Février 2006

Dernière mise à jour:mercredi 1 mars 2006 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Sine qua non



Vendredi 3 février


Au lendemain de mon précédent texte, j'avais écrit une sorte de correctif. Faute de disponibilité d'esprit j'en ai reporté la mise en ligne. J'y reviens donc...

Le texte était un peu spécial dans sa forme puisque adressé à quelqu'un de bien particulier. A la relecture, une phrase m'a fait tiquer. J'avais écrit: « Maintenant je crois que tu as bien fait de ne pas répondre à mes gesticulations ». Or il n'est pas question d'avoir "bien" ou "mal" fait.
Face à une situation qui ne convenait plus il y a eu une réaction de repli. Ni bonne, ni mauvaise. Dans ce genre de circonstances extrêmes chacun agit selon ce qu'il estime être le mieux pour soi (et je crains que tout altruisme déclaré ne soit qu'alibi pour la bonne conscience...).

Par la suite c'est bien moi qui ai orienté mes choix, dans la latitude dont je disposais, face à une réaction qui ne me laissait pratiquement plus de pouvoir d'influence. J'ai donc pris acte de ce qui se passait, acceptant progressivement de ne pouvoir rien changer, et je m'en suis servi pour observer mes réactions en retour [ce fût un peu moins rapide, et un peu moins facile que cette simple phrase...]. C'est par cette observation que j'ai compris ce qui souffrait en moi, et pourquoi. D'une souffrance j'ai tiré une connaissance personnelle, donc une plus grande capacité à résister, et une libération. J'ai mûri et c'est très bien [il est quand même temps que je me réhabilite...].

Franchement, je crois que c'est la meilleure chose que je pouvais faire: me servir de ce qui m'arrivait pour grandir. Non pas de façon passive, genre « en attendant d'oublier », mais en décortiquant tous les mécanismes qui s'étaient enclenchés au fil de l'évolution de cette relation. Comme j'avais observé en quoi j'étais irrésisitiblement attiré, j'ai analysé ce qui avait pu mener à une complication. Et comme je vivais deux séparations simultanées [y'a des petits veinards, dans la vie...], j'ai saisi cette "chance" [chance ? ouaf, c'qu'on se marre...] pour analyser ce qui se passait sous un double éclairage particulièrement enrichissant [je vais pouvoir me spécialiser dans les séparations...]. Bon, en fait on va dire que j'ai suivi une formation pratique en séparations douces et modulées. Ça tombe bien, c'est précisément un sujet qui m'intéresse !

Tout cela a mis en évidence l'importance cruciale de l'écoute: de soi et de l'autre. J'ai dû mettre en pratique ce que je savais en théorie. Et chacun sait que l'écart entre les deux n'est pas mince...

Il est probable que j'aurais aussi pu prendre pleinement conscience de l'importance de l'écoute de soi d'une autre façon. J'y étais sensibilisé depuis longtemps et ne cherchais qu'à apprendre. Ma complice m'y aidait, et je crois que je pouvais aussi l'aider à améliorer sa pratique relationnelle, parfois très... hum... *franche*. Il me semble qu'à deux on pouvait faire un apprentissage réciproque, efficace et pertinent. Pour diverses raisons cet apprentissage mutuel n'a pas disposé du temps et des conditions nécessaire. Il y avait des pressions, des frottements, des tensions, des impatiences... bref, pas les conditions idéales. Il y avait deux (voire trois) personnalités en présence, chacune avec leurs particularités et leurs limites. Le besoin de temps était en contradiction avec celui de résoudre rapidement une situation difficile.

Aaaah, le besoin de temps... "laisser le temps au temps".
Là on ne pouvait pas.

Alors effectivement, vu avec le recul, je reconnais que ça ne pouvait pas marcher tel que c'était. Je ne pouvais pas concilier deux logiques contraires. Il fallait céder quelque part. 
J'allais devoir procèder par étapes.




Lorsque j'ai fait un pas en arrière, j'ai choisi selon ce qui me semblait être le mieux pour moi, à ce moment là, en fonction de ce que je vivais dans chacune des relations. Des deux côtés il y avait une dégradation face à l'intenabilité. Alors plutôt que tout perdre, j'ai "choisi" (choix instinctif) de me préserver de la menace la plus destructurante pour moi. Vu les circonstances et le contexte, j'étais incapable d'opter pour un autre choix, tant matériellement qu'affectivement. Contrairement à ce que j'ai pu écrire, je crois qu'il y a eu de la maturité dans ce choix. Accepter mon immaturité affective était faire preuve de... maturité. Ne pas outrepasser mes limites.

[euh... oui, bon, je me répète peut-être... à croire qu'il reste des traces de culpabilité d'avoir eu besoin de temporiser...]

J'ai ainsi donné du temps à mon couple conjugal, pour qu'il évolue vers une séparation intelligente, honnête, et respectueuse. Et il faut bien reconnaître que l'absence de relation amoureuse parallèle à grandement facilité le rapprochement en vue d'une séparation en paix. Je crois aussi que j'ai pu mieux comprendre ce que ressentait Charlotte quand l'autre se détourne de soi. Ça favorise l'empathie...
Tout ça a fait que j'ai pu, lentement, effacer les traces de culpabilité à désimbriquer ma vie de celle de Charlotte, qui m'avait accompagné et soutenu depuis si longtemps (et réciproquement). Je lui devais ça. Je ne pouvais pas faire moins. C'était essentiel pour que chacun puisse partir "libre et serein". Avec le recul je constate que ce choix s'est révélé être tout à fait positif pour sa reconstruction et la mienne. C'était bien le choix le plus mature. Un autre choix était intenable à l'époque.

Je considère avoir bien fait de suivre mon intuition et ne pas trancher dans le vif...

