Août 2005

Dernière mise à jour:dimanche 23 octobre 2005 - Accueil - Premier jour - Archives - Message



[Intermède]




Mercredi 3 août


« Ecrire, c'est ranger le vrac de sa vie ». Voila la phrase qui commence le film que je suis allé voir hier soir, "Les poupées russes". J'ai été profondément touché, ému, bouleversé, et à plus d'un titre, par l'histoire de cet homme plutôt perdu dans sa vie, à la fois insouciant et compliqué, qui écrit sur l'amour [écrivain, pas blogueur...] et le cherche dans une quête d'idéal impossible. A vouloir tout étreindre, il se perd tout en semblant trouver peu à peu les éléments qui comptent pour lui. En se heurtant aux limites qui séparent rêve et réalité, il entraîne dans les remous de ses diverses expériences les femmes qu'il approche. Mais lui-même se trouve autant balloté par les changements de direction de ces pluri-amitiés amoureuses.
C'est bien joué, particulièrement réaliste, et le film aborde toutes les questions qui gravitent autour de l'amour et de ses suites... tout en les laissant en suspension. Loin des clichés, d'ailleurs habilement mis en perspective, il offre une vision des inévitables complications amoureuses, quelle que soit la façon dont on vit ces relations.

Forcément, c'est trèèès évocateur par rapport à ce que j'explore, et plus d'une fois j'ai versé ma larme [hmmm... douce nostalgie, rêves effleurés]. Tout autant que j'ai ri, d'ailleurs, tant le comique des situations prend un goût particulier quand on en connaît la saveur. Au moment du générique de fin, avec une musique adéquate, j'étais liquéfié. En pleurs sans savoir s'il s'agissait de tristesse ou de bonheur... Un peu des deux, sans doute.




Bon... mais je reviendrai sur tout ça prochainement. Cet [intermède] étant inséré ici parce que le film à joué un rôle notable dans l'évolution récente de ma situation sentimentale. La suite au prochain épisode...




«J'aime bien les marins parce que même s'ils ont un cap, ils peuvent naviguer à vue, c'est-à-dire qu'ils ont le droit, si le vent tourne, d'aller dans le sens opposé. Dans la vie, on change d'avis, on hésite, le vent tourne, on va ailleurs et ça n'empêche pas qu'on ait une direction unique»

Cédric Klapisch, interview dans le journal "24 heures"









Au supermarché...



Vendredi 5 juillet


J'étais en train de faire tranquillement mes courses dans mon supermarché habituel lorsque j'ai croisé un sourire familier. J'ai cherché d'où je le connaissais et j'ai immédiatement reconnu celui que j'avais vu en photo sur un blog. Parfaitement: le sourire d'une blogueuse dans mon supermarché, entre les cornichons et la moutarde ! A ben ça alors... quelle coïncidence ! Cette blogueuse habiterait-elle à côté de chez moi ?

Ouais bon, j'exagère un peu là... Il y avait bien le sourire d'une blogueuse, il y avait bien un supermarché, mais ce n'était pas une coïncidence. En fait j'ai découvert il y a quelques temps, par le concours involontaire d'un autre diariste, que Pralinette habitait à quelques kilomètres de chez moi. Le temps de l'informer de ce voisinage insoupçonné en échangeant quelques mails, et nous avons décidé de nous rencontrer. Ben oui pour une fois qu'on peut aisément lever la barrière de la virtualité, ç'aurait été bête de s'en priver. Nous nous sommes donc donné rendez-vous, non pas au milieu des cornichons, mais dans le bar qui est situé juste à côté du supermarché dans lequel nous aurions pu nous croiser un jour...

Nos vagues descriptions physiques étaient presque superflues et il n'y a guère eu d'hésitations pour nous reconnaître. Et là, magie d'internet, en quelques secondes nous parlions de nos vies comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Ce qui était presque le cas, par le biais de nos écrits personnels. Ce fût donc l'occasion d'aller un peu plus loin puisqu'il demeure toujours des parties non évoquées dans les écrits. Et puis il y a le côté coulisses des milieux diaristes/blogueurs du "qui connaît qui", révélant parfois quelques surprises...

Nos échanges ont essentiellement porté sur nos conceptions de l'amour, les sentiments, les séparations et deuils, mais aussi sur le renouveau d'énergie qui se manifeste lors de ces étapes de changement. Pralinette est telle que je la lis: très positive. Il émane d'elle autant de vitalité et de joie de vivre que ses yeux l'expriment. J'aime cet état d'esprit...

J'ai pu mesurer l'aisance que j'ai acquise en quelques années puisque je n'ai eu aucune crainte à aller à cette rencontre en tête à tête avec une femme. Bigre... auparavant je me serais posé mille questions ! Pas non plus de timidité particulière au cours de la conversation les yeux dans les yeux.
J'ai même goûté au plaisir d'y aller sans devoir en parler à Charlotte. Là encore, il y a quelques années, comme lors des premières rencontres d'internautes, je me serais senti "obligé" de lui en parler, au nom de je ne sais quelle règle de la vie en couple.


Après deux heures d'une belle et dense discussion, j'ai raccompagné Pralinette chez elle. Et je suis donc allé faire mes courses...


Sauf que là, c'est vraiment entre les biscuits et les compotes que j'ai croisé une autre connaissance. Non, rien à voir avec internet (ou alors je l'ignore...). Il s'agit d'un écrivain-photographe-conférencier avec qui j'avais longuement discuté de mes projets professionnels ce printemps. C'est accessoirement un de mes clients, et nous nous apprécions puisque nous partageons une philosophie de vie et de rapport avec la nature très proche.

Maintenant nous partageons aussi autre chose...

Lorsque j'ai fini par lui dire que j'étais dans une remise en question professionnelle qui allait au delà de ce que je lui avais énoncé il y a quelques mois... que cela touchait à tous mes choix de vie... je suis allé jusqu'au bout en lui parlant de ma séparation d'avec Charlotte. « Ah bon ?! », s'est-il exclamé. J'attribuais cette réaction à la surprise, puisqu'il connaît aussi Charlotte. Mais il a immédiatement poursuivi, amusé, par un « Toi aussi ?! ». Voila donc notre nouveau point commun... tous les deux en séparation de couple. Exactement au même âge, pour des raisons assez semblables: bilan de mi-vie, avec de grosses questions sur ce qu'on veut vraiment vivre. Désirs de changements, de voyages lointains, de liberté. Il rêve de s'installer au Canada... La grosse différence entre nous deux: eux ont décidé en quelques mois de divorcer, avec obligation de vendre la maison dans laquelle il avait investi tous ses rêves.
Mais voila encore quelqu'un qui reste positif et souriant. Malgré les renoncements douloureux, il voit une belle occasion de partir sur une nouvelle vie.

