Juillet 2003
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Mission de père

Vendredi 4 juillet


Après une période d'écriture soutenue, je deviens soudainement muet. D'ailleurs.. je ne serais pas sorti de ce silence si ce journal n'était pas en ligne. Réflexe bête qui consiste à s'imaginer "attendu".

Je ne peux même pas dire qu'il ne se passe rien dans ma vie, car souvent je me suis dit «tiens, je vais écrire quelque chose à ce sujet». Et puis... bof... finalement non, je n'ai pas le goût à écrire. Comme un vide après le trop plein. Un besoin de laisser le "rien" m'envahir.

Je m'interroge parfois sur ces alternances de prolixité et de mutisme. Pourquoi, tout d'un coup, l'écriture me brûle t-elle les doigts, puis me fait ensuite délaisser le clavier? Car je n'écris pas ailleurs pour autant. J'ai pas mal de mails en retard, mais l'inspiration n'est pas là pour y répondre. Et je ne déteste rien de plus que les réponses par politesse, creuses. J'aime me sentir plongé dans ce que je fais, pleinement dans le sujet que j'aborde avec mes interlocuteurs/trices. Donc... un peu de patience, si vous m'avez écrit.


Je pourrai parler de mon fils qui vient de réussir le bac, aux résultats donnés ce matin. Ouais... c'est vachement bien, il est tranquille maintenant. Je suis bien content pour lui. Mais à part ça, qu'est-ce que ça donne ce bac? Qu'est-ce que ça veut dire de l'avoir ou pas? Moi je l'ai raté, parce que j'avais été orienté dans une filière qui ne me convenait pas (mais laquelle m'aurait convenu?). Oui, bon, je ne l'ai pas. Et alors? Qu'est-ce que ça change dans ma vie?
Ironie, je me fais parfois traiter d'"intello" par des gens qui, eux, l'ont réussi Je ne me sens pas plus con parce que je n'ai pas ce "sésame". Pas besoin de ce bout de papier pour me rassurer. Mes doutes sur moi même ne sont pas là, ne sont plus là.

Non, je préfere évoquer la lettre que j'ai écrite à ce même fils la semaine dernière, alors que nous fêtions avec famille et amis ses dix-huit ans. Un long texte qui lui dit tout ce que je n'ose pas lui dire de vive voix. Combien je l'estime, combien je suis fier de cet homme qu'il est devenu. J'ai reconnu mes lacunes, ma faillibilité, et je lui ai expliqué toute cette démarche que j'avais faite pour éviter de trop lui transmettre ce dont j'avais souffert. Un message dans lequel j'ai mis toute ma sincérité... et une certaine émotion.
Je crois qu'il a bien perçu ce que je voulais faire passer puisque le soir il est venu me voir dans mon bureau, ici même, où je suis en train d'écrire. Et nous avons très longuement parlé de ça. Tous les deux en tête à tête. J'ai pu lui préciser de vive voix ce mélange de regrets à n'avoir su que suivre ses avancées, et de satisfaction a avoir gardé entre nous un lien de confiance.

J'espère avoir su lui transmettre l'essentiel, sans trop oublier ce dont il avait besoin pour se construire solidement. Je crois avoir réussi, mais seul l'avenir nous le dira. L'essentiel, pour moi, ça n'aura jamais été les études. J'avais trop souffert que ce le soit pour mon père...

Je sais que je n'aurai pas été un père parfait, ni correspondant à toutes ses attentes. J'aurai fait au mieux, en fonction de ce que j'étais: un adulte encore en construction qui a du aider ses enfants à se construire. Avec cette impression de toujours être un peu en retard dans ma compréhension des problèmes. Parce que bien souvent il fallait que je me comprenne moi-même avant de pouvoir comprendre leurs réactions. Il y avait un délai de latence.

Mais, pour une fois (et c'est assez rare), je crois que je suis assez content de ce que je leur ai transmis. Ils sont bien plus ouverts et épanouis que je ne l'étais à leur âge... voire que je ne le suis actuellement. Réduire, à défaut d'éradiquer, ce dont on a souffert par héritage relationnel me semble être la "mission" la plus importante que j'avais à faire.



«Des gens à qui j'avais entrouvert la porte de ma vie internautique y sont rentrés avec un rouleau compresseur. Plus de quartier, plus de limites ni de pudeur, puisque ma vie est offerte, chacun a le droit de s'en arracher les moindre parcelles, de s'approprier ceux qui la partagent ou l'ont partagée sans état d'âmes. Ce qui est à toi est à moi. Puisque ta vie m'appartient un peu grâce à tes écrits, j'ai un droit légitime sur ceux qui t'entourent. Internet est un fabuleux outil pour faciliter les trahisons. »

Journal sous Prozac (30/06/2003)






Les mots inutiles

Samedi 5 juillet


Après avoir mis en ligne, hier, j'ai lu ça en vérifiant si mes pages des années précédentes étaient toujours disponibles.

4 juillet 2002: «Je ressens toujours une vague culpabilité à "laisser tomber", non pas ce journal, mais vous, les lecteurs. C'est un peu bête, parce que c'est pour moi avant tout que je devrais écrire. C'est encore plus bête de me sentir "attendu".»

4 juillet 2003: «Après une période d'écriture soutenue, je deviens soudainement muet. D'ailleurs.. je ne serais pas sorti de ce silence si ce journal n'était pas en ligne. Réflexe bête qui consiste à s'imaginer "attendu".»


Bigre, voila que je répète les mêmes choses à un an d'intervalle! Le hasard des dates est cocasse, mais je ne sais pas s'il est représentatif d'une période de l'année ou d'une réelle répétition. Le diariste peut-il se renouveller sans cesse, ou bien ne survient-il pas une tendance au rabachage?

Tant que je reste dans l'introspection il y a forcément quelque chose de nouveau sur moi, ne serait-ce que la redécouverte d'idées mal abouties. Mais lorsque je relate des pensées de l'instant, je cours le risque de les avoir déjà énoncées auparavant.

Il y a quand même une différence entre les deux entrées. Je fais précéder celle de 2002 par «Hum... comme d'habitude, quand je n'écris pas ici, c'est que j'écris ailleurs. » alors que celle de 2003 est suivie d'un «Pourquoi, tout d'un coup, l'écriture me brûle t-elle les doigts, puis me fait ensuite délaisser le clavier? Car je n'écris pas ailleurs pour autant.».

En fait, j'écris quand même un peu ailleurs, mais ni dans l'intime ni dans le relationnel (emails en souffrance...). Je réinvestis un forum qui m'aide dans mes réflexions sur les rapports humains.

[ Inutile de préciser qu'il ne s'agit pas d'un forum qui rassemble des "diaristes" ou assimilés, puisque toute réflexion semble en être bannie... Même un nouveau forum lancé par on-ne-sait-qui a été immédiatement squatté de façon à ce que toute réflexion soit impossible. Je me vois mal tenter d'exprimer une idée "sérieuse" au milieu d'un bordel chahutant. Il n'y a aucune censure effective, mais elle se produit par auto-censure. Parce qu'il semble être mal vu de se poser des questions.

Je lis ici où là les remarques de personnes pourtant pas stupides, mais qui tournent en dérision toute vélléité de réflexion. Je trouve ça triste. D'ailleurs je me sais être catalogué comme "celui-qui-veut-parler-sérieusement" (sous entendu: chiant) par des petites remarques sur mon compte alors que je ne m'exprime plus sur ces forums depuis des mois. Il faut croire que je traîne une image et qu'elle n'est pas prête de se décoller. D'ailleurs, le simple fait d'écrire ces lignes pourrait bien me valoir quelques remarques acides. Un bon mot, histoire de rire "de" quelqu'un, plutôt que de rire "avec" quelqu'un. Toute la différence est là.

Et cette forme de diarisme basée sur l'exclusion et la moquerie ne me convient pas du tout. Je donne beaucoup trop d'armes vulnérantes pour qui voudrait s'en servir contre moi. On ne peut être écrivant de l'intime et se joindre à des gens qui ne sauront se retenir de mêler le privé et le public. Je suis beaucoup trop transparent pour réinvestir ces champs de pugilat. ]


Mais... je me laisse emporter loin de mon propos initial: la répétition dans le temps de cette impression d'être "attendu". En fait, je crois que je transpose sur mon lectorat, ou du moins une partie, ce que moi je ressens vis à vis d'autres diaristes. Car oui, il y a des diaristes que "j'attends". Sans hâte, sans impatience, mais dont je guette les mise à jour. Parce que je sais que je ne serai jamais déçu, même si, forcément, les textes me touchent plus ou moins. Je les attends parce que je me suis attaché au parcours de vie de ces gens qui, pour la part qu'ils nous donnent d'eux-mêmes, me sont devenus familiers.

