Avril 2005

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J'ai grandi




Vendredi 8 avril


Où en étais-je? J'oublie complètement ce journal. C'est quand même bizarre, après y avoir écrit autant de pages...

J'y vois un signe important de changement. Signe qui ne fait que confirmer ce que je sais: j'ai changé. Je change. Je ne suis plus le même. Sans savoir comment le décrire, je ressens une façon de penser très différente. C'est... pfff, tout simplement ça n'a rien à voir avec "avant". Je crois que... c'est de la confiance. Oui, c'est ça: j'ai confiance en moi.

Je sais maintenant que je suis solide et que je peux passer à travers beaucoup de choses. J'ai perdu un certain nombre de mes illusions, pour mon plus grand bien. J'aime perdre mes illusions, même si c'est parfois douloureux au moment où ça se passe.
Les illusions ne sont que des blessures à venir. Elles suscitent une peur anticipée d'une réalité pressentie. Et la peur est antinomique du bonheur...


En fait je n'écris plus parce que je ne ressens plus le besoin de me confier comme le ferait un enfant en attente d'approbation. Ce temps est passé. J'ai grandi.

Il y a quelques mois, j'entendais dire que je faisais une "crise d'adolescence". Ça m'agaçait. J'avais l'impression qu'on minimisait ce qui se passait, qu'on y voyait une lubie, une passade, et que je finirais bien par rentrer dans le rang. «Ça lui passera... crise de la quarantaine... immaturité»

Naon, ça ne passera pas! Du moins pas avant une mutation rééquilibrante. Il s'agit bien d'une vraie crise d'adolescence. Quelque chose de très profond. Un changement majeur. Je quitte une part d'enfance pour devenir un adulte. Ben oui, à mon âge! Pour ça que ce fût si long et douloureux.

Je ne suis définitivement plus le même. C'est tout juste si je me reconnais dans la glace, hé hé. Je ne pense plus pareil, je ne réfléchis plus pareil, et nombre de mes bases de pensée se sont écroulées. Surtout... celle qui consistait à me sentir "victime" d'évènements désagréables et redoutés de toute éternité. J'ai bien compris que j'étais non seulement acteur de mes bonheurs... mais aussi pleinement responsable de ma façon de vivre les aléas de l'existence. Et qu'il y a toujours quelque chose de positif à tirer de toute expérience de vie. Même les plus déstabilisantes ou douloureuses.


Et depuis, je vais très bien...




Bon, en fait je rabache ce que j'ai déjà écrit la dernière fois. Pas grave, ça montre que c'est bien ancré. Faut juste que je trouve un nouveau ton, de nouveaux sujets de développement.






Nouvelle vie




Mardi 12 avril


Le vendredi soir est le jour de retour de notre fille à la maison familiale. Elle est interne et ne passe donc que les week-end et les vacances en notre compagnie. Elle adore vraiment les études qu'elle fait, avec une large part qui s'effectue à l'extérieur dans des activités sportives. Elle se sent aussi très bien avec la bande d'amies et copains qu'elle s'est faite là bas depuis trois ans.
Il n'empêche qu'elle revient chaque semaine avec un grand plaisir se ressourcer dans la famille, constatant, non sans surprise, que ce n'est pas le cas de toutes ses copines. En tant que parents nous sommes heureux et touchés de ce lien fort qu'elle conserve avec nous et auquel elle tient. D'ailleurs nos enfants sont unanimes: ils se sentent très bien avec nous et apprécient beaucoup que nous nous retrouvions tous, même si chacun est libre de ses activités. Les retours sont l'occasion de grandes embrassades entre frères et soeur et d'un évident plaisir pour eux.

La différence avec ce qui existait dans nos familles respectives, à Charlotte et à moi, est flagrante...

Connaissant donc combien ma fille apprécie l'ambiance de son internat, je n'ai pu qu'être très touché quand elle m'a annoncé que la durée du trajet entre la gare et la maison en ma compagnie était «le meilleur moment de la semaine». Rien que ça!!!
Souvent il est consacré, après évocation des dernières nouvelles de part et d'autre, à un partage de réflexions axées autour de l'estime de soi. Notre fille est très orientée sur ce sujet, comprenant bien que des peurs l'handicapent, mesurant une certaine crainte d'aller vers les autres et d'oser être soi. Père et fille, nous avons des préoccupations bien similaires. Alors régulièrement elle me demande de parler de ce que je vis, que je l'aide, que je la conseille. Ce rôle qu'elle me donne est plutôt réconfortant, même si je tente de la mettre en garde contre l'omniscience qu'elle pourrait aisément m'attribuer. Faudrait pas qu'elle m'idéalise trop, quand même...
Nous avons tous les deux une excellente complicité et je la sens extrêmement réceptive à tout ce que je peux lui apporter de mon expérience. Il est évident que mon processus actuel de réflexion me donne beaucoup de matière à transmettre. C'est d'ailleurs une question me demandant où j'en étais avec nathalie qui a initié la discussion de vendredi. Ma fille m'a toujours encouragé à m'écouter et agir selon mes désirs profonds... me renvoyant ainsi les "leçons de vie" que je lui enseigne. C'est une "élève" très impliquée, et appliquée, qui essaie de mettre en pratique ce que je lui dis. Elle revient souvent enchantée en constatant que «ça marche». Je suis hélas moins réactif dans ma propre démarche...
Vendredi je lui parlais des peurs que j'ai récemment surmontées, ou traversées, et de la force que j'en avais acquis. Mais aussi du bonheur et du malheur que chacun ressent et qui, bien souvent, ne dépendent que de nous ou de notre vision du monde.

C'est un peu bête d'ailleurs, mais j'aurais pu écrire ici des pages et des pages sur tout ce que j'ai compris ces derniers temps. Je n'en ai rien fait parce que tout est allé très très vite. Je n'étais plus dans un processus d'élaboration, mais dans celui de l'intégration. Tout a été "préparé" pendant des mois et le déclenchement, tel celui d'un ressort bien remonté, s'est détendu d'un coup. De jour en jour je sentais que je changeais profondément dans ma façon de penser. C'est assez ahurissant de se sentir devenir "autre" en si peu de temps. Je n'en suis toujours pas revenu...



