Février 2005

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Invisibles violences




Jeudi 3 février


Mes insomnies du soir se sont transformées en insomnies nocturnes. Ça ne m'était jamais arrivé de passer plusieurs nuits à rester une heure, parfois davantage, avec des idées qui tournent et retournent dans ma tête. Par contre dans la journée c'est un peu l'inverse puisque je manque d'énergie et qu'il m'arrive de m'endormir à n'importe quelle heure. Allez comprendre le fonctionnement du corps...

Ce que j'en déduis, c'est qu'à la veille de changements décisifs le métabolisme entier est affecté. Et que ces manifestations physiologiques ne laissent pas de doute quant à l'importance de ce qui opère dans le psychisme. Il doit y avoir un sacré bouleversement du coté des hormones comportementales! Vous savez, toute cette chimie qui agit sur notre machinerie en nous rendant dynamique ou apathique, enthousiaste ou déprimé, selon le dosage d'adrénaline ou autres molécules complexes. Globalement, je me sens épuisé. Un peu à bout de course. Pourtant, malgré quelques défaillances passagères, le moral reste plutôt solide. Même s'il demeure une tristesse de fond, j'ai retrouvé une façon de penser sur un mode positif. Du moins... la plupart du temps.

Beaucoup de questions ont été élucidées, même s'il en reste une quantité croissante en suspens. Et puis je crois que quelque chose a changé en moi, sans que je ne sache vraiment le décrire. Un endurcissement, sans doute. Une meilleure écoute de moi-même, une plus grande détermination. Je me respecte davantage. J'ouvre les yeux et, dans les complications relationnelles, cesse de me culpabiliser à outrance, ou de prendre à ma charge plus de responsabilité qu'il m'en incombe. Je deviens plus objectif et ça me fait du bien.

En fait, je prends de la distance.




Grâce à ça, je crois avoir mieux compris l'origine de nombre de complications relationnelles. Je veux dire «compris» dans le sens de «intégré». Ce passage de la théorie à la conviction, de l'apprentissage à l'acquisition. Dans mes termes à moi, cette origine se résume à: «la violence engendre la violence». Bigre, de la violence?  Rien que ça?

Non, ni coups ni blessures... du moins rien de visible. Rien de physique. Au contraire tout cela est imperceptible, sans traces apparentes. Je parle de la violence psychique, de la violence ressentie. Tout est dans ce mot: ressenti. C'est à dire qu'il ne s'agit pas d'objectivité, mais au contraire de la plus grande subjectivité. Et la subjectivité ne se discute pas, ça ne s'argumente pas, ça n'a pas à être mis en doute. Dans le cas d'un deuil, par exemple, il est évident que c'est une épreuve violente pour les proches, mais totalement subjective. En soi la disparition d'une vie ne cause aucun traumatisme visible, et encore moins volontaire.

Il en est de même dans le ressenti des violences relationnelles. Ces inévitables frictions qui, plus ou moins marquantes, parsèment nos vies. Que ce soit de la part de parfaits inconnus, ou dans le monde du travail, ou surtout dans celui des relations les plus impliquantes: familiales, amicales, amoureuses. Parce que ces dernières présentent le plus grande degré d'intimité, de confiance, d'abandon. Elles sont donc hypersensibilisées parce qu'on se trouve en position de vulnérabilité extrême du fait de la transparence de vies longuement partagées. Chacun dispose sur l'autre d'un pouvoir considérable, qu'on le veuille ou non, et un indispensable pacte de non-agression doit prévaloir. Sauf que... cet idéal est souvent contrarié par la réalité. A l'occasion d'une fatigue, d'une irritabilité particulière, d'une tension inattendue, de contrariétés extérieures, il peut y avoir un décalage dans la perception de chacun. Une subjectivité accrue par l'hypersensibilité.

Des mots, des gestes, un ton de voix, un regard, une mimique, ou au contraire l'absence de tout cela, peuvent trahir une certaine disharmonie. Et selon les circonstances, la sensibilité de chacun, ces micro-signes (dit "langage non-verbal") que capte très bien l'inconscient peuvent réveiller des blessures anciennes. D'un presque rien peut naître un cataclysme relationnel. Une variante de "l'effet papillon"...

Alors, par une suite de réactions en chaîne d'autant plus amplifiées et rapides que la sensibilité est grande, on en arrive à une très grande violence relationnelle. Des blessures très marquantes, des traumatismes durables peuvent en résulter. Parce que la violence de la réaction est proportionnelle à la violence ressentie et la souffrance qui en découle. Cette subjectivité invisible crée immédiatement une incompréhension, chacun étant agressé par les propos de l'autre sans en comprendre l'origine. D'une involontaire et imperceptible violence initiale, le crescendo vers l'incompréhension majeure est parfois rapide et dévastateur.

Une seule solution pour éviter cela: désamorcer immédiatement. Cela demande un état de vigilance constante et surtout une grande connaissance de soi. Car c'est évidemment le premier qui ressentira en lui les symptômes d'un malaise, d'une souffrance, d'une violence ressentie, qui pourra désactiver le processus. D'abord en bloquant toute réaction en réponse, ensuite en ouvrant le dialogue. Il faut pour cela être très attentif à ses ressentis, les détecter, les respecter, les exprimer. Se respecter et respecter l'autre pour respecter la relation. C'est à dire qu'en ressentant une agression, une violence, un réveil douloureux de vieilles blessures, l'urgence n'est pas de s'en protéger en agressant en retour, mais d'aller au devant de l'autre. Ecouter ce que signifie la violence qu'il émet sans s'en rendre compte. L'aider dans un mal-être dont il n'a peut-être même pas conscience. Ou du moins, si l'aide n'est pas possible, éviter de surenchérir.

Je crois que les seules façons de désamorcer sont le dialogue ouvert, l'écoute réceptive, ou le silence en attendant le retour au calme. Mais ni la réponse "proportionelle" (exagérée parce que subjective), ni la fuite (feu vert pour une récidive), ni le silence durable (qui laisse le problème entier), ne sont des solutions. Cette maîtrise de soi demande, encore une fois, de croire suffisamment en soi pour ne pas sombrer dans les pièges de l'hypersensibilité, de la dévalorisations, de la culpabilisation, ou de l'agressivité en retour.

Pour avoir vécu la différence entre une situation de blocage (due à de très fortes violences ressenties de part et d'autre) et la restauration d'un lien de confiance et de respect, je sais désormais à quel point le dialogue ouvert vers l'autre est fondamental pour des relations harmonieuses. Et qu'il n'est jamais trop tard pour cela. Mais la simple écoute ne suffit pas. Il faut aussi poser des questions, aller au devant de l'autre, l'aider à formuler ce dont il n'a pas conscience ou refuse de voir en lui. En fait, être davantage ouvert à l'autre qu'à soi. Cela demande beaucoup de tact et de confiance, en soi et en l'autre, et une grande ouverture d'esprit. Il faut aussi accepter, parfois, un refus de réponse sans s'en offusquer. Voire un maintien de l'agressivité. Mais ne pas prendre les choses de façon personnelle. Et donc, là encore, croire suffisamment en soi...

Tout cela est évidemment exacerbé dans les relations les plus sensibles, et particulièrement dans les relations amoureuses, ou de très grande amitié, de loin les plus vulnérabilisantes puisque basées sur une confiance qui peut confiner à l'absolu.




