Décembre 2007

Dernière mise à jour:mardi 13 mai 2008 - Accueil - Message






Économie émotionnelle



Vendredi 7 décembre


Incontestablement j'écris moins. Beaucoup moins. Une ou deux entrées par mois, voilà qui change de la prolixité qui me caractérisait il y a quelques années. Serait-ce bon signe ? Une correspondante m'a récemment écrit que si je n'écrivais pas elle en déduisait que j'étais « ENFIN dans l'expérience, dans la vie, dans l'action, dans le rapport concret à autrui et quand (j'écrirai) ce sera à partir de ce concret ». C'est en partie vrai. En partie seulement. D'abord parce que le concret demande à être analysé (pensé), et ensuite parce que je reste aussi dans la pensée mais que, faute de temps, je ne transcris plus ce mode d'avancement.

Mais est-ce que j'avance encore ? Oui, d'une autre façon. C'est un travail beaucoup plus intérieur. Je n'ai plus besoin d'écrire mes pensées pour leur donner une consistance, une imprégnation, qui m'étaient auparavant nécessaires. Peut-être que je ne cherche plus à prouver quoi que ce soit ? Désormais le cheminement est silencieux.

Parfois je me dis qu'il est dommage que je "perde" la trace de ce cheminement, que j'aimais aussi proposer à ceux qui ont un parcours assimilable au mien. En même temps je suppose que l'essentiel restera dans ma mémoire, et sera restitué ou restituable au gré des expériences et des partages.

Surtout, je crois que j'ai besoin d'un temps d'isolement. Me retrouver face à moi-même, en seul à seul. La solitude m'est un passage obligé, tout me le montre. Temps de réappropriation de moi, de reconquête, de redécouverte. Rencontre avec moi-même. Recentrage.

Isolement excessif ? Peut-être... Je me demande souvent si je ne suis pas en train de m'enfermer, alors que simultanément je constate à quel point je rentre plus facilement en contact avec "les gens". Mais ce sont des contacts un peu superficiels, de la convivialité sans portée ni conséquences. Il me semble que j'ai de moins en moins de partages intimes, les plus riches, les plus intéressants... Mais peut-être n'est-ce qu'une impression fausse.

Ce qui est certain c'est que je suis ambivalent : je me sais apprécier essentiellement le dialogue qui touche aux profondeurs de l'autre, et en même temps je me vois devenir étanche à l'intimité. Je ne veux plus m'impliquer. C'est comme si je n'avais plus d'énergie à investir pour descendre en profondeur, alors que ça m'est pourtant facile.

Mais... non, je reste en repli. Seul, et bien comme ça. Enfin... disons que cette solitude est la posture qui me demande de fournir le moins d'énergie, et c'est une situation qui me convient pour le moment. Ce n'est pas une solitude triste et mal assumée. Non, c'est une solitude par économie d'énergie. Une solitude reconstructive. Une solitude qui laisse disponible une énergie pour autre chose. Pour travailler afin de vivre libre, mais aussi pour continuer à penser afin de poursuivre vers une paix intérieure. Non pas une pensée prospective, mais une pensée d'optimisation, utilitaire : rechercher, et trouver, des moyens de vivre bien face aux aléas de l'existence. Parvenir à gérer les divers évènements sans y consacrer trop d'énergie vitale. Une vie économe, en quelque sorte, après quelques années fortes en émotions.

Bah... ça paraît un peu tristouille décrit comme ça. Je vois cela comme une étape transitoire, pour mieux savoir gérer le retour à la vie, qui reviendra le moment venu. Pour le moment je laisse se rôder une façon de penser nouvelle pour moi. J'expérimente ce mode opératoire sans enjeu, je laisse tourner au ralenti. Je conforte mes découvertes, dont je vérifie la validité dans le secret du cabinet de ma psy. Avec elle, bien qu'il m'arrive encore fréquemment d'être surpris par ce que je n'avais pas perçu, je me réjouis de constater que mes perceptions sont très souvent valables. J'en étais parfois venu à en douter...







