Novembre 2005

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Homme nouveau





Mercredi 2 novembre


Il semble qu'à la longue ma volonté d'authenticité et de sincérité finissent par avoir des résultats conformes à mes aspirations. Les amitiés qui se sont installées depuis plusieurs années, les liens forts qui continuent de se construire, m'apportent une vraie chaleur humaine. Je me sens loin de l'homme solitaire que j'étais, alors indissolublement lié à son épouse et redoutant de m'approcher des autres. De nombreux liens de confiance se sont établis, souvent via diverses sphères d'internet (mais pas seulement), et avec des modes de communication qui tendent à être toujours moins virtuels avec le temps. J'ose proposer des rencontres ou des échanges téléphoniques, sans appréhension.

Je dois reconnaître que ces proximités multiples m'auront été d'une grande aide pour traverser les épreuves successives de "séparation/dissociation/hibernation/distanciation/incompréhension" (rayer les mentions inutiles) qui ont passablement perturbé (et enrichi) mon parcours de vie. Et ce tout spécialement depuis que j'ai accepté de regarder toute la réalité des choses en face et de me confier à ce sujet. Le regard d'autrui est toujours une aide précieuse pour prendre du recul. Et changer de regard permet de mieux saisir tant un ensemble que des détails.

J'aime ces relations variées, presque exclusivement féminines. Chacune d'elle m'aide à comprendre la diversité des modes de pensée du sexe complémentaire, tout à fait intéressante pour un homme.

De ce fait ma vie d'accidenté convalescent se passe plutôt bien. Certes, après être tombé de haut je reste encore infirme, un peu disloqué et toujours amputé d'une partie du coeur, mais je retrouve chaque jour davantage de forces. Ce qui reste intact est solide et peut régénèrer la partie manquante. Si des déprimes passagères m'affectent encore, elles ne durent jamais bien longtemps. Peut-être aussi parce que j'ose aller vers ces amitiés et, en m'ouvrant en confiance, j'obtiens une aide qu'auparavant je ne sollicitais jamais. J'ai ainsi de très bonnes conversations, ou des échanges écrits approfondis et chaleureux, et je découvre beaucoup de belles personnes. C'est pour moi un grand plaisir, et cela confirme mon optimisme sur le "bon fond" de la plupart des gens que je cotoie. Il y a beaucoup de richesse et de bonne volonté pour vivre en harmonie avec l'autre chez ces personnes. C'est tout ce que j'aime...

Il est même amusant de constater que des incompréhensions sont parfois venues obscurcir temporairement ces liens naissants, mais lorsque les choses sont dites franchement, et acceptées, reconnues, pardonnées, ce sont des amitiés tout à coup plus solides qui s'établissent.

Tout cela m'aura fait réfléchir à certaines règles relationnelles exigeantes que j'avais cru devoir adopter. En matière relationnelle, comme pour tout autre domaine, trop d'exigence est invivable... Autrefois je me suis rendu la vie impossible à force d'exigence professionnelle et mon entourage en a subi les conséquences. Je n'irai plus dans ce perfectionnisme tyrannique, même pour vivre des relations de qualité, bien que je garde des objectifs élevés. Le droit à l'erreur existe, l'apprentissage est une démarche longue et tortueuse faite d'expériences à vivre. Je me suis perdu à vouloir aller trop vite, trop loin...

Je me suis perdu en ne me respectant pas. En n'étant plus moi-même...
Ou plutôt... ce que je suis m'a permis de ne pas aller contre ma nature. 
C'est tant mieux, puisque ainsi je me suis trouvé. Différent. Homme nouveau.

J'aime ce que je deviens.







Mue récalcitrante




Lundi 7 novembre


Comme l'an dernier à la même date, j'étais en déplacement professionnel ce week-end. Mon métier combine un changement cyclique et une régularité annuelle. Je retrouve à l'occasion de ces déplacements toujours les mêmes confrères. Et c'est au cours de ces rencontres renouvellées que des affinités se sont parfois installées au fil des ans. Je peux ainsi compter sur des liens assez forts, qui se sont établis surtout depuis que... je me dévoile. En osant sortir du strict cadre professionnel dans lequel les discussions se cantonnent généralement, j'ai ouvert des brêches pour des contacts plus personnels. Ces échanges ont souvent lieu un peu à l'écart des groupes, en tête à tête.

Il y a un an j'avais ainsi brisé la glace avec un homme dont je savais qu'il s'était séparé de son épouse. Il avait été vivement intéressé par mes demi-confidences à propos des relations virtuelles sur internet dont je sous-entendais qu'elles pouvaient aller assez loin... Ces deux sujets nous avaient rapprochés, avec des échanges de point de vue sur les relations amoureuses, de couple, et de séduction. Depuis nous gardons des contacts par téléphone, quoique assez espacés.

Hier nous nous sommes donc retrouvés au même lieu que l'automne précédent. Et sur des regards complices nous nous sommes mis à l'écart pour savoir où nous en étions. Il m'a dit qu'il me trouvait bien plus en forme que l'an dernier. Je lui ai confirmé ce désir de vivre retrouvé, même si les séquelles sont encore marquées et l'avenir nébuleux. De son côté il s'est dit en phase de déprime, sans plus aucune envie ni aspiration. Sans amour. Désabusé. C'est triste de constater ça sur quelqu'un qui était habituellement très jovial et expansif.

C'est dingue de voir dans quel état l'amour et ses complications peuvent mettre par terre des adultes déjà mûrs. Quel que soit l'âge les déceptions amoureuses laissent des traces marquantes, et davantage encore lorsque à mi-vie elles se sont mêlées à un tournant de l'existence. L'élan brisé, pour lui comme pour moi, occasionnent des remises en question très profondes. Point de passage obligé, sans doute.



Suite à cette rencontre, je suis allé relire ce que j'écrivais dans ce journal il y a un an, par curiosité. J'ai été surpris de constater que je découvrais tout juste ce qui, depuis, s'impose peu à peu comme une évidence: accepter et me responsabiliser. En un an je suis passé de la prise de conscience fugitive à l'intégration qui mène au changement. Pour l'efficacité de la mise en application je suppose qu'il faudra encore du temps... Mais qu'importe puisque j'ai trouvé le chemin.

En une année il pourrait donc sembler que je n'ai guère progressé. Dans les faits les changements sont encore peu perceptibles. Pourtant la différence est nette en moi. Je ne suis plus le même. J'ai opté pour le coté adulte d'autant plus que je me suis retrouvé "seul". En fait, depuis un an opère une mue particulièrement récalcitrante. Mon ancien égo enfantin, pauvre victime souffrante, s'accroche à une place dont il connaît tous les recoins et les ancrages. Mon égo d'adulte, responsable et agissant, essaie de le déloger. La lutte interne est difficile, longue. L'un est bourré d'habitudes et connait le terrain, l'autre doit défricher et faire ses expériences. Mais des territoires sont conquis, toujours plus durablement... 








Capter l'émotion




Mardi 8 novembre


Chaque matin je vais dans mon ex-maison pour accéder aux équipements sanitaires (la douche et les chiottes, quoi...) puisque je n'en dispose pas là où je vis. En fait je suis un peu dans un camping amélioré, avec des murs en dur et un toit. Et un lit. Et un ordinateur....
Parfois je croise ma future ex-épouse qui se réveille et nous échangeons nos impressions du moment. Ce matin elle me demandait comment ça allait et mon « ça va bien », quoique souriant, ne l'a pas vraiment convaincue. Elle me connaît bien et sent, mieux que moi, mon état profond. Alors, devant sa moue dubitative, je me suis "écouté" et j'ai entendu qu'effectivement quelque chose me travaillait.

