Juin 2005

Dernière mise à jour - Accueil - Premier jour - Archives - Message




Punching ball




Dimanche 5 juin


J'aurais pu parler des suites du référendum, parce que ça me préoccupe beaucoup, mais que dire qui n'a pas été dit? Je n'ai rien d'original à apporter.

Je pourrais décrire les faits et anecdotes de ma vie, ou l'odeur du foin coupé...
Nan, ce serait du remplissage.

Je pourrais dire où j'en suis de ma vie amoureuse. Euh... nan, c'est vraiment pas le moment. Pfff, c'est... pathétique. Tout ça pour en arriver là...

Fait chier...
[vite fermer la parenthèse avant que ça m'énerve davantage...]

Je pourrais développer les réflexions soutenues que j'ai en d'autres sphères, mais ce serait trop long de reformuler ce que j'y découvre. Tellement de choses qui s'éclaircissent et que je ne relate plus ici. Ce journal n'est plus le support préférentiel de mon analyse personnelle. Puis y'en a marre de l'analyse. Vu où ça m'a mené...

[ça se sent que je suis en colère?]

Bon, en fait j'apprends l'autonomie. Et c'est très bien. J'en avais besoin. J'apprends à vivre et surtout penser seul, parce que désormais j'ai compris qu'il n'y a que sur moi que je puisse compter pour trouver ma voie. Ce qui ne signifie nullement penser isolément, mais ne plus me réferer à seulement un ou deux noyaux relationnels prééminents. Il me faut élargir mon réseau d'altérité, le diversifier et rétablir un équilibre pour mieux trouver le mien. C'est pas facile...



Simultanément je continue à entrer de plain pied dans le célibat. C'est une situation que je n'ai jamais vraiment connue, et qui n'est inquiétante que si je me projette sur le long terme. Et encore...
De toutes façons, je n'ai plus le choix. Et finalement, peut-être que tout mon processus évolutif avait pour objectif inconscient de me mener à cette forme d'indépendance, qui passe par une relative solitude. L'affronter, c'est la seule façon de ne plus en avoir peur...

Je continue à briser certains liens d'attachement dépassés et de fidélités surannées, devenus autant d'entraves à l'avancement. M'éloigner de ce qui me fait du mal et que j'ai trop longtemps supporté. Compter avant tout sur moi tout en m'ouvrant à de multiples rencontres. Tout cela est constitutif de la démarche de "grandir". 

Alors j'apprends à me débrouiller seul. A ne plus me décharger de mes réflexions et questionnements sur les mêmes oreilles, saturées à force de m'entendre. J'opte pour des horizons nouveaux, des personnalités qui se nourrissent avec plaisir de ce que je leur apporte et m'offrent un renouveau de pensée. Je réintroduis de l'imprévu et du changement. Je ravive le désir de vivre et le plaisir de partager avec qui le désire.
Désir... en voila un mot qui est tombé dans les oubliettes. [ouais, je suis toujours en colère !]

Et puis j'apprends à gérer mes frustrations ou mes tristesses sans compter sur la compassion d'autrui, car celle-ci s'émousse avec le temps. Parfois j'évite aussi de tenter le partage de mes joies si les conditions ne s'y prêtent pas. Mal dosés, trop de flops ont fini par atteindre ma capacité communicative et mon expressivité émotionnelle. Et ça c'est vraiment le truc à éviter. Tout n'est pas partageable en toutes circonstances, même le meilleur.



En fait je suis en colère face à des désillusions... mais c'est avant tout contre moi. Parce que trop souvent je me suis soumis à des versatilités imprévisibles que j'ai accepté sans mot dire. Ou pire: en m'excusant de les avoir provoquées. Je me suis laissé marcher dessus et trop souvent me suis rabaissé, culpabilisé, dévalorisé, reproduisant un schéma récurrent depuis mon enfance. J'ai été l'artisan de mon malheur, l'inventeur de mes souffrances. J'en peux plus.

Je ne veux plus m'aplatir, je ne veux plus avoir ce comportement docile. Parfois je me fais l'effet d'être un fidèle toutou, un chien servile qui pourrait tout encaisser sans broncher et revenir inlassablement lécher les pieds de son maître dans l'attente d'une carresse. Ce comportement m'horripile. En manquant de dignité envers moi-même, j'encourage à ce qu'on n'ait pas de respect à l'égard de ce que je suis et ressens.

Je ne veux plus de ça.
Je vaux bien mieux que ça.
Je veux retrouver ma dignité.

Mes émotions et ma sensibilité doivent rester une richesse à partager, pas une ouverture vers la souffrance. Je crois en moi toujours davantage et veux apprendre à résister au mal-être que, tôt ou tard, un autre m'envoie. Écouter plutôt que subir. M'ouvrir plutôt que me fermer. Soutenir plutôt que flancher. Parce que bien souvent personne ne me soutiendra.

Je dois apprendre à avoir la sensibilité inerte d'un punching-ball.







« Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir. »

Proverbe Chinois








Enfance




Lundi 6 juin


Avoir écrit et mis en ligne ma chronique précédente m'a fait du bien. Il est parfois bon de laisser sortir un trop plein de pression. Et pour parfaire le travail je suis ensuite allé dehors pour apaiser ma colère. Il faisait beau et j'ai entrepris des travaux de jardinage, seul et à l'écart. Rien de mieux pour se vider la tête...


En fait j'étais en colère après que Charlotte ait eu une réaction teintée d'agressivité alors que je formulais seulement mon intention de lui poser une question. Elle a eu peur de ce que j'allais lui demander, craignant d'avoir à argumenter face à des interprétation négatives de ma part. En une fraction de seconde elle avait anticipé un scénario catastrophe totalement étranger à ce que j'allais lui demander. Et sa peur s'est manifestée par de l'agressivité. 
C'est tout simple... mais a posteriori seulement. Moi, sur le moment, je n'ai rien compris à cette violence qui m'était faite. Et voila comment, sur un simple malentendu, on se fout en l'air un moral qui était déjà chancelant.

C'est à ces moments là que je voudrais pouvoir rester plus solide. Avoir l'inertie et la silencieuse sagesse du punching ball en ne réagissant pas aux "coups" que je reçois ressens. Laisser passer, puis dire «qu'est-ce qui ne va pas pour que tu réagisses ainsi?». M'ouvrir à son ressenti plutôt que réagir instantanément avec le mien, blessé par cette injustice subjective.
Ou bien trouver une façon de ne pas absorber cette agressivité. En tous cas, ne pas entrer dans ce jeu délétère.

Ben oui... je le sais, mais je ne suis pas assez réactif dans l'instant. Je ne le comprends qu'après, une fois que moi aussi je suis entré dans la spirale de la "violence" qui, de mon côté, se manifeste généralement par un repli sur moi après avoir lâché quelques mots aussi anodins qu'assassins. Blessé, je réagis mal en retour. En peu de temps nous devenons ennemis, incapables de discuter posément, chacun atteint par le comportement de l'autre perçu comme une agression.

Je vis très mal ces moments là (et Charlotte aussi...), lorsqu'on ne se comprend plus, lorque le désaccord remplace l'harmonie que je m'efforce de maintenir.

Je réalise, avec plus d'acuité à chaque fois, combien ce mode de fonctionnement a nui à notre couple et en est un des éléments de séparation. Dans la famille de Charlotte cette agressivité est "normale", les vacheries pleuvent et les petites méchancetés ordinaires, à force d'habitude, sont devenues la norme. Charlotte n'a jamais vraiment su s'en départir puisque c'est son modèle de référence. Dès qu'elle se sent menacée, elle griffe.

Normal... on est tous plus ou moins comme ça. Moi y compris, en me référant en particulier à mon père qui "pêtait les plombs" dans des colères délirantes pour des choses infimes dès qu'elles perturbaient le bon ordonnancement des choses. C'en était hallucinant de disproportion... Loin d'être comme lui, je n'en suis pas pour autant totalement distinct.


Je ne sais pas bien comment on peut sortir de ça...
J'ai l'impression que le seule façon est d'avoir une meilleure confiance en soi, et de ne plus attendre de l'autre qu'il ait cette confiance que nous n'avons pas en nous. Se sentir sûr de soi pour ne pas vaciller au moindre choc.

Ça tombe bien, c'est exactement le sens du travail que je fais...




Finalement j'ai pu évoquer un peu plus tard mon ressenti avec Charlotte, sans l'accabler, afin qu'elle comprenne ma réaction. Nous nous sommes rapidement reconciliés.




Dans l'après-midi, je suis parti, seul encore, visiter le jardin d'un château (c'était la journée nationale des jardins...) puis j'ai fini par une marche sur des chemins de campagne, au sommet de collines qui permettent une vision très élargie du panorama. Un grand souffle d'air dans la tête, pour distraire un cafard persistant dont je ne cerne pas vraiment l'origine.
Je sais qu'il est là depuis quelques jours et qu'il tourne autour d'un concept remonté à la surface dernièrement: celui de fidélité.

C'est ainsi que, par à-coups focalisés autour de mots précis, opère ce travail particulièrement déstabilisant que je poursuis depuis des années. Ces périodes d'activité ont une intensité qui me semble toujours plus accrue. Je crois que c'est parce que suis maintenant parvenu au socle, dans les fondements sur lesquels je me suis construit. Ce que j'aborde pèse très lourd. Franchement... je pense que peu d'actes dans la vie demandent une telle concentration continue. Faire sa révolution intérieure, décrypter ses réflexes venus de l'enfance pour les quitter, c'est une tâche particulièrement éprouvante. Je ne me souviens pas d'avoir vécu des moments aussi absorbants.

