Avril 2006

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Grains de sable




Lundi 3 avril


J'ai repris mes transhumances du week-end, espérant ainsi faire tomber quelques deniers dans mon escarcelle anorexique. Trois heures de route dans un sens et autant dans l'autre. J'ai eu le temps de cogiter [c'est mon sport favori]...

Je suis parti en pleine forme. Revenu moins jovial, sans que je sache bien pourquoi. J'ai ce genre de moral à ondulations sinusoïdales, quoique la courbe générale soit en ascendance constante. Un jour c'est très bon, quelques temps plus tard me revient une sorte d'amertume. Chaque fois que me sens libéré et en paix, suit un moment de régression qui me rappelle que je ne digère pas certaines choses. Comme le disait autrefois une chère amie: «j'ai un éléphant à mastiquer ». Celui-ci est particulièrement gros, mais j'en viendrai à bout [schromp schromp schromp...].

Je repensais au sentiment d'injustice dont je parlais dans mon dernier texte. Il est flottant, va et vient selon les jours. Parfois je le dépasse allègrement, mais souvent me revient l'impression de n'avoir pas mérité ce que j'ai ressenti comme une sanction largement disproportionnée. L'avantage c'est que ça m'a libéré. L'inconvénient étant que m'être fait traiter ainsi me reste en travers du gosier. C'était peut-être une maladresse, un emportement, ou un malentendu. Hélas le silence l'a figé ainsi. Arghhh, je hais le silence de la mésentente !

Il n'empêche que je cherche toujours à prendre mes responsabilités et le silence prolongé m'en donne amplement le temps [autant en saisir les avantages]. Je cherche à comprendre là où j'ai mal agi, ce que je pouvais éviter, et ce qui ne dépendait pas directement de moi. C'est important de décortiquer pour me servir de ces erreurs [ah ben depuis le temps que je décortique...].

Peu à peu un nouveau pan de puzzle s'assemble [oh, mais y'en a combien de puzzles, dans la vie !??]. J'ai pointé l'idée de solidarité, mais pas très loin il y a aussi le terme "gentil" qui me fait de l'oeil. Il m'énerve ce gentil-là ! J'ai appris à être "gentil", et j'ai poussé le zèle jusqu'à l'être trop. Trop gentil. Trop solidaire. Trop attentionné...

En fait je suis "trop" en beaucoup de choses. Je me plante dans la mesure. C'est bien d'être gentil et solidaire, mais pas trop. Gentil avec les autres, méchant avec soi...



Un autre truc auquel j'ai pensé: la notion de couple, selon qu'on soit célibataire ou marié n'a assurément pas le même sens. Qu'on ait vécu plusieurs relations, qui se sont toutes terminées d'une façon ou d'une autre, ou bien qu'on n'en ait vécue qu'une seule qui a duré jusque-là, subjectivise fortement tout ce qui touche à la relation amoureuse, sa durée, la façon de s'y investir... ou de s'en désinvestir. Et tout ça ne se règle pas seulement avec des discussions, aussi approfondies soient-elles: c'est vraiment un mode de fonctionnement différent. Pas forcément incompatible, mais différent. Avec des mots identiques qui ont des sens distincts pour chacun. Passionnant à découvrir, compliqué à vivre.

Le jour où ma partenaire m'a dit que nous formions un couple, elle n'imaginait sans doute pas le sens très impliquant que j'associais à ce terme. Ce n'était pas du tout anodin, et pris pour un encouragement à m'investir plus en profondeur dans ce lien d'amitié amoureuse.

Rhaaa la la, je n'en finis pas de tirer des fils et défaire tous ces noeuds accumulés.

Ce qui m'énerve, c'est de ne pas y être parvenu avec ma partenaire amoureuse, à cause de... problèmes de communication. Par l'emploi réciproque de formules malheureuses jouant sur la culpabilité. C'est dingue les dégats qu'on peut faire dans les relations quand on se situe dans ce registre inconscient. On bloque tout au lieu de s'entraider. Dès que la culpabilité entre en jeu, chacun se braque.

Putain de culpabilité !

De savoir comment communiquer en théorie ne suffit hélas pas à l'appliquer en pratique.

C'est très chiant, parce que je sens bien qu'il n'y a eu que quelques grains de sables qui, insidieusement et avec constance, ont fait partir les choses de travers. Imperceptible glissement, dérapages récurrents qu'il semblait impossible d'éviter. Tant que quelque chose n'a pas été changé dans la dynamique relationnelle, je crains que l'issue ne soit prévisible...

Faut plus laisser de grains de sable s'insinuer dans les rouages !
Sinon c'est même pas la peine de tenter de redémarrer quelque chose. J'ai pas envie que ça grince et que ça grippe.