C'est un truc que je ne sais pas faire, ça: capter spontanément mes émotions simples. Celles qui sont violentes ou particulièrement intenses m'envahissent à un point tel que je ne peux en faire abstraction. Mais celles qui sont beaucoup plus nuancées m'échappent. C'est dommage, parce que je sais que ce sont de précieux indicateurs de ma réceptivité et de ma capacité d'ouverture. Du temps ou je correspondais régulièrement avec ma complice d'outre-atlantique, elle aussi sentait souvent, même à distance, si quelque chose me titillait. Moi pas.

Ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert que le « manque de sincérité », pour lequel je me suis senti fautif a postériori, venait en fait de cette incapacité à ressentir en moi certains signes de mal-être diffus. Mon manque de franchise l'était d'abord vis à vis de moi-même. Comment aurais-je pu l'être avec mes partenaires ? J'ignore si c'est typiquement masculin que d'être ainsi coupé de ses émotions élémentaires, mais il est certain que je n'ai pas pu l'apprendre de mon père...

C'est à ce point inaccessible que même dans la démarche de réceptivité à toute ma part émotionnelle, je reste insensible à ces précieux indicateurs de discordance intérieure. Je n'ai pas appris à m'écouter. C'est comme si je n'avais pas d'oreilles actives pour ça. Comme si elles ne fonctionnaient pas tant qu'on ne m'y invite pas. La grande différence avec avant c'est que j'ai désormais la capacité de comprendre l'importance de ce langage émotionnel. Je sais qu'il est en moi, bien que je ne l'entende pas sans y être sollicité. Il me faut encore l'aide de personnes attentives et réceptives pour me signaler ce qui se voit sur mon visage, le froncement de mes sourcils, ou dans un silence un peu prolongé. J'espère qu'avec le temps je saurais capter ces signaux extrêmement importants pour entrer en relation saine avec l'autre. Ça pourrait m'éviter pas mal de malentendus...

Mal-entendus, diraient certains communicateurs.






Deux faces d'une médaille




Mercredi 9 novembre


Je crois que c'est parce que je ne veux pas faire porter sur l'autre le poids de mes émotions inquiètes que je les refoule. Je veux m'arranger tout seul avec ça, me contenir. Ne rien casser, aussi. La démarche est double: protéger l'autre et me protéger moi-même d'un possible rejet. Avec comme résultat une personnalité faussée, trop lissée, adoucie... mais qui finit par bouillir de l'intérieur et laisser sortir de temps en temps des jets de vapeur qui font des dégats.

Je n'ai pas encore trouvé la juste formule. Ne pas se contenir est intenable pour les autres s'il n'ont pas le recul suffisant (ce qui est une vertu rare), mais trop de contention mène à des déséquilibres internes sources de complications relationnelles.

Mais pourquoi est-ce si compliqué ?


Parfois je me dis qu'être fort (faut-il l'être ?) c'est ne pas faire porter sur autrui mes problèmes. D'autres fois je me dis qu'en parler est une preuve de maturité, donc de solidité. Mais comment dire des émotions "négatives" (peur, souffrance, colère...) sans entrainer chez l'autre un mouvement de repli, voire de rejet ? Je n'ai pas encore trouvé...

Je connais des tas de recettes lues dans des bouquins, mais les mettre en pratique au moment voulu demande un recul qui est précisément absent lorsque les émotions jaillissent en désordre et en excès. Parce que je ne les entends que lorsqu'elles sont assourdissantes. Donc trop tard.

Ce qui se passe depuis que je fais ma révolution intérieure c'est que j'abaisse le seuil de déclenchement. Je suis plus attentif à mes émotions et celles des autres et, peu à peu, très doucement, je constate que les situations conflictuelles diminuent et s'espacent. Les effets sont nets. Mais que c'est long...


Et puis... pourquoi vouloir "protéger" l'autre ?
N'est-il pas adulte et capable de se protéger tout seul ? L'autre voudrait me protéger de ses débordements qu'il n'y parviendrait pas. Parce qu'il me connait insuffisamment et ne saura jamais ce qui est touché en moi. C'est à moi de connaître mes limites de les affirmer, de me positionner. C'est à moi d'être adulte-responsable et non pas enfant-victime. Si d'autres ont ce comportement face à moi... c'est à eux d'en gérer les conséquences. Tout comme moi j'apprends à gérer les conséquences du mal-être que l'autre me renvoie. Surprotéger l'autre n'est pas lui rendre un service. C'est entretenir un lien de fragilité et de co-dépendance.

Exactement ce dont, inconsciemment, j'ai voulu m'émanciper dans mon couple conjugal...
Exactement ce que j'ai partiellement reproduit dans l'amorce de couple que je formais avec ma partenaire lointaine. J'en vois le résultat aujourd'hui.

Il y a une différence entre "protéger" et soutenir/accompagner. Protéger infantilise et empêche de grandir tandis qu'accompagner ne fait qu'apporter un soutien temporaire, une compréhension, une empathie, une aide pour que l'autre trouve son propre chemin. Les personnes qui m'ont le plus aidé à grandir ne sont pas celles qui ont voulu me protéger en me donnant des conseils. Ce sont celles qui m'ont simplement écouté et fait part de leur expérience. Sans me guider vers un chemin qu'elle estimaient bon pour moi, mais en me permettant de le découvrir seul. Ce sont les personnes qui ont fait confiance en ma capacité de discernement et de choix, sans projection de leurs propres peurs ou désirs.
C'est peu fréquent, il me semble, bien que j'ai la chance d'avoir su m'entourer de pas mal de ces personnes. C'est encore moins fréquent dans des relations de grande proximité puisque les phénomènes de résonnance sont alors amplifiés et le mal-être de l'un a tôt fait de réveiller des fragilités chez l'autre. Ouais, bon... il est évident que c'est ce qui s'est passé dans la relation de complicité que je partageais. A l'époque je n'en avais pas conscience.


La rencontre de deux êtres c'est comme deux côtés de médailles brillantes mise face à face. Il y a une sorte d'éblouissement et de fascination à se refléter l'une dans l'autre. Et puis peu à peu l'autre face de chacune des médailles se montre. Fugitivement, puis de plus en plus durablement. Comme si un équilibre entre les deux faces devait forcément être retrouvé. Plus le coté brillant aura été visible, plus le coté sombre devra durer ultérieurement pour compenser. Accepter l'autre, et s'accepter soi, c'est regarder ces faces sombres. Elles ont toujours là, vues ou invisibles. J'ai des cotés sombres, fragiles, endoloris, craintifs, faibles. Comme tout le monde. Comme mes partenaires. Je dois accepter de les voir, surtout ne pas refouler cette réalité. Mon amie nathalie a cette face sombre. Tout comme mon amie Charlotte. C'est en les acceptant que je peux les aimer telles qu'elles sont. Et c'est en acceptant les miennes que je peux me montrer et les laisser se déterminer en fonction de ce que je suis vraiment. Certainement pas en voulant cacher ce que je ne veux pas savoir de moi...
Je peux grandir avec les autres, à condition de me montrer tel que je suis afin que chacun se détermine en son âme et conscience. Bref, tenter l'amour mais sous une forme adulte. Autonome l'un de l'autre.



* * *




Aujourd'hui une amie de longue date a franchi l'Atlantique pour longtemps. C'est un beau et ambitieux projet qu'elle a su mener à son terme. Je la félicite pour sa détermination et lui souhaite tout le bonheur qu'elle mérite. Qu'ils méritent...

Il y a quelques jours une autre à fait le trajet inverse, avec les émotions qui accompagnent ce genre de séparation des corps et des sens..

Ainsi se croisent les amours transatlantiques.


Et toujours mon coeur vibre en y pensant. Même si...







Le silence, la mort et l'oubli





Jeudi 17 novembre


Quelques mots lus chez Eva, qui instantanément me frappent.
Elle les applique à l'écriture, qui permet de garder vivants les souvenirs bien mieux que le silence.
Je les transpose...


Le silence, c'est la mort et l'oubli


Lorsque c'est au sein d'une relation que le silence s'est installé, quel en est le sens ? Que signifie cette espacement de la communication alors que celle-ci est le fondement même d'une relation ? Les possibilités sont multiples...