Cette réflexion (pas tellement éloignée du message évangélique ou de tout bon livre de pratique relationnelle...) est bien sûr issue des récents bouleversements qui ont marqué les deux relations fortes que je vis. Je crois que dans chacune d'elle il y a eu, à certains moments-clé, une extrême violence ressentie de part et d'autre, avec des réponses-choc disproportionnées. Dans mon cas c'est parce qu'étaient réunis les ingrédients essentiels de ce qui fait mon existence: sincérité, confiance, amour, amitié.

Si de leur conjugaison peut naître un état instable mais magnifique qui atteint à mes yeux une dimension spirituelle, l'essence même de la vie, un des rares états de la merveilleuse plénitude à laquelle j'aspire, c'est d'en avoir effleuré l'idée de perte qui aura renforcé quelques certitudes: pas d'amour sans amitié, pas d'amitié sans confiance, pas de confiance sans sincérité. La sincérité dans l'expression de soi, dans les réponses données, mais aussi dans les questions posées: ne pas avoir peur des réponses. La confiance est, par définition, intouchable. Imprescriptible. Absolue. Sinon, ce n'est rien moins que de la trahison. Et c'est parce que ce mot terrible aura été prononcé tour à tour par chacun des protagonistes, que j'aurais fini par comprendre à quel point il y avait eu d'extrêmes violences ressenties, des brisures face à des comportements incompréhensibles de l'un par l'autre. Et que seul le temps et un dialogue vraiment ouvert permettent la cicatrisation.









C'est aussi bien comme ça




Mercredi 9 février


En quelques jours, sans l'avoir senti venir, j'étais parvenu en bout de course. Au fond d'une impasse méticuleusement explorée. Il n'y avait plus rien à chercher là. Alors je n'ai eu plus qu'à m'appuyer sur ce fond pour repartir dans une autre direction. Finalement, ça s'est fait tout seul: un matin je me suis réveillé avec une idée un peu folle.

Pour une fois j'ai été très rapide. D'heure en heure le grain de folie a germé, prospéré, et a tout envahi. Il était d'une évidence enthousiasmante. Un sursaut de vie pour prendre la place de cette maudite tristesse de fond qui semblait s'incruster durablement. Je sentais que c'était très mauvais et qu'il fallait que je réagisse immédiatement. Ne pas me laisser happer par ce processus mortifère. Car en atteignant le degré zéro de l'attente, j'entrais aussi dans celui de la non-motivation à changer quoi que ce soit. La situation étant finalement définitivement acceptée, j'étais devenu résigné. Je n'avais plus ni raison ni prétexte pour tenter la moindre démarche.

Et c'est d'avoir atteint la stabilité de l'immobilisme qui, assez étonnamment, aura déclenché un improbable sursaut vital. Tout d'un coup je retrouvais une énergie considérable, un désir de rendre le rêve bien réel et de me donner tous les moyens pour qu'il réussisse. Ma capacité à rêver, vivre, et agir était intacte. Il fallait que je le fasse, que j'ose, que je bouscule l'ordre des choses. C'était le moment, là, maintenant. Immédiatement. Une certitude joyeuse.

Dans la journée j'étais décidé. Le lendemain, tout en préparant les modalités pratiques, je vérifiais que ça n'aurait pas de conséquences catastrophiques. Et le surlendemain je proposais mon projet fou, entièrement prêt. Certes c'était probablement un peu hâtif, pas exactement le meilleur moment, mais il n'y en aurait pas d'autre avant très longtemps. C'était donc, à mes yeux, le moment optimum. La "fenêtre de tir", comme pour le lancement des fusées. J'étais prêt. Quelques clics de souris et... à l'heure ou j'écris j'aurais été très loin de chez moi.



Sauf que ça n'a pas pu se faire. Pas grave. Finalement c'est peut-être aussi bien comme ça. Ce qui est important c'est que j'ai osé la démarche, que je me sois déterminé, que j'ai été acteur de ma vie en exprimant des choix clairs. J'ai fait ce que j'avais à faire, ce qui me semblait important. Le reste ne dépendait pas de moi. Or il fallait une adhésion totale pour que mon projet ait tout son sens. Sans doute vaut-il mieux patienter et être certain de la réussite plutôt que de risquer le moindre échec, en de telles circonstances.

Il n'empêche que, bien que non abouti, ce projet éphémère a fondamentalement changé quelque chose. Il a supprimé la tristesse et confirmé un dynamisme qui renaît. Il a redonné un sens positif à la situation de neutralité vide qui l'avait fait naître. Et même si la non-attente s'est désormais installée, il y a un je-ne-sais-quoi de différent. Désormais je sais qu'une petite flamme qui reste en veille peut rallumer en peu de temps le super-booster d'un puissant moteur. Il n'y a qu'à patienter jusqu'à une conjonction de conditions totalement favorables.


D'ici là, tout en gardant mes rêves au chaud, ma vie a de quoi être largement occupée par d'autres projets...








Motivé




Samedi 12 février


Bonne nouvelle: je vais bien! Ouaaaais, chouette!!! J'ai retrouvé une vie "normale". Enfin sorti des tourments qui avaient envahi mon existence au cours des derniers mois, je me sens plus libre et détendu. Ouvert au monde, aux autres, et souvent heureux.

C'est curieux comme en peu de temps les choses peuvent changer, et l'état intérieur retrouver un apaisement inespéré. Est-ce parce que je suis parvenu au terme d'un intense et douloureux travail d'introspection? Parce que j'ai mieux intégré certaines données qui restaient mystérieuses? Parce que j'ai accepté une certaine réalité des choses? Que j'ai compris la part qui me revenait dans les malheurs que je ressentais? Parce que je me suis clairement déterminé? Ou bien grâce aux rééquilibrantes séances d'acuponcture ? Probablement un peu de tout cela... Convergence de faits qui indiquent que le moment était venu de passer à autre chose. Franchir une étape, traverser le col et suivre la pente en jouissant des résultats de l'effort fourni pour y parvenir. Je sais bien que le chemin de découverte est encore long à parcourir (ce chemin qui n'a pas de fin...), mais voila une très grosse épreuve surmontée. Je suis content d'y être parvenu. Je ne regrette rien de ce par quoi je suis passé, car c'est ce qui m'a permis de comprendre et d'évoluer vers une indispensable maturation. C'était finalement moins pire que ce que les affres de l'angoisse avaient surdimensionné.

Il semble que j'ai retrouvé un équilibre. Mes séances de thérapie s'espacent, tant face à ma psy que via ce journal. Ben oui... je ne ressens plus le besoin d'écrire. Le gros de mon mal-être est sorti. En m'exposant au regard de tiers, je me suis vu. Je me suis observé et ce que j'ai découvert de moi n'aura pas toujours été conforme à ce que j'aurais voulu montrer. Je me suis affiché sous un jour pas vraiment favorable... D'en prendre conscience aura été salutaire. Me montrer a peut-être atteint une limite. Je crois que je n'ai plus envie de ce déballage de sentiments, de frustrations, de blessures. Il n'y a pas de satisfaction à exposer un état d'abattement et de déchéance morale. Et puis ce n'est pas partageable. Expérience intime, éminemment subjective.

Récemment j'ai plusieurs fois songé à ce que j'ai écrit ici depuis quelques mois, avec une envie de le faire disparaître. Je ne suis pas fier ce certains passages écrits au plus fort de l'incompréhension, de la souffrance, de la révolte. Je l'assume pourtant et le laisserai sans doute en ligne, parce que ça fait partie de mon parcours et que d'autres peuvent se retrouver dans ce cheminement tortueux entre doutes, découragements, et détermination. Mais je crois que je ne me livrerai plus de la même façon. J'aimerai évoluer vers une autre forme d'écriture, moins descriptive, plus optimiste. Ça viendra...