Parallèlement j'ai mis à profit ce temps de neutralité pour réorienter ma vie professionnelle plutôt que de tout lâcher pour un boulot de subsistance déprimant. Ç'aurait été en contradiction totale avec mon aspiration à l'épanouissement, et un beau gâchis par rapport à ce que je mets en place actuellement. Sans une relative sérénité, je n'aurais pas pu "sentir" cette voie nouvelle. D'ailleurs j'étais trop cassé pour rebondir. Là encore choix adulte et réfléchi, rendu possible grâce à la solidarité de Charlotte.
Je crois pouvoir dire que cette forme de séparation solidaire est "exemplaire" pour des gens qui s'aiment encore, avec souffrances réduites au minimum (ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu...) et accompagnement "jusqu'au bout". En soi une séparation est un acte psychiquement violent, autant en minimiser l'impact destructeur et éviter les rancunes éternelles.




Il est important que je récapitule tout ça ici, et que je reconnaisse que tout ce temps d'évolution réfléchie était la marque d'un respect de chacun. Sortir, encore une fois, d'une sensation diffuse de coupable "faiblesse" alors qu'au contraire je crois qu'il peut y avoir davantage de force dans la douceur et l'écoute que dans la brutalité de décisions radicales. C'est en tous cas ainsi que je fonctionne [et je m'approuve des deux mains !].

Le lecteur assidu et fidèle aura aussi remarqué que ce travail de réflexion approfondie, certes répétitif ad nauseam, m'aura permis une exploration assez complète de toute la part relationnelle de mon psychisme. Et tout cela n'est pas un hasard...
Ce journal aura été témoin-acteur de ma recherche existentielle, de l'évolution de mon couple, de la naissance d'une relation amoureuse bouleversant ma vie et de sa suspension-fin-arrêt [rayez les mentions inutiles selon vos pronostics], de ma séparation conjugale harmonieuse, et enfin... de mon orientation professionnelle vers l'écoute.
Mes réflexions m'ont mené des blessures d'enfance à l'angoisse de mort, de mes pulsions sexuelles à mes besoins affectifs, de mes limites à celles des autres. A travers cette auto-analyse publique, dont il m'a souvent été dit qu'elle apportait des réponses au lecteur, ce n'est pas seulement moi que j'ai découvert, mais aussi toute une part universelle de l'humain. Et cette découverte est maintenant un des éléments majeurs de mon "expérience" et du recul nécessaire demandés à un professionnel de l'écoute. Sans le savoir, il semble que je me préparais depuis longtemps à cette réorientation.

Mon chemin passait par là: élans de vie et souffrances mortifères. 
Hey, j'ai payé de ma personne pour mieux comprendre les autres ! Quelle abnégation... [hop, une médaille en chocolat]. Non, sérieusement, je crois que rien ne vaut le vécu pour comprendre et avoir l'empathie nécessaire. Comment comprendre la déchirure intime que représente une séparation sans l'avoir vécue ? Comment redonner espoir si on est pas convaincu que celui-ci reviendra ?
Ce que j'ai traversé m'a donné une sensibilité particulière qui me permet de bien mieux comprendre ce qui se joue à ce moment-là. Et mon expérience d'enfant... oui, "maltraité", aiguise encore ma perception.

Tout est lié: je ne suis ce que je suis que parce que j'ai été maltraité, avec une estime de moi lourdement endommagée. Depuis, je n'ai eu de cesse de me reconstruire, malgré ce handicap et à cause de lui [ou grâce à lui...]. Parce que j'en souffrais j'ai entrepris une thérapie. Je l'ai continuée en comprenant que j'allais droit vers la reproduction, envers mes enfants, de ce dont j'avais souffert. C'est ce qui me rend si attentif à l'épanouissement de soi, absolument indispensable si on veut le transmettre à ses enfants. Briser la chaîne de reproduction.
Enfance, estime de soi, épanouissement, élans de vie, état amoureux.... C'est un tout. On ne peut comprendre ce que l'on est si on ne connait pas l'enfant que l'on a été. Ne pas craindre de regarder en soi, de mettre à jour ce qui gêne, ces souffrances occultées, ces non-dits emprisonnants, pour s'en libérer. On ne cesse jamais de se construire, à condition de ne jamais cesser de chercher à comprendre ce qui perturbe la paix intérieure.

Bon euh... ok, j'arrête mon baratin.




Après cette digression explicative je reviens à mon propos et poursuis mon auto-réhabilitation. J'ai reconnu ma part de responsabilité, mais je ne veux plus me culpabiliser de n'avoir pas pu poursuivre d'un seul élan mon émancipation. Il est temps que j'en sorte...
Le fait que je n'aie jamais renoncé à ma quête initiale, longuement élaborée dans ce journal, ni à la relation que j'avais construite avec nathalie, montre que ma fiabilité ne fait pas de doute. Je n'ai que différé la continuation, tant que les conditions favorables ne sont pas réunies. Cela a toujours été clair dans mon esprit et ma partenaire le sait au travers de mes écrits ou nos conversations. Un pas en arrière, un temps d'arrêt, ce n'était pas une volte-face. Je n'ai jamais abandonné, même si aux moments les plus amers je me suis posé beaucoup de questions. Il est important pour moi que cette persévérance soit reconnue.
Il m'est arrivé de me demander pourquoi je luttais, tellement seul et découragé par mon ex-complice, méconnaissable, que je sentais "repousser" mes tentatives de rapprochement. Je crois avoir finalement compris quel était le sens de ce non-dit... [chuuut...].
Je me fie à mon intuition, à mon ressenti intime, bien que je ne sois pas du tout certain que cette lutte puisse me conduire un jour vers ce que je souhaite poursuivre. Mais au moins j'aurai fait ce qui me semblait nécessaire. Condition sine qua non.