C'est un peu comme si je tirais derrière moi un gros paquet de boulets. Les premières chaînes qui se sont tendues ne tiraient que de petits boulets, dont je me suis vite séparé. Au fur et a mesure que je m'en débarassais, alors que je me réjouissais de pouvoir enfin avancer librement, de nouvelles chaînes se tendaient que je n'avais pas perçues auparavant. C'est comme s'il fallait sentir le poids du boulet pour savoir quelle chaîne devait être tranchée. Maintenant ce sont de très anciens boulets que je découvre, qui étaient restés dans l'ombre depuis toujours. Voila pourquoi mon avancement parait si "lent", alors que moi je sais combien je me bats pour me libérer. Le mouvement est lent, mais le travail colossal. Et la vraie liberté semble toujours repoussée...

Alors forcément, il m'arrive de flancher. Non pas de perdre courage, mais de perdre le moral. De me dire «mais que c'est long, mais que c'est lourd, mais que c'est loin, mais que c'est difficile...». A ces moments là je peux m'effondrer, perdre espoir, et voir plutôt les mauvais côtés. Tout ce que je n'arrive pas à faire, tout ce que je crains de perdre. Le but, la libération, me semblent tellement lointains.

Et puis parfois je me sens si... seul. A quoi bon le nier?
Plus personne ne me soutient de près (ce qui est dans la logique des choses), et le lien amoureux qui m'a porté deux années durant est devenu... tellement... neutralisé. L'amitié est là, précieuse, mais l'amour semble ne plus avoir de place d'expression. Il m'a fallu beaucoup de temps pour le comprendre vraiment (neuf mois, le temps d'une gestation...) et m'efforcer de l'admettre. Ce n'est pas facile... Et il peut encore m'arriver, lorsque mes forces faiblissent, que l'inquiétude m'envahisse. Elle s'accompagne alors d'une sensation de manque, de grande solitude. Un sentiment pénible à supporter.

Je sais que cela fait partie du processus que mon inconscient à "choisi" en me mettant face à l'épreuve la plus redoutée. Je sais que, sur le long terme, c'est bon pour moi. Un passage obligé. Cette lenteur de mouvement due au quasi piétinement est irréductible. Il FAUT que je passe par là pour sentir chaque chaîne qui me retient et la trancher.Toute solution plus rapide ne me permettrait pas ce travail de fond, et les boulets resteraient des entraves invisibles... Je sais que de tout ce qui m'arrive je vais tirer une libération. Les épreuves sont là tant qu'elle n'ont pas été dépassées. Je n'étais pas prêt, pas assez adulte, et ce que je vis m'aide à l'être.

Alors je comprends parfaitement que les personne impliquées dans ses conséquences ne puissent m'accompagner dans un tel travail personnel. On est forcément très seul dans de telles périodes, dans un face à soi incommunicable. C'est pour cela que chaque soutien que je perçois, même lointain, même désincarné, m'aide à tenir. Il n'empêche que ce temps de manque et d'incertitude amoureuse me pèse et alourdit mon élan au point que je ne puisse plus m'envoler bien haut actuellement. J'ai tellement aimé voler au dessus des nuages, avec elle...

Je suis revenu au temps du travail de fond, labourant la terre de laquelle je suis né et par laquelle je vais devenir adulte. Je retrouve de multiples traces de l'enfant qui n'a pas grandi. Il est là, intact, avec ses blessures maintenant visibles. Il est en moi, surgissant inopinément et attendant que je m'occupe de lui pour le délivrer de ses souffrances. Il faut que je remonte tout cela au jour pour comprendre d'où me viennent ses exigences: ce besoin de confiance, cette peur de n'être plus aimé, cette terreur de la trahison. A quelles fidélités anciennes je m'accroche...

Fidélité... toujours ce mot. Quel est, dans tout ce que je vis dans la souffrance, son rapport avec mon petit frère, curieusement absent de ces milliers de pages? Quel est ce poids, secret à moi-même, que je tirais sans le savoir?
Moi qui ne l'ai pas protégé lorsqu'il se faisait maltraiter. Moi qui porte la charge de cette... trahison, en ne pouvant que voir, témoin impuissant, les coups qui pleuvaient... Violence et injustice inscrites au plus profond de ma conscience d'enfant de six ans. Partage impossible avec ce frère, ce presque jumeau, cet... alter ego disparu, comme s'il était mort.
Qu'est-ce que je cherche à réparer maintenant? Qu'est-ce qui se rejoue? Pourquoi suis-je aussi attentif à la souffrance psychologique d'autrui?
Ce n'est pas un hasard si j'ai les plus grandes difficultés à m'écouter lorsque c'est mon aspiration à la liberté qui génère de la souffrance chez l'autre. J'ai alors l'impression de "trahir" la confiance qui m'a été donnée, d'abandonner quelqu'un en état de fragilité. Rappel cruel de cette "non asssistance à personne en danger" perçue par l'enfant que j'étais.

Tout tourne toujours autour d'un seul mot: confiance. Avec ce qui en découle: fidélité et trahison. Le tout sur fond d'amour, puisque c'est bien le lien qui existe entre un père et ses enfants.

Comment puis-je me libérer sans trahir personne?
Puis-je être fidèle à moi-même tout en restant fidèle à qui m'a fait confiance.

C'est tout cela que je rejoue maintenant en me liant et déliant selon mes aspirations d'homme adulte, pris dans des filets tissés durant ma petite enfance.







Les clefs de l'énigme




Mardi 7 juin


Dans le texte précédent j'ai parlé des chaînes des boulets que je devrais trancher. Ça ne fonctionne pas comme ça: on ne peut se couper de son passé. 
Mais on peut progressivement alléger le poids des boulets et éclaircir leur noirceur...


J'ai aussi utilisé le terme de "fidélité", dans le sens de suivre fidèlement la reproduction de situations anciennes, tout comme on peut reproduire fidèlement une peinture. Parfois est utilisé le vocable "loyauté", dans un sens proche. Mais peut-être que le terme "répétitions" serait plus approprié, puisque dans la vie rien ne sera jamais identique: je répète (ou rejoue) des situations analogues comme si je ne pouvais/savais pas les vivre autrement. Comme si dans mon inconscient elles ne pouvaient que se dérouler selon un scénario préétabli.
Il y a pourtant une autre part de l'inconscient qui va me pousser à échapper à cet apparent déterminime: je vais répéter ce qui me nuit jusqu'à ce que je comprenne que je dois cesser de le faire afin d'accéder à la liberté d'être moi. Un peu comme si j'avais les moyens d'agir sur le programme de mon logiciel interne pour en améliorer le fonctionnement. Un programme d'auto-réparation, en quelque sorte.



Mais essayons d'aller plus loin pour comprendre ce phénomène des répétitions:
Si moi je suis soumis à des "fidélités" héritées de mon passé, n'est-ce pas le cas pour chacun de nous? Qu'en est-il des personnes avec qui j'établis des liens? Que peuvent-elles reproduire ou chercher à éviter en entrant en relation avec moi? Comment vont-elles inconsciemment influer sur le cours des choses avec leurs fidélités (répétitions) dont j'ignore presque tout?

J'ai lu que lorsqu'on formait un couple se joignaient, via l'inconscient, de manière invisible mais nettement influente, les parents. Celui du sexe opposé ou celui du même sexe, selon les situations (imaginez le couple formé par un de vos parents avec celui du sexe opposé de votre conjoint...). Je pense qu'on peut aussi y ajouter toutes les personnes qui ont beaucoup compté dans une vie: frères et soeurs, amours ou amitiés marquantes.
Nous nous situons donc par rapport à l'autre en réaction à notre passé, avec nos attentes inconscientes et les "réparations" que l'on voudrait réaliser. On peut ainsi vouloir ardemment quelque chose consciemment, tout en le sabotant inconsciemment. N'oublions pas que, tel le coté obscuuuur de la force, l'inconscient est très puissant...

Quel est donc ma part de "sabotage" dans la relation pourtant pleine de potentialités que j'ai eue avec ma tendre complice? Et quelle est la sienne? Si moi je me suis débrouillé pour générer ce que je redoutais le plus, qu'en a t'il été pour elle? Lorsqu'on sait que la façon dont fonctionne un couple dépend pour moitié de chaque partenaire, chacun peut s'interroger sur sa part de responsabilité dans la façon dont le couple évolue.



Et si une relation amoureuse était comme un passage d'épreuves? Un test destiné à en mesurer la solidité? Car comment expliquer que deux êtres, après s'être irrésistiblement approchés, engagent des forces contraires tentant de saper ce qui se construit?
Un succession de "hasards" nous a fait nous rencontrer, avec nathalie, mais dans quel mesure n'y aurait il pas autant de curieux "hasards" qui tendent à nous séparer? A quelle répétition sommes nous fidèles? Que cherchons nous à reproduire de notre passé? Pourquoi en trouvant un amour tel qu'espéré nous l'ayons tous les deux conjointement endommagé? C'est comme si chacun de nous avait testé les résistances de l'autre: «tu m'aimes, mais si j'enlève ça, m'aimeras-tu encore entièrement? Et si j'en enlève encore, et que je rajoute ce que tu n'aimes pas, jusqu'où m'aimeras-tu?». Je suis certain qu'inconsciemment nous avons tous les deux agi ainsi. Trop de "hasards" pour que ça en soit vraiment.

Même les hasards de notre rapprochement sont surprenants: moi qui avais à découvrir le désir et la sexualité, celle que j'aime se trouve si loin que ma quête est rendue particulièrement complexe. Et nathalie qui souhaitait un amour «pas compliqué», tombe amoureuse d'un homme marié vivant à 6000 km (et qui en plus ne cesse de se poser des questions existentielles...). Pour la simplicité, il y a mieux...

Ces hasards n'en sont pas. Notre inconscient nous a guidés à notre insu pour que nous mettions à jour quelque chose. Que nous dépassions des répétitions, des peurs, des blocages, ou quoi que ce soit d'autre qui perturbe notre existence.