Brise-glace




Dimanche 9 décembre


Bon... et si je profitais d'un dimanche pluvieux pour exposer un peu, quand même, ce qui tournicote dans ma tête ? Rien de mieux que l'écriture pour assembler proprement des pensées éparpillées et en faire un condensé mieux assimilable.

Prenons un point de départ, parce qu'il faut bien commencer quelque part même si ce point n'est qu'un seul d'une continuité.

Il y a une quinzaine de jours ma chère Charlotte s'est comportée avec moi comme je n'ai plus envie qu'elle le fasse. Une façon de s'adresser à moi laissant penser que j'aurais encore une dette justifiant une tonalité dénuée de respect et d'empathie. Quelque chose de froid, qui m'a glacé. Rien de vraiment important, mais la goutte d'eau en trop. Cette fois j'en ai eu marre et un déclic s'est fait. En fait c'est arrivé peu de temps après que nous nous soyons "retrouvés" après une assez longue période de distance, que je respectais, et c'est ce contraste qui m'a fait réagir intérieurement : ah non, ça ne va pas recommencer ! Jusque là j'avais été patient, restant ouvert et tentant des approches amicales, prudemment chaleureuses, et finalement un bon dialogue avait pu avoir lieu. D'ailleurs, ce jour-là je lui avais présenté mes excuses pour ce que j'avais pu lui dire de difficile à entendre au plus fort de notre crise de couple. Je reconnaissais mes erreurs, mon ignorance passée, mes incapacités. Encouragée par ma sincérité dont toute animosité était absente, peut-être émue par mon honnêteté, elle avait reconnu m'en vouloir encore pour beaucoup de choses dont certaines dataient de bien avant ma relation parallèle. J'ai accepté son ressentiment.

Je me suis expliqué, l'ai écoutée avec attention, sans contester ses ressentis. Il me semblait que nous pouvions enfin repartir sur des bases assainies pour la relation d'amitié et de parents que je souhaite continuer à partager avec elle. Une relation mature et pacifique. D'ailleurs je l'avais invitée un peu plus tard avec les enfants pour un repas qui s'était déroulé "comme avant", dans la bonne humeur.

Mais, donc, quelques jours plus tard, elle a eu ce comportement déplaisant et infantile. Contraste. Je lui ai rapidement signifié que ça m'attristait et me blessait, et que je n'avais plus envie de ça. Calmement, mais fermement. Sans jugement. Charlotte m'a répondu qu'elle n'avait plus envie de tenir compte de mes états d'âme et de ma sensibilité.

Douche froide.

Soit. J'en ai pris bonne note et ne lui en parle donc plus. Pas de dialogue possible dans ces conditions. Depuis, nous n'avons plus eu de contact hormis quelques mails utilitaires, très courts et sans fioritures. Ce jour là, j'en ai eu assez de me faire malmener [maltraiter ?]. Assez de faire des efforts de réconciliation toujours remis en question. Assez d'être considéré comme redevable pour une situation qui, finalement, n'a pas eu que des désavantages pour elle. Si c'est bien moi qui ait posé des actes qu'elle n'a pas admis, elle sait très bien que l'amour qu'elle me portait était incomplet, et en partie à l'origine de mes manques. C'est elle même qui m'a dit un jour qu'elle m'avait trompé depuis le début en me choisissant davantage par sécurité que par désir. Le choix de l'homme fiable et honnête plutôt que de risquer des relations hasardeuses. Avec ce genre de révélation (ouais, on s'en dit des choses au moment d'une séparation !), et tout ce qu'elle m'a dit dans le même sens, je crois que nous sommes quittes.

Alors à la longue j'en ai marre de me voir trop souvent refroidi lors de mes tentatives de restauration d'un lien de qualité. Je lui ai laissé prendre autant de distance qu'elle voulait, depuis plusieurs années. Je ne me suis pas opposé à ses choix, ni a ses manoeuvres de comptable que je trouve déplacées, et finalement mesquines, blessantes, par rapport à la confiance que je lui accorde et la transparence dont je fais preuve. J'ai été patient, acceptant de la voir réagir comme une femme blessée. Mais faut pas pousser ! Je ne suis gentil que tant que je le veux bien. Je ne veux plus me laisser marcher sur les pieds.

