Novembre 2010

Dernière mise à jour:mardi 14 décembre 2010 - Accueil - Archives - Message









Samedi 6 novembre


Le texte qui suit ce préambule est obsolète puisque j'y décris une situation qui n'existe plus. Alors pourquoi diable le publier ? Pourquoi prendre le risque de raviver ce qui, doucement, s'est endormi ? Euh... je ne sais pas trop...

Je l'ai retenu plus de deux mois, reportant toujours à plus tard la décision de la mise en ligne ou de m'en abstenir. Il semble que j'avais besoin de ce temps. Mais l'obstacle a fini par créer un bouchon qui, maintenant, m'empêche d'installer la tonalité que j'ai envie de restituer à ce journal. En soi le bloquage est significatif de l'importance que j'accorde à ce texte... Alors il est peut-être utile que cette mise en mots, qui aura bien joué le rôle qui lui était dévolu, s'inscrive dans le parcours que je raconte ? 

Le texte met en évidence la part fantasmée d'une histoire dont il m'a été très difficile de me détacher dans mes écrits, faute de réelle fin. Longtemps, très longtemps, malgré mes efforts pour en sortir, malgré ma conscience d'un phénomène de captation, mon expression est restée engluée dans un magma d'imaginaire et de réel confondus. Quelque chose d'indiscernable, caractéristique des relations à distance. Je crois que le manque d'actes suffisamment concrets en était la cause. Malheureusement la mise en mots de ce déficit persistant, qui aurait dû me permettre de sortir du puits sans fond des questions sans réponses, a généré une sorte de spirale infernale. Un vortex qui s'autonourrissait. Je n'ai eu de cesse de vouloir l'arrêter en émettant des appels en ce sens. Parfois suivis d'effets.

Ce n'est qu'à partir d'actes concrets que j'ai pu m'en sortir. Par la suite, assez rapidement, le système a pu se désamorcer. Jusqu'à ce que j'en arrive à écrire la réalité de mes représentations et que je lève sans complaisance le voile sur mes manigances, identifiées depuis très longtemps. De là s'est tracée enfin la rupture nécessaire avec la présence fantôme qui envahissait mes écrits. J'ai pu m'affranchir d'un regard imaginé, ramener le vécu à sa juste place et libérer l'espace pour une écriture émancipée. Elle est désormais possible. Les deux mois de décalage avant publication auront permis la transition. Un temps de silence, espace tampon entre les mots et leur intégration. J'ai attendu de sentir que le processus était effectif avant de lâcher progressivement les textes précédents.

L'aveu du décalage persistant entre réalité et imaginaire, ne m'est pas facile. Bien que je le sache fréquent dans le monde d'internet, j'ai longtemps hésité avant de le rendre public. Je n'aime pas sentir que mes pensées m'échappent. Un peu honteux de cette faille, il fallait que je me sente capable d'en assumer la gêne...



* * *



[Journal à publication différée]

Elle imaginaire




Dimanche 29 août


J'écris différemment en ce moment. En gardant mes textes au secret je les relis, les modifie parfois légèrement tout en m'efforçant de garder le fond intact. Mes pensées évoluent vite et j'aurais envie de changer ce qui n'a déjà plus cours. Mais je préfère garder trace de cette évolution dans un temps relativement bref...

Je me répète, aussi. Peu importe : c'est pour moi que j'écris.

Ça n'a pas toujours été le cas. Ici il y a trois entités principales à qui je me suis adressé : moi, vous, elle [1].