En fait, on a bien rigolé en racontant nos déboires. Pas vraiment inquiets, alors qu'il y aurait de bonnes raisons de l'être en pareille circonstance. Finalement, il suffit de voir le bon côté des choses, ça aide à passer ce qui est plus délicat. De toutes façons, il n'y a pas d'autre choix, alors autant garder le sourire...


Belle journée de rencontres.







Intimité, transparence, et communication





Dimanche 7 juillet


Voila quelques jours que je "travaille" sur ce qui va suivre. Trois thèmes à la fois distincts et liés. Sujets en cascade... 
Schplonk !.. c'est du lourd (long). Je crois que c'est une étape importante pour ce journal et comme j'aime bien (m') expliquer [justifier ?] le pourquoi des choses, vous saurez tout. Ou presque.


1- Les limites de l'écriture intime sur internet
2 - Renoncer à la transparence
3 - Élargir les interactions ?





1- Les limites de l'écriture intime sur internet

-
Limites du dévoilement
Il y a longtemps que je me suis cogné aux limites de l'écriture intimiste sur internet. Celles-ci surviennent lorsqu'on sort de l'anonymat total (le pseudonyme, en conférant une identité reconnaissable, n'est plus un anonymat). Dès qu'on entre en contact avec autrui on établit une relation qui crée une sorte de bulle, souvent plus intime que dans la "vraie vie" [terme explicite à défaut d'être juste...]. Si la relation se prolonge dans le temps elle peut s'élargir rapidement hors des deux individualités en présence et devenir ce que j'appelle "sphère relationelle".
Il est parfois nécessaire de maintenir une distance entre les différentes sphères relationelles intimes, parce que dans chacune d'entre elle on se dévoile d'une certaine façon, ou dans un registre circonscrit. Même sans tricher, je me sais être différent selon les gens avec qui je suis en relation. Dans la "vraie vie" je ne suis pas exactement le même en famille, avec des copains, ou dans mes relations professionnelles. Être vu sous trop de faces anénantirait l'intime de soi. Il y a un besoin de jardin secret.
Sur internet, les forums, les journaux ou blogs, créent aussi des sphères élargies par affinités (relations de groupe) qui entrent parfois en interaction, plus ou moins secrètement. Ainsi j'ai donné la clé d'accès à ce journal à des personnes rencontrées sur des forums bien distincts des sphères de l'écriture en ligne (curieusement, je n'ai pas fait l'inverse...). Cela ne peut se faire que dans un esprit de confiance. Ou encore j'ai rencontré de visu des personnes connues sur internet (très récemment, d'ailleurs...). En revanche, personne de ma sphère familiale, restreinte ou élargie, n'a accès à ces différentes sphères d'internet que je fréquente. J'établis aussi des scissions très nettes, avec des pseudonymes différents pour chaque "lieu" d'internet. Peu de personnes me connaissent sous plusieurs identités.

Les limites de la confusion de sphères me sont apparues il y a quelques années, lorque j'ai participé à des forums liés à la pratique de l'écriture en ligne (CEV ou RDJ). L'intrusion de personnes "étrangères", la violence des échanges, l'intolérance, ne pouvaient pas s'accorder avec la fragilité de l'intime des écrits. J'ai aussi eu quelques déconvenues, allant de la critique publique de mon journal (moindre mal...) jusqu'à l'attaque clairement malveillante qui jouait de mes points sensibles, dévoilés dans ce même journal. A cette époque j'ai donc tranché net dans ce qui faisait interférer différentes sphères internautiques: j'ai renoncé à ces forums.


- Limites de la sincérité
Depuis deux ans c'est dans ma volonté de transparence que j'ai été trop loin dans cette écriture intime. J'ai décrit très longuement ma perception de la relation amoureuse que je vivais (donc une vision partiale...) tout en étant lu par ma partenaire, elle-même étant identifiée ou connue par un certain nombre de lecteurs. J'avais donc de nouveau confondu différentes sphères relationnelles, tout en y liant des sphères touchant à ma partenaire...
Mon type d'écriture, qui se voulait "sincère et exhaustive", s'est alors révélée être non seulement un leurre, mais aussi un piège. J'ai dû louvoyer entre des aspirations contraires: écrire mes ressentis profonds, tout en essayant de préserver l'intimité amoureuse. Pari difficile dans lequel je me suis souvent perdu, et mes mots avec. Spécialement lorsque la relation est devenue moins idyllique qu'au départ...

En fait, dès qu'il y a le moindre ressenti émotionnel "négatif" (peur, colère, tristesse...), on ne devrait plus parler des personnes qui ont accès au journal intime. Et ceci quelles qu'elles soient. Il y a trop de risques de blessures d'amour-propre et d'injustice dues à la partialité des propos. Ce qui pose directement le problème de la sincérité: si on ne peut dire les impressions défavorables, cela a-t-il un sens de ne donner que des impressions "positives" ? Faudrait-il alors se limiter seulement à des faits, sens entrer dans le registre émotionnel ? Ou bien laisser comprendre tacitement qu'on ne décrit que le meilleur en occultant des zones plus sombres ? Jusqu'où peut-on aller dans la sincérité de l'intimité ? Faut-il chercher cette sincérité dans un journal intime en ligne ? Sans doute pas...


- Limite spécifique: parler seul d'une relation de couple
Lorsque la réalité de la relation amoureuse que je vivais avec ma partenaire est devenue compliquée à vivre, pour des tas de raisons, ce journal a très probablement joué un rôle à double tranchant. Certes il m'a considérablement aidé à "avancer" dans ma connaissance personnelle, ce qui était son objectif initial. Mais il a aussi présenté deux inconvénients majeurs dont j'ai pris conscience il y a quelques mois:devenir un moyen détourné de communication indirecte, tout autant qu'un mode d'expression univoque assez gênant. En évoquant seul une relation de couple alors que ma partenaire n'utilisait plus ce moyen d'expression, je crois que ce journal a fini par devenir néfaste pour la relation elle-même. L'instrument d'observation interférait sur ce qu'il observait. Un comble !
Le support de l'écriture m'était nécessaire pour grandir "seul", mais cette pratique était devenue une béquille qui entravait la marche en couple.


