Décembre 2005

Dernière mise à jour:samedi 31 décembre 2005 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



Le temps qu'il faut




Jeudi 1er décembre


C'est fou ce que certaines démarches administratives peuvent être longues. Moi je vous le dit: il vaut mieux ne pas être pressé quand on veut divorcer...

A la fin du mois de juillet nous avons décidé de vendre la vieille bâtisse ou j'habite (snifff, je l'aime bien cette maison...), ainsi que deux granges qui la jouxtent. C'est pour nous la seule façon de dégager une somme d'argent suffisante afin de ne pas devoir vendre, pour le partage des biens, la maison (la vraie maison) où résident actuellement Charlotte et les enfants. Construite à l'image du couple que nous étions, de la famille que nous resterons, nous y sommes tous très attachés. Elle est aussi située sur le lieu de mon activité et du... grand projet que j'ai entrepris il y a une quinzaine d'années. La vendre aurait été un crève-coeur pour tous.

Depuis l'été, donc, nous avons entrepris les démarches pour une vente. Il a fallu d'abord demander une estimation de la valeur de ces batiments (en effet nous avons la chance d'être situés dans un secteur en pleine expansion et en dix ans le prix des bâtiments anciens s'est accru très fortement: ces trois bâtisses ont pris une valeur supérieure à ce que nous les avons achetées). Une ou deux semaines pour le rendez-vous, et autant pour avoir le résultat. Nous étions déjà vers la fin du mois d'aôut. L'expert notarial nous explique alors que pour mettre en vente, il faut d'abord disposer d'un certificat d'urbanisme, clause suspensive d'achat. Sans perdre de temps je m'occupe de ce certificat. Délai de réponse: deux mois. Quelques temps plus tard je suis informé qu'un technicien en assainissement doit venir vérifier si le terrain s'y prête. Pas de chance, ce n'est pas le cas. Il nous demande alors de faire appel aux services d'un hydrogéologue, qui doit procéder à une étude du sous-sol. Prise de rendez-vous, encore quelques temps de délai, creusement de sondages à la pelle mécanique sous une pluie battante. Et attente du résultat de l'étude. Deux semaines encore. Envoi des résultats au service d'assainissement pré-cité. Pas de chance, un des bâtiments ne dipose pas d'un terrain valable, il faut demander à la mairie une autorisation de rejets dans le réseau pluvial. Rendez-vous avec le responsable de l'urbanisme, observation du site... il faut en débattre en commission d'urbanisme...

Et ainsi passent les semaines et les mois...



Bon, l'avantage c'est que tout ce temps de lente progression nous permet aussi de bien intégrer la démarche de séparation. Nous vivons une séparation aussi "idéale" que je la conçois: évolution toute en douceur, comme je le souhaitais. Avec cette solidarité et ce respect dont je mesure toute l'importance pour être au plus près de l'harmonie équilibrée. Nous sommes d'ores et déjà "amis", même si nous demeurons dans un statut un peu hybride, ni en couple, ni divorcés. Bien que chacun ait sa vie propre, nous nous donnons souvent un coup de main si nécessaire.

Ce temps est utile. Il nous prépare à l'étape suivante: la vraie séparation du couple, avec lieux de vie totalement distincts. Ce ne sera certainement pas anodin, mais au moins nous aurons évité la solitude de la rupture brutale [est-ce judicieux de fuir la violence de la rupture ?]. Nos vies sont déjà largement solitaires, avec constitution de nouveaux réseaux relationnels propres. Chacun nous avons nos amitiés respectives, que l'autre ne connaît généralement pas, ou seulement de loin. Du côté de nos anciens amis de couple... c'est assez silencieux. Nous sommes invités séparément et il faut trouver un nouvel équilibre relationnel. Pour ma part je ne me sens plus très à l'aise dans ces couples. En décalage. Nous n'avons plus les mêmes centres d'intérêt et leur vie me semble... patachonne. Ronronnante. C'était pareil avant, mais je ne me rendais pas compte que je m'y ennuyais.

Je n'envie pas leurs couples. Je n'aspire plus à cette vie là. Pour le moment j'aime mon célibat. Bon.... il est certain que le côté amoureux me manque. Quand je vois des amoureux z'yeux dans les z'yeux, main dans la main, lèvres à lèvres... arrghh, y'a quand même un petit pincement. Mais bon... life is life.



Actuellement je suis dans autre chose. Je me construis. Et de façon assez solide, je crois. Ma part d'adulte serein et confiant dans la vie devient prépondérante. J'aime ce que je me sens devenir. Vraiment. Je sais que j'apprends à aimer, et à m'aimer. Heummmnnon: je m'aime. Il reste des moments pas très faciles à vivre, lorsque ma part enfantine [pulsionnelle] tente de reprendre le dessus, mais je crois que je commence à savoir en prendre soin. Je ne la refoule pas, je l'écoute. J'ai encore des peurs, mais je sais mieux les gérer. Je me débrouille relativement seul avec mes crises victimaires [c'est injuuuuste !] ou déprimées. Je deviens... tiens... autonome. Et je dois bien avouer que c'est assez satisfaisant.

J'ai toujours un... oh, j'adore cette expression éloquente qu'elle avait: "un éléphant à mastiquer". Ouais, un sacré gros truc que je ne peux pas avaler d'un coup sans qu'il ne se coince en travers de la gorge. Alors je mastique, je mache et remache, et ça rentre peu à peu. Il faudra le temps qu'il faut, mais j'y viendrai à bout...

Je le sais. J'ai confiance en moi.








Le professionnel




Vendredi 2 décembre


J'ai eu hier une visite originale. Il s'agissait d'un amateur passionné par euh... ce que mon métier offre (pas envie d'être trop précis). Il m'avait repéré de très très loin puisque c'est directement de... Lettonie qu'il m'avait contacté par mail quelques jours auparavant. Mon site internet professionnel l'avait renseigné sur la spécialisation que je développe et il m'avait choisi comme le seul à visiter durant son séjour en France. Il n'est quand même pas venu de si loin pour me voir, mais accompagnait sa femme, peintre, qui exposait dans une ville proche.

Leur taxi s'étant égaré pour venir dans ma campagne reculée, je suis allé les chercher à un lieu convenu dans le bourg voisin. Il ne m'a pas été difficile de les repérer: la femme en particulier, habillée avec élégance, portait une toque de fourrure et un manteau semblable, d'allure tout à fait décalée en ce lieu. Très jolie femme d'ailleurs, avec des traits fins et des yeux d'un bleu soutenu. L'homme se montra très chaleureux et enthousiaste, parlant anglais avec plus d'assurance que moi.

J'avais un peu peur que ce collectionneur, probablement plus compétent que moi dans le domaine très pointu qui le passionne, soit un peu déçu par ce qu'il venait voir chez moi. Mais au contraire il s'est montré exalté comme j'ai rarement eu l'occasion de le voir chez mes clients les plus pointus. Il a voulu regarder le maximum de ce qui était visible, photographiant avidement les détails de certaines raretés.

Ils sont restés trois heures, durant lequelles nous avons échangé avec entrain et un réel plaisir partagé.

C'est dans ces occasions que je me rends compte que, depuis des années, j'ai accumulé tant des connaissances qu'un patrimoine riche, et rare. Un patrimoine spécifique que je devrais valoriser et faire connaître. Il est reconnu par des spécialistes et vient même d'être cité dans un ouvrage qui répértorie ce genre de choses.

En fait, professionnellement je suis considéré comme quelqu'un de compétent. On m'encourage à perséverer dans cette voie. Pour certains domaines précis je suis un des seuls en France à pouvoir répondre à une carence flagrante (la standardisation fait quelques dégats collatéraux...). Je fais partie de ceux qui recherchent et proposent une diversité. Voire certaines choses introuvables mais... fort peu demandées. Un marché extrêmement restreint, donc. Cette part de mon métier m'a toujours passionné, mais hélas ne me permet pas d'en vivre. J'ai dû aller vers des secteurs plus rentables, délaissant ma spécificité trop peu lucrative. Les lois économiques sont impitoyables et, parce que j'essaie de ne pas trop y perdre mon âme, je me retrouve hors-circuit pour des raisons financières. La diversification et l'originalité sont intéressantes, sur le principe, mais mon idéalisme s'est trouvé depuis longtemps confronté à la réalité économique...

Actuellement j'en suis encore à chercher quelle part de ce métier je vais pouvoir conserver, en annexe d'une éventuelle évolution vers de toutes autres sphères. Je me prépare à exercer deux professions conjointement, du moins durant un certain temps. Je sais que cette façon de travailler existe, et même qu'elle se développe, notamment dans le milieu artistique.

Assurément je ne choisis pas la voie de la simplicité. Mais... est-ce que la simplicité n'est pas ennuyeuse ?








L'amer goût du trop tard ?




Jeudi 8 décembre


Snap ! Tout s'est figé d'un coup... Je n'ai même pas mis en ligne mon texte précédent, pourtant bien anodin. Plus envie de communiquer. Repli sur moi.


Pourtant tout paraissait aller très bien depuis plusieurs jours. Grande sérénité, la paix qui était revenue dans l'esprit et le coeur, l'impression d'être vraiment sur la voie qui me convient. Et c'est vrai, je l'étais (et le suis toujours...). Cependant... même si je trouvais un équilibre et me sentais aller vers quelque chose de bon... je savais très bien qu'une part essentielle de moi restait triste, déçue, inquiète. Et je savais tout aussi bien ce qui en était la cause.

Mais bon, ayant décidé de voir les choses en positif, et avec l'envie d'avancer... je ne m'attardais pas sur cette tristesse. Je préférais prendre les choses telles qu'elles viennent, profitant autant que je le peux de chaque instant. Après tout, ma vie est plutôt heureuse.

Heureux de voir cette évolution positive, heureux de constater que tant d'années de remise en question aboutissent à un mieux-être palpable. Je me sais être mieux paré pour affronter des choix de vie. Capable aussi de surmonter un certain nombre d'épreuves. Plus fort.

En résumé: tout va bien. L'homme que je ne savais pas être est en marche.

Paaarfait !



Mais... je ne peux pas tricher durablement avec moi-même. Non, non, rien à faire: il reste ce poids de sourde tristesse que je traîne. Ben oui... Je ne l'oublierai pas par simple effort de volonté. Il me faut bien accepter d'en ressentir parfois les élancements. Blessure non cicatrisée qui régulièrement se réouvre et me crucifie. La douleur reprend le dessus et anéantit ma sérénité. C'est là. Incontournable.