Tout en sortant de ces lourdes préoccupations sentimentales, j'ai entrepris depuis quelques semaines des démarches pour résoudre l'épineux problème de mon manque d'autonomie financière. Finalement ça tombe très bien puisque ça me contraint à me "bouger le cul" alors que voila plusieurs années que je sentais une lassitude croissante dans mon métier. Il m'a fallu un peu de temps pour défricher le terrain, glaner des renseignements de plus en plus précis, et finalement agir concrètement. Des agences de travail temporaire aux offres d'emploi de l'ANPE, j'ai compris que je ne trouverais pas là ce qui me correspond. Inadéquation entre offre et demande. Du Relais-emploi de mon village aux permanences de la Maison pour l'Information de la formation et de l'Emploi, j'ai obtenu des renseignements plus précis sur les possibilités qui m'étaient offertes: réorientation professionnelle, reconversion. J'ignorais qu'il existait autant de dispositifs d'encouragement pour l'accès à l'emploi. Validation des Acquis de l'Expérience pour obtenir un diplôme, Bilan de compétences pour savoir ce que l'on sait faire, Élaboration de projet professionnel pour trouver sa voie... Pour peu qu'on s'en donne la peine, on peut bénéficier d'un accompagnement de qualité. Reste à savoir ce qui en résultera concrètement...

En tant que travailleur indépendant en activité, je n'aurais pas pensé bénéficier des aides apportées aux demandeurs d'emploi. Mais si, sans problème: il suffit que je cherche à travailler, même à temps partiel. Me voila donc arpentant les réunions d'informations, les guichets de l'Assedic, puis ceux de l'ANPE. Peu à peu le flou initial se dissipe face à des interlocuteurs compétents qui savent immédiatement détecter les points à approfondir et les axes à suivre. Je dois dire que c'est extrêmement encourageant et très motivant. J'ai retrouvé un entrain perdu depuis bien longtemps.

Il y a quelques jours je me suis engagé dans un processus assez lourd puisque durant trois mois, à raison d'un rendez-vous par semaine, un organisme va m'accompagner pour formaliser mon projet en fonction de mes compétences, de mes goûts, et des opportunités existantes. Bref, mettre en adéquation mes attentes et celles du marché. Cette démarche va me demander un travail de réflexion conséquent. A l'issue du premier entretien de prise de contact, je dois déjà élaborer une chronologie de mes expériences, tant professionnelles qu'extra-professionnelles, et expliquer ce qui me plaisait ou me rebutait. Faire un état des lieux et voir les orientations de mes motivations. De cet exercice sont censés apparaître des liens insoupçonnés entre mes aspirations les plus diverses. L'exercice est loin d'être facile, puisqu'il faut remonter très loin dans le passé et retrouver la trace d'activités oubliées, mais il est passionnant! Se raconter à toujours un coté narcissiquement agréable (par l'intérêt qui nous est porté), mais là ça va bien au delà: en cherchant à décrire ce que j'ai apprécié dans toutes les activités marquantes de ma vie apparaissent des évidences. Tout autant dans les insatisfactions que dans la récurrence de certaines activités au fil des ans. Ce qui paraissait anodin et lointain prend parfois un relief en revenant en lumière et en correspondance avec d'autres détails espacés dans la chronologie. C'est donc à une sorte d'autoportrait de mes compétences les plus diverses que je me livre.

Et... avec un parcours un peu sinueux et atypique, je constate que j'ai finalement un paquet de compétences dans des domaines variés. C'est ce qui fait ma singularité, celle que je peux justement chercher à développer et mettre en avant. Si je pouvais allier un certain nombre de mes compétences et aptitudes, ça pourrait me redonner une sacrée motivation.

D'ailleurs, elle est déjà là.





«Je me dis aussi que peut-être tout cela n'a encore que l'excitation de la nouveauté et qu'après avoir fait dix livres, vingt livres, cent livres, j'aurai, encore une fois, envie de changer de métier. Aller voir ailleurs. Réapprendre tout depuis le début. Peut-être. Sûrement en fait. N'est-ce pas une chance offerte par la société du chômage et de la reconversion ? Pouvoir changer et tout recommencer à zéro.»

Regards solitaires
- 12/02/2005








Blanc




Mardi 22 février


Blanc. Du blanc depuis dix jours. Il neige presque en continu. Neige fine, sèche, peu dense, mais qui couvre la moindre aspérité et s'insinue partout. Les toits se chargent d'une épais manteau cotonneux, même les plus pentus. Les glaçons pendent, s'inclinent avec la reptation de la couche blanche, transformant leur verticalité habituelle en des rangées de gigantesques griffes courbées. Et chaque jour je foule l'étroit sentier que je retrace au fil de mes passages répétés. Ambiance hivernale qui me replonge un an en arrière, bien loin d'ici.



Blanc dans l'écriture. Dix jours sans mots. Simple hasard qui n'a rien à voir avec la neige... Suspension spontanée. Un jour j'ai écrit, puis effacé sans états d'âme. C'est suffisamment rare pour être significatif. Finalement, j'ai repris le chemin des mots, mais j'en ai reporté la publication jour après jour. L'envie était devenue fugitive, instable, hésitante. Timorée. Était-ce utile que de livrer mes pensées ? Et pour qui ? Était-ce même souhaitable ? En fait, je méfiais du sens caché que pouvaient prendre mes mots tout autant que de leur portée. Alors je les ai gardés.
Et maintenant ils ne sont plus d'actualité. A quoi bon évoquer ce qui a été dépassé? Alors hop, je mets ça de côté et j'avance.

Ah oui, parce que ça c'est important: depuis que je m'exprime moins ici, que je ne cherche plus à faire passer je ne sais quel message subliminal à une lectrice un peu [juste un petit peu...] particulière, je me retrouve tout seul à cogiter. Et ça, c'est excellent. Je suis passé par toutes sortes de chemins étranges, au gré de mes peurs; j'ai exploré des directions hasardeuses, sans guide ni balises. En fait, je me suis retrouvé face à moi-même, sans craindre aucun regard derrière mon épaule. Et j'ai bien avancé dans la compréhension des phénomènes bizarres qui m'animent parfois. Ouaip, j'ai fait du bon boulot. Bien des choses ont changé, il me semble.

Et pas que dans la tête! Je continue à agir. Creuser mon sillon. Poser des actes. A ma manière bien sûr, c'est à dire en procédant par petits pas, lentement [on ne se refait pas...], mais le mouvement est continu. Je discute beaucoup aussi, ce qui est du temps bien utilisé maintenant que les orientations ont été décidées. Lent travail de polissage et d'ajustement, apparemment très fertile. Je n'aurais pas cru qu'un tel retour de dialogue confiant soit possible. Il est de bien meilleure qualité qu'il n'avait jamais été. Les épreuves surmontées solidairement rapprochent, même lorsqu'elles conduisent à une autonomisation. Ou peut-être est-ce justement cette émancipation l'un de l'autre qui permet de se rapprocher autrement? Notre couple évolue maintenant à un rythme qui nous convient à tous les deux, hors du regard d'autrui, hors des modèles habituels. Nous sommes d'accord sur cette évolution et c'est très bien ainsi.