En choisissant de se mettre à une distance, Charlotte accentue les effets de la séparation pour laquelle elle a opté. J'ai longtemps manifesté mon désaccord avec ses choix, mais depuis le temps j'en ai tenu compte et reconstruit ma vie autrement. Je n'ai plus besoin d'elle, ni de sa présence, ni de son affection. J'aimerais que notre lien perdure, parce que c'est ma conception des relations affectives, mais ce ne sera pas à n'importe quel prix. Si elle continue dans ce sens, ce sera une séparation sèche. Je ne céderai pas à l'intimidation et à la tyrannie de comportements infantiles. Si elle choisit la froideur je me maintiendrai à distance protectrice.

Plus tard Charlotte a décidé de passer noël avec les enfants. Sans moi. Formulé par mail de façon tellement alambiquée [sans doute par culpabilité] que j'avais compris l'inverse et lui avais dit mon plaisir de nous voir réunis tous les cinq ! Douche froide, une fois de plus, quand elle a rectifié. Tristesse de la voir se replier ainsi, alors qu'elle sait quelle importance à notre cohésion familiale à mes yeux et à ceux des enfants... Et puis j'ai accepté sa décision. Je ne me révolte plus lorsque ça ne sert à rien. J'en ai parlé avec ma fille, qui ne se réjouit pas de ce noël restreint. Elle m'a même dit qu'elle se sentait mal à l'aise avec Charlotte, et qu'elle la trouvait un peu bizarre, empruntée. Un peu fausse, même, lorsqu'elle insiste bien pour dire qu'elle est libre de son temps et de sa vie. Cela confirme ce que je ressentais confusément : quand on parle beaucoup de quelque chose, c'est qu'on a besoin d'en convaincre les autres autant que soi-même [ahem... ça, j'en sais quelque chose...].

Ça me désole de voir Charlotte réagir ainsi, et "couper les ponts" davantage que je ne le souhaite. Je sens bien qu'elle n'est pas aussi épanouie qu'elle le clame. Vingt ans de vie commune permettent de sentir pas mal de choses, malgré les dénégations vigoureuses ou agressives [l'agressivité, en elle-même, est éloquente]. Elle m'a dit, lors de notre dernier dialogue ouvert, qu'elle avait besoin de distance pendant un certain temps. Je l'accepte, mais je n'ai plus envie de prendre des coups pendant ce temps. Je reste là, accessible, mais il faudra venir me chercher lorsque quelque chose sera possible. Je reste accueillant et ouvert, aimant, mais je me préserve des douches froides. J'en ai assez d'être prévenant et de me faire remballer. Assez de voir mes élans se briser contre un iceberg. Assez de jouer les brise-glace alors que les refus me fragilisent. Je n'ai plus envie d'être "gentil". Je me préserve.

Voila un peu de ce qui me travaillait ces derniers temps. Ça, et les résonnances que cela peut avoir vis à vis de toutes mes relations. Passées, présentes, et à venir...




Ceci dit... je sais que Charlotte est en souffrance et qu'elle a besoin de se reconstruire. Je devine ce qui lui en coûte de devoir se débrouiller seule et assumer sa solitude. Je sais qu'elle serre sûrement les dents et je la trouve courageuse. Je garde mon admiration à son égard, et par rapport à sa détermination. Je me doute bien qu'elle vit ce que d'autres femmes vivent dans des situations similaires.

Mais ce n'est pas pour autant que je vais la laisser avoir des comportements autoritaires et cassants. Ce que j'ai accepté autrefois n'a plus sa place. Je ne veux plus de rapports conflictuels en amitié.





Solliciter le couple




Samedi 22 décembre


Je crois que la teneur et l'intensité de mes écrits sont de bons indicateurs de mon état intérieur. Avez-vous remarqué à quel point la fréquence de mes interventions s'est espacée, ces derniers mois ? Mes questionnements existentiels se sont très nettement atténués.