Le silence, c'est la mort et l'oubli


Le silence relationnel est assurément un choix. Serait-ce alors celui d'une mort souhaitée? Celui de l'oubli ?
Ce n'est pas le mien. Depuis longtemps j'ai choisi de vivre, et d'évoluer en communiquant. Devrais-je cependant céder devant l'oubli, la mort, le silence ? Très contrariant ! J'ai besoin de communiquer pour comprendre, pour avancer. Pour me libérer. Dépasser la douleur d'une naïveté torpillée, confiance ingénue. En connaître les vrais motifs, les comprendre, les accepter. Pardonner.
Alors je persévère jusqu'à retrouver ma paix intérieure. Après le choc j'ai résisté afin de ne pas couler trop profondément. Ne pas la suivre. J'ai sorti la tête de l'eau avant de m'y noyer. D'ores et déjà je suis sauvé, je le sais. J'ai opté pour la vie. Envie de l'insuffler...


Le silence, c'est la mort et l'oubli


Ces quelque mots m'ont décidé à rompre le silence outrepassé. Ce n'était pas à moi de le faire, mais je ne laisserai pas l'oubli s'imposer sans résistance. J'irai jusqu'au bout de ce qui m'est possible... tout en m'efforçant de respecter le choix du silence. Car si le silence imposé est une violence... la parole imposée l'est tout autant. Trouver un délicat compromis réciproquement acceptable. Respect de l'un et de l'autre. Impossible pari ?

Une quarantaine de jours de silence, c'était nécessaire, mais suffisant. Je ne regrette pas de l'avoir interrompu. Ce rétablissement ponctuel du contact m'a permis de mieux comprendre et de donner du sens à ce qu'il est advenu entre nous. Je peux maintenant laisser de nouveau un temps de silence prendre place. Je respecte son besoin. Se mettre en quarantaine...

J'ai dit, répété, ce que je souhaitais. Ce en quoi je croyais. J'ai fait preuve de franchise et j'en ai demandé en retour. Assainir, éclaircir, alléger. Se positionner et s'affirmer. Écouter, parler, expliquer. Reconnaître et être reconnu. Accepter. Il n'y a ni tort ni raison, ni victime ni coupable. Seulement des blessures encore ouvertes. Échanger des clés de compréhension pour restaurer un peu de la confiance évanouie. Prendre le temps, ne pas forcer les choses. Accepter toutes les éventualités, même la mort et l'oubli. En parler, clairement. Dire les mots. Les entendre. Les sentir s'enfoncer en soi. Aïe. Regarder les choses en face. Être responsable et assumer ses choix. Réciproquement. Respecter l'autre dans sa douleur, dans ses peurs, dans ses faiblesses, dans ses névroses, dans ses besoins.

Aimer. Aider. S'entraider. Donner. Tendre la main, encore. Faire la moitié du chemin. Proposer la solidarité. Lutter pour y parvenir, lutter contre le silence qui isole, lutter contre les croyances. Contre le défaitisme et la résignation. Contre ce qui coupe et pour ce qui laisse des portes ouvertes. Petits cailloux déposés vers un chemin à découvrir, grains de sables pour tenter d'enrayer le mécanisme destructeur. Retrouver le désir de vivre. Tenter le lien autrement.

Et pour tout cet ensemble... accepter de ne pas convaincre. Percevoir des signes. Savoir que rien n'est gagné, mais pourtant continuer à y croire. Agir en ce sens... tout en acceptant le silence. Et la mort, et l'oubli que peut-être il engendrera...

Aucune promesse, aucun engagement. Juste le présent. Accepter l'incertitude et la liberté. Se libérer. 
Sans se perdre ?
C'est un défi, mais finalement... je crois qu'il me plaît.





Merci à Eva pour son involontaire contribution à mon avancée...








Voyage intérieur




Vendredi 18 novembre


Pas sûr que mon dernier texte ait été vraiment compréhensible. Style haché, phrases courtes. C'est comme ça qu'il m'est venu et que j'avais envie de l'écrire. Pas envie de me répandre, mais aller à l'essentiel. Pour moi c'est un jalon.

Il marque la fin de quelque chose, qui s'est mis en place durant la période de quarantaine. Je suis sorti de la souffrance et de la... soumission. Oui, j'ai décortiqué tout ça en détail et je sais maintenant que j'étais entré dans une relation de soumission, pour des tas de raisons que je n'évoquerai pas ici. 

Il y avait une logique à cela... et nous y avons participé à deux. Comme dans toute relation, les deux partenaires sont co-responsable de ce qu'elle devient. Or j'ai longtemps fait l'erreur de me sentir seul responsable de nos difficultés. Je me culpabilisais de ne pas parvenir au niveau requis, d'échouer, de rechuter. J'étais le mauvais élement, celui qui fait tout foirer. J'ai pris à ma charge bien plus que je n'aurais dû. Et j'ai même écrit pas mal de bêtises à ce sujet, notamment en "avouant" que je n'avais pas été assez sincère dans la relation. Je ne sais pas comment j'ai pu dire des choses pareilles, alors que j'étais au plus près de ce que je ressentais, avec une volonté farouche de la plus grande transparence. En fait, je comptais dans la "sincérité" toute la part de mon inconscient qui ne se dévoilait que peu à peu à ma propre perception. Je n'étais donc jamais tout à fait "sincère" dans l'absolu. Mais qui peut l'être ? Je ne connais personne qui le soit. C'est psychanalytiquement impossible. Et je sais que je suis allé très très loin dans la transparence. Trop loin, probablement...

Il y a une autre part, tout à fait accessible à la conscience, où j'ai peu à peu perdu de la sincérité, mais là... nous avons oeuvré à deux pour y aboutir. Il s'agit de la sincérité "émotionnelle", l'expression des ressentis, de tout ce qui peut poser problème. Elle est essentielle pour une relation saine. Je n'entrerai pas dans les détails, mais il est certain que ma partenaire est tout autant "responsable" que moi de cet échec relationnel. Co-responsables. Complices dans l'échec...

C'est hyper-important pour moi d'avoir pris conscience de cette co-responsabilité. Et surtout d'avoir osé la mettre à jour. C'est le signe que j'en suis sorti.



Ce travail de compréhension s'est fait en solitaire, ailleurs que sur ce journal (autocensure, le sujet étant impossible à évoquer en public). Je n'ai pas davantage pu aborder ce domaine avec ma partenaire, avec qui certains sujets sensibles étaient inabordables. Or il était la clé de notre échec...
Ce n'est que très récemment que j'ai pu en parler avec ma psy, puis dans des échanges qui m'ont permis de prendre du recul. Tout est alors devenu limpide.


Il m'aura fallu pour cela oser casser une certaine image que je tenais à conserver de notre "merveilleux" couple éphémère, dont la perte de l'amitié m'était tout autant inacceptable que celle de l'amour. Ne plus refouler mes émotions "négatives". Entrer en colère contre moi-même et cette stupide soumission. Abandonner aussi tous mes désirs de "retrouver" nathalie. Accepter que notre histoire amoureuse soit bel et bien terminée.

Tout un processus qui est à l'oeuvre depuis notre séparation et la mise à distance voulue, affirmée, et réitérée par ma partenaire. Seul dans la relation amoureuse, je ne pouvais que m'incliner. Vaincu.

Pas facile de désinvestir une relation qui avait accompagnée et portée un changement de vie, et dans laquelle j'avais investi autant de moi...

Pourtant j'ai su mettre à profit tout ce temps de souffrance pour en découvrir les origines. J'ai cartographié ma personnalité et y ait découvert bien des choses inconnues, forces et failles. Je me connais infiniment mieux maintenant. Si la première partie de notre relation, celle de l'émerveillement m'a fait prendre conscience de domaines inexplorés, la seconde partie, celle des désillusions, aura été tout aussi riche de découvertes. Finalement j'ai beaucoup appris de ce voyage intérieur.