Alors je me dis (et je le sais...) que quelques personnes "attendent" mes textes, pour suivre mon cheminement, mes avancées, mes questionnements. Et parfois j'aurais envie de n'écrire que pour ces gens là. Ceux qui m'aiment bien, ceux en qui je fais confiance, ceux dont je ne crains pas de voir les sarcasmes au détour d'un forum...

Oh, je sais bien, je pourrai ne pas lire ce qui se passe dans ce monde du diarisme, ne plus parcourir ces forums insipides. Oui... sauf que je me suis toujours intéressé au diarisme, avant même de tenir mon journal. Et que j'ai envie d'échanger avec ceux que ça intéresse aussi. Alors j'erre régulièrement, recherchant des manifestations de ces rares curieux de notre pratique. Mais eux aussi se taisent et fuient les forums. Ils expriment leurs souhaits de communication dans leurs journaux, ou en privé.

J'aimerai que nous puissions nous retrouver, ceux qui ont envie d'échanger sur notre pratique, mais sans cette pollution des "bons mots" (ha ha ha, qu'est-ce qu'on se marre), du rire et de la dérision. Ce que devient ce microcosme du diarisme ne m'indiffère pas: ça me désole, ça me décourage.

Une certaine médiocrité s'installe et gagne du terrain (je ne parle pas des journaux ... quoique...), mais des échanges publics entre diaristes. On pourrait faire mieux que ça, franchement!!! Ce nivellement par le bas me désole.

Il se produit dans cette micro-société ce que tant de participants fustigent dans la grande société: on se moque de la télé-réalité, mais on l'imite pour faire du spectacle et animer un forum! Une saine révolte devant l'absurdité et le cynisme du système d'élimination envisagé pour la RDJ a fait plaisir à voir, quand même.

Dans ce milieu, quelques fort(e)s en gueule, maniant l'ironie (et parfois le mépris) avec légèreté, s'amusent et sont applaudis. D'autres leur donnent parfois la réplique sur le même terrain, en toute stérilité. Et ceux qui seraient tenter d'élever le débat finissent par se taire. Il ne se passe plus rien d'intéressant. Juste de la rigolade de potaches, du ras des paquerettes.

En écrivant cela, je sais que je peux me mettre à dos pas mal de monde. Et pas des plus tendres... Je sais aussi que d'autres me comprendront.

Je me suis tu depuis des mois pour voir ce qui se passait et il ne se passe rien. Chacun reste dans son coin parce qu'on sait que s'exprimer c'est s'exposer à la critique. Trop facile puisqu'on se dévoile en offrant toutes nos vulnérabilités. Faudrait-il créer un groupement parallèle? Constituer des groupes secrets et fermés afin de pouvoir échanger librement entre personnes partageant les mêmes préoccupations? Peut-être...

Mais l'idée est moralement assez attristante. C'est pire que la censure de messages dans un forum: c'est de la censure a-priori. Pourtant, je ne vois pas bien d'autres solutions. Pour pouvoir s'exprimer tranquillement il faut se séparer de la masse. Ségrégation, constitution de "clans", voire élitisme...

Qui crée des élites et des clans? Est-ce un choix délibéré ou une résignation devant ceux qui n'admettent pas que quelque chose se passe sans eux?
L'observation du microcosme diaristique, comme celle de tout groupe humain, est assurément indicatrice sur le fonctionnement de la société dans laquelle nous vivons.





«Sur ce blog je ne dévoile que partiellement les aspects les plus profonds de moi. Il se peut que certains lecteurs au regard aiguisé lisent entre les lignes, mais peu m'importe. Je ne me tais pas forcément par craintes ou pudeurs, mais par choix. Parce que j'ai appris qu'il convenait de distinguer les différents « cercles concentriques » de l'échange et que cela était important à l'intégrité personnelle et à la réussite des relations.»

J'en rêve encore (01/07/2003)




«Je sais consciemment qu'un de mes plus vilains défauts est de vouloir tout contrôler. Ce besoin de contrôler trouve certainement son origine dans un sentiment d'insécurité dont je suis incapable de me débarrasser, pas plus que de cette peur viscérale d'être abandonnée. Et aussi de ne pas être aimée. Pourtant, cette conscience de l'origine du problème ne m'apporte pas la solution»

L'instant clic (02/07/2003)




Épuisement

Dimanche 6 juillet


Il y a des périodes où tout ce qu'on essaie de tenir à bout de bras devient trop lourd. Tout ce qu'on essayait de conciler s'avère être inconciliable. Alors quelque chose, quelque part, cède. Et ce faisant alourdit le fardeau, qui, par effet de cascade, s'effondre tout d'un coup. J'en suis là ce matin.

Depuis des mois j'ai renforcé l'ampleur des réflexions que je poursuis depuis une décennie. Tout les problèmes que j'avais abordés de façon plus ou moins indépendante entre eux se sont finalement trouvés assez liés. Et ce que je "touche" d'un coté a bien souvent des implications d'un autre coté. Le puzzle s'assemble et il faut relier entre eux des ensembles qui s'imbriquent, mais assemblés initialement de façon autonome.

Ce "travail" que je fais sur moi-même est considérable. C'est à la fois très gratifiant de voir les choses changer, mais terriblement épuisant. Car il faut beaucoup de réflexions pour des changements minimes, et longuement étalés dans le temps quant aux effets produits. Mais bon, tant que les choses changent et s'améliorent, la gratification vaut bien tous ces efforts.

Sauf lorsque je me rends compte que ces efforts coûtent quelque chose à autrui....

Et régulièrement Charlotte manifeste ce genre de lassitude. Parce que je passe trop de temps dans ce "travail". Au détriment d'autre chose, forcément. Le temps n'est pas extensible. C'est d'abord au détriment de mon activité professionnelle puisque je ne parviens plus à y exercer un plein-temps. Pourtant, je parviens à peu près à tenir le cap en laissant tomber des a-cotés pas indispensables. Mais il demeure une culpabilité à profiter du fait que Charlotte fait vivre la famille. Le "rendement" d'une réflexion sur soi étant tellement dérisoire sur un court laps de temps, je comprends son impatience. Bien qu'elle reconnaisse et se réjouisse de tous les bienfaits de cette auto-analyse. Mais bon... il est des réalités qu'on ne peut ignorer.

Coté famille, même si je crois être assez présent (je pourrai l'être plus encore), je ne peux lui donner tort lorsqu'elle se plaint de faire beaucoup de tâches domestiques. Mais ça me paraît tellement secondaire à coté de la "mission" paternelle que je me suis donné... Nos conceptions de l'ordre et de la tenue de la maison ne sont pas vraiment en concordance. Mais là encore, elle accepte en sachant toute l'importance du travail que je fais pour ne pas transmettre à nos enfants mes propres névroses.

Cela passe bien sûr par la remise en question préalable de ce que je suis. Tenter de corriger des défauts me semble illusoire si le changement n'est pas profond. Quelque chose passera toujours, malgré les efforts pour le dissimuler, si cela existe en soi. La seule solution est donc de l'éradiquer de soi. Tâche longue et ingrate, travail de fourmi pour se reconstruire tout en restant solide puisqu'un des piliers de référence de jeunes consciences.

Cette trilogie boulot/famille/analyse remplit tout mon emploi du temps. Et même un peu plus puisque mes nuits sont réduites à la portion congrue. Je me passerai volontiers du boulot, mais mon compte en banque m'en empêche: je suis à zéro et les mois d'été sont toujours sans aucun revenu (activité saisonnière). Donc, pas question de réduire davantage.

Coté famille, pas question de réduire non plus, et il est même nécessaire que je m'y réinvestisse pour le domaine matériel des choses.

Reste donc le coté personnel. Épanouissement et relationnel. Réduire le temps passé sur internet. Le temps passé à réfléchir/communiquer avec ce journal, à lire les autres, à m'exprimer sur un forum. Réduire le temps passé dans la correspondance par mail... réduire le temps passé avec nathalie. En bref, réduire sur ce qui justement fait que j'ai beaucoup évolué ces dernières années.

C'est là que ça coince. Parce que pour vivre mieux.... je dois vivre moins bien. Le temps que je consacre à mon épanouissement, à mon bien-être intérieur (et dont toute la famille bénéficie) crée un malaise tant au niveau famille que boulot. C'est l'équation impossible. Sauf si je me dis que j'ai le temps et qu'il n'est pas si urgent que cette évolution se fasse.