Il me revient en mémoire une passe un peu difficile dans notre relation, juste avant la décision de notre première rencontre physique. Alors que nathalie, désemparée, en avait parlé à son proche ami, il lui avait suggéré que nous étions probablement tellement stressés, mettant tellement d'enjeu dans cette rencontre déterminante, que nous nous débrouillions inconsciemment pour la saboter. Et tous les deux nous avions convenu que c'était fort possible...
Dans la même logique, j'ai bien l'impression que notre relation étant tellement importante pour nous deux qu'il y a bien longtemps que nous sabordons le navire qui nous porte. Comme s'il avait été trop beau pour y croire. Comme s'il fallait aller jusqu'à la menace de tout perdre pour comprendre à quel point tout cela était précieux. Je sais que j'ai souvent agi dans le sens contraire de ce qui pouvait séduire nathalie. Je sais aussi qu'elle a souvent agi de la sorte avec moi. Comme si nous testions la capacité de résistance de l'autre, malgré nous. Comme s'il fallait donner des preuves de résistance et de persévérance. S'assurer de la solidité de l'équipier.

Mais le jeu n'est pas sans risque. L'un de nous aurait pu abandonner devant les difficultés. Nous l'avons déjà tous les deux envisagé...

Pourtant nous avons résisté à bien des chocs, en prouvant précisément notre solidité. Cette complexité ne nous a jamais totalement séparés. Il y a quelque chose qui nous tient l'un à l'autre, nous ramène l'un vers l'autre. Comme si nous avions besoin/envie de l'autre pour continuer la route. Pour moi, je le sais, nathalie est la personne qui aura joué le rôle le plus déterminant dans ma vie d'adulte. A la fois séductrice, révélatrice, libératrice, et accompagnatrice, elle m'a revélé à moi-même et éveillé au désir: cet élan vital qui désormais me porte et me donne le courage de poursuivre ma difficile quête. Elle est mon alter ego, à la fois très proche et contraire. Mon pôle d'attirance autant que mon pôle de répulsion, pour tout ce que j'ai à découvrir de ma part invisible. Le symbole des aimants m'a toujours semblé pertinent: dans un sens ils s'attirent, dans l'autre ils se repoussent.




Vers quoi nous mène notre inconscient? Le voyage amoureux est-il vraiment impossible entre nous, ou bien s'est il montré trop beau pour que nous y croyions vraiment? Pourquoi nathalie a t-elle de moins en moins répondu à mes élans? Pourquoi ai-je peu à peu étouffé celle dont la liberté m'avait séduit? Pourquoi m'a t-elle dissuadé de trop croire en nous après y avoir cru avec moi? Pourquoi ai-je attendu ce qu'elle ne voulait pas m'apporter? Pourquoi m'a t'elle si souvent poussé à revenir vers mon couple conjugal après que j'ai décidé de tenter l'aventure?

Pourquoi ces dynamiques d'éclatement se sont-elles inséréres parmi celles de cohésion?

Pour des raisons aussi raisonnables que la largeur d'un océan? Pas seulement... La distance géographique qui nous sépare est un sérieux handicap, mais n'explique pas tout. Il y a autre chose. Tout au long de notre relation des indices ont été semés, qui éclairent l'énigme. Je commence seulement à les relier entre eux.








Noyau dur




Jeudi 9 juin


Je suis quand même sacrément chamboulé ces derniers temps. Plus que je ne croyais. Depuis que je me suis attaqué sérieusement à ce noyau dur que représente le mot "fidélité". C'est vraiment un gros, gros morceau, ça...

Je suis perturbé, brassé, secoué. Pas très en forme, avec un vague malaise persistant, une colère rentrée, de la tristesse. De la joie aussi, parce que je sens que "j'avance" beaucoup et que je me libère de mon passé. Et puis une grosse fatigue physique m'assomme, certainement liée à l'énergie cérébrale que je consomme. Tout ça pour un mot... Mouais, j'exagère un peu. C'est pas le mot, c'est l'idée que je mettais derrière.

On dirait pas comme ça, mais il y a des trucs qu'on traîne comme ça des années sans vraiment comprendre pourquoi. Pour moi c'étaient trois mots: confiance/trahison, sincérité. Depuis très longtemps je sais qu'ils représentent le centre de mes "valeurs". L'un des trois est négatif, ce qui est plutôt curieux comme base de vie... Ces mots-là, je me souviens que je les ai toujours énoncé très rapidement, à chaque fois que j'ai noué des contacts un peu confidents. Un peu comme ma carte de visite, ou une sorte de mise en garde. Je les pensais ancrés dans mon adolescence, faisant référence à quelques expériences douloureuses.




Origine


Patatras, en quelques jours je comprends à la fois l'origine de ces mots et leurs conséquences sur mes amours. Cela parce qu'au cours d'une discussion approfondie centrée autour du sens que chacun donnait au mot "fidélité", quelqu'un a parlé des fidélités inconscientes. Celles que j'appelle "répétitions". Tout d'un coup un pont s'est établi entre deux domaines de ma pensée que je n'avais jamais reliés.

Ma relation avec mon petit frère, et la situation que je vis actuellement.

Aucun lien apparent. Je ne sais pas si j'aurais pu le trouver seul. Il m'a fallu l'aide d'un "passeur". Ces gens qui, par un regard nouveau et distant, aident à relier ce que soit même on ne voit pas.


Ce petit frère, mon ami, mon alter ego, que je n'ai pas protégé, qui a été maltraité, que j'ai "abandonné" à ces moments là. Sentiment énorme de culpabilité, que j'avais occulté pendant presque quarante ans. Avec ce mot qui clignote en lettres fluo: trahison. Dans le sens de "laisser tomber", de "à qui on ne peut pas se fier". C'est à moi qu'il n'a pas pu se fier. Pas digne de confiance, donc.
Pourquoi ai-je agi ainsi? Lui en voulais-je d'être né en m'obligeant à partager mes parents? C'est trop lointain pour que ma mémoire en ait gardé trace. Me sentais-je valorisé lorsque lui se faisait punir? Oui... il me semble me souvenir de ce genre de ressenti. Je tirais donc un certain profit de la situation. Et puis, surtout, j'avais peur de l'ogre vociférant qu'était mon père.
Bref, pas de quoi être fier de moi.

C'est un renversement de point de vue, parce qu'auparavant je m'arrêtais à une autre trahison: celle de ce même frère, au moment de l'adolescence. Je lui en ai toujours voulu d'avoir trahi (divulgué) quelques secrets capitaux (concernant la naissance du désir et de l'attirance... ce qui peut expliquer bien des blocages ultérieurs), puis de m'avoir lâché en cherchant à me dominer par sa force virile (marque de cette caste masculine à laquelle j'ai longtemps refusé d'appartenir). Notre "divorce" (tiens tiens...) datait de ce moment là, à mes yeux. Je me plaçais en tant que victime.
Mais maintenant je comprends que c'est moi le premier qui l'ai "trahi" (la force du mot indique celle de mon ressenti subjectif). Je pensais qu'il était un de ceux qui avaient joué un rôle important dans le fait que je n'accorde plus ma confiance, mais je réalise maintenant que je portais aussi le poids d'une confiance que j'estimais ne pas mériter. Comme une usurpation. D'où mon désir de racheter ma "faute" en devenant digne de confiance. Devenir irréprochable sur ce point.

Voila, je crois, l'origine du surdimentionnement des deux mots antinomiques "trahison" et "confiance".




Fidélité


Ils aboutissent tout naturellement à celui de "fidélité", dans son sens premier, étymologique. 
Fidelis = "à qui on peut se fier".

Ce mot n'est entré dans mon vocabulaire courant que depuis que j'ai senti que je basculais du coté de ce qu'on appelle couramment "infidélité", c'est à dire en y associant systématiquement la notion de sexualité. J'ai passé pas mal de temps, notamment sur ce journal, à établir ma propre définition de la fidélité en élaguant ce qui n'avait pas de sens pour moi. Jusqu'à il y a peu, j'en étais arrivé à considérer que la seule fidélité qui comptait était celle du couple. Ou, dans un sens plus large, la fidélité à la relation (amour ou amitié). J'avais bétonné ma réflexion, dissociant fidélité sexuelle et fidélité des sentiments. C'est ce qui m'avait permis tout naturellement de m'ouvrir à la polyfidélité. C'est ainsi que je n'avais aucun problème de conscience à aimer deux femmes: je me considérais comme fidèle à chacune d'elle puisque je vivais les deux relations distinctes, avec de l'amour durable pour chacune. J'y ajoutais même la notion de "foi dans la relation". Fides = la foi, étant la racine du mot fidelis, tout me semblait cohérent. Avoir foi dans la relation, je l'ai souvent écrit ici, c'était faire tout ce qui est possible pour qu'elle tienne. Avec évidemment l'idée de durée. De longue durée... En fait, dans ma tête, longue durée = toute la vie. D'une certaine façon, si j'aime, je m'engage à ce que ce soit pour toute la vie. A la limite, ça me regarde si moi je le vis comme ça. Le problème, que j'avais sous-estimé, c'est qu'inconsciemment j'attendais la même chose de ma partenaire. J'attendais une réciprocité. Je faisais donc peser une charge par mes attentes non formulées, et tout cela allait mener à des conséquences fâcheuses.



Répétition


Tout d'abord, mes idées de polyfidélité n'étant pas acceptées, les choses se sont singulièrement compliquées... Charlotte ne voulant pas de ça et menaçant d'une séparation, je me suis trouvé face à un terrible conflit interne: m'écouter et donc trahir sa confiance, ou l'écouter et me trahir (exactement l'inverse du chemin d'authenticité que je suivais). La question de renoncer ne s'est pas vraiment posée, mais le conflit interne est resté: comment assumer cette "trahison"? Comment pouvais-je la "laisser tomber"? Je comprends mieux maintenant pourquoi cela m'était "impossible", puisque je répétais la trahison de mon enfance...
Celle que précisément je cherchais à "réparer".

