Août 2009

Dernière mise à jour:samedi 5 décembre 2009 - Accueil - Message






Distinction de désirs


Dimanche 2 août


En maintenant une prudence affective dans mes relations intimes récentes je me suis aménagé un espace tampon qui me permet d'absorber les variations qui, autrefois, faisaient entrer en résonance mes sensibilités avec celles des personnes proches. C'est ce qui me permet de rester calme et serein aujourd'hui, dans un état de bien-être qui me plaît.

Je me doute bien que d'aucuns peuvent estimer que cette recherche de la paix intérieure m'éloigne de la vie. Cependant je crois fermement que c'est en aménageant cet espace de neutralité que je puis être au plus près de ce qui cherche à naître en moi : être ce que je suis.

Ça peut sembler bête comme formule, et pourtant elle est pleine de sens. Être non pas ce que mon conditionnement a fait de moi, mais être celui que je me sens être en profondeur. Cette *naissance de soi* peut-être particulièrement longue mais la durée n'a pas d'importance. C'est la finalité qui compte.

Qu'est-ce qui cherche à naître et n'avait pas vraiment trouvé place ? Quelque chose d'essentiel dans le fonctionnement psychique : le Désir.

J'étais un être mal raccordé à ses désirs. Quelqu'un qui avait appris à fonctionner selon les désirs d'autrui, et notamment en fonction de mes parents, chacun dans leur domaine. Mes désirs propres existaient bel et bien, mais s'étaient nichés dans les espaces disponibles entre ce que j'avais intégré des injonctions parentales, dites ou intégrées par mon imaginaire. Je vivais dans un espace restreint. J'existais dans la pénombre. Je me faufilais dans l'existence vers de parcimonieuses zones de lumière.

Toute ma vie aura été marquée par cette aspiration à aller vers la pleine lumière, m'amenant à progressivement élargir mon champ existentiel. Jusqu'à ce que je rencontre vraiment le Désir. Le désir de vivre selon moi-même.

Je crois que je ne pouvais pas l'éviter. Tôt ou tard j'aurais eu à le conquérir puisque ma liberté d'être en dépendait. C'était l'appel de la vie. La révélation de l'élan vital.

Après quelques tentatives, assorties de peurs qui m'avaient fait reculer, j'ai un jour rencontré la personne grâce à qui cette naissance allait être possible. Elle représentait pour moi le symbole d'une libération atteignable. Le choc de la révélation a été immédiat. Une succession d'étapes étalées sur des années allait me mener vers cette libération essentielle et nécessaire : celle du Désir.

Parce que c'était elle, j'allais trouver en moi les ressources et la ténacité indispensables pour surmonter et dépasser mes limites antérieures. Elle avait employé les mots qu'il me fallait lire et entendre, elle m'amenait vers moi. Avec elle j'avais trouvé ma voie. Avec elle j'avais la force de la suivre.

Ce journal au long cours est le témoin de mes élans éblouis autant que de mes sombres difficultés à suivre ce chemin, qui s'avéra finalement être bien plus ardu, long et complexe que ce que j'aurais pu imaginer. Mais par cela même infiniment plus constructeur de ce moi qui cherchait à naître. On ne naît pas dans la douceur...

Les centaines de pages qui ont tenté de décrire un processus d'émancipation et en ont été les actrices à part entière sont cependant passé à côté de l'essentiel. Le sens réel de ce qui opérait c'est tout simplement la venue au jour du Désir.

J'ai exploré en tous sens ce que je ressentais, bien souvent totalement dépassé par des affects frustes, des blessures ravivées, des espoirs myrifiques et surdimentionnés. Mon imaginaire s'est libéré, pas toujours pour le meilleur. Mais qu'importe : j'ai appris à me connaître et à sentir ce qui m'animait. Le lumineux comme le sombre.

Il en est ressorti une clarification de mes désirs. Celui, très fort, de tendre vers cette liberté d'être moi. Celui, inverse, de sortir de mes propres dépendances. Je me suis recentré sur ce qui m'était primordial, privilégiant une certaine solitude qui, d'abord subie, s'est révélée être absolument nécessaire. Choisie. Je veille désormais jalousement à ce qu'elle ne soit pas envahie par trop de présence autre. J'ai souvent besoin d'être seul, de me sentir être sans trop d'influence venant de qui que ce soit. Mais j'ai aussi besoin d'être en relation, parce que sans l'autre je tournerais en rond sur moi-même. Je crois que j'ai aussi besoin de... donner quelque chose de moi. Partager, échanger, offrir un peu de ce que je découvre et me nourrir aussi de ce que les autres sont. Ma solitude n'est pas solitaire. Je ne me suis jamais senti autant relié aux autres.

Je parle de ce cheminement avec aisance, aujourd'hui, sachant à quel point ces années de recentrement m'auront été utiles. Mais je me souviens aussi avec quelle résistance j'ai d'abord, et longtemps, refusé de m'éloigner de celle par qui j'avais ouvert les portes de ma libération...