Qu'ai-je appris depuis bientôt un an et demi de semi-silence désentimentalisé ? [hé hé, essayez de prononcer cette phrase à haute voix...]. Hum... je dirais que j'ai découvert des aspects inconnus de la personnalité de ma lointaine amie, ce qui n'est pas inintéressant. De la mienne aussi, ce qui ne l'est pas moins.
Plus sérieusement, j'ai eu confirmation que ma persévérance [obstination ?] n'était pas un vain mot. Et aussi que mes sentiments et mon attachement étaient bien ancrés [trop bien ancrés ?] pour avoir pu résister aussi longtemps sans être nourris en retour par la même substance. D'ailleurs, c'est évident, la flamme s'amenuise si elle n'est pas alimentée, à moins d'être dans l'idéalisation d'un faux amour à sens unique. Je dirais même qu'il est nécessaire de la réduire, presque éteindre, sinon c'est de la torture [ouais bon, j'ai mis du temps à le comprendre...]. Ce qui reste ce sont des sentiments endormis, rangés quelque part, pas trop loin. « La cryogénie des sentiments, ça n'existe pas », avait elle écrit... Pour ma part, le souvenir de ce qui a été et le souhait que la complicité se ranime maintiennent ouvertes bien des possibilités. C'est ce qui entretient mon espoir et me permet d'agir dans le sens désiré. Sinon, j'aurais renoncé depuis longtemps. Certes, je me sens un p'tit peu seul moteur dans ce projet mais, là encore, y croire est la condition sine qua non.
De toutes façons la satisfaction de mieux me connaître et la conviction d'agir dans le sens que je souhaite me donnent le courage de tenir. Et même si rien n'est plus possible, je n'aurais pas perdu mon temps. Mon espoir reste réaliste...




Ce que j'ai appris, aussi, c'est que ce lien était modulable: amical, amoureux, désirant... je dirais presque « peu importe » [là je triche un peu]. C'est le partage de confiance et de confidences qui, à la base, m'a séduit [même si c'était vachement mieux quand on pouvait tout partager...]. Je crois que, dans une certaine mesure, ce genre de lien peut résister à l'étirement du temps, du silence, et de la distance.
Jusqu'à quel étirement sans être trop endommagé ? Y a t'il des irréversibilités ? des limites de rupture ? ça je l'ignore. Le test de résistance est en cours, grandeur nature. Car le silence opère. A la fois en donnant un espace de réflexion personnelle, mais aussi en estompant les sentiments. La mise à l'épreuve comporte des risques. Elle offre aussi certaines preuves en cas de réussite. Si un jour nous nous retrouvons vraiment [chic, chic, ch... Ta gueule !], je saurai la solidité du fond. Finalement c'est peut-être une bonne chose. En tous cas une épreuve de fiabilité.

Actuellement mes tentatives de contact se sont espacées, se calant sur le rythme des retours que j'en ai. Il y a à la fois un souci de respecter de ce qui m'a été demandé et un désir de sentir cet effet de retour. Si je ne maintenais pas une certaine régularité de contact, que se passerait-il de la part de celle qui me disait ne pas être appeleuse ? Quel est le sens de ce silence ? Est-ce « si tu tiens à moi tu peux te manifester », ou bien « si je ne t'appelle pas c'est que je n'en ressens pas le besoin » ? Ce n'est d'ailleurs pas contradictoire, mais je ne cacherai pas que je n'ai jamais été à l'aise avec ce genre de non-dit, particulièrement propice à la gamberge...

Montrer que je reste présent, tout en laissant libre. C'est subtil, hein ? Toujours sur le fil du funambule...

A la longue, tout ce que je voyais comme des menaces d'effritement ne m'inquiète plus vraiment, et c'est peut-être ça qui devient significatif. Parce qu'à la limite... une telle relation pourrait presque exister sans contact. Ce qui en deviendrait absurde: une relation sans communication n'a pas de substance. Une telle abstinence n'engendrerait-elle pas une relation éthérée, quasi fantômatique ? Une dilution dans le néant du silence infiniment prolongé ?


L'enjeu, c'est que je crois savoir que la belle n'a pas pour principe habituel de faire deux tentatives amoureuses avec le même partenaire, bien au contraire. Alors vraiment, rien n'est gagné d'avance. D'ailleurs avec elle rien n'a jamais été acquis dans le domaine sentimental, elle me l'avait clairement dit. J'avais la vague impression d'être sur un siège éjectable... J'avais peur du gros bouton rouge. Zboiiing, parti dans les airs...
Alors, sachant tout ça, pourquoi je persévère maintenant ? Hummmm, en voila une bonne question. Peut-être précisément à cause de ça...

Maso ? Non, séduit par ce caractère trempé. Je ressens quelque chose d'antinomiquement proche entre elle et moi. De l'ordre des nuances qui séparent franchise et diplomatie, netteté et conciliance, sincérité et politesse. Subtiles variations, n'est-ce pas? J'ai l'impression que ce genre d'alliance tient de celle de l'eau et de la lave: ça dégage beaucoup de vapeur avant de se stabiliser durablement...

Je suppose que pour certaines personnes ce genre de relation peut paraître bieeeen trop complexe à gérer. Prise de tête à rendre fou. Il est certain que ce n'est pas la voie de la simplicité qui coule de source. Mais franchement... euh... je ne crois pas que vivre quelque chose de lisse soit durablement enrichissant. Trop rugueux ne l'est pas davantage.




Alors il est arrivé, lorsque j'exprimais ma frustration ou ma détresse face au maintien à distance [ah ben ouais, parce que c'est pas facile pour un tendre...], qu'on m'encourage vivement à "laisser tomber", à me libérer le coeur pour m'ouvrir à d'autres. 
Ça ne m'intéresse pas. Je ne cherche pas à tomber amoureux. Je n'en ressens ni le besoin ni l'envie. Ou pas maintenant.
Le lien que j'ai/avais avec nathalie, je ne l'aurai avec personne d'autre. Tout comme il n'a pas remplacé celui que j'avais avec Charlotte. Chaque lien est différent, enrichissant, unique. Et celui que j'ai eu avec elle était particulièrement unique, particulièrement rare... [arrête d'en parler !!!]