Selon les jours, les idées abordées, je m'adresse préférentiellement à l'une ou l'autre de ces instances, à la fois réelles et imaginaires. En fait c'est un peu plus compliqué puisque je suis plusieurs (mature/immature, conscient/inconscient, audacieux/timoré, etc.). La représentation que j'ai de l'autre est aussi dédoublée selon la même dualité. À vous, lecteurs, j'attribue une place de... d'arbitre, peut-être ? En fait j'incarne en vous rien de moins que ma conscience. Je fais de vous le miroir de ce que je montre. Par vous j'imagine l'image que j'émet. Parfois je me vois adulte en chemin de conscience, parfois je ne suis qu'enfant égaré cherchant desespérement à sortir de son labyrinthe intérieur. Quant à elle... je crois que j'ai cessé de vouloir convaincre. J'ai renoncé. Je m'y suis apparemment beaucoup plus enfoncé à ses yeux que rehaussé. Tant pis.

"Elle", c'est devenu un drôle de personnage dans mon esprit. Un fantasme incarné envers qui j'ai beaucoup d'indulgence et de compréhension, en même temps qu'un sentiment de révolte. Tout mon travail consiste à regarder ce qui provoque cette révolte.

Révolte et obéissance, deux pôles opposés qui ont certainement joué un grand rôle dans la dislocation de l'ancienne complicité qui m'unissait à elle. En remontant jusqu'aux origines j'ai identifié à quels moments précis j'ai fait preuve d'une allégeance absurde. Ce sont les noyaux à partir desquels la destruction était en germe. L'obéissance a surpassé la révolte. Jamais je n'aurais dû accepter de nier mes ressentis. J'aurais dû affirmer ma différence et ne pas accepter de la voir exclue.

Je sais désormais que notre histoire commune s'est fondée sur une part d'imaginaire. Comme toutes les histoires. Imagination de soi transmise en toute bonne foi à l'autre, curieux de découverte. Présentation de soi selon l'image intériorisée, correspondant davantage à un désir d'être, ou de ne pas être, qu'à une réalité. Parler de soi c'est raconter comment on aimerait être perçu. Images faussées de soi, autant dans un sens favorable que défavorable. Le « je suis » se révèlant à la longue être un « je me vois ainsi », voire « j'ai envie qu'on me voie ainsi ». Pas étonnant que chacun se trompe sur le compte de l'autre puisque chacun se trompe sur soi... Mais l'assurance apparente fait illusion. Elle est faite pour ça d'ailleurs : pour protéger ce qui est sensible. Les solidités cachent parfois des fragilités. Inversion des points de vue.

Montre moi tes forces et je saurai tes faiblesses ! Clame ta liberté et je saurai par où tu as peur de la perdre. Ce que l'on annonce, ce que l'on a besoin de montrer, est souvent ce que l'on a besoin de (se) faire croire. Ce que l'on est n'a pas besoin d'être affirmé : l'évidence s'en charge.


[1]
"Elle" est une entité hybride constituée pour partie d'une représentation imaginaire qui m'est propre (fantasmatique), basée sur la réalité observée d'une personne (actes et comportements), et pour partie de l'imaginaire qui lui appartient (représentation de soi exprimée). Cet assemblage élastique constitue un personnage en lequel la personne réelle ne se reconnaîtrait pas vraiment... ou refuserait de se reconnaitre. L'image que l'autre nous renvoie de nous-même peut nous déplaire fortement en mettant en évidence ce que nous savons confusément mais occultons plus ou moins consciencieusement. Ce genre d'aveuglement, loin d'être dommageable, constituant en fait un système de défense du Moi.








[Journal à publication différée]

Sans faute




Publication du 7 novembre
Mardi 31 août


Je me suis souvent senti coupable de mettre beaucoup de temps à faire le deuil d'une amitié amoureuse. Je m'en suis justifié auprès des témoins de ma longue marche, comme si je commettais une faute...

Je n'ai pas commis de faute : j'ai choisi d'explorer ma conscience. Ce travail de conscientisation était la meilleure chose que je pouvais faire de ce qui est advenu. En revisualisant le passé avec une pensée actualisée c'est comme si progressivement, je parvenais à reprogrammer ma pensée antérieure. Comme si je pouvais revivre les évènements avec une pensée transformée. Comme si, en trouvant du sens a posteriori, je pouvais réparer ce qui s'était endommagé quand la violence de la perte m'a fait perdre le contrôle de moi-même.