Quant à cette part de ma vie qui est en suspension... là aussi il y a une évolution. J'ai accepté cet état, tout en retrouvant une sérénité confiante.














Le handicap invisible




Mercredi 23 février


Tant que j'ai été dans la douleur et l'incompréhension de la séparation/suspension, je me suis presque totalement fermé au monde. Egocentrisme exacerbé. Souffrance de celui qui se voit victime [avant tout de lui-même!] et se nourrit de son propre malheur. Je ne trouvais que peu de points d'appui et de rares soutiens et j'ai rapidement compris qu'il n'y aurait qu'en moi que je pourrais trouver le chemin de sortie. C'est à la fois vrai et faux. Vrai, parce qu'on est toujours seul en de telles circonstances. Un vécu subjectif n'est guère partageable. Faux parce que la souffrance, elle, est un point commun à beaucoup de situations. Et c'est par ce point commun que peut venir le salut.

Cependant, en laissant les émotions les plus diverses envahir mes pensées, je me suis vu sous un angle inconnu. Souvent je n'ai pas aimé celui que j'étais. Régression vers une immaturité complaisante de fausse victime. D'autres fois j'ai senti mes forces, et compris dans quel sens je devais continuer à progresser. Chaque épreuve, et surtout les plus fortes, apprend beaucoup sur soi.

Il semble que mon chemin devait passer par des extrêmes: d'abord celui d'un bonheur que je qualifiais d'absolu, puis par l'intense douleur de le voir se déliter. J'ai assisté, impuissant, à la réalisation de ce que j'avais toujours craint, depuis bien avant cette rencontre inespérée. Et j'ai été moi-même l'acteur de ce malheur programmé. Je me suis inconsciemment infligé des sévices sentimentaux particulièrement douloureux... pour mon plus grand bien. J'y ai tué une part de l'enfant que j'étais encore. Et voyez-vous, j'en suis tout à fait heureux! Finalement, c'était sans doute une chance que de souffrir: celle de voir que c'est insupportable. Et comme tout cela dépendait largement de moi... je n'ai pu que me rendre compte de ce qui restait à faire. Changer de façon de penser.

D'en prendre conscience est une chose, de comprendre comment ça se manifestait était important, mais d'en saisir l'origine était à mes yeux indispensable: pourquoi? Pourquoi en suis-je arrivé à une situation que je redoutais autant? Par quel mécanisme de pensée pouvais-je ainsi opposer mes désirs de progression et mes actes régressifs? Souvent j'avais constaté, impuissant, le processus de sabotage qu'une partie de moi exerçait contre l'autre. Dualité pénible que seul le soutien sans faille de mes partenaires pouvait alors éviter. D'où ma dépendance de marques renouvellées de confiance.

Or on ne peut dépendre d'autrui pour son bonheur ou son équilibre. C'est en soi qu'on doit trouver ses forces et lutter contre sa part sombre. C'est d'une telle évidence que je ne vais pas disserter là dessus. Je peux juste constater que de le savoir n'est qu'une ébauche, et qu'il faut aller au delà: intégrer pleinement cette conscience de la maitrise personnelle des ressentis. Et ça... je crois que ça ne passe que par des épreuves, plus ou moins douloureuses. Il faut vivre les choses physiquement, c'est à dire avec ses tripes et ses émotions, pour intégrer ce que sait la pensée. Pour peu que ladite pensée y soit préparée, bien sûr... sinon l'épreuve ne servira pas à grand chose d'autre que préparer à sa répétition.



Alors voila: je crois avoir compris et assimilé une part importante de mes mécanismes de pensée. Je crois pouvoir mettre un nom et caractériser ce qui conditionne des réactions qui échappaient à mon raisonnement. Je peux caractériser le mal dont je souffre, le circonscrire à quelque chose de précis, sur lequel je pourrai agir. Je connais mieux mes objectifs, plutôt que de voir une nébuleuse floue que ne ne savais comment aborder.
Cette prise de conscience, essentielle sur mon chemin de vie, n'a pas de prix. Et les [déjà...] six mois de suspension amoureuse qui l'ont permise auront été finalement tout à fait utiles. Il fallait sans doute passer par là...



Une fois de plus c'est par une conjonction de "hasards" que j'ai pu assembler des éléments épars [c'est toujours étonnant de constater ce phénomène de mûrissement qui rend les choses tout à coup évidentes...]. Le premier hasard a été la redécouverte d'un livre, que j'ai feuilleté à la recherche de je ne sais quoi: «La peur des autres». Lu il y a quelques années, il avait servi de premier révélateur. Mais c'est la relecture, éclairée par un vécu enrichi, qui aura permis de faire un pas supplémentaire. Avec un concept clair: anxiété sociale.

Quelques jours plus tard, écoutant la radio [d'où l'intérêt de se réouvrir au monde...], un second hasard me fait découvrir la parole d'un homme assez extraordinaire: infirme moteur cérébral depuis la naissance, à cause de l'enroulement strangulateur du cordon ombilical, il a su, à force de détermination, entreprendre la démarche de s'affranchir toujours plus de son handicap.

Le lien entre les deux hasard, c'est que cet homme mène une réflexion philosophique sur la différence et la normalité, à partir de son handicap et du regard que "l'autre" porte sur lui. Loin de se lamenter sur son sort, il y voit un moyen de progresser. Pour lui, comme pour d'autres cas similaires, le handicap est une sorte de "chance" qui lui permet de voir le monde autrement, et de développer des stratégies de vie qui, sans cela, seraient restées non opérationnelles. Quelque chose d'assez proche de ce que Boris Cyrulnik décrit dans un ouvrage comme étant «Un merveilleux malheur» en expliquant la notion de résilience. Cette capacité qu'à l'enfant de se construire malgré les pires traumatismes qu'il a pu vivre, et se nourrir même de ces épreuves pour éveiller des aspects de sa personnalité qui seraient probablement demeurés latents sans cela. Le fait que je lise aussi le livre consacré à ce sujet aura été mon troisième "hasard".



Anxiété sociale, handicap, résilience.
Handicapé devenu philosophe, Alexandre Jollien était très bien placé pour relier les trois concepts et la façon dont ils peuvent interagir. Et c'est lui-même qui assimile l'anxiété sociale à une forme de handicap, invisible, mais à prendre en compte tout autant que les formes visibles. Cet homme cumule le handicap physique et celui de l'anxiété sociale, précisément due au regard qu'on porte sur lui. En fait, pour les autres (mais chacun de nous est cet autre...), c'est un peu comme si seules les apparences comptaient [quel truisme!]. L'oeil comme premier outil de discrimination? Mais si le poids de la "différence" (A. Jollien préfère le terme de "singularité") conférée par ce qui se constate d'évidence, que ce soit un handicap physique ou une couleur de peau, est connu, qu'en est-il des singularités imperceptibles? Quel regard la société porte t-elle sur des handicaps sociaux, alors qu'on sait à quel point les échanges sont nécessaires à la construction de soi? Et même, quelle conscience le phobique social a t-il du handicap que cela représente?

Je ne vais pas me lancer ici dans une étude approfondie. Du moins pas maintenant. Mais il est certain que j'ai fait un grand pas dans la connaissance de mon mode de fonctionnement en reliant ces divers éléments. Tout était prêt, il ne manquait que l'assemblage des pièces. Je crois avoir maintenant compris les raisons de mes difficultés relationnelles, pourquoi elles se déclenchent et se renforcent, et comment elles agissent. Bref, j'ai toutes les clefs en main pour progresser...