Il me revient alors cette impression d'inachevé, d'élan coupé, d'injustice. Et puis la marche arrière de mon amie-amour, tellement difficile à comprendre. Une suspension non pacifiée, non élucidée et non équitable. Quelque chose d'imposé, en fait. Une violence. Oui, c'est ça: je ne suis pas en paix, alors ça resurgit par intermittences. Je ne parviens que péniblement à trouver un sens de tout cela.
Pourtant il faudra bien que je retrouve cette paix intérieure, pour reprendre le fil de ma vie. Et le plus rapidement possible. Pas question de me traîner une amertume des années durant. Il faut que j'en sorte d'une façon ou d'une autre, mais en paix.

Bon, je récapitule: mon amie de coeur, ma complice et confidente, mon alter ego décalé (et tutti quanti...) a choisi de s'éloigner de la route que nous avions suivie côte à côte. Ok, c'est fait. Merde, quel arrachement ! Comment retrouver rapidement la paix après ça ?
Avec le temps ma part d'homme raisonnable et fort finit par accepter, mais ma part émotive reste terriblement meurtrie. Qui ne le serait pas ?
Il est certain que la liberté de mon amie lui appartient et je ne peux que la laisser s'éloigner autant qu'elle le désire... et en même temps il m'est difficile de ne pas souffrir de cet effacement mal compris. Heureux si elle retrouve ainsi un équilibre, triste de ne pas y trouver le mien. Ça viendra... mais ce n'est pas encore là. Ambivalence dans l'acceptation, selon que je pense à elle ou à moi.

Ah la la, pas facile hein ?
[ouais, je sais, vous n'êtes pas vraiment concernés...]

Alors dans ces conditions d'équilibre précaire il suffit parfois de peu de choses pour que ma bonne humeur s'estompe, s'atténue, puis s'effondre. Quelques échanges approfondis touchant à des sujets sensibles peuvent me fragiliser. Ou alors je remarque que je me dérobe devant certains thèmes de réflexion que j'aurais envie d'aborder par écrit: Quelle est ma conception de la fidélité à un lien ? Qu'est-ce que l'amour ? Et l'amitié ? Qu'est-ce qu'un lien ? Là encore, sujets trop sensibles pour que je les explore sans laisser exploser mon amertume.

Voila où j'en étais la semaine dernière.



C'est à ce moment-là que Charlotte m'a parlé de ce qu'elle intégrait de la relation qu'elle avait avec sa mère: maltraitance.

Maltraitance...

Ce mot n'était pas nouveau dans sa bouche. Elle ose enfin l'employer ouvertement et reconnaître que sa mère a été violente. Physiquement, et surtout psychiquement. Difficile d'accepter de voir sa mère, amour de référence, ainsi...

J'écoutais Charlotte et en même temps ma pensée s'échappait.


Maltraitance...

Ce mot resurgissait au moment même où je comprenais que j'avais ressenti de la... maltraitance de la part de nathalie dans notre lien d'amitié-amoureuse, bien que, m'y soumettant, j'en étais aussi co-responsable.


Maltraitance...

Oui, j'avais reproduit dans ma relation amoureuse une part la maltraitance qu'avait exercée mon père !! Programmation erronnée dont je décris le fonctionnement dans mon Carnet.
Avec nathalie, à cause d'un détail, j'ai un jour endossé sans sourciller le rôle de victime consentante. Par "habitude". Je pérennisais une forme d'amour qui consiste à me sentir "repoussé" par la personne à qui je ne donne pas ce qu'elle attend de moi (ici: ne pas l'étouffer). Je commence seulement à comprendre qu'il s'agissait en fait d'avantage d'un recul de sa part que d'un rejet... ce qui est infiniment plus facile à accepter. Encore aurait-il fallu que nous ayons une traduction simultanée de nos langages sentimentalo-relationnels...


Maltraitance...

J'ai pris conscience au même moment (tout va ensemble) que j'avais longtemps maltraité Charlotte avec ce type de relation. Et ça... c'est vraiment douloureux. Ce nouveau coup de miroir dans la figure m'a assommé.
Oui, j'ai exercé sans le savoir un pouvoir de domination pendant des années, j'en ai abusé, j'ai cherché à modeler Charlotte selon mes désirs. Et pour cela je me servais de l'affectif...
Piètre constat. Pas vraiment nouveau, mais un peu plus approfondi. Un peu plus amer.
Je lui ai exprimé mes profonds regrets pour ce passé, heureusement largement révolu (mais dont je surveille les récidives).


Maltraitance...

Presque simultanément nous nous sommes rendus compte que notre rencontre, celle de deux post-adolescents déformés par une maltraitance non-perçue, ne tenait certainement pas du hasard. Sans le savoir nous nous étions "reconnus", et avons tenté comme nous le pouvions de "soigner" nos traumatismes. En évitant certains comportements qui a l'évidence nous faisaient souffrir, mais sans pouvoir parer ceux dont nous n'avions pas conscience. Et alternativement nous avons exercé cette maltraitance l'un envers l'autre. Car Charlotte m'a aussi "maltraité", et s'est servi de moi pour réparer certaines blessures. Elle en prend conscience depuis quelques mois et a ressenti un malaise à mon égard.


Maltraitance...

J'ai donc aussi, inévitablement, tenté d'appliquer ce système avec nathalie, essayant de contrer le "pouvoir" que je lui donnais sur moi, et qu'elle a endossé à son insu. J'ai été l'artisan de mon malheur, zélé destructeur de ce que je construisais avec elle. Je n'ai pas su échapper à une dynamique fatale que je n'avais pas comprise...
Et plaf... encore un coup de miroir dans la gueule ! Avec elle ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier. J'ai fait plein d'erreurs, par inexpérience.

Et... ben je peux dire que maintenant je m'en mords les doigts !

En même temps... je sais qu'il était impossible que j'en prenne conscience sans vivre la situation. De ce fait je ne m'en sens pas coupable, mais je veux reconnaître mes erreurs et les assumer. Question d'honnêteté. Il m'a fallu les faire pour les comprendre mais je veux en tirer tous les enseignements. Sinon ça n'aurait servi à rien.
Hélas, c'est après, toujours après qu'on sait comment il aurait fallu faire ou ne pas faire. Maintenant je sais. Et je laisse mon amie libre... comme elle a toujours souhaité le rester. Mais un autre processus semble s'être mis en route de son côté, dont le sens profond m'échappe encore.

Et ça... ça pourrait être amer à avaler...

L'amer goût du trop tard...
Celui d'un train pour le bout du monde qui me filerait sous le nez.
Si les portes sont déjà fermées, courir à côté ne servirait plus à rien.


Hé ho... c'est quoi ce fatalisme ? Si tu commences à te résigner c'est certain que t'as déjà perdu !
Tant que tu ne baisses pas les bras tu peux gagner. Tu sais bien que le seul élément moteur sur qui tu puisses compter, c'est toi. Ton optimisme et ta foi sont tes forces !

Allez, lâche pas ! Rien n'est perdu !
Bats-toi jusqu'au bout !


C'est difficile de me sentir le seul à y croire encore...
Parfois je n'en peux plus et je sens mes forces me lâcher.
Je ne suis pas un roc.

Tu as plus de forces en toi que tu ne le crois.







Yin et yang




Vendredi 9 décembre


Il y a quelques semaines, alors que je faisais le deuil de l'épisode amoureux, ma pensée s'est ouverte à un autre mode de réflexion. En fermant les écoutilles sentimentales, je voyais le fond, masqué auparavant. Et le fond... c'est la relation d'amitié. Oui, celle des origines. Celle qui nous avait si fortement liés. Celle qui était née avant les sentiments. L'amitié brute quoi. Sans les fanfreluches émotionnelles complexifiantes.

Et là... ben je me suis rendu compte que ce qui me tourmentait tant depuis des mois, ce n'était pas tant la perte de l'état amoureux que celle du
lien de confiance qui a existé entre nous. Du don de confiance entre deux humains sensibles et méfiants. Et ça... ce serait terrible. Terrible parce que c'était la première fois que je rencontrais une telle complicité dans le mode de pensée et l'aspiration à vivre une relation en confiance et librement. Et que ce genre de rencontre est si rare que la perdre me semblait irréparable.
Le jour où j'ai réalisé que je n'avais plus retrouvé cette amie confiante depuis... pfff, tellement de temps... ben je me suis effondré en pleurs. Mon amie, ma complice... Notre confiance partagée me manque beaucoup. Je n'ai fait que la chercher avec inquiétude depuis que le besoin vital de liberté de nathalie est revenu entre nous. Besoin incompris, insufisamment expliqué, insuffisamment rassurant. Car de mon coté le besoin vital était d'être rassuré sur l'élasticité de cette reprise de liberté, tandis qu'elle craignait que moi je recule un jour. Alors j'ai privilégié envers elle ce qui semblait le plus inquiétant à mes yeux: la confiance. Mais j'ai tellement voulu montrer que je ne la laisserai jamais tomber, et être aussi certain qu'elle ne le ferait pas à mon égard... que je l'ai étouffée. Trop protecteur...
Et j'ai "oublié" son besoin opposé: celui de liberté. En voulant faire au mieux j'ai fait au pire. Et elle a fait de même... en sens inverse. C'est fou...
Nos besoins de confiance/liberté, que je crois assez proches, et en tous cas compatibles, ont suivi des logiques opposées qui n'ont fait que mettre en évidence les divergences. L'un a d'abord privilégié la réassurance, l'autre la liberté.

Ayant pris d'infinies précautions avant de me lier, pour ne pas risquer le sentiment de trahison, j'avais tellement donné ma confiance à mon amie que ça ne pouvait pas arriver. Ça ne devait pas arriver. Et de la même façon, en me liant à elle, je m'engageais à ne jamais la laisser tomber. Jamais. C'est comme un serment, et je ne peux m'en défaire sans trahir. Sans me trahir. Je suis fait comme ça: fidèle au lien. Imprescriptible. De son côté... il semble qu'elle soit d'abord fidèle à la liberté de chacun. Complémentaires, mais fonctionnant en sens inverse. Donc inquiétant pour tous les deux...

En fait, plus qu'une amie, c'est pour moi presque une "soeur" très proche
[inceste mis à part...].
Mais sans doute sous une forme Yin et Yang... Inversés.


Alors, d'une certaine façon, l'amour-amoureux je m'en fous ! Il me semble bien moins important que le lien d'amitié, dont il n'est qu'un prolongement possible lorsque les conditions de désir réciproque sont réunies. Je veux bien renoncer à l'état amoureux... mais renoncer au lien de confiance... gloups ! Ça ne passe pas.
Et d'abord... c'est quoi ce lien ? Entre amour "vrai" (altruiste et hors sentiments), amour-désirant, amitié amoureuse, amitié désirante, amour-amoureux, attachement, sentiments... comment faire la part des choses ?