Cependant, m'étant lancé dans un pari de sincérité, auquel s'est adjoint peu à peu une volonté de témoignage, je ne savais pas comment m'en sortir. Ce journal s'est bati sur l'exploration des relations par internet et la découverte de soi, et ce que je vivais avec nathalie en était devenu l'élément-maître. Je ne voulais pas non plus "effacer" artificiellement cette relation alors qu'elle a constitué l'essentiel de ce journal pendant plus de deux ans et demeure un évènement majeur du tournant de mon existence. Alors j'ai bien essayé de réduire notablement les allusions directes, mais ça n'a pas été efficace à 100%, notamment dans des moments de déprime passagère. Depuis des mois je cherchais à parvenir au terme de la narration en continu d'une belle histoire qui... euh... objectivement n'était plus vraiment « merveilleuse ». En fait, j'espérais qu'elle redémarre...


* * *





2 - Renoncer à la transparence

Pourquoi cette remise en question de l'intime et de sa publication maintenant ?

Aaaah, c'est là que se situe toute l'intrigue ! Tadadaaaam !
Parce que... parce que... quelque chose a changé.

Tout simplement: l'attente amoureuse que je vivais est terminée.
Ben oui, comme ça, subitement [enfin... façon de parler...]. La tension qui liait cette relation et le journal est donc rompue et voila une excellente occasion de désolidariser le vécu et sa narration. Dissocier les sphères relationelles.

Je ne veux plus que mes écrits interfèrent avec notre relation. Je ne veux plus confondre mon journal personnel avec le récit d'une sorte de "roman vivant". Je ne veux plus utiliser ce site pour "communiquer" avec ma partenaire. Pour cela je ne dois plus analyser le présent de cette relation, qui retournera ainsi dans la sphère intime privée. Entre elle et moi. Dorénavant, et si cela se justifie dans les sujets que j'aborde, je ne veux évoquer que le passé de ce que j'ai vécu avec nathalie, pour en tirer des enseignements positifs. Cela me semble infiniment plus sain. Autobiographie plutôt que journal...

Et pour le côté "témoignage", récit d'une relation amoureuse transatlantique et de son évolution, je n'ai de comptes à rendre à personne ni pris d'engagement à aller au terme de ce témoignage. Je dois choisir ce que je veux privilégier: la relation
ou son énonciation. La vivre à deux ou l'analyser devant témoins. L'intimité des réflexions ou leur publication.
Dans ce genre de circonstances, sans une définition claire des limites, le
ou exclut le et. Et puisqu'il faut choisir, je renonce au témoignage en temps réel.


Cependant,pour rester quand même cohérent avec l'esprit de tout ce qui a été raconté durant les années qui précèdent, je vais expliquer rapidement comment j'en suis arrivé à la fin de cette attente amoureuse. C'est une façon de clore le récit...

Il y a une dizaine de jours, assez déterminé à ne plus rester dans l'incertitude qui me tarabustait, j'ai posé des questions précises à ma partenaire. Il semble que j'étais enfin prêt à entendre les réponses. Depuis un an la part amoureuse de notre relation était en "suspension-arrêt" d'une façon qui n'était pas vraiment claire à mes yeux (ce journal était régulièrement le témoin de mes patientes inquiétudes). J'avais besoin de savoir exactement dans quelle dynamique se situait nathalie. Bon, les réponses ont été nettes mais je les ai acceptées moins difficilement que ce que je redoutais. Bizarrement, j'ai été soulagé d'entendre des mots clairs. Je suis ainsi sorti des dernières illusions que j'avais, laissant tomber les espoirs vains et cessant une épuisante course contre le temps.
Durant les quelques jours qui ont suivi, des tas d'idées et de sentiments contradictoires me sont passés par la tête. Une grande colère m'a saisi, avant tout contre moi. Par contre la tristesse qui m'avait dévasté l'automne dernier n'a qu'à peine pointé le bout de son nez, sans prendre place. Une confidente attentive à mon histoire m'a encouragé à tout laisser tomber... Et puis finalement j'ai lâché prise et la paix intérieure est rapidement revenue, avec un autre mode de pensée fondé sur la confiance en soi et l'amour de l'autre. C'est le fruit du travail de responsabilisation auquel je me livre depuis des mois...

Une grande sérénité a alors pris place, avec une calme certitude: je désire poursuivre ma relation avec nathalie, quelle qu'en soit la forme. L'état amoureux a, durant un temps, merveilleusement embelli [et beaucoup compliqué ensuite...] notre belle amitié-complicité initiale; il n'a plus sa place actuellement... et bien je l'accepte. Ce qui compte à mes yeux c'est la qualité du lien, la confiance, et la durabilité tant qu'elle est souhaitée bilatéralement. Et laisser la possibilité aux hasards de l'existence de nous "retrouver"... si toutefois les conditions nous redeviennent favorables un jour. Et si nous le désirons simultanément. Il est là le "lâcher prise": je ne m'accroche plus à ce que je ne maîtrise pas.
Je reste dans la voie dont je n'ai jamais dévié depuis que je connais nathalie et que j'ai choisi de pouvoir vivre en m'émancipant de la conjugalité: ne pas me couper les ailes. C'est le choix de rester ouvert à la vie et ses changements. Rien n'est garanti, mais rien n'est interdit. Si des portes doivent se fermer de mon fait, que ce soit derrière moi, pas devant.

Je renonce ainsi à l'expression amoureuse, pour préserver le lien.


J'étais dans cet état d'esprit lorsque je suis allé voir le film "Les poupées russes". J'y ai découvert beaucoup de clés de comprehension supplémentaires, et un regain de détermination à ne pas me priver des possibles. J'ai alors eu envie de partager mes émotions toutes fraîches en téléphonant à celle dont j'ai toujours su l'intérêt pour les variations amoureuses et les limites floues entre amour et amitié. C'était exactement le sujet des conversations qui nous avaient liés initialement. N'étant plus en attente à son égard, acceptant que l'expressivité amoureuse n'ait plus sa place, je crois que cela nous a permis de retrouver quasi intantanément une simplicité relationnelle et le chemin de la complicité qui nous unissait jadis. Nous en sommes là, je ne sais pas ce qu'il adviendra, mais j'aime cet état d'esprit qui m'anime. Notre lien a résisté à bien des épreuves, dont celles de la distance et de la séparation, et je crois qu'il en a acquis d'autant plus de fiabilité. Je trouve que cette vision optimiste est une belle occasion de jeter un voile pudique sur la suite de nos ébats.