Cela n'empêche pas que je reste ouvert à qui peut se présenter dans ma vie [meuhnon c'est pas un gros clin d'oeil humide à mon lectorat féminin !]. Si un jour je rencontre une femme [oui, c'est plutôt mon genre...] avec qui quelque chose de fort se produit, je ne résisterai pas par principe de vertu ou "engagement exclusif" préalable. Cette personne saura que j'ai d'autres relations affectives que je ne compte pas lâcher tant qu'elles me sont précieuses.
Je crois maintenant avoir assez nettement différencié ce que sont amour, amitié, état amoureux, et désir. Ce sont des états qui peuvent se combiner de différentes façons, exister isolément, ou évoluer. Depuis longtemps j'ai compris que pour moi il n'y avait pas de frontières entre ces états. C'est d'ailleurs parce que j'avais cette conscience que je n'ai plus pu rester en couple exclusif...
Je sais maintenant que je ne peux me lier sentimentalement qu'avec des femmes qui ont elles aussi aboli ces frontières, tout en ayant envie d'établir un lien de confiance sur la durée. Ce qui, évidemment, limite fortement les possibilités de rencontre...

Bizarrement, ça ne m'inquiète pas du tout. Je ne vois pas l'amour comme une fin en soi, et le couple unitaire encore moins.




[écrit et modifié entre le 29 janvier et le 4 février 2006]






Libération modérée




Samedi 4 février


Le long texte que j'ai écrit précédemment m'a fait prendre conscience qu'à une écriture analytico-libératrice je combine un apprentissage de l'écoute. Diantre ! Écouter en écrivant ?

En fait j'apprends à prendre du recul par rapport à mes peurs et à me recentrer sur mes besoins.

Explication:

Si je me laissais aller à une écriture libre, sans me préoccuper de qui me lit, mes textes seraient certainement différents: plus spontanés (effet défoulement), plus amers. Mais... j'ai une lectrice particulière, nathalie, devant qui je ne veux pas me laisser aller à des projections ou autres interprétations. Elle en ressentirait très certainement une injustice, une déformation de la réalité puisque la sienne et la mienne sont différemment subjectives.
Dans le passé j'ai eu cette écriture victimaire et, dans un mode de comportement assez universel, j'avais tendance à voir chez elle bien plus aisément ses "erreurs" que les miennes. C'est tellement plus facile de se déresponsabiliser... Je n'en suis évidemment pas totalement guéri et je sens bien cette tendance à dire « ah ben ouieuh, mais quand mêmeuh, elle était comme-ci et comme-ça et c'était pas facile pour moaaa... ». Oui, elle est elle-même, avec des côtés attachants et d'autres plus scritchants. Comme moi, comme tout le monde. Et il est normal que certains côtés de nos personnalités aient parfois eu du mal à s'accorder. C'est précisément cette différence qui me fait évoluer.

Lorsque je m'exprime au "je" mon écriture est fluide. Dès que je parle d'elle... je sens mes mots hésiter. « ah non, je ne peux pas écrire ça... non, ça c'est moi qui interprète... non, là je me plains ». Ce qui m'oblige à faire le tri entre mes pensées brutes et un mode de pensée plus réfléchi, plus ouvert à la différence. Je fais taire mon ego souffreteux et cacochyme. C'est à partir de là que je peux apprendre à "écouter", en fonction des discussions espacées que nous avons, et surtout de tout ce passé d'échanges approfondis, tant dans leur versant épanouissant que celui des complications. Car selon moi ce n'est pas la distance océanique, ni même ma situation conjugale qui a été la cause de notre naufrage, mais bien un problème de com-mu-ni-ca-tion. Plus précisément dans la franchise et la sincérité, entre non-dit, trop-dit, mal-dit et trop-peu-dit.

Il y a longtemps que j'ai reconnu n'avoir pas eu assez de franchise, parce que je ne savais pas capter mes émotions, mais aussi parce que j'avais une crainte des réactions *franches* de ma partenaire. Évidemment sa vision des choses est probablement inversée...

Cette crainte d'oser être moi-même est au coeur de mon problème existentiel. C'est par là que je souffrais de "ne pas exister". Il se jouait dans cette relation toute une problématique très fortement chargée d'affect et, pour moi, avec un enjeu considérable. Et c'est en cela que l'écriture fait partie intégrante de ma relation avec nathalie. Si je n'ai pas cessé d'écrire lorsque nous avons suspendu-arrêté notre relation amoureuse, c'est parce que je devais sentir que j'avais encore à apprendre des suites de cet élan brisé ["élan brisé" ? tu te prends pour Victor Hugo ?]. Certes il m'est devenu bien plus compliqué d'écrire, puisque je savais ce regard devant lequel je ne pouvais pas trop me laisser aller. Mais en même temps, c'est cette même présence invisible qui me faisait me responsabiliser, et à aller chercher plus en profondeur la "vérité" des choses, c'est à dire les faits, sans les interpréter.
Il est probable aussi que cela m'a préservé d'un laisser-aller vers des propos excessifs, toujours regrettables par la suite...