Et c'est dans cette envie de progresser que se situe ma plus grande force. Car je ne veux plus passer à coté de ma vie.




Je me demande d'ailleurs... non: je suis certain que cette frénésie d'écriture, dont ce journal ouvert est le témoin, avait pour but de faire émerger cette conscience de ma singularité. Et l'accepter, l'assumer, la revendiquer. Savoir de quoi je suis fait pour enfin croire en moi. Pour, tout simplement, "exister"...







Je suis comme ça




Jeudi 24 février


Hasard, hasards... ils me surprendront toujours! Alors que j'abordais hier la notion de résilience, un quatrième hasard (synchronicité, en fait) m'a fait battre joyeusement le coeur, hier soir. Ben oui, juste après avoir mis en ligne, je suis allé faire un tour sur un site dont je m'étais volontairement privé de lecture depuis quelques semaines. Et là, je vois que le mot résilience avait été mis en exergue quelques jours plus tôt. Drôle de clin d'oeil, tout de même! Il me plaît d'y voir un signe du destin, de l'univers, ou de ce que vous voulez...



Je vais d'ailleurs continuer dans le même fil qu'hier, bien que de toutes autres préoccupations dignes de développements passionnants occupent aussi ma vie actuellement. Il y est question de changements conjugaux et professionnels. Le moment viendra de les aborder...

Je poursuis donc la palpitante narration de mes récentes découvertes égotiques. C'est pas forcément intéressant pour tous ceux qui me lisent, mais si ça permet, ne serait-ce qu'à une seule personne de mieux se comprendre, j'aurai fait oeuvre utile. Et puis bon, c'est surtout pour moi que c'est utile de récapituler un peu tout ce qui m'a fait devenir l'homme que je suis maintenant.

C'est parti les kikis!




Auto-analyse, 8325 eme épisode:

Il y a longtemps que, tout comme l'homme dont je parlais hier, je sais être né avec le cordon ombilical entouré deux fois autour du cou [garglll...]. Ma mère m'a plusieurs fois raconté le geste rapide de l'obstétricien pour dénouer ce dangereux obstacle au flux sanguin vers mon petit cerveau tout neuf. Au delà du coté anecdotique, cela ne m'avait jamais préoccupé. Ce n'est qu'en découvrant l'ampleur de séquelles dont j'aurais pu être frappé que je m'interroge davantage. Peut-être parce que j'ai lu, je ne sais plus où, que cette anoxie précoce pouvait aussi induire certains comportements psychologiques. En effet, si on parle du traumatisme de la naissance (sortie d'une apesanteur chaude et enveloppante pour se retrouver assailli de sons aigüs et de lumière, les poumons déchiré par l'air et aplati par la pesanteur terrestre), que penser de celui, supplémentaire, de la strangulation qui l'accompagne parfois? Cette expérience première donne t-elle le sentiment qu'avancer hors de sa bulle, aller vers l'extérieur, déclenche une souffrance? Un étouffement? Un danger de mort? Que sait-on de ce qu'en déduit l'inconscient du bébé en train de naître?

Sans me hasarder trop loin dans des extrapolations, je songe ainsi à ma lenteur de réflexion et d'assimilation. Ne pourrait-ce pas être une éventuelle séquelle de ce moment critique? Je n'en saurai évidemment jamais rien, mais cette idée qu'une large part de ce que je suis échappe à ma volonté m'aura aidé à prendre conscience de la notion de handicap. Et que les particularités physiques, mentales, psychologiques, de chacun ne sont pas un choix. Je suis fait ainsi, et je dois accepter cette forme particulière de réflexion: mesurée, hésitante, analytique, approfondie. Elle présente certains inconvénients [surtout pour ceux qui ne la comprennent pas...], mais aussi des avantages indéniables: douter, prendre le temps, peut éviter bien des erreurs. Le temps "perdu" en réflexions permet peut-être une économie de moyens en évitant un parcours trop erratique.

Mouais, je crois qu'il est important d'avoir une vision positive des choses. D'ailleurs, même si mes hésitations peuvent être agaçantes, je sais aussi que ma réflexion et ma patience sont appréciées. Allez hop, un peu de pommade sur l'égo pour me faire du bien!

Ce que je veux dire à travers ça, c'est qu'il est inutile que l'on me dise «décide-toi vite!», ou «comprends, vite!». C'est comme si on disait à un infirme moteur de marcher droit: ça lui est impossible. Et ce genre de *conseils* peut être très préjudiciable parce que mettant en situation d'échec par rapport à une certaine "normalité" supposée.

Première conclusion: accepter et faire accepter ma singularité. Manifester mon droit à la différence. Le revendiquer, même!
Conclusion annexe: accepter, moi aussi, la singularité de l'autre. Eeeh voui... c'est réciproque.



Deuxième élément: sensible et émotif par nature [inné ou acquis?], j'ai vite compris que, si je voulais me protéger des colères terrifiantes de mon père [vu par un petit enfant], et par extension de tout adulte, je devais marcher droit et être obéissant. A moins que ce soient ses colères qui m'aient rendu craintif? Toujours est-il que je vois là une explication tout à fait plausible à une anxiété importante face à toute forme d'autorité ou d'ascendence. Et à un renforcement éventuel de l'impression qu'il y avait danger à s'aventurer "à l'extérieur" du cocon rassurant et figé des règles familiales ou sociétales. De là, il se pourrait que j'ai adopté des stratégies d'évitement et de suradaptation afin de me protéger de situations trop stressantes.

Plus tard, le handicap [appelons-le comme ça...] dû à ma lenteur d'assimilation m'a placé en situation d'échec scolaire. Le handicap naturel (ou accidentel) serait alors devenu (ou s'est révélé?) handicap social: considéré comme étant "nul" (me sentant donc inintéressant), ayant subi diverses formes de rejet et d'abandon, je suis devenu terriblement anxieux par rapport à ce genre de "trahisons", source de grande souffrance psychique [bôôô, pauv' p'tit chou!]. Et j'ai alors évité de m'impliquer dans toute forme relationelle. Bon, j'aurais aussi bien pu prendre l'option contraire et devenir combatif pour me faire accepter... mais ce n'est pas ce qui s'est fait. Question de nature.

Seule planche de salut: la relation amoureuse, objet de toute mon attention. A tel point que la première qui a bien voulu s'intéresser à moi aura été envahie par cette relation unique qui se focalisait sur elle seule [imaginer une sorte de grand poulpe visqueux se ventousant sur elle...]. Et, comme ma plus grande crainte était de perdre cet état de félicité, j'ai voulu au plus vite un engagement ferme, qui avait aussi l'avantage de me "normaliser" [petit garçon bien sage], en me mariant et ayant des enfants. Là, enfin, j'ai retrouvé un sentiment de sécurité avec une épouse maternellement attentionnée [je ne reviens pas sur les inconvénients amoureusement mortels de la dualité mère-épouse]. Mais il y avait des moments de grande souffrance lorsque je sentais sa désapprobation, ses colères, et tout ce que je percevais comme «négatif» à mon encontre. Cela ranimait instantanément l'anxiété: peur du rejet, de l'abandon, de n'être pas à la hauteur, etc...
En réponse à cette anxiété je me renfermais, ou me mettais aussi en colère, me victimisais, me dévalorisais, me culpabilisais... ou cherchais inconsciemment à culpabiliser mon épouse. Il y avait à ces moments là beaucoup d'incompréhension, de violence psychique, et de souffrance mutuelle.
Par ailleurs ma relation de couple était presque l'unique façon d'entrer en contact avec les autres. Je dépendais donc très largement de l'ouverture sociale que m'offrait mon épouse. A l'inverse ma capacité de réflexion, d'analyse, et de communication [quand je me sens bien, je communique beaucoup] lui apportaient une ouverture. Dans sa famille, on ne savait pas communiquer. Je sais maintenant qu'elle m'en est reconnaissante [mon épouse, pas sa famille...].