Alors je me dis que ces six mois de silence seront peut-être ce qui permettra de changer ce mode de fonctionnement, autrement sans avenir. Et en même temps je mesure bien les risques de ce pari : sans communication chacun chemine en soi. Qui va t-on trouver à l'issue du temps de séparation ?

Je reste partagé. Ce silence peut vraiment mener à deux logiques contraires: retour de confiance ou constat de son impossibilité. A force d'aller "trop loin", peut venir un jour où c'est "trop tard". Je n'en sais rien, mais je le suppose.



Je regrette que ce silence, qui peut être bénéfique, se soit installé dans de mauvaises conditions. Ça reste comme une ombre qui brouille et entrave mon travail de prise de conscience. Une ombre qui parfois pèse encore lourd.






Tourner la page




Mercredi 5 avril


Souvent on m'a conseillé de "tourner la page". En fait, je crois avoir déjà tourné beaucoup de pages ces derniers temps, et j'ai énormément appris de la vie en me frottant à la réalité de l'expérience. LA page dont il est question est celle qui me permettra de passer à autre chose: ne plus être dans le questionnement permanent sur ce qui est le mieux à faire, et suffisamment bien vivre le moment présent [si, si, je savais faire auparavant, j'vous jure !].

Tourner cette grande page nécessite d'en tourner beaucoup d'autres auparavant. Dans un certain ordre [non précisé à l'avance]. C'est ce que je décris dans ce journal. Je vais à mon rythme, en fonction de mes capacités, prises de consciences et fulgurances. Aidé par les pensées des autres, aussi.

J'ai tourné des pages et des pages en retard, à un rythme accéléré, rattrapant des années d'immobilisme confortable. Cette cadence est évidemment épuisante, forcément limitée dans le temps, et il m'est indispensable d'être motivé par la perspective d'une amélioration de mon équilibre de vie.

Lorsqu'on met tout par terre, il faut se préparer à mettre l'énergie de tout reconstruire. Par contre, ça ne réussit pas forcément du premier coup. Et ça, je ne l'avais pas prévu. Du coup je me suis trouvé en panne d'énergie vitale... et avec une vie en déséquilibre.

Je ne retrouve mes forces que peu à peu. De vraies forces, solides et éprouvées. Elle sont en moi et je sais désormais que je ne veux plus compter sur personne en particulier pour m'aider. Plutôt une aide ponctuelle, fragmentée, plurielle. C'est une évidence que je n'avais pas imaginée initialement. En fait ma première tentative d'émancipation était accompagnée et encouragée, mais seule une démarche autonome et solitaire pouvait me libérer vraiment de mes vieux démons.

Allez, je l'avoue : ce fût difficile de me retrouver "seul", mais je sais que c'est le chemin par lequel je devais passer. L'effacement de nathalie me sera bénéfique sur le long terme, je le sais bien. Il n'y a que par moi-même que je peux devenir "homme debout", comme il en a été question sur un blog récemment.



Lorsqu'on me dit de tourner la page, c'est bien sûr avec l'idée première que je sorte de cette histoire amoureuse qui se trouve depuis longtemps en état de déliquescence avancée. Voire de putréfaction outrepassée... [glauque !]

Ah... ce serait simple s'il ne s'agissait que de ça. Et la page serait sans doute déjà tournée. Mais il s'agit pour moi de bien davantage qu'une "simple" relation (d'amitié) amoureuse. D'une part c'est une rencontre. Rare. Probablement "unique" dans mon existence. Oui, je sais, chaque rencontre est unique. Mais celle là est plus unique que les autres. C'est comme ça, je le sens. Je l'ai toujours senti. Alors bon... je ne pouvais pas m'en défaire aussi facilement, tourner la page et passer à autre chose. Mais ça ne veut pas dire non plus que je devais continuer à m'y accrocher coûte que coûte.
D'autre part c'est par cette rencontre que se fait mon cheminement. Aussi bien dans la lumière (autrefois), que dans l'ombre (depuis pas mal de temps). Quitter cette histoire, ce serait aussi fuir une certaine souffrance. Or j'apprends énormément de cette souffrance. Je réveille mes blessures anciennes et peux les soigner, si ce n'est les guérir.

Entre tourner la page entièrement ou persévérer obstinément, ça se jouait dans les nuances...
Donc il me fallait du temps pour cerner mon sujet. Beaucoup de temps.

Et finalement, en respectant mon besoin de temps, j'ai été "homme debout". Je me suis respecté.
Je n'ai pas suivi les amitiés bienveillantes qui m'encouragaient à passer à autre chose. L'avenir me dira si j'ai bien fait.