Le week-end avait donc commencé sous les meilleurs auspices. La suite aura été moins drôle puisque je devais passer deux jours en extérieur malgré une météo assez peu avenante: neige et vent très froid. Je me suis gelé pendant deux jours. Et le froid est vraiment une sentation que je déteste. J'y suis malheureusement plutôt sensible.

Cependant... il y a eu un avantage à ce froid. Nous étions plusieurs "collègues" (en fait des indépendants comme moi, mais avec qui nous nous retrouvons régulièrement en participant aux mêmes expositions) et, tous aussi frigorifiés, nous sommes regroupés pour aller manger au chaud. J'avais deux options: soit aller avec les plus proches, des gars bien virils, dans un réstaurant éloigné. Soit me contenter du MacDo situé juste à côté et tenter de me retrouver avec la seule femme d'entre nous. Autrefois je n'aurais pas osé cette démarche et aurais suivi bêtement ceux qui me proposaient de les suivre. Là, j'ai tenté ma chance avec cette femme...
Quand je lui ai dit où j'allais, elle s'est immédiatement proposée de m'accompagner. Il faut dire qu'on avait longuement discuté il y a quelques semaines et qu'elle avait été très intéressée par ma démarche de réorientation professionnelle et mes préoccupations avouées pour la communication interpersonnelle. Il est finalement assez rare dans notre profession que nous nous écartions des sujets de préoccupation qui nous réunissent.

Nous nous sommes donc retrouvé en face à face dans ce MacDo bien chaud et nos échanges se sont immédiatement orientés vers la confiance en soi, la peur d'oser, l'impression de passer à coté de sa vie et de ses désirs. Il y avait une évidente proximité de points de vue. Rapport à l'enfance et aux blocages induits, réflexion sur soi et les phénomènes de répétition et d'expérience nécessaire... Rien que du bon! Je n'ai pas évité le sujet de mes préoccupations du moment, n'hésitant pas à parler de ma séparation et de la rencontre qui avait servi de révélateur. Je ne ressens plus aucune gêne à aborder ces sujets personnels. Je ne crains plus le jugement et poursuis tant que je sens une écoute réceptive. Ce qui était le cas.
Mon interloctutrice était très intéressée par ce que je lui disais, visiblement séduite par le processus de réflexion qui m'avait mené à la situation actuelle. Il est vrai qu'à force de lectures et échanges je commence à avoir un certain recul sur les schémas socio-culturels qui régissent notre vision du couple et de l'amour. Il semble que ce regard un peu décalé (mais néanmoins solidement étayé) interpelle et suscite une écoute attentive.

Tout en parlant, ou en l'écoutant, je me surprenais d'oser me trouver en compagnie féminine en face à face. Cela ne m'arrive que très rarement, et je crois que seule mon amie Anne m'a permis de le vivre en dehors d'un rapport de séduction.

Mais là... était-ce vraiment sans rapport de séduction? Je me le demande... Ce que je sais c'est que j'évitais de croiser trop longuement son regard. Cette femme me plaît depuis que je l'ai connue, il y a quelques années.

En regardant ses lèvres parler ou ses yeux s'agiter en évitant les miens autant que j'évitais les siens, je songeais à mon statut de célibataire. Ça change beaucoup de choses... Bon, je connais très bien son conjoint, ce qui coupe court à toute supposition. Il n'empêche que ma liberté nouvelle est quelque chose de tout à fait appréciable.

Je pensais évidemment à nathalie... si occupée en ce moment. Nos échanges sont rares et sa présence me manque. Je songeais surtout que l'attirance reste toujours un phénomène opérationnel, mais se manifeste probablement davantage quand on a l'esprit "libre". Je ne crois pas que j'aurais été aussi réceptif au phénomène de séduction si j'avais été en pleine période d'échanges soutenus avec nathalie. Ma soif d'échanges a du mal à être comblée, actuellement...

De retour chez Charlotte, avec mon grand sourire aux lèvres, je n'ai pas pu m'empêcher de lui en expliquer un peu les raisons. Normal, j'avais envie de partager ma joie. Et bien... j'ai été quelque peu surpris de voir se manifester des reactions d'une vague jalousie! Alors que nous sommes dans une démarche de séparation, que Charlotte me parle souvent de ses préoccupations à aller vers d'autres hommes, elle a du mal à entendre que j'ai seulement passé quelques heures en agréable compagnie. C'est curieux comme le processus de séparation opère différemment pour chacun. Moi je l'encourage à s'ouvrir à d'autres hommes tout en craignant de ne plus avoir de place dans sa vie (c'est le risque avec les personnes exclusives). Et elle me demande de ne pas être trop proche d'elle... tout en acceptant mal que je me rapproche d'autres femmes.

Je crois que fondamentalement nous sommes très différents sur ce plan là. Et d'ailleurs, bien que devenus très proches et sincères confidents, avec une complicité jamais atteinte auparavant, un vrai bonheur à discuter de façon approfondie, aucun de nous n'envisage un retour à la conjugalité traditionnelle.

Je me sens bien tout seul chez moi, dans ma nouvelle vie. Plus libre sans être pour autant dans la solitude...







Enthousiasme simultané



Jeudi 14 avril


Je crois, au bout du compte, que ce qui me fait vivre est l'enthousiasme. Et le partage de celui-ci. Si jamais je ne m'étais senti aussi vivant que lors de la concrétisation de ma relation avec nathalie, c'est parce que nous étions dans un élan conjoint et simultané. A la fois par le partage des idées et l'attirance réciproque. Une double spirale ascendante, comme deux lianes se confortant l'une l'autre pour s'élever vers le ciel. Quelque chose de très rare, je le sais.

C'est un peu, à une toute autre échelle, ce qui s'est passé avec cette femme il y a quelques jours.