Si j'écris moins, ce n'est pas par manque de temps, mais parce que j'en ai moins besoin.

Ce phénomène du tarissement est assez courant d'ailleurs, et nombre de personnes ont cessé d'écrire en ligne au bout de quelques mois, ou années de pratique.

Pourtant, puisque j'ai opté pour une forme d'écriture témoignant d'un parcours évolutif, je me suis engagé dans un récit au long cours. Mes écrits ne concernent pas que moi, mais sont aussi offerts à ceux qu'ils peuvent intéresser. C'est la contrepartie de ce qui ressemblerait trop à du nombrilisme si je n'écrivais que pour me faire du bien.

Ouais... je n'ai pas fini de cerner ce qui tient de l'alter et de l'égo lorsque j'écris...

Par contre, n'étant pas dans l'abnégation totale d'un altruisme invétéré, je ne me force quand même pas à écrire. Du coup une grande part de ce qui constitue mon cheminement intérieur n'est pas déposé ici. C'est un peu dommage, parce que je crois que c'est la part la plus "lumineuse", la plus apaisante, la plus aboutie. En fait c'est le résultat du travail d'écriture en lui-même qui échappe largement à la description. Ici je travaille davantage que je profite. Les bienfaits de ce travail je les ressens dans ma vie vécue. Ils sont difficilement racontables. C'est la part du ressenti intime, peu partageable. Le bien-être, parce qu'il est fluidité et évidence, se prête moins que les tourments à la narration. Lorsque je suis bien je ne suis pas dans la recherche, mais dans la jouissance, si ce n'est dans la plénitude. Or la plénitude ne se décrit pas...

Bon, je ne suis pas dans la plénitude constante, hein ! Mais je me sens plutôt bien dans ma vie. Heureux de vivre une existence en conscience. Satisfait de me savoir disposer d'un important pouvoir sur mon parcours, conscient d'interagir avec les autres, et responsable de ce que je vis et ressens.

Est-ce que cela signifie que je me suis défait de toute forme de vulnérabilité, de peurs, de soumissions ? Assurément pas ! Mais au moins ai-je une certaine conscience de ce qui se passe, et de l'influence que je peux avoir sur le déroulement de ma vie. Franchement, c'est plutôt satisfaisant !

Ce qui m'intéresse toujours, c'est la vie relationnelle. Le rapport avec autrui, au sens large. Autant je crois être parvenu à un état de conscience intérieure qui me place sur un chemin de sérénité croissante, autant je sais bien que c'est dans mon rapport à l'autre que résident les enjeux les plus motivants. Car c'est bien avec les autres que je peux continuer à aller vers un état de conscience accrue, et de plus grande connaissance, mais c'est aussi avec eux que je me heurte sans cesse aux limites de leur différence. Cette différence qui, précisément, peut me permettre d'aller plus loin que ma seule vie intérieure. C'est ce voyage constant entre l'intérieur et l'extérieur qui me procure la connaissance, la compréhension, la conscience.

D'ailleurs, c'est bien une des limites de l'écriture en solitaire : il y manque grandement l'autre et sa différence. L'autre qui me stimule, me dérange, me contrarie, m'indispose. L'autre qui me révèle à moi-même en tant qu'individu et en tant qu'humain.

Une grande part de ce chemin de révélation à été vécue au sein de la ressemblance/dissemblance de relations fortes. Comme je le dis de temps en temps à ma psy, je ne regrette rien de ce que j'ai vécu d'intense ces dernières années. Bonheurs et souffrances m'ont été d'un égal apport. J'en suis même venu à me dire que les séparations que j'ai vécues ont été des chances aussi importantes que les rencontres qui les avaient précédées. De la douleur du déchirement sont apparues les clés de libération de ce déchirement. Je n'aurais jamais cru que cela pourrait être aussi bénéfique. J'ai verbalisé ma souffrance, je l'ai pleinement accueillie et j'ai entendu ce qu'elle m'indiquait.