L'exercice auquel je me livre depuis des mois est assez particulier: j'évoque une relation commune sous le regard muet de ma partenaire. Nous ne parlons pratiquement jamais de ce que j'écris et elle dit me lire en diagonale [ah ben c'est ben la peine que tu fasses attention..!!]. Je précise aussi que j'écris "en aveugle", puisque nathalie m'a demandé depuis longtemps de ne plus la lire. Je dois donc exercer seul une auto-modération, la plus juste possible, avec pour repères les sensations internes que je capte. Ainsi un vague malaise m'indique que j'écris quelque chose qui pourrait lui déplaire, donc peut-être une interprétation, ou des pensées que je n'ose pas lui dire en face. Peut-être une "vérité" aussi, mais uniquement selon mon propre ressenti. Je dois donc présenter clairement la subjectivité de mes propos.
D'un autre côté je reste dans l'auto-analyse libératrice, donc prétendument sincère et authentique... Bon, je ne cache pas que les deux donnent une forme d'écriture un peu dingue, quoique particulièrement instructive sur moi-même. J'apprends les limites de la transparence et l'exigence de la sincérité de l'expression, différenciant faits et émotions. C'est un apprentissage essentiel. En matière affective l'émotionnel l'emporte tellement vite sur le factuel...

Être ouvert à l'écoute de l'autre, c'est être capable de ne pas juger (émotionnel subjectif), mais de capter le ressenti de l'autre, qui est sa vérité. C'est avoir à la fois l'empathie émotionnelle et le recul suffisant pour ne pas s'y laisser emporter. Une bonne connaissance de soi, une assurance, sont donc fondamentales. Je crois que c'est ce que j'apprends ici, avec ce concept fantaisiste et sans avenir que serait l'écriture auto-analytique auto-modérée...


Allez, je ferais bien de prendre un peu l'air moi...
Je retourne sur mon carnet participatif pour quelques temps.






Conserver l'essentiel




Mardi 7 février


Flux et reflux, mes préoccupations vont et viennent. Tantôt serein, tantôt rattrapé par des interrogations qui finissent en cul-de-sac. Si dans le fond une tranquille assurance est désormais bien installée, en surface il y a parfois des remous d'inquiétudes.
Parce que je ne veux pas nier mes ressentis, je laisse venir à la lumière ce qui, dans un coin de mes pensées, reste parsemé d'incompréhension. Hop, ça enfle, ça prend de la place... et je finis par en parler ici. Je pose mon fardeau. Ça m'aide à mettre les choses au clair et à prendre du recul. Un fois que c'est étalé sous mon regard hagard, j'observe, je trie, j'assemble, je consolide... et je jette le superflu.

Lorsque je "travaille" à ça je me sais moins disponible pour autrui. Recentré sur moi-même, je suis peu ouvert à la vie. Concentré. Ça ne dure pas bien longtemps, juste ce qu'il faut pour que je mette les choses au clair. Parfois, si on me sollicite un peu et que je me sens en confiance j'évoque par fragments ce qui me turlupine. On me donne alors un avis, des impressions, et ça m'aide à éclaircir le trouble. Mais l'essentiel du travail est déjà fait, seul. Il est presque routinier maintenant puisque je sais ce qui opère en moi et pourquoi. Je sais ce qui est fragilisé à ce moment là, je sais ce dont j'ai besoin. L'accompagnement amical, c'est le petit coup de pouce qui m'aide à en sortir plus vite en me remettant dans une réalité objective.

Alors hop, en peu de temps je me requinque, l'énergie vitale revient dans mes veines. 
Hier matin j'ai fait une bonne promenade matinale dans une nature féérique, entièrement couverte de givre, waow... ça m'a fait du bien ! De l'air frais dans la tête. Ça m'a permis de me détacher de ce qui me retenait en arrière. Ce paysage cristallisé et silencieux donnait une impression de pureté. C'était exactement ce dont j'avais besoin.








Aujourd'hui ça va bien, j'ai retrouvé ma tranquille assurance, le bon pas sur mon chemin personnel. Et je me suis libéré encore un peu. 


Mais j'ai l'impression qu'écrire ici n'est plus aussi positif que ça l'a été. Impression de ressasser, de me montrer plus fragile que je ne suis, de déformer la réalité en me prenant au piège de mon imaginaire, que mon inconscient se complaît à tortiller. Dès que certains de mes textes m'échappent, dès qu'ils sont visibles par les lecteurs, sans même les relire je ne les aime pas. Ce n'est pas vraiment moi.
Et pourtant si, précisément ! C'est bien une part de moi. Mais de la savoir ainsi étalée devant des regards extérieurs me fait prendre conscience de certaines absurdités. Malaise, indicateur de ce qui ne va pas dans ma reconstruction. Effet de loupe qui surdimentionne certains éléments: des fragilités, des peurs, des doutes. Non... ce n'est pas moi tout cela ! Ce n'est qu'un moi temporaire, un morceau de moi à qui je donne la parole et qui en abuse. Une part de moi que j'avais tenté de refouler et qui est revenue en force parce que trop contenue. Le flot se tarit très vite. Il n'y avait guère de force derrière cette masse trompeuse.

Alors, est-ce bénéfique de donner de la place à ce qui trouble ma paix ? Dois-je évoquer le manque, les interrogations, la tristesse ? Pas si sûr...
Dois-je les taire ? Pas sûr non plus...
Les exprimer ne m'apporte rien directement, au contraire, puisque cela ranime des éléments de souffrance qui étaient apaisés. Mais indirectement ça m'est utile pour comprendre là où je dois encore travailler pour me détacher d'attentes puériles.

Ambivalence. Publier ou pas ?
Est-ce que les effets positifs l'emportent sur le négatif ? Jusqu'à maintenant c'était le cas...

Je ressens une gêne croissante à me référer à un passé révolu, à exprimer encore des espoirs improbables, à montrer ma lutter désarmée. Finalement tout cela est très intime. Et nécessite peut-être le secret.


C'est ainsi que, jour après jour, je me détache de ce qui n'a plus lieu d'être.
Mots superflus. Ne conserver que l'essentiel. Remonter à la source.






La fin du jeu de cons...




Dimanche 19 février


Oh la la, comme les choses ont changé depuis mes derniers textes... Je ne les relis même pas, ils sont complètement dépassés.

Entretemps il y a eu un coup de téléphone...