Certes... j'ai le temps. Oui, voila au moins trente ans que je vis très mal tout le pan relationnel et je ne suis pas à quelques années près... Mouais, pas vraiment enthousiasmant de reporter ce qui est déjà si lent à se mettre en place.
Oui, je sais bien que si je n'avais pas le choix je bosserais comme tout le monde et que l'épanouissement passerait après le coté vital. Sauf que chez moi ce n'est pas vital.

Bon, je sais aussi que je ne peux pas non plus imposer à Charlotte mon style de vie. Il est donc nécessaire que quelque chose change. Mais je ne sais pas quoi. Je ne sais pas sur quoi réduire puisque ce n'est rien de précis qui me permet de mieux me connaître, mais l'ensemble du coté relationnel.

Et puis... c'est devenu un besoin (drogue?) que de communiquer maintenant. Même lorsque je ne peux plus vraiment communiquer avec nathalie, comme en ce moment, je recherche d'autres formes de lien.

Bon... je ne sais pas bien pourquoi j'écris tout ça. Qui est-ce que je veux convaincre? Je sais bien qu'il faut que je réduise. Mais ça me casse le moral. Et j'aime pas ressentir ça.

Ça me casse encore plus le moral.

Et puis je ne comprends plus rien.
Et puis j'en ai marre.





Remonter à la source


Lundi 7 juillet


Ma deuxième séance psy est intervenue à un moment un peu particulier puisque j'avais eu la veille quelques... hum... *explications* avec nathalie.

En fait, je n'étais pas en forme pour les raisons expliquées hier. Je m'en étais un peu ouvert à nathalie la veille, et elle avait tenté, malgré sa propre fatigue, de me redonner le sourire. Mais ça n'avait pas suffi, vu mon épuisement. Le lendemain j'ai voulu lui écrire un mot, constatant que lorsque tous les deux nous étions vidés nous avions du mal à nous épauler, et même à communiquer. Mais une fois parti sur ce mode des regrets et de la frustration, contre une fatalité un peu désolante, j'ai laissé s'enchaîner mes idées sans prendre garde au fait qu'elles devenaient de plus en plus noires. En fait, l'écriture libérait tout ce qui avait été contenu... mais pas le meilleur coté. Tous les efforts que je fais pour vivre sereinement une complicité amoureuse libre (ce qui n'est pas spontané chez moi) et une relation à distance (c'est encore moins naturel) s'effondraient et laissaient venir au jour une certaine souffrance. Et pire que ça, je me suis embarqué dans des suppositions hasardeuses en me basant sur des hypothèses qu'elle avait émises quelques jours plus tôt a son sujet (oui, je sais, c'est pas très clair...). En fait, je crois que mon subconscient s'est empressé de s'engouffrer dans une faille éventuelle dans sa façon de vivre les relations. Rien de certain, mais suffisamment pour me faire cogiter de travers (ouais, désolé, je ne veux pas être trop précis).

Je sentais bien que je partais sur un mode que nathalie n'aime pas, surtout lorsqu'elle est épuisée. Je craignais sa réaction. J'ai donc pris le temps de longuement expliquer ce que je ressentais, avec toutes les précautions que j'estimais nécessaires pour ne pas l'irriter. Mais plus je relisais ce courrier avant de l'expédier, plus je renforçais un état moral désastreux. L'écriture m'a enfoncé plutôt qu'aidé. Mais je ne m'en suis pas du tout rendu compte sur le moment. J'étais vraiment très très mal, hésitant entre laisser voir ce que je ressentais ou le dissimuler.

Bon... une fois que c'était là, je ne pouvais pas faire semblant de l'ignorer. Je ne pouvais pas tricher et lui envoyer un message réjoui alors que ce n'était pas du tout mon état intérieur. Et j'avais peur que de ne rien envoyer ne l'inquiète. J'ai tergiversé pendant des heures, ne sachant pas si je devais garder ça pour moi où lui communiquer. Et finalement j'ai choisi la franchise, en assumant les risques de son éventuel courroux. Notre relation est batie sur la sincérité et, pour moi, dire mes faiblesses en fait partie.

La réponse a été mitigée. Pas franchement hostile, mais assez ferme tout de même. Un peu trop à mon goût, puisque il me semble que nathalie a un peu oublié que notre pacte de sincérité pouvait entraîner ce genre d'aveu de ma part... Mais bon, elle était fatigué, donc moins ouverte, moins patiente.
D'un autre coté, il s'agit de ma vision déformée de la situation, c'est donc mon problème et je dois le régler plus ou moins solitairement.

Je me demande si ce n'est pas quand même un peu embêtant, parce que ça contrarie la libre expression de ce genre de choses. Je peux être sincère... sauf en ce qui concerne mes attentes envers elle. Je comprends un peu, parce qu'elle même a fait un travail qui lui permet de ne plus être en attente. Je suis donc à un stade qui la place en position régressive. Ça peut être agaçant, je le concois.

A posteriori je me suis dit aussi que je ne pouvais pas transposer le mode de fonctionnement du couple que je constitue avec Charlotte ("pour le meilleur et pour le pire" ai-je signé sur un registre). Je ne vis pas avec nathalie et elle n'a donc aucune raison de devoir supporter mes inquiétudes, mes soucis, et leurs conséquences.


Je pense même qu'il serait préférable que nous évitions les contacts lorsque nous n'allons pas bien. Notre relation n'a certainement rien à y gagner. Puisque nous sommes libres l'un par rapport à l'autre, nous devrions en profiter pour ne vivre que les bons moments. Un des gros désavantage de la vie en couple étant de devoir partager les mauvais cotés (en plus des bons, évidemment), pourquoi ne pas choisir délibérément, dans notre relation à distance, de ne partager que les meilleurs moments?


Il y a quand même une explication (qui ne vaut pas nécessairement justification...) à mes frustrations récurrentes. Notre relation, déjà bien particulière à cause de la distance, a une catactéristique un peu difficile à gérer: nos pays respectifs ont six heures de décalage horaire!
Mes journées commencent donc forcément "sans elle". A ma mi-journée, je lui envoie un message quotidien, qui l'accueillera à son réveil. Au mieux, je n'aurais une éventuelle réponse qu'en fin de mon après-midi. Voire tard dans la soirée. Je passe donc l'essentiel de ma journée sans nouvelles de sa part. Bon, c'est vivable puisque avant l'invention des mails les gens se passaient fort bien d'échanges quotidiens. Mais quand on en a la possibilité, et qu'on a commencé comme ça, il devient difficile de s'en passer.
En fin de ma soirée (sa fin d'après-midi), nous nous retrouvons assez souvent, mais généralement sans l'avoir programmé. Donc je ne sais pas toujours si je la croiserai le soir. Incertitude qui entretient une forme d'attente. Parfois je passe donc une journée pratiquement sans nouvelles. Surtout lorsqu'elle est débordée et ne peut que m'expédier qu'un bref message.
En revanche, comme je dispose de plus de temps (ou en consacre davantage...) elle a souvent un long message de ma part qui "remplit" sa journée. Il y a donc déséquilibre, principalement dû à ce décalage horaire.

Et même lorsque nous avons un échange par chat, son début de soirée étant satisfait coté échange, elle n'a aucune raison de m'écrire plus tard... ce qui fait que le lendemain je n'aurais aucun message pour accueillir mon réveil. Là encore, inégalité.

Puis bon, il est vrai que je suis davantage en attente qu'elle, ce qui joue encore dans un sens défavorable.

Bref, tout cela fait que régulièrement j'exprime cette frustration... ce qui l'indispose. Chacune de nos petites crises aura été due à ça. J'aimerais ne plus ressentir ces manques, cette attente de contact. C'est une aliénation qui me fait souffrir... et qui interfère défavorablement dans la relation que j'entretiens avec nathalie. Comme elle avait interféré avec Charlotte, durant les premières années de notre relation.

Je sais que, si je laisse place à cette attente, cela nuira gravement à ce que je vis avec nathalie. Peut-être même au point de l'éloigner de moi... ce que précisément je redoute le plus. Tout est donc entre mes mains. C'est à moi de réfléchir à l'origine de ce poison, et de l'éradiquer. Car je vois bien que faire des efforts n'est pas suffisant: en cas de fatigue, donc de baisse de vigilance, le mauvais processus reprend trop vite la place.

Peut-être y parviendrais-je en remontant au sources de mon imaginaire amoureux?