C'est aussi ce qui se passait avec Charlotte, autrefois. Ou même actuellement puisque nous cherchons conjointement comment nous sortir au mieux de ce qui nous arrive. C'est encore ce que je partageais avec mon amie Inès, ou encore lorsque j'ai des échanges durables avec des comparses de longue date sur des forums et que nous échangeons nos points de vue sur l'amour, le couple ou les relations en général. Il y a le plaisir et l'enthousiasme partagés de la découverte et de l'exploration de ce qui restera toujours un peu mystérieux et insaisissable mais nous préoccupe simultanément. C'est ça qui est très important: la simultanéité.


Inversement, chaque fois que mes élans vers ceux ou celles avec qui je voulais partager se sont heurtés à de l'immobilisme, de la passivité, voire de la froideur, quelque chose se brisait en moi et une grande tristesse m'envahissait. Comme si j'avais été trop enthousiaste. Comme si j'avais trop rêvé de partager cet élan spontané alors que l'autre n'était déjà plus là, ou pas encore, ou n' y avait jamais été. Je m'y suis souvent cassé les dents, et ça fait mal...

Maintenant je sais que mon idéalisme n'est pas partageable avec tous. Ou pas toujours. Ou pas durablement. Mais qu'importe... finalement c'est quelque chose qui m'appartient. Si je suis heureux dans ces moments là, tant pis si ce n'est pas partagé avec qui je désirerais que ce le soit. C'est aussi ça l'égoïsme: se faire du bien, se donner les moyens de vivre pleinement ses joies, prendre soin de son égo et ne pas le laisser dépérir.

Lorsque j'étais dans ma démarche d'émancipation du couple conjugal, je me suis trouvé confronté à bon nombre de pisse-froid. Je pense que mon initiative les placait face à leurs peurs et ils tentaient, inconsciemment, de me dissuader en agitant les drapeaux du danger à venir. Oui c'est ça: ils voulaient m'effrayer et me rappeller les "risques" que je prenais. Oh cela m'a ébranlé bien souvent, et c'est tant mieux. Ça m'a permis d'aller plus loin dans l'exploration de mes motivations et de constater que cela était ancré encore plus profondément que je croyais.

J'y ai quand même dilapidé une bonne part de mon élan initial et, parce que j' y étais trop attentif, ça m'aura bouffé une énergie considérable. Le processus a duré longtemps, à été douloureux, et vu de l'extérieur on aurait même pu se demander pourquoi je poursuivais. Il fallait qu'il y ait une force puissante et une foi en celle-ci pour que je m'accroche. Oui, parfois ce fût bien difficile, notamment lorsque je me suis trouvé privé de la relation qui avait révélé ce formidable élan de vie. Mais je n'ai pas fait marche arrière, ni renoncé. Tout au plus me suis-je parfois immobilisé, le temps de reprendre des forces. Ç'aurait été du manque de courage, de la peur, de la mort plutôt que de la vie. J'ai choisi de poursuivre à mon rythme, et sans me projeter trop loin dans l'avenir (qui souvent stimule la peur).


Ce que je découvre de moi n'a pas de prix. C'est ce qui me permettra de "bien vivre", de jouir de ce temps limité qui m'est imparti avant de me retrouver froid entre six planches de sapin. Qu'importe ce à quoi je devrais renoncer, qu'importent les relations qui éventuellement se disloqueront parce que la simultanéité n'est plus en cours. L'important c'est que je me sente en harmonie avec moi-même et avec ceux qui, au présent, ont un enthousiasme qui va dans le même sens. Je sais maintenant que je trouverai toujours des gens avec qui partager quelque chose, parfois de façon éphémère, parfois très durablement. Je sais que je pourrai vivre du présent heureux, surtout si je ne cherche pas à le figer en ayant peur de le perdre dans l'avenir. Je sais maintenant que seul le présent compte. L'instant. Et que c'est dans l'instant qu'il faut laisser vivre l'enthousiasme.







Avant le cerceuil



Vendredi 15 avril


Hep, gamin...

Meuh? qui parle?

Je suis toi, dans quarante ans, quand je ferai le bilan de ma vie avant qu'on me mette dans la boite en sapin. Alors t'as intérêt à ce que ce bilan soit positif !

Ah euh... enchanté...

Pauvre gland, c'est tout ce que t'as à dire? Tu crois que j'ai envie d'être gentil avec toi alors que tu es le responsable potentiel de tout ce que j'aurais pu rater dans ma vie, tout ce que je n'aurais pas vécu, et hélas, ne vivrai donc jamais.

Ben... responsable.. pas au delà de mon âge actuel quand même, après je vais changer...

T'es vraiment con... C'est pas après, c'est maintenant ! Et justement, c'est parce que c'est le moment de changer que je viens te secouer. T'es en train de ramollir entre-deux eaux. Depuis le temps que tu ergotes, que tu tournicotes, que tu évalues, surévalues... bordel, il est temps que tu te bouges! T'as tout compris maintenant, alors zou, change! Deviens ce que tu es vraiment!

Ben c'est ce que j'essaie de faire...

Tu essaies, tu essaies... mais en fait tu t'enfonces à piétiner sur place alors que tu crois avancer. Tant que tu n'agis pas, c'est comme si tu n'avais rien fait, quelle que soit la conscience que tu puisses avoir de ce qui te bloque. A force de tergiverser tu vas limiter tes choix, et d'autres décideront pour toi. Et souviens-toi comme ça fait mal... J'ai pas envie de porter le poids de tes regrets. Alors concrètement, tu fais quoi maintenant?

Je grandis et me responsabilise.

Fort bien ! Et en quoi consiste cette responsabilisation?

Je comprends que mon bonheur ou mon malheur viennent de moi, que je suis pleinement acteur de ma vie.

"Comprendre" ce sont des mots, pas des actes...

La compréhension précède les actes.

Ouais, à condition qu'ils suivent rapidement. Et là, t'es pas très fort...

Parce que je touche à tous les domaines en même temps, et qu'il faut que j'assemble tout pour avancer sans me trouver bloqué d'un autre côté. C'est ça qui est très long.

Tsss... une façon de différer les actes qui t'arrange bien.

Euh... p't'être aussi, oui.