Cela faisait dix-huit mois que je cherchais à rétablir un lien de confiance qui, selon moi, ne pouvait passer que par la liberté d'expression. Privé de lien direct, je tentais de lutter contre un incompréhensible silence imposé auquel je ne voyais pas d'issue. Mes tentatives de communication détournée (via ce journal) n'étant pas satisfaisantes, j'ai tenté une nouvelle fois le contact direct.
Deux heures d'essais de conciliation que, jusqu'au dernier moment, je pensais mener vers la réconciliation. Il me semblait que le fil ténu pouvait reprendre de l'épaisseur.

Apparemment je n'ai pas été persuasif...
A la fin de la conversation la sentence est tombée: six mois de silence total !


J'ai ressenti cette décision comme profondément injuste.
Qu'avais-je fait d'autre que vouloir comprendre avec elle pourquoi on en était là ?

Particulièrement révolté, j'étais aussi très déçu.
Tant de mois d'efforts et de patience pour arriver à ça...

J'étais surtout très attristé par cette impasse relationnelle. Échec douloureux et amer.




Et puis... très rapidement les choses ont changé. Je savais que toute tentative de résistance était inutile. J'en ai presque ressenti un soulagement. En fait, j'ai senti que j'étais libéré. Je n'avais plus à lutter, ni à m'inquiéter. Ce durcissement, cette séparation dans la séparation, me démontrait que je n'avais plus aucun pouvoir de changer quoi que ce soit. Il en a résulté une sensation d'allègement...

En quelques jours j'ai retrouvé un bon moral, et même l'envie de rire de tout ça lorsque j'ai eu connaissance des répercussions diverses que cela avait pu avoir, à la suite de commentaires échangés plus ou moins confidentiellement dans la discrétion relative des liens virtuels. Rire parce que... cette histoire est tellement... bête...




Drôle d'aventure à deux, qui fût magnifique et se termine (?) assez tristement. L'histoire de deux personnes sensibles en recherche d'elles-mêmes, qui se trouvent et se rapprochent. Deux personnes éprises de liens de franche sincérité, ou de sincère franchise. Enfin... quelque chose qui tourne autour de ces deux mots. Le début de cette histoire est relaté dans ce journal. Et sa particularité est de s'être largement inscrite dans une démarche d'écriture-lecture. Elle est née de cela et morte (?) de cela.

Comment en est-on arrivé là ? Comment une complicité qui fût magique, si lentement élaborée au travers de centaines de mails sensibles échangés pendant trois ans, a t-elle pu se dissocier ? Alors que nous savions tous les deux avoir vécu l'extraordinaire ? Je fus à ses yeux celui qui lui permettait de vivre quelque chose auquel elle ne croyait plus. Elle fût pour moi celle qui m'ouvrait à l'épanouissement.

Trois ans plus tard c'est un silence qui n'en finit plus de s'étirer. La complicité initiale a depuis longtemps disparu. L'amour et l'amitié se sont disloqués.

Simple évolution d'une relation, tout à fait normale et banale ? Je ne crois pas...
Certes nous avons tous les deux, assez classiquement, généré chez l'autre ce que nous redoutions le plus. Nous avons insidieusement rendu l'autre conforme à nos pires fantasmes négatifs. C'est fou, quand on y songe, de ne pouvoir échapper à ce genre de déterminisme...
Devenir "ennemis" alors qu'on avait pu être si proches...

Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir insisté de part et d'autre pour qu'on en parle librement, franchement, sincèrement...
Sauf qu'entre la franchise et la sincérité nous n'avions pas précisé les nuances que nous apportions. Elle était davantage franche que sincère, et j'étais l'inverse. Et en même temps nous attendions tous les deux davantage de franchise de la part de l'autre. Ajoutons à cela quelques inversions de polarités du genre optimiste/défaitiste, idéaliste/réaliste, culpabilité/déculpabilisée... et tout était en place pour que les tensions deviennent croissantes, malgré une volonté farouche de dialogue dès l'origine. Normalement le dialogue direct aurait dû empêcher cette dérive.

Mais... il y avait un élément perturbateur de taille: ces pages que vous lisez.
C'est maintenant que je prends concience du rôle particulier, et sans doute assez unique, de ce journal intime laissé ouvert à son regard. Qui plus est: en public !




Mon journal est né du sien, et toute notre relation s'est écrite et développée dans ces pages. Je suis maintenant certain qu'elle s'est dégradée à cause de cette écriture, devenue parasite depuis nos premiers dysfonctionnements. Jamais je n'aurais dû évoquer les complications sous son regard, et encore moins en public.
Je n'aurais pas dû me servir de ce biais de communication. C'était une solution facile, qui me permettait de contourner ses blocages sur certains sujets. Elle l'a tacitement accepté, en continuant à me lire, mais sans pour autant répondre à mes questionnements.

Ainsi, de complices dans l'expression, nous sommes devenus complices dans les non-dits semi-exprimés. Complices jusque dans la dislocation... J'écrivais ici ce qu'elle ne me laissait pas exprimer librement en face à face, et elle lisait ce qu'elle n'aimait pas que j'exprime. Ainsi elle savait ce qu'elle ne voulait pas savoir, tandis que j'écrivais ce qu'elle ne voulait pas que je dise.
Cherchez l'erreur...

Moins je pouvais m'exprimer directement, plus "j'appelais" ce dialogue dans mes textes. Et plus je le faisais ici, moins elle appréciait cette expression indirecte. Ce procédé est devenu de plus en plus foireux avec le silence qu'elle m'imposait: il accentuait ma libre interprétation (projections) sans possibilité de réajustement. Si moi je sais très bien pourquoi j'écrivais (me comprendre et tenter de communiquer par un canal détourné), je ne sais toujours pas pourquoi elle a continué à me lire en silence. A quoi cela servait-il puisque ça n'ouvrait pas au dialogue ? Que cherchait-elle dans mes mots imprudents ? Une faille ? Une erreur fatale ? Une rédemption ? Il y avait là une sorte de voyeurisme assez malsain (tout autant que mon exhibitionnisme...) à observer celui qui cherche a rétablir la communication sans lui tendre la main qu'il demande... Relation sado-maso ?

