                  que je n'avais cherché à les séduire. Notre temps de
                  concordance, coïncidence visiblement éphémère, était
                  probablement écoulé. L'éloignement et le silence ont fait le
                  reste, tout naturellement. Mais pas systématiquement : parfois
                  le contact demeure, avec des moments de partage de loin en
                  loin. J'y suis sensible. J'apprécie cette persistance
                  chaleureuse qui me fait du bien à l'âme. Cette libre fidélité
                  au lien m'est douce et précieuse. J'y vois la reconnaissance
                  durable des bienfaits d'un respectueux partage.
 
 Les diverses expériences intimes que j'ai vécues m'ont
                  enseigné l'importance du non-attachement dans la relation,
                  quelle qu'elle soit. Processus évolutif, la rencontre n'est
                  pas un état stable : ce n'est qu'une phase d'approche. Rencontre
                      et lien ne sont pas de même nature, ne
                  s'inscrivent pas de la même façon dans le temporel. Instant et
                  durée sont deux rapports différents au temps. Je crois que
                  c'est ce que j'avais besoin de comprendre. Pour vivre au
                  présent les relations, même les plus proches, il faut accepter
                  l'idée qu'elles n'aient pas forcément d'avenir. Pour moi c'est
                  un énorme changement de paradigme, dont je dois la
                  compréhension au travail acharné fait depuis le repli mutique
                  de l'amie que je considérais comme âme soeur. J'ai cru
                  construire un lien alors je vivais l'expérience d'une
                  rencontre.
 
 Chaque souvenir, chaque phrase mémorisée, devront passer, tôt
                  ou tard, à travers cette autre grille de lecture.
 
 Si un jour l'état amoureux m'envahissait de nouveau,
                  saurais-je rester dans le non-attachement ? Je verrai ça le
                  moment venu, s'il vient... En tout cas c'est dans le "laisser
                  libre" que je vis désormais. Et si j'ai parfois été attristé,
                  évidemment, de voir s'éteindre les moments de partage, de
                  confidences et de découverte, au moins n'en ai-je plus
                  souffert. Peut-être ai-je appris à aimer plus... librement ?
 
 
 
 
   
              
                
                  
                    « L'âme soeur
                            elle ne débarque dans ta vie que pour te révéler uneautre strate de toi même, et ensuite, elle
                            se casse. Dieu merci. »
 - Liz Gilbert -
 
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