Février 2011

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Rêve étrange




Vendredi 11 février
[Rédigé le 8 février, revu le 11]


J'ai fait un rêve étrange, ce matin. Un rêve d'un genre que je connais bien, quoique il y ait fort longtemps que je n'en avais plus fait. Rêves que je qualifierai de "résolutoires", dans le sens qu'ils m'indiquent une évolution dans ma perception de situations marquantes, pour ne pas dire traumatisantes. Résolutoires parce qu'ils cherchent à résoudre des énigmes auxquelles je suis confronté sans solution accessible. Je perçois ces rêves comme des solutions apportées par mon inconscient à un manque de sens.

Ces rêves suivent un processus toujours identique. Ils commencent dans une phase onirique inconsciente puis, progressivement, la prise de conscience que je suis en train de rêver émerge. Une phase d'entre-deux me fait alors vivre deux états simultanés : le rêve, dont le déroulement inconscient échappe à mon contrôle, et la conscience que l'émergence ne me laissera pas l'achever. Et inéluctablement la conscience envahit peu à peu le rêve, qui s'estompe en me laissant dans un état bizarre, comme si ce que je venais de vivre avait été réel, tout en sachant parfaitement que ça ne l'était pas. Ce sont toujours des rêves très signifiants, "réalistes", et en rapport avec le même genre de problématique : à défaut de dialogue, pouvoir enfin être entendu et compris par des personnes qui m'ont refusé cette possibilité. Mais ce qui me semble important dans ces rêves c'est qu'ils m'indiquent l'acceptation profonde qu'un dialogue longtemps espéré n'aura jamais lieu. Il y a quelque chose de l'ordre de la résignation, du renoncement.

Autrefois ces rêves récurrents concernaient mon premier amour d'adolescence. Durant des années il m'est arrivé de rêver, rarement mais toujours avec une forte intensité, de la possibilité d'être écouté par celle qui m'avait rapidement "oublié" alors qu'elle avait représenté pour moi un personnage de premier plan et joué un rôle capital dans mon parcours de vie. Premier amour, première amie et confidente, première femme désirée m'ouvrant à tout un monde. Celui des sentiments et des pulsions, certes, mais aussi celui de la prise de conscience d'une énergie intérieure, d'une force, dont j'ignorais disposer. Cette toute jeune fille avait été pour moi, timide adolescent, comme un catalyseur. Dans ses yeux je m'étais vu être quelqu'un qui avait une importance, quelqu'un d'apprécié, et cela m'avait donné une confiance en moi à un moment où elle était très faible.

Et puis la belle jeune fille m'avait oublié en entrant au lycée. L'intérêt que j'avais pu avoir à ses yeux s'était détourné vers d'autres horizons, sans que rien n'en soit dit. Comme ça, parce que c'est la vie...

Profondément meurti par la rapidité de cette extinction muette, resté face au vide de l'absence irrésolue, il m'a fallu beaucoup de temps pour faire le deuil de cette histoire. Un deuil auquel mes rêves "réalistes" n'étaient pas étrangers. Durant ces années il m'arrivait de rêver d'un temps de dialogue. Un moment où j'aurais pu enfin savoir ce qui s'était passé. Parler avec elle. Comprendre. Rêves récurrents durant lesquels je m'approchais toujours plus, à chaque fois, de la résolution... mais je me réveillais immanquablement avant que celle-ci n'ait lieu.

Finalement, après bien des années, interpellé par ces rêves par lesquels, manifestement, "quelque chose" cherchait à se résoudre, j'ai voulu en avoir le coeur net. J'ai recontacté cet amour de jeunesse. Expérience contrastée aboutissant, après un premier accueil relativement ouvert, à une fermeture très nette et sans appel. D'une certaine façon j'avais eu les principales réponses dont j'avais besoin, mais le rejet déclencha un sentiment très fort de malentendu et d'injustice : je ne me sentais pas du tout être tel que j'avais été perçu ! Et ce qui aurait pu se résoudre en quelques échanges prit alors des proportions démesurées : mon insistance à vouloir dire l'innofensivité de ma demande fut perçue comme une sorte de harcèlement. Je me voyais accusé et toute tentative en vue de me disculper aggravait mon cas ! Situation kafkaïenne dont il me fallu plusieurs années pour la dépasser. Aujourd'hui cette histoire est totalement résolue et je n'y pense plus. D'ailleurs je n'ai plus rêvé de Laura depuis des années.