D'un autre côté je n'avais plus le droit d'écrire des mails ni celui de téléphoner de façon rapprochée... Que me restait-il donc comme moyen de communication ? Que me restait-il pour comprendre pourquoi je perdais irrémédiablement des points de confiance à chacune de mes "erreurs" ? Et comment ne pas en faire puisque je ne pouvais pas réétalonner mes pensées à la vérité des siennes ? Je m'exprimais en roue libre, dans le vague d'échanges de plus en plus distants. C'était suicidaire et sans échappatoire, j'en prends conscience maintenant.

De son côté j'ai fini par apprendre qu'elle décrivait dans son journal un important changement et tout un éloignement volontaire de ce que nous avions vécu. Mais elle ne voulait pas que je le lise, craignant mes réactions inquiètes. Pourquoi ce double langage, alors qu'elle savait mes interrogations ? Pourquoi cette non-franchise, qui me "protégeait" comme si je n'avais pas la capacité de comprendre et de réagir ?

Je me comportais comme l'être immature et demandeur qu'elle me conduisait à devenir, et elle s'éloignait de ce comportement qu'elle n'aimait pas du tout...

Nous avons tous les deux joué un jeu de cons.
Nous avons perdu, tous les deux.




Histoire débile de mal-communication, par deux personnes qui voulaient pourtant une relation fondée sur la franchise et la confiance. Mais parlait-on de la même chose ? Quelle franchise ? Quelle confiance ? Car nous voila à penser tous les deux que l'autre n'a pas fait preuve d'assez de franchise...

L'écriture nous a liés, elle nous a aussi séparés depuis que nous n'avons plus écrit à un rythme similaire. J'ai continué à jouer la carte de la transparence tandis qu'elle jouait à jeu caché. J'ai été trop honnête, trop confiant, trop sincère. Et trop naïf !

J'espérais qu'en me lisant elle comprendrait ma bonne volonté, mon souci d'honnêteté, ma responsabilisation dans nos dysfonctionnements. Elle a vu dans cette tentative d'influence la marque d'une manipulation. Mes aveux sincères m'ont même été retournés comme preuves à charge de ma non-sincérité. Ça devenait kafkaïen...
Vient ainsi un moment où plus rien ne fonctionne.

Elle a tout arrêté pour six mois, et finalement il n'y avait plus que ça à faire.
Il n'y avait plus de communication possible. J'ai fini par le comprendre et l'accepter.




Jusqu'à présent je n'avais jamais trouvé comment écrire ici mes ressentis sans parler de notre relation, donc forcément d'elle. D'un autre côté, puisqu'elle m'a imposé six mois de silence, je lui ai demandé de ne plus me lire. Ce que j'aurais dû faire depuis longtemps. Ainsi nous n'avons plus aucun contact, et cette fois réciproquement. Suis-je libre d'écrire pour autant ?

Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ce journal...
Je ne sais pas non plus si notre relation pourra se remettre un jour de tout ce processus d'auto-destruction...








Écriture libre



Mardi 21 février


Il serait idiot que je cesse d'écrire ici parce que quelque chose à changé. Au contraire me revoila libre, ou du moins beaucoup plus libre qu'avant puisque ne redoutant plus un regard particulier, ni ne cherchant à communiquer indirectement.

Libre... autant que je puis l'être dans cet espace où je ne suis plus un anonyme pour pas mal de gens. Mais je crois avoir su me protéger des interactions avec les lecteurs. Finalement... il n'y avait qu'une seule personne avec qui j'étais devenu beaucoup trop transparent. Avec vous, même ceux qui me lisent depuis le début, il y a longtemps que je n'évoque plus les affinités. Tenez, je n'ai même pas évoqué ma première vraie rencontre avec une blogueuse-amie, il y a quelques jours. Motus !

Il est certain que je ne raconterai jamais plus mes affinités particulières sur ce journal.



Les interrogations sur l'anonymat et l'écriture intime ont toujours intéressé les écrivants d'internet. Autrefois les diaristes, aujourd'hui les blogueurs. Coumarine y revient aujourdhui, en se demandant si elle ne devrait pas entreprendre un changement de cap, vu la notoriété de son blog et la limite à l'expression que constitue la connaissance de personnes du monde réel. Avec le désir de retrouver une "innocence" dans l'anonymat d'un autre site.

J'ai moi-même ouvert un carnet parallèle qui, en quelques mois, à connu un essor que je n'imaginais pas. Je me demandais si j'allais le laisser confidentiel, mais aujourd'hui il draine une audience au moins trois fois supérieur à ce que vous êtes en train de lire, et elle ne cesse de croître. Sa tonalité est beaucoup moins personnelle, même s'il m'arrive de verser dans une certaine intimité. 
Il m'est aussi arrivé d'écrire ailleurs, à quatre mains. Site secret où je pouvais être autre, tout en étant vraiment moi. Mais faire le sacrifice d'un lectorat conséquent est le prix à payer dès qu'on écrit sans le signaler au cercle habituel. J'avoue que ce n'est pas si facile... Non que je tienne à une grande notoriété, mais bon... je n'y suis pas insensible.

Sur internet on ne peut être intégralement soi sur un espace unique, tout comme dans la vie réelle. Je suis différent en famille, avec des amis, avec des collègues. N'avez vous jamais ressenti cette impression bizarre quand subitement deux sphères relationnelles distinctes se trouvent réunies ? Et la surprise de ceux que l'on connaît de longue date, qui se révèlent sous un jour inattendu parce qu'ils sont dans un autre cadre que celui des habitudes ?