Accepter





Samedi 19 novembre


Accepter...

Ce sont bien des mots, ça. Rien que des mots. Un raisonnement pour « lâcher prise »et « parce que c'est comme ça » et « qu'il faut bien continuer à vivre ». Mais dans le fond, dans le coeur, dans les tripes, ça ne marche pas comme ça. Accepter c'est tenter d'apaiser le coeur en l'endormant. Accepter c'est simplement une anesthésie. Un tranquilisant à long terme. A prendre à vie, peut-être.

L'amputation, elle, reste bien là. Et elle fait toujours mal.

Prends ton mal en patience, le temps fera son oeuvre, ne regarde pas la blessure... Accepte! Bien sûr que "j'accepte", avec le temps. Je me résigne en fait. Ce ne sont pas mes émotions qui acceptent c'est ma raison. Je me fais violence. Je ne retrouve la paix intérieure que par une violence sur moi-même. Ce n'est pas une vraie paix...

Parce que je n'oublie pas. Parce que je ne comprends pas. Les souvenirs doux sont une violence par leur absence. Les laisser revenir me fait mal autant qu'ils m'émerveillent. Regarder occasionnellement des photos reste un acte masochiste vite écourté. Certaines musiques sont bannies.

Bien sûr que, par un effort mental bien rôdé j'accepte l'étirement, la prise de distance, le silence, le pseudo-oubli. Oui, je m'y fais très bien, à force d'avoir essayé tant de pistes infructueuses. Je me raisonne, je me responsabilise, j'agis sur moi-même et ça marche. Oui, je me prépare, mentalement, à une perte qui sera peut-être un jour définitive. Je fais un travail de pré-deuil. Et viendra un moment où j'aurais bouffé suffisamment d'anesthésiants que je ne ressentirai plus la douleur. Hop, comme ça, un jour on aura coupé le contact. Définitivement. Souvenir de plus en plus "virtuel". Brouillard qui enveloppe tout. Le présent perdu se dissoudra dans un éternel passé. De plus en plus loin...

Silence, oubli, mort.
Putain mais... les émotions, le coeur, eux ils n'oublieront pas. Et la mort ne viendra qu'avec la mienne.

Tant que je n'aurais pas compris, avec mes émotions, avec mes sens, avec mon coeur, je ne retrouverai pas une vraie paix.

Comprendre.

Comprendre pour accepter vraiment, du fond du coeur. Comprendre pour vivre en paix.

Comprendre pourquoi on en est arrivés à se perdre, à s'éloigner. Qu'est-ce qui souffrait en chacun de nous pour qu'on se fasse du mal ? Qu'est-ce qui était touché et qu'on n'a pas su dire ? Qu'est-ce qu'on n'a pas écouté de l'autre, de ses non-dits, de ses mots imperceptibles, de ses silences ? Qu'est-ce qu'on a pas capté de son mal-être enfoui ? Qu'est-ce qu'on a pas compris en l'autre ? Pourquoi la confiance initiale s'est-elle muée en méfiance ?

Le langage que nous ne maîtrisions pas suffisament c'est celui des émotions. Celui qui demande une grande confiance, en soi et en l'autre. Celui qui met à nu. Celui qui est intense et chargé de sens. Celui de la rencontre intime et sublime de deux êtres.
Nous, deux hypersensibles bourrés d'émotions, peut-être trop pleins de ce qu'ils pouvaient partager...

Voila pourquoi le silence qui sépare a toujours été une violence pour moi. Il traçait des vides, déchirures que seule la parole pouvait réparer. Nous n'avons pas trouvé les bons mots. Les mots de l'autre. Le langage commun, ou du moins une traduction du langage de l'autre. La communication passe avant même la sincérité. Chercher la sincérité est inutile si on ne parle pas la même langue. On aura beau faire tous les efforts, se sentir injustement incompris, s'en révolter, tant qu'on n'a pas trouvé une langue commune on ne peut parvenir à l'harmonie.

Cette injustice mutuelle conduit à d'autres formes de violence, par désir de comprendre. Pour faire du sens, on applique sur l'autre notre propre grille de lecture, a défaut de comprendre la sienne. Violence qui lui est faite. On tente alors de "définir" l'autre à coup de « toi tu es comme-ci et comme-ça ». « Le Tu qui tue ». Poison violent distribué à petites doses supportables, mais qui s'accumule et finit par paralyser toute la communication.

Notre échec premier, c'est la mal-communication. Nous n'étions pas prêts à vivre quelque chose d'aussi fort. Ni l'un, ni l'autre.


Alors, maintenant, comment pourrais-je tourner la page, changer de chapitre, continuer le livre de ma vie, si je ne comprends pas ce qu'il devait m'enseigner? Je ne peux que revenir en arrière, relire, compulser chaque phrase incomprise... Tant que je n'aurais pas compris suffisamment, je ne serais pas en paix. Il ne me reste qu'à supposer, déduire, assembler des bribes, et peu à peu retracer l'intrigue mystérieuse. Comprendre le sens de tout cela...

Combien de temps me faudra t'il pour trouver les réponses à mes questions ?
Combien de temps avant de me résigner vraiment ?







Je veux être un homme heureux




Dimanche 20 novembre


J'écris ici par vagues. Alternance de périodes de silence et de logorrhées durant lesquelles des propos contradictoires peuvent apparaître d'un jour à l'autre [n'est-ce pas ?]. C'est alors le signe indéniable du franchissement d'une étape supplémentaire. Plusieurs modes de pensée cohabitent et se cherchent. Je peux dire quelque chose un jour et presque le contraire le lendemain [ah ouain?]. Ce n'est pas incohérent, juste des marques à prendre. Trouver le juste milieu. L'équilibre.

Il est certain qu'en ce moment c'est un grand basculement qui se produit. Tout un mode de pensée, bâti depuis avant mon adolescence, qui s'effondre pour quelque chose de nouveau que je ne connais pas encore bien. Ma vision des rapports de confiance se trouve complètement chamboulée. Bien des choses que j'avais énoncées ici comme autant de certitudes volent en éclat.

Simultanément, et ce n'est pas un hasard, je cède sur ce que j'avais voulu maintenir en vie. J'ai renoncé. Enfin...
J'ai renoncé à quelque chose devenu impossible, tout en continuant à croire à quelque chose d'autre d'éventuellement possible. Peut-être. Je n'y crois plus de la même façon. Je ne l'attends plus, bien que je le souhaite. Sans fausses illusions, toutefois. Disons que pour le moment y croire m'aide à mieux lâcher prise sur ce qui le nécessite... 
J'ai choisi d'accepter certaines choses incontournables. Ce n'est pas facile, comme en témoigne mon texte d'hier [écrit au réveil, après un rêve significatif], mais je n'ai pas le choix. Il me faut accepter de ne pas tout comprendre. Gnnnn... ardu pour l'homme avide de comprendre les relations humaines, difficile pour l'amoureux déchu... J'accepte que toute une part m'échappe, du moins pour le moment. Le temps et les discussions diversifiées continueront à me donner des éléments de réponses. Je ne peux qu'accepter que le moment n'est pas venu de terminer le puzzle.

Il me semble de plus en plus évident qu'avec ma partenaire nous n'étions pas dans la même démarche de rapprochement, pas dans la même vision à long terme. Il se peut que nous nous soyons trompés sur les intentions de l'autre. 
Ou pas.
Finalement je ne sais plus très bien que penser. Tant de choses importantes restaient dans le non-dit. Tant de mots peuvent avoir des sens différents entre celui qui le dit et celui qui les entend...
Il aurait fallu pouvoir préciser, vérifier, développer. Nuancer... Trouver le mot juste, le langage commun. Insister. Ça prenait du temps, peut-être trop. Pourquoi n'est-ce qu'après que je m'en rends compte ? Bah, au moins j'aurais appris cela...