Cette "impossibilité" a fait que je n'ai pas pu poursuivre la relation avec nathalie tant que je n'avais pas réglé mon dilemme. Choix déchirant, terrible crise dont j'ai encore des difficultés à émerger. Tout ceci expliquant aussi mon non-choix, puisqu'entre trahir (laisser tomber) l'une ou trahir l'autre je ne pouvais pas décider. Dans la détresse, c'est finalement la plus ancienne fidélité que j'ai choisie...

Pourtant, avec mon système de pensée, le fait que Charlotte me demande une séparation constituait à mes yeux une trahison que je n'aurais jamais imaginée possible. Mais quoique il me fût difficile d'accepter de la voir quitter la fidélité à notre relation, moi je ne pouvais pas le faire (volonté subconsciente).

Car inversement j'ai toujours pensé, en toute honnêteté, que je suis resté fidèle à mon épouse tout en aimant nathalie. Parce que j'étais fidèle à la relation, au lien qu'il y avait entre nous, et que mes sentiments affectifs à son égard restaient intacts. Je sais que beaucoup de gens ne comprennent pas ça, ou y voient un arrangement commode avec ma conscience. J'ai renoncé à leur expliquer.


Ce point est toujours resté litigieux entre Charlotte et moi. Devenu quasi tabou, afin d'éviter une montée en pression immédiate. Charlotte ne peut concevoir ma vision des choses et j'ai eu bien du mal à comprendre la sienne. C'est d'ailleurs le point qui aura causé notre séparation, même si depuis nous avons découvert bien d'autres dissonnances indétéctées jusque là.
Au fil des mois j'ai redécouvert Charlotte. Nous avons tous les deux beaucoup changé en devenant nous-même, appris à nous connaître, et à nous aimer autrement. Désormais j'aime Charlotte telle qu'elle est, jusque dans son désir de séparation. Je considère que je lui reste fidèle, parce qu'elle peut et pourra compter sur moi... si elle le souhaite. Ainsi, peu à peu, j'ai pu accepter cette séparation sans trop me culpabiliser de la "laisser tomber" (pas encore totalement acquis). Je ne trahis pas: je me libère et la libère d'un lien qui n'est plus possible. Il faut dire aussi qu'elle me demande cette libération...
Pour m'y aider, j'ai fini par me dire qu'à mes yeux la fidélité n'est pas un dû, mais un don. Je peux lui offrir ma fidélité (à la relation), sans lui devoir la fidèlité (au sens "exclusivité sexuelle") qu'elle me demandait.

Le plus étonnant dans cette histoire, c'est que c'est moi qui ait le plus de mal à me séparer...
Je souffre de cette distanciation croissante, sans pour autant aucun désir d'y renoncer.



Engagement


J'en étais là lorsque j'ai fait part de mes réflexions sur la fidélité à nathalie. Blong! Elle avait une toute autre vision que moi, ce qui m'a fortement perturbé. Compte tenu de la haute valeur que j'accordais à la fidélité, je me suis trouvé bien désemparé en constatant que nous ne semblions pas partager la même conception des choses. Pour moi la fidélité relationnelle était un des fondements de la relation amoureuse...

C'est alors que j'ai compris combien cette différence de point de vue pouvait avoir joué un rôle majeur dans les difficultés qui se sont présentées à nous. Considérant la fidélité à la relation comme allant de soi, j'avais pris une sorte d'engagement moral qui impliquait une idée de durée (au sens défini plus haut...). Or j'ai l'impression que ce genre d'engagement, même non formulé, est de nature à effrayer quelqu'un qui tient à rester "libre". Par contre, l'absence de tout engagement, pourtant convenu clairement, aura été pour moi source d'une angoisse que j'ai refusé d'entendre. C'est ainsi que, guettant tout indice qui pouvait me maintenir en confiance, j'ai fini par exercer une forme de pression insidieuse. Celle-ci ayant certainement pour effet de renforcer le besoin d'autonomie de ma partenaire...ce qui ne pouvait que m'inquiéter davantage. Redoutant la trahison de l'abandon (héritage de l'adolescence), m'engageant à être fidèle (héritage de l'enfance), je me suis ainsi trouvé conditionné par mon passé... et condamné à le répéter jusqu'à trouver la clé de libération.



Liberté


N'est-ce pas le moment de me rappeller que ce qui m'avait rapproché de nathalie était... sa liberté et son refus de l'engagement amoureux? Aimer parce qu'on s'aime, et pas parce qu'on s'est engagé à "s'aimer" (rester ensemble). Aimer et désirer en étant actif parce que rien n'est jamais acquis. Aimer librement. Libraimance. Cette liberté amoureuse m'a profondément séduit, mais j'ignorais que ma part enfantine allait avoir besoin de davantage de sécurité, pour les raisons décrites plus haut. C'est ça que mon inconscient m'a poussé à découvrir...
Je ne sais pas si nathalie a perçu chez moi une constance, une persévérance, qui l'auraient séduite, mais je me souviens très bien que nos intenses échanges de mails se sont longtemps centrés sur nos façons différentes de vivre l'amour. Elle me demandait ce que signifiait aimer, pour moi. Je lui demandais comment elle pouvait aimer sans idée de durée. Elle m'interrogeait sur ce qui avait pu me faire tenir vingt ans en couple. Je la questionnais sur la séduction.
Ce sont ces échanges-là qui nous ont liés, attirés l'un vers l'autre. Parce que nous étions différents.

Etions-nous prêts à conjuguer nos différences? Assurément je ne l'étais pas.
Et maintenant, saurais-je abandonner mon besoin de sécurité infantile, puisque j'en ai compris les rouages?
Est-ce que je m'aime suffisamment pour ne plus attendre que l'amour de l'autre ne me remplisse?










Le secret des origines





Samedi 11 juin


Le texte précédent, resté en sommeil quelques jours avant mise en ligne, est probablement l'un des plus importants depuis que je tiens ce journal. Il décrit l'origine de mon mode de pensée. Il établit le lien entre ma toute petite enfance et l'adulte que je suis aujourdhui.

Il est de ceux qui me font faire un pas immense dans la compréhension de moi-même, donc me donnant le pouvoir d'agir. Sachant quels mécanismes s'activaients, je peux maintenant entreprendre de désactiver ceux qui me nuisent. Je ne suis plus face à une nébuleuse complexe et insaisissable.

Je sais qu'il peut paraître curieux que des évènements aussi anciens puissent avoir de telles conséquences à l'âge adulte. Mais il y a parfois pire, lorsque ces fidélités (répétitions) inconscientes passent d'une génération à l'autre. Des gens portent les secrets non-dits de leurs parents, ou même grands parents, et cherchent à "réparer" des actes dont ils ne savent rien consciemment. Mais l'inconscient, lui, perçoit. En me soignant, j'évite de transmettre mes déséquilibres à mes enfants.

Sortir d'un secret, c'est en parler. C'est ce que je fais: chez ma psy, sur ce journal, et aussi en confidences. La voix de la raison pourrait être de me dire «mais tu n'étais pas coupable, puisque tu n'étais qu'un petit enfant!». Je ne peux pas accepter cela, parce que se serait nier le message fort de mon inconscient. Je dois entendre ce que mes émotions me disent, je dois accepter de craquer dans des sanglots, parce qu'il sont les précieux indicateurs de quelque chose de très profond resté occulté depuis quarante ans. Je dois d'abord accueillir tout cela si je veux le dépasser ensuite. Ne pas refouler. Maintenant c'est à l'adulte que je suis devenu d'accompagner l'enfant que j'étais avant de prendre conscience de tout ça. Moi seul peut "pardonner" à mon enfant intérieur.


J'ai depuis longtemps accepté le langage des émotions et je suis heureux d'y avoir accès. Si je refusais de pleurer, ou de sentir ma joie, je me serais privé de bien des découvertes. A chaque fois qu'il y a une manifestation émotive, je sais que je touche quelque chose d'important. Et qu'il faut que j'oriente mes réflexions vers cette piste. Ce que perdent les hommes qui ne pleurent pas...



* * *




Que s'est-il passé depuis ces quelques jours? Comment ma pensée évolue t-elle? Radicalement! Si si, je vous assure. C'est assez stupéfiant de voir comment les choses se débloquent. Je suis sorti de mon mal-être, j'ai parlé de tout cela avec Charlotte et avec nathalie, chacune pour la part qui la concerne, et cela m'a fait un bien fou. Je ne suis pas venu avec un fatras de problèmes emmêlés dont je voulais me soulager, mais avec des explications abouties, sans attente. Juste de l'écoute. J'ai donné ce que je savais comme autant de clés qui pouvaient clarifier le passé et simplifier nos échanges à venir. Sincérité issue d'un travail fait en autonome. Je me suis libéré d'une charge sans rien faire peser sur mes partenaires, évacuant du même coup une culpabilité tenace. C'est un peu comme si j'avais évoqué les actes d'un autre que moi. De fait, c'est bien de ça qu'il s'agit puisqu'en comprenant ma part d'enfant je deviens adulte, donc "autre". Je prends du recul, je me désolidarise tout en reconnaissant ma part de responsabilité dans nos dysfonctionnements passés.


Tout cela se produit au moment même (est-ce un hasard?) où j'intègre deux évolutions majeures dans "mes" couples.
- Charlotte m'a demandé depuis quelques semaines de prendre d'avantage de distance pour qu'elle puisse se projeter dans une nouvelle vie. Elle a aussi réalisé que ses propres problèmes avaient handicapé notre relation depuis son origine. Notamment l'absence d'un vrai élan amoureux...
- J'accepte enfin de comprendre que nathalie à mis sur "off" toute la part amoureuse de notre relation. Elle me l'avait précisé depuis au moins six mois mais je refusais cette réalité trop douloureuse pour moi. J'espérais une évolution dans l'autre sens, un retour des sentiments... Il m'aura fallu tout ce temps pour assimiler sa réalité, et l'accepter sans plus en souffrir. Maintenant je peux l'entendre, et en parler avec elle, parce que de mon coté j'ai peu à peu désactivé aussi certaines parts de mon amour.