L'enjeu dans toute cette histoire c'est que, hormis avec Charlotte, jamais je ne m'étais investi avec autant de confiance. Un vieux rêve que je croyais inaccessible était devenu réel. Et je crois que pour nathalie il y avait aussi de ça. Alors si cette confiance échangée devait être coupée... et bien... le gros problème c'est que je crains de ne plus pouvoir investir de liens d'attachement. Ou pas avant très longtemps. Je me sais déjà devenu extrêmement méfiant, en attente de l'issue de toute cette histoire. Ma vision des rapports de confiance en dépend.


C'est cet ensemble d'éléments qui fait que je "m'accroche" autant, et que cette histoire bouleverse à ce point mon existence. Non, je ne suis pas l'amoureux-fusionnel-dépité-gaga, mais l'ami-aimant qui comprend mal le recul qu'il a suscité. Et si j'étais frustré par l'éloignement depuis des années, ce n'était pas (ou pas seulement...) par désir de fusion, mais par besoin de communication. Pour "comprendre" ce qui se passait entre nous, afin d'éviter les décalages. Raté... le décalage nous a éloignés. Et je crois que c'est devenu pire depuis que j'ai laissé le silence dominer. Silence autodestructeur... qui sied bien à la tendance défaitiste de mon amie. Moi je hais le silence s'il n'est pas conjointement accepté. Il tue ! Il isole, il sépare. Il délie.
Et je ne veux pas le laisser s'installer.

Sauf qu'elle me le demande...
Dois-je suivre ses injonctions pessimistes ?
Sa liberté est de se taire, et je dois respecter son souhait.
Mais ma liberté est de communiquer...

Questions sans fin, insolubles.
Opposition de points de vue contradictoire. C'est tout nous...
«Nous sommes comme du Velcro», m'a t-elle dit un jour...

Nos modes de fonctionnement respectifs ont ainsi quelques particularités inversées, ce qui demandait une communication très précise pour décoder les bases du langage relationnel de l'autre. Pas forcément beaucoup de mots, mais les bons mots. Sauf que la précision des mots est pleine de nuances selon le regard de chacun.
On n'a pas été assez vigilants là-dessus... 

Et puis... le parasitage de nos névroses ou traumatismes personnels s'était inséré au milieu de tout ça. Son pessimisme, mon optimisme...
Mon Dieu que c'est compliqué de parvenir à la simplicité à laquelle nous aspirons.



Pour l'heure, le silence accepté me permet toutefois de ne pas me faire contaminer par un défaitisme qui, trop souvent, a ébranlé ma confiance en nous. Je préfère rester à distance lorsqu'elle se renferme dans son monde. Si je m'approche, je risque de me sentir maltraité... Et ça... non, vraiment, je ne le veux plus. Pas tant que je ne peux rester solide face à ses mots sans espoir. Non seulement parce que ça me fait mal, mais en plus parce que cela joue directement sur mon enthousiasme et ma foi dans cette relation hors-normes. Le défaitisme est contagieux. Les idées fausses m'ont trop souvent assommé, les fausses vérités me terrassaient. Quand elle me disait comment elle me percevait, avec l'aplomb d'une apparente certitude, elle réveillait mes doutes (« suis-je comme ça ? »). Et ces moments d'hésitation semblaient valoir confirmation, alors qu'ils n'étaient que temps de questionnement et de solidification. Lorsqu'elle décrète que notre amour, puis notre amitié, deviennent "impossibles", je me retrouve seul avec mon courage orphelin.

Or il semble qu'il soit parfois nécessaire que j'aie du courage pour deux...
Alors je reconstruis ma force tout seul, parce que je suis finalement la seule personne sur qui je puisse compter. Même si d'autres amitiés sont de précieuses auxiliaires de lucidité...


Merde, ce serait trop con qu'on perde tout, et qu'on ressorte tous les deux meurtris et méfiants de ce qui nous a épanouis ! Ce serait absurde. Un sacré gâchis.

Mais si ce doit être le cas... au moins que ce soit dans la paix...
Je ne vois pas d'autre issue que de sortir de tout ça dans la paix.
Tant que ce ne sera pas le cas... je resterai englué dans les questions.


Et vous, petits veinards, vous lirez mes palpitants états d'âme...
[
J'aimerais bien vous donner autre chose à lire...]







Tout petit





Lundi 12 décembre


Je suis parti quelques jours vers d'autres montagnes que les miennes, en terre Catalane. Région superbe que je ne connaissais pas, éclairée ces jours-ci d'un soleil radieux malgré un froid vif.  Quelques visions fugitives du bleu de la Méditerrannée, dominée par les pentes enneigées qui y plongent directement. Forêts encore teintées de roux... paysage superbe. Avant de reprendre la route j'ai même approché les voiliers du port, aux premières lueurs de l'aube. Frange rouge dans un ciel encore outremer...

Episode de quasi-vacances, même si le but était avant tout professionnel. Il s'agissait du rassemblement d'un petit nombre de mes collègues au sein d'une structure dans laquelle nous nous fédérons. Rencontre tout à fait conviviale, voire franchement amicale, qui permet d'entrer en contact de façon privilégiée et d'échanger tant sur le plan professionnel que personnel. Chacun présente des particularités, mais il y a toujours de nombreux points communs pour le coté assez spécifique de notre métier, et notamment dans la façon que nous avons de le vivre. Je me retrouvais là-bas avec quelques "grands" de mon métier, à côté de qui je me sens tout petit petit... Car même si je suis reconnu en tant que spécialiste, d'autres le sont infiniment plus que moi dans le microcosme auquel nous appartenons. Ils ont des décénnies de métier derrière eux, sont souvent connus et reconnus pour leurs grandes connaissances, participent à des missions ou des voyages sur toute la planète, écrivent des livres...

Mes complexes ne tardent pas à se pointer... Qui suis-je au milieu de ces puits de connaissance ? Leur savoir est immense, élargi, alors que le mien me semble étroit. Syndrôme de l'imposteur... Pourtant c'est l'un d'eux qui m'aura fait prendre conscience de mon erreur lorsque je me qualifiais de "tout petit" quant à la taille de mon entreprise. « Il n'y a pas de grands ou de petit m'a t'il dit: chacun travaille à sa mesure, selon ses choix de vie, et avoir des salariés ou faire un gros chiffre d'affaire ne rend pas plus important ». Oui, il a raison, et je le sais bien...

Il n'empêche que j'ai toujours cette tendance à me minimiser, à me sentir "pas à la hauteur" face à toute figure... euh "dominante", pour quelque raison que ce soit. Quelqu'un qui sait m'impressionne, quelqu'un qui est connu m'impressionne, quelqu'un qui a une entreprise importante m'impressionne. Et euh... une entreprise qui a su se développer et gagne de l'argent m'impressionne...



Sur la longue route du retour, nous avons discuté de tout ça avec les trois collègues-amis avec qui nous avions fait voiture commune. Des "petits", comme moi, dont certains ressentaient un peu cette même impression. Et nous convenions qu'à l'évidence il y a derrière cette attitude un manque de confiance en soi. La psychologie personnelle entre directement en contact avec la croyance que l'on a dans son entreprise. Difficile de ne pas douter de son entreprise si on doute de soi...

La conversation a dévié sur cette carence de confiance en soi, véritable handicap avec qui il faut apprendre à vivre, ou qu'il convient de rééduquer si on en a la force mentale. Handicap dont n'ont pas conscience, et qu'ont du mal à réellement comprendre, ceux qui n'en n'ont pas hérité.

Au fil des kilomètres la discussion a évolué vers la transmission parent-enfant, les séquelles qui peuvent résulter d'un manque d'encouragement parental à ce que l'enfant soit lui-même. Et pourquoi les parents préfèrent parfois cadrer fermement leurs enfants plutôt que de prendre le risque de s'ouvrir à sa différence. Pourquoi il parait plus "simple" de faire preuve d'une autorité rigide plutôt que de prendre le risque de la remise en question personnelle, avec tout ce qu'elle peut avoir de déstabilisant. Un couple de mes collègues reconnaissait ainsi que dans leur non-désir d'enfants il existait une part de prise de conscience de tout ce qu'ils risquaient de transmettre de leurs propres problèmes existentiels.

J'ai terminé la soirée chez eux, et nous avons encore très longuement échangé sur des sujets plus personnels, comme nous le faisons à chacune de nos rencontres. Ils sont intéressés par la démarche vers une lucidité sereine que j'explore, et notamment des conséquences que cela aura eu sur ma vie de couple. L'intérêt vient du fait que l'homme du couple n'est pas porté à un questionnement excessif, alors que sa femme est dans la même logique que moi: en souffrance de ne pouvoir se sentir en paix dans ses rapports à autrui. Ainsi, à trois, nous avons des regards croisés sur nos différences ressemblances.

Depuis un an que j'ai passé la barrière de l'intime, je n'ai pas vraiment de gêne à aborder avec eux des sujets très personnels. Je sais pouvoir faire confiance à leur capacité à ne pas juger, tout comme ils le font avec moi. Je peux ainsi exposer l'état de mes réfléxions sur les rapports à l'autre, notamment amoureux. Les rapports de dépendance, de pression subtile, de désir... tout ce que j'ai exploré sur ce journal depuis quelques années. Leurs questions m'aiguillonnent, leurs interrogations me déstabilisent parfois, mais j'aime beaucoup ces échanges d'idées. Mes pensées se sont nettement affirmées en quelques années, et je ne crains pas de me positionner si je me sens en confiance. Si je ne sens pas de blocage immédiat à coup de « Ah mais tu ne peux pas dire ça ! Ah mais ça ne marche pas ! Ah mais tu ne te rends pas compte... » comme tant de gens le font. Car dès qu'on sort un peu des chemins balisés ce sont évidemment les tentatives de recadrage qui intervient de la part de ceux qui n'ont pas conscience d'y être circonscrit. Ce qui, bien évidemment, a longtemps été mon cas... et le reste probablement à mon insu.

Je me rends compte que la remise en question est mon mode de vie actuel. Tout ce qui me fait violence ou me contraint, me dérange d'une façon ou d'une autre, passe au crible des « pourquoi ça, et d'où ça vient ? ». Je ne sais pas si cet état durera ou si je trouverai un jour une paix, que d'ailleurs je ne suis pas certain de rechercher comme un état stable et durable... 
Je crains que cette recherche ne mène à une illusion de confort qui ne m'attire guère. Il me semble, mais peut-être me trompè-je, que c'est la recherche continue de la résolution des problèmes posés qui mène vers la sérénité. Un peu comme si, paradoxalement, la paix était un combat permanent...
J'ai confusément l'impression que toute tentative d'immobilisation, de stabilité à un état donné, serait comme une violence faite à l'ordre des choses. Car dans la vie rien n'est immobile ou figé. Vouloir stabiliser une situation ne fait que reporter à plus tard un inéluctable mouvement... qui se produira parfois avec davantage d'amplitude. La rigidité finit toujours par casser ou céder.