T'es un champion pour tourner autour du pot, te noyer dans les mots, diluer, disperser et faire diversion pour éviter l'essentiel.

A mon insu...

Ouais, ouais, peut-être avant, mais maintenant tu le sais et il faut en sortir. Tu as tous les élements en main. D'ailleurs, t'as eu beau éviter ce qui te faisait peur, t'as finalement été obligé de terminer dessus. Comme ce problème de sexualité et de désir, qui finalement semble être à la base de beaucoup de choses.

Oui, tout ce que je refoulais finit forcément par réapparaître.

Ose dire ce que tu sais! Ose l'afficher. Ose la sincérité avec toi-même!

Oh ça, je suis sincère avec moi maintenant... je ne me ménage plus, je me vois tel que je suis. Je vois mes lâchetés et mes faiblesses, mes peurs. Tout ça me saute à la figure, ça me fout en colère contre moi et je ne peux que l'accepter.

Et agir! Sinon c'est moi qui vais me taper les regrets tout le reste de mon existence! Tiens, par exemple, qu'est-ce que tu fais pour nathalie en ce moment? Je ne veux pas avoir de regrets éternels avec cette histoire moi! T'entends?

Je me libère. Je suis fait de telle façon que j'agis avec autrui comme j'aimerai qu'on agisse avec moi. Je m'occupe donc d'abord de ma séparation conjugale en accompagnant Charlotte. Je ne la laisse pas tomber, même si on se sépare. Et pour ça il faut aller au fond des choses pour tout comprendre et tout expliquer. D'ailleurs on y parvient très bien.

Doooouuuucement, hein?

Oui, c'est long.

Bon, ça j'accepte parce que bien faire évoluer une relation évite tout regret. T'as bien fait de le faire. Mais... y'a pas que ça. Ce n'est pas seulement pour accompagner Charlotte que tu mets tant de temps.

Eurffgrmmmblll...

En fait t'es bien comme tous les mecs: t'as la frousse de te lancer en perdant un certain "confort" de vie. Quelque chose de calme, de relativement sûr, de bien connu... T'es un pantouflard quoi...

Euh... ben tant que j'avance ça reste positif. C'est le renoncement qui me rendrait lâche et dont tu pourrais avoir honte jusqu'au bout.

Ah ça oui, parce que maintenant tu sais parfaitement à quoi tu aspires, et tu ne peux pas y renoncer sans une minable compromission avec toi-même. Cette vie pépère n'est pas ce que tu désires, tu t'y éteindrais. Trop frustrant coté désir et sexe, hein?

Ben oui, c'est bien ça l'origine de tout. Bien s'entendre, s'apprécier, se soutenir... ça fait une belle et forte amitié, mais ça ne suffit pas. Et vivre sans cet élan du désir et de la sexualité partagée, ben ça manque nettement de souffle.

Tiens tiens... tu reconnais donc maintenant que c'est une histoire de cul qui t'a attiré en dehors du couple...

Gloups... crûment et en simplifiant beaucoup, oui, on peut dire ça. Une histoire de manque de cul, de manque de sexe, de manque de vie. Une grande frustration insoupçonnée qui s'est trouvée révélée avec une autre femme, avec qui tout s'est bati autour de la séduction réciproque et de la montée du désir de rapprochement... sans limites.

Et pourtant, quand on te le disait, tu te révoltais. «Non non, c'est pas du tout ça, c'est du sentiment, de la complicité, et gna gna gna...»

Parce que je ne le savais pas et n'étais pas prêt à l'entendre. Je ne voyais que le coté "pur" du partage des pensées et des affinités. Je n'avais pas fait le cheminement suffisant pour voir au delà. C'était trop violent, insupportable qu'on me mette en pleine face ce que je refoulais si fort. Je ne pouvais le découvrir que par moi-même.

Deux ans pour le découvrir par toi-même... pas rapide.

Ben oui, ça montre que c'était sacrément enfoui sous tout un tas d'autre choses. Il a fallu soulever chaque problème pour voir que c'était caché encore plus profondément.

Bon, alors maintenant tu en fais quoi de tout ça?

Je poursuis mon chemin vers cette part très vivante qui me mettra en accord avec moi, en état d'harmonie intérieure. Je sais que c'est la seule voie... même si j'ai peur. Je sais que je dois affronter cette peur du vide pour devenir adulte. C'est indispensable.

A quand le prochain acte engageant? Parce qu'il n'y a que comme ça que ça peut avancer. Les mots ça reste du bla-bla. Pire, ça devient de la lâcheté s'ils ne sont pas suivis d'effet. Et je ne veux pas me taper cette immonde lâcheté de mec sans couilles! Je suis un gars, je veux me regarder dans la glace en tant que tel. Et fier de ce que j'aurais fait, fier d'avoir osé, d'avoir décidé et choisi.

C'est ça que je refoulais... cette part masculine, ce coté pulsionnel, clairement sexué. C'est bien pour ça d'ailleurs que tout le désir était en berne: il était trop ostensiblement masculin.

Eh, ducon, c'est normal, t'es bien un gars! Et c'est même quand tu te montres comme tel que les femmes t'apprécient. Pas quand tu louvoies dans les méandres de tes pensées que tu rends tortueuses à souhait pour faire de mal à personne. Les femmes veulent un mec qui bande, qui agit, qui désire. Pas une couille molle!

J'aime pas ce vocabulaire.

Pfff, refus de ta part masculine! A trop vouloir laisser émerger ta part féminine tu anésthésies ta part masculine. Tu l'étouffes sous ce coté féminin qui n'est pas le tien. Tu te perds dans ton identité sexuée. Tu en deviens asexué, pas assez expressif dans tes désirs.

Je ne les perçois même pas...