L'objectif de cette démarche intuitive, au delà de la recherche de sens, étant de me conduire vers une pacification profonde. En moi, mais aussi, indissociablement, avec une histoire que je veux pouvoir regarder comme une grande aventure de découverte. Débarassée des ressentiments et de l'amertume.

Cette perte, c'est peut-être ce qui pouvait m'arriver de mieux...



Ajout du 7 novembre : ce texte n'évoque que le travail de deuil et de conscientisation. Par contre, je ne me sens pas irréprochable sur la façon dont j'ai conduit ce travail, notamment sur le respect de la vie privée...





[Journal à publication différée]

En finir avec la peur



Publication du 8 novembre
Vendredi 10 septembre


Je ne parviens plus à écrire ici. Je ne trouve pas la tonalité qui me convient. Savoir que je donnerai à lire mes pensées les stérilise.

Lorsque je suis seul face à moi-même et que me viennent des idées c'est avec évidence et fluidité qu'elle se présentent. C'est surtout avec une simplicité qui contraste énormément avec la retenue et la prudence qui, ici, s'imposent à moi. Comme si j'avais peur...

Or la peur n'a plus de raison d'être.







[Journal à publication différée]

L'être et le dire



Publication du 8 novembre
Samedi 11 septembre


Chercher à se connaître par l'écriture introspective est une aventure hasardeuse. La conscience et l'inconscient s'y livrent bataille, intimement mêlés. L'expression du Soi, du Je, aussi sincère qu'elle se veuille être, ne bénéficie d'aucun recul et se trouve dans l'incapacité de discerner la réalité de l'être. Entre ce que je dis être, c'est à dire ce que je crois être, et ce que je suis vraiment, la réalité ne m'est pas perceptible.

Je ne sais qui a dit un jour « la meilleure façon de dire, c'est de faire ». Je m'en inspirerais volontiers pour écrire ceci :
« la meilleure façon de se dire, c'est d'être ».

L'expérience à laquelle je me livre ici depuis plus de dix ans m'a fait prendre conscience des limites de la conscience de soi. Je crois que je me suis beaucoup trompé sur moi-même. Tant dans un sens favorable que défavorable d'ailleurs. Je me suis souvent décrit comme je pensais être, croyant vraiment me dire dans une écriture authentique. Et elle l'était d'ailleurs. Sauf que je ne disposais pas de la conscience suffisante pour réaliser que je me leurrais.

Je ne m'en serais peut être pas rendu compte si je n'avais constaté ce décalage entre le dire et l'être chez d'autres que moi. Il m'a fallu du temps pour apprendre à me fier davantage aux ressentis intuitifs qu'aux discours affirmés, parfois radicalement opposés. Je crois que seule l'épreuve de réalité, la rencontre physique, peut apporter cet éclairage. C'est pourquoi je suis devenu prudent avec la réalité virtuelle...

Il ne s'agit pas de rejeter en bloc ce qui s'y passe, mais de faire preuve de discernement. Le virtuel est un lieu où se développe et se libère la pensée, détachée des contingences du réel. Il y a des avantages et des inconvénients à cela.

J'ai découvert beaucoup sur moi et mon rapport aux autres grâce à cette écriture. J'ai aussi progressivement découvert l'ampleur des projections que je pouvais faire... en constatant celles que d'autres avaient à mon égard. Je ne me suis pas toujours reconnu dans ce qui m'était attribué. Le regard des autres a ceci de troublant qu'il bénéficie à la fois d'un recul tendant vers l'objectivité, mais se colore de leur subjectivité. Ainsi il est parfois très juste... et d'autres fois largement faussé. Les projections et représentations de chacun s'entrecroisent et s'entrechoquent, suscitant des réactions qu'il est important d'analyser en soi. C'est un exercice qui demande du temps parce qu'imposant de fouiller en soi et débusquer les résistances. L'auto-analyse en solitaire est limitée mais son champ d'exploration s'élargit dès lors que des tiers renvoient l'écho de ce que notre façon d'être, ou de dire, leur inspire.

