Avril 2011

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L'âge d'homme




Dimanche 10 avril


Je ne saurais définir et circonscrire précisément la mutation qui opère actuellement dans le déroulement de ce journal. Je sens qu'elle touche à l'essence de mon écriture et aux raisons de son existence. Voila déjà quelques semaines que je pense en dire quelques mots, mais c'est la motivation même de mes écrits qui est touchée. Alors j'ai reporté mon intervention, jour après jour. Je n'avais même pas mis en ligne mon précédent billet...

Maintenant plus rien ne presse. Il n'y a plus d'urgence, ni besoin, ni même nécessité. En fait je pourrais tout simplement cesser l'aventure de ce journal extime. Comme si j'avais fait le tour de ce que j'avais à exprimer. J'ai l'impression que mon travail introspectif sous cette forme et dans ce contexte est terminé.

En même temps je me dis qu'il serait dommage de ne pas poursuivre. Il reste beaucoup à explorer, et peut-être même l'essentiel. Mais comment écrire si la motivation est insuffisante ? Je ne veux rien forcer, bien sûr. Voir ce qui se présentera. Sans doute puis-je tenter une logique différente, encore indéfinie. Changer de forme narrative. Tendre vers un style plus direct, plus resserré, un peu comme ces idées qui apparaissent dans l'intantanéité de l'échange verbal. Elles s'assemblent et se combinent en fonction de réflexions préalables, dans la magie de fulgurances inconscientes, comme si elle attendaient le moment adéquat pour émerger. Bien souvent je suis surpris par l'évidence avec laquelle se présentent certaines de mes convictions insoupçonnées, lorsque je les énonce de vive voix au cours d'une conversation impromptue. Cette fluidité m'étonne, à l'opposé de la laborieuse transcription que je pourrais en faire ici. Je crois que l'écrit m'a conduit vers une certaine exigence, dont l'oralité bénéficie : j'aime trouver le mot juste, décrire l'idée au plus près, en énoncer au plus tôt les limites.

Je constate que depuis quelques mois la dimension chronophage de l'écrit me rebute. Rares sont les sujets qui me stimulent suffisamment. J'ai redécouvert la vivacité des échanges verbaux, dont je redoute moins qu'auparavant les aspects potentiellement déstabilisants. Je sais suffisamment me positionner ou me tenir à l'écart d'attitudes bloquantes. Je dois cependant reconnaître que c'est le souci de la précision dans l'écrit qui m'a conduit vers une conscience accrue, augmentant par là-même ma confiance en moi et mon estime personnelle.

N'est-ce pas l'objectif principal vers lequel je tendais ?

Dès lors il n'est pas surprenant que ma motivation pour l'écriture vacille. Pour autant je n'ai pas envie de cesser. Peut-être me faudra t-il un peu de temps pour trouver un nouveau mode d'expression, mais je crois qu'il est important que je poursuive. Non pour m'épancher, mais pour témoigner de mon cheminement. Toujours cette idée du partage intime, qui surpasse toute idée de nombrilisme ou de satisfaction à être lu. Reste l'envie de raconter en quoi mon parcours à été important, bénéfique, libérateur, et donc utile. Utile à moi et, par ricochet, à ceux qui me côtoient, selon ma vision humaniste des apports relationnels. Dire en quoi, finalement, l'aboutissement marque un commencement.

Ce qui commence ? Rien de moins qu'une nouvelle ère. Si je ne craignais pas de paraître prétentieux je la désignerais ainsi : l'ère de ma maturité d'homme. Plus simplement, disons que je suis enfin entré dans mon âge d'homme.



Comment décrire cet état de conscience auquel je me vois parvenu ? C'est ce à quoi j'ai envie de m'atteler. Je m'accorde tout le temps qui me sera nécessaire.

Peut-être puis-je commencer par ce mot, véritable clé : reconnaissance. Aujourd'hui je me sens reconnu. Ou plutôt considéré. Je me sens exister, avoir une place au monde. Ce qui importe là n'est pas la réalité des faits [je me savais reconnu auparavant], mais mon ressenti à ce sujet. C'est à dire le regard que je porte sur moi-même. Il y a là une notion de confiance, en moi et en autrui. Confiance dans la considération qu'autrui peut avoir à mon égard, découlant de la perception que j'ai de moi. Deux principes qui se conjuguent, se renforcent ou se nuisent selon les aléas de l'existence, mais surtout selon la construction narcissique du sujet.

Je crois être parvenu aujourd'hui à une (re)construction solide de cette assise narcissique. Notamment parce que j'ai été confronté à cette fameuse épreuve affective que j'évoque à demi-mots, assez redoutable sur le plan de mon auto-estime en plein travail de reconstruction. Le choc aura été rude mais, en mettant en évidence la fragilité de certaines de mes bases, m'aura contraint à travailler beaucoup plus en profondeur. Cela a été long mais profitable.

Je crois que maintenant, sans me prendre pour ce que je ne serais pas... je porte sur moi un regard plus ajusté. Ce qui est nouveau, et pour tout dire révolutionnaire, c'est que je m'autorise de moi-même à m'auto-considérer. Autrement dit : je me fais confiance. Et donc je crois en moi, en fonction de mes capacités identifiées.

Peut-être cela pourrait-il paraître banal à des personnes qui s'accordent cette confiance depuis longtemps, mais pour moi il s'agit d'une véritable mutation !

Comment en suis-je arrivé là ? Pas tout seul ! J'ai eu besoin du regard des autres. Notamment celui de mes lecteurs, fidèles ou simplement de passage. En fait c'est avant tout face à moi-même que je me suis exposé. Progressivement j'ai mis à l'épreuve ce que je pensais et ressentais, osant de plus en plus l'être. L'écrit m'a servi à renforcer des attitudes d'abord hésitantes, puis de plus en plus affirmées. Je suis devenu toujours plus conforme à ce que j'écrivais

Ma grande chance aura incontestablement d'avoir été emporté dans une tempête d'émotions et de sentiments, occasionnant un naufrage relationnel et personnel qui aura été source de questionnements longtemps inépuisables. Et puis avec le temps, la réflexion, la prise de conscience, les questions se sont taries au profit d'hypothèses solides. De nouvelles expériences relationnelles m'ont ouvert à un autre regard. En inversant les rôles j'ai compris bien des choses, et surtout mes erreurs, mon immaturité passée...

Je me suis réhabilité à mes propres yeux, reconstruisant solidement une estime personnelle décidément trop vulnérable. Des années de travail... pour un résultat qui en vallait la peine !

Dès lors je me préparais, sans m'en rendre compte, à m'ouvrir à une nouvelle perception de moi-même dans le regard des autres. En prenant confiance en moi je devenais plus réceptif aux appréciations positives, et moins ébranlable par des jugements aussi hâtifs que projectifs. En apprenant à me faire confiance j'ai accordé davantage de crédit à mon intuition. Certes, il m'a fallu passer par un cheminement en solitaire pour bien capter ce qui émanait de mon être...

Une successions de situations m'a récemment montré que j'étais reconnu, considéré, par des personnes d'horizons différents, dans des registres variés, à un moment où j'étais prêt à percevoir ces signes. Simultanément je me suis rendu compte que mon écriture publique et interactive, sur le blog, s'appuyait largement sur un besoin de reconnaissance et de validation...

Une forme d'aliénation devenue superflue.






Suite : mois de juin 2011