Psy 3.2

J'ai débuté la séance psy en lui racontant rapidement ce qui précède. Puis j'en suis venu à dire que l'attente que je ressentais était due au bonheur que m'apportent ces échanges avec nathalie. Et, de façon plus élargie, les échanges avec autrui en général.

Ma psy m'a intérrogé sur la notion de "bonheur", puisque je disais que c'est ce que je recherchais.
L'harmonie entre les êtres, l'entente parfaite est pour moi synonyme de bonheur (je rappelle que je suis un peu idéaliste...). Avec nathalie, j'ai vécu quelques semaines d'un bonheur total. Nombre de mes textes du début de l'année en sont encore témoins. Je parlais alors d'"osmose" entre nous deux. Oui, je sais, "osmose", c'est pas loin de "fusion"...
A ce moment là notre complicité était idéale et... je crois que je n'ai pas encore fait le deuil de ces moments magiques.

[a ce propos nathalie m'a fait comprendre que cette période avait quelque chose d'exceptionnel. C'était une conjonction entre notre rapprochement et le temps disponible, mais ça ne peut pas être considéré comme une situation normale. Je ne dois donc pas attendre un hypothétique retour de ces moments-là. Grosse erreur d'interpération que j'avais faite et qui explique bien des choses par rapport à mes attentes. Un élément bien important à intégrer...]


J'ai aussi parlé à ma psy de l'étroite imbrication des mots "souffrance" et "amour" dans ma perception des choses. Je sais que ça vient de mon premier (et intense) amour qui s'est étiré lamentablement sous ces conditions là. Pour moi, avec Laura, aimer était souffrir. Mon silence était souffrance, mes questionnements étaient souffrance, mes élans impossibles étaient souffrance. Et, plus tard, son indifférence était torture (maso?). Pourtant je l'aimais comme un fou ("fou", oui, c'est le cas de le dire!). Ou j'aimais l'idéalisation de ce que ça aurait pu être. J'aimais un rêve, follement. Bref, quelque chose de complètement tordu. Un premier amour sur lequel j'ai bati mon imaginaire amoureux, je dois bien en convenir.

Et alors là, non pas la question qui tue, cette fois-ci, mais le petit bout de fil à tirer qu'elle montre délicatement: «Qui a été votre premier amour?». J'hésite un moment devant l'incongruité de la question. Je sais bien qu'elle ne me demande pas le nom de Laura, ni de précédentes amourettes. Et puis sa question n'en est pas une: la tonalité de voix signifie qu'elle connait la réponse. Je lui réponds que je sais que, psychologiquement parlant, le premier amour est la mère.

Ma mère... dont je n'ai pratiquement jamais parlé dans aucune de mes séances depuis dix ans. Rien que ça, je sais depuis longtemps que ça cache quelque chose.

Alors je lui ai parlé de cette lutte que j'ai entrepris pour m'extraire de la très forte morale qu'elle m'avait inculquée. Et en particulier sur l'amour. Amour unique, "éternel", fidèle (amen...). Préceptes qu'elle à très tôt mis dans mon crâne, puis renforcés de façon anecdotique mais néanmoins déterminante. Par exemple le jour où, très amoureux de cette jeune Laura, elle m'avait répondu qu'il était préférable de ne "sortir" avec une fille que le plus tard possible. Et seulement après avoir bien réfléchi, hein, parce que l'amour «c'est quelque chose de sérieux». Alors j'avais longuement réfléchi... et jamais rien dit à Laura (con, n'est-ce pas?). J'ignore ce qui se serait passé sans cette intervention maternelle, mais je sais que, bien plus tard, je lui en ai voulu. J'ai quand même parlé à Laura, vingt ans plus tard, mais c'est une autre histoire...

C'est ensuite avec Charlotte que j'ai ressenti un choc lorsqu'elle m'avait répondu un «je ne sais pas» à une question lui demandant si entre nous c'était «pour longtemps». Qu'elle ne puisse répondre m'avait déstabilisé. Parce que, de mon coté, il était absolument évident que si je m'étais rapproché d'elle c'était pour très longtemps. En fait, j'étais même déjà parti dans un «pour la vie». Pourtant, je la connaissais à peine (mais ans doute l'essentiel de ce qui m'importait?). Ouais, ça parait fou hein? A 19 ans avoir des idées pareilles... C'était l'héritage direct de ce que m'avaient transmis mes parents, et surtout ma mère.
Je me souviens avoir souffert de cette incertitude de la part de Charlotte. Cela a induit (ou renforcé) ma crainte qu'elle ne m'abandonne... ce qui a eu pour effet de renforcer mon attente, mes demandes (beaaark!). Plus tard je l'ai tirée/poussée vers le mariage, ne comprenant pas qu'elle ne veuille pas de cet engagement. Je le voyais comme une marque de défiance, de moindre amour (hé ho, arrêtez de rigoler, hein!).

Sur bien des points j'avais une vision très manichéenne de ce que devait être l'amour. S'il n'était pas fusionnel (se voir dès que, et autant que possible) je ne comprenais pas. Pour moi, d'après ce que j'avais dans la tête, ça aurait dû vouloir dire que Charlotte ne m'aimait pas vraiment. Or elle m'assurait de ses sentiments. Je ne comprenais pas...
J'ai, heureusement, peu à peu évolué dans mes concepts. Heu... hum... du moins je croyais, jusqu'à très récemment (putain, j'ai hoooonte!).

Bref, voila tout le système pervers dont j'essaie maintenant de me sortir. Et dont nathalie perçoit encore, hélas, les effets. Parce que nathalie n'est que le deuxième amour (partagé, donc "vrai") de ma vie... Je n'ai donc que très peu d'expérience en ce domaine. Parce que ça aussi c'était un des préceptes: un seul amour pour la vie. Ou du moins très vite trouver LA bonne partenaire, but final de l'amour (et gna gna gna...). Putain, que c'était con tout ce à quoi j'ai pu croire!!!


J'ai dit à la psy que je sentais bien que des tas de choses étaient certainement liées à ma mère, qui a longtemps été mon guide. Mais que je ne savais pas du tout comment tout cela s'imbriquait. La séance s'est terminée sur ce constat.

Je dois maintenant y réfléchir

Et déjà je pense à cette référence unique, dans le domaine affectif. N'ayant pas d'amis (offrant une diversité des modes de vie) à l'âge où j'étais en construction (12 à 15 ans), j'ai sans doute absorbé comme une éponge tout ce que me disait ma mère... et les bouquins tendance morale catho qu'elle me proposait. Mon père était mon référentiel pour l'intelligence, et ma mère pour tout ce qui concernait les sentiments. Et tous les deux étaient d'accord sur cette morale rigoureuse du mariage, de l'amour pur, etc... Pas vraiment rétro, ni coincés, ni réacs, non. Même relativement modernes (hormis cette morale) par rapport à d'autres parents, dans leur façon de vivre (c'était il y a un quart de siècle, quand même...). Ce qui me confortait à penser qu'ils étaient dans le vrai. Je considérais les autres, sans doute avec un peu de mépris, comme "hors du droit chemin".


Voila, c'est comme ça que je me suis construit. Tout de travers. Et maintenant je me rends compte de tout ce que ça implique comme mal-être. Mais d'en prendre conscience n'est que le premier pas d'un long chemin de reconquète (pfff, et dire que je me sentais épuisé...).

Et ça me désole de voir que j'impose, par la force des choses, à ma complice de partager cette incapacité à aimer dans la sérénité.

Je sais, à lire les autres diaristes, que je suis loin d'être le seul à avoir des difficultés dans le domaine amoureux. Piètre consolation.




[Pfff, j'en met pas un peu long moi?]





Prendre le temps




Jeudi 10 juillet

J'ai écrit le texte suivant, il y a deux jours, pour l'anniversaire du vrai commencement de ce journal:




Donner et recevoir

Mardi 8 juillet


Trois années d'écriture régulière dans ce journal. Des centaines de milliers de mots offerts à des regards extérieurs, souvent anonymes et silencieux. Une quantité impressionnante de fragments de moi qui me mettent à nu.

Un journal intime, vraiment intime. Probablement trop intime. Je me déshabille parfois au delà de ce que ma pudeur peut supporter. Mon désir de transparence est une vaine quête de reconnaissance. Personne n'attend rien de moi, dans ce monde virtuel, or je donne comme si j'avais quelque chose à offrir. Et je donne plus que je n'en suis moralement capable.