Une sagesse orientale dit que tout est impermanence...
Il est bon que je l'intègre peu à peu.



* * *




J'ai aussi eu quelques heures d'insomnie durant ce séjour Pyrénnéen, en songeant à ce que j'avais écrit ici...
Avec l'envie de préciser cette phrase: « en me liant, je m'engage à ne jamais laisser tomber. Jamais ». C'est à la fois vrai et faux. Dans le sens que je peux très bien décider de me sauvegarder, et donc de me soustraire à une situation que je percevrais comme m'étant néfaste. Je l'ai déjà fait par le passé, et je le referai si cela devenait nécessaire. En dernier recours la fidélité à moi-même doit passer avant celle que j'ai envers autrui. Et si, pour quelque raison que ce soit je me sens durablement moins bien dans la relation qu'en dehors... et bien je peux décider d'en sortir. Non sans explications, toutefois, par respect que je dois à la personne avec qui la relation est établie.
En revanche, ma fidélité relationnelle existe dans le sens que je n'ai jamais coupé définitivement et irrévocablement un contact. Je reste toujours ouvert à ce qu'une situation évolue. Si les conditions redeviennent favorables, un lien peut à nouveau fonctionner. Même si ce peut être différemment.


Et tout cela est directement lié à l'idée d'impermanence.







Nouveau chapitre





Dimanche 18 décembre


Lorsque je suis coincé dans des réflexions complexes, je suis souvent surpris par les effets de l'écriture-exutoire [et je vous la conseille...]. Entre impasses et fulgurances, piétinements et "tourne en rond"... elle permet toujours d'avancer. Même l'immobilisme apparent est une avancée qui se prépare. Á la fois miroir et aspiration vers l'inconnu de soi, émulation et inspiration renouvellée, cette écriture est révélatrice. 

Regardez: il y a une semaine je parlais d'une « sourde tristesse » assombrissant encore un état qui, sans cela, serait proche du serein bien-être. Je laissais alors s'écouler cette amertume qui obstruait mes pensées dans le but de m'en libérer.

Et bien figurez-vous que ça a marché !

En quelques jours je donnais du sens à ce qui n'en avait pas, ouvrant ainsi à un enchaînement de pensées qui ont vallu "explication". En me soulageant de ce que ne pas comprenais pas, je me suis libéré d'un poids... et j'ai compris. J'ai enfin transpercé ma peur de l'abandon et pulvérisé ma vision archaïque de l'amour. Yeaaah !

Depuis je me sens vraiment bien. Pleinement. Profondément.

J'ai l'impression que ce n'est le cas que lorsque je comprends ce qui se passe dans ma vie. Lorsque je ne suis pas inquiet, en fait...



Entretemps il y a eu quelques petits faits significatifs. D'abord un week-end en déplacement, très agréablement rempli. Changement d'espace et de temps. Dépaysement, loin de mes préoccupations habituelles. Temps en "solitaire", avec des amis. Des échanges riches, abordant la relation à l'autre. Comme j'aime...
Avec une évidence qui m'apparaît: ma vie (de célibataire) ne me pose plus vraiment de problème relationnel. J'ai confiance en mes capacités d'ouverture qui vont en s'améliorant.
Et puis un symbole: pour la première fois je repassais juste à côté de la ville où j'avais vécu deux journée et demi d'émerveillement avec nathalie. En voyant les panneaux indicateurs les souvenirs qui me revenaient n'étaient teintés d'aucune tristesse, mais de douceur.

Revenu chez moi j'étais donc très bien, léger, avec l'impression d'avoir tourné une page très importante: celle de la dépendance affectivo-relationnelle. Il y avait quelques temps que le "travail" était en cours, et les longues périodes de silence auront finalement été bénéfiques. D'abord en coupant la communication dont j'avais "besoin" (dépendance). Ensuite en constatant la souffrance que se silence provoquait encore ponctuellement (inquiétude). Frictions: le silence était à l'opposé de mon mode de fonctionnement. Jusqu'au jour où j'ai compris que je devais lâcher prise aussi là dessus. Cesser de résister à contre-courant. J'ai fini par accepter le silence [avec quelques soubressauts de révolte, il est vrai...]. J'ai même accepté l'idée qu'il dure très longtemps, voire indéfiniment. Mieux: j'ai accepté l'idée de perte. Je me suis projeté jusqu'à ce que j'imaginais inadmissible... et j'ai admis.
J'ai su ce que je ressens vis à vis de nathalie, quelle est la nature profonde et généreuse de ce qui me lie à elle, et finalement c'est ce qui m'importait. Je me sais intègre, ma "fidélité relationnelle" est tenace et je n'ai plus besoin d'être rassuré sur sa réciprocité. Je n'ai plus "besoin" de nathalie, ni de nos échanges, pour bien vivre. Ce qui ne m'empêche nullement d'en désirer la continuation...

Mais j'ai d'autres amitiés, d'autres échanges, et ne dépends plus de quelqu'un en particulier. Mon besoin est dans l'échange de confiance et le partage d'émotions... et non pas envers une personne. Nuance capitale.

Ce ne sont pas des mots en l'air. Ils représentent l'aboutissement d'un énorme travail qui s'est effectué plus ou moins sous vos regards. Après la privation, la souffrance d'abord intense et sidérante, puis progressivement décroissante et s'espaçant, m'a servi à aller au bout des choses. Je n'ai pas évité cette douleur, je l'ai laissée me pénétrer. Je l'ai observée, puis méticuleusement disséquée. Je m'en suis servi pour "grandir" en me responsabilisant. Avec de l'impudeur parfois, étalant mon mal-être, mes faiblesses, ou même mes bassesses, je suis allé au bout des choses. Je me suis montré, et vu, tel que je suis. Je n'ai gardé pour moi que les moments les plus noirs... mais ils ont quand même été exprimés. Vus. Et maintenant que tout est sorti, toute l'amertume de l'incompréhension, souvent avec des mots dont le surdimentionnement m'apparaissait après coup... je me retrouve léger. Nu face à moi-même, débarassé de mes oripeaux. Et je me sens serein, acceptant ce que je suis et l'héritage de mes choix.

En plus de ce regard porté sur moi-même, j'estime que mon témoignage a quelque intérêt: on peut se reconstruire plus solidement et saisir la "chance" de la souffrance. Plutôt que de me laisser emporter dans une amertume et des regrets éternels, j'ai voulu faire la lumière sur ce qui s'est passé. Pour continuer ma vie sans garder une blessure mal cicatrisée. Assainir, éclaircir, et apaiser. Désinfecter. Pour moi c'est un mode opératoire naturel, alors que dans ce genre de situation il est souvent jugé préférable de "tirer un trait" (chacun repartant de son côté). J'ai tenté l'option "évolution en souplesse". Elle est difficile et coûteuse, entretient la douleur plus longtemps, mais je sais que pour moi elle est seule à permettre une vraie guérison. Elle me rend plus fort. En regardant la douleur dans le blanc des yeux, j'ai pu la comprendre et la soigner. Imaginez un peu un chirurgien qui ne voudrait pas regarder une tumeur et refermerait vite la plaie d'un air dégoûté... Non, faut pas avoir peur du sang et des tripes pour bien enlever ce qui est touché et éviter l'infection ou les récidives.

Certes, il m'a fallu quinze mois pour venir à bout de tout ça. Ça pourrait paraître long, mais il faut ce qu'il faut. C'est le résultat qui compte. Quinze mois pour mettre les choses au clair et accepter pleinement tout ce qui est arrivé. Quinze moins pour que ne soit pas altéré tout le travail qui avait été fait auparavant. Quinze mois pour me libérer et libérer mon avenir de ce qui aurait pu rester un fardeau d'incompréhension. Finalement c'est peu, sachant que maintenant je suis en paix.

J'étais un homme qui ne se connaissait pas sous bien des aspects, un homme souffrant des séquelles de son passé, et je me sens "renaître" après m'être ainsi observé sous des angles inconnus. Homme nouveau, homme en devenir.

Bon... c'était là ma méthode, mais à chacun la sienne.



Pour être juste, il me faut quand même préciser qu'à ce moment déterminant de mon parcours mon amie nathalie s'est manifestée tout à fait opportunément...
Après avoir lu mes derniers écrits, brassage de choses denses et en apparence régressives, elle m'a proposé que nous en parlions, si j'en avais « besoin ou envie ». Non, je n'en avais plus "besoin", mais envie oui. Et ça fait une sacrée différence, du point de vue des attentes. Mon travail avait fait son oeuvre.
Je crois bien que nos trois heures de conversation sont tombées fort à propos, parachevant le travail de belle façon. Cette présence attentive, cette... solidarité qui perdure m'ont touché, et certainement rassuré en profondeur. J'ai perçu l'échange comme à la fois franc et pacifié. Il nous a permis, je crois, de clarifier un certain nombre de choses. Notamment le devenir de notre relation...

Il n'en est ressorti aucune certitude quant à un hypothétique avenir mais, ce qui compte le plus à mes yeux, aucune fermeture définitive non plus. Je n'en demande pas davantage...

Ainsi je me sens libre d'avancer, et respecté dans l'optimisme dont j'ai besoin pour cela. La suite... c'est à voir selon le temps qui passe et les aspirations de chacun. Maintenant je me sens très patient. Avec des souhaits clairement exprimés, mais sans aucune attente. Finalement... je retrouve ce que je n'aurais jamais dû quitter.



Et puis en étant allé au confins de ma résistance... je ne me sens plus "coupable" de mes choix. Dans les deux relations j'ai libéré certaines attaches sans trancher dans le vif. Non coupable d'avoir pris le temps de faire cette découpe chirurgicale dans ma relation ex-conjugale... sans pour autant abandonner le chemin qui s'est dessiné devant moi avec - et grâce à - une autre partenaire. Que personne ne se sente "trahi" dans ce double lien que j'avais établi un peu trop tôt dans mon parcours de vie. J'ai fait ce que j'avais à faire, avec les moyens dont je disposais, en me respectant et en essayant de respecter au mieux celles avec qui je m'étais "engagé" relationnellement. Je me sens honnête, et au plus près de ce que je puis être. J'ai confiance en moi.

Maintenant que je suis parvenu à cet état... je commence à comprendre ce qui me meut [meuuh!]. C'est encore trop nébuleux pour que je l'expose clairement, mais ça viendra.

Ce qui est certain c'est qu'il s'agit d'amour au sens le plus large, de partage émotionnel, et d'épanouissement.
Mais aussi de rencontres, de liberté, et de confiance. D'amitié, de tendresse, de désir. De maturité, d'autonomie, de solidarité. De franchise, de respect, de communication. De curiosité, d'humilité, de connaissance de soi.
Un peu tout ce autour de quoi je tourne depuis que j'écris ici, mais assemblé différemment.