Voila, je vous l'ai raconté en accéléré puisqu'en fait j'avais déjà écrit des pages d'analyse pour en arriver là. Je ne les ai pas publiées. Zappées ! Car cela n'a plus sa place ici, maintenant...


Et s'il y a un jour des évolutions notables [et que ce journal existe encore...], j'en parlerai.


* * *





3 - Élargir les interactions ?

Par ailleurs, voila un moment que je me tâte au sujet de la mise en ligne sous forme de blogue. Non pas pour suivre une mode [que ma petite fierté de diariste d'antan regardait auparavant avec quelque dédain], mais parce que le système des commentaires me semble être un instrument intéressant de communication, voire de prolongation de la réflexion, tout en ayant l'avantage notable de rendre plus perceptible le lectorat. Et donc d'écrire de façon un peu moins... personnelle. Ici j'écris tout seul, en sachant que généralement personne ne commentera directement mes textes. Cela me donne une propension un peu trop grande aux confidences égocentrées. Je crois que j'ai besoin de sentir ce lectorat plus "présent". De faire un peu plus gaffe à ce que je dis et élargir mon champ de vision. Et puis il y a le désir de me frotter aux autres et à la diversité des opinions. Il me semble ne plus avoir besoin de me cacher dans mon petit coin inaccessible. Je me suis suffisamment frotté aux forums pour m'ouvrir aux éventuelles contradictions, tout en connaissant mieux les limites de ma vulnérabilité.

Envisager d'écrire de façon moins personnelle peut paraître contradictoire avec le besoin d'intimité dont je parlais plus haut. Je pourrais au contraire opter pour un site plus secret [et il n'est pas exclu que je le fasse...], mais voila un moment que je suis attiré par une prise de distance dans mes réflexions. Ce serait un défi, puisqu'il me faudrait trouver un nouvel équilibre.

Cependant je m'interroge sur les inconvénients de la "matérialisation" (toute virtuelle...) d'un cercle de lecteurs-blogueurs, et des risques de créer une micro-communauté comme je les perçois sur les blogues que je lis (et commente très rarement, pour éviter justement cette inclusion). Il me suffit de cliquer au hasard sur un blogue qui ne fait encore partie d'aucun cercle pour sentir une impression de vide devant la "présence" souhaitée ou imaginée par l'écrivant. A l'inverse, sur des blogues inconnus mais inclus dans une sphère de connaissances qui s'intercommentent, je lis des gens qui, tout comme moi, s'adressent à leurs lecteurs en semblant être persuadés de la pertinence de leurs propos, de leur puissante originalité, et de leur incontestable contribution à la marche du monde. Le tout étant confirmé par lesdits lecteurs... J'exagère un peu, mais c'est parfois l'impression que ça me donne. C'est là que le mot VIRTUEL prend tout son sens...

Je nous imagine, tous devant nos claviers en train de "parler" au monde... alors que nous sommes en fait dans une bulle d'illusion. Avec combien d'entre vous ai-je eu de réels contacts ? Combien d'entre vous ai-je rencontré ? Avec qui ai-je eu une correspondance suffisamment suivie pour que je puisse considérer que le terme d'ami semble pertinent ? Combien d'entre vous puis-je nommer ?

Et sinon, qui êtes vous, lecteurs de passage à qui Google à fidèlement donné réponse aux mots-clés que vous cherchiez ? Ou bien lecteurs d'autres blogs qui ont cliqué sur un lien qui me citait.
Finalement, à qui est-ce que je m'adresse en m'exprimant ici ? Quelques personnes que je sais me lire, tout au plus. Un blog me permettrait d'en avoir une meileure idée, peut-être... mais pour quoi faire ? En fait, n'est-ce pas à moi-même que j'écris ? Et n'est-ce pas une part de soi que le lecteur aime lire ? Les ego parlent aux ego...

Ce que j'écris est un témoignage, récit de vie offert à qui aura envie de le parcourir quelques minutes, quelques heures, ou durant des années. Alors, dois-je chercher à établir une sphère relationnelle autour de ce témoignage ? Ou bien rester dans cette "solitude" du diariste... « I'm a poor lonesome diarist » écrivait je ne sais plus qui... Ecrire parce que c'est une nécéssité, en proposer la lecture, oui. Mais établir des contacts sur cette base ?

Et pourtant, combien de richesses et de personnalités attachantes ai-je découvertes depuis que j'écris et lis ! Ma vie serait-elle la même sans ces rencontres ? Assurément pas ! Ah, la réalité du "virtuel"...

Alors, blogue ou pas blog ?




[Aaaah, je vous avais bien dit que c'était long... Au fait, le principe du blogue c'est des textes courts, non ? Ah ben va falloir que j'apprenne à condenser alors !]





«Et me voilà donc reprise dans le carcan du silence...j'ai ôté des entrées trop personnelles et qui risquaient d'être compromettantes pour mon entourage. Il y a des choses de ma vie que je ne peux partager que si je reste strictement anonyme.»

Petites paroles inutiles - 3 août 2005



«Il est vrai qu'il y a quelques semaines, j'ai modifié partiellement ma manière de venir écrire ici. Pour le meilleur et sans doute pour le pire, je me suis accrochée, j'ai laissé libre cours à d'autres envies, j'ai laissé s'exprimer certaines choses que je n'aurais pas dites il y a trois mois.

Et j'ai écrit. J'ai résisté à la tentation d'effacer. Pour ne pas me retrouver asphyxiée. »

Sans prétention - 25 juillet 2005




«Pour ce qui est de ma vie intérieure, je me suis enfin fait le cadeau de ce deuxième site auquel je songeais assez régulièrement depuis deux ans. Il est quelque part dans un petit coin perdu de la toile et il est fonctionnel depuis quelques jours. C'est ce qui me permet maintenant d'écrire plus facilement et plus régulièrement dans ce journal, je ne me sens pas déchirée par le besoin de dire ces choses qui ne regardent que moi.»