Bizarrement, ça ne me rend pas triste. Je ne peux pas dire que le constat ne soit pas empreint d'une certaine douleur, mais celle-ci est compensée et accompagnée par une forme de sérénité. Douleur sereine... ouais, ça peut exister. Deuil en douceur, deuil accepté, deuil avec le sourire.
Le fait que je reprenne le pouvoir sur moi, que je me responsabilise, que je me sente désormais solide, me remplit suffisamment pour que je n'aie plus besoin d'être régulièrement rassuré. Cela me donne une impression de liberté fort agréable. Et puis je reste en contact avec mes deux "amies-amours", dans un lien de confiance et de non-dépendance. Si le coté séduction-rapprochement n'opère plus, ce qui reste est tout autant nourissant. Il demeure une forme de tendresse, de complicité, d'écoute. Distance physique, espacement des contacts, mais confiance... intacte. Tout cela se place peu à peu et offre de nouveaux rapports. Je ne regrette pas d'avoir agi selon la manière douce...


J'aime chacune de mes compagnes de vie, toujours de façon fort différente, mais maintenant mieux qu'avant. C'est vraiment curieux: plus je les laisse libre de leurs choix et plus je les aime dans leur différence. Et pourtant, elles ont chacune pris leurs distances avec moi...
Mais cela m'a aidé à prendre à mon tour mes distances. En m'affirmant, en tenant mon cap, j'ai pris possession de ma personnalité. Je me suis différencié, dissocié. J'ai défusionné. Chacun de nous s'est déterminé et c'est très bien ainsi.
Même si, parfois, je me révolte intérieurement contre une situation qui a des côtés absurdes: j'ai cherché à vivre certains de mes désirs enfouis avec deux femmes et voila que je ne peux les vivre avec aucune...



Il fallait probablement que je vive cette pseudo-solitude. Ce face à face avec moi-même. Il me permet un recentrage tout à fait bénéfique.








Temps présent




Dimanche 12 juin


Je ne sais pas bien pourquoi je raconte autant de choses personnelles sur ce site. J'ai l'impression d'évacuer quelque chose. Ou bien d'affirmer mes convictions, afin de mieux en définir les contours. Peut-être aussi une sorte de justification, pour bien confirmer la réalité de ce que je vis et à quel point cela vient de loin.
Et puis il y a toujours ce désir de témoigner, en imaginant que certains nourriront leurs réflexions des miennes. Je raconte une histoire, un parcours à la fois très personnel et assez largement universel, il me semble. Je ne fais que mettre à jour l'humain qui est en moi.

Bon, je n'invente rien en (re)découvrant tout ça. Je ne fais que ressentir par moi-même ce que bien d'autres ont écrit, que j'ai lu, mais n'avais pas suffisamment d'expérience pour vraiment assimiler. Passer de l'intellect (savoir) au coeur (ressentir) ne se fait que par l'expérience. Raison de plus pour n'en refuser aucune...




Je continue donc mon exploration de la fidélité, concept passablement désuet dont le sens actuel a été dévoyé et extrapolé assez loin de l'origine. Comme je ne trouve pas de mot plus en adéquation avec ce que je veux exprimer, je persiste à l'employer au sens littéral.

La fidélité (fidelis) présente plusieurs risques de dérive, tant pour le donneur que pour le receveur.

- Pour le donneur, celui du sacrifice: quand on fait passer la fidélité à l'autre avant celle que l'on se doit. On peut ainsi se suradapter, accumulant des contrariétés inconscientes et griefs non formulés, ou insidieusement déplacés sur autre chose.
Celui aussi de la servilité, en voulant coller au plus près des désirs de l'autre, subissant alors ses mouvements d'humeur et autre fluctuations relationnelles.

- Pour le receveur, celui d'avoir quelqu'un toujours disponible, ce qui n'est ni un service (moindre nécessité de remise en question), ni forcément apprécié (possibilité d'envahissement). En tout état de cause, celui qui est trop souple et docile n'attire pas particulièrement, parce qu'il est sans consistance. Or l'humain se constitue face à des résistances. On évolue parce que l'environnement l'impose. Si l'environnement relationnel s'adapte en permanence en suivant les lignes de pression, il n'y a plus de limites claires. Il est nécessaire de se trouver confronté à des limites.

Avec ma fidélité globale, j'étais donc dans l'erreur. La fidélité permanente et totale serait une dangereuse utopie. Un système d'exploitation intenable dès lors qu'un des deux partenaires se voit doté d'une position dominante, pour quelque raison que ce soit...



Une analogie me vient en écrivant ces lignes: on pourrait comparer avec l'homme et son environnement. L'humanité et la planète qui la porte. La Terre est fidèle, elle accepte sans broncher tout ce qu'on lui inflige. Elle est docile et ne se rebelle pas... sauf qu'à force d'exercer des contraintes sans limites, à compter sur sa bonne fidélité de Terre, on détruit la "relation" qu'on a avec elle. Nous, humains, sommes en train d'accumuler tellement d'excès en profitant de son accueillante hospitalité qu'elle commence à réagir en bouleversant les conditions de la relation. Elle ne pourra pas donner éternellement autant que ce qu'on lui demande, et il va y avoir une "crise" qui va nous obliger à modifier notre comportement. Cette crise, est inévitable, tôt ou tard. D'autant plus violente qu'elle sera tardive.

Bon, mon analogie vaut ce qu'elle vaut...




La définition de fidelis, «à qui on peut se fier» ne peut exister sans contrepoids, sans réciprocité, sans limites précises. Sinon ce serait l'ouverture à toutes les dérives imaginables. Le meilleur exemple est celui de cette fameuse "fidélité conjugale", qui fait que chacun considère l'autre comme sa propriété exclusive (pour les sentiments et la sexualité, en particulier, soit la part la plus vivante...). Si cet enfermement est librement consenti, dans un don réciproque et égal, pourquoi pas. Mais si l'un des deux évolue et aspire à une liberté dont il a besoin, il est contraint de rompre le pacte de "fidélité". Avec les conséquences que l'on sait, généralement violentes, tant la "fidélité" (exclusivité) est considérée comme étant sans limitation de durée. Engagement à vie... comme je l'écrivais.

Dans le même genre, la fidélité de l'ouvrier d'autrefois face à son patron paternaliste était pas mal aussi. On sait à quels abus ça a pu mener...

Mouais, tout ça ne va pas. Ce n'est pas tenable. Il faut des échappatoires. Soit en ajoutant une notion de durée (présent ou futur proche), soit en précisant les limites de cette fidélité. C'est exactement dans cette recherche que je me situe avec Charlotte actuellement.



Donc, quand je dis que moi je suis fidèle "à vie", je dois bien préciser dans quelles limites. Ma fidélité ne se veut être ni servilité, ni acquise sans quelques conditions.
Elle concerne essentiellement la confiance qu'on peut me faire quant au lien privilégié qui s'est établi. Quel que soit le nombre d'années écoulées, le lien reste intact (mais pas la valeur de l'attachement, évidemment). Si mon premier amour se présentait devant moi et avait besoin de ma confiance je serais instantanément disponible. Jamais je ne dirais que j'ai oublié, que c'est trop tard, ou je ne sais quelle autre forme de coupure définitive. En fait, c'est ça ma fidélité...

Que rien ne devienne "impossible", que rien ne soit définitivement fermé. Tout cela serait contraire à la vie et ses hasards, évolutions, mouvements, cycles. Toujours rester ouvert.

Et même vis à vis de quelqu'un qui m'aurait été "infidèle", c'est à dire ayant trahi la confiance que je lui avais faite, qui se serait détourné de moi, je serais prêt à "pardonner" si cela m'était demandé. C'est aussi ça ma fidélité.



J'ai eu l'occasion d'avoir des liens de nature amoureuse, plus ou moins aboutis, suivis de "trahisons" par abandon.
La première fois, mon premier amour (et première amie), m'a "oublié" en quelques semaines, après deux ans de contact quotidien. En la recontactant des années plus tard pour comprendre cet "abandon" jamais élucidé, j'espérais une fidélité réciproque à la mienne. Face à un accueil initial relativement ouvert mais suivi d'un refus incompris (nouvel "abandon"), j'avais fini par exercer une forme de harcèlement en vue d'obtenir les réponses attendues, ne pouvant concevoir que cette valeur de confiance ne soit pas partagée. Je n'ai obtenu que l'inverse de ce que je souhaitais (coupure et aucune réponse). Cela m'a servi définitivement de leçon: jamais plus je ne demanderai une fidélité qui m'est refusée.
La seconde fois j'ai voulu, par fidélité, essayer de manifester ma présence pour reprendre des nouvelles après une "rupture" que j'avais choisi de faire pour sauver ma peau. Me trouver face à quelqu'un qui feignait de m'avoir quasiment oublié a été radical: jamais plus je ne tenterai le contact avec elle.
Je considère que chacune de ces personne a été "infidèle" à la relation que nous avions eu (mais c'est moi qui avais investi avec trop de confiance...). Par contre, si elles se manifestaient un jour avec un esprit d'ouverture, je ne procéderai pas comme elles l'ont fait. Je resterai ouvert et accueillant (quoique méfiant, hein, faut quand même pas déconner...).