Suis-je ce que je dis ? Assurément pas ! Non que je mente ou chercher à tricher, mais parce que je ne suis pas ce que j'ai conscience d'être. Ou du moins pas toujours. L'image que j'ai de moi est faussée, déformée, parfois juste et parfois erronée sans que je n'aie moi même la capacité de discernement.

Vous comprendrez qu'avec cette prise de conscience il me soit devenu difficile d'écrire ici. Cependant je crois nécessaire que je restaure la part de mon image que j'ai dégradée. Je me suis abusivement rabaissé, par habitude. Je me suis noirci... culpabilisé, sur-responsabilisé. J'ai besoin de comprendre par quel mécanisme intérieur j'ai choisi cette voie, et en même temps de retrouver une confiance en moi qui s'est largement effacée dans des circonstances dont il m'intéresse d'élucider les particularités. Il se peut que cette démarche soit très longue. Il se peut aussi qu'elle se fasse sur un mode intériorisé, donc invisible ici. L'avenir le dira...







[Journal à publication différée]

Cahier de brouillon




Publication du 8 novembre
Dimanche 26 septembre


Quand j'étais enfant il y avait, à l'école, des « cahiers de brouillon ». En papier grossier et un peu jaune, avec une couverture fine rapidement cornée, pliée. Ils étaient destinés à élaborer, raturer, rayer, avant d'écrire « au propre » dans un autre cahier, doté de toutes les qualités que le précédent n'avait pas.

Un des ouvrages de Philippe Lejeune, éminent spécialiste de l'autobiographie, s'intitule « Les brouillons de soi ». En référence à l'écriture qui, sans cesse, redessine les contours d'une pensée qui tente de se fixer sur le papier. Je trouve cette formule assez éloquente...

En décidant de différer la publication de mes écrits, sur ce journal, je retrouve cet aspect « brouillon » avant d'en offrir une présentation « au propre ». De sorte que je livre des textes corrigés, modifiés, affinés, censer correspondre à quelque chose de plus élaboré. Plus ajusté parce que bénéficiant d'un temps de repos et d'observation. Comme auparavant la première écriture est relativement spontanée, essayant de saisir l'idée, ou les idées qui se sont accumulées durant quelques temps. Mais je me suis rendu compte, au fil des ans, que je retravaillais de plus en plus mes textes, de façon à rendre "présentables" les idées que j'avais envie d'exposer. De sorte que c'en est venu à me demander beaucoup de temps. Parfois pour quelques mots j'hésitais longuement à rendre précisément ce que je voulais dire... sans risque de heurter.

Ne tournons pas autour du pot : je pensais bien évidemment à la seule personne que ça aurait pu vraiment déranger. La plupart du temps mon autocensure était effectuée en pensant à ce seul regard. Il est rare que ce soit moi que j'ai voulu protéger, si ce n'est de la colère d'une singulière lectrice. Son regard supposé aura longtemps été un très sérieux obstacle à une libre écriture.

Aujourd'hui, avec la publication en différé, je me laisse le temps d'amender des écrits d'un moment. Après plusieurs semaines de décantation je considère que j'aurai suffisamment de recul pour délivrer des pensées mûrement intégrées. Je me protège d'une spontanéité qui pourrait avoir des effets nauséeux. Mon malaise est souvent venu d'écrits publiés en pleine période d'émotivité exacerbée.

Est-ce que cela me conduit vers une expression édulcorée ? Pas vraiment. Je crois que je vais vers quelque chose de plus élaboré, moins "brut". Les objectifs prioritaires ne sont probablement plus une "délivrance", rendue impossible sans être accueillie, ni une recherche de sens... mais plutôt une observation de ce qui se met en place.