Pour le reste de mon existence, notamment professionnelle, j'ai adopté une savante stratégie d'évitement relationnel et des contraintes liées. Les contraintes, tout comme le contact, risquent de me mettre en situation potentielle d'échec, insupportable parce que source d'anxiété (peur de ne pas être à la hauteur), et pire encore, en situation conflictuelle si mon incompétence est découverte (peur de me faire engueuler). Par dessus tout je redoute les conflits. Réminiscence évidente de mon statut de petit garçon qui devait éviter les erreurs...

Tiens oui, c'est con ça: en punissant un gamin dès qu'il fait des erreurs on lui inculque l'idée qu'il ne faut pas en faire. Mais comment progresser sans faire d'erreurs? Etonnez-vous qu'avec une éducation pareille j'ai peur de prendre des décisions! Pfff...



Euh... enfant handicapé et martyrisé? J'en fais pas un peu trop, là?
Tout est relatif. Bien sûr qu'il y a pire, mais ce qui compte c'est le ressenti que j'en ai. Si j'en ai été traumatisé... ben j'y pouvais rien [j'suis sensible moa...]. J'étais fait comme ça. Maintenant, par contre, il est de mon rôle d'adulte de m'en sortir au mieux. C'est là que la notion de résilience chère à Cyrulnik prend toute son importance. J'y reviendrai [pfff, regardez-moi ce ton docte... pour qui y s'prend, lui?].

Aussi étonnant que ça puisse paraître, je n'avais pas vraiment conscience de tout ça. Une sub-conscience, disons. Et notamment je ne me savais pas si anxieux, moi qui prône sans cesse la sérénité et l'apaisement. Quoique... avec le recul, ça semble évident: je cherche ce que je n'ai pas. Là est le vrai handicap social. Il a génèré une inquiétude constante face à autrui et renforcé un comportement évitant: peu de relations d'amitié, potentielles sources d'anxiété, donc de malaise. Et un minimum de relations professionnelles, encore plus anxiogènes. D'où le choix d'un travail en solitaire...

Cette anxiété sociale, parce que j'ai tout fait pour l'éviter [mais ça va changer maintenant, tudieu!], perdure encore en survalorisant une vision négative (imaginaire) et minimisant les aspects positifs du réel. Ce mode de raisonnement est aussi irrationnel et insurmontable que le vertige, par exemple, malgré la conscience de son absurdité. Ou le bégaiement. Le genre de truc dont on sait pertinemment qu'il n'y a aucune raison pour que ça se passe... sauf que ça se passe toujours ainsi.

La rencontre d'un alter ego féminin aura permis l'apparition de la confiance totale dont je ne rêvais même plus. Le bonheur *absolu* d'une amitié-complicité-confiance où l'anxiété était apprivoisée et apaisée. Car, je le sais maintenant, le bonheur est pour moi l'absence d'anxiété. C'est me sentir en harmonie avec l'autre. En confiance, sans crainte du rejet. Et grâce à cette rencontre, je l'ai trouvé de façon potentiellement durable.
Sauf que je n'y étais pas encore vraiment prêt et que les complications issues de mon passé ont fini par ressurgir et me pêter à la figure. Mouais... on ne se refait pas en si peu de temps. Et comme l'hypersensibilité inquiète, l'hypervigilance interprétative, se nourrissent des silences davantage que des mots, et bien l'anxiété (que j'appelais à tort "doutes") est peu à peu revenue en l'absence de signes rassurants suffisamment régulièrement distillés. Encore un truc vachement subjectif, ça: «suffisamment régulièrement distillés»... En fait, il y avait de ma part un besoin d'être rassuré euh... supérieur à ce que ma complice pouvait parfois me donner. Ou de ce dont elle avait conscience. Et cela cadrait mal avec l'installation progressive de notre relation. Normalement j'audrais dû être de plus en plus confiant et être capable d'espacer mes besoins de réassurance. Ce qui s'est fait... mais pas au même rythme que ledit espacement. Donc avec un décalage chronique récurrent, voire croissant, cette attente a fini par créer l'effet inverse, renforçant alors l'anxiété et les demandes. Jusqu'a ce que l'équilibre soit rompu.

Faut dire que de l'autre coté de ma vie la situation était complexe et que le stress occasionné n'arrangeait rien...

Bref, un jour ça a fait CRAC... et finalement c'était une épreuve nécessaire. Cela m'a permis de grandir, de prendre le temps d'approfondir ma problématique conjugale, et de comprendre seul comment je fonctionnais dans la vie. Donc, d'une souffrance initiale est sorti quelque chose de bon. C'est-y pas une vision optimiste ça?

Ouaaaaiis, vive les ruptures!
Non, sans blagues, rompre un équilibre insatisfaisant [ce qui ne signifie pas tout envoyer balader, hein...] permet de se réajuster à un nouvel équlibre bien mieux établi. Plus stable, plus confortable.



Bon, je reviens à mon idée de résilience restée en suspens plus haut:

Ma résilience, ç'aura été de me construire malgré cette impression d'être «nul», stupide, malgré le handicap de ma lenteur et celui [en est-ce un?] de ma sensibilité émotive. C'est là ma force: me servir de ma lenteur de réflexion et d'assimilation pour analyser très profondément ce que je fais de ma vie et ce que ma vie fait de moi. Cela me permet de vouloir améliorer ce handicap social constitué par l'anxiété du rejet. Ma chance, c'est que ma souffrance m'est devenue insupportable, me privant d'une existence épanouie, et m'obligeant donc à analyser et comprendre ce mécanisme de pensée.

Ma chance c'est aussi, à travers l'observation de mes zones d'ombre, de mieux comprendre autrui. En allant à la rencontre de moi-même, c'est aussi à la rencontre de l'universalité de l'humain que je suis convié. Ce qui me permet de relativiser ma perception des choses en comprenant que les réactions d'autrui sont liées à son histoire propre. Et que je ne suis que le révélateur de ses problèmes, tout comme l'autre est le révélateur des miens.

Ma chance, c'est enfin de douter de moi, de mes opinions, de mes choix. De là découle une capacité à me remettre en question, propice à une relativité dans les opinions. Une capacité d'analyse sans trop de parti pris, une aptitude à la nuance. Et dans les rapports avec autrui [sous réserve qu'ils se déroulent dans un respect mutuel...], une capacité de conciliation ou de médiation. D'ailleurs il semble que souvent ma parole est appréciée... sauf par les caractères radicaux et tranchés qui n'aiment pas ce caractère flexible, inclassable sous des étiquettes. Adepte du consensus, du dialogue, de la conciliation, j'irrite alors les partisans des solutions radicales. Vieux souvenirs de discussions enflammées sur des forums...

Bref, me voila. C'est moi. Je suis comme ça.
Et euh... j'vais vous faire une confidence: je m'aime bien comme ça. Parfaitement!