De toutes façons, il va bien falloir que je sorte de cette problématique. J'ai autre chose à vivre maintenant. J'ai tout simplement à vivre en paix. Et puis laisser ma partenaire se reconstruire en paix, elle aussi... Le temps qu'il lui faudra. Arhhh, j'aurais bien aimé qu'on s'accompagne de plus près dans la séparation, comme cela se passe dans mon couple conjugal. Davantage solidaires dans la séparation [c'est mon leitmotiv...]. Mais que je ne joue pas trop la victime: nous avons tout de même eu de bons contacts depuis notre "suspension", du dialogue prolongé et approfondi, renouvellé. C'est bien. C'est satisfaisant. M'a bien fallu quémander un peu... mais elle me l'a accordé sans mauvaise volonté [merci...]. Il était essentiel pour moi que cette suite existe. Cela m'a grandement aidé à remonter la pente et ne pas désespérer de la confiance établie entre deux êtres. Je ne sais pas à quelle profondeur je me serais enterré si le contact avait été rompu aussi brutalement qu'elle l'avait demandé initialement... Ç'aurait été catastrophique pour moi, je le sais.



Je crois que tout ce temps passé à brâmer mon incompréhension, à lutter entre ma volonté d'accepter dignement et avec sagesse [bombe le torse...] et la rebellion de mes émotions, à explorer en long et en large le conditionnement de ma pensée... oui, je crois que cela m'a permis d'aller suffisamment loin en moi. Honnêtement, j'en ai marre de penser encore à ça. D'écrire encore et encore sur les suites d'une relation autrefois "magique" et partie en déconfiture. C'est devenu depuis longtemps gluant de sentiments écorchés [rhôlala, quelle image j'ai donnée de moi...]. Pouark, assez de tout ça !

Il me faudra pourtant aller jusqu'au bout. Jusqu'à l'overdose. Peut-être pas ici [ça serait mieux pas...]. Je ne sais pas...

Et puis... et puis c'est injuste de parler de façon univoque d'une relation. Je n'aime pas le faire. Pas envie de blesser, ni de fausser l'interprétation par ma subjectivité. Vous voulez un conseil ? Ne tenez jamais de journal intime en ligne sous les yeux de votre partenaire amoureux(se). Et surtout pas si celle-ci est "indentifiable". J'ai tenté l'expérience pour vous: c'est une folie dès que tout n'est plus idyllique. Ou alors... faites comme ceux qui ne parlent pas de leur relation.



Je sais que celle que j'ai aimé n'existe plus. Elle est "morte" en reprenant l'avion, selon ses propres dires. Mort délibérée, "suicide", mais le résultat est le même. Dès lors, il est certain que pour une large part je ne puis plus comprendre puisque ce n'est plus vraiment la même personne avec qui j'ai des contacts occasionnels. 
L'amour est mort. Soit. L'amitié originelle reste t-elle possible ? Je l'ignore encore. Je ne sais pas vraiment si elle est désirée, mais apparemment pas en ce moment. Seulement de loin en loin. Pas sûr qu'elle puisse perdurer. Et pourtant... et pourtant... non, je ne peux pas parler de ce qu'elle me disait. Tant de choses dont je ne peux pas parler ici. Par évident respect pour elle. Tant de choses qui expliquent pourquoi nous en sommes arrivés là.

Peut-être est-ce toute cette part de l'indicible qui fait que je ressens encore le besoin d'écrire. Parce que je ne veux pas être "celui qui n'a pas pu aller jusqu'au bout de ses désirs". Celui qui aurait "abandonné" par manque d'audace et de détermination. Il y avait des raisons à cela. Des tas de raisons que je ne peux pas évoquer publiquement. Injustice [acceptée...] d'une expression trop longtemps unilatérale, d'un dévoilement de soi sans pouvoir évoquer trop en détail l'autre part de la relation. Je me suis égaré dans cette expérience de sincérité publique sous le regard de quelqu'un que je m'efforcais de préserver. Parce que je ne voulais pas qu'elle puisse être perçue comme la "méchante", même si moi je glapissait ma souffrance. C'est bien moi qui ait accepté cette situation, alors que j'aurais pu tirer un trait immédiatement, "oublier", et passer à autre chose. J'ai choisi de "m'accrocher", parce que j'y croyais envers et contre tout. C'était mon choix. Le sien pouvait être tout autre, sans qu'il n'y ait aucun jugement à porter. La vie est ainsi faite, pas toujours comme on l'aurait aimé.




En marge de cette écriture corsetée, je m'interroge une fois de plus sur le devenir de ce journal. Parfois il m'aide à me libèrer et à m'explorer, et bien d'autres fois je le sens m'aliéner. Si je me taisais ici, comment mes pensées évolueraient-elles ? Parfois je suis satisfait de décrire de quelle façon j'avance, j'aime me voir surmonter mois après mois cette épreuve. J'aime aussi en témoigner. D'autres fois je ressens des bouffées de honte en songeant à l'impudeur de cet acharnement pour une cause perdue. Ou bien je me sens très mal à l'aise d'avoir pu donner une image négative de ma partenaire... Ça me surprend malgré moi, ça m'échappe, parce que je me sens déçu et meurtri. Mais au fond je sais bien que c'est à moi de travailler sur ces sentiments. Il faut pourtant que je les exprime, que j'accepte de les ressentir pour les regarder dans le blanc des yeux.

Et puis ce journal est tellement "faux", parce que non représentatif de ce qu'est ma vie. Il hypertrophie mes préoccupations, certes réelles et prenantes, et occulte la majeure partie de mon existence. Ma vie n'est pas faite que de ce dont je parle ici... Hors de tout ça mon existence est heureuse. Et même avec ça elle le redevient peu à peu. Parce que je le veux.

Cette écriture n'est pas facile. C'est un vrai travail exploratoire et de mise à nu. J'y gagne de l'assurance, une connaissance, une affirmation de ce que je suis. De plus en plus mes réflexions se font pourtant hors de ce journal. Soit en correspondance avec des confidentes qui m'offrent leur aide pour "comprendre", soit en écrivant des textes que je ne mets pas en ligne. A peu près un sur deux, actuellement. Tous ceux que je trouve trop "puissants" ou trop intimes, ou encore marques de moments de faiblesse. Je privilégie souvent ceux où je me sens bien, surmontant l'adversité de façon positive. C'est un axe de vie que j'entends bien suivre autant qu'il m'est possible.


Comme le dit William Sheller « Je veux être un homme heureux... »


[Mais oui, mais oui, j'y arriverai...]







Changer de soupe





Mercredi 23 novembre


Crrrr... crrrr... crrr... schlonk ! ziiiiim paf boum!
[ça c'est le bruit d'un mécanisme coincé qui se débloque]

J'ai compris !

J'ai compris plein de choses. Plein, plein, plein !
Faut dire que c'était pas mon genre « d'accepter de ne pas comprendre ». Pas du tout mon genre ! C'est même antinomique à ma constitution. Quasiment une insulte que je me faisais. Je suis un chercheur de sens, un explorateur des pensées et accepter de me trouver devant un mur d'incompréhensions, ça ne me convenait décidément pas. Oooh que non !

Bon, il aura quand même fallu que je me résigne, vaincu, pour que, comme par magie, le bidule se décoince. Scrouiiiik... une porte s'est ouverte dans le mur.

J'avoue que j'ai été aidé. Les amitiés plurielles ça sert quand on est perdu. Des regards extérieurs, ce sont d'autres éclairages croisés sur les recoins obscurs, oubliés, négligés. Ce sont des propositions de nouveaux axes de recherche. Ce sont aussi des épaules compatissantes sur lesquelles on peut décharger quelques émotions ou libérer quelques colères. Merci...