Faux! Tu les refoules, c'est pas la même chose. Tu ne veux surtout pas prendre un rôle dominant honni, et tu n'entreprends rien. Tu veux tellement être différent de ton père, que tu en oublies ta propre sexuation. Tu veux tellement montrer que toi, tu ne penses pas "qu'à ça", qu'on se demande si tu y penses de temps en temps ! Sors-toi de là, bordel ! T'es un homme comme les autres, avec des hormones et une bite entre les jambes. C'est pas là pour faire joli, faut que ça serve. La sensibilité c'est bien, mais faut pas qu'elle inhibe la sexualité. A trop vouloir être en phase avec le féminin tu perds toute attirance. Tu séduis par ta sensibilité et ton écoute, mais à force tu ennuies en ne restant que là dedans. Tu fais de ton atout un handicap, à la longue.

Pfff... pitoyable de s'en rendre compte...

Mais maintenant tu le sais, alors agis en conséquence. Sois un homme, bon sang! Ce n'est que comme ça qu'on t'aimera, et surtout que tu t'aimeras. Et tu le sais très bien...








Hésiter mille fois




Samedi 16 avril


Bizarre mon dernier texte...
J'ai eu besoin de sortir ça de moi, de me regarder en face. Un peu grossier, c'est pas mon style, mais c'est cette colère contre mon immobilisme qui en est la cause. Je m'engueule moi-même. 

J'en suis à ce stade où je sais comment je devrais agir sans pour autant y parvenir. C'est très énervant. Cette impression d'avoir toutes les cartes en main, de connaître l'itinéraire à suivre... et cependant constater qu'il demeure une peur de l'inconnu. Une sorte d'habitude, de résistance au changement. Une inertie.

Je sais que pour ce genre de choses il ne sert à rien de trop forcer les choses. Il y a un temps d'évolution incompressible, inévitable, et même nécessaire. Il faut que la conviction soit devenue profonde, sans aucun doute, et là le tournant peut alors être pris avec évidence. Je pense d'ailleurs qu'on peut évaluer l'épaisseur de la couche de blocages au temps nécessaire à les déblayer.

Ce qui est très frustrant, c'est de me dire qu'il me faut encore patienter: je découvre cette part masculine refoulée... mais c'est encore inopérant. Je reste largement dominé (en certaines circonstances) par mon côté "petit garçon bien gentil asexué". J'ai beau me dire que maintenant ça va changer... l'expérience me démontre qu'il n'en est rien. Cette force de l'inconscient me surprendra toujours ! A la fois il mène vers ce qui doit être découvert, et d'un autre coté il resiste au changement.


Mais ce que je trouve le plus extraordinaire c'est que, bien longtemps avant de me rendre compte de mon immaturité, j'agissais intuitivement pour éviter à mes enfants d'entrer dans ce processus. Très tôt je les ai responsabilisés, mis face à leurs choix de vie, fait comprendre que leur destin leur appartenait. Alors que moi... ben je ne réalisais même pas une seconde que je me laissais mener par les évènements. Résultat: ils savent se déterminer et agir pour orienter leurs choix.

Et moi j'hésite mille fois avant de poser un pas vers ce que je veux...
Sans même parler du temps qu'il me faut pour savoir ce que je veux vraiment...

Il faut que je change, car je n'ai plus envie de vivre ainsi.






«Je suis responsable de mes erreurs. Je suis responsable de laisser le temps, l'école, la société, et le reste, me pourrir. Il n'y a pas de grand méchant dans cette histoire, à part peut-être moi qui me laisse envahir par des idées que je ne serais pas prête à porter jusqu'au bout. Pire encore, par du vide qui prend tellement de place qu'il n'y en a plus pour les idées qui sont miennes.

Je ne suis pas responsable des erreurs des autres, même si je peux intervenir pour fléchir le cours des choses. Mais je suis responsable de me laisser influencer par elles. Je suis responsable de laisser mon passé m'empêcher de me tourner vers l'avenir, de laisser la peur fermer ma bouche.

Mais je suis aussi responsable de chaque victoire que je remporte sur mon chemin.»

Sans prétention
- 10/04/2005









Évolution perpétuelle




Mardi 19 avril


Un hiver qui n'en finit pas et qui revient sans cesse refroidir les ardeurs du printemps. Quarante centimètres de neige sont tombés sur les pousses tendres et les fleurs en pleine éclosion, il y a quelques jours. Pour nombre d'arbres le surpoids de ce lourd voile glacé aura été fatal. Branches pliées jusqu'au sol, arquées jusqu'à la rupture, ou complètement arrachées du tronc en longues déchirures. Troncs éclatés, comme s'ils avaient été piétinés par quelque géant. Plainte silencieuse que l'on sent soudre de ce chaos. L'avenir prêt à éclore se voit amputé.
L'harmonie d'un jardin n'est jamais acquise. En quelques heures tout peut être ravagé et il faudra faire le deuil de ce qui avait été planté depuis bien longtemps avec un espoir certain d'épanouissement. Rien n'est jamais garanti et le beau doit être saisi chaque jour, tant qu'il est accessible au présent. Car un jour, brutalement et définitivement, il peut avoir disparu. Ne pas s'attacher, ne pas trop se projeter dans l'avenir...

Finalement un jardin est une belle leçon de vie. Ne serait-ce que parce qu'on sait qu'avec le temps reviendra un nouvel équilibre et que disparaitront progressivement les traces des blessures passées. Et les pertes deviendront des souvenirs, une forme d'immortalité pour ce qui en vaut la peine. Le reste, le futile, sombrant dans un oubli définitif.



Ma vie actuelle, et depuis pas mal de temps, est aussi faite de ce genre de giboulées émotionnelles. De cette alternance de moments radieux et de refroidissements soudains. Parfois je me vois réjoui et plein d'entrain, d'autres fois c'est un abattement qui m'envahit. Entre les deux, presque rien. Un détail qui germe, enfle et finit par prendre toute la place, obscurcir la lumière dont la vitalité a besoin. Tout cela parce que je ne sais pas encore vivre et penser pour moi d'abord. Il y a toujours ce souci d'être apprécié, de faire "comme il faut", de ne pas faire de mal... pour ne pas être rejeté. C'est une illusion d'altruisme, bien que me donnant l'illusion d'être authentiquement sincère. Dédoublement de personnalité qui m'échappe, l'enfant craintif dominant l'adulte. Je le sais, mais je ne parviens pas [pas encore...] à désamorcer le processus.