Sauf que... cette nuit, ce premier amour s'est invité dans mon rêve. Elle n'y était pas la seule puisque ma femme [ex-femme], Charlotte, y était aussi, ainsi que celle avec qui et par qui j'ai vécu la plus grande révolution de mon existence : Libellule.

Trois femmes dans mon rêve, trois amours, trois personnes avec qui (ou sans qui) j'ai vécu les bouleversements les plus marquants de mon existence. Trois femmes qui, chacune à un moment de ma vie et pour une durée plus ou moins longue, m'ont permis de franchir une étape et de devenir "autre".



Je n'ai pas noté les détails du rêve à mon réveil, mais je sais que certaines scènes me resteront en mémoire, tout comme je garde le souvenir des rêves d'autrefois. Et puis ce sont les impressions qui me semblent significatives, et le sens que je donne à tout cela.

C'était un jour spécial. Une sorte de fête. Il y avait beaucoup de monde dans la maison. De la famille, des amis. Et puis ils partaient peu à peu et je me retrouvais avec mes trois enfants, un peu occupés de leur côté. Il y avait aussi deux autres personnes, perçues comme étant Charlotte et Libellule, mais que je ne voyais pas. Je sentais seulement leur présence, et une vague connivence entre elles. En tout cas nous n'interagissions pas. Dans le jardin il y avait une tente. Je savais que c'est là qu'était, ou serait, Laura, pas revue depuis très longtemps. Peu à peu le calme se faisait, l'espace se restreignait au lieu ou aurait lieu la rencontre et chacun savait qu'un moment crucial approchait. Je me demandais si Laura, ayant enfin consenti à un mouvement vers moi, que je sentais là si proche, accepterait finalement d'entrer dans mon monde. Quelque chose de très infime, fragile, pouvait être perdu à chaque instant. Je prenais d'infinies précautions pour que rien ne la fasse fuir. C'était Laura, et en même temps Libellule. Un peu le même personnage, confondu. Très farouche, méfiante, prête à partir avant même que je puisse les voir, les entendre, établir le moindre contact. Et puis le silence s'était fait, la lumière du jour, et même le paysage s'étaient éteints. Une sorte de nuit, de brouillard opaque, masquait tout, excepté cette tente dans le jardin. Une silhouette en sortit et contourna la maison pour y entrer, par derrière, discrètement. Je n'avais aucune inquiétude, excepté celle de faire fuir cette femme tant attendue. Comme si j'observais le rapprochement d'un oiseau prêt à s'envoler au moindre mouvement perçu comme suspect.

Les enfants étaient toujours là, mais occupés à autre chose. Les deux autres présences féminines étaient là, prêtes à se joindre à nous. Il n'y avait en moi aucun stress, aucune angoisse, seulement de l'incertitude. Je n'attendais rien de particulier, n'avais aucune fébrilité. Je me disais qu'il adviendrait ce qui le devait, même si je faisais tout pour que se réalise ce que je désirais : résoudre des difficultés anciennes. Pacifier tout ça.

La porte arrière de la maison s'ouvrait et la femme inconnue entrait, comme si elle savait où elle devait aller. Je lui laissais le temps, puis allais à sa rencontre dans une sorte de pièce de rangement, un garage. Je prononçais quelques mots avec la plus grande attention : surtout ne pas dire ce qui pourrait la faire fuir. Ne pas toucher un domaine sensible. Elle se laissait faire et me suivait. Elle n'avait pas de visage visible.

Un peu plus tard étaient autour de moi les trois femmes que j'ai aimées. Mes enfants étaient là aussi, dans la pénombre, silencieux, à distance. En fait tout le monde était silencieux. Charlotte et Libellule non plus n'avaient pas de visages perceptible. Elles semblaient se connaître. J'accueillais alors Laura et la présentais à tous. Quelques mots, très sobres. Une ambiance calme, de la douceur. Pas le moindre signe qui pourrait être perçu comme menaçant. Aucun affect, seulement des faits. Je commençais alors à dire pourquoi j'avais réuni tout le monde chez moi, nommant tour à tour Laura, Charlotte et Libellule, évoquant en quelques mots ce que j'avais vécu avec chacune. Curieusement je ne me trompais pas dans leurs prénoms, chacune étant très disctincte des autres alors que juste avant elles étaient un peu interchangeables en ayant été "l'amour de ma vie".

Je commençai à évoquer les malentendus éternels qui trainaient entre nous, leur disant que jamais je n'avais voulu être insistant, ni m'accrocher outre mesure. Que j'avais seulement eu envie de tomber d'accord avec chacune d'elle sur l'évolution de ces relations, que mon intention n'avait jamais été de harceler qui que ce soit et que je pouvais très bien comprendre qu'elles n'aient plus eu envie de vivre "quelque chose" avec moi...