Dans un autre cas, c'est avec mon amie Inès que je suis resté fidèle à notre relation, même si j'ai désinvesti le coté séduction et sensualité. Cette "rupture" a été douloureuse à accepter pour elle (suffisamment pour qu'elle brûle nos centaines de pages de mails échangés...), mais j'ai tenté de l'accompagner au plus près en lui expliquant ce qui se passait. Nous sommes toujours en relation, avec un lien de confiance intact, et je me considère être resté fidèle à son égard, tout comme elle l'est resté vis à vis de moi. Il faut dire que c'est quelqu'un qui avait fait un gros travail sur elle-même, une amoureuse de la vie, une adepte du sourire, du positivisme, de la paix et de l'ouverture, et cela fait sans doute la différence avec les précédentes.



En fait je peux très bien concevoir la rupture d'un lien, mais il faut que cela se passe dans le respect, le dialogue, et la confiance. Il y a "trahison" dès qu'il y a rupture unilatérale et fuite (refus d'un dialogue permettant d'aller jusqu'à la pleine acceptation des deux partenaires). Il faudrait que chacun soit en paix avec soi et avec l'autre. Ne pas traîner des rancoeurs ou des regrets.

Ce genre d'abandon m'est le plus difficile à supporter. C'est celui de mon frère, à l'adolescence. Celui de mon meilleur ami, à la même période. Celui de mon premier amour, dans les années qui ont suivi. Frère, ami, amour. Trois "trahisons" (ressenties comme telles en toute subjectivité !) qui m'ont marqué au fer rouge et que j'ai toujours eu la hantise de voir se reproduire.
Bon... peut-être en ai-je exacerbé le pouvoir par référence à ma propre "trahison" de petit enfant? Je ne sais pas...
Peut-être que d'avoir compris tout cela m'en libèrera...



C'est quand même vachement compliqué ces histoires de confiance... Comment bâtir une relation amoureuse sans «pouvoir se fier», sans «faire confiance»? N'est-ce pas de ce don de soi que naît et se nourrit l'amour? Peut-être faut-il chercher du coté du "don", qui ne sera jamais ni total, ni acquis, tout en devant n'être que don, sans aucune attente...

Ou peut-être du coté de la durée? Ne pas chercher la permanence des choses. Se donner entièrement dans l'immédiat, tout en ayant bien conscience que cet état ne durera probablement pas. Ne pas chercher à capturer le bonheur, ni le figer.

Ouais, ouais, je sais bien que c'est ça...

Je sais bien que la seule façon de vivre le bonheur c'est de le prendre à chaque instant, quel qu'il soit. Et ne pas s'inquiéter de l'avenir. Aimer au présent, prendre au présent, tout donner au présent... et agir pour que ça dure. L'inquiétude ne peut que nuire à cet état de bonheur (va t'il durer?).

Si on ne donne qu'au présent et sans engagement de durée, il n'y a fidélité qu'au présent, donc aucun risque de trahison (sauf le mensonge, mais on n'est alors plus dans un lien de confiance...). Ou alors on s'engage sur la durée mais pour quelque chose de précis, avec exclusions bien définies, le tout clairement et pleinement accepté par les deux parties. Pour toute relation amoureuse, on devrait établir une sorte de contrat qui stipule toutes les conditions, et renégocié à échéance régulière. Ce dont j'ai besoin, ce que je ne peux pas donner. Ce dont tu as besoin, ce que tu ne peux pas donner.




Rhaa la la... que c'est long d'intégrer tout ça!
J'ai encore tellement de choses à découvrir...

(la vie est passionnante)










Nouveau monde





Lundi 13 juin


Qu'est-ce que je me sens bien en ce moment! C'est comme si d'un coup j'entrais dans un nouveau monde, où tout semblerait plus simple. Je ressens une paix intérieure du seul fait que mon environnement me devient familier, avec moins de zones obscures. En reprenant le pouvoir sur moi, je retrouve une liberté.

Hier je regardais la liberté retrouvée de Florence Aubenas, dont j'avais suivi passivement la longue captivité silencieuse. Je m'attendais à voir une femme vidée, abattue (je me demande d'ailleurs par quel esprit morbide je voulais regarder ça...) et j'ai vu une femme forte et rayonnante. Wouff, quelle leçon de vie! Sortir d'une telle épreuve avec le sourire, faire de l'humour et avoir ce tempérament positif. Merde, que ça fait du bien les gens positifs! Qu'est-ce que j'aime ça. Qu'est-ce que c'est VIVANT !



Je repense alors à un truc que j'ai lu récemment sur un forum. Une petite métaphore, à l'usage des gens qui se plaignent de leur sort, des victimes permanentes et autre rouspéteurs de tout poil:
Chacun montre de lui son jardin. On peut décider de montrer un joli jardin, accueillant, joliment décoré, paisible, ouvert à tous. Ou fantasque, surprenant, mystérieux. On peut aussi, parce qu'on est mal, être dans un jardin hérissé de ronces, d'orties, et d'arbres morts. Avec un pittbull qui garde l'entrée. Pas besoin de préciser de quel jardin les gens se détourneront... Ainsi, il est en notre pouvoir de nous ouvrir aux autres ou de les repousser... tout en se plaignant de n'être pas aimé, pas écouté.

Forcément, cette façon de voir les choses m'a titillé: mon jardin n'est pas toujours bien accueillant. Je laisse souvent pousser des mauvaises herbes et n'offre pas un espace de sérénité. Ce journal en est la preuve puisque j'ai souvent été dans la plainte...

Ceci dit, il y a eu un avantage à cela: j'ai pris conscience de l'image que je pouvais donner. Je me suis sensibilisé à ce que j'émettais, et c'est une très bonne chose. Je me suis ouvert au regard de l'autre, non pour me nourrir, mais pour le nourrir. Et ça change tout...



* * *




Je discute, ailleurs sur le net, avec des personnes qui sont dans les mêmes préoccupations que moi. Echanges très enrichissants, apport mutuel d'observations, témoignages, ouverture à des pensées nouvelles. Que de la vie et du partage. Tout ce que j'aime quoi...

C'est là que s'est développée ma réflexion sur la fidélité.
C'est là aussi que je comprends les différentes façons d'aimer, dans la douleur ou la douceur. Que de souffrance, parfois, chez ceux qui parlent d'amour ! Qui exigent des autres l'amour qu'ils ne se portent pas... Quelle tyrannie aveugle ! Que de chemin à parcourir pour vivre dans un bonheur apaisé !
Mais il y a aussi des rédemptions, lorsque quelqu'un a su sortir d'un chemin de souffrance et comprendre ce qui avait pu se jouer. Quand des gens ont pris conscience de leur part de responsabilité dans un dysfonctionnement amoureux. Par exemple, le fait que "trop" d'amour pouvait faire peur. Une femme me raconte ainsi son histoire: un amour tellement partagé, tellement conforme à ce qu'elle désirait au plus profond d'elle, tellement chargé d'émotion et de vulnérabilité... que c'était "trop". Sentir un homme à ce point bouleversé créait un sentiment de malaise, alors même qu'elle aussi était bouleversée par cet homme.
L'homme devait partir quelques temps plus tard. Il l'a fait discrètement sans un dernier adieu, sans donner d'adresse. L'amour est là, toujours vivant en eux, mais ne se partagera plus.

En lisant ses mots je pensais à Charlotte, pour qui trop de bonheur est une douleur. D'une certaine façon, elle se protège du bonheur. C'est compréhensible vu son histoire personnelle. Elle a ainsi "refusé" mon trop d'amour lorsque je l'ai connue. J'ai dû étouffer mes sentiments pour pouvoir l'approcher d'une façon moins intense.
«Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve», dit une chanson. Je crois que ce paradoxe est assez fréquent. La peur de perdre un jour ce qui est tellement bon fait qu'on s'en protège en le fuyant inconsciemment.

En atténuant mon amour, non sans souffrance, je me suis adapté à la juste distance qui me permettait de partager mon existence avec elle. Mais je me suis aussi coupé de ces parts très vivantes et intimes que sont le désir et le partage émotionnel. Précisément ce qui s'est révélé être un manque au fil des ans...
C'est ainsi que cet amour qui ne pouvait se partager qu'avec mesure m'a poussé à aller le chercher ailleurs. J'avais besoin et envie d'aimer et de donner librement cet amour. De rencontrer quelqu'un qui aurait envie de vivre ce désir avec moi. J'ai tâtonné longtemps, tellement effrayé à l'idée de perdre celle que j'aimais pourtant toujours. Et puis j'ai rencontré nathalie, qui partageait ce désir du désir, cet amour de l'amour...



Qu'est-ce qui a fini par se rejouer entre nous deux? Je ne commence qu'à assembler suffisamment d'éléments pour le comprendre...
Je ne crois pas que je l'évoquerai dans ce journal.







La vie à l'envers




Mardi 14 juin


En tant que père j'ai quelques responsabilités. Celle de permettre à mes enfants de trouver la voie qui leur convient en fait partie. Depuis pas mal d'années j'essaie de leur apprendre à se déterminer par eux-mêmes. Qu'ils se responsabilisent à la mesure de ce qui leur incombe, de ce qu'ils peuvent prendre en charge en fonction de leur âge.

Aujourd'hui notre dernier fils devait faire le choix définitif de la filière qui va le mener au baccalauréat. Choix assez tardif puisque depuis des années il avait opté pour un domaine professionnel précis. Nous ne nous en sommes donc pas particulièrement préoccupés et ce n'est que trés récemment qu'il a commencé à évoquer d'autres possibilités. Finalement il aura attendu les derniers jours pour exprimer dans quelle incertitude il se trouvait. Dans un délai aussi court, l'aider à se déterminer devenait complexe.

J'ai tenté de voir avec lui comment faire ce choix, en le questionnant sur ses motivations lointaines: qu'est-ce qui l'intéresse? qu'en est-il de ce métier auquel il se référait depuis des mois? pourquoi ce changement radical? Il m'a répondu de façon pertinente, montrant que c'était quelque chose d'assez réfléchi. A ce moment là je me suis senti écartelé entre deux options: celle de la responsabilité du père "raisonnable", ou celle du père qui parle avec son coeur. Dilemme lourd de conséquences potentielles...