Au bonheur du jour - 17 juillet 2005








Ne pas trop dire





Mardi 9 août


La question d'écrire sur un blog blogue/bloc/carnet (je cherche encore un terme français aisément compréhensible...), abordée dans mon dernier texte, n'est pas nouvelle pour moi. Il y a plus de deux ans nous nous y étions essayés avec ma complice (en écriture alternée), mais la tentative n'avait duré que quelques semaines. L'automne dernier j'ai vaguement tenté l'expérience, seul, en "anonyme", mais n'ai pas poursuivi: ne pas avoir de lecteurs enlevait tout le plaisir du partage. Et maintenant que ce type d'écriture m'attire de nouveau, les questions affluent.

Il est évident que je ne suis plus suffisamment à mon aise dans ce trop intime journal Alter et ego. Néanmoins, je l'aime bien et je ne voudrais pas qu'il disparaisse. Je suis comme ça: j'additionnerais volontiers mais ne soustrais qu'avec parcimonie et discernement...
Je pourrais donc scinder mon écriture: un journal personnel + un blogue, chaque site ayant alors une "personnalité " propre et s'adressant à des lectorats distincts. Mais c'est là que les questions commencent: si je me fractionne en plusieurs personnalités (démarche inverse de la tentative de transparence qui prévalait jusqu'à maintenant), combien vais-je choisir d'en montrer ? Et sur combien de sites ?

Car si sur un site je peux bien compartimenter mes centres d'intérêt en différents thèmes, je ne résoudrai pas pour autant le problème de l'intimité et de la transparence. Et puis bon, trier, compartimenter, étiquetter les sujets... je ne suis pas certain que ça me simplifierait les choses. Je navigue volontiers d'un sujet à l'autre dans mes longs textes et je sais que j'aurais souvent du mal à classer. Je suis davantage un adepte des flous et des nuances que des concepts aux limites nettes.

Je peux aussi additionner les blogs. Un qui serait généraliste, autour des sujets que j'aborde fréquemment (relations virtuelles, relations amoureuses et de couple, etc...), un autre serait très intimiste, à accès restreint (voire "secret" et anonyme). Mais je me demande alors quelle place il resterait au site Alter et ego...

Bref, la question est la suivante: compartimentation ou cohésion ? Est-ce que je préfère la sincérité globale du dévoilement élargi, ou bien la sincérité plus pointue du dévoilement restreint ?
Aaah, n'est-ce pas ça, la grande question ?

Est-ce que je préfère exprimer de moi un tout, ou bien me retrancher derrière des sujets nettement délimités, comme le font nombre de blogs particulièrement fouillés ? Ou autrement dit, est-ce l'homme [moi...] que j'ai envie de dévoiler, ou bien explorer les sujets de préoccupation dudit homme ? Est-ce que je désire écrire sur ce que je suis, ou sur ce qui m'intéresse ? Deux options radicalement différentes...


Spontanément, et avec candeur, je serais volontiers adepte de la transparence: un homme = un site. Je pourrais même relier tout ce qui m'intéresse, y compris mes activités professionnelles ou d'autres choses qui me rendraient aisément identifiable... si la plus élémentaire prudence ne me retenait pas. La quête de sincérité est très forte chez moi. Trop forte, probablement. Ou bien c'est moi qui ne suis pas encore assez "fort" pour assumer les conséquences de la sincérité. En fait, je crois que j'apprends à en tester les limites en fonction des réactions d'autrui et de ma propre capacité à les supporter.

Ça va loin... Je crois que pour être capable de transparence, il faut être très sûr de soi. Non pas dans le sens d'imbu de sa personne et bourré de certitudes, mais au contraire dans celui de connaître ses faiblesse, ses doutes, et les assumer au point d'accepter que les autres les voient. C'est être capable de se montrer faillible, sans pour autant flancher. C'est connaître ses limites, être capable d'auto-critique ou d'auto-dérision. C'est être simplement humble (c'est pas un terme courant du vocabulaire de notre société de la performance, ça, hein ?). Être fort de son humilité, c'est puissant comme concept, ça.

Invariablement j'en reviens à ce genre de choses. Toujours, depuis des années, je retrouve là ce qui m'a poussé à écrire en ligne jusqu'à bouleverser mon existence ronronnante.

Je sais à quel point ma quête de sincérité est obstinée, mais je ne sais toujours pas pourquoi...
Et je ne suis même pas sûr que la sincérité soit le meilleur moyen d'entrer en contact avec autrui, ou de maintenir les liens. Et s'il fallait préserver un certain mystère sur soi ?







Je verrai bien...



Mercredi 10 août


A trop penser, à trop m'interroger, je me prive de l'action. C'est quoi ces questionnements sur la création d'un blogue ? Et sur l'éventuelle possibilité d'abandon de ce journal ? Mais je m'en fous ! Je crée, et je verrais bien ce qui se passera ensuite ! A quoi ça sert de toujours anticiper, si ce n'est s'empêcher d'avancer ? Tant pis si mes tentatives ne durent pas, tant pis si ce journal disparaît. Tant pis (ou tant mieux...) si ma vie est faite de surprises, d'essais avortés et d'apprentisages à coup d'erreurs et de fausses pistes !

Toutes ces questions, ces scrupules à abandonner renoncer à des choses ou des relations existantes, ce n'est qu'une façon de s'empécher de vivre. Des résistances, au sens psychanalytique du terme. Or je sais de plus en plus intimement que ce qui me motive c'est une soif de vivre. Vivre des émotions, ressentir avec mes tripes et en jouir, avoir peur, vibrer. J'en ai marre de rester dans des situations où mes élans se brisent, de ne pas oser. J'en ai marre d'attendre la bénédiction ou l'accord de je ne sais quelles instances imaginaires auxquelles je me soumets.

Seul... je serai toujours seul à ressentir et vivre. Même si c'est avec d'autres. Je ne peux que partager la jouissance de plaisirs, mais jamais le plaisir lui-même.








Vivre




Jeudi 11 août


Il se passe de bonnes choses dans ma tête, en ce moment. Ça brasse, ça cogite, et c'est très bien. Je continue à poser les jalons de mon indépendance. Je coupe chaque jour un peu plus dans les multiples liens de soumission auxquels je m'étais aliéné. Et m'apparaît ma personnalité propre. Lentement, pas à pas, mais inéluctablement. Ne pas forcer les choses...

Les rapports que j'ai avec Charlotte sont excellents, et nous avons une belle solidarité pour poursuivre notre séparation dans les meilleures conditions. D'ailleurs les choses avancent, et chacun y participe.