Je donne mes mots, mes pensées, mes émotions. Et mon temps. J'essaie de donner l'essentiel de moi-même, à défaut du meilleur. Je garde en moi, la plupart du temps, tout ce qui pourrait être désagréable, ou nuire à autrui. Je protège les autres, oubliant souvent de me protéger contre ceux qui n'ont pas mes scrupules.

Je donne, et ne reçois pas toujours suffisament pour compenser. Alors j'épuise mes réserves et me retrouve vide. Mes émotions se nourissent des émotions des autres. Mes attentions de celles d'autrui. Mes mots de ceux que je reçois.

Je donne peut-être pour reçevoir? Pour me sentir apprécié, aimé?

Peut-être ce que je donne n'est-il pas vraiment désintéressé? Ou alors je donne trop? Je ne sais pas. Mais ce qui est certain c'est que je ressens un déséquilibre. Je crois qu'il est inhérent à ce que je suis puisque ce que l'on me renvoie de négatif dans la figure est dix fois, cent fois plus puissant que le positif gentiment attentionné.

Peut-être est-ce là une explication à mon comportement solitaire? En me tenant à l'écart des autres, je me protège de leurs coups. Je me prive aussi des bons moments auxquels j'aspire. Seul, je n'existe pas vraiment. Mais au milieu d'un monde parfois hostile, je me laisse trop vite anéantir.

Surtout lorsque je suis déprimé...

J'ai cru trouver sur internet quelque chose d'un peu à part, notamment parce que l'expression de l'intériorité y est plus aisée. Mais ça ne me protège pas des coups, plus facilement donnés derrière la soit -disant virtualité de l'écran. Plus fortement perçus parce que donnés en public. Tout est exacerbé, le meilleur comme le mauvais. J'en suis déçu. J'avais espéré autre chose.

Ma désillusion envers les "relations virtuelles via internet" est grande. Fallait il que je sois à ce point idéaliste, et naïf, pour imaginer autre chose? Le meilleur, je l'ai trouvé très vite. Il reste rare. Ce sont des gens qui ont une capacité d'ouverture aux autres, un volonté de dialogue, un respect envers autrui. C'est avec eux, et pour eux, que je continue. Mais trop de gens vivent dans une superficialité, une arrogance, et un mépris pour autrui. Je le vis mal.

Je n'en peux plus d'être déçu. Déçu devant la vacuité des échanges, les égos gonflés et gonflants, le rire creux. Le rien. Agaçé par les arguments péremptoires et les jugements sans fondement. Désappointé par le silence.

J'ai eu tort d'imaginer que le monde de l'intime serait différent de l'autre monde.

J'ai eu tort sur toute la ligne.

Les gens avec qui je peux m'entendre resteront toujours rares, un peu cachés, à l'écart, discrets. Je ne serai jamais un être social, adapté aux groupes. Je ne supporte pas les rapports de domination, de quelque façon qu'ils se produisent. C'est trop facile, vraiment trop, de nuire à quelqu'un. En quelques phrases, en quelques mots. Phénomènes de groupe, influence, émulation... souvent dans le sens du facile: le rejet de l'autre. La cour d'école, le vilain petit canard... transposés dans le monde virtuel. Et pire, dans le monde de l'intime.

Je n'ai plus la force, en ce moment, de supporter quoi que ce soit qui touche ma sensibilité. Je plonge trop bas, trop vite, pour des choses insignifiantes. J'en ai marre de protéger les autres et de reçevoir les coups, viennent-ils de personnes que je n'ai pas à estimer.

Je ne suis pas fait pour me battre, résister, lutter. Je ne veux plus montrer mes faiblesses.

Je pense qu'il est préférable que je me protège en cessant d'écrire ici.
Momentanément.

J'ai certainement mieux à vivre ailleurs.


[Ecrit un jour de cafard, ce qui noircit probablement le tableau...]




Je n'ai pas mis ce texte en ligne, car je le savais particulièrement pessimiste. Il résulte d'un état d'épuisement mental, qui se manifeste aussi physiquement.
De plus, je savais que dans les heures qui suivaient il pourrait se produire un changement de mon état, dans un sens favorable ou non. Nous devions discuter avec nathalie des conséquences de nos façons différentes de vivre une relation. J'étais en situation très instable, émotionnellement parlant, et je me tenais là, en position.

Cet échange téléphonique transatlantique de trois heures m'a redonné le courage qui me faisait défaut pour poursuivre la route. Un très intéressant dialogue qui a éclairci les choses, mais aussi ouvert de nouvelles pistes à explorer (euh... surtout pour moi).

Mais là... l'ampleur du travail paraît encore considérable. Avec quelque chose de stimulant, toutefois, parce que je sens que les effets ne seront probablement pas très lointains. Cependant, tant d'éléments sont liés, imbriqués, interpénétrés, que je ne sais par quel bout commencer ma réflexion.

Depuis des mois je sens que se relient des blocs épars, et celà demande un travail d'organisation de la pensée, un ordonnancement qui est très complexe. Il faut trier, chercher ce qui précède, trouver ce qui découle, et toujours modifier l'ordre des priorités.

Alors je vais essayer de prendre du temps. Laisser venir doucement les mots, étape par étape, en tentant de mieux organiser mes réflexions. Un seul sujet à la fois, abordé de façon courte (de préférence... car je connais ma propension à approfondir tout en élargissant mon propos). Rendre tout cela plus digeste et me donner le temps de respirer (ou m'imposer ces respirations?)

J'étais déjà épuisé depuis quelques jours, je suis maintenant complètement laminé par ces réflexions incessantes. Comme je ne l'ai plus été depuis des années. Ça me vulnérabilise encore davantage, et en premier lieu contre cet autre moi-même qui tire les ficelles en douce. Cette voix intérieure qui sans cesse cherche à me nuire.

Et surtout, cela provoque des interférences dangereuses dans ma relation avec nathalie.

Je dois entrer en lutte contre cette voix qui m'est étrangère. Une lutte-marathon contre un adversaire très coriace.


Je dois... je dois...
Il y a tant à faire... et j'en peux plus.
Alors pour le moment je vais me reposer. Je reprendrai doucement, point par point. Il n'y a aucune urgence...

(et pourtant, tant à dire, à noter pour ne pas l'oublier... pffffffff)





Me protéger



Vendredi 11 juillet


Hier j'ai pris le temps. Pour commencer, j'ai dormi. Oui, en plein milieu de l'après-midi, comme ça. Il faisait chaud et c'était une bonne heure pour faire une méga-sieste. Je suis retourné travailler le soir, lorsqu'il faisait frais.

Au coucher du soleil, je suis allé me promener dans les champs. Rien n'a repoussé depuis qu'ils ont été fauchés, seules quelques touffes un peu vertes parsèment un tapis couleur de paille. Il faisait bon, et j'ai marché le nez en l'air. J'ai laissé venir les couleurs du ciel, étirées en longs panaches orangés. Assis dans l'herbe, en essayant de ne pas trop réfléchir. Me vider la tête. Respirer le temps qui passe, le temps du rien, du silence et de la solitude. Hmmm, un vrai régal.

Puis je suis rentré doucement à la maison, sous un ciel déjà sombre. La lune m'accompagnait, ainsi qu'un épervier, ce qui était un peu surprenant à cette heure là. Le ciel rougeoyait encore à l'ouest.

J'ai pris mon temps, comme je le faisais beaucoup dans les années précédentes. Avant que je ne plonge trop intensément dans ce monde virtuel, source de bien des tracas... parallèlement à toutes les satisfactions que j'en retire parfois.


C'est pour éviter ces tracas que j'ai pris quelques décisions. Elles font partie de mon plan de bataille contre ce "moi" affectif qui me dirige trop souvent. La première chose à faire est de me protéger, afin de ne pas gaspiller mes forces en luttes vaines.

Décision
Je quitte toute implication dans ce qui a longtemps fait partie des préoccupations de ce journal: la "communauté" des diaristes.

J'avais cessé de participer depuis pas mal de temps, mais je renonce désormais à toute lecture des forums publics existants. 
- D'une part parce que j'ai enfin admis qu'il n'en ressortirait rien (ou trop peu) qui puisse m'intéresser. La socio-ethnologie des comportements sur forum, je commence à savoir ce qu'on peu en attendre... 
- D'autre part (et surtout) parce que ce que je peux lire à mon sujet m'est souvent difficile à lire. Ma voix intérieure me donne déjà suffisamment de soucis comme ça pour que ne s'y ajoute pas celle d'inconnus. Voir des gens rire de moi sur ce qui me pose problème, ou sur mon état d'esprit, m'est pénible. Surtout à certaines périodes plus fragiles. Je n'aime pas qu'on rie "de" quelqu'un en public (que ce soit moi ou pas), alors que j'aime beaucoup rire "avec".
- Et enfin, m'exclure de cette fausse communauté pourrait me redonner une certaine liberté de ton. Sans que je ne craigne d'éventuelles réactions cassantes de la part de quelques grandes gueules qui ont déjà dégoûté (humilié) pas mal de personnes...