Alors ben euh... voila. J'ai compris. Mais je ne vais pas le disséquer là devant vous. Non, finalement ça ne regarde que moi. C'était juste pour dire que ça me faisait beaucoup de bien. Ouuuufff !

Ah si, quand même: tout ça c'est encore, et bien évidemment, un problème de com-mu-ni-ca-tion. De modes d'expression qui ne sont pas en phase. C'est... ben finalement c'est tout con ! Je peux tout comprendre, faut pas croire. Je peux tout comprendre si on me parle dans un langage assimilable. Je suis le genre de gars qui comprend vite... même s'il faut m'expliquer longtemps [ouais bon...]. Je suis un précis, un rigoureux, et il me faut les bons mots pour que je comprenne bien. Pas d'approximations, pas d'ellipses, pas de demi-vérités, pas de faux-fuyants... ça je ne comprends pas. Moi il me faut du bien franc, bien complet, sans entourloupe et sens cachés. Là, au moins, j'ai les moyens de comprendre et de réagir. Mais le flou, non merci, ça disperse ma réflexion. Elle part alors dans toutes les directions et explore tous les sens possibles (et Dieu sait qu'il y en a...). Ma mémoire vive sature, rame, lance des programmes de recherche aléatoire, et le processus de compréhension se perd en conjectures oiseuses.

Ouais, faut bien me dire les choses en face pour que je puisse agir en responsable. Pas attendre que je sois perdu. Sinon j'ai encore plus de questions dans la tête, qui demandent encore plus d'explications. Et... je m'accroche pour les obtenir... Pour donner du sens à ce qui n'en a pas.

En fait, tout ce dont j'ai besoin, c'est de savoir vers où je me dirige. Si je ne sais pas, ça m'inquiète. J'ai besoin d'objectifs lointains pour que je puisse trouver le chemin qui me convient pour y parvenir, quelle que soit sa longueur. J'ai besoin de connaître la carte, aussi imprécise soit-elle. Que je sache vers quoi je m'engage, quelles seront les difficultés à venir, où se situent les secteurs inexplorés. Que je maîtrise les données, et en temps réel, à défaut de la situation et des aléas.

Et là, seulement, je peux me conduire en homme. Et avoir confiance en moi. Et être digne de confiance...




* * *





Discussion avec ma soeur, tout à l'heure. On parlait des relations en général et de la profondeur des discussions. Elle a fini par me dire que j'étais comme un gastronome à qui on proposerait un plat surgelé ou une choucroute en boite. C'est bouffable, mais au niveau gustatif... ça ne me réjouit pas. Pour les conversations c'est pareil: j'aime ce qui est un peu recherché, approfondi, ce qui a mitonné dans la tête de mes interlocuteurs. Pas du réchauffé, pas du standard insipide, mais quelque chose d'original, de surprenant, de rare. Oui, j'aime les échanges savoureux, qui sont personnalisés, dans lequel on met de soi et la petite dose d'émotion qui relève le plat. C'est pour ça que parfois je ne suis pas bavard et d'autres fois intarissable. J'aime être enrichi par les relations que j'ai... et les enrichir si possible. Je ne dédaigne pas le plaisir de voir que l'on est parfois pendu à mes lèvres...

Tiens... ben c'est peut-être un peu comme ce que j'écris ici. Vos petits yeux discrets absorbent ma soupe sans rechigner, peut-être par habitude (quoique pas mal de monde ait quitté la salle...). Mais depuis un certain temps je me demande comment vous pouvez encore bouffer cette soupe archi-réchauffée. C'est une impression ou elle sent le faisandé ? Non ? Vous sentez pas ?


Madre mia, mais c'est pas de la gastronomie ça !
Allez, à la poubelle la soupe rance !








Le miroir dans la gueule





Jeudi 24 novembre


Je ne sais pas si je peux l'assimiler à la sortie d'un labyrinthe de verre (ou palais des glaces), mais en ce moment je me heurte à pas mal d'obstacles inattendus. Comme si je voyais la porte de sortie, mais qu'il me reste encore pas mal de vitres à contourner. Ce qui fait que je me cogne un peu partout, mais que j'y retourne joyeusement en sachant que la délivrance est proche. Je suis plein d'ecchymoses, mais ça ne me décourage pas. Même si euh... ben il m'arrive encore de pleurer de découragement. Mais ça ne dure pas, hé hé. Au contraire, de laisser venir mes émotions m'allège [ça pèse lourd, les larmes] et me permet de mieux voir. Et c'est reparti, tout guilleret.

En fait je m'écrase souvent la gueule sur un miroir. J'avance en sifflottant et tout d'un coup sbunk! un coup de miroir dans la gueule ! Merde, c'est moi ça ? Je suis comme ça? Ben oui...
Ouille, ça fait mal.

Dernier en date: le décalage qui existe entre mes paroles et mes actes. Oh la la, il fait très mal celui-là ! Je me regarde, penaud, et... ben oui, c'est bien moi. Plus habile dans les mots que dans la réalité. C'est facile d'énoncer des trucs soit disant "compris", mais nettement plus difficile de s'y conformer. Je cogite, j'avance, je trouve... mais d'abord dans la tête. La mise en pratique demande un délai parfois assez... long. Je ne sais pas si c'est dû à une lenteur intrinsèque au fonctionnement de mon encéphale [ouais, ben c'est du matériel inamovible, faut faire avec...], ou au fait que j'ai besoin d'un temps d'exploration circulaire du nouveau palier atteint, mais il est certain que l'effet d'une pensée nouvelle ne se manifeste pas avant des jours, des semaines, des mois.

Aille... c'est fâcheux. Me sens pas bien fier de moi avec tout ça. Parce que mes paroles peuvent faire illusion auprès d'autrui (et de moi-même, bien sûr). On pourrait croire que je suis prêt à vivre ce que j'énonce (moi j'y crois), alors que ce n'est encore que... virtuel. Un objectif sur lequel je travaille, mais que je suis incapable d'atteindre sur le moment. Bon, oui, ça peut expliquer pas mal des complications que je vis avec autrui [soupir...].

Un point important à travailler, donc, et surtout à prendre en compte. Parce que je crois que c'est mon mode de fonctionnement, et ça le restera longtemps. Là je suis réaliste, hein ?
[mais là encore, le dire ne signifie pas que je suis capable de le faire ! Aaaarghhh...]




En fait c'est un peu dans le même genre que ce que j'énoncais hier: « je comprends vite mais faut m'expliquer longtemps ». Non, en fait, ce serait plutôt: « je comprends vite mais il me faut longtemps pour assimiler ». Toujours ce décalage entre la raison et les "émotions". Le cérébral et les tripes. La pensée et les actes.

" Le faire est révélateur de l'être " (Jean-Paul Sartre).
Boooon, okééééé, j'ai compris... [se cache sous la table]

Charlotte me dit souvent que je suis théorique, alors qu'elle est dans le pratique, le terre à terre. Ouais... moi je plane un peu, c'est vrai. En fait il faut un peu des deux: tendre à élever ses idées, mais garder les pieds sur terre. Je ne les ai pas toujours. Curieusement, il arrivait entre nous que ce soit exactement l'inverse: moi vachement cartésien et pragmatique et elle la tête dans les nuages à rêver de trucs que je décretais "impossibles" (parce que je ne m'en sentais pas capable, en fait). Frictions inévitables, quelle que soit la posture que l'on ait respectivement, chacun reprochant à l'autre de ne pas se rendre compte des réalités ou au contraire d'être bien trop refroidissant et briseur d'élans. Hmoui... serions nous tous un peu contradictoires ?