Un nouveau chapitre s'ouvre.







Potion magique





Jeudi 21 décembre


Je vous préviens tout de suite, c'est long et dense. Plongée en apnée dans ma psychologie personnelle. Pour amateurs seulement...

Un, deux, trois, c'est parti !


Ce journal intime public, que je crois un peu atypique parce que vraiment intime jusque dans le décorticage de ma psychologie (et vous allez en avoir un bel exemple), n'existe pas par hasard. Si je me suis dévoilé autant c'est parce que je cherchais à résoudre quelque chose.

En fait, dès le départ, j'ai établi une relation avec le lectorat pris comme une entité. Je "vous" ai globalement attribué un rôle qui s'apparente à celui d'un psy (écoute silencieuse), mais aussi celui d'un père, frère/soeur, ami/amie. Tantôt j'ai été dans le désir d'affirmation, tantôt dans la confidence, tantôt dans un relâchement émotionnel.

Je crois que j'ai fait une sorte de "transfert", au sens psychanalytique du terme (projection de l'image de quelqu'un et de la relation que l'on a avec lui sur d'autres personnes). Vous êtes l'Autre. L'altérité.

Ça a plutôt bien marché au début, ça s'est compliqué ensuite. Car de plus en plus souvent j'ai écrit en pensant à quelqu'un en particulier [toi]. Le transfert diaristique était perturbé par un autre transfert, bien plus puissant. J'écrivais en face de quelqu'un avec qui j'étais devenu en... allez, disons: "dépendance affective". C'est plus complexe que ça, mais je simplifie.
Donc, malgré une réelle volonté de sincérité, je me suis beaucoup leurré: entre conscient et inconscient, je me mentais à moi-même. Je me dissimulais une part de la vérité...
On appelle ça des "résistances", je crois. [N'oublie pas que les résistances ne font que se reporter plus loin... tu n'en es pas au bout. Donc là, il se peut que tu te mentes encore sans le soupçonner...].

Car sur certains sujets problématiques je n'écrivais plus vraiment ce que je pensais, mais "ce que je pensais devoir penser". Ou encore"ce que je voulais penser". Avec un objectif inconscient: plaire, ou ne pas déplaire, à celle dont le regard m'importait. Enfin... j'essayais de le faire, mais ça ne marchait pas. Parce qu'inévitablement cette contrainte que j'exerçais sur mon moi profond rejaillissait ailleurs. J'étais régulièrement en situation de porte-à-faux... et ça se sentait dans mes écrits poisseux.

Pourquoi en parler au passé ?
Parce que c'est terminé ! [hey... est-tu certain de ne pas te mentir, là ? C'est terminé ou tu veux que ce le soit ?]



Je suis parvenu au bout d'un chapitre intitulé "dépendance affective", ou "dépendance d'estime". Non seulement dans cette relation privilégiée, mais aussi, je le crois, pour toutes mes relations affectives à venir: je suis vacciné [tu supposes l'être...]. Oh... je ne dirais pas que tout est résolu: des automatismes vont rester en place un certain temps. Mais j'ai compris, et nommé, cette dépendance. Je peux donc la détecter et agir dessus. J'en parle ouvertement et sans honte, fier de l'avoir débusquée. C'était un état transitoire, qui a duré le temps que je prenne conscience de certaines choses que j'avais à comprendre. En fait ce problème existentiel était en latence, et s'est déclenché lorsque l'état amoureux est apparu (l'amitié antérieure ne l'avait pas mis à jour). C'était aussi cet aspect là qui devait être révélé par cette relation "extraordinaire". Il n'y avait pas que le meilleur de moi que j'avais à découvrir avec elle [toi], mais aussi les parts sombres et des souffrances cachées. Et ça... je ne le savais pas.
Maintenant c'est une question de temps et de volonté pour que tout cela s'ancre en profondeur, pour que je comprenne les automatisme et les désactive. Il me reste à décrypter mes besoins, mais je sais qu'un cap a été passé, sans retour possible en arrière. J'ai procédé ainsi pour d'autres types de dépendance du regard d'autrui, ou comportements néfastes, et je m'en suis guéri. La prise de conscience est la première étape du changement.

Aussi surprenant que ça puisse paraître, je ne savais pas que j'avais des besoins qui pouvaient mener à de la dépendance [bon.. t'aurais pu t'en douter...]. Ce n'est que très récemment que ce terme a fait apparition dans mes écrits. Là encore mon conscient/inconscient contournait l'obstacle. Ou bien le traquait... je ne sais pas. Durant ce temps j'ai exploré beaucoup d'aspects de ma personnalité, et j'ai appris à me connaître. Je ne pouvais que parvenir un jour face à cette évidence mainte fois observée: si je ne me sens pas exister c'est parce que je veux exister dans le regard "des autres". Ces autres étant des substituts censés corriger le manque de regard de mon père...

Et qui donc pouvait avoir un regard suffisamment puissant pour répondre instantanément à ce manque ?

L'amour de quelqu'un que j'estime ! Quelqu'un de "fort" !
[mais pas trop... sous peine de réveiller les traumatismes refoulés du petit garçon apeuré...]

Avec son amour je me sentais fort ! J'étais fort ! Plus fort que jamais. Sans cet amour, je perdais cette force. C'était devenu ma potion magique.
Maintenant je sais bien que seul mon regard sur moi-même peut réveiller mes potentialités. Conforté (validé) par celui que les autres portent sur moi. LES autres... pas une seule autre personne, aussi "complice" et aimante soit-elle. Illusion de toute puissance, piège grossier dans lequel je suis tombé. Classique...



Il y a un autre regard qui pouvait pallier au déficit de celui du père. Celui de... la terre entière ! [faut bien ça pour compenser un père, hein...].

J'exagère un peu, parce que les quelques dizaines de regards qui me suivent en silence ne sont pas la terre entière. Mais ces regards venus de différents horizons, parfois suivis depuis des années, qui m'ont mis face à mes responsabilités, secoué ou encouragé ... m'ont aidé à prendre conscience de ma personnalité, forces et faiblesses. Donc à croire en moi. Rôle très bénéfique dont je ressens nettement les effets dans ma vie courante.

Peu à peu des amitiés, ou du moins des liens de sympathie et de confiance, ont pris le relais. Et ce qui se passe sur ce journal, année après année, c'est la résolution du transfert: je n'écris plus pour plaire (en tant qu'individu), et je me moque de déplaire [mouais... t'en est sûr ?]. J'écris ce que je pense et ressens, toujours plus "librement" (c'est à dire sincèrement, et en faisant abstraction de ce qui pourrait être pensé). C'est cette évolution qui est importante.

Je m'exprime aussi en d'autres sphères relationnelles, que je continue à étendre. Sauf que bien souvent cela concerne des aspects un peu annexes de ce qui me fait vivre. Globalement LE sujet le plus exacerbé, celui des besoins affectifs et de réassurance, reste parcellaire. Il y a des zones d'ombre que je ne pouvais pas explorer publiquement, parce que j'aurais vu et dévoilé toutes mes vulnérabilités. Trop fragilisant ! Je me contentais de dire que je manquais de confiance en moi, sans trouver vraiment la brèche pour entrer au coeur de la problématique. Et si ce journal impudique avait pu m'y aider à l'origine... il le pouvait de moins en moins.

Ben oui, forcément, puisque en plus de vos regards peu à peu apprivoisés il y avait aussi celui d'une autre image tutélaire. Et sous la forme relationnelle la plus exacerbée: l'amour. 
Là... le transfert restait fortement actif. J'avais la frousse d'exprimer certaines choses ressenties ! La terrible crainte d'un rejet pour moi "naturel"... (celui du "père"). Alors je me niais [grand niais, va !]
Pourtant, à la longue, le travail a quand même opéré parce que peu à peu j'ai lâché ce qui me pesait. Parfois de façon assez inélégante, j'en conviens. Mais je n'avais pas vraiment le choix. Je n'y parvenais pas toujours oralement (panique devant la moindre trace de désaccord), les longs mails explicatifs m'avaient été "interdits" (pas d'interaction directe)... il me restait ce journal. Il fallait que ça sorte, comme ça pouvait.
Le plus absurde dans tout ça, c'est que je crois bien que c'est ce besoin d'être intègre qui a créé la dépendance ! J'avais besoin de creuser mes zones obscures en en parlant, j'avais besoin de me découvrir en écrivant, j'avais besoin d'être sincère pour être bien dans la relation. Et moins je pouvais l'assouvir plus le besoin augmentait. Plus je cherchais à sortir de la dépendance... plus je devenais dépendant de cette recherche, besoin impérieux, inquiet et inquiétant [pas la première fois que je constate ce genre de mord-la-queue...]. Alors ce journal palliait un peu le déficit... quoique maladroitement. Je faisais "passer le message", en espérant que les perches tendues seraient saisies. Attitude peu courageuse, contournante, certes...

Avais-je d'autre choix ? Oui... si j'en avais été conscient. 
Donc non. Ça faisait entièrement partie de la dynamique relationnelle entre mes besoins d'alors et ceux de ma partenaire. Dynamique interagissant avec l'écriture de nos journaux respectifs et l'historique de notre lien... Ça s'est fait comme ça parce que ça ne pouvait pas se faire autrement. Parce qu'on avait des choses à découvrir de nous, chacun de notre côté et "ensemble". Le meilleur et le pire. Appellons ce processus: « la conjuguaison des égos ».
Si j'en avais été conscient, comme je le suis maintenant, j'aurais parlé de mes besoins et de mes manques... à d'autres personnes ! Mais à l'époque je n'avais pas d'autres confidentes (Charlotte n'était pas particulièrement disposée à m'entendre parler de mes problèmes relationnels avec une autre...). Et en plus... je tenais tellement rester sur mon petit nuage rose que ne voulais pas dire qu'il y avait quelques couacs dans notre si merveilleeeeeuuuuuse histoire. J'ai voulu régler ça tout seul... et je n'en avais pas la capacité.

J'aurais pu demander à ce que ce regard ne vienne plus ici, afin de "grandir" seul. Si je ne l'ai pas fait c'est probablement parce que j'estimais qu'il était préférable que je m'en sorte sous l'émulation de ce regard-là... Et que je m'en sorte quand même seul ! Seul... mais "soutenu" par un regard avec qui je tentais la franchise. [n'était-ce pas aussi une tentative désespérée de montrer que tu changeais, espérant encore te "rattraper"... hmmm?]
Des regards aussi, les votres...

C'est un peu tordu tout ça... Les chemins que choisit l'inconscient pour parvenir à ses fins sont assez tortueux.