Le problème c'est qu'à la longue la dégradation qui avait atteint la relation amoureuse s'est propagée jusqu'au lien d'amitié, et au coeur de la confiance. Là, c'est devenu grave. C'est pour ça que j'ai immédiatement cessé de résister, il y avait trop de risque de tout casser. Si possible, je préfèrerais sauver l'essentiel. Mais pas à n'importe quel prix.

M'a fallu réfléchir. Prendre le temps [encore...]. Laisser décanter. Voir ce qui se passait.
Status quo. On ne bouge plus...

Essayer de comprendre le sens du silence voulu par ma partenaire. Quel genre de besoin elle exprimait avec cette prise de distance incompressible...
Écouter mes besoins insatisfaits aussi, me positionner plus précisément, établir des limites personnelles. M'affirmer et croire davantage en ce que je ressens.

Je suis lucide, faut pas croire. Tout à fait capable de comprendre. Il suffit de me dire clairement les vrais mots. Mieux vaut avoir mal d'un coup, et en tirer des conclusions, plutôt que de se demander s'il faut faire des efforts pour surmonter des difficultés qui peuvent n'être que passagères. Car c'est de l'énergie vitale dépensée en vain, et c'est très agaçant de l'apprendre trop tard.
Bon... je sais aussi qu'on n'est pas toujours au clair avec soi et l'insconscient s'y connaît pour dissimuler habilement ce qui devrait être mis en évidence. Il faut faire avec ces malignes contorsions de la pensées. Les siennes et celle d'autrui.

Ce qui m'a beaucoup énervé, c'est cette impression de n'avoir pas disposé de tous les éléments pour que je puisse vraiment me déterminer. Je ne crois pas être un imbécile, ni être particulièrement aveugle ou borné [mais patient et persévérant...]. Même en étant amoureux je gardais ma capacité de discernement et de raisonnement, contrairement à ce qui pouvait paraître.

Certes j'avais insuffisamment confiance en moi, mais si je me suis égaré sur des voies sans issues, si j'ai agi de façon inadéquate, c'est aussi parce que je manquais d'informations importantes. Les indices à suivre n'étaient pas clairs, voire carrément contradictoires. Je n'en avais pas assez conscience. Ou plutôt... je ne savais pas comment interpréter les signaux d'alerte que je captais. Ou n'insistais pas assez pour obtenir des précisions. Peut-être que j'ai fait trop confiance, imaginant mon amie plus loin qu'elle n'était sur son chemin de connaissance personnelle ? J'aurais pu m'écouter davantage...

Ça m'énerve aussi d'être passé pour un amoureux transi, incapable de se décoller, alors qu'il s'agissait d'une volonté farouche de ne lâcher ni ma partenaire, ni la relation qui nous liait. Je déteste cette image de l'amoureux-con, tout tremblant devant sa dulcinée. Si j'étais bien "en demande", c'était surtout d'informations. J'étais aussi "en offre" de contacts et de présence, intérprétant mal les besoins de liberté de ma partenaire. J'avais surtout une réelle intention de faire tout ce qu'il fallait pour que ça marche entre nous. Avec les limites de mes capacités et connaissances, évidemment...

En fait j'ai vraiment l'impression de m'être fait berner... Non pas par ma partenaire (qui a probablement été aussi déçue que moi), mais par mon incapacité à comprendre ses besoins et les miens. Mon incapacité, aussi, à entendre en moi les vraies choses à dire, et en elle, au delà de ses mots comptés. C'est comme s'il avait manqué un langage compréhensible par l'autre. Comme si progressivement on ne parlait pas la même langue. Franchement, l'impression d'impuissance qui s'en dégageait était démoralisante.
Être "authentique", ce n'est pas seulement l'être avec soi et avec l'autre, mais aussi permettre à l'autre de l'être. Et ça, ce n'est pas facile...
Je pensais que le dialogue en viendrait à bout, mais il semble qu'il n'a fait qu'aggraver la situation. En tous cas, mes besoins d'éclaircissement lui paraissaient « compliqués », alors qu'ils me semblaient être indispensables. Mais c'est peut-être surtout moi qui avais besoin de me mettre au clair avec moi-même. Peut-être que j'étais trop en recherche personnelle, trop préoccupé pour être de compagnie agréable...

Pas étonnant qu'on ait fini par ne plus pouvoir arriver à rien.
Alors, dans ces conditions, le silence est peut-être une solution.

De préférence sans qu'il ne soit imposé. Mais ça c'est une autre histoire...






Hypothèses




Dimanche 23 avril


Je n'écris presque plus ici. Ça ne signifie évidemment pas que je ne pense plus à ce qui m'a tellement préoccupé durant les dernières années. Mais j'y pense autrement. Je ne ressens plus la nécessité de développer longuement mes cogitations, ayant acquis certains mécanismes qui me dispensent du passage par les mots écrits. Et si parfois je sens que j'aurais envie de déverser un trop-plein d'incompréhensions je préfère m'abstenir de ces égarements hasardeux en public.