Tiens parlant de contradictions, j'en ai relevé une autre dans mon texte d'hier. J'ai écrit que je n'aimais pas le flou. Paf, flagrant délit ! Combien de fois ai-je clamé que j'aimais les zones floues, les entre-deux, les nuances ?
Euh... comment se fait-ce ?
D'abord un mot imprécis: c'est pas le flou que je n'aime pas, c'est le brouillard. C'est pas pareil. Mais pas de pirouette: j'ai quand même bien exprimé une contradiction. Alors euh... ben en fait ça dépend des situations. Parfois le flou me plaît parce qu'il permet toute latitude évolutive, il n'enferme pas dans des catégories, ne limite pas la pensée. Vachement important pour le "chercheur" que j'essaie d'être [j'ai pas dit que je trouvais grand chose, hein...].
Parfois le flou (brouillard) me trouble, me perd, parce qu'il y a trop de champs à explorer [explorer des champs dans le brouillard ?]. Alors j'ai besoin de repères solides pour baliser le champ exploratoire. En montagne on place des "Cairns" pour éviter de se perdre dans le brouillard. Des tas de cailloux disposés à espacement régulier, que chaque randonneur entretien en rajoutant sa pierre. C'est vachement utile si on ne veut pas s'égarer et risquer de tomber d'une falaise.

Donc parfois du flou, quand il est important de ne pas se limiter, mais parfois du net, quand au contraire il y a danger de sortir du chemin. C'est pourtant simple, non ?







Elle est pas bonne ma soupe ?!!





Vendredi 25 novembre


Lecteurs, lectrices,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs...


Euh... quand ma soupe elle est pas bonne, vous pouvez me le dire ! Si elle vous donne des haut-le-coeur ou des acidités gastriques, vous pouvez vous plaindre auprès du cuistôt. Oui, vous pouvez aussi partir, c'est vrai...

Mais vous voyez, pour moi cette écriture publique c'est une sorte de partenariat. Un "deal" entre vous et moi: j'écris, je fais ma petite cuisine à mon goût, mais bon... faut aussi que ça vous plaise quand même, hein ? Je vous assure, si vous me le signalez ça peut m'aider à constater que ma soupe est effectivement dégueulasse. Si, si, j'vous jure. Regardez, sur mon blog j'écris pas pareil, parce que je sais qu'on me lit, grâce aux commentaires. Je fais un peu plus gaffe à ce que je dis, je me tiens bien, je m'habille propre... Tandis qu'ici j'ouvre les vannes, je laisse aller mon inspiration. Et faut avouer que parfois ben... je ne suis pas très inspiré. Plutôt aspiré dans les tréfonds de mon égo renaissant.

Ouais, mes turpitudes brassent quelques remugles... Moi je m'y suis habitué (si on peut dire...) mais pour vous c'est pas très chouette. Enfin je sais pas... peut-être que ça vous plaît aussi? Faut croire, sinon vous ne seriez plus là.

C'est une lectrice [merci] qui a profité de mon texte sur la mauvaise soupe pour me dire qu'effectivement elle n'était pas bonne...  Mais personne d'autre ne me l'avait signalé auparavant ! A moins que mon lectorat ne soit plus constitué que par les égarés des aiguillages hasardeux de Google... [là je vais rameuter tous les amateurs de soupe aux remugles, par exemple...]
Tiens, oui: l'illusion des lecteurs, comptés dans les statistiques de fréquentation du site mais qui en fait ne restent qu'une seconde en constatant que ce n'est pas ce qu'ils cherchent.

Naaan, je sais bien qu'il y en a qui me lisent régulièrement. Patiemment...
[Qui a dit "religieusement" ?]



Oh... puis je vais vous dire: il fallait que je passe par là. Il fallait que je me retrouve coincé dans cette écriture merdique pour comprendre que... ben je brassais de la merde. Ouais, c'est vrai, j'étais dans la merde. C'est comme ça, il y a des moments dans la vie où on s'entête dans de mauvaises voies [d'égout ?]. C'est chiant, c'est douloureux, mais faut y passer. En fait c'est une bonne colique [woooaah, t'es dégueu !!!]. Alors c'est sûr qu'en public, c'est pas très ragoûtant...

Bon, désolé... je tacherai de faire mieux maintenant. Normalement c'est bon, j'ai passé un cap [croise les doigts]. Je me suis euh... décongestionné de tout un tas de trucs pas clairs [diarrhée suite à indigestion ? Beuèèrk...]. Et ça va vachement bien depuis ! Si si, j'vous assure. J'me sens léger. Vrai de vrai. Me reste plus qu'à le prouver, hein ! Pas jouer entre le cérébral et l'émotionnel.

Alors si je dérape, faites-moi signe. Je vous en serai reconnaissant...





Bon, je dis ça... et en même temps j'aime pas trop qu'on me dise comment je devrais agir...







Satisfaction paternelle




Samedi 26 novembre


Allez, aujourd'hui je vous invite au restaurant !
Enfin... je vous invite à me suivre au restaurant. Avec mon grand fiston. Ben oui, j'ai des enfants, même si j'en parle peu. Mais j'évoque évoquais ici surtout ce qui me turlupine. Mes enfants ne me turlupinent pas. Ils vont bien, ils sont beaux. Bien dans leur tête, bien dans leur peau [pas comme leur père, hé hé...]. Mais oui, comme leur père... bientôt !

Or donc, j'ai invité mon fils au restau, dans la ville où il est étudiant. Avec des ex-inconnus devenus amis, il habite dans une immense colocation. Ils ne sont pas loin de quinze dans cette "Auberge espagnole", que j'ai visitée pour la première fois ce jeudi. Une vieille maison bourgeoise passablement défraichie, aménagée en petites chambres. C'est cool, sympa, chaleureux et vivant. Les portes sont toutes plus ou moins ouvertes, et on sent qu'il y a de la circulation permanente. Les uns chez les autres, en petits groupes en train de rigoler ou de discuter. De travailler aussi, je suppose. Il y avait de mignonnes jeunes filles [arghhh, que je me sens vieux parfois...], avec qui mon fiston discutait quand je suis arrivé. Il m'a fait visiter sa chambre, supersympa avec des tentures indiennes au plafond, aux murs. Des posters, des photos. De la musique agréable. Je me suis senti bien dans son antre. Lui était un peu désorienté par cette confrontation impromptue entre "la famille" et "les copains". Deux univers qui s'interpénètrent...

Je n'étais jamais allé le voir parce que la ville où il réside n'est pas très loin, à moins de 45 minutes de trajet. Il ne reste absent que les cinq jours de la semaine, ce qui est finalement vite passé. Mais maintenant que son amoureuse est partie étudier dans un pays limitrophe, il va parfois la rejoindre pour le week-end, ce qui fait que nous le/les voyons moins. Alors hop, je lui ai proposé cette soirée entre père et fils. Une première. Il a accepté très volontiers.

Nous nous sommes trouvé un retaurant sympa et bien chaud, dans la nuit glaciale qui règne actuellement. Tête à tête tranquille sous lumière tamisée, un peu comme il m'arrive de le faire lorsque je rencontre mes amies d'internet. Ça m'amuse de constater comme en quelques années j'ai "appris" à sortir. Et grâce à ce soit-disant «monde virtuel qui coupe de la réalité» ! 
Les sujets de conversation n'ont pas manqué, et se sont naturellement orientés vers nos centres d'intérêt communs. Souvent euh... dans le domaine du relationnel [comme c'est surprenant !]. Les rapports entre les gens, l'affirmation de soi, la prise de position... Mon fils est en troisième année de sociologie, certainement pas par hasard. Et devinez ce qui l'a inspiré pour son mémoire de fin d'année ? Hmmm ? "Les communautés virtuelles" ! Comique, non ? Moi ça me plaît. D'ailleurs il m'avait très sérieusement et officiellement interviewé il y a quelques temps, connaissant ma *petite* expérience en la matière. Trois quarts d'heure non-stop d'enregistrement. Je ne savais même pas que j'en avais autant à dire sur le sujet. Le pauvre a été submergé par tant de "matière", qui lui a presque trop élargi son champ d'investigation. Il y avait des tas de ramifications qu'il n'avait pas soupçonnées. Ce qui fait qu'il a encore du mal à bien cerner l'axe principal qu'il va approfondir. Mais il a un autre recul que moi sur la démarche, s'appuyant sur des travaux antérieurs de chercheurs. Lui ne peut pas rester sur du ressenti, et doit étayer ses arguments.

