Juillet 2003 (2eme quinzaine)

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Pas obligé de plaire


Mardi 15 juillet


Psy 3.3

La séance s'est déroulée assez tranquillement. Juste une petite appréhension au départ parce que quelqu'un était dans la salle d'attente en même temps que moi. Je sentais donc que je serais mal à l'aise en pensant à ce "suivant". Parce que je me disais que la psy risquait d'être davantage pressée, afin de ne pas faire attendre l'autre. Bon, en fait il n'en a rien été et j'ai pu parler comme je voulais sans sentir de pression.


J'ai évoqué ce dont je parle ici depuis quelque jours: cet autre moi, voix intérieure attribuée à ma mère, son esprit négatif, etc... Puis, sans lien direct, je lui ai parlé des difficultés que j'avais ressenties récemment dans ma relation avec nathalie. Cette peur qu'elle me découvre inintéressant, cette peur de la perdre qui risquait à terme, effectivement, d'induire la perte (ou l'art d'initier ce qu'on craint le plus...).

J'ai aussi parlé de ces pénibles tiraillements qui me font penser deux choses opposées simultanément. Entre ma voix et celle de "moloch" (euh non, je ne lui ai pas parlé de cette lubie loufoque de nommer mon autre moi).

Et puis aussi ce sentiment étrange: lorsque je transgresse les principes maternels, en m'intéressant à d'autres femmes que Charlotte (légitime-unique-éternelle... amen), je pense à ce regard tutélaire de ma mère, qui me désapprouverait. Et je continue très sereinement. Avec même un sentiment de défi et un certain plaisir à imaginer ce qu'elle penserait si elle le savait (hyêk hyêk hyêk...).

Bon, en fait je papillonnais d'un sujet à l'autre (un peu comme ici, quoi...) en lui disant que je ne savais pas bien comment tout se reliait. Elle m'a posé quelques questions, parfois saugrenues (rapport entre mes amours et celui d'un fils pour sa mère). Mais lorsque je sens la fausse piste, je n'hésite pas à lui dire. Ce n'est que sur la fin qu'elle m'a dit, avec sa douceur habituelle: «mais vous n'êtes pas obligé de plaire à votre mère».

Je venais de dire que je comprenais les manques affectifs de ma mère, son désir d'avoir des enfants plus "aimants", dû à sa propre histoire d'enfance. Et que je ne pouvais pas répondre forcément à ses désirs.

«Vous n'êtes pas obligé de plaire à votre mère». Hum... je suis sorti avec cette idée dans la tête et j'ai compris qu'il y avait là quelque chose à creuser. Ce désir de plaire (ne pas déplaire, ne pas décevoir) à ma mère qui m'a fait rester longtemps petit garçon bien sage, bien poli, bien coiffé (avec raie sur le coté, soigneusement appliquée). Ce coté bien obéissant (ouais, je suis/n'étais pas trop le genre rebelle...), suivant scrupuleusement pendant bien trop longtemps les principes que l'on m'avait enseigné.

Oui... j'ai toujours voulu être apprécié. Par ma mère, mon père, la famille, les amis de ma mère (mon père n'en avait pas), les profs (là j'ai raté...). Comme si être moi-même risquait de me rendre moins appréciable. Comme si me dissocier de ma mère me rendait "mauvais". Déjà que j'étais "mauvais" par rapport à mon père, intelligence supérieure [Moloch! ta gueule! cette intelligence là n'est pas un critère qui rend les gens plus estimables que d'autres]... Sans doute ai-je voulu ressembler à celui de mes parents dont je me sentais le plus semblable. Même si c'est celui qui était critiqué par l'autre, ce qui a évidemment joué défavorablement dans l'estime de moi.

[Tiens oui... j'y pense d'un coup: ressembler à une "martyr" (mon père était assez dur, cassant, et très dévalorisant avec ma mère) pourrait expliquer bien des choses sur ma facilité à vivre l'amour dans la douleur du rejet... un peu comme si je (moloch) le cherchait]

Et je commence à voir un lien entre ce "premier amour" (la mère) et mes vrais amours: ce souci de ne pas déplaire (hantise de déplaire et d'être rejeté). Avec la crainte, dès que je ne sens plus un regard aussi aimant qu'il peut l'être aux meilleurs moments... que la déception à mon égard n'en soit la cause. De là naissent mes doutes, puis cette évidence que je ne peux que déplaire sur le long terme.

En fait, j'aspire à être aimé (ouais, ben comme tout le monde, hein...), et le bonheur que cela m'apporte lorsque je ressens ce regard aimant fait que je ne supporte plus, ensuite, de le sentir moindre. C'est ce qui produit de phénomène d'idéalisation: attendre un amour absolu, qui ne me ferait plus ressentir cette incertitude.

Oui, je sais que c'est fou, et impossible, mais ce con de Moloch attend ça. Le petit-garçon-à-sa-maman a besoin d'être rassuré. Il a besoin de boouucoup d'amouuur inconditionnel

[hop, nouvelle piste de digression: j'étais l'âiné, donc enfant unique durant deux ans, choyé, aimé de tout l'amour d'une mère qui désirait cet enfant depuis toujours. Qui révait de ce fils alors qu'elle n'avait qu'une douzaine d'années. Alors forcément (enfin je suppose) lorsque petit idéaliste en culottes courtes à du partager cet amour, il a du se sentir dépossédé. Je dis ça parce que je sais que mon propre fils a nettement changé à la naissance de sa seur cadette, avec une certaine agressivité à son égard. De mon coté, il est probable que je me suis alors effacé... comme je pratique toujours lorsque je me sens moins apprécié]


J'évoque tout cela [ouais, c'est hyper personnel mais je m'en fouuus, na!] au sujet de ma mère et de mes amours, mais je sais très bien que le phénomène existe de façon similaire pour toute relation que je peux avoir. De façon amoindrie, évidemment. Ce qui explique ma vulnérabilité dans certaines situations... et notamment sur des forums lorsque je me faisais malmener. Ben voui... parce que je voudrais que tout le monde... s'aime (et m'aime).
Eh, vous le savez bien que je suis un idéaliste.

Bon, c'est pas le tout de décrypter, mais faudrait quand même en ressortir quelque chose.

«vous n'êtes pas obligé de plaire à votre mère». Non, je ne suis pas obligé de plaire à quiconque. Sauf... sauf... à moi! Oui, ça c'est vachement important de ne pas se déplaire. De se sentir bien dans sa peau. Doooonc, le seul objectif à viser, c'est de vivre en cohérence avec moi-même. Être à l'écoute de ma voix intérieure. [Ouiiiii? Naon! pas toi!].

Et en toute relation je dois apprendre à m'écouter. Ecouter l'autre bien sûr, et tenter de répondre à ses désirs, mais pas en oubliant les miens. Ne pas chercher à plaire à l'autre davantage qu'à moi-même. Et ça, c'est bon pour tout le monde. Même pour mes plus proches. [même pour nathalie? Oui, parfaitement, même pour elle!] Je ne dois pas chercher à lui plaire en m'oubliant. Elle devra m'aimer tel que je suis vraiment (en plus, je sais que c'est ce qu'elle veut).
Tout comme j'ai mis des années avec Charlotte pour comprendre que l'équilibre de notre couple passait par l'écoute de nos désirs respectifs, parfois en sachant qu'ils ne sont pas ceux de l'autre.

Sortir de cette logique de plaire/déplaire. La seule logique c'est être soi-même (ouiiii, magnifique porte ouverte enfoncée avec succès!)

Hé hé, j'aime bien quand je dame le pion à Moloch. Il a plus rien à dire là, tapi dans son coin...
Tiens Moloch, susucre... couché, làààà, c'est bien.



* * *

Ayant reçu la «confirmation de mon abonnement» au forum "Egorum", je précise que je ne m'y suis jamais inscrit. Tout message éventuel signé de mon nom serait une usurpation d'identité.




Relation passionnante


Samedi 19 juillet


Parfois je n'écris pas ici, parce que j'aurais trop à dire. Trop à la fois, trop divers, trop dense, trop confus. Mais pas le temps, pas l'énergie, pas la capacité de synthétiser. Alors je laisse en attente, supposant qu'avec le temps le grand flou se sera atténué et que je pourrais ainsi aller vers quelque chose de plus condensé, de plus essentiel... sans en oublier trop de détails.
Ou alors je m'exprime en abordant la périphérie de ce qui me préoccupe, ne faisant que quelques incursion fugaces dans le coeur du sujet.

Comme ces quelques semaines durant lesquelles j'ai été soumis à un assaut de questions et réflexions qui se contredisaient. Des pensées qui allaient en tout sens, et souvent vers des excès. Ce journal n'en aura pas vraiment gardé la trace. Et sans doute ma mémoire ingurgitera t-elle ces moments parfois assez pénibles (voire douloureux), ne laissant qu'un vague souvenir. C'est sans doute préférable ainsi. Tout le monde aura été préservé de la trace de ces errances solitaires: vous lecteurs, ma complice (surtout), et moi en ne l'imprimant pas trop dans ma mémoire. Ce qui importe c'est le résultat de ces réflexions, pas les multiples impasses dans lesquelles je me suis fourvoyé.

Le résultat, c'est que je crois avoir radicalement changé (oui oui, n'ayons pas peur des mots) le mode de relation que j'entretiens avec ma chère complice nathalie. Et cela en quelques jours seulement, au point que je suis encore surpris de la rapidité à laquelle cela s'est produit. Les jours qui passent semblent montrer que cette évolution est installé. Assez surprenant...

Soyons clairs: je ne suis plus en attente. Je n'attends rien de ma complice (autant que je puisse en être conscient). N'attendre rien ne signifiant pas qu'il n'y aurait plus rien à attendre d'elle, bien sûr. Mais que je ne ressens plus ce besoin de contact, de présence, de réassurance sur ce que je suis pour elle. Je sais désormais me satisfaire de ce qui vient de sa part, lorsque ça arrive. Et si ça n'arrive pas... et bien c'est que ce n'est pas le moment pour elle. Fini le sentiment d'urgence, finies les déceptions en n'ayant pas de manifestations de sa part durant un jour entier (qu'est-ce donc qu'un seul jour...). Oh, ça ne signifie pas que le manque ne puisse plus exister, ni la frustration devant une boite mail vide, mais que j'accepte sans inquiétude ces moments de "séparation".


Qu'est-ce qui a pu faire que je parvienne aussi rapidement à ça? Que je fasse mienne cette façon qu'elle avait de vivre cette même relation (c'est elle qui a d'abord précisé qu'elle n'attendait rien de moi)?

Tout simplement le ras le bol de me sentir miner cette relation à force d'exigence. Trop souvent revenaient ces moments durant lesquels j'exprimais ce qui me manquait... et qu'elle supportait mal d'entendre. J'étais coincé entre ma raison et mes émotions (Moloch). Entre moi et cette voix intérieure étrangère. Entre moloch et nathalie (hé hé, devinez un peu qui j'ai choisi?)
Je savais ce que je ne devais pas penser.... mais, le pensant quand même, ne savais plus, entre dire ou taire, ce qu'il était préférable de faire.

Si j'identifiais ce que je devais rejeter (un mode de pensée), en revanche je me torturais à réfléchir sur le bien fondé d'en parler ou pas. Ne pas en parler c'était couper le contact, puisque je savais ne pas pouvoir tricher (en le dissimulant). En parler, c'était faire courir des risques à notre relation puisqu'il y avait incompatibilité sur ce point. Dans les deux cas il y avait impossibilité de communiquer aisément sur le sujet... ce qui précisément renforçait le manque. Je ne voyais pas de solution. Alors... j'en ai parlé [ah ben oui, je préfère toujours la parole au silence]. Hum... nathalie n'a pas été bien d'accord avec mes interprétations fantaisistes. Mais le dialogue a eu pour effet de débloquer la situation... en restreignant le contact entre nous. Oh, pas longtemps: cinq jours sans chat, avec seulement quelques messages courts pour maintenir la présence. Même pas un froid, juste un temps pour être à l'écoute de soi.

C'est durant ces cinq jours que le changement s'est concrétisé. Il était en préparation depuis longtemps mais il manquait un déclic. Il s'est produit à mon insu, discrètement, sans que je n'agisse vraiment pour ça. J'ai compris que ce à quoi je tenais c'était le lien entre nous, pas la nature des sentiments.

En fait... malgré une très longue conversation téléphonique précédant cette restriction de contact, je me suis trouvé... contrarié (déçu/irrité/agacé/attristé...) de cette impossibilité de vivre la relation comme j'en aurais eu besoin [euh... comme Moloch en aurait eu besoin!]. Je... ouais, Moloch lui en voulait un peu à ma nathalie [ouuuups, ça je ne lui ai pas dit!] de la sentir moins présente. Alors, parce que je sais toute l'importance de cette relation, j'ai désinvesti le coté "amoureux". Je me suis orienté vers le coté amitié, celui qui nous avait rapprochés, celui durant lequel notre relation se déroulait sans aucun problème... mais aussi sans ce coté un peu... hum, lumineux, flamboyant, électrique, frrrrrrissonnant...
Je me suis résigné en me disant «tant pis, je choisis ce qui est le plus important: le lien privilégié». Et du coup... et bien tout est redevenu simple! Plus d'attente, plus d'exigence, plus d'urgence.

Je n'ai plus ressenti ce besoin de "tout dire", et me suis débrouillé tout seul pour réfléchir en solitaire. Comme un grand. J'ai choisi délibérement de rester dans un coté plus anecdotique, ludique aussi. Je ne cherchais plus à approfondir les sujets, préférant la voir rire de mes facéties, et rire avec elle. Revivifier une complicité. Quelques jours de détente durant lesquels j'ai retrouvé avec elle ce lien qui était devenu un peu délicat à faire fonctionner. Un peu de légèreté après des moments alourdis qui s'étaient imposés à notre relation. Je retrouvais aussi une liberté dans mon emploi du temps, n'attendant plus de la croiser sur chat. Je restaurais une autonomie dont Moloch m'avait insidieusement privé.

Hum... peut-être même suis-je devenu moins présent? La distance que je prenais par rapport à cette façon de vivre les sentiments me rendait nécessairement plus "détaché". Je crois que nathalie l'a senti...

Parce que d'un coup... boum! Surprise. Quelques mots qu'elle énonce très clairement: ma présence lui manque. La distance géographique lui paraît plus marquante, presque pesante. Des mots du coeur, l'expression de sentiments. Ceux que j'avais décidé de ne plus attendre, parce que cette attente était souffrance et compliquait notre relation.

Et là, ils me venaient alors que je ne m'y attendais plus. Ces preuves qui me manquaient, que je quémandais maladroitement il y a peu... elle me les offrait maintenant. Ça m'a déstabilisé. Je me suis senti un peu gauche, embarrassé, avec ces preuves de son attachement. Elles m'ont touché, m'ont fait plaisir (beaucoup), mais... (ouille attention au choix des mots!) mais... elles étaient en... décalage (ça va ce mot?) par rapport au domaine relationnel que je venais de privilégier: l'amitié. Ce que j'avais trouvé de mieux pour ne plus... attendre.

C'est que c'est pas évident pour moi de m'y reconnaitre dans ces sentiments, et je passe encore souvent par les catégories binaires: amour ou amitié. L'un ou l'autre.
Étant allé de plus en plus vers l'amour, je me suis rendu compte que ça ne pouvait pas coller parce que je met trop de choses derrière ce mot là (j'aime un peu trop... intensément). Donc... je venais d'enclencher le bouton "retour vers l'amitié"... en attendant que les choses s'éclaircissent en moi. Mais ces mots qu'elle m'offrait à nouveau ne collaient pas avec l'amitié telle que je la conçois. J'ai donc dû arrêter illico le processus de retour et remonter d'un cran vers le coté amour, toujours dans le but de trouver quelque chose de plus nuancé pour cet "entre-deux". Ce fameux [pas de mot existant] que je ne sais pas encore vivre. Je pensais bien que ce retour vers l'amitié serait contrarié (puisqu'il s'agit d'autre chose), mais pas aussi vite.

Bon... je dis que je retournais vers l'amitié... mais ce n'était pas aussi tranché. C'était une façon de tromper mon subconscient. Car je n'oubliais pas ce qu'on a pu se dire depuis des mois, mais le mettais un peu en sommeil depuis qu'elle m'a fait comprendre que ce qui existait au printemps était "exceptionnel". Je me suis dit que je rangeais tout ce coté un peu... "émotions fortes" et que je verrai bien ce qu'il adviendrait.
Je ne pensais pas qu'aussi rapidement nathalie me dirait des choses qui iraient vers ce registre là...

J'ai hésité à lui en parler... Puis des signes de son attachement se sont renouvellés le lendemain. Alors j'ai écrit un mail... et je l'ai gardé en attente. C'était hier. Mais hier soir nous avons discuté, et précisément nous avons conclu que l'expression en solitaire de toutes mes interrogations et tergiversations n'était pas très bonne entre nous. En clair, que les mails n'étaient pas appropriés à ce genre de choses. Parce que je peux me tromper, échafauder des théories, trouver de fausses explications... qu'elle ne pourra pas corriger immédiatement. Et elle même sera touchée par des mots ou des idées qui égratignent ses fragilités.

En revanche, que je les exprime sur ce journal n'a pas la même portée. D'abord parce que c'est moins direct, et ensuite... parce que je prends quelques précautions ici. Je suis moins sincère avec vous qu'avec elle. Ou du moins... différemment. Ici je m'impose une certaine retenue, je temporise, je suis obligé d'être plus explicatif aussi, moins rentrer dans les détails. C'est moins pesant pour elle.

Entre nous deux (c'est elle qui en a fait le constat), ça se passe très bien lorsque nous sommes en face à face. Et d'autant plus que celui-ci tend vers le "réel" en faisant appel à nos sens. C'est mieux avec cam que par chat écrit en aveugle. Et encore mieux par téléphone, qui n'a pas son pareil pour limpidifier les situations complexes. Au point que nathalie m'a dit que nous nous entendrions à merveille pour vivre une relation de personne à personne. Et effectivement, cela s'est toujours admirablement déroulé de cette façon.

Bon... mais 5600 km nous séparent et il faut bien qu'on fasse avec les moyens dont nous disposons (qui sont déjà fantastiques, j'en suis conscient).

Et cette distance, caractéristique qui marque fortement notre relation, nous amène à trouver un "mode d'emploi". Peu à peu nous nous rendons compte de l'origine des difficultés qui en découlent et tentons d'agir de façon à les réduire. C'est une adaptation qui se fait entre nous deux, et conditionnée par cette distance. Adaptation mutuelle qui renforce sans doute notre lien.
Il en aurait été certainement tout autrement si nous pouvions nous rencontrer aisément. Mais... hum... je me demande vers quoi cela nous aurait menés...


Bon... désolé, je voulais faire concis et sur un seul sujet, et j'ai fait long et ramifié... comme d'habitude. Et encore... je me suis retenu!

Arhhh, ça viendra plus tard, lorsque j'aurais bien dégrossi toute les particularités de cette drôle de relation. Assez inhabituelle... mais néamoins passionnante (j'ai pas dit passionnée, hein!).




Quart de terre



Dimanche 20 juillet


Je m'interroge parfois (comme dans mon texte précédent) sur la distance géographique qui me sépare de ma complice.
Comment notre relation aurait-elle évolué si nous avions été accessibles l'un à l'autre?
Nous serions-nous laisser approcher en sachant que nous pourrions nous rencontrer aisément?
Aurions nous entendu ce désir d'exprimer ce que nous ressentions?

Difficile de répondre à ces questions. Cependant je pense que nous aurions été plus retenus en sentant les "risques" qu'il y avait à trop s'approcher lorsque la complicité s'installe. J'étais très méfiant vis à vis du sentiment amoureux et des conséquences possibles vu mon statut conjugal. Et je crois qu'elle aussi était méfiante, pour d'autres raisons.

C'est donc cette distance, en nous protégeant, qui a permis que nous devenions si proches. Amusant paradoxe. Comme si l'impossibilité de rencontre nous donnait plus de liberté d'expression intime. Je me souviens encore de nos premières conversations lorsque un imperceptible changement dans la nature de notre lien est apparu. Elle parlait de son envie de m'exprimer ses pensées par des gestes. Elle m'assurait qu'elle saurait me rassurer rien qu'en posant sa main sur mon bras. Et moi je lui répondais que ça me paralyserait, tout en imaginant le plaisir troublant que j'en ressentirais.
Les gestes, déjà, lui manquaient pour accompagner les mots.

Il nous a fallu nous passer de tout geste. C'est dommage, parce que je sais que désormais ils me sembleraient absolument naturels.
Tout au plus pourrions nous les décrire avec des mots, les imaginer. Mais cette possibilité n'a jamais vraiment eu nos faveurs.

Les mois passant, nous avons exploré tout ce qui nous permettait de réduire cette distance. Nous parvenons maintenant aisément à "discuter" en face à face virtuel, alors qu'au départ la caméra aspirait nos mots pour ne les restituer qu'en échange de regards. Et le téléphone, rare parce que cher, nous permet de temps en temps d'être au plus près de l'autre.

Mais il demeure cette distance. Cinq mille neuf-cent kilomètres (c'est calculé ). Et six heures de décalage horaire. Un quart de terre.
Oh, ce n'est rien de nos jours. Quelques heures d'avion et on pourrait se rencontrer enfin. Il faudrait un peu de sous aussi... mais ce n'est pas l'obstacle principal (quoique non négligeable). Il y a aussi que ce serait pour un temps limité. Quelques jours, tout au plus. Et ensuite... retour à la même distance que précédemment.

Indubitablement notre relation est placée sous le signe de la séparation des corps, même si on pourra en envisager la suspension exceptionnellement et ponctuellement. Il nous faut donc continuer à nous adapter mutuellement en tenant compte de cette réalité incontournable.

Pourtant, bien que ce soit une façon encore inhabituelle de vivre une relation sentimentale, nous savons qu'il y a des avantages dans cette situation. Cette distance qui nous a mis en confiance et autorisé ce rapprochement est aussi celle qui nous a permis de prendre le temps. Le temps de nous découvrir, de nous explorer l'un l'autre, de trouver ce qui nous convient à tous les deux. La distance géographique a étiré le temps de l'approche.

Je crois aussi qu'elle permet tout simplement que je vive cette relation en parallèle de ma relation de couple sans blocage. Charlotte ne se sentant pas trop menacée par cette personne lointaine, intouchable, qu'elle n'a jamais vue, me laisse la liberté de poursuivre. Il en serait probablement tout autrement si nathalie résidait quelque part en France, ou dans ma région. La négociation (car il y en aurait...) serait sans doute plus complexe...
Et il en irait différemment pour nathalie si je résidais à quelques kilomètres de chez elle. Libre de ses choix, je crois comprendre qu'elle investirait autrement cette relation... Mais voila, je ne suis pas a coté et elle ne peut compter sur ma présence réelle.

C'est un sujet que nous abordons peu, sauf pour constater cette distance. Parce que tout simplement nous ne pouvons rien y changer. Il est inutile de s'interroger à coup de "et si...". Il n'y a pas de si. Il n'y a que la réalité des faits.


Cette distance est donc à la fois source de manque et d'une certaine frustration, mais motive aussi l'approfondissement. Nous continuons à nous approcher, à nous connaître mieux, compensant ainsi ce contact manquant. Être proche nous aurait très probablement attirés vers une rencontre et j'ignore les complications que cela aurait pu poser avec ma vie de couple.

Finalement, peut-être est-ce une chance que d'être ainsi éloignés? Une chance pour vivre et construire quelque chose de solide, approfondir sans engendrer les complications qui seraient apparues en résidant à proximité. Complications dont je ne sais rien, mais que je peux aisément supposer.

C'est certainement une chance pour moi d'apprendre à vivre cette liberté dans les relations. Liberté de chacun qui continue à mener sa vie comme il l'entend. Liberté de trouver l'équilibre relationnel qui conjugue amour et amitié. Car je ne peux pas oublier que c'est cette façon de vivre librement qui m'a séduit chez nathalie...




«Deux heures qui ont passé trop vite, deux heures de bonheur à jouir pleinement de cette si belle complicité que nous partageons et nous imprégner de la présence de l'autre, présence qui nous avait manqué, même si nous n'oserions jamais sérieusement nous l'avouer.»

Le tunnel de mon existence (15/07/2003)





Tout était écrit


Lundi 21 juillet


Enfin une journée grise! Enfin un peu (tout petit peu) de pluie qui humidifie l'atmosphère et le feuillage des plantes assoiffées par cette sécheresse aussi persistante qu'inquiétante. J'en ai donc profité pour rester dans mon bureau et ranger un peu euh... l'infâme bordel qui y a élu domicile. Trier des papier, jeter, ranger... et en retrouver d'inattendus. Comme ces courriels de ma complice que j'avais imprimés parce qu'ils me semblaient très importants, dissimulés pour ne pas rester trop en évidence (c'est que je ne suis pas seul à passer dans ce bureau...)... puis que j'avais oubliés ensuite.

Hop, retour en arrière par la lecture, au mois de mars. Ce moment où nous réfléchissions en commun avec nathalie sur le sens du mot "aimer" et ses multiples déclinaisons. Sur ces nuances qui liaient l'amour et l'amitié, deux sentiments si proches et si différents.
Différents? pas si sûr! C'est notre culture qui les différencie, mais en fait on peut très bien les concevoir comme un continuum, sans limites précises. Et c'est précisément de cette façon que nathalie le vit. Ça me passionnait, sa façon de décrire comment elle ressentait tout ça. Et moi je répondais aux questions qu'elle me posait sur ma façon de nuancer le mot "aimer".

C'était le bon temps... ô nostalgiiiie (hé hé, là je taquine nathalie...). Le temps où elle m'envoyait des mails de plusieurs pages. Ce temps qui m'a marqué et dont j'ai attendu plus ou moins patiemment le retour durant quelques mois. Mais les choses avaient changé, elle était devenue moins libre, puis de plus en plus stressée et angoissée par son travail et divers soucis importants. Ensuite l'été est venu, et avec lui le besoin de profiter de ces mois de soleil et de douceur. Bon... moi j'avais pas bien compris tout ça. Je voyais trop souvent ce qui n'existait plus comme avant. Je ressentais le manque de nos échanges tellement enrichissants, tellement complices, tellement partagés. Je ne savais plus profiter durablement des moments que nous passions ensemble, moins approfondis quoique intéressants sur d'autres plans. De bons moments, vraiment, que je n'aurais eu qu'à saisir tels quels...

Krriiik, scrchh, griiiince... ça a coincé un peu, frotté dans les angles, on ne se comprenait plus vraiment dans cette façon de vivre notre lien. Elle qui voulait rester libre de vivre en dehors de ce que nous partagions et moi qui craignais de voir disparaitre ce qui m'avait apporté tant de bonheur. Ça frottait tellement que ça commençait à me faire de plus en plus mal. Je me suis alors rendu compte que j'oubliais tout ce dont on avait parlé durant des mois, précisément sur ce sujet. Autour de nos conceptions des relations sentimentales.

J'ai réfléchi, tourné dans tout les sens, et d'abord rien compris... et puis, quasi miraculeusement, tout s'est dénoué d'un coup. Enfin... pas vraiment miraculeusement puisque mes cogitations incessantes m'ont quand même permis d'analyser sous les angles les plus variés ce qui se passait. Et le très bon contact que je gardais avec nathalie, lui expliquant de temps en temps mes difficultés, m'apportait toujours son éclairage. Très important de savoir ce qu'elle ressentait de son coté: un mélange de certitude de ses sentiments et de malaise à me voir me torturer ainsi. Je me savais avoir parfois des comportements qu'elle aurait sans doute refusé de la part d'un autre... Mais elle tenait suffisamment à moi pour ne pas perdre confiance. (sans doute cela a t-il réduit mes craintes de la voir renoncer à moi?) et m'a laissé expérimenter par moi même les choses

Ce qui fait que j'ai finalement suivi un processus de pensée assez similaire au sien, a quelques années d'écart. Sauf que je bénéficiais de l'apport de toute son expérience, lentement infusée durant nos centaines de pages d'échanges. Nous nous étions nourris chacun de la perception de l'autre, avant