Alors dorénavant je veux être fier de ce que mon *handicap* m'a permis d'être [yeah!]. Et je veux m'en servir comme d'une force. En connaissant les situations à risque potentiel, je peux mieux me protéger de mes réactions instinctives et ne pas me dévaloriser face à la singularité de l'autre (qui a lui aussi ses propres problèmes existentiels, ne l'oublions pas).
J'ai pris conscience que je suis, in fine, seul à pouvoir me débrouiller et que mon malheur dépend de moi. Ou mon bonheur, à moi de choisir... J'accepte aussi l'idée du handicapé social voulant progresser, donc imparfait et sujet à rechutes. Ben oui, parce que faut pas croire aux miracles: c'est pas parce que j'énonce tout ça que je suis guéri. Je ne guérirai probablement jamais totalement, mais je peux apprendre à vivre mieux en fonction de ce que je suis.

Ouais... peut-être que ça commence comme ça "croire en soi"...




Putain [câlisse]... douze ans de thérapie pour en arriver là...







Oh, vous avez vu? C'est la pleine lune ce soir...







Nouvelles pistes




Vendredi 25 février


Bon, quoi de neuf dans ma vie pour que je sois d'humeur guillerette en ce moment?
De l'air, tout simplement. Du recul, des perspectives, du mouvement. Fini l'immobilisme, la mélancolie, l'attente. Je ne me morfonds plus, j'avance.

Et quoi je fais pour avancer? D'abord je vis. J'ai retrouvé un bel optimisme et une humeur enjouée. Je rigole avec mes enfants, en vacances actuellement, ou avec mon épouse-amie. Ensuite je m'occupe de moi, et du sens que je veux donner à ma vie. A ce titre, la démarche de réflexion sur une réorientation professionnelle est tout à fait vivifiante. J'avais largement négligé dans mes analyses psychologiques de me préoccuper de ce qui est censé m'épanouir dans le domaine professionnel. Tout occupé par le sentimental et le désir de vivre, j'avais omis de penser à un autre volet important d'insatisfaction. Mais bon, il est normal que ce soit le besoin le plus criant qui se soit manifesté en premier.


Donc je continue à me regarde le nombril, mais sous un nouvel angle. Et en plus je me le regarde devant des accompagnants. Une jolie accompagnante au demeurant... On m'aide à analyser mes désirs, mes souhaits secrets, mes potentialités. C'est vraiment inattendu pour moi cet encouragement à laisser mes rêves et idéaux s'exprimer. Je dois avouer que j'adore ça... C'est une vision tout à fait positive du travail, loin de l'idée de sérieux et rébarbatif qui s'y rattache habituellement. Je ne vais pas là-bas pour trouver comment gagner de l'argent, mais comment faire le métier qui me plaît.

La semaine dernière j'ai passé quelques heures à retracer en intégralité mon itinéraire professionnel et extra-professionnel. Des liens flagrants sont apparus entre mes divers centres d'intérêt au fil de ma vie (je suis remonté jusqu'à l'âge de 15 ans...). L'écriture en fait partie puisqu'elle m'accompagne depuis presque trente ans, bien que ça ne fasse qu'une douzaine d'années que je m'y consacre de façon vraiment conséquente. En déclinant mon parcours, que la psychologue qui me suit à trouvé "riche", il a été clair que j'ai souvent établi des liens entre mes goûts et mes responsabilités professionnelles. C'est à dire que ce qui était loisir, plaisir, a souvent fini par devenir tout ou partie de mon activité. D'ici à envisager qu'un jour je fasse profession de l'écriture... il y a un grand pas.

Quoique... il est apparu nettement qu'il y avait une forte attirance vers l'idée de communication. Selon son vrai sens, pas celui des publicitaires. Transmission de savoir, échange d'information. C'est même le point commun entre les deux pistes qui se sont nettement dégagées. L'une d'entre elle consiste à exploiter la spécificité de mes connaissance professionnelles. L'autre... tsss... j'ose à peine le formuler...

euh...

... c'est quelque chose qui me plairait vraiment beaucoup: aider les autres dans leur difficultés relationnelles. J'en dis pas plus parce que je dois voir si, et comment, cette idée peut se concrétiser, mais j'avoue que ça s'impose très fortement à moi. La jolie madame qui m'accompagne a d'ailleurs parue tout à fait intéressée par cette motivation et ne m'a absolument pas découragé. Le but de cette réorientation est bien de dégager des désirs profonds, sans se soucier dans un premier temps de la faisabilité.

Hier je passais des tests. Pour cerner le type d'activité qui me stimule ou me rebute, le genre de personnages qui me plaisent, ce qui est important dans ma conception du travail, quelles sont mes valeurs à ce sujet... C'est vraiment intéressant de prendre le temps de se pencher ainsi de façon approfondie et polydirectionnelle sur le rapport que l'on entretient avec le travail. Je rigolais tout seul lorsque je voyais s'inscrire à répétition mon refus de diriger des équipes, ou se mettre en avant ma soif de liberté et d'autonomie d'action. Par contre je ressentais des bouffées d'émotion, les yeux humides en... cochant des cases [il est neuneu ce type!] où il était question de se sentir utile en défendant des causes justes, ou d'aider les autres. Assez troublant de constater ce genre de réactions qui dépassent la pensée raisonnée...

Le plus déroutant aura été un test qui consiste à donner la préférence entre deux adjectifs caractérisant la personnalité, mais sans rapport direct entre eux. Par exemple, suis-je plutôt calme ou prévoyant? Jovial ou fidèle? Honnête ou obstiné? Stable ou persévérant? Optimiste ou poli? Ambitieux ou résolu? Vrai ou naturel? Parfois il était très difficile de répondre. Surtout que selon les situations je peux réagir très différemment. Par exemple je ne crois pas être ambitieux au sens classique du terme... et pourtant le défi personnel que je me suis lancé peut laisser penser le contraire. Quoique cela demande aussi d'être résolu pour y parvenir... Alors, ambitieux ou résolu?

J'attends avec impatience ce qui va ressortir de ces questions croisées.






Par ailleurs j'ai eu hier une conversation téléphonique avec la journaliste qui m'avait questionné il y a quelques semaines. Elle avait fait lire son article avant parution et ce qu'elle citait de moi a paru un peu pessimiste à certains de mes collègues. Nous avons donc longuement échangé sur le sujet et je me suis surpris à parler de façon très claire et détendue, sans céder sur ce que j'avais avancé auparavant. Elle-même connaissait bien son sujet et estimait qu'il était important que ma vision des choses apparaisse, tranchant ainsi avec une certaine langue de bois qui masque des vérités dites seulement en privé.

Le... hasard [décidément, je n'en sors pas...] a voulu qu'elle ait été sensible aux quelques mots que j'avais eu en parlant de reconversion envisagée vers le métier de formateur. Forcément: elle-même est formatrice, en plus d'être journaliste. Elle m'a donc fait part de son expérience, tandis que je lui expliquais les domaines de formation vers lesquels je pensais m'orienter. Echange très convivial autour de préoccupations et constats semblables. Très aimablement elle m'a donné quelques pistes de recherche.
Finalement... je me débrouille de mieux en mieux au téléphone. Surtout quand je me sens compétent pour répondre. Mouais... je crois aussi que ça venait du fait que nous étions sur la même longueur d'onde. Pas d'opposition, pas de conflit, donc pas d'anxiété.








Chez moi




Lundi 28 février


Bon, allez... je vais en parler quand même.