Avec le recul, j'en viens à penser que cette traversée du désert aura été un indispensable élément de ma démarche d'émancipation. Si les débuts de la rencontre ont été à la fois une extraordinaire source de motivation et réserve d'énergie, l'éloignement aura joué un rôle majeur dont je mesure sans doute encore mal les bienfaits. Sans cet éloignement je serais resté dépendant. Donc absolument pas libre de vivre selon mes désirs !

Or c'était bien ma quête inconsciente. La vie, comme toujours, s'est chargée de me remettre face à l'essentiel. Il fallait que je me construise seul et apprenne à ne dépendre de personne.

Ce qu'aujourd'hui j'ai compris c'est que si j'avais bien découvert la puissance de mon Désir grâce à celle qui le suscitait, elle n'était pas pour autant à voir comme incarnation de mon désir. Indiscutablement une révélatrice de premier ordre, mais seulement pour la part qui était partageable. En la voyant s'éloigner, elle avec qui était apparu mon Désir et les possibilités qu'il porte, je ne perdais pas ce que j'avais découvert mais seulement la part de ce Désir investi sur elle.

Mes années de reconstruction, réflexion et écriture basées sur cette expérience, m'ont fait traverser toute la diversité possible d'émotions et m'ont permis de parvenir, sans m'en rendre compte, à ce constat aussi simple que fondamental : mon Désir et le désir que j'avais pour elle étaient distincts.

J'avais confondu les deux et la perte d'une partie m'avait fait croire que je perdais tout. Je croyais que cette aspiration à vivre m'échappait à peine découverte. D'où mon intense frustration, ma déception, mon anéantissement et ma révolte.

Discerner le désir du Désir, ce qui est placé sur l'autre et ce qui vient des profondeurs de soi, est probablement ce qui me donne aujourd'hui une certaine assurance... que je préserve soigneusement en restant en contact étroit avec mes ressentis. C'est pour cela que mon indépendance me plaît.






Se trouver




Samedi 8 août
[mis en ligne le 28 novembre 5 décembre]


Longtemps j'ai cherché à comprendre pourquoi j'avais accordé autant d'importance à ce que j'ai vécu avec elle, et après. Parce que oui, hein, il fallait un paquet de bonnes (ou mauvaises) raisons pour m'accrocher autant et aussi longuement. Ou alors il y avait... autre chose, plus fort que la raison. La découverte du désir, certes, mais pas que. Alors, quel était le sens de cet investissement ? Pourquoi un tel acharnement à le faire durer ? Cela dépassait, c'est une évidence, le cadre de la relation et la personne avec qui je l'ai vécue. Mais qu'est-ce qui se jouait ? Qu'est-ce qui avait besoin de se vivre et se dire ?

Je me suis posé une infinité de questions, plus ou moins pertinentes, souvent transcrites ici. Ce n'est que lorsque les réponses les plus profondes ont émergé que mon écriture autour de ce sujet à commencé à se tarir. Bizarrement je n'ai plus cherché à garder trace ni à témoigner. Je trouvais... et ça suffisait. Je n'avais plus besoin de décrire longuement ce qui devenait fluide et limpide. Et puis j'ai senti que beaucoup trop de mots du vocabulaire relationnel se révélaient être inappropriés : trop ou pas assez précis. Pas assez nuancés, voire inexistants. De toutes façons cette expression n'avait plus sa place ici et je n'avais pas non plus envie de dévoiler cette part de mon intimité.

J'ai donc opéré en solo. En secret. Et c'était probablement indispensable...

Finalement je suis parvenu à m'extraire de l'impasse affective dans laquelle je m'étais fourvoyé. J'ai atteint un degré d'émancipation qui m'a surpris. Je ne l'aurais pas cru possible en si peu de temps vu l'ampleur que tout cela avait pu prendre. Je pensais en avoir pour dix ans ! Aujourd'hui je constate que le chemin parcouru m'a porté loin. Tellement loin... [même si ça ne se sent peut-être pas dans mes écrits, chargés d'un passé lourd d'erreurs]. Je me réjouis d'avoir persévéré sur cette voie, difficile mais ô combien libératrice et épanouissante, de la conscientisation et de la responsabilisation. Davantage que des réponses venant de l'exterieur ce sont les miennes que j'ai trouvé. En fait c'est moi que j'ai découvert.

Waoooh, ça c'est fort !

Je ne sais pas trop quel rôle l'attitude de ma partenaire aura joué mais je suis bien obligé de constater que, finalement, l'éloignement a été bénéfique. J'ai dû me débrouiller "seul" et c'était probablement la meilleure façon de me trouver. En tout cas c'en était une et elle a fonctionné. Non sans douleur, certes, mais pouvais-je en faire l'économie ? Pas du tout sûr...

[oui, je rabache, mais c'est important que je l'intègre et l'exprime]

Je suis devenu bien plus conscient de moi-même, de mes limites, de mes forces et faiblesses, que si j'avais été accompagné en douceur. La déchirure m'a été profitable. Cependant je me suis nourri de ce que j'avais appris avec elle avant, l'accomodant à ma façon après. Mon impossibilité à trancher le lien venait en partie de là : je restais lié par ses enseignements. Je m'y référais pour prendre la distance voulue et me rapprocher de l'autonomie convoitée.