Maintenant c'est plus pareil.
Pourquoi ? Je l'ignore. Mais je sais que j'ai passé un cap. C'est en moi, je le ressens. Peut-être parce que j'ai enfin compris et identifié certains de mes besoins, qu'ils m'étaient personnels, et que je devais les écouter si je voulais les satisfaire. Et les exprimer pour leur donner une chance d'être satisfaits. Peut-être parce que j'ai compris qu'il ne revenait qu'à moi d'en assumer l'assouvissement. Peut être parce qu'à force de tourner autour je les ai dégagés de la gangue qui les dissimulait...
[peut-être aussi parce que tu as lâché prise sur le retour amoureux, eh, patate !]

Je crois que tout cela était en cours d'assemblage depuis longtemps, sans que je m'en rende compte. Lorsque je parlais de responsabilisation de soi, du choix consenti de se considérer comme victime, j'étais déjà dans cette logique. Lorsque j'évoquais la nécessité de s'aimer soi-même et de faire preuve d'un certain égoïsme, je préparais le terrain. Et en explorant ma souffrance [malgré la censure que je m'infligeais pour ne pas prendre le risque de déplaire et gna gna gna...] j'allais forcément parvenir aux origines de celle-ci. Oui, j'étais en quête d'origines: d'où viens-je ? Qui suis-je ? Pourquoi est-ce que je réagis ainsi ? Qu'est-ce que je cherche à réparer ? Qu'est-ce qui me manque ?

Pour chaque problématique j'ai dû remonter à l'enfance, et bien souvent y retrouver mon père. Nom de Dieu ! qu'est-ce que ça peut marquer des parents "défectueux" ![défectueux... c'est le contraire d'affectueux ?]



Voila. C'est encore un peu flou mais tout ça va se préciser. Peut-être davantage dans ma tête que par écrit, d'ailleurs. Car je m'interroge toujours sur ce côté "petit garçon bien sage" qui rend compte (a qui ?) [deviiiine, hé hé] de ses avancées...

Eeeeh oui, justement... La résolution du transfert aura été d'autant plus longue et complexe que je continuais à écrire... donc à patauger dans le transfert. Et si j'ai plusieurs fois été tenté de tout arrêter, c'est parce que je sentais bien que j'étais en état de dépendance de regards... [du tien]

Au point que je me demande vers quoi va évoluer ce journal lorsque son rôle de révélateur sera achevé. J'ai toujours dit que je voulais "témoigner", mais dans quel but ? Est-ce que je veux vraiment "donner" à ceux que ça pourrait aider [oui !], ou bien est-ce que je "prends" le soutien de différents regards pour affermir ma personnalité ? Il y a des deux...

Mais est-ce que ça ne devient pas une sorte de béquille ?
Ou un outil permanent d'introspection (ce qui serait sans fin et bouffeur de vie...)
Peut-être que je devrais cesser de me dévoiler ainsi ? 
Car je ne sais pas s'il s'agit de courage ou de faiblesse...

Il y a du courage à aller au fond de soi, oui, mais y'en a t-il a en parler ?
Je ne sais pas...

N'y en aurait-il pas davantage à arrêter ?

Je n'ai toujours pas la réponse...



[Remerciements à mon amie J. qui m'a transmis un texte validant exactement ce que je venais de découvrir sur ma dépendance. Cela m'a confirmé que j'étais sur la bonne voie...]






Les portes du changement





Vendredi 23 décembre


Lorsque je suis occupé loin de chez moi, en relation avec des "vrais gens" et coupé de ma sphère relationnelle d'internet, il m'arrive de penser à ce que je dépose ici. Je me dis alors que je suis dingue ! Qu'est-ce qui me pousse à raconter mon fonctionnement psychologique à tant d'inconnus ? C'est débile de faire ça ! C'est comme si je criais des confidences dans la rue avec un porte-voix. J'en ai alors des sueurs froides.

Et pourtant j'y reviens...

Et je poursuis la narration des découvertes consécutives à un amour dont je me dis que plein de gens ne doivent pas comprendre que je n'en sois pas encore sorti...
Bon, en même temps je me fous un peu de ce que pourraient penser "les gens". Je me dis que si certains reviennent lire, c'est qu'ils y trouvent quelque chose. Alors je remballe mes scrupules coupables et je continue. Jusqu'au jour où j'y verrai plus d'inconvénients que d'avantage.



Inconvénient notable: le temps passé. Pour écrire un texte comme le précédent, il me faut environ une heure. C'est assez rapide parce que j'écris souvent d'un seul jet. Par contre... des écrits de ce genre, assez "intimes", sont souvent retravaillés. Et là... c'est beaucoup plus long! Le texte dont je parle a été repris plusieurs fois durant trois jours (au delà, je finis généralement pas ne pas mettre en ligne). Entre temps il y a eu pas mal d'heures de peaufinage.

D'abord je lis et relis, en précisant à chaque fois quelques mots. Il y a la déjà tournure que je m'efforce de rendre agréable à lire. Ça, c'est pas très compliqué. Ce qui l'est, c'est le sens précis que je souhaite donner, pour être au plus près possible de la "vérité" (la mienne, bien entendu). Et là, c'est hyper long. Chaque relecture, à quelques heures d'intervalle, me fait voir quelque chose qui pourrait donner un contresens, ou bien exagèrer, ou minorer ce que je veux exprimer. Il y a des paragraphes que je rajoute, tandis que j'en supprime rarement.

Pourquoi ce désir de précision ?
Parce que c'est ma pensée que je construis sur cette base. C'est ce qui va s'ancrer dans ma construction mentale pour l'avenir. Je donne du sens à une part de mon passé, ici révélée par une étape déterminante de mon existence. Mes écrits sont comme des portes entre l'avant et l'après. En nommant un passé tourmenté, je me donne des clés pour un avenir apaisé. Ce n'est pas immuablement figé, bien sûr, puisque ma pensée est en évolution. Mais plus je serai rigoureux sur mon travail actuel, moins j'aurai à y revenir. Je m'efforce de faire un travail de qualité, solide, et finalement "objectif". D'où cette méticulosité dans le descriptif.

Pourtant il est fort possible que j'oriente les choses dans un certain sens, faisant subir une déformation vers ce que je désire garder en mémoire. Ainsi, au lieu de me lamenter indéfiniment sur l'injustice de mon sort, je préfère me servir de ce qui m'est arrivé pour rebondir. Même s'il faut aussi que j'exprime ce que j'ai pu ressentir comme étant injuste... quitte à corriger cette perception par la suite. Car je prends conscience de moi-même de mes erreurs d'interprétation, lorsque je ressens une sorte de malaise à la suite de certains de mes écrits.
Je constate une évolution: du rôle de "victime", je suis passé à celui de "responsable" (co-responsable, pour être exact). Je ne me plains plus de ce qui s'est passé, mais cherche à comprendre ce que j'ai fait pour que ça se passe ainsi. Quelle est ma part de responsabilité. C'est un peu plus intelligent...

Je pense que sur un laps de temps de quelques mois, tout cela peut paraître assez stagnant. Ressassement en apparence inutile. Mais sur une longue période les sujets répétitifs ne reviennent plus, une fois que je les ai entièrement décortiqués. Par exemple je ne parle plus du tout du désir, alors que je me souviens que j'avais longtemps tourné autour. Quoique.... si je prends cet exemple ce n'est pas un hasard: j'ai encore des trucs à élucider...



Il y a quand même quelque chose que je n'aime pas avec mes écrits répétitifs: la fausse impression qu'ils peuvent donner. En ne parlant que d'un seul sujet, je peux paraître monomaniaque. Bon... ok, conjoncturellement je le suis un peu, mais pas au point de ne penser qu'à ça.

Gênant, aussi, le fait qu'explorer et résoudre des complications pourrait laisser croire que la relation que j'ai vécue n'était finalement qu'un immense problème ! Ah ben non, pas du tout ! Pas du tout, du tout ! Mais autant à une époque je ne voyais que son côté merveilleux, autant maintenant je reviens sur ce qui peu à peu a abouti a une impasse.

Ceci dit... j'avoue que je ne serai pas mécontent quand j'aurai évacué tout ce qui s'était accumulé. J'aimerais vraiment passer à autre chose. Malheureusement, comme je ne veux pas zapper ce qui doit sortir... j'attends patiemment la fin des remontées de tout ce que je n'aurais pas dû absorber. Il me semble que cette fin approche, parce que là je suis dans les trucs profonds et très anciens de mon histoire personnelle. Et en même temps je suis dans l'analyse de mon comportement le plus récent, à peine différé de quelques semaines. Bientôt je devrais toucher les deux extrêmités indépassables: l'antémémoire et le présent du vécu. Le coeur du problème, une rencontre amoureuse essentielle et son dysfonctionnement, aura été le point de départ d'une exploration bidirectionnelle entre le passé et l'avenir. Comprendre pourquoi ça s'est passé ainsi, et comment faire pour que ça ne se produise plus. Je trouve ça vachement constructif !



Je voulais aussi revenir sur mon questionnement autour du courage/faiblesse à dévoiler mes états d'âme. La question n'est pas là: je suis comme ça ! J'ai besoin d'exprimer ce qui me pose problème. J'ai besoin de (me) comprendre. Tant que je ne suis pas en paix, je pense (et tant que je pense je ne suis pas en paix...). Par contre... je peux peut-être apprendre à ne pas écrire mes pensées publiquement ?

En fait j'ai probalement eu une attitude de rattrapage: autrefois très discret et n'osant m'exprimer/exister face aux autres, j'ai opéré avec ce journal un retournement complet: impudique et outrancièrement extraverti. Par un mouvement de balancier il se pourrait que je revienne à quelque chose de plus "normal". Savoir dire ce qui est important, mais garder pour moi ce qui est strictement personnel. Peut-être aussi aller plus directement à l'essentiel. En moins de mots, moins d'explications, moins de justifications...

Et puis... ouvrir mes écrits à d'autres sujets que ce qui concerne mon égo...








Un film sans relief





Samedi 24 décembre


Alors que je m'interroge sur les raisons qui me font étaler ma vie privée sur un espace public, Alainx propose une intéressante réflexion sur le jardin secret.

En le lisant je me suis rendu compte que, quoi que je puisse dévoiler ici, et aussi loin que je pousse ce que j'appelle "impudeur"... je respecte toujours mon jardin secret. Je ne me suis jamais entièrement dévoilé. Et je le voudrais que je n'y parviendrais pas ! D'une part parce qu'il me semble impossible de décrire l'ensemble de ce qui me fait, d'autre part parce que le "je" est fluctuant et évolue dans le temps, et enfin parce que moi-même je ne me connais pas. Ainsi je réalise que prétendre à la transparence est une absurdité. A moins d'avoir une personnalité immuable, parfaitement cernée... et pas trop complexe.