Il est évident que je ne suis pas sorti de l'histoire autour de laquelle tournent mes pensées, mon évolution, mes écrits. Par contre je crois que j'ai accepté que la privation de dialogue soit, en elle-même, une source de conscientisation. L'absence d'écho et de reflet m'a conduit à élaborer seul ma perception du monde et des rapports que je peux avoir avec autrui. En me retrouvant "seul" devant mon imaginaire et l'observation des faits, quoique parfois accompagné ou aiguillé par des échanges avec quelques lecteurs et lectrices dans l'ombre, j'ai eu accès à bien davantage que si j'avais pu obtenir des réponses biaisées. J'ai appris à accorder une grande attention à mon intuition, n'accordant aux mots d'autrui qu'une confiance mesurée. Même s'il me faut parfois du temps pour discerner ce qui me semble juste de ce qui sonne faux, ou incohérent.







[Journal à publication différée]

Surexposition



Publication du 8 novembre
Mardi 19 octobre


Presque deux mois de décalage entre ce que j'ai écrit et le moment où je le publie. Cet espacement me permet de respirer. Je ne ressens plus cette crainte qui me tenaillait parfois lorsque je savais que mes mots étaient encore chargés de tout ce que je maintenais captif.

Ainsi je reviens vers les origines de ce journal : il n'est pas lu juste après l'écriture. Du coup ce que je finis par mettre en ligne est en partie périmé. Quand je le relis, ce n'est plus vraiment d'actualité. Entretemps j'ai cheminé. Je ne suis plus le même. La démarche s'apparente à de l'archivage, avec un souci de continuité. J'ai parfois la tentation d'ajouter quelques lignes d'actualisation. Je ne le fais pas.

De l'autre côté, sur mon Carnet (blog), il y a aussi une évolution. Pas encore vraiment visible, mais en cours. Trop de "communication" ne convient pas à des sujets personnels. Je me perds, là-bas, à exposer ce qui serait bien mieux ici, à l'abri des commentaires. Je crois qu'enfin j'ai cerné le domaine de chaque espace. Ici l'intime, ou plus précisément l'extime, dans ce qu'il a de sensible et délicat. Et là-bas ce qui n'est pas trop impliquant. Je ne suis pas suffisamment aguerri pour endurer des commentaires qui manquent de discrétion, d'empathie, de respect.

L'espace public des blogs est un terrain où les enjeux de place, de posture, peuvent prendre une importance stratégique qui nuit à la qualité des échanges. Je n'aime pas quand cet espace se transforme en arène.

Je n'aime pas la surexposition de soi, ni celle des rapports interpersonnels.

D'ailleurs, mois après mois, avec le lent reflux des questionnements qui ont été les miens depuis six ans, m'apparait tout le côté désagréable de ma quête de sens : elle s'est faite au détriment d'une amitié précieuse. Je n'en suis pas fier, quelles que soient les raisons qui ont pu mener à la discorde.







Frémissements




Vendredi 12 novembre


Bon. Voila. Je reviens ici "en direct" après quatre mois d'écriture retenue. La série des deuils, re-deuils et sur-deuils est derrière moi. Bien des mouvements ont opéré dans mon esprit et je crois que j'ai suffisamment assaini ce journal pour le réinvestir d'une nouvelle façon. Ouais... je vais pouvoir passer à autre chose.

Pour commencer : rapatrier ici les sujets de réflexion qui suscitent des réactions inappropriées sur mon blog. Je n'ai plus envie de ressentir le besoin de me justifier face à des contradictions maladroites et déplacées. Être publiquement interpellé sur ce que je suis, ou que ma parole soit mise en doute, m'est désagréable et présente l'inconvénient majeur de mener les échanges hors du sujet abordé. Cela dit j'ai toujours su tirer profit de ce genre de débats parallèles : ils me sont utiles pour mieux comprendre certains enjeux relationnels. De là à les favoriser...