En fait, plus je me suis éloigné d'elle et plus je me suis approché de ce qui m'avait séduit chez elle...

Drôle d'histoire, hein ?








Ne rien attendre




Dimanche 9 août
[mis en ligne le 28 novembre 5 décembre]


Des évènements symboliquement forts ont largement influencé mon cheminement vers l'affranchissement de ma dépendance affective, même si en apparence ils pourraient être qualifiés de détails. Parmi les derniers l'annonce publique de la rupture est un est plus importants : elle mettait fin à mes espoirs de conciliation et me renvoyait vers la solitude. Il en est de même pour mon divorce officiel. Ce jour-là, en devenant réellement "libre" de mon statut matrimonial je me libérais aussi de l'engagement que je m'étais fait à moi-même : aller jusqu'au bout de ce que j'avais entrepris. J'en avais eu la détermination et la persévérance. J'ose même dire... le courage [quoique... y a t-il du courage à agir selon ses convictions ?].

Comme si j'avais relevé un défi, l'idée m'est venue de faire part directement de ma libération à celle qui, jadis, avait posé cette condition comme préalable à une éventuelle reprise de relation... et puis je n'en ai rien fait. Je n'avais rien à prouver. De toutes façons la situation n'était plus la même, près de cinq ans plus tard : de péripéties en incompréhensions, d'erreurs en écorchures, de déchirures en désenchantements, l'éloignement avait fait son oeuvre. Comme prévu. Comme redouté.

Divorcé et libre : j'ai seulement lancé le message au monde... et le temps a passé. Des mois. J'éprouvais l'indéfinissable légèreté produite par le fait de ne plus rien attendre et sentais en moi opérer un curieux processus : il n'y avait plus de notion de temps pour agir. Ni d'orientation sur l'espace vierge qui s'ouvrait devant moi. Il n'y avait même plus le désir d'agir. Juste la possibilité. Le choix. J'ai senti s'amenuiser la pression qui m'avait confiné dans une existence restreinte par cet objectif : être libre et capable de vivre mes désirs. Initialement c'était pour que ce soit avec elle, mais finalement ce fut beaucoup plus vaste. Dés lors, que faire de plus ? Presque surpris j'ai constaté qu'un détachement supplémentaire, inattendu, opérait. Comme si, emporté par mon élan, j'allais bien plus loin que prévu.

Cet éloignement aurait pu continuer si, depuis l'origine, je n'avais eu la tentation puissante, quoique hésitante et contrastée, de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour parvenir à ce que je désirais. Dans ce sens il me restait un dernier acte à accomplir, de forte portée symbolique. Déterminant. Engagement envers moi-même, comme une réponse au défaitisme. J'hésitais à m'y lancer : était-ce nécessaire d'aller aussi loin dans la persévérance ? N'avais-je pas déjà suffisamment prouvé de quoi j'étais capable quand je tenais à quelque chose ? Ne me soumettais-je pas à une injonction caduque ? N'y avait-il pas quelque folie à vouloir poursuivre alors que j'étais déjà si loin ? Que voulais-je atteindre ?

Oui mais, sans cet acte, pourrais-je me sentir réellement affranchi ?

J'en étais là quand, par une étrange coïncidence, la perspective fut modifiée par de nouveaux éléments.

L'inattendu ne peut survenir que lorsqu'on ne l'attend plus. Quand, tant espéré auparavant, il a été réduit jusqu'à la désespérance libératrice...

Je n'y croyais plus et pourtant... je n'ai jamais cessé de croire en ce que j'estimais indispensable. Disons que j'ai tout fait pour ne plus y croire et que j'y étais presque parvenu. Parcours vers l'acceptation de ce qui est, sans pour autant renoncer. En fait j'ai cessé d'attendre. Je me suis contenté de rester ouvert. Entr'ouvert. Accessible.

Vivre et laisser diffuser des fragments de moi, juste au cas où...

Car ma façon d'être en relation, désormais, c'est d'être là. Sans attentes, sans promesses. Librement lié. Être là et répondre présent aux désirs de contact, d'échange, de rencontre. C'est à la fois peu et beaucoup. Fiable dans le lien. Prêt à vivre ce qui peut se vivre ensemble. Prêt à laisser émerger l'alliance des désirs. Parfois il ne se passe rien, parfois très peu, parfois beaucoup. Et peut-être, un jour, vivrais-je de nouveau l'intensité des désirs équivalents et réciproques.

L'important est de ne rien attendre, de ne pas espérer. Rester ouvert, laisser au choses le temps d'advenir et agir dans le sens des désirs.

Bon, encore faut-il oser les exprimer, ces désirs...

Et auparavant les ressentir suffisamment. Car... qu'en est-il du désir quand tout a été reconstruit pour ne plus ressentir le manque ?

Mais c'est un autre chapitre, que je n'aborderai pas aujourd'hui.






Suite : octobre 2009