Ce qui me constitue, ce ne sont pas des repères placés sur des axes, ni des cases cochées sur une grille, encore moins des étiquettes à me coller sur le front. C'est un très grand nombre de traits de caractère qui se combinent selon une multitude de circonstances variables, selon les rencontres, les rapports affectifs, l'humeur du moment. Le "je" n'existe pas de manière absolue, intemporelle, et isolé du reste.

De mon jardin secret je ne donne que des fragments, plus ou moins élargis selon le lien d'intimité et les axes privilégiés autour desquels il s'est développé. Par exemple je philosophais il y a quelques jours, avec ma mère, de notre conception respective du divin et de la spiritualité. Je n'en ai jamais parlé ici alors que c'est quelque chose de particulièrement intime. Croire en Dieu ou pas, l'omnipotence qu'on lui attribue ou pas, l'intégrer dans une religion ou pas, ça va bien plus loin que quelques phrases. C'est toute une façon de voir la vie, le monde, l'humain et son évolution.

Avec d'autres relations confiantes, je peux aborder d'autres sujets intimes, peu dévoilés ici, et donner accès à une autre part de ma vie "secrète". Mais même les personnes les plus proches, les plus intimes, ne me connaissent pas entièrement. Pas même Charlotte, malgré 25 ans de vie partagée avec un dialogue resté toujours soutenu. Pas plus que mes parents.

On ne connaît jamais l'autre. Et c'est tant mieux...

Si je me dis "impudique" ici, c'est parce que je vais très loin dans un certain type de confidences. Mais sur très peu d'axes simultanément (et de moins en moins au fil du temps). Ce journal s'est focalisé sur seulement quelques sujets de préoccupation, analysés en direct. Juste une "tranche" de ma vie. Un film sans relief. Sans épaisseur.

Et même si j'ai livré beaucoup de moi depuis cinq ans d'écriture en ligne, ça n'a de sens que pour ceux qui m'ont lu du début à la fin. Cet effort de lecture crée, je crois, une forme de connivence. Et qui a eu le courage de me lire de bout en bout mérite bien de me connaître sous une relative forme d'intimité. Cependant, devant personne je ne me sens gêné de ce qui est su de moi. Chaque personne rencontrée "dans la vraie vie" savait beaucoup de choses de mon parcours, sans que je ne me sente dénudé ou privé de jardin secret. Au contraire, c'est cette connaissance d'une part de mon intimité psychique qui a permis que s'établissent s'emblée des échanges personnels enrichissants. Et pareillement lorsque j'ai rencontré des personnes qui avaient révélé une part de leurs réflexions intimes, je ne me suis jamais senti les connaître. Seulement d'avoir passé la première peau des apparences...



Il n'empêche que, en marge de la notion de jardin secret, mes questions demeurent: est-il opportun que je continue à déballer mes avancées dans les profondeurs de ma psychologie ? Est-ce utile à qui que ce soit d'autre que moi ? Et même... n'est-ce pas néfaste pour moi que de m'exprimer sous d'autres regard que le mien ? Entretien d'une forme d'immaturité...
Ce genre d'échange ne devrait-il pas être réservé aux relations de confiance, en privé ? Aux amitiés, selon la dynamique de chaque relation ?

Il pourrait même y avoir pire: je commence à me demander quelle est la part d'illusion dans mon écriture introspective. N'est-elle pas un jeu de dupes envers moi-même ? Cette intellectualisation de l'émotion est-elle vraiment raccordée à ma part vivante, réelle ? Penser, écrire, c'est facile... mais dans la réalité des choses, qu'en est-il ? Et si c'était ce décalage qui créait mon plus grand malaise existentiel ?

Je crois que j'ai encore beaucoup à découvrir. J'ai l'impression de n'avoir fait qu'une première partie du travail. De n'avoir passé que quelques portes. Tant de choses m'apparaissent peu à peu, dont je pressens qu'elles pourraient mener vers la liberté d'être moi-même.







Les limites du flou




Mardi 27 décembre


Bien que l'écriture sur ce journal m'agace, je continue encore... Peut-être me faut-il lui trouver une nouvelle tonalité, ou d'autres sujets ? Toutefois s'il devient durablement silencieux, ne vous inquiétez pas, c'est que j'aurai senti le besoin de faire une pause. Je ne disparaitrai pas sans un mot.



En ce moment, période de vacances, les enfants sont chez Charlotte. Ça complique toujours nos rapports, puisque le rétablissement provisoire de la cellule familiale augmente la fréquence de nos contacts. Il y a déséquilibrage du modus vivendi qui s'est établi entre nous. Et, forcément, vient un moment où il est nécessaire de procéder à des réajustements.

Je n'ai plus ma place "chez Charlotte", même lorsque la maison redevient celle de la famille. Et bien que je n'y passe ni mes journées ni mes nuits, les temps de repas préparés et pris en commun, d'un café, d'une discussion, se cumulent. Apparemment sans aucun problème pendant quelques temps. Et puis subitement... ça fait "trop". Une limite imprécise a été dépassée. Charlotte me trouve "trop présent". Comme ça, sans que je ne perçoive de signes avant-coureurs, alors que je m'efforce d'y être vigilant (je commence à connaître le processus...). Estimant que je devrais me souvenir qu'il y a une limite, elle me la rappelle... pas forcément très adroitement. Et c'est là qu'une crise naît: elle se sent mal à l'aise de devoir me maintenir à l'écart de la famille (alors que tout s'y passe bien...), et moi je me sens mal à l'aise de n'avoir pas détecté que je "l'étouffe", tout en étant frustré de ce retour au régime d'isolement.

Je ne peux accueillir mes enfants chez moi, hormis pour des repas, et cela oblige donc à une organisation à laquelle je ne m'habitue pas. Et comme, lorsque tout va bien, ce n'est pas moi qui souffre de la présence de Charlotte, ni qui ressens le besoin d'être seul... c'est forcément de son côté que se dressent les limites. Tant que je me sentirai bien en sa présence, je serai forcément l'envahisseur potentiel. Inversement, je ne me suis jamais senti envahi. C'est donc toujours à moi de m'ajuster aux limites de Charlotte, que cette "docilité" dérange. 
Et franchement... moi aussi ça me gonfle ! J'en ai marre d'être celui qui est toujours trop présent, trop gentil, trop attentionné... et qui se fait repousser à cause de ça.

Bon... il faudrait peut-être que je m'interroge aussi sur cette tendance à être"trop" prévenant...



Résultat: coupure, sur fond de culpabilité réciproque. Elle de me "repousser", moi de l'avoir "envahie". Si les choses ne sont pas reprécisées d'un commun accord, mais imposées dans l'urgence, je prends son besoin de distance comme une forme de rejet à mon égard. Rejeté parce que n'ayant pas respecté son besoin.

Et là... c'est la merde.
Blessé je me renfrogne, je m'isole, je retourne dans ma tanière. Je redeviens ours taciturne. Pas envie d'être dérangé, envie de voir personne. Rien à donner... (juste envie qu'on me rassure, comme un enfant inquiet). Et si Charlotte vient me voir sans assez de chaleur... je préfère rester distant en fermant mon affectivité pour ne pas souffrir du risque de rejet...
Homme insensible, froid et neutre. Ce comportement est tout à fait... enfantin, mais je ne sais pas fonctionner autrement.

Ensuite il faut un temps de latence, chacun de son côté, puis pas mal de dialogue pour rétablir l'équilibre relationnel. Les sensibilités ont été touchées et les efforts partagés de pondération et de calme sont tout juste suffisants pour que la situation ne s'evenime pas (ce qui est déjà une nette amélioration...).

Nous avons pu reparler un peu de tout ça et il semble qu'on ne fonctionne pas de la même façon: elle me sent "flou", tandis que moi j'ai besoin qu'elle précise très clairement ses limites. Parce qu'à l'inverse je la trouve "floue" dans ses attitudes changeantes et fluctuantes. Tantôt appréciant ma compagnie, tantôt la repoussant sans que je ne sache ce qui occasionne le changement. Un jour elle me demandera une certaine tendresse, et quelques heures plus tard elle me dira que je suis trop présent...
En fait elle a peur qu'une trop bonne entente ne nuise à la séparation. Elle a peur de "mollir" et d'accepter à la longue ce dont elle sait ne pas vouloir.
Et pour elle qui aime bien les choses nettes, force est de reconnaître que le statut mi-séparés, mi-voisins, reste assez insatisfaisant sur ce plan là.







Simplement humain





Jeudi 29 décembre


Après la pleine sérénité ressentie il y a quelques temps [youpiiiie !], me voila revenu dans un épisode tourmenté [schgrmmblllgrgnn...]. Je sais que la vie fonctionne comme ça: quand on se sent être arrivé à un sommet, encore tout heureux... on découvre, émergeant du brouillard, qu'il reste beaucoup à gravir. Pfff, c'est épuisant, à la longue. Alors ça donne un coup au moral, pendant quelques temps. Lassitude. Déprime. Ras le bol. Envie de tout arrêter. Mais arrêter quoi ?

Heureusement, je sais que ça ne dure pas et que reviendra l'énergie pour reprendre la route.

Pourquoi ce brusque abattement ? A cause de deux coups de miroir dans la figure, presque simultanés. Et pas des moindres!
D'abord le constat que, dans certains domaines, je suis tout simplement resté un ado de 15 ans. Je n'ai pas grandi. Ça ne se voit pas et mes tempes grisonnantes feraient presque illusion, mais il y a des pans entiers qui sont restés en friche d'immaturité. Petit garçon trop sensible pour un monde d'adultes. A mon âge... ça fait mal de constater ce retard et de penser à tout le travail qu'il va falloir faire pour en sortir. Ces domaines sont de l'ordre affectivo-émotionnel, tendance "confiance en soi". Autrement dit: ce qui fait qu'on se sent en harmonie avec soi et les autres. Ce qui fait qu'on peut aller vers l'autre sans crainte, aussi...

L'autre coup de miroir c'est la prise de conscience, redoutable, que je me suis installé dans un monde "virtuel". Dans le sens de "potentiel", ou "en devenir". C'est à dire que je développe de belles théories, mais que dans la réalité je me vois incapable de les vivre actuellement. Mes émotions mal connues, mon affectif immature, me rattrapent et bloquent mon avancement. Je ne pourrais pas aller plus loin tant que je ne serai pas suffisamment solide, assez mûr, assez autonome pour mettre mes actes en conformité avec mes pensées. Oui, c'est pas par hasard que je me dis idéaliste...

Je ne baisse pourtant pas les bras, et continue à vouloir être en adéquation entre pensées et actes, mais c'est un défi colossal que vouloir y parvenir parce que j'ai des idées assez... euh... exigeantes. Mais je ne suis qu'humain, bêtement humain, et soumis aux mêmes règles que les autres: mes émotions dirigent mes possibilités. Sartre dit: « La liberté ce n'est pas pouvoir ce que l'on veut, mais vouloir ce que l'on peut »
Voila pourquoi je prends conscience de l'effet trompeur de ce journal... Il n'est qu'intentions, très en avance sur mes possibilités réelles. Je me sens donc un usurpateur, vis à vis de moi-même en premier lieu. Retenu par mes possibilités effectives.