J'ai envie, aussi, de revenir à des écrits plus "simples". J'aimerais me dégager de mon souci de l'image que je donne de moi. En fait je m'en fous, de ce cette image, mais cette posture mentale ne suffit pas à ce que j'y devienne insensible dans les faits. Il semble que j'ai encore du travail à faire de ce côté-là...

« Travail » est un mot que j'emploie souvent et que je trouve bien approprié. C'est à un travail considérable que je me livre depuis... houlala... tellement lontemps ! Il y a quelques semaines, alors que s'achevait le dernier cours théorique de ma formation, les formatrices nous ont demandé comment nous nous sentions à ce moment-là. Moi j'étais littéralement "épuisé". Vidé, aplati. Cette réaction m'a surpris parce qu'elle ne se justifiait pas vraiment compte-tenu des journées plutôt calmes que nous venions de passer. Je crois que quelque chose en moi sentait une "fin" et, du coup, décompressait. Fin de trois années de formation qui ont intensifié et enrichi une réflexion qui était déjà conséquente auparavant. Sept ans de cogitations entre les pôles extrêmes de l'attachement/détachement sentimental. Dix, douze (quinze ?) ans d'auto-analyse autour de mon rapport à autrui... et à moi-même. Et autant d'années de thérapie, plus ou moins en continu.

Tout ce "travail" a t-il mené à quelque chose de bon ? Je réponds oui sans la moindre hésitation ! Je suis crevé, certes, mais en même temps très heureux d'être parvenu là où j'en suis aujourd'hui. Je crois, je sens, que "quelque chose" est en train de changer. Un nouveau regard, peut-être. Ça se passe là, durant ces quelques mois en cours. Il n'y a pas de date précise de déclenchement, ni d'évènement particulier, mais plutôt une convergence d'achèvements. Une longue formation se termine, une rupture mystérieuse n'est plus l'objet de recherches... et puis plein de petites choses signalent un frémissement en cours, tant du côté personnel que professionnel. Et jusqu'à mon écriture et mon rapport aux lecteurs, qui vont probablement évoluer... parce que j'ai envie de changements.






Coeur, corps, esprit




Dimanche 28 novembre


Célibataire. Un mode de vie qui pourrait m'exposer à une sensation d'isolement affectif. Peut-être ne le ressens-je pas ainsi parce que je n'exclus pas du champ affectif nourricier les liens familiaux et amicaux ? Ceux-ci me remplissent suffisamment pour combler mes besoins. Bien sûr il ne s'agit pas de liens de nature amoureuse [oh, la grande affaire !], mais il semble que je n'ai pas de besoins de cet ordre. Du moins pas dans la période actuelle.

Bah... il y a bien eu de temps en temps, ces dernières années, quelques agréables épisodes de partage relationnel intermittent. J'aimais bien, mais cela n'a jamais duré très longtemps. Ça s'est vite compliqué. Alors après avoir laissé s'approcher celles qui avaient envie d'échanger quelque chose avec moi, je les ai laissé s'éloigner. Ce que j'étais ou désirais partager ne répondait visiblement pas à leurs attentes. Je n'ai retenu personne : quand les désirs ne concordent pas suffisamment, à quoi bon insister ? La vie m'a enseigné qu'il vallait mieux, parfois, laisser aller les choses... Je me suis simplement déclaré disponible s'il y avait changement d'avis. Une attitude très passive, finalement...