Intimité et communauté sont pour moi définitivement incompatibles.

D'autres s'en étaient rendues compte avant moi. La plupart des diaristes avec qui j'ai des affinités ont quitté ce coté communauté. Soit en quittant la CEV, soit en ne participant jamais aux forums (ou même les deux).

Je pense qu'il y a encore à inventer une autre forme de regroupement, plus fondé sur les affinités, le mode de pensée, le comportement social, voire l'émotivité... que sur la seule pratique de l'écriture.




«Dés qu'on est lu, dès que s'instaure un minimum de relation avec des lecteurs même de loin il me semble que l'écriture en est affectée. Comment ne le serait-elle pas de façon bien plus importante par une telle rencontre ? Puisque évidemment ces diaristes rencontrés se liront, comment faire alors pour ne pas en tenir compte, pour rester dans la vérité des sentiments et du ressenti ? Comment ne pas se censurer, comment ne pas chercher à éviter telle phrase par peur de blesser, à produire telle autre par volonté de séduire ? Comment faire pour que l'écriture ne devienne pas avant tout une communication, le produit peut-être d'une stratégie ?»

Les échos de Valclair (03/07/2003)




Cri de rage


Samedi 12 juillet


Hier, j'ai emmené mon fils aîné s'inscrire à l'université. C'est pas qu'il ait besoin d'être accompagné, mais la ville ou il étudiera se trouve à une cinquantaine de kilomètres de notre maison. D'ailleurs, nombre de pères et mères quadragénaires (ou plus) accompagnaient leur rejeton. Sans doute pour une des dernières fois...

Car avec la vie étudiante, c'est une étape supplémentaire dans la prise d'autonomie. Dèjà, depuis quelques mois, notre fils est majeur et n'a donc plus besoin de notre signature pour les documents administratifs. J'ai même eu un instant d'émotion lorsque la jeune fille qui s'occupait de nous (de lui...) à dit "maintenant, tu ne dépendras plus du régime de sécurité sociale de tes parents". C'est ce "plus" qui m'a fait un drôle d'effet. Ben oui, ces "plus" ne sont pas des "pas". Ils sont définitifs, et rien ne reviendra en arrière. C'était prévu, su, préparé, mais ça surprend quand même parce que ça arrive bien vite.

* * *



Bon... je tourne autour du pot, j'essaie d'écrire en abordant une piste, puis une autre. J'hésite, je tergiverse, je me perds... Et rien ne sort.

Ce n'est pas le manque de mots ni d'idées, c'est l'excès qui me bloque. Tout est tellement confus. Oui, je sais, c'est pas la première fois que je l'écris. Et ben ça change pas.

En fait, si je n'avais pas écrit il y quelques temps que je ne devais plus me juger négativement... euh... et bien je le ferais volontiers, là. Mais je vais essayer de positiver. Cherchons bien... qu'est-ce qu'il y a de positif dans ma situation actuelle?

Euh...

Qu'il s'opère en moi un changement important. Hmoui... c'est déjà bien, mais encore?
Que je touche à des choses primordiales, et qu'il n'est pas étonnant que je sois déstabilisé. Que je sois perdu en moi-même. Que je ne trouve pas l'issue pour le moment.

Ah oui! Un truc vachement important: j'ai touché une limite de quelque chose. Je sais pas bien quoi, mais j'ai senti que ça ne pouvait plus continuer comme ça.

Et puis j'ai pris conscience de la nécessité de lutter contre cet autre moi qui m'habite. Cet alter ego. Cet étranger qui me bouffe la vie, qui me pompe l'air, qui veut m'empêcher de m'épanouir. Ce... oui, ce putain d'Idéaliste à la con. Je ne le supporte plus celui là. J'ai envie de changer de nom, changer de peau, jeter cette vieille défroque. Un jour je le ferai. Je changerai de pseudo. Lorsque je sentirai que je sais être plus fort que ce pisse-froid qui prend trop souvent toute la place.

Je l'aime pas ce coté de moi. Personne ne l'aime d'ailleurs. Charlotte ne l'aime pas, nathalie ne l'aime pas. Putain... j'en ai marre qu'il embête nathalie. C'est à pleurer (et ça m'arrive) de se sentir dominé par tout un passif dont on a hérité et qu'on a pas su tuer. Mais je ne sais pas comment on tue ce genre de choses. Il s'est inflitré de partout en moi, ce salaud. Il me gangrène.

Je sais bien que ma mère (involontairement, hein) n'y est pas pour rien. Ce n'est pas un hasard si ma psychothérapie s'oriente rapidement dans cette direction. Pas un hasard que je n'en ai pas parlé auparavant.
Et ce n'est pas un hasard si j'ai du reprendre ce travail aidé parce que seul je me sentais incapable de trouver la solution. C'était une intuition. Je sais maintenant que c'est ma mère qui m'a rendu exigeant avec moi-même, auto-critique, perfectionniste, négativiste. Elle voit toujours ce qui ne va pas, elle pointe toujours les défauts, les siens ou ceux des autres. C'est elle qui a mis mon père sur un piédestal, qui a admiré celui qui l'humiliait, la critiquait, l'engueulait à longueur de vie. Nom de dieu que les choses sont compliquées lorsqu'on remonte aux origines... Pourquoi mes parents ne sont pas allé chez un psy? Pourquoi refusent-ils encore de le faire?

Ma mère... mais c'est elle ma voix intérieure! C'est elle qui me dit que ce que je fais n'est pas bien, pourrait être mieux, critique le détail qui ne va pas et qui fait que rien ne sera jamais parfait.
Oh, elle ne le dit pas directement, ça serait trop simple. Non, elle dit «c'est bien, mais...». Oh ce "mais"... Je sais que je l'emploie facilement aussi. C'est ma psy qui me l'a fait remarquer en répétant ce "mais..." qui casse bien souvent ce que je viens de dire auparavant.
Ma mère est très gentille, dévouée, attentionnée... oui, mais... elle oriente les choses de façon à ce qu'on aille dans son sens.

C'est elle qui, encore il y a quelques jours, me culpabilise parce que ses enfants (donc moi aussi) ne la remerciraient pas de ses attentions avec sufffisamment d'effusions. On remercie mais... pas comme elle aimerait. Pas comme elle attend de nous, de moi. En fait, rien n'est jamais bien lorsque ça vient de ceux qui lui sont proches.

C'est surtout elle qui m'a inculqué une façon d'aimer que je renie, que je crache, que je vomis... mais qui est en moi, implantée solidement. C'est contre elle que je lutte depuis des années pour entendre ma petite voix intérieure. Cette voie qui m'a attiré vers nathalie et sa façon libre d'aimer. Et maintenant que je peux vivre ça enfin, ma mère (enfin... son fantôme implanté dans ma tête) demande des preuves d'attachement, veut être sûre que je ne sais quelle éternité me garantit la solidité d'une relation amoureuse... Mais quelles conneries! J'en ai rien à foutre de tout ça. Je veux juste partager avec un oiseau libre qui m'a fait la joie de s'intéresser au personnage que je suis (le vrai, celui qui a des qualités et est estimable), des moments de complicité et de bonheur. Comme ils viennent, quand ils viennent... et le temps qu'ils dureront. Alors pourquoi cet "autre moi" attend t-il toujours plus? Plus de présence, plus d'échange, plus de bonheur... et crée ainsi son propre malheur. Et celui du bel oiseau, un peu effrayé par cette main qui l'approche de trop près quand il a besoin d'air. Cette main qui quémande, qui attend.

Je sais que si je continue ainsi je vais générer mon propre malheur. Je hais cet autre qui me dirige contre mon gré. Je veux le combattre, percer sa manière d'agir, déjouer ses ruses en les connaissant par coeur. Je veux tuer la mère qui est en moi. Elle n'a rien à y faire, ce n'est pas sa place. Qu'elle se soit empêchée de vivre, c'est son problème, mais je ne veux plus qu'elle fasse partie de moi. Je parle évidemment de cette "autre mère", celle qui habite ma vraie mère, celle qui m'aime et... que j'aime.

Mais d'où vient tout ça? Qui a pu mettre dans sa tête autant de sornettes?