Alors je traînasse... le temps s'étire parce que j'ai peur de perdre. Tant que je ne parviendrai pas à surmonter durablement cette peur, chaque décision à prendre s'éternisera. En fait, c'est pas que je ne prenne pas de décisions, c'est plutôt que je les prends une à une. Je ne le fais pas de manière globale, je passe par l'étape du détail. Ce qui ressemble à de l'immobilisme est en fait un mouvement de fourmi.

Il y a des gens qui peuvent faire plusieurs choses à la fois, s'occuper de différentes affaires simultanément. Et d'autres qui ne peuvent bien les faire que successivement. C'est mon peut-être mon cas?


Cette lenteur a au moins un avantage: elle peut révéler des incompatibilités avec les gens pressés. Car récemment deux personnes avec qui s'était établi une forme de conivence ont simultanément critiqué ma lenteur. Pire: elles me l'ont reproché, comme s'il s'agissait d'un défaut, et m'ont prédit le ratage de ma vie à cause de celà, en termes assez peu amicaux. D'abord ça m'a fait mal, parce que cela touchait un point sensible: je connais très bien cette lenteur qui me handicape et j'ai trouvé cruel qu'on me laisse tomber à cause de cela. Mais finalement cela m'aura aidé à mieux l'accepter. Le miroir qui m'était tendu ne faisait que refléter la réalité de ce que je suis... A moi de m'accepter comme tel sans me culpabiliser. C'est peut-être la seule façon d'en avoir vraiment marre, et de trouver l'énergie suffisante pour en sortir. Regarder au grand jour, plutôt que refouler.

En revanche, j'ai compris une nouvelle fois que la confiance qu'on pouvait donner à autrui restait quelque chose de fragile. Ne jamais oublier que la confiance n'existe qu'au présent et peut disparaître en un instant. Sans amertume ni regrets. Parce que parfois c'est le bout d'un chemin partagé.

Je suis de moins en moins affecté par ces fins plus ou moins brutales que j'ai assez souvent rencontrées dans le monde d'internet. Cela ne peut que m'être utile dans la vie sensorielle, et en particulier dans cette apprentissage de l'autonomie adulte, faite de ruptures fécondes, de pertes génératrices d'un nouvel équilibre, d'harmonies mouvantes. La vie est naturellement en mouvement. Une évolution perpétuelle.








Rêver, résolument !




Mercredi 20 avril


Et si j'étais passé à côté de l'essentiel ?
A trop vouloir ne pas déplaire n'est-ce pas à moi que je déplais? Ne me suis-je pas finalement étouffé dans une suradaptation inhibante?

Et si, avant même l'idée de désir ou de bonheur, la première chose à prendre en compte était ma capacité à rêver? A écouter mes élans du coeur ? Quelle injonction secrète m'a t'elle été enseignée pour que je m'empêche ainsi de laisser mon imagination dériver ? Pourquoi ma spontanéité est-elle subordonnée à une approbation ? Pourquoi suis-je aussi sensible à tout ce qui me rappelle que je *devrais* rester "réaliste" ?

Réaliste...

Et si ce pseudonyme que je me suis choisi était vraiment le fond de ma personnalité? Oui, un idéaliste qui veut vivre ses rêves. C'est bien moi ça. Et c'est lorsque je vis cet état que je suis le plus heureux. Car je le peux, lorsque j'y crois. Lorsque je m'en donne les moyens. Je le sais, puisque je l'ai vécu.

Et si finalement c'était ça qui devait venir au jour ? Le point essentiel à découvrir ? Me donner la chance de vivre mes rêves.



Qu'est-ce qui me perturbe le plus dans mon cheminement? Que l'on me dise de rester réaliste ! Vieille rengaine trop bien intégrée et qui a fait que mes ailes ne se sont que rarement déployées. Que l'on oppose à mes élans des limites subjectives et je ressens alors comme un mur infranchissable. Tout mon bel enthousiasme, celui qui me rend si vivant, s'écrase alors sur cet obstacle. Mon sourire se fige et s'inverse en une tristesse lourde. Parce que je n'ai pas assez de force en moi pour croire que mes élans sont importants et que je ne dois surtout pas les réfréner. Ou peut-être parce que je ne sais pas les vivre seul? Oui, aussi... probablement.

Ce que je vivais il y a quelques mois était un extraordinaire élan de vie. Mais à coup de « sois réaliste », « tu ne te rends pas compte », « arrête de rêver », « ça ne marche pas comme ça », venus de toute part je me suis trouvé pris dans la répétition de schémas d'enfance, lorsque j'ai compris que je devais être "raisonnable". Processus qui me ramène sans cesse vers ce dont je veux sortir... parce que je demeure encore cet enfant craintif. Je suis bien plus sensible à ces voix régressives qu'à celles, plus rares mais essentielles, qui m'encouragent à m'écouter et à poursuivre mon chemin de libération.

Et si mes alliés d'hier étaient devenus mes plus fidèles obstacles? Et si moi-même j'étais mon plus redoutable empêcheur de grandir? Et si c'est mon propre comportement qui faisait que je me sens cassé [castré?] à chaque fois qu'une de mes audaces n'est pas suivie? Et pourquoi ai-je ce besoin d'être suivi, ou accompagné, ou encouragé? Douterais-je à ce point de ma capacité à inventer ma vie selon ce qui me convient, de ma capacité à grandir seul? Pourtant... je sais très bien que j'ai la carrure mentale suffisante pour cela. Tout est là, en moi, prêt à exister.

Alors pourquoi pas?



A moins que... je sois vraiment coupé de la réalité? Serais-je réellement un idéaliste aux rêves utopiques et irréalisables? Mais pourquoi ai-je alors pu vivre le bonheur? N'était-ce qu'un fragment rendu possible dans l'éphémère, non-reproductible? Quelque chose qui n'a existé que pour disparaître et laisser là ce creux ?