Il était important que mes enfants soient là, pour mieux savoir qui je suis, ce qu'ont représenté ces femmes pour moi, pourquoi je suis devenu tel que que je suis après leur rencontre. Important que chacune me voie devenu autre, calme, pondéré, avec des affects sereins.

Mais très vite j'ai senti que je revenais à la conscience et que je ne terminerai pas cette mise au point. Que je n'aurais pas le temps de me réhabiliter à leurs yeux, tout en pensant que ça n'avait pas d'importance : je savais. Je me suis demandé pourquoi je rêvais à cette rencontre... pourquoi à cette date du 8 février, qui ne représente rien de particulier pour moi. Et puis le rêve a continué tout en se délitant. Les présences sont devenues mouvantes, impalpables, dissoutes. Tout disparaissait et bientôt je serais totalement réveillé. J'ai tenté de rester dans le rêve... aller un peu plus loin, mais je savais que j'étais dans mon lit... et le rêve fuyait.

Il était 5h51

Je n'ai pas cherché à intérpréter ce rêve. Il me semble suffisamment éloquent. Mais je garde précieusement cette impression : l'envie de dire à ces femmes que je n'étais pas celui qu'elles avaient vu en moi. Mais finalement peu importe : ce qui compte c'est que moi je le sache.

Je me suis quand même demandé pourquoi j'avais rêvé d'une tente dans le jardin, de laquelle avait émergé un personnage central. Une tente qui avait une forme typique et bien désuète aujourd'hui. Ce détail du rêve m'a semblé chargé d'un sens particulier. J'ai compris quand un mot m'est venu pour qualifier ce modèle de tente : il s'agissait d'une canadienne...

L'inconscient est facétieux !



Ajout du 12 février : la date du 8 février n'évoquait rien de particulier pour moi lorsque je me suis réveillé. J'ai cependant été assez étonné de la connaître alors que j'étais encore en demi-sommeil ! Aujourd'hui elle m'est subitement revenue à l'esprit : c'est celle de la naissance de ce journal, lui-même initialisant la grande aventure dont les conséquences auront été notables pour la plupart des protagonistes du rêve. Coïncidence ?

Je réalise aussi que le personnage de Libellule était, dans mon rêve, le seul à être interchangeable/confondu avec les deux autres, le seul à être à la fois dedans et dehors de la maison familiale






Une folie ordinaire




Mardi 15 février


J'avais gardé le silence jusque-là. Pas un mot au sujet de cet enregistrement effectué il y a trois mois. Je trouvais stupide ce mouvement de fierté qui aurait consisté à me vanter de quelque chose de finalement assez banal. Combien de personnes, chaque jour, passent dans un média quelconque ? Certes il ne s'agit pas de n'importe quel média et c'est à la fois ce qui fait que j'ai accepté sans réticences et génére ma fierté...

Ressentir cela est un peu stupide... mais inutile de chercher à l'éviter : c'est là. Oui, ça me fait plaisir. Oui, je le ressens comme une forme de reconnaissance. De quoi ? Je n'en sais rien. Mais reconnaissance quand même. Celle d'une continuité peut-être, d'une certaine particularité. D'avoir tenu toutes ces années et d'être encore là.

Raconter sa vie en direct sous le regard d'autrui, depuis dix ans, est-ce digne de respect ou au contraire la marque d'une originalité absurde, une folie ordinaire, une névrose comme une autre ? Toujours est-il que c'est ainsi.

Bientôt aura lieu la diffusion du documentaire dans lequel je m'exprime. Je ne pensais pas que cette approche allait susciter ma réflexion au sujet de la publicité que je pourrais faire autour de cet évènement infinitésimal. Mais au moment de choisir entre dire ou taire, il a bien fallu que je me positionne. Finalement j'ai choisi de dire et de donner l'accès de ce journal. Combien de personnes vont-elles entendre mon témoignage ? Des milliers, des dizaines de milliers ? Combien chercheront à lire les écrits de cet énergumène ? Zéro ? Une dizaine ? Peut-être une cinquantaine de personnes ?

Pourquoi avoir donné la clé d'accès à ce lieu alors que ne rien dire m'aurait laissé tranquille, à l'écart de trop de questionnements ? Mais est-ce que j'ai vraiment envie d'avoir une vie tranquille, préservée des frictions de la réalité ? Certainement pas...