«Me protéger», écrivais-je hier. Mais me protéger de l'influence négative de ma mère d'abord. Avant toute chose. Je dois apprendre à refuser encore plus fermement ce qui me nuit. Être vigilant pour bloquer au plus tôt le processus nuisible de la critique.



Voila, il est 2 h30 du matin, c'est brouillon, mal développé, mais je n'ai pas envie de le reprendre. C'est mon cri de rage contre ce moi (c'est ça, le "surmoi?") contre lequel j'entre en guerre. Ça ne fait que commencer et j'en ai pour longtemps, mais la manière douce ça suffit. Je veux que ça change maintenant. J'en ai marre de cohabiter avec un voisin aussi chiant. J'en ai marre qu'il impose sa façon de voir ringarde, coincée, moralisée.


Et j'ai pas envie qu'il fasse peur à nathalie...





Qui est-il?



Dimanche 13 juillet


Une loooongue nuit de sommeil (9h30) est venue ponctuer mes courtes nuits habituelles. Ça fait du bien de temps en temps. Il faut dire que mes soirées étant moins occupées sur internet, j'ai tendance à retrouver un rythme "normal". Il semble que les diaristes écrivent moins en été, ce qui ne semble pas étonnant. Et les week-ends, le phénomène est encore accentué. C'est bon signe, puisque ça indique une capacité toujours intacte à faire autre chose.

De mon coté... euh... c'est variable. J'alterne les moments d'écriture intense (que finalement je ne publie pas...) et les temps de farniente. Quand à mes réflexions... c'est assez contrasté aussi; et très dense. Entre les moments de découragement, d'égarement, s'immiscent des périodes de bien-être, de belle satisfaction à me sentir capable de surmonter mes tendance négatives. Ma lutte entre moi et moi est parfois douloureuse, lorsque deux pensées simultanées mais opposées sont dans ma tête. Toujours le négatif qui mine le positif, et ce dernier qui contre le précédent. C'est assez usant mais sans doute nécessaire. Et de toutes façons, je ne peux pas faire autrement. Je veux faire émerger le positif.

La question que je me pose est la suivante: qui est cet autre moi? Ou plutôt: qui sont-ils? Parce que j'ai l'impression que différents "personnages" interviennent selon la situation. Il y a le trop raisonnable et le trop moral. Il y a aussi le défaitiste, le malheureux, celui qui semble aimer souffrir. Et puis celui qui a besoin d'être rassuré... Il y en a d'autres, j'en suis certain. Et au milieu de tout ça il y a celui qui voudrait être serein et jouir de la vie comme il le souhaite. C'est moi. Celui qui écrit maintenant.
Les autres s'expriment rarement ici, ils se cachent, restent tapis dans l'ombre de mes noires pensées. Ils n'osent pas se montrer.

Eh, c'est que je les comprends! Ils sont moches, hideux, lâches, incapables de s'assumer. Ils me pourrissent la vie en cachette, lorsque je suis seul avec eux. "Eux", ou "lui", je ne sais pas comment nommer mon anti-moi. Autrefois je parlais de mon "coté noir", j'en avais honte et j'avais peur qu'il soit découvert. Désormais, je n'en ai plus honte (hum... plus trop...) et je le traque. Je chercher à débusquer sa présence à chaque fois que je sens que quelque chose ne va pas bien en moi. Je ne cache plus que je réagis de travers, manipulé par celui que je ne veux pas être.
C'est souvent pénible, douloureusement pénible de me voir agir comme je ne veux pas. Je ne comprends pas toujours les mécanismes qui se mettent en place, même si bien souvent je leur attribue une origine lointaine, dans mon enfance ou mon adolescence.

Cet autre moi me fait souvent souffrir, me martyrise... et pourtant, je sais bien que c'est moi qui "choisis" d'agir ainsi. Mais pourquoi? Quelle est la raison de ce masochisme? Il y a encore un mystère opaque.

Pourquoi, alors que je ne me sens plus "nul" comme il y a quelques années, ai-je toujours cette impression que l'on ne puisse pas m'apprécier?
- Pourquoi est-ce programmé dans ma tête que, forcément, si on m'apprécie un moment ça ne durera pas?
- Pourquoi, si ça ne dure pas, je me dis que c'est de ma faute, que je n'ai pas su être à la hauteur?
- Pourquoi, si ça dure, je me dis que la personne qui m'apprécie se trompe sur mon compte? (et en devient moins estimable, attirante...)?
- Pourquoi, en fin de compte, tout se mesure en échelle de "valeur" (la mienne ou celle d'autrui)?

Ééééhh, vous sauvez pas tous! C'est une tendance de fonctionnement qu'heureusement je parviens à contrarier. Elle se manifeste surtout dans mes relations les plus fortes.
Hum... pour être plus précis, lorsqu'il existe une forte attirance.

Bon... ouain... pffff, j'ai ce genre de difficultés avec ma complice, actuellement. C'est pour ça que je lutte fort contre moi-même, contre cet autre moi-même qui vient mettre sa pagaille dans notre belle relation.

Et il m'emmeeeeeerde cet autre là!

Je sais bien que je ne pourrai pas me débarasser totalement de lui, mais au moins que je sache le dominer plus efficacement, avant, si possible, de le faire taire dans les temps à venir. C'est pour cette raison que j'ai besoin de l'identifier sous toutes ses formes.

Tiens... je vais le nommer ce sale individu (hé ho, du calme , c'est de toi que tu parles là!). J'ai réfléchi au nom que je pouvais lui donner et voila ce que j'ai trouvé.


Il est moche, parce qu'il me fait mal agir, parce qu'il me rend triste, déprimé, qu'il m'ôte mon sourire (c'est moche quelqu'un qui se rend triste).

Il est moraliste, bien souvent, me soufflant ce que je devrais faire qui est "bien" ou "mal" selon une morale... très contestable.

Il est louuuuuurd à toujours s'accrocher à moi, ce boulet que je dois traîner. Il est louuuurd à porter ce fardeau de culpabilité, ce poids de mon passé.

Il est chiant à toujours gacher mes joies, me priver de parole face aux autres, me faire penser de travers. Lorsqu'il m'empêche de croire en mes capacités, et de voir qu'on m'apprécie tel que je suis (tel que je suis sans lui, bien sûr). Il est aussi chagrin, chaîne, charge, chancre, chaos, euh... chaste, châtré? N'exagérons pas...

Je m'en tiendrai à: moche, lourd, chiant. MOche, LOurd, CHiant. Moloch.

Voila comment je nommerai désormais cet autre qui vient semer la pagaille dans ma tête aux moments les plus critiques. Cet étranger qui vient s'installer en moi. Qui m'empoisonne, qui m'intoxique avec des idées qui ne sont pas vraiment les miennes. Pas celles que je sens être en moi, pas celles que je veux sentir en moi.

__________________



Nommer "Moloch" cet autre moi est une façon plus représentative de le sentir étranger en moi. La formule peut prêter à sourire, j'en conviens (ouais, ben c'est pas grave si ça fait rire). Mais c'est peut-être une façon efficace de me dissocier de cet "autre" qui m'habite. Il me sera plus facile de faire taire un individu que je considère comme moche, lourd et chiant (voire grotesque), que de mener une lutte interne entre deux parts confondues en moi et que je ne saurai vraiment dissocier. En nommant l'un, pour tout ce qui est négatif en moi, je permet à l'autre, positif, d'émerger plus facilement.

La méthode me vient d'une émission radio entendue cette semaine, qui concernait les gens qui se
critiquent eux même, les perpétuels insatisfaits, les perfectionnistes. Ceux qui rendent leur vie impossible... et celle des autres par la même occasion. Ceux qui se créent leur propre enfer, s'instillent leur propre poison. C'est évidemment mon cas, vous l'aurez compris. Le psychiatre qui présentait le problème conseillait d'imaginer la voix ridicule, rouspéteuse et hystérique de Donald à chaque fois que cet "autre moi" s'exprimait. J'ai trouvé la méthode intéressante et je m'y essaie. Je n'ai rien à y perdre...

Fuir ou refuser tout ce qui peut ressembler à cette voix est pour moi indispensable. Voila pourquoi je dois être très vigilant sur le
pouvoir négatif de ma mère, et pourquoi j'ai fui ces forums publics ou des gens mettaient en avant mes cotés négatifs.


Mais...

[Paf!] Ta gueule Moloch!