Quel scénario inhibant reproduis-je? Pourquoi ne sais-je pas en sortir? Pourquoi est-ce que j'accorde autant d'importance à ce que peuvent me dire les autres? Par peur de les perdre? Par peur de me retrouver seul?

Je crois que je dois apprendre à devenir très vigilant avec les personnes qui me rappellent qu'elles ne me suivent pas dans mes rêves. Peut-être en me dévoilant moins? Et peut-être que je dois surtout apprendre à rêver seul, sans attendre qu'on me suive. Aider la chance à me mettre en contact avec des personnes qui ont envie de partager quelque chose avec moi, le temps que ça durera. Accepter aussi que ce ne soit ni éternel, ni permanent. Vivre au présent, toujours. Hic et nunc.

Je ne veux plus d'une vie faite d'élans contrariés. Je ne veux plus me laisser contaminer par la tristesse, la peur, ou le manque d'enthousiasme des autres, ni surtout m'y soumettre. C'est pour moi, et seulement pour moi, que je dois vivre mes élans. Vivre, tout simplement.



Parfois j'ai envie de solitude, pour m'entendre vraiment.






«Mes enfants sont plutôt fiers de moi. Même ma mère n'a pas eu une réaction trop négative. De façon générale, les gens m'encouragent et m'appuient beaucoup plus que je ne m'attendais. Mon mari est un peu triste de ce départ, mais me dit qu'il m'envie un peu d'être si passionnée et de suivre mon coeur. Tout ça me confirme que j'ai bien fait d'attendre que le "bon" moment soit venu avant de passer à l'acte.»

Azulah
- 19/04/2005









Désirs plutôt que rêves




Jeudi 21 avril


Avec mon amie Inès j'ai gardé un bon contact. Ce fût la première femme que j'ai touchée après Charlotte. Je me souviens encore de cet émerveillement sensuel teinté de délicieuse transgression lorsque nos mains s'étaient prises, puis nos bras enlacés. Ainsi c'était aussi simple que ça? Il suffisait d'oser et laisser le désir s'exprimer...

Hier je lui ai téléphoné. Elle est une de mes rares confidentes et m'a toujours encouragé à suivre mon chemin, sans aucun jugement. Ancienne épouse s'étant séparée en douceur de son mari-ami, nos parcours ont quelque chose de similaire. J'apprécie toujours nos échanges, qui sont basés sur une façon semblable de voir le cheminement personnel et les relations amoureuses. En riant elle me rappelait combien j'avais changé depuis cinq ans: je défendais alors l'idée d'amour "pur". Quelque chose de totalement immature, asexué, tout à fait significatif du refoulement des désirs. C'est elle qui m'aura ouvert à une autre forme d'amour, plus axé sur un partage d'intimité sans limites, sur fond de confiance et respect réciproque.

En lui parlant de ma difficulté à avancer aussi vite que je le souhaiterais, elle m'a rappelé son conseil de bon sens: laisser le temps au temps. C'est vrai, avec ce désir d'aller "le plus vite possible", j'en oublie parfois qu'il ne sert à rien de vouloir hâter les choses. C'est prendre le risque de l'échec, dont les conséquences peuvent être préjudiciables. Il faut accepter que ce qui se passe est la meilleure chose, et que chaque chose se fait à son heure. C'est d'ailleurs ce que m'écrivait une lectrice, quelques minutes plus tard, comme pour confirmer.

Je crois qu'avec le temps je deviens de plus en plus ouvert au présent à vivre. J'accepte que ce qui doit advenir se fera. Il y a une sorte de détachement. Je ne redoute plus je ne sais quelle catastrophe, ayant admis que ça ne l'empêchera nullement de se produire si tel doit être le cas. Je prends ce qui vient, tout en essayant d'influencer les choses dans le sens désiré. C'est d'ailleurs mon seul pouvoir...

Euh... il est cependant à double sens d'action et peut parfois prendre une tournure négative si "le sens désiré" s'oriente du coté de mes peurs anciennes: je peux alors très bien agir de telle façon qu'une auto-prophétie catastrophiste tende à se réaliser. Répétition de schémas de souffrance, comme si celle-ci devait toujours m'accompagner parce que je ne sais quel destin malheureux m'en aurait accablé. Mais je détecte maintenant très vite ce processus mortifère et sais, sinon l'arrêter immédiatement, du moins l'empêcher de se développer et de nuire. J'y vois une forme acccrue de confiance en moi.


* * *




J'ai repensé au texte écrit hier: « Rêver, résolument ». Hum... j'avais hésité un moment autour de ce mot "rêve", parce qu'il est marqué d'une large part d'irréel. Or je souhaite précisément rendre mes rêves réels. Mais vivre un rêve... est-ce encore un rêve? Finalement je me dis que j'aurais pu choisir le mot "désirer", et tout le sens de mon texte aurait eu une autre coloration. Le vocabulaire a un sens, et il est important de choisir les mots adéquats le plus précisément possible.

D'ailleurs... n'est-ce pas significatif d'employer un mot teinté d'irréalité à la place de celui de "désir", qui est, lui, bien concret ? N'est-ce pas parce que j'aurais intégré que les désirs font rêver, ce qui n'aurait pas de place dans un monde "raisonnable" ?
C'est contre ma propre perception des choses que je dois lutter: accepter et exprimer mes désirs. Ne plus les associer à quelque chose de déraisonnable.



Cette distinction entre "rêves" et "désirs" est très importante: en parlant du rêve de vivre quelque chose avec quelqu'un on l'implique de fait. On l'associe au rêve, de gré ou de force.
Alors que l'expression d'un désir de vivre quelque chose avec autrui ne va pas plus loin que la moitié du chemin. Il n'y a ni dépendance, ni empiètement dans le territoire intime de l'autre. L'autre reste libre de faire sa part de chemin... s'il le désire.

Je prends conscience que j'ai trop souvent voulu associer l'autre à mes... rêves. J'ai ainsi fait porter un poids, une part de... *responsabilité* abusive dans la réalisation de mon bonheur. Cela a pu être culpabilisant et je le regrette.