Je prends aussi conscience de tout un tas de *détails* que je supportais mal dans les relations que j'ai avec certaines personnes, sans en avoir une réelle conscience. Toutes ces petites remarques qui échappent à ceux de mes interlocuteurs à qui j'attribue le "pouvoir" de me les rendre assassines. Maintenant je sens mieux ce qui m'est néfaste. Et surtout... je réalise à quel point je me culpabilise selon ce que ces autres me renvoient. Par exemple, il y a quelques jours, alors qu'au téléphone ma mère me suggérait la lecture d'un roman, j'ai dit qu'en ce moment je préférais dévaliser les rayons de livres de psycho de la Fnac. Et au loin, j'ai entendu mon père dire « encooore ?! ». Instantanément j'ai perçu comme une désapprobation, donc une culpabilité. Et au lieu de répondre du tac au tac « si autrefois t'en avais lu un peu je n'aurais pas besoin de le faire autant ! », je me suis contenté d'encaisser en silence... et de porter un certain malaise que je n'ai identifié qu'après plusieurs heures.
J'apprends à distinguer ce qui vient de moi (responsabilisation), et ce qui vient des autres, dans un laps de temps toujours plus court [oooh, à quand l'instantanéité ?]. Auparavant j'avais tendance à prendre à ma charge beaucoup plus que je ne devais. Je me sentais donc souvent coupable d'avoir mal agi, mal interprété, mal compris. Ou d'être trop lent, trop compliqué... Bref, c'était souvent "de ma faute". Syndrôme du vilain petit canard... Maintenant je relativise quelque peu: je ne suis "trop" que pour ceux qui ont des névroses liées à ce que cela réveille en eux. Ceux que ma différence de comportement contrarie.
J'en déduis aussi, principe de réciprocité, que j'agis de la même façon face aux comportements des autres lorsque je ne les comprends pas... Ben oui, dans les relations toute perception est réversible, et les responsabilités des conflits partagées pour moitié. Le "trop" de l'un n'est que le reflet d'un "pas assez" de l'autre.


Alors quand enfin je trouve des clés de compréhension... je sens de nouveau palpiter une belle énergie. Celle qui s'était révélée lors de l'extraordinaire relation de complicité qui a bouleversé ma vie. Quoi qu'il se soit passé depuis, je sais maintenant que ce désir de vivre est en moi, et que je ne veux plus l'étouffer. C'était ça ma quête inconsciente: vivre. Vivre pleinement.

A la question: «mais qu'est-ce que tu veux ?», que l'on m'avait posée lorsque j'étais immobilisé entre deux amours naufragés, la réponse est de plus en plus nette: vivre ! Écouter mes désirs, les exprimer, et agir dans leur sens. Et notamment dans le partage, l'échange, les liens. Et l'amour, s'il est possible. Ressentir des émotions (de préférence positives...) qui me chavirent, me font trembler, rire, pleurer... les partager, les danser. Vivre et bander de cette vie.
Vivre tout cela aussi lorsque je suis en relation avec la nature, mais là, ça ne m'a jamais posé de problèmes...






Fragments





Lundi 22 août


Tiens... ça fait longtemps que je n'ai pas écrit ici...

La crise existentielle de ce journal accompagne ma maturation silencieuse. Car ce silence signifie que ma pensée a fonctionné sans se stabiliser. On ne peut fixer un mouvement, ce serait absurde. Alors j'ai cheminé dans ma tête. Beaucoup.

J'ai écrit aussi, mais en le gardant pour moi ou le laissant diffuser peu à peu par fragments selon les hasards des échanges ou les lieux d'expression. Ma pensée s'atomise, et pourtant j'y trouve ma cohérence. Allez comprendre...
Je lis toujours beaucoup, souvent dans le même registre: l'affirmation de soi pour soi. Tout cela est répétitif, car il n'y a pas trente-six façons de croire en soi, mais c'est par cette répétition sous diverses formes que s'imprègne et se confirme mon propre mode de pensée. Dans les mots des autres je me trouve toujours plus aisément, un peu comme sur des sentiers qui devenant familiers à force de passages. Je sens ce qui me touche et délaisse ce qui ne me concerne pas.

Je sais que j'entre chaque jour un peu plus loin dans un système de pensée qui tend vers l'apaisement et l'ouverture à l'autre. C'est à la fois infiniment lent et sans recul possible. Comme un labour profond mené par un cheval de trait laborieux. Mouais... j'ai bien dû l'écrire cinquante fois ce genre de choses. C'est une façon d'exprimer ma satisfaction et peut-être aussi ma surprise de constater combien l'entreprise est efficace si on s'y accroche.

J'en arrive à me dire que tout ce que j'ai vécu aura été une chance. Oui, oui, même les pires tourments ! De l'intense chagrin dans lequel j'ai sombré il y a un an je tire des enseignements innombrables. C'était mon chemin. Non comme un destin imposé, mais le passage qui allait me permettre de détricoter ce qui était tissé de travers. Il fallait que je passe par cette désespérance pour comprendre mes illusions, mes peurs, et mes douleurs. J'ai payé très cher, mais le résultat vallait bien ce prix. Celui d'une émancipation et d'une liberté accrue. Je suis devenu un peu moins naïf...

Tout cela est une évidence pour ceux qui ont fait déjà ce genre de chemin: les souffrances font grandir...



* * *




Cependant mon absence avait aussi des causes tout à fait terre à terre: vacances. En famille et à l'écart du monde. Oh, pas au bout de celui-ci, mais au beau milieu: en France, dans le sud de l'Auvergne. Pas besoin d'aller très loin, il suffit de s'écarter des villes et des routes. Suivre les chemins de traverse...

Nous l'avons fait à deux familles, en compagnie d'ânes de bât qui portaient une partie de notre équipement de randonneurs. Contournant les collines, traversant des forêts ou suivant les prairies desséchées, les chemins ancestraux nous ont menés de hameaux en villages. Là-bas la pierre volcanique, noire, donne une personnalité austère aux maisons ou aux églises romanes. Notre itinéraire nous plongeait dans une France rurale comme on a tendance à oublier qu'elle existe encore. Et pourtant... je vis à la campagne ! Mais la mienne est moins à l'écart des villes. J'ai retrouvé bien des sensations de mon adolescence, lorsque je nous partions avec d'autres jeunes hors des routes balisées. Tant de choses restent immuables...

Nous avons croisé peu de gens, mais la plupart du temps une ébauche de conversation prenait place. Quelques mots, quelques sourires. Il faut dire que huit randonneurs et trois ânes chargés ne passent pas inaperçus. Pour un peu on se serait fait photographier comme éléments du patrimoine local !