Chez Coumarine, Alainx commente: « C'est un fonctionnement magique et infantile de penser que dans l'ordinaire des jours, si on se montre dans toute sa réalité on va être entièrement accepté. C'est absolument l'inverse qui se produira ». Exact, et il s'agit d'une naïveté que j'ai longtemps gardée. Je m'imaginais que la sincérité était une vertu. Et je pensais avoir trouvé avec internet un espace pour oser cette sincérité. J'ai rapidement déchanté... En devenant "connu" dans le petit monde des diaristes j'ai compris que je ne pouvais mélanger intime et présence publique. Quelques attaques portant sur mes point sensibles m'ont montré que je n'avais pas la carrure suffisante. Alainx dit encore: « Il est évident que dans la vie ordinaire il convient le plus souvent de cacher un certain nombre de ses états d'âme. Dans l'âpreté de la vie quotidienne, montrer sa vulnérabilité c'est montrer à l'autre le chemin pour nous poignarder ».
Les "coups de poignard" que j'ai reçu, somme toute assez rares, m'ont permis de mieux me positionner, en cernant les sujets que j'allais continue à développer et les espaces publics auxquels j'allais renoncer. J'ai fractionné mon identité. A chaque fois que j'ai procédé ainsi j'ai trouvé une liberté de ton, même si je me savais montrer différents personnages. Différentes facettes du même personnage. J'ai aussi appris à prendre du recul, à ne plus entrer dans le jeu de la sursensibilisation (tenter d'exprimer que ça me blessait...) qui ne faisait qu'aggraver les choses. Finalement j'ai perdu ma naïveté dans ce genre de situation, et il était préférable que ce soit sur internet plutôt que dans la vraie vie...

Je reste donc assez circonspect sur tout ce qui touche au dévoilement de soi et à l'expression de l'intime sur internet. Mais si je peux me permettre un conseil: évitez absolument de parler de ceux qui vous lisent si vous voulez garder votre liberté d'expression...






Pourquoi ma pensée ne peut-elle s'empêcher de me titiller ? Il y a deux ans j'étais depuis quelques jours chez elle... Séjour inoubliable, souvenirs innombrables mais indicibles... Douceurs passées.
Impression de songer à un passé tellement lointain, comme si elle était morte. Oui, c'est un peu ça: il y a quelque chose d'elle qui est mort.






Hauts et bas




Mercredi 22 février


J'ai beaucoup écrit autour de l'inexorable éloignement de mon ex-complice, ces derniers temps. Il est vrai que ça m'a énormément préoccupé. Pas facile de renoncer à ce qui fût pour moi une très belle amitié, dans laquelle j'avais tant investi. Ma première vraie amitié, en fait. Mais bon... la vie est ainsi faite. Rien d'autre à faire que d'accepter, tout ne peut pas se comprendre.
Il y aura donc le mystère des origines de l'univers, et le mystère de la disparition de... d'une vivante-morte (ben oui, elle m'a dit que celle que j'avais aimé était morte...).

Breeeef, passons à autre chose [je fais des efforts, hein ?]


Donc, après ce chapitre de séparation, voila celui de... l'autre séparation. Celle d'avec mon épouse. Ça approche. Ce sera dans quelques mois, si tout va comme prévu. Nous sommes au clair et tout devrait bien se passer. Il n'empêche que le jour où elle va déménager, ça risque de ne pas être follement joyeux. Je lisais récemment Tristana qui racontait cet épisode douloureux, et je m'imaginais ce que nous allons devoir vivre, avec Charlotte. Même si depuis tout juste un an nous ne vivons plus sous le même toit, la proximité reste une présence.
En ce moment je suis seul chez moi, et vais dans la "maison de Charlotte" (la maison familiale) le matin pour faire ma toilette. Elle est partie en vacances, avec notre dernier fils, et la maison est vide. Je pense alors à ce que ce sera dans quelques temps, lorsque je me retrouverai installé de nouveau dans cette maison... vide. C'est pas comme un déménagement, où on crée quelque chose de nouveau. Là je serai dans le cadre qui fût celui d'une vie de couple et de famille, mais tout seul. Beeeeuh... va falloir que je me trouve des activités pour rompre la monotonie et rencontrer du monde !


Je ne sais pas si ça se sent dans mes écrits, mais je suis un peu égaré dans ma vie, en ce moment. Double séparation, toujours pas de source de revenu suffisante pour assurer ma subsistance autonome, le grand flou pour ce qui est de mon avenir professionnel, une énergie vitale des plus réduites, un épuisement de fond... Parfois je pense à ces histoires de gens qui perdent tout et se retrouvent sous les ponts...
Ça serait con, hein, après avoir tout fait pour vivre pleinement.

Euh non, normalement j'aurais les ressources mentales suffisantes pour ne pas sombrer. Il n'empêche que c'est un peu inquiétant. Je me demande même comment je fais pour garder une assez bonne sérénité face à tout ça. C'est mon entourage qui s'inquiète... J'évite d'en parler, sinon on me presse de questions qui ravivent des angoisses.

Hum... ça sent un peu la déprime tout ça. Faut que je fasse gaffe.
Certainement les effets de la décompression après tant de mois à "espérer" retrouver mon amie-amoureuse. Je croyais vraiment que mes efforts finiraient par être récompensés avec une miraculeuse réconciliation [rêveur, va]... Et puis ce flop retentissant qui annule tout.
Ma satisfaction est de m'être battu jusqu'au plus loin [yeaaah !].

Heureusement que la vie de famille va très bien ! Les enfants sont en forme, épanouis, ont plein de projets de voyages. La vie s'ouvre devant eux. Ça fait vraiment plaisir à voir. Même si, avec le déploiement de leurs ailes, je les vois de moins en moins.






Mois de mars 2006