L'expérience (les expériences...) se sont donc révélées être très instructives. Et leur transposabilité à d'autres circonstances de l'existence me fournissent un précieux sésame anti-stress.


* * *



Pour ce qui est des suites de l'évolution de ma relation avec Charlotte, les choses se sont de nouveau apaisées après une conversation dont elle a pris l'initiative. Face à ma distance elle m'a posé quelques questions et je me suis exprimé sans crainte, avec neutralité et une sereine détermination. Je me suis clairement positionné, tout en l'écoutant. Je sais à ses réactions qu'elle n'a pas parcouru son chemin de paix aussi loin que moi, mais je la laisse aller à son rythme.

Mois après mois nous établissons alternativement nos positions. Généralement dans un climat de confiance suffisant pour que les ajustements se fassent sans trop de heurts. Tantôt confiants et relativement proches, tantôt distants et plus ou moins fâchés. Le lien relationnel bénéficie d'une élasticité suffisante pour résister.

Ma crainte de l'éloignement, celle de la rupture, de l'abandon, de la violence... tout cela s'est progressivement atténué. Finalement je trouve que nous nous séparons de la meilleure façon qui nous convienne. Je me sens de plus en plus à l'aise vis à vis de cette relation devenue amitié un peu particulière. Nous ne sommes plus confidents, et surtout pas par rapport à ce qui nous liait de près, mais nous semblons garder une confiance de fond. Tant qu'on ne rentre pas trop dans les détails de la crise du "nous", il semble que nous parvenons à garder un lien de qualité. J'ai fini par respecter les besoins de Charlotte de ne pas évoquer ce "nous" qui semblait la fragiliser en la rendant dure et cassante. Je comprends peu à peu que ma soif de comprendre le sens des relations ne soit pas tolérable par chacun. Ma quête d'aller au fond des choses peut déstabiliser et entraîner de vives réactions, qui autrefois m'anéantissaient parce que je le les comprenais pas. C'est en cela que je me sens désormais plus conscient des choses, et capable de discernement. Je ne force plus, et essaie de sentir les résistances au-delà desquelles je ne dois pas aller, pour le bien être de chacun.

J'ai compris, cette fois avec le ventre (et non pas le seul intellect...), que la brutalité, la violence, l'agressivité, ne sont que les marques d'une sensibilité dissimulée. Ce que je croyais ressentir contre moi et qui me blessait était des réactions de protection contre mon insistance à aller au fond des choses. Une résistance contre une intrusion fragilisante.

Ce n'est pas à moi de pousser l'autre dans ses retranchements afin de comprendre ses réactions. C'est dans la diversité des relations et des capacités de chacun à aller loin dans un domaine précis que je trouverai réponse à mes questions. Dans une somme de réactions et de rencontres plutôt que dans un rapport étroit avec quelques personnes qui, trop sollicitées, ne le supportent pas.

Finalement je crois que j'ai été un partenaire trop sollicitant pour un couple. Et même pour deux...

Mon attirance vers les relations plurielles n'a pas été pas une lubie temporaire, mais correspondait bien un besoin fondamental. J'ai un fort besoin d'échange et de communication enrichissante...






Solitaire




Samedi 29 décembre


L'année 2007 s'achève et me vient l'envie d'en observer une des caractéristiques principales : je l'aurai passée en célibataire à temps plein. Et pour de bon, cette fois ! Terminée, la situation de semi-célibat qui avait duré pas loin de trois ans, lorsque je vivais à quelques encablures de ce qui fût la maison familiale, accessoirement foyer conjugal.

Et croyez moi ou non, cette situation me convient !

Ben oui : cette solitude, qui n'avait plus fait partie de mes projets depuis ma lointaine post-adolescence, s'est installée progressivement et sans réelles difficultés. Si le processus de séparation a pu être difficile, notamment lorsqu'il m'était imposé par Charlotte, la solitude ne m'a pas vraiment affectée. C'était l'idée de savoir la famille vivre en direct des choses auxquelles je ne participais pas qui m'était douloureux. Surtout quand ça se passait à quelques dizaines de mètre de la masure sombre où je vivais. Là oui, être seul alors que je les savais ensemble dans notre maison était cruel à vivre. Mais depuis que la famille est éparpillée en cinq logements distincts, je ne ressens plus ce déchirement. Tout juste une déception triste, qui ne dure pas, lorsque Charlotte préfère me maintenir à l'écart pour noël, par exemple...