La raison, c'est choisir la voie qui ouvre toutes les portes: baccalauréat scientifique. En France c'est comme ça, cette orientation permet d'entrer dans toutes les formations supérieures, et de façon préférentielle. Rien n'a changé depuis trente ans... Notre fils peut le faire: «il en a les capacités», comme aiment à le dire les profs depuis des générations. La capacité de choisir une voie considérée comme plus difficile. La capacité de vouloir aller le plus loin et le plus haut possible. Tendre vers les limites de ses capacités.

Le Coeur, c'est suivre la direction pour laquelle il se sent le plus motivé, celle qui le tente, celle qui l'attire, celle où il a envie de s'épanouir. Mais c'est aussi celle qui ferme certaines portes...

Nous avons longuement échangé, et j'ai tenté de lui montrer les deux modes de réflexion (il a quand même bien senti vers lequel je penchais...), tout en lui disant que la décision lui appartenait et qu'il fallait qu'il la prenne sans regrets.

Je traîne un lourd contentieux avec ce genre de situation. En suivant bêtement le choix que mes parents ont fait pour moi, lorsque j'avais l'âge de mon fils, je me suis coupé de l'écoute de mon coeur. Et je me suis retrouvé bien loin de mes aspirations profondes. Je ne peux pas en vouloir à mes parents, puisque j'étais résté passif, mais je regrette que l'on ne m'ait pas aidé à m'écouter pour faire germer ce qui était en place. Que l'on ne m'ait pas responsabilisé. En fait, hier, je me retrouvais à la place de mes parents, et je me disais que ce genre de situation est plutôt inconfortable vu l'enjeu qu'elle représente.



Charlotte est arrivée un peu plus tard. Avec elle c'est sans hésitation la voix de la raison qui s'exprime: avenir, profession, chômage, argent. Que des choses sérieuses quoi. Fini de rigoler (quoique j'étais très sérieux avec mon fils...). Elle parlait en termes de risques à venir, de portes qui se fermeraient, d'opter pour la difficultés dès maintenant pour avoir les facilités ensuite...

Et moi j'étais fort désemparé. Quel père dois-je être? Quel est mon rôle là dedans? Suis-je un adulte "responsable" en encourageant mon fils vers son écoute intérieure, ou bien dois-je le pousser à entrer dans une certaine réalité du monde? Quelles sont les valeurs que je souhaite lui transmettre? Qu'est-ce qui est le mieux pour lui?

Nous nous sommes rapidement heurtés avec Charlotte, avec nos conceptions différentes. Je l'ai taquinée et elle n'a pas manqué de mettre en avant mon coté rêveur, s'énervant contre mes propos considérés comme étant hors de la réalité. Vu ma situation professionnelle actuelle... je n'avais pas grand chose à répondre. Sauf que si j'y suis c'est peut-être précisément parce que je ne m'étais pas assez écouté dans ma jeunesse.



Ça c'est une sacrée question pour moi: suis-je irréaliste? Avec en guise de réponse un vide béant. C'est comme s'il s'agissait de deux dimensions de la réflexion. L'impression parfois de vivre dans un autre monde, de parler un autre langage. Peu de gens semblent comprendre, et surtout accepter, que je suive cette voie intuitive. On me dit souvent «oui, c'est bien beau ce que tu dis, mais dans la réalité ça ne se passe pas comme ça». Mais c'est quoi la "réalité" quand on ne veut pas voir plus loin que les limites qu'on lui attribue?

Je ne vais pas me lancer là dans une réflexion qui pourrait me mener aux confins de l'absurdité...


Ces réflexions on les a normalement à l'adolescence, ou du moins dans la jeunesse. Moi je ne les ai pas eues. J'étais un adulte raisonnable à l'adolescence. J'étais un vieux con. Scrupuleusement obéissant, réactionnaire, catho. Un vrai fils de bourge cadre sup, avec la mentalité faussement ouverte qui va avec. Et tout ça plein de ma bonne conscience bien-pensante.

Ma vie fonctionne à l'envers. J'étais adulte trop sérieux et je fais une tardive crise d'adolescence, soit-disant "immature" et en révolte. Quand d'autres sont entrés dans le moule du gentil couple parental bien inséré dans la société-à-laquelle-on-ne-peut-rien-changer, je fais ma petite révolution personnelle en reprenant tout depuis le début. Pourquoi le couple tel qu'on le conçoit? Pourquoi la société qui formate les rêves? Pourquoi pas la liberté d'être? Pourquoi ce monde-là? Pourquoi cette course vers l'apparence, entre le vide et le mur?

Ouups, là encore je n'irai pas plus loin que ces inutiles tentatives...

Je rêve d'un autre monde fait de respect des différences. De toutes les différences. De liberté, d'ouverture, de recherche d'harmonie... Mais c'est même pas la peine d'en parler. Trop de gens le considèrent comme une utopie. «C'est pas ça la réalité», l'argument est là, toujours disponible, imparable. Parfait prétexte à l'immobilisme.
Mon monde c'est celui de la réflexion, or tout est fait pour qu'on ne pense pas en dehors du cadre de "la réalité"...

La voila la réalité: celles des barrières de la pensée.

Il ne tient qu'à moi de m'en affranchir.
A moi seul. C'est bien là ma difficulté.





Des questions?



Dimanche 19 juin


Un jour j'écrirai moins dans ce journal. Il évoluera, s'éclaircira, et puis il cessera, probablement...
Il semble que ce soit le destin commun de ceux qui écrivent en ligne.

Souvent j'aurais souhaité écrire moins long, moins descriptif, moins répétitif. Mais s'agissant d'un travail en cours, il me fallait polir et améliorer jour après jour l'ébauche sans cesse reprise.
J'aurais voulu aller vers l'essentiel, condenser, laisser place à l'imaginaire du lecteur pour compléter les silences selon sa propre perception des choses. Mais j'avais beaucoup trop de choses à expurger pour laisser cette respiration. Et puis je ne prétends pas à une recherche littéraire. Peut-être, un jour....
J'aurais aimé être drôle, léger, captivant. Surtout, j'aurais aimé être plus positif que cela, donner du courage et de l'enthousiasme.

C'est autre chose qui s'est installé. Un récit de vie, un témoignage brut. Une réalité faite de temps étiré et d'hésitations, d'élans joyeux ou de bêtes récriminations. Toute une palette de nuances entre les extrêmes, déjà lointains, du bonheur perçu comme "absolu" et du profond désespoir. Ce n'est pas une belle histoire avec un plan construit et un déroulement linéaire. Seulement une fenêtre ouverte sur ce que j'ai eu besoin de livrer parmi ce que je voulais bien partager. Quelque chose de faux parce que parcellaire et disproportionnant certains éléments de ma vie.

J'aurais aussi aimé que l'histoire singulière que j'ai vécue reste jolie, avec un dénouement heureux pour tous, sans souffrance. Mais la vie n'est pas un conte de fées... et peut-être faut-il de la souffrance pour accéder au bonheur. Ça aussi c'est la réalité.
Il n'y aura pas de dénouement, parce que ma vie n'est pas un roman circonscrit entre un début et une fin. Elle continuera au hasard des évènements, même si un jour elle n'est plus racontée.



Mais l'heure de la fin n'est pas encore venue.
J'ai encore à découvrir grâce à ce journal, et toute autre forme de communication qu'il suscite. Il s'est révélé être un fantastique outil de découverte, probablement tout aussi performant qu'une psychanalyse, si ce n'est davantage. Outil précieux de rencontres, aussi.
J'ai encore à partager, peut-être en élargissant mon propos. En prenant davantage de recul. C'est le sens que j'aimerais donner à ce site. J'y réfléchis...

Dans quelques temps, le 8 juillet, il aura cinq ans. Faire un bilan de ces cinq années d'écriture intime en public, alors que je me trouve en pleine révolution intérieure, pourrait être intéressant. Pour moi, bien sûr, et peut-être pour vous qui me lisez. Non sur le détail de ma vie et de mes amours compliquées [vous savez déjà tout, non?], mais autour de la démarche de l'écriture en ligne et de ce qu'elle m'aura permis. Je pourrais me livrer seul à ce bilan, mais j'y vois l'occasion d'un échange avec vous, lectrices et lecteurs. Cela pourrait orienter la suite à donner.

Je propose donc à ceux que ça intéresse [oups... j'espère qu'il y en aura...] de stimuler ma réflexion en me posant une ou plusieurs questions qui les empêcheraient de dormir depuis des mois [euh... ah non?]. Du genre «et pourquoi que t'as choisi le caractère Verdana en noir sur fond blanc?», ou «quelle valeur intrinsèque attribues-tu à la narration subspontanée d'inspiration narcissique qu'un récit d'autofiction peut générer dans un objectif d'analyse d'inspiration lacanienne?» [meuh?]. Bref: ce que vous voulez.
Faire une sorte d'interview, quoi... [pis on dirait que c'est moi la staaar...].

Et je me ferai un plaisir d'y répondre le 8 juillet, ici même.








Ce que je veux




Jeudi 23 juin


Un jour, alors que j'exposais la complexité de ma situation, un homme attentif et direct m'avait dit «Mais qu'est-ce que tu veux. QU'EST-CE QUE TU VEUX?». Il m'invitait fermement à être à l'écoute de mes besoins les plus fondamentaux, du sens que je voulais donner à mon existence. Sur le moment je n'avais pas bien su quoi répondre, tiraillé entre des désirs multiples et parfois contradictoires.