Nos nuits étaient en pleine nature, réveillés tantôt par les glapissements d'un renard ou alors le braiement particulièrement sonore d'un des ânes. Mais le sommeil était plus sûrement troublé par l'inconfort et le manque de place à l'intérieur des tentes. Hum... c'est aussi à ça qu'on sent se marquer le passage des années...

Pour l'occasion la famille s'est reconstituée, tout simplement. J'ai retrouvé Charlotte et les enfants en temps plein. Sans problème. L'entente est toujours cordiale et en apparence rien ne nous distingue d'un couple "entier". Nous avons même bien rigolé en voyant les menus frottements de l'autre couple, puisque nous n'avons plus ce genre de négociation permanente entre les désidératas de l'un ou de l'autre. Par contre, j'appréciais d'avoir de longs moments de solitude lorsque je marchais un peu à l'avant, avec la carte topographique. J'aime être au calme pour penser...







Complications avantageuses




Jeudi 25 août


En quelques jours j'ai pris un nouveau rythme de vie. Je me suis replongé dans le travail avec délice. Je crois que je m'étais préparé mentalement à cela depuis des mois: l'année à venir sera celle du changement professionnel (pour moi l'année commence en septembre).

Depuis un an j'ai fait l'état des lieux de ma vie sentimentale, après les aventures rocambolesques de mes amours évolutifs. Désormais je crois que je sais bien où j'en suis, et où en sont ces relations. J'en ai une vision à moyen terme, avec plusieurs mois de perspective pour m'installer dans ma vie de célibataire. Cela me donne de l'air, et la capacité de me projeter un peu plus loin qu'en ayant le nez face à un mur d'incertitudes.

Avec Charlotte nous avons repris la phase de mise en pratique de notre séparation officielle. Cette année à venir sera celle de la séparation effective (déménagement et éloignement géographique), tandis que celle qui s'achève aura été comme un sas de décompression. Période transitoire de semi-couple décohabitant. Charlotte convient maintenant que tout ce temps nous aura été utile et profitable. Elle ne le regrette pas. En fait elle réalise maintenant que la crainte du regard des autres influait sur ses décisions: l'incertitude lui semblait être malsaine, elle avait besoin de se situer précisément dans un "statut" clair. Elle vivait mal cette "séparation" qui n'y ressemblait pas. Charlotte aimait aussi peu le flou que je m'y complais... Mais finalement, tous les deux, nous aurons fait des pas l'un vers l'autre dans ce domaine. J'ai bien compris qu'il fallait agir pour trancher après avoir bien soupesé chaque situation d'indécision. Et Charlotte réalise à quel point ne pas agir dans l'urgence est important... et comme le regard des autres est sans importance.


Alors voila: mois après mois se précisent nos chemins respectifs. Les idées d'un jour prennent place lorsqu'elles ouvrent des perspectives intéressantes, tandis que d'autres sont abandonnées après peu de temps. C'est un peu comme une exploration, et les décisions se prennent lorsqu'elles sont devenues évidentes. Chacun agit selon ses convictions tout en étant à l'écoute de l'autre.

Et, signe de détente notable, Charlotte me pose de temps en temps des questions sur nathalie et le type de relations que nous avions !



En fait, si je peux reprendre mon activité professionnelle efficacement, c'est aussi parce que j'ai retrouvé une sérénité du coté affectif. Tant que j'étais dans des questionnements, un mal-être, des inquiétudes, je ne pouvais "créer". La recherche d'idées demande une grande disponibilité d'esprit, que je n'avais pas. J'étais donc en panne entre le sens de ma vie et celui de mon travail, les deux étant interdépendants. Il m'a fallu d'abord retrouver le sens de ma vie, et maintenant je peux me consacrer à ce qui me donnera les moyens de le vivre: l'argent.

Cet aspect très terre à terre de l'indépendance financière aura été la cause principale de cet étirement de la séparation dans le temps. Et maintenant je me demande si... ça n'a pas été une chance. En compliquant considérablement ma prise d'autonomie, cela m'a permis de prendre le temps d'une réflexion très complète et d'aller au fond des choses. Si j'avais eu cette indépendance je sais que j'aurais agi plus impulsivement, et Charlotte davantage encore. Notre séparation se serait sans doute faite comme tant d'autres: dans l'amertume et la douleur. Il y aurait eu beaucoup d'incompréhension, de souffrance intime, et le repli sur soi qui l'accompagne. Alors que là nous avons pu retrouver le chemin du dialogue, et même l'améliorer. J'aime beaucoup l'accord qui existe entre nous. Le passionné de communication interpersonnelle que je suis y trouve une grande satisfaction. C'est une belle victoire commune.

D'une contrainte, nous avons su tirer un avantage.







Rupture idéale




Dimanche 28 août


Je travaille beaucoup en ce moment, et prends donc moins de temps pour l'écriture. Je réduis la fréquence et la longueur de mes billets. Et puis j'écris un petit peu ailleurs, comme certaines ont déjà pu s'en apercevoir...

Hier il pleuvait. Temps frais et gris, brouillardeux. L'avant-goût d'automne qui s'est installé depuis une semaine semble durer. Hé oh, c'est un peu court comme été ! Du coup j'en ai profité pour continuer un travail fastidieux qui s'accomode bien de ce genre de météo: mettre en série des photos sur mon site professionnel. Séléctionner, cadrer à 380 x 253 pixels, réduire au format 72 dpi, copier, enregistrer, et hop, photo suivante. Puis transférer image par image, fiche par fiche, via le ftp. Pfff, ça me va parce que je ne fais pas ça très souvent, mais c'est vite lassant. Puis ça raidit le bras qui tient la souris... Bon, je rouspète, mais j'aime bien ce côté très varié de mon travail. Là c'est de la gestion de site, bientôt ce sera la mise en page de mon catalogue annuel, avec calcul de tarifs, relations avec l'imprimeur... Et simultanément, toujours mon travail en extérieur, de préférence lorsque la météo est belle. Et là, c'est le pied.

Même si... tout cela est probablement pour la dernière année puisque de grands changements sont prévus. Mais... on verra bien.