De ce qui a changé dans ma vie conjugale, ces dernier temps.

C'est important, tout de même...



Je ne vis plus chez moi. Enfin si, justement, je vis chez moi. C'est à dire que je ne vis plus chez nous... enfin... chez elle. Vous suivez?

Plus clairement: je ne partage plus le même toit que mon épouse. Nous avons conjointement décidé de cette séparation de nos lieux de vie. En plein accord, cette fois, quoique avec une certaine appréhension. Forcément, puisque nous savons que cela prend un coté définitif, avec tous les aléas de l'imprévisible qui vont avec ce statut. Avec une pointe d'impatience aussi, pour la même raison.

En fait tout s'est décidé lorsque nous étions totalement coincés pour des raisons économiques. Le jour même où nous avons mis en vente une partie de nos biens, Charlotte a changé d'avis. Elle a eu besoin de passer à l'acte pour réaliser que l'acquisition d'un nouveau logement dans ces conditions de précarité allait nous occasionner un énorme stress financier. Alors, lorsque je lui ai répété une nouvelle fois que je pouvais très bien me réinstaller dans la vieille maison où j'ai vécu quelques mois cet été, elle a fini par trouver que c'était effectivement une solution valable pour éviter le stress.
Elle le refusait catégoriquement auparavant, mais il semble que le fait que j'entende et accepte son point de vue, puis qu'elle fasse la démarche de mise en vente, aura été suffisant. Elle s'est sentie écoutée et libre de ses actes, et c'était là l'essentiel pour elle.
Tout comme lorsque j'ai fait la démarche pour que nous rencontrions un avocat, puis un notaire, cela aura suffi à ce qu'elle n'ait pas besoin d'aller plus loin que ça. Elle a renoncé, pour le moment, à l'idée de divorce. Elle sait que je ne bloque plus, se sent libre de ses mouvements et, du coup, ne ressent plus de sentiment d'urgence. Elle a lâché prise sur ses revendications, et moi aussi. En fait, la façon dont notre couple évolue ne regarde que nous. La société et la loi n'ont rien à faire là dedans. C'est une décision privée, intime. Tout comme il n'y a pas forcément besoin d'un acte officiel de mariage pour vivre ensemble, il n'y a pas davantage besoin d'un acte officiel de divorce pour ne plus vivre ensemble. Et puis un divorce c'est long, compliqué, et ça coûte cher. On aura bien le temps de voir si un jour c'est nécessaire...

Depuis près d'un mois nous avions donc décidé de cette séparation douce, en bons termes, avec déménagement à proximité. C'est d'ailleurs une des raisons qui expliquait ma suspension d'écriture puisque nous passions beaucoup de temps en échanges fertiles préparant les ajustements à venir. Et puis bon... j'ai préféré ne pas en parler sur ce journal tant que ce n'était pas concret.

J'ai déménagé toutes mes affaires personnelles au moment où s'est posée la question d'un voyage éclair en quelque pays lointain, pour être certain qu'il n'y aurait pas d'interférences. Puis, celui-ci n'ayant pas pu se faire, j'ai pris le temps de reprendre des travaux d'aménagement qui s'étaient suspendus cet automne. L'installation, cette fois, est prévue pour durer relativement longtemps (le temps pour moi de retrouver une assise financière suffisante).
D'abord j'ai posé un bon poële à bois pour vivre dans ce qui était devenu un vrai congélateur (il faisait moins de zéro degrés dans cette maison), puis j'ai mis en chauffe. Ça sentait la suie dans le conduit de cheminée fraichement ramoné, qui n'avais plus fonctionné depuis la dernière guerre. La tête dans la cheminée, j'avais le visage tout noir en installant la tuyauterie d'évacuation. Puis j'ai rapidement calfeutré les nombreux interstices sous les portes qui laissaient filtrer des courants d'air glacés. Avec la neige tout autour, cette odeur de bois et de fumée, je me sentais en montagne. Ambiance rustique garantie! Presque comme un séjour de vacances.
Une fois que la maison fût un peu chaude j'ai posé quelques étagères pour accueillir des kilos de documents et livres. Amélioré aussi l'aménagement de la petite cuisine réalisée cet été. Quelques jours de travail, toujours durant ma période de suspension d'écriture.

Depuis la semaine dernière je dors dans ma maison. La dissociation de nos vie n'était toutefois pas encore complète puisque nous avions décidé de partager encore les repas en famille durant la période de vacances des enfants. Samedi soir était la soirée inaugurale de notre nouveau mode de vie: j'ai invité chez moi Charlotte et les enfants pour manger une choucroute.




Bienvenue chez moi...





Nous opérons donc très progressivement, sans brusquerie, pas à pas. Il semble que ça nous convient à tous les deux. Ce temps d'évolution en douceur est pour moi un mode de fonctionnement connu de longue date, mais pour Charlotte c'est plus surprenant. Je crois qu'elle est très réceptive au fait que je l'écoute. Elle se sent respectée et n'a plus besoin de réagir avec véhémence pour ne pas souffrir. D'ailleurs, elle ne souffre plus. Elle a retrouvé une sérénité.

Ces derniers temps nous avons eu des échanges d'une excellente qualité. J'en suis à la fois très heureux et surpris. Je ne pensais pas que nous pourrions un jour avoir ce genre de dialogue, bien meilleur qu'auparavant. Il faut dire que nous avons profondément changé tous les deux. Cette épreuve nous a permis de nous individualiser tout en nous rapprochant. Il existe entre nous une grande solidarité et j'y suis particulièrement sensible.

Maintenant il va nous falloir trouver nos marques en fonction de cette proximité-distance géographique. Apprendre à vivre l'un indépendamment de l'autre alors que nous garderons des contacts fréquents. Ce n'est pas la solution la plus simple, puisqu'elle demande une adaptation constante à une situation en évolution.
Nous formons actuellement un... couple (1) un peu particulier: ni ensemble, ni vraiment séparés. Juste déliés au quotidien. Ce qui me plaît c'est que Charlotte ne cherche plus à correspondre à un quelconque modèle. Elle ne veut plus écouter les judicieux *conseils* qu'on lui donnait sur l'attitude à avoir vis à vis de moi. Elle sait qui je suis et se fie à mes actes plutôt qu'à des schémas préétablis vis à vis d'un mari dont le comportement, pour certains, méritait une sanction. Nous trouvons ensemble notre équilibre en étant à l'écoute réceptive de l'autre et le résultat est excellent. Notre couple se transforme pour correspondre à l'alliance de nos deux personnalités en évolution.

Ce qui est évident c'est qu'il demeure beaucoup de respect et d'amour entre nous. Même si ce dernier a pris une forme différente du concept traditionnel.



(1) J'utilise encore le terme de "couple", faute d'en avoir trouvé un plus approprié à notre situation. En effet, tant que la séparation n'est pas complète, tant que la relation est encore en évolution conjointe, j'ai tendance à considèrer qu'il s'agit toujours d'un couple. Il n'existe pas d'autre terme spécifique pour qualifier une relation entre deux personnes (duo?) qui sont en forte interaction (couple d'amis? ex-couple?). Du reste, la séparation effective est encore trop récente pour que je me considére comme vraiment célibataire.

Mais peut-être que le changement de vocabulaire doit accompagner le changement de statut? Et que pour mieux l'assimiler il est important que j'emploie les mots en fonction de mes objectifs? A suivre...






Mois de mars 2005