Concrétisant ces quelques années de profonde mutation je me rends compte que c'est exactement à ce travail d'appropriation que je me livre: savoir qui JE suis et ce que JE veux pour moi. Sans chercher à satisfaire des attentes réelles ou supposées de la part de mon entourage le plus influent. Et peu à peu je dessine mes contours.

En ce moment, chaque jour qui passe je me sais différent de la veille. Chaque matin j'ai l'impression de réfléchir avec un nouveau mode de pensée, enrichi des découvertes en cours. Je me sens de plus en plus en entrer en conformité avec ce que je ne savais pas être. En renonçant à ce que je ne reconnais plus je me rapproche de mon centre.

Se définit mon vrai moi, celui qui ne concerne que moi, que JE construit et que j'endosse comme un costume toujours plus ajusté à mon corps. C'est un travail à la fois solitaire et en lien constant avec un environnement relationnel réceptif. Je me nourris d'expériences de vie différentes, de liens qui n'existent qu'entre moi et l'autre, quelque chose d'unique à chaque rencontre.

C'est par les autres que je me définis, avec leur façon à la fois semblable et singulière d'entrer en résonnance avec un aspect privilégié de ma personnalité. Je leur apporte quelque chose de moi et éveille en eux un écho qu'ils me renvoient, créant ainsi une dynamique qui nous est propre. J'aime beaucoup ces échanges, que je sais appréciés en retour.

Ce brassage d'idées qui renvoie sans cesse au douleurs du passé tout en construisant l'avenir est souvent déstabilisant. Mon moral change vite, parfois contradictoire en combinant simultanément nostalgie, tristesse, douleur, plénitude, ou satisfaction. L'espoir est parfois flottant, faute d'objectif identifié. La remise en question est profondément douloureuse, mais elle est portée par un sentiment de joie: je sais que je vais dans une bonne direction.

La perte des illusions reste une épreuve qui, bien qu'aidant à grandir, est néanmoins accompagnée du renoncement à des rêves. Et le temps de leur deuil, lorsqu'ils venaient de très loin, lorsqu'ils avaient une importance primordiale, ne peut se faire sans ressentir de la peine. Sentiment amer qui ne sera jamais vraiment partageable. Expérience intime et muette, qui n'a de poids que pour celui qui la vit.


C'est pour ça que je m'isole de ce qui ravive la douleur, en ce moment...
Il me faut lâcher le passé et reconstruire autrement.
Écouter ce que je veux vraiment.







A mi-chemin




Samedi 25 juin


Un homme vient de partir du Japon pour rejoindre les États-unis en traversant l'Océan Pacifique. A la rame. Ce genre d'exploit difficilement imaginable ne surprend plus.

Je ne me demande même pas pourquoi des gens décident un jour de tenter cette aventure plutôt folle. C'est leur histoire personnelle, un défi qu'ils se choisissent. Je les comprends. Je reste admiratif devant une telle entreprise, m'imaginant toute la force de caractère nécessaire. Je sais aussi que l'envie d'abandonner, au plus fort des tempêtes, traverse parfois ceux qui ont tenté l'expérience.

Que peuvent-ils se dire lorsque le découragement les envahit? Comment trouver la force de continuer lorsqu'on sait ce qui reste a parcourir à la mesure ce qu'on a parcouru? Attendre que ça passe ! Il n'y a qu'une seul issue: lorsqu'on est déjà loin il faut aller jusqu'au bout. Ce choix est fait bien avant le départ.

Gestes mécaniques: un coup de rame, puis un autre, et cela sans fin. Chemin tout en lenteur pour passer d'un monde à l'autre à la seule force de son caractère (et de ses bras, quand même...). Le principal n'est pas la destination, mais la traversée.



Je me trouve dans une situation analogue: j'ai choisi de traverser ma conscience et d'aller à la recherche de moi-même. D'une seule traite. J'ai déjà beaucoup avancé et cela fait longtemps qu'il n'y a plus d'autre issue que de poursuivre. Je sais ce que j'ai découvert, je mesure ce qui reste à faire. Le retour en arrière est impossible, il faut continuer.

Même si parfois je suis épuisé, même si cela tourne à l'obsession. Ramer, ramer, ramer...
Parfois poser les rames, lorsqu'il est inutile de lutter face aux vents contraires. Et puis reprendre obstinément, dès l'accalmie. Sans perdre de temps. Profiter du paysage aussi, sentir, vibrer, mais sans trop ralentir. Après, seulement, viendra le repos.

Jour après jour il y a beaucoup de satisfaction à voir le chemin parcouru. Peut-être de la fierté, aussi. Et un plaisir dans le parcours même, une joie dans le dépassement constant de mes propres limites. Jamais je n'ai regretté d'être parti.

Un jour mes douleurs ne seront plus que des souvenirs lointains.







Sans statut




Dimanche 26 juin


Hier j'assistais au mariage d'un lointain cousin. Je ne vais plus dans les églises que pour les mariages ou les enterrements. J'ai écouté attentivement le prêche du curé. Il parlait d'amour, d'engagement, de fidélité. De «toute la vie», d'aimer «en entier», de «se donner à l'autre». Et puis de Dieu aussi, forcément. Et je dois dire qu'hormis certains passage vraiment religieux, auxquels je n'adhère plus, j'étais plutôt d'accord avec ce qu'il disait. Amour de l'autre, amour que l'on partage et qui rayonne, amour donné autour de soi...

Pourtant, je suis certain que dans le fond nous n'étions pas du tout d'accord. Ce que je place sur le mot "fidélité" n'est pas la même chose que ce qu'en dit l'église. Et même l'amour, que l'on nous encourage à offrir généreusement... comporte certaines limites. Aimer l'autre, oui... mais pas trop quand même, hein!

Je trouve cela incohérent.

J'ai écouté très attentivement les serments échangés (celui que j'ai prononcés avec Charlotte il y a longtemps): rien ne me semblait contradictoire avec ce que je pense maintenant. Je ne me sens pas parjure.
Charlotte était à côté de moi dans l'église (il est devenu rare que nous nous déplacions ensemble à l'extérieur) et elle me taquinait en chuchotant, sachant très bien ce que je pense. Là où elle se trompait c'est en croyant que je rejetais tout en bloc. Non, au contraire, je trouvais ce message d'amour tout à fait dans mes convictions. Et rien ne me heurtait vraiment. Charlotte m'a dit en riant «hypocrite!». Non non, pas du tout. Je suis vraiment au clair avec ma conscience. Il se peut que ma pensée évolue encore dans le temps, mais jusqu'à maintenant j'ai agi en accord avec mes convictions. Je peux «me regarder dans une glace», comme on dit. Sans aucune gêne ni culpabilité.

Ce qui à évolué entre nous, dernièrement, c'est que nous acceptons chacun que l'autre pense différemment. Nous ne cherchons plus à nous convaincre mutuellement. Nous en plaisantons, ou évitons le sujet si nous le sentons déraper. En fait, nous sommes d'accord sur notre désaccord.

Nous sommes d'accord aussi pour dire que c'est bête que se soit révélé ce désaccord...
«T'es quand même chiant avec tes idées...»; «T'es quand même chiante...». Voila notre nouvelle complicité (quand tout va bien...)


Et pourtant... Charlotte ne cesse de découvrir les avantages de la liberté de célibataire. Reprenant une personnalité, s'affirmant, elle sort beaucoup plus qu'avant et apprécie de vivre à son rythme. Je fais de même, profitant de mon temps libre pour m'organiser à ma guise. En fait, hormis une frustration sexuelle épisodique, nous nous accomodons plutôt bien de notre statut de semi-célibataires ex-conjoints, semi-couple découplé, parents associés à vie dissociée.

Et tant pis pour le regard des autres, qui se demandent peut-être pourquoi nous sommes encore côte à côte.






Bonne nouvelle




Lundi 27 juin


Le jour où j'ai intégré que la vie était faite de cycles, d'une alternance de moments de paix et de souffrance d'amplitude variable, j'ai fait un grand pas. Désormais je sais, à chaque fois que je suis au creux d'une vague, qu'il suffit de patienter: je retrouverai ma sérénité. Ce n'est qu'une question de temps. De volonté, aussi...

Choisir de ne pas rester en mode négatif, agir pour retrouver la pente ascendante et sortir du marasme émotionnel. Oh, ça ne se fait pas tout seul. Le savoir ne suffit pas. De se coller un sourire mental ne déplisse pas instantanément les sourcils froncés, mais c'est déjà un préalable. Pour ça aussi il faut avancer à petits pas. Ouvrir les yeux et les oreilles, sentir palpiter le monde, entrer en harmonie avec la nature. Sortir de soi pour mieux y vivre. Quitter le noir pour retrouver la lumière.
Aller vers dans le sens de la pulsion de vie, toujours.

Régulièrement je sens cette sinusoïde émotionnelle orienter mon mode de pensée. Tantôt détendu, serein, heureux. Tantôt révolté, en colère contre la réalité des choses ou contre moi-même. J'apprends à vivre autant l'un que l'autre. Profiter pleinement du bon et entendre le moins bon, pour savoir comment l'apaiser. Tout cela j'apprends à le réguler seul, alors qu'auparavant j'avais tendance à attendre de l'aide d'autrui. Ce n'est pas la chose la plus facile que d'apprendre à ne plus chercher à partager les émotions, mais j'y parviens peu à peu. Je le vis pour moi, en moi, et le partage indirectement en essayant d'être réceptif à l'autre davantage qu'à moi-même.

Rendre à l'égo la paix à laquelle il aspire pour s'ouvrir à l'autre.
Et quand la chance fait que deux ouvertures concordent, profiter pleinement de ce partage... toujours fugitif. Le bonheur n'est pas un état stable.

Bonne nouvelle: le malheur non plus! Et rien que ça, c'est heureux.



«La vie me donne ce que j'attends d'elle. Bonne nouvelle»
F. Cabrel







Mois de juillet 2005