Ces éloignements successifs auraient pu m'inquiéter si j'avais douté de moi ou redouté la solitude. Je n'en ai pas eu le temps : un peu surpris, j'ai constaté n'être jamais resté très longtemps sans sollicitations féminines. L'homme seul serait-il attirant ? Je suppose que ma "disponibilité" supposée autorise des démarches d'approche. Et comme je ne les repousse pas, tant que je ne les sens pas trop pressantes, ni n'exerce la moindre pression pour hâter les choses... c'est finalement assez confortable pour tout le monde. Du moins pendant un certain temps. Vient ensuite, immuablement, le temps des demandes accrues. C'est là que ça se complique...

J'avoue qu'il y a dans ces ébauches un aspect narcissiquement valorisant d'un côté, et "rassurant" de l'autre: je me dis que si, un jour, je ressens l'envie de m'ouvrir aux sentiments ça ne devrait pas être trop difficile. Il se pourrait même que cela arrive par surprise, très classiquement, par attirance réciproque et imprévue ! Ah ben oui, c'est toujours possible ! La disparition de mon désir amoureux n'est probablement pas définitive...

Mon apathie persistante, si elle déroute ou décourage mes partenaires d'exploration, ne m'inquiète nullement... mais m'interroge un peu : qu'est-ce qui bloque ? Qu'est-ce qui fait que mes sentiments ne vont pas au delà du registre purement amical ? Il y a bien sûr une crainte diffuse et massive vis à vis de la dépendance affective, mais ça n'explique pas tout. Plus probablement je pense que n'avoir plus ressenti l'attirance simultanée du coeur, du corps et de l'esprit est la vraie raison. Cette fameuse "alchimie", qui doit plus à des mécanismes inconscients prédéterminés et des signaux neuro-hormonaux qu'au hasard, m'est évidemment indispensable...

Mon système coeur-corps-pensées est-il devenu temporairement étanche aux élans sentimentaux ? Je l'ignore, mais ce qui est certain c'est que je redoute presque que cela se réveille un jour ! Pour le moment je n'en ai aucune envie ! Ce serait trop tôt, je ne me sens pas prêt ! En même temps je sais que si cela advenait je n'y opposerais pas de résistance...

Alors plus tard, peut-être. Quand le moment sera venu. Si le *hasard* n'a pas créé les conditions propices c'est qu'il lui faut des conditions favorables.

Je crois que j'ai encore besoin d'apprendre et de comprendre. L'expérience universellement singulière que j'ai traversée, riche d'émotions, de découvertes, de surprises et de rebondissements, n'a pas encore livré à ma conscience tous ses enseignements. Elle reste ma principale base de travail, le support sur lequel s'appuient mes réflexions, la mine de laquelle j'extrais encore de précieuses pépites. Après avoir rencontré l'amour jusqu'à la perte, j'ai eu besoin de trouver du sens à ce parcours. Et j'y parviens. Lentement, méthodiquement. Avec le temps j'ai perdu beaucoup de ma naïveté, pour ne pas dire de mon ignorance, et j'ai gagné en conscience...

De ce que j'aurais pu percevoir comme un malheur est née une philosophie de vie qui, chaque jour, s'enrichit. Ma vision du monde s'est élargie. Le regard que je porte sur les relations chargées d'affect s'éclaire de tout ce que j'en apprends. Mon histoire à ouvert ma curiosité aux mystères des relations sentimentales, du couple, de l'amour. Suffisamment rassasié de ressentis engrangés, je les vois s'éclairer par des apports totalement détachés des affects. La sociologie du couple, la psychologie relationnelle, la psychanalyse, m'apportent leur lumière et ça me plaît. Il faut croire que j'ai davantage besoin de sens que de sensations.

En attendant que la soif de sensations et de sentiments ne se manifeste de nouveau je laisse s'approcher les femmes qui désirent une part de ce que je représente à leurs yeux. Passivement. Je me contente de répondre aux rares sollicitations, parce qu'il est toujours possible de partager "quelque chose" du coeur, du corps ou de l'esprit. J'ai toujours quelque chose à offrir... tant qu'il n'y a pas trop d'attentes.







Mois de décembre 2010