Je vous assure que le constat est douloureux. Mais ô combien nécessaire...
Un bon coup d'humilité derrière les oreilles.

Mais c'est aussi la seule façon d'avancer: comprendre ce qui me bloque.



Autre constat déprimant et de pleine actualité: je ne sais toujours pas entendre/capter/exprimer mes émotions/désirs face à autrui. J'ai bien compris que c'est ce qui m'anime, mais c'est un peu comme si je ne décodais pas ce langage. J'ai beau les décrire ici, en long et en large, ce n'est que du réchauffé. Du succédanné, de l'émotion en différé, froidement analysée. C'est du passé. Désirs morts-nés.

L'émotion instantanée, le désir au présent (désir au sens d'envie/pas envie), j'ai énormément de difficultés à les percevoir. Dès que je suis avec quelqu'un je ne sais plus entendre ce que je ressens. Je n'existe plus vraiment. Le moi se noie dans le "toi". Ma réponse c'est plutôt du genre « je ne sais pas ». Ou « comme tu veux ». Mon désir de ne pas déplaire anihile toute capacité à me plaire à moi-même. Voila ce qui me rend aussi servile, brave toutou docile, fidèle et disponible dès qu'on le siffle, toujours attentif à ne pas déplaire. C'est nullissime ! Lamentable ! A chier !
Et ce n'est pas comme ça que je plais, je le sais très bien. Mais sur le moment... impossible de faire autrement. Et après, c'est trop tard. Argnnnnnn !

Ne vous y fiez pas: le gars qui écrit ici n'est pas tel qu'il paraît. Celui qui énonce ses avancées par des mots est dominé par ses traumatismes, étouffé sous son absence de désirs propres, laminé par ses écrasantes craintes.
Il y en a une qui est bien placée pour le savoir... [n'est-ce pas ?]

Comment qu'on fait pour capter ses émotions en temps réel ??? Est-ce que quelqu'un a une recette miracle ? Est-ce qu'il faut des antennes spéciales ?





Par ailleurs (mais pas tant que ça...), le besoin de distance manifesté récemment par Charlotte m'a fait me demander pourquoi je vis si mal ces marche-arrière. Car à l'évidence ça m'affecte beaucoup et atteint profondément mon moral (surtout s'il est déjà un peu parti en vrille...).

Ce n'est pas le fait de me retrouver seul, puisque je le vis très bien lorsque les circonstances font qu'il n'y a pas d'autre choix. Et puis j'apprécie la tranquillité que cela me procure, en temps normal.
Ce n'est pas non plus d'être privé de la présence des enfants puisque hors vacances leur absence ne me pose pas de problème.

Alors pourquoi cette différence ?

Je crois que c'est parce que cet isolement est un choix de Charlotte, différent de ce que je croyais. Elle préfère être seule qu'avec moi. Ce que j'accepte tout à fait dans le principe, mais qui ici me montre que nous n'étions pas dans la même dynamique relationnelle. Je pensais partager avec elle quelque chose qui... n'existait pas vraiment. Je me sentais à l'aise, je nous croyais en phase... et je me trompais. L'état d'harmonie affective et émotionnelle qui contribuait à faire mon bonheur était une illusion qui tombe brutalement. Elle acceptait ma présence « pour me faire plaisir ». Pour que je ne me sente pas tout seul...

Mais c'est bien pire au moment où je le comprends ! J'aurais préféré me tenir à la bonne distance, communément acceptée, pour ne pas souffrir de ce bien-être factice qui m'est retiré.
Car c'est bien ça qui crée ma tristesse et me blesse: l'illusion. Le partage était faussé. C'est presque de la tromperie... (involontaire, je le sais bien...)
Voila pourquoi je rentre dans ma coquille et ferme mes émotions. Je me tais, je disparais. Je me sens seul, parce que privé de partage. Et sans ce partage relationnel, je préfère encore être seul.

Le partage, c'est ce qui me fait vivre et me rend heureux. Notamment le partage émotionnel, qui crée un désir de rapprochement dans un élan réciproque. Tout est contenu dans ces mots: désir de partage émotionnel. C'est au nom de ces mots-là que j'ai été attiré hors du couple. C'est par ces mots-là que j'ai ressenti mes plus grands bonheurs. C'est par ces mots-là que je vis et veux vivre.
Désir de partage, désir d'émotions, partage d'émotions, partage de désirs, émotion du partage, émotion du désir.

Trop rare, trop précieux, trop bon pour que je ne craigne pas leur extinction.
Mais c'est cette crainte qui les éteint... et déclenche la souffrance tant redoutée.
C'est aussi la crainte de souffrir qui fait que je préfère la solitude.
Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve...

Ouais, je sais, je n'invente rien.
Tout le monde découvre ça un jour ou l'autre.
Simplement humain.







Pour le moment...



Samedi 31 décembre


Allez, en ce 31 décembre je peux bien vous l'avouer: ce journal est faux.
Je vous ai bien eus, hein ?

Eh oui, même moi je m'y suis laissé prendre !

Il est faux parce qu'il n'est que la représentation instantanée de ce que je pense. Il fige une pensée en mouvement, ce qui n'a guère de sens. Pourtant il est sincère. Mais chaque page n'est que la vérité du moment, teintée d'une part d'erreur qui sera corrigée ultérieurement, indéfiniment. Il n'y a que sur la durée que l'idée de mouvement est perceptible. C'est peut-être aussi pour ça que je ne vois pas trop comment je pourrais cesser d'écrire...

En cherchant à me comprendre, et en particulier autour ce qui concerne l'impasse amoureuse dans laquelle je me suis trouvé pris, j'ai trouvé des amoncellements d'explications. Toutes vraies, mais chacune fausse, parce qu'incomplète. Souvent j'ai eu l'impression de "tout comprendre", alors que je ne faisais que découvrir une part qui sortait de l'ombre, en partie périmée un peu plus tard. C'est l'ensemble qui donne une approximation de vérité. Et ce ne sera qu'avec suffisamment de recul que je saurai un jour, peut-être, ce qui s'est vraiment passé en moi et quels éléments auront été prépondérants. Mais de vérité totale, il n'y en aura sans doute jamais...

Et il y en aurait une que ce serait seulement la mienne.



Au delà d'un amour conjugal qui s'est révélé être devenu limitant dans ma liberté d'être, puis d'un nouvel amour qui m'a révélé que je n'avais pas encore les capacités d'être libre... c'est bien évidemment moi que j'ai découvert. Et la difficile et attirante liberté d'être authentiquement moi-même. Je ne sais pas si j'y parviendrais un jour, et ça ne m'inquiète pas vraiment. Tant que je sais que je vais vers cela, ça me convient. J'accepte l'idée que le processus est lent, et sans fin.

Ce qui me semble certain c'est que le moi n'existe pas vraiment. Il est tout aussi volatil que ce journal qui tente de fixer l'éphémère. Le moi change de jour en jour et d'heure en heure. Chercher à comprendre le moi de la veille avec le moi du jour est déjà faussé. La seule chose à ressentir, c'est le moi au présent. Ce que je suis à l'instant où je le vis. Bien-être ou mal-être, peu importe, seul existe ce qui est ressenti à ce moment-là.

Faudrait-il alors ne pas chercher à comprendre a posteriori ? Bien sûr que non! Il est important d'analyser ce qui a fait souffrir, mais en acceptant que ce soit passé et étape nécessaire. Et sans trop s'inquiéter d'une possible récidive. Il est important aussi de comprendre ce qui met en état de paix, sans pour autant perdre sa sérénité à la chercher...
Parce que c'est au présent que je vis.

Ce que j'écris-là ce ne sont que des mots, évidemment... Je les oublierai sans doute à l'instant où une inquiétude quelconque viendra me titiller.
J'espère simplement qu'à la longue ces mots tracent leur sentier et explorent les zones restées obscures. Sillonner en tous sens cet inconscient qui me gouverne encore trop.

Et encore, je ne parle là que du moi instantané, mais j'explore simultanément sur mon carnet la piste du moi-pluriel: autant de "moi" que de rencontres ou de relations.



C'est sur ces réflexions hautement philo-psychologiques d'un moi fragmenté et temporel qu'une année laborieuse d'achève. Oufff ! La précédente n'avais pas été facile non plus. Ce sont des années de transition. Douloureuses par moments, épuisantes, mais passionnément enrichissantes et tendant incontestablement vers un mieux-être. Je pense que l'année qui vient sera plus facile à vivre, plus sereine, quoique plus concrètement active. Le terrain a été préparé pour les importants changements à venir. Le gros chantier de l'affectif a été déblayé et cartographié. Il ne reste qu'a reconstruire sur des bases assainies.

Si je vois juste [tentons l'art divinatoire...], je vais continuer à rester imperméable à tout ce qui concerne la séduction dans les mois à venir. Célibataire [mais pas solitaire], quels que soient mes désirs de partage émotionnel et sensuel [et euh... sexuel]. Hormis cette frustration sensorielle, je crois préférable de prendre mes marques en tant qu'individu, hors couple d'aucune sorte. Je désire apprendre à savoir qui je suis, ce à quoi j'aspire, et continuer à cerner mes besoins ainsi que « ma façon d'aimer ». J'ai envie de savoir bien plus précisément ce que je veux et ne veux pas. Mieux connaître mes besoins et limites.

Et accessoirement renforcer mon "moi" dans des situations où je le sais trop faible...

Comme je n'ai aucune envie de prendre les sentiments à la légère, ni de souffrir, ni de faire souffrir, je ne souhaite pas vivre de nouvelles aventures sentimentales [on dit ça, on dit ça...]. Et d'abord... je n'y suis pas prêt [voila qui est plus juste]. Je le sais, je le sens.
Même si toute ma démarche a été guidée par un désir de vivre librement chaque rencontre, sans limites imposées d'avance, je préfère ne pas m'aventurer dans des dimensions sensibles pour le moment. Plutôt ne rien vivre que de le vivre mal. Les amitiés me suffisent pour le moment. Et tant pis si les années passent, avachissant mon corps sculptural d'éphèbe mûr et transformant mon regard de séducteur-né [image mentale: Richard Gere] en celui d'un séminariste libidineux...

Si vivre avec intensité est attirant, vivre avec sérénité l'est préalablement.
[Copyright citation by L'Idéaliste]

Un jour j'avais lu quelqu'un qui disait, en parlant de l'amour-amoureux: « de l'or, sinon rien ». Je crois que cette vision des choses me plaît...