Je crois que la curiosité l'emporte, et je ne veux pas me laisser dominer par des peurs. Je crois que j'aime l'aventure intérieure, et celle-ci ne se vit pas que dans le confort des réflexions solitaires.




À ceux qui me lisent pour la première fois



18 février 2011


Vous arrivez probablement ici depuis le lien proposé sur le site de France culture, après avoir écouté le documentaire intitulé « Blogs extimes » diffusé aujourd'hui dans l'émission "Sur les docks". Vous aurez donc compris que livrer son intimité en public a quelque chose de paradoxal, qui ne peut fonctionner qu'en respectant certaines règles. La première d'entre elles est l'anonymat, qui autorise une certaine liberté d'expression. Sans cet anonymat l'inévitable autocensure retire beaucoup d'intérêt à la démarche et affadit considérablement le contenu. Il importe donc de ne pas être lu par des proches (famille, amis, collègues, etc.).

Si vous m'avez reconnu, si vous me connaissez et que vous êtes arrivés jusqu'ici c'est que votre curiosité, bien légitime, vous y a conduit. Malheureusement vous êtes sur le seuil de mon intimité et c'est un lieu où je me dévoile. Il se peut que cela soit gênant pour vous, comme pour moi. Je vous suggère donc de ne pas aller au delà de ces lignes, mais pourrai répondre à toutes vos questions de vive voix...

Si vous avez la chance de ne pas me connaître ce lieu vous est ouvert et je vous souhaite la bienvenue. Sachez cependant que dévoiler ses pensées intimes est assimilable à une mise à nu. Or on ne se met pas à nu n'importe où, ni devant tout le monde. C'est pourquoi j'expose mes pensées un peu à l'écart, à l'abri des regards. Vous ne venez donc pas me lire par hasard, mais parce que vous avez choisi de cliquer sur un lien qui ouvre cet espace intime. Personne n'est obligé de lire et ceux qui le font acceptent implicitement d'être éventuellement déstabilisés par ce qu'ils trouveront ici.


Bienvenue...









À l'origine




Samedi 19 février


Ouf ! l'afflux de visiteurs n'a pas eu lieu... Quelques dizaines tout au plus. Depuis longtemps je ne consulte plus les statistiques de fréquentation de ce journal mais le léger pic d'hier m'est tout à fait supportable. Je redoutais [et espérais aussi, je dois le dire...] un afflux massif d'inconnus. Savoir trop de nouveaux regards sur moi m'aurait déstabilisé. J'aurais senti une pression me poussant à plus d'exigence envers la qualité de ce journal.

C'est quoi la qualité d'un journal ? Quelque chose qui me semble antinomique avec la fréquentation ! Pour moi l'intime reste confidentiel et s'accomode donc mal de la présence d'une foule [toute relative...]. Paradoxe supplémentaire : j'aimerais être au coeur de l'intime exprimable en public et en même temps être reconnu pour la qualité de cette expression intime. Participer à ce documentaire m'a propulsé dans ce paradoxe : j'étais fier d'avoir été choisi, flatté d'être ainsi le représentant du diarisme en ligne et des blogueurs extimes, mais un peu effrayé à l'idée de l'être devant tant d'auditeurs. Les tout derniers jours avant diffusion m'ont d'ailleurs mis dans un léger stress à l'idée d'être subitement mis sous le feu des projecteurs.

Je craignais surtout que des personnes qui me connaissent viennent lire mes écrits. Je n'ai donc pas prévenu de la diffusion ceux qui me l'avaient demandé, suite à une indiscrétion d'une à qui j'avais confié ce petit secret. Je n'ai informé que mes trois enfants, seules personnes véritablement concernées par mon intériorité. Seules personnes qui se retrouveront un jour devant la somme de mes écrits. Seules personnes, finalement, en qui j'ai confiance quand à leur fidélité dans le temps...

C'est curieux que cette notion de fidélité apparaisse ici. J'en suis surpris.

Pas tant que ça, en fait : pour moi la fidélité est liée à la confiance. Et les seules personnes en qui j'ai toute confiance quand à la pérénnité des liens, ce sont eux. Oh bien sûr je pense à d'autres personnes avec qui les liens ont de fortes chances de durer très longtemps, mais il n'y a pas le même rapport de réelle intimité. Si j'ai le temps de me voir mourir un jour je sais que mes enfants seront "là". Et ce sont les seules personnes avec qui je peux parler en confiance des choses essentielles. Ce ne sont pas des confidents de passage dans ma vie. Ce ne sont pas des rencontres qui se nourissent jusqu'à épuisement des ressources partageables. Je crois que c'est leur existence qui fait que je ne me sens pas seul dans la vie. Ou plutôt que ma vie de solitaire ne m'inquiète pas...