Il est décapant de se voir dans le miroir de la vérité de soi: oui j'ai, inconsciemment, cherché à embarquer dans mes névroses ceux et celles dont je dépendais. Je suis heureux d'en faire le constat aujourd'hui... mais nettement moins d'avoir infligé ce genre de choses aux personnes que j'aime.








Harmonie intérieure




Dimanche 24 avril


J'ai la grande chance de fréquenter un milieu professionnel de passionnés. Tous des gens qui sont indépendants, qui ont choisi un métier un peu à part, qui l'aiment. Métier en rapport avec la nature, de surcroît, ce qui leur donne une certaine façon de voir le monde. Approche à la fois terrienne et détachée des contingences, un mélange de pieds au sol et de tête dans les nuages. Et de fait, quand on est tributaires des aléas climatiques, cela donne une certaine distance, un relativisme quant à la gravité des choses. Peut-être une plus grande capacité à accepter ce sur quoi on ne peut rien, et à se battre pour ce qui est accessible.
La grande majorité vit hors des centres urbains, souvent en décalage avec la société de consommation. D'ailleurs nombreux sont ceux qui se nourissent davantage de leur passion que de leurs revenus. Il semble que la qualité de vie compense quelques importants sacrifices financiers. Pourtant, à la longue, plusieurs se demandent jusqu'à quand ils pourront tenir dans cette incertitude constante que confère la précarité financière. Interrogation qui reste en suspens puisque, d'une certaine façon, en optant pour la liberté, je crois qu'on s'est coupé définitivement de certaines manières de vivre. Lorsqu'on a connu cette indépendance, il me semble très difficile, voire impossible, de revenir dans des cadres stricts d'horaires, de tâches imposées, de hiérarchie. Le choix de la liberté me semble sans retour possible en arrière, sauf à faire un sacrifice considérable.

C'est bien ce qui m'a posé problème lorsque j'ai dû chercher des sources de revenus complémentaires. Le choix était restreint si je voulais conserver ce qui était devenu essentiel à mes yeux. Mais en laissant se dessiner ce qui était en moi, et accompagné en cela par une association dont c'est la finalité, je crois avoir trouvé ma nouvelle voie. Le projet se concrétise et ma redonné un enthousiasme qui s'était étiolé les dernières années.



Cette démarche de reconversion me mène à rencontrer des personnes qui exercent une activité proche. Cela me permet de vérifier la validité de mes idées, de détecter d'éventuels points faibles, d'affiner mes objectifs. Les entretiens sont toujours fructueux. Soit parce qu'ils me montrent des directions qui ne me conviendraient pas, soit en faisant apparaître des pistes nouvelles.

Hier j'ai longuement discuté avec un de ces autodidacte-aventurier-original qui exerce un metier rare. Car tout l'intérêt est là: trouver quelque chose qui soit vraiment en adéquation avec la personnalité, les talents, les compétences. Quelque chose de vraiment personnel. L'homme se définit avant tout comme un naturaliste, mais est à la fois photographe de la vie sauvage, conférencier, écrivain, animateur. Quelqu'un qui vit son métier, ou dont le métier est la vie. Il est immergé dans sa passion, mais avec une évidente joie à la communiquer. Il aime transmettre ce qui le fait vibrer et de lui émerge toujours une impressionnante vitalité. Je ne l'ai jamais vu l'air passif, ni ne l'ai entendu se plaindre, alors que je le cotoie depuis plusieurs années. Il émane toujours de lui une sorte d'émerveillement.

Les photos de faune sauvage qu'il expose sont somptueuses. Elles ne doivent rien au hasard et la patience et l'observation dont il fait preuve sont époustouflantes. En complet décalage avec notre société de l'immédiat, du futile, et de l'illusions des plaisirs commerciaux. En une seule de ses photos, souvent prises dans nos paysages de montagne ou dans notre simple campagne, je ressens ce qu'il a fallu de connaissance pour capter un instant fugace. Des heures d'approches et d'observation immobile, mais surtout des années de terrain, tous sens en éveil. Il a retrouvé ce que beaucoup d'occidentaux on perdu: le sens de l'observation. Tout le calme et l'harmonie d'un fragment de nature transparaissent à chacune de ses images. Et la passion de cet homme, entièrement consacré sur la vie de ce qu'il photographie, s'en fait l'écho. A ce stade, ce n'est plus seulement un cliché, mais toute une philosophie de vie. Un respect, une adapation de l'homme, presque une humilité.

Philosophie, patience, harmonie, respect... autant de mots qui ont émaillé notre conversation. Avec même des parallèles vers la psychologie des relations humaines, qui n'est pas sans lien avec l'observation des rapports d'un écosystème. Les notions de temps, d'adaptation, d'évolution, d'acceptation, sont communes à bien des équilibres, qu'ils soient ceux de la nature ou ceux des rapports interpersonnels.
J'ai beaucoup apprécié l'échange avec lui. Nous avons une approche commune et une estime réciproque. Chacun à notre façon nous avons des connaissances dans notre domaine, qui souvent se recoupent. A son contact j'ai senti renaître en moi ce que j'avais laissé peu à peu s'endormir depuis des années. J'avais un peu oublié cette passion communicative qui me faisait aller au contact des autres. Tout cela se réactive doucement depuis que j'ai entrepris cette réorientation qui passe par l'écoute de mes motivations profondes. Je sens bouillonner de nouveau cet enthousiasme, et une grande énergie se raviver.

Je crois que désormais j'ai acquis une certaine force de conviction, indispensable quand on veut transmettre des connaissances. Elle est à la fois issue du détour que j'ai fait par une profession qui m'aura donné légitimité et compétence, et de cet énorme travail sur moi dont ce journal a été nourri. Et si c'est bien en commençant mon activité indépendante, il y a une douzaine d'années, que j'ai senti mes limites et que j'ai entrepris de me comprendre, c'est seulement maintenant que je suis parvenu à une meilleure estimation de ce qui me met en état d'harmonie intérieure. Finalement, c'est peut-être une nouvelle façon de vivre qui s'est mise en place durant cette douzaine d'années...







Mois de mai 2005