Tandis que je travaillais de mon côté, Charlotte étudiait du sien. Elle suit une formation pour évoluer dans sa profession et cela demande beaucoup de lectures sur des sujets humainement denses. Il y est question de vieillissement, de mort, et du regard de notre société sur la fin de la vie.
Alors en fin de journée, un peu chamboulée par ce qu'elle lisait, vaguement déprimée par le paysage sombre, seule dans sa grande maison (les enfants sont tous en vadrouille), on a décidé de passer un moment ensemble. Lorsque je suis allé la rejoindre elle regardait un film qui, comme par hasard, parlait de deux histoires de couples. L'un éclate suite à une rencontre-révélation (de façon assez similaire à ce que j'ai vécu), tandis que l'autre résiste vaillamment dans la durée. A coup de flash-back on voit le premier couple se séparer, changer complètement de vie en devenant manifestement plus heureux et épanoui, tandis que le second couple semble s'installer dans une longue amitié intouchable. Et la vraie séparation se fait finalement entre deux couples d'amis qui ne se comprennent plus...

Charlotte peut maintenant regarder ce genre de films, ce qui lui était trop douloureux il y a quelques temps. Quant à moi ça me faisait parfois réfléchir "à l'envers" (c'est à dire régresser, en me demandant si je ne faisais pas fausse route...). Alors forcément nous en avons un peu parlé à la fin. Rapidement le sujet peut susciter des tensions, malgré l'entente cordiale qui règne.
Il y a toujours une période de notre parcours délicate à aborder: celle où s'est installée ma relation amoureuse en parallèle. Forcément nous n'avons pas le même ressenti. Et même si je "comprends" ce qu'à pu ressentir Charlotte, et sa grande souffrance, il m'est difficile, en tant qu'acteur direct de ce ressenti, d'écouter avec une oreille neutre. Sa perception de ce que je lui disais à ce moment-là est différente de ce que je voulais dire. Elle prenait comme autant de coups de poignards ce qui n'était pour moi que tentatives d'explication de mon comportement. En voulant être honnête et sincère, je lui faisais terriblement mal et elle se sentait dévalorisée. Sujet délicat, donc, mais que nous parvenons maintenant à approfondir tout en restant prudents et à l'écoute l'un de l'autre. Je crois qu'il est essentiel que ce dialogue ait lieu, afin qu'aucun des deux ne garde la moindre trace de rancune ou de culpabilité. Il est important que chacun accepte et comprenne la souffrance et les motivations de l'autre, même si cela restera expérience personnelle impartageable.

Il y a quelques jours une de mes correspondantes me disait qu'avec ce dialogue perpétuel nous vivions une « rupture idéale » (normal, pour un idéaliste...). Il est vrai que notre mode de séparation en restant amis intimes me semble être la plus belle façon de continuer chacun son chemin de vie. Mais le terme de "rupture" m'a fait tiquer. Rompre, casser... ce n'est pas ce qui se passe en ce moment où les choses se font en douceur. En fait je crois que la rupture est déjà consommée depuis longtemps, bien avant que je ne le réalise. Et elle n'a pas opéré au même moment pour les deux, ni d'un seul coup. C'est plutôt une succession de micro-ruptures, venant alternativement chez l'un ou chez l'autre. Jusqu'au jour où on se rend compte que c'est déjà dépassé. Pour ma part le point d'inflexion a eu lieu au début de l'année 2003, alors que ma relation de complicité basculait lentement vers une relation amoureuse. Il était peut-être encore temps de la maintenir dans des limites conciliables avec la vie de couple traditionnelle. Quoique j'en doute...
Je me souviens, à ce moment là, avoir cherché à capter l'attention de celle que je pensais aimer encore. Un peu comme un reflexe deséspéré de celui qui se sent dériver, agitait les bras devant elle en lui décrivant méticuleusement ce qui se passait. En fait je lui disais indirectement « Hé oh, je suis en train de tomber amoureux, t'es toujours là ? » . Elle savait tout du lien qui se tissait avec ma complice, mais "faisait l'autruche". Alors, peu à peu, devant cette impossibilité d'aller au fond des choses qui m'importaient tant, tandis que de l'autre coté le dialogue était si riche; devant cette apparente distance tandis que je percevais tant de désir et d'attirance exprimés depuis l'autre coté de l'Atlantique... et bien j'ai basculé. Mon élan amoureux et mes désirs sont passés de l'une vers l'autre en se dynamisant considérablement. Même si l'amour et l'attachement demeuraient intacts envers Charlotte. Elle était là, la "rupture". Tout ce qui a suivi n'a été qu'un long processus de distinction entre l'amour-attachement-tendresse et l'amour-amoureux-désirant. Faire le tri entre ces deux formes si proches, mais qui font toute la différence. Mais en fait je n'ai fait que suivre une pente naturelle prise plusieurs années auparavant, et il était sans doute déjà bien tard... Je crois que c'est tant mieux. Il s'est fait ce qui devait se faire.

Pour Charlotte la rupture s'est produite à la fois avant et après. Avant, parce que je ne correspondais plus à l'homme qu'elle désirait (et c'est aussi pour cela qu'elle ne répondait pas à mes grands signaux de sémaphore...). Et après, lorsque je cherchais à mener deux relations en parallèle et n'entendais pas son refus obstiné. Là elle s'est sentie trahie, non respectée, et sa rupture a eu lieu.

Notre "séparation" a pris place durant toute l'année 2004, alors que nous étions dans deux logements distincts, et avec un isolement affectif de sa part, particulièrement amer à vivre pour moi. Je craignais alors d'avoir perdu ce lien d'amitié et de confiance en constatant la froideur dont elle a fait preuve durant des mois. Ce fût assurément très douloureux, inquiétant, et culpabilisant. Et douloureux pour elle de ne pas me voir "revenir", bien sûr...

Ce qui opère maintenant, depuis un an, n'est que la mise en pratique de ce qui s'est révélé dans nos têtes. Nous prenons le temps, parce que les circonstances l'imposent, et laissons lentement infuser ce qui est inéluctable depuis longtemps. Charlotte m'a assuré de sa solidarité financière, m'évitant ainsi de grosses complications professionnelles. Quant à moi je l'ai assurée de ma présence et de mon soutien pour toutes les démarches qu'elle aura à faire pour déménager. Nous restons solidaires tout en devenant célibataires. Ce qui nous épargne à tous les deux le ressentiment du sentiment d'abandon.


Jusqu'à maintenant je ne regrette aucunement d'avoir opté pour ce mode de dissociation solidaire. Et bien qu'il y ait eu des interférences, ce qui est advenu dans mon autre relation en est assez largement distinct...






Mois de septembre 2005