Bon, en voila une digression inattendue ! Quel rapport avec la diffusion de ma parole ? Ah oui : la confiance...

Et là se dessinent les ombres de ces personnes en qui j'ai eu confiance, parfois longtemps, et qui se sont éloignées de moi. Je mesure sans doute encore mal la profondeur et l'étendue du traumatisme que cela aura représenté. Traumatisme nécessaire, je m'empresse de l'écrire, qui m'a donné une forme d'invulnérabilité : il ne se reproduira pas. Je n'accorderai plus jamais cette "confiance" disproportionnée qui me rendait tellement vulnérable à l'abandon que j'étais hanté par cette perspective. Personne ne m'abandonnera plus parce que moi-même je ne m'abandonnerai plus à personne. Ce qui ne m'empêche nullement de me rapprocher très près, de me confier, de faire confiance... mais dans les limites de ce que je peux perdre. Je ne me surexpose plus, je ne mets plus en danger.

C'est pour cette raison que j'ai accepté sans réticences de "m'exposer" devant des milliers d'auditeurs, et finalement accepté que soit accessible l'adresse de mes lieux d'épanchement intime.

Finalement, passées quelques légitimes craintes signant une conscience des enjeux, je me suis senti suffisamment solide. Il y a en moi, malgré ma sensibilité, une grande force. J'en suis souvent le premier surpris...

Cette conscience croissante que ma force vient de la connaissance de mes sensibilités me ramène invariablement vers cette idée, qui m'a si fortement touché quand je l'ai lue : s'exposer est une libération. Une révélation qui est à l'origine de mon journal en ligne, lui-même point de départ de bien des évolutions dans mon existence. Et qui sait si mes écrits n'ont pas aidé quelques personnes dans leur cheminement ? Tant d'entre elles me l'ont dit...







Un regard sur le chemin parcouru




Vendredi 25 février


Le petit évènement personnel qu'a constitué mon passage sur France Culture n'a sans doute pas été aussi anecdotique qu'il pouvait me sembler. Hormis une petite fierté sans importance, je crois qu'à cette occasion j'aurais surtout pu prendre conscience de tout ce qui avait agi en souterrain depuis quelques années.

Car à cette occasion, pour la première fois, j'ai entendu et accepté et intégré, ce qui était dit de moi favorablement. Devant la convergence de commentaires plutôt élogieux [sur mon blog et en privé] je me suis senti *reconnu* au delà de ce que j'attendais. Et cet afflux en lui-même, sans aucune voix discordante, m'a empêché de trop minimiser cette *reconnaissance* ouvertement et publiquement affichée.

D'une certaine façon j'ai été obligé d'admettre cette appréciation collective.

Pour être exact ce n'était pas vraiment la première fois puisque je voyais ainsi se reproduire ce qui s'est passé début décembre, lors d'un stage de fin de formation : là-bas m'avaient été formulées publiquement et par plusieurs personnes des appréciations sur ce qui émane de moi. J'avais accepté non seulement de l'entendre, mais surtout d'y croire.

Ainsi, par deux fois, à quelques mois d'intervalles, dans des registres distincts, dans des cercles différents, par une pluralité de personnes se fiant à ce qu'elles perçoivent de moi, j'ai constaté et ressenti que j'étais apprécié. Ce n'est bien évidemment pas la pensée rationnelle qui m'intéresse ici, mais le ressenti profond : je savais déjà que des personnes m'appréciaient, mais auparavant quelque chose en moi m'empêchait d'y croire vraiment.

Pour moi c'est un peu stupéfiant mais cependant impossible à refuser. D'autant plus que j'accordais, dans les deux cas, une confiance dans la capacité de discernement de mes laudateurs. C'est donc la perception que j'ai de moi-même dans le regard d'autrui qui, depuis, est à réévaluer.

Ça ne paraît peut-être pas, mais c'est assez énorme comme changement de paradigme !


Si j'ajoute à cela la "reconnaissance" symbolique que constitue le passage de mes propos sur une radio aussi prestigieuse que France culture, ainsi que l'augmentation significative des visites sur mes sites consécutivement à la diffusion de l'émission, je ne peux que me rendre à l'évidence : ce que j'ai dit de moi a, si ce n'est intéressé, du moins intrigué.