De toutes façons, je n'ai plus ce besoin de regards extérieurs...



Actuellement mes pensées sont flottantes. En attente. En éveil. Comme si je ne savais plus vraiment quelle direction suivre depuis que certains objectifs antérieurs se sont dissous. Des pôles qui m'attiraient ont perdu leur magnétisme, et l'aiguille de ma boussole n'en a pas trouvé d'autres pour le moment. Le vent qui, jadis, m'avait poussé au large est absent. Ma voile fasseye. Temps de réflexion, de calme. Temps laissé au temps, pour sentir quelle inflexion pourrait se manifester.

Je vais bien, et indéniablement me dirige vers un mieux-être. J'ai retrouvé une large part de ma "vie d'avant", quoique différente depuis que je vis seul. Maintenant je sais que cette vie d'avant, pourtant pas désagréable, n'était pas suffisamment épanouissante. Elle reste tout à fait acceptable encore un certain temps, mais je veux poursuivre mon chemin de découverte. Il s'effectue désormais en solitaire, accompagné de loin par quelques amitiés dans le partage de fragments de vie. Échanges précieux qui me permettent de conforter la validité des hypothèses que j'établis. Tentatives de réponses aux multiples points d'interrogation qui demeurent. C'est mieux que rien...
J'esssaye de trouver le sens de ce qui s'est passé, pour poursuivre ma route en évitant de renouveller des erreurs de navigation, très coûteuses en énergie vitale. La vie est trop précieuse pour disperser cette énergie à affronter inutilement des tempêtes. Dorénavant je m'efforcerai d'éviter ce genre de turbulences et il est important que je comprenne ce qui les a causées. Même si je subodore que bien des choses ne sont expliquables que par des motivations inconscientes, donc difficilement accessibles.

Ayant accepté l'inéluctabilité de ce qui devait être, je dispose de temps maintenant.
Temps de repos et de paix, après tant de mois d'inquiétude. Temps de ressourcement

Ma vie est simple...

Il fait beau, le printemps revient. Un nouveau cycle de végétation teinte les paysages de couleurs fraîches. Ailleurs le monde continue sa course. La vie passe...

Les années passent.
Avec elles je mûris.
Je me sens plus fort.
J'aime ce que je deviens.






Acte manqué



Lundi 24 avril


Par un malheureux "acte manqué" [au sens psychanalytique], j'ai posté un commentaire sur le blog de Samantdi avec l'adresse de ce site au lieu de celui de mon Carnet. Le temps de m'en rendre compte à l'instant du clic, il était déjà trop tard...

Tant pis.

Du coup je suis venu relire ce que j'avais écrit hier, histoire de voir ce que je viens potentiellement de donner en pâture malgré moi. Car ce journal, aussi étonnant que ça puisse paraître, n'est pas "public" dans mon esprit. Face à la déferlante blog j'ai l'impression qu'il est redevenu discret, et connu seulement des anciens lecteurs. En fait c'est une tromperie puisque n'importe quel moteur de recherche continue certainement à expédier des internautes de passage, qui doivent se demander ce que signifient ces écrits sans queue ni tête. Enfin si, il y a bien une tête, qui est le point d'origine de ces écrits. Quant à la queue...

Ici je raconte mon histoire [une petite partie seulement], un peu comme si j'en parlais à un groupe de confidents silencieux. Il y a une certain nombre d'abonnés, dont je peux supposer qu'ils continuent à me lire. Il y a parfois un mail qui me confirme une présence et un intérêt particulier [merci...]. Et puis quelques fidèles avec qui je suis en contact par ailleurs. Mais tous les inconnus de passage, je n'y pense jamais.

Sauf quand je fais un lien malencontreux...

Lorsque je m'exprime ici, je fais comme si le lecteur était au courant de tout ce que j'ai raconté depuis l'origine. Il serait fastidieux de replacer le contexte à chaque fois. Mais peu à peu je crois que je me suis centré sur quelque chose de très personnel Un récit de vie autour d'une sujet quasi unique. La diversification [toute relative], c'est pour le blog. Ici c'est... ou c'était... une zone ou j'explorais les méandres de ma pensée, de la façon la plus authentique possible. Pour diverses raisons expliquées auparavant je me suis volontairement coupé de cette expression qui se voulait libre. Je n'ai pas encore vraiment trouvé la nouvelle tonalité.

Mais comme je suis adepte des adaptations et évolutions lentes, sans ruptures majeures, je laisse le temps faire son oeuvre. Il n'y a pas de raisons pour que je cesse cette écriture, même si elle s'atténue peu à peu. En tous cas, pour le moment, je n'ai pas prévu de cesser un jour...






Mois de mai 2006