Autre sujet commun: les relations sentimentales. D'une certaine façon nous retrouvons certaines préoccupations, et davantage encore depuis que son amoureuse est à distance. Il a aussi un regard décalé sur ce qu'est devenu le couple de ses parents, et est particulièrement vigilant sur la nécessaire liberté qui doit accompagner l'attachement sentimental. Ne pas se perdre en l'autre, rester soi-même, jusqu'où aller dans les concessions, etc... Tout ce que j'ai découvert tardivement, lui le sait déjà. Tant mieux ! Le sujet nous passionne, et ma récente expérience, directement en rapport avec l'idée de liberté me donne une certaine... assurance. Mais son vécu personnel, après quatre ans de couple "autonome" est tout à fait intéressante. Je me sentais presque "d'homme à homme" avec lui, même si pendant longtemps mes années de vies et la maturité qui va avec feront une certaine différence.

Il est bien ce petit. Bien contruit dans sa tête, qui est bien sur ses épaules. Ouais... je suis fier de notre travail de parents.

Il m'a quand même très justement fait remarquer que pendant longtemps nous, Charlotte et moi, avions été plutôt consensuels. Dans la recherche du compromis, de l'accord... Pas vraiment contestataires vis à vis des choses établie. Ouais... il a pas tort. Il sent déjà que ça l'a un peu influencé dans sa jeunesse. Même si depuis quelques années il voit bien que nous avons remis en question pas mal de choses. Et de plus en plus. Pour moi la prise de conscience aura été tardive: moins d'une dizaines d'années. Et il reste une sacrée inertie ! C'est dingue comme il est difficile de se sortir de ce genre de choses, apprises depuis le plus jeune âge. C'est inflitré tout partout et il faut une sacrée vigilance pour "sortir du moule". On m'a appris à ne pas faire de vagues, accepter docilement. J'ai utilisé le terme "béni-oui-oui"... Ben oui, c'est comme ça qu'on m'a appris à être. Il est de ma responsabilité de m'en dégager. Et surtout d'éveiller mes enfant à ne pas se conformer à ce qui est considéré comme allant de soi. Toujours garder un regard critique sur la société et les systèmes culturel, économique, médiatique, politique. Il semble qu'ils fassent mieux que nous, assez largement autonomes dans leurs idées. Hautement capables de se remettre en question, de dire "je", même si c'est différent de ce que pense une majorité.


Mon fils a été très content de notre soirée, et m'en a remercié. Je crois que ça a apporté un petit plus dans notre complicité. Et... je me demande si j'aurais eu cette initiative d'une soirée entre hommes quand j'étais encore en couple... Non, je ne me demande pas: ça ne me serait sans doute pas venu à l'idée... Pfff...


Voila, c'était le menu du jour: une auto-satisfaction paternelle...






Sabro-laser





Dimanche 27 novembre


La période de grosse activité professionnelle se calme et j'ai retrouvé le plaisir des week-end passés en famille plutôt qu'en vadrouille solitaire à des centaines de kilomètres de chez moi. Je dis "en famille", parce que c'est généralement ainsi qu'ils se déroulent. Charlotte me propose souvent de prendre un ou plusieurs repas avec eux. Tout le monde apprécie et c'est plus facile que de les faire venir dans ma maison un peu délabrée. Surtout lorsqu'il fait froid. Mon poële à bois peine à maintenir une température confortable. Et si moi je m'en accomode pour prendre rapidement mes repas avant de remonter dans ma chambre-bureau bien chauffée, c'est quand même peu attrayant pour les autres.

Je suis donc "invité", mais je ne mets pas les pieds sous la table en arrivant, hein. La préparation du repas se fait en commun, voire à ma charge. Hier et aujourd'hui j'avais une excellente raison d'être "invité": j'ai passé pas mal d'heures à aider Charlotte à la rédaction d'un mémoire (elle suit une formation professionnelle).
Il semble que j'ai acquis une certaine aisance dans l'écriture, et ce qui pour elle est à la fois agaçant et complexe (la mise en forme du texte, la fluidité, la compréhension) me vient avec autant de facilité que de plaisir. J'aime écrire, j'aime choisir les mots et trouver des tournures à la fois claires et précises. Un vrai régal ! Alors en partant du fond, du contenu qu'elle a élaboré, je reformule de façon la plus lisible possible. Ne serait-ce que pour aider le quasi-néophyte que je suis à comprendre le sens des sujets qu'elle développe de façon assez... anarchique. Oh, en fait je ne suis pas totalement ignare puisque voila pas mal d'années qu'elle m'en parle, qu'elle se documente, qu'elle apporte des livres sur un sujet qui ne me laisse pas insensible: la fin de vie. L'accompagnement aux mourants. Ce que je lis dans ses bouquins ou articles, en piochant un peu au hasard, me passionne. Le sens de la vie lorsqu'on s'approche de son terme n'est finalement vu qu'avec plus d'acuité que lorsqu'on feint d'oublier la mort. Les grandes questions philosophiques ne diffèrent pas selon la distance qui reste à parcourir, mais elle prennent une autre saveur lorsqu'on sait qu'il reste peu de temps pour les résoudre l'esprit en paix. Bref: réfléchir sur l'altération des capacités vitales, sur les liens familiaux mis en jeu, et sur la mort, influe directement sur mon désir de vivre.



Où en étais-je ? Ah oui: week-end en famille. En grande partie en restant au chaud, vu la neige qui a recouvert le paysage. Nos deux étudiants étaient là, ainsi que le benjamin. Ma fille m'a accueilli le matin avec ses amabilités habituelles: «Salut, vieille peau !». Ouais, c'est son petit plaisir de me donner de charmants sobriquets. Ça aurait pu être "vieille bique", ou "vieux crouton". C'est souvent "vieux-quelque-chose", de toutes façons. Je lui réponds parfois qu'elle pourrait avoir un peu de respect pour son père... ce à quoi elle me rétorque «Oh, ta gueule vieux décati », ou autre réplique similaire. Son imagination est fertile. Dans son dernier mail elle commençait par un « Salut croûte molle », et me saluait par un «Tchao mon baluchon rapiécé », sans qu'il n'y ait aucun sens caché à découvrir. C'est devenu un jeu entre nous, et je ne me prive pas de lui répondre avec la même teneur.
Hier midi, tandis que Charlotte était sortie quelques minutes, cette délurée de fille m'a jeté un vieux poireau très défraîchi dans les mains, en me disant « bats-toi, si t'es un homme ! ». Elle a commencé illico à m'attaquer avec un autre poireau, le maniant comme un sabro-laser. Schlaaaf ! Splaak ! En quelques secondes les deux poireaux se sont écharpés dans un combat épique, laissant voler autour des morceaux desséchés devant le regard hilare de mon dernier fils. Voyant les dégats et imaginant la réaction de Charlotte devant ces jeux débiles, on s'est marrés comme des baleines en prenant vite un balai pour tout nettoyer avant son retour et reprendre un air "naturel" in-extremis. Voila le genre de jeux qu'on peut avoir. Et je vous avoue que je me suis encore plus marré quand on l'a avoué à Charlotte un peu plus tard... parce que je m'imaginais raconter ça dans mon journal ! Pas vraiment conforme à ce qui peut parfois transparaître de mes textes...

Et je ne vous parle même pas de la teneur de nos échanges sur msn, lorsque cette folle de fille est dans son logement étudiant: complètement déjantés. Pourtant, avec elle ausi je peux avoir de très bonnes conversations. Elle est fine observatrice et avide de connaissance sur les rapports à autrui. Elle me pique régulièrement mes bouquins psychologisants, qu'elle lit avec grand intérêt...




Mois de décembre 2005