Et puis peu importe : ce qui compte c'est que cette convergence de reconnaissance joue un rôle indéniable dans l'acroissement de mon auto-estime ! Pour quelqu'un comme moi qui, il y a une dizaines d'années, avait le sentiment de « ne pas exister », le chemin parcouru est considérable. Je le dois en grande partie à ces écrits publics.


Ma toute fraîche augmentation de confiance personnelle m'apparaît aussi dans d'autres registres. Professionnellement je me suis senti suffisamment à la hauteur pour briguer le poste de mon supérieur, qui le quitte (je saurai dans quelques jours si j'ai été suffisamment convaincant). Dans le registre affectif, de loin le plus sensible, je me vois avoir acquis une solidité intérieure qui, il y a encore quelques mois, me paraissait à jamais hors de portée ! J'ai très récemment résisté à des attaques agressives qui autrefois m'auraient laminé. J'ai su réagir de façon à n'être pas atteint par une personne proche qui exprimait son mal-être et ses désirs contradictoires de façon très destructrice envers la relation que nous avons. En fait il s'agissait d'un mécanisme de sabotage relationnel à visée auto-destructrice, peut-être à la recherche de mes limites d'acceptation. Un mécanisme particulièrement déstabilisant que je connais maintenant suffisamment pour ne plus m'y laisser entraîner. Parce que, comme par hasard, il s'était déjà enclenché avec plusieurs de mes anciennes partenaires aux désirs ambivalents...

Cette fois j'ai résisté. J'ai ajusté ma position à la violence qui m'était adressée. Je me suis rapidement mis hors de portée des missiles lancés vers moi. Une violence relationnelle reconnue ultérieurement par aveu spontané de celle qui l'a exercée. Elle a même parlé de cruauté et, par association d'idées, a évoqué un mécanisme similaire à celui des violences conjugales. Moi j'ai pensé au terme de maltraitance... Je l'ai rassurée : en refusant d'entrer dans ce jeu relationnel je le rendais inopérant. J'ai quand même été atteint et suis resté un certain temps en retrait prudent. Honteuse, celle qui souffre de vivre intensément des désirs contradictoires m'a demandé de l'excuser. J'ai refusé. En revanche j'ai pardonné... en précisant bien que ce qui s'était passé était grave et touchait aux fondements de la confiance. J'ai clairement signifié que je ne saurais le tolérer qu'un nombre de fois limité (car ce n'est pas la première fois) et que mon pardon n'était en aucun cas une autorisation à récidiver. Excuser aurait pu laisser croire que la situation était reproductible et ç'aurait presqué été un encouragement à recommencer...

Cette capacité à me positionner par rapport à la violence relationelle, à savoir jusqu'où je peux la tolérer et à partir de quand m'en protéger en prenant de la distance, me donne à la fois un sentiment de force et de liberté. C'est ce qui engendre l'inattendu sentiment de quasi invulnérabilité dont je parlais dans mon précédent billet. Je me sens disposer désormais d'une connaissance de mes sensibilités qui me permet de prendre soin de ce qui me fonde.

C'est vraiment nouveau !

Indirectement je ne peux que ressentir une forme de gratitude envers ces quelques femmes qui, sans le savoir, par le jeu de nos réactions affectives conjuguées, m'ont poussé (et me poussent encore) à "travailler" sur mes sensibilités. À force de répétition, j'ai pu comprendre à quoi j'étais sensible et apprendre à ne pas endurer ce qui me fait violence.

Le sentiment d'incompréhension totale qui m'a souvent envahi en situations de crise et de violence affective aura finalement été un allié efficace. Les énigmes que constituaient à mes yeux certains comportements de mes partenaires, activant chez moi une sensibilité exacerbée, auront fertilisé de nouvelles perceptions d'autrui. C'est parce que je ne comprenais pas, et que je n'ai eu de cesse de trouver le sens de ce qui se passait, que j'ai pu cheminer vers des modes de pensée qui m'étaient étrangers et prendre conscience des miens.

Les énigmes relationnelles ont longtemps eu pour moi quelque chose de douloureux parce qu'elles suscitaient une curiosité qui ne pouvait être rassasiée immédiatement. Elles m'ont demandé temps et efforts de concentration pour apprendre à contourner les apparences de l'irrésolubilité. Mais sur le long terme, avec de la persévérance et la volonté de rester ouvert à d'autres approches que celles qui me sont naturelles, se préparait ce qui a fait tout l'intérêt de ces difficultés : la résolution.





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