Bref : je vis bien ma situation de célibataire !

A tel point que je n'imagine pas de vivre autre chose. Du moins pour le moment. J'apprécie grandement ma liberté, qui compense très largement les quelques moments où je ne dédaignerais pas de pouvoir bavarder autour d'un repas. Mes soirées ne sont pas toujours d'une folle gaieté, c'est certain, mais bon, l'étaient-elles toujours lorsque je vivais en couple ? [non...]. À défaut de bavardages, la musique me tient lieu de compagne, à moins que ce ne soit la radio...

De compagne, je n'en imagine pas. Et puis d'abord, je n'en veux pas. Les quelques rencontres que j'ai faites cette année n'ont pas vraiment eu de suite. Je n'étais pas du tout prêt à investir quelque chose, même de façon espacée. Alors j'ai laissé s'étirer le temps, sans chercher à faire durer quoi que ce soit d'autre que de l'amitié. Restent quelques contacts épisodiques. Ça me suffit. Je ne peux ni ne veux donner d'avantage. Je réponds, mais je ne sollicite pas. Et pas question que l'on insiste ou que l'on demande trop souvent... sous peine de me voir manifester clairement mes limites. À prendre ou à laisser. Mais je réponds toujours aux demandes d'explications. Avec amabilité et prévenance, il me semble. C'est la moindre des choses...  

C'est bien simple : je me sens homme libre et entends bien le rester. Du moins jusqu'à ce que ma route croise de nouveau une qui saura suffisamment toucher mes émotions [et ma libido...].

Ce sera probablement difficile, car je me sais de nature plutôt exigeante. Je ne me satisferais pas de moins que ce que j'ai déjà pu partager. Autant dire que cela restreint les possibilités. De plus, je sais maintenant bien mieux ce qui m'est confortable ou pas. Et je n'irai plus vers ce qui est compliqué...

Je ne suis pas en recherche de relation affective, et encore moins d'amour. Refroidi pour un bon moment, d'une part, et désormais suffisamment construit pour ne pas avoir besoin de me sentir aimé dans le registre sentimental. Je crois que j'en suis arrivé à m'aimer suffisamment, et les amitiés qui me sont restées fidèles m'apportent l'estime qui m'est nécessaire.

Je peux le dire : j'aime ma solitude. Elle ne me pèse pas. D'ailleurs je vis seul, mais suis en relation avec pas mal de monde, ce qui fait que je ne me sens pas seul. Un solitaire entouré, quoi...



Et le sexe, ça te manque pas ?

Aaaah, ça, c'est autre chose...

Et le partage ? Et la tendresse ? Et le contact d'une peau ?

Euh, ouais, bon... le célibat pur et dur a, certes, quelques inconvénients...

Et... l'amour ? Vraiment pas tenté ?

Ah ben ça !!! C'est bien de ça dont je me protège !

Tu veux dire que tu le fuis...

Parfaitement ! Je me tiens trèèèèès loin de tout ce qui pourrait m'en rapprocher.

T'en as peur ?

J'ai peur des complications que ça peut amener.

T'as peur de tomber amoureux de nouveau ?

Non, je crains surtout la situation inverse !

Pour ça que tu restes distant ?

Ouais, faut pas que je sente une approche tant que l'ambiguité n'est pas levée. Amitié oui, sentiments non.

Et le sexe ?

Mais tu penses qu'à ça !

Hé hé...

Sexe sans sentiments ? Ouais... à voir.

Si elle a un beau cul...

Rhôôô !

Hypocrite !

Hmouais... il suffirait que je décide de réouvrir le champ des possibles, du désir de rencontre, et ça serait déjà un grand pas...

Voilà un beau défi pour l'année qui va commencer !

Peut-être bien...