«Livrer ses enfants à Moloch (Melek), c'était les brûler en sacrifice au dieu cananéen (..) Sans doute faut-il voir dans Moloch la vieille image du tyran, jaloux, vindicatif, impitoyable, qui exige de ses sujets l'obéissance jusqu'au sang et prélève tous leurs biens jusqu'à leurs enfants, voués à la mort de la guerre ou à celle du sacrifice. Les pires menaces du toutpuissant roi obtiennent cette soumission absolue de sujets sans défense.» [source]





Je ne suis pas celui que vous lisez




Lundi 14juillet


Lu ça hier soir, juste après ma mise à jour:
«Je dois vous dire quelque chose. Ce journal est imaginaire. Aglaia n'existe pas ailleurs qu'en moi-même. J'ai inventé cette histoire (...)
Certes, je vous ai trompés, menti. J'aurais pu le dire dès le début, que c'était imaginaire. Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Tout simplement parce que je n'en voyais pas l'utilité. Pourquoi lisez-vous cette histoire ? Quelle différence cela fait-il que ce soit inventé ?
(...)
Je présente mes excuses aux quelques personnes qui ont longuement échangé avec moi par mails. Ce sont ces personnes-là qui doivent se sentir le plus trompées aujourd'hui. Pourtant, qu'elles sachent que je n'ai jamais souhaité tromper qui que ce soit. Je continuerai de signer mes mails en tant qu'Aglaia, et d'écrire pour elle. Je jouerai le jeu jusqu'au bout, y compris en privé, dans mon courrier.
»

[c'est moi qui ai mis en gras]

Que penser d'un tel aveu? D'abord qu'il survient probablement parce que la supercherie était flairée par plusieurs lecteurs et la rumeur circulait depuis longtemps. Ensuite... et bien je trouve que "Aglaia" ne s'embarrasse pas de scrupules. En gros, c'est «je vous ai trompés, mais j'ai pas fait exprès, et puis c'est pareil que si j'avais dit la vérité».
Je n'ai pas à juger la personne qui s'est amusée à inventer cette histoire, après tout, à chacun ses plaisirs. Sauf que là... il y a quand même tromperie.

«Quelle différence cela fait-il que ce soit inventé ?» Même si la vie de cette jeune fille paraissait particulièrement trépidante, je suppose que des gens qui la lisaient y croyaient. Elle (?) a donc laissé croire ça sciemment, répondant même aux messages en jouant un rôle, trompant sans états d'âme (?) des gens qui pouvaient s'identifier au personnage. Quel pouvait être l'intérêt? Ou le but final? Pourquoi, si cela ne fait "aucune différence", ne pas dire que le récit était fictif, ? Pourquoi tromper délibérément?

"Aglaia" (celui ou celle qui écrit) s'est fait plaisir (c'est son droit), mais très égoïstement (et ça me semble critiquable). Il/elle s'est amusé(e) avec ses lecteurs, ceux qui lui faisaient confiance. Et tromper la confiance, c'est quelque chose qui ne passera jamais avec moi.

[Après échange de mails, Aglaia m'a informé que ce n'était pas un "jeu", mais une nécessité profonde, ce que je peux comprendre. Mais cela n'excuse pas à mes yeux la tromperie... ou son aveu]


Certes, on peut objecter qu'un journal n'est jamais tout à fait vrai. D'ici à ce qu'il soit entièrement faux, il y a une marge conséquente...


A propos de vérité et sincérité, je m'interroge depuis quelques temps sur mon journal. Est-il sincère? Oui, dans le sens que rien n'est faux. Mais pas tout à fait, parce qu'il n'est pas représentatif de ma vie, ni de mes pensées. Surtout en ce moment... Disons qu'il est représentatif du poids de mes préoccupations. Ou de ce qui me marque à une période donnée.
C'est pour cela que depuis plusieurs mois il est essentiellement orienté vers cette relation que j'entretiens avec ma complice.

J'y ai abordé initialement le polyamour, puis ensuite retranscrit, plus ou moins pudiquement, la montée en puissance d'un attachement qui est devenu amour. C'est dans ce "plus ou moins pudiquement" que la vérité s'estompe parfois dans le silence. Il y a plusieurs raisons à cela.

D'abord il est délicat de parler devant des inconnus de sentiments forts. C'est intime (la notion d'intimité pour un "journal intime" public est assez complexe à appréhender...) et c'est vite gênant parce qu'à ces moments-là le récit peut paraître mièvre (pour ne pas dire culcul).

Ensuite, le fait que ce journal ne soit pas privé influe sur mon écriture: je n'ai pas envie de montrer certains aspects de moi. D'une part vis à vis du lectorat en général, ensuite par rapport aux gens que je connais (virtuellement, ou visuellement parlant), et enfin par rapport à cette lectrice très particulière qu'est nathalie.

Mes idées les plus sombres (Moloch), notamment, n'ont pas droit de parole ici. Alors que si j'écrivais seul je sais que "Moloch" prendrait très souvent la parole (comme il le faisait autrefois sur mes feuilles de papier). Il ne s'agit pas vraiment d'auto-censure, mais plutôt d'un écrêtement des idées trop négatives.

Mon journal a donc perdu en partie ce rôle de catharsis et de révélateur qu'il avait autrefois. Mais ce n'est pas forcément regrettable. Pour ne pas craindre d'être trop mal jugé (ce qui réveille mes doutes), je me contrains à un certain positivisme. Ou du moins à réfréner trop de négativisme. Quelqu'un de chiant, se lamentant sur son sort, fuyant le face à face avec les réalités serait, je crois, vite abandonné par ses lecteurs. C'est pas que je tienne à avoir une super audience, mais si je la voyais trop s'effriter je me sentirais mal... et Moloch reprendrait encore plus de place.

Je ne suis donc pas vraiment moi ici... mais plutôt celui que je voudrais être. Celui que je me sens être et vers lequel j'essaie d'aller. En ne voulant pas trop montrer mes mauvais cotés, je fais ressortir quelque chose de mieux que la réalité, mais de paradoxalement plus "vrai". En muselant cet autre-moi, je découvre quelqu'un de pas si moche que ça. C'est la preuve autogénérée de ce que je peux être... lorsque je croie en moi. Une sorte de "méthode Coué"...


Et puis... je crois qu'une grande part de ce que j'écris maintenant est davantage de l'ordre du témoignage que vraiment introspectif. S'il m'arrive encore souvent de faire des découvertes au fil de l'écriture, bien plus souvent je ne fais que retranscrire ce que j'ai déja compris, seul ou avec une de mes confidentes.

Pourquoi témoigner? (Ben oui au fait, personne ne m'a demandé de le faire!) Parce que j'estime que ce que je vis est particulier à plusieurs titres. Il s'agit d'une relation sentimentale:

- Double, mais connue de chacune des partenaires (ça se passe plutôt bien, surtout à cause du point suivant)

- A distance, donc sans contact réel (pour le moment ça va)

- Libre, sans attentes, sans jalousie. Un statut intermédiaire entre amour et amitié (là... hum... c'est pas encore au point...)

Le tout expérimenté par un cobaye gars marié, heureux en ménage, avec déjà vingt années de recul sur une relation d'amour (vieux baroudeur). Sauf que le gars en question n'a que très très peu d'expériences amoureuses diverses (l'a baroudé que dans son jardin...). Donc à quarante ans passés, il n'est guère plus avancé qu'un ado sur certains points... Une lectrice d'une vingtaine d'années qui m'a écrit récemment ma semblé plus mature que moi dans sa façon de vivre un attachement libre.


C'est le récit de ces difficultés à modifier mon imaginaire amoureux que je pourrais regretter parfois de ne pas pouvoir écrire tout à fait librement ici. Et cela en fonction des liens qui existent entre écrivants/lecteurs, qui, par d'autres cotés sont un apport relationnel important.
En effet, je peux difficilement dévoiler ce qui tient de "notre" intimité, puisque d'autres personnes qui me lisent connaissent nathalie (et y en a même qui l'ont vue en vrai de vrai, ou peut-être même touchée, et pas moi, c'est pô juste!!!).

Et puis... euh... je ne saurais exprimer trop clairement ici ce que justement nathalie n'aime pas me voir ressentir. Quoique... c'est aussi une façon indirecte qu'elle sache ce qui se passe dans ma tête sans que je ne lui en parle vraiment. Posture un peu délicate, puisque je ne dois pas non plus faire passer un message en douce par ce biais là.


Breeeeef, je suis, une fois de plus, en plein dans mon sujet des "relations virtuelles". A la fois par la relation que je vis mais aussi par les à cotés inhérents à la tenue d'un journal en ligne au sein d'un resau de connaissances.


Eufff, j'aurais pas pu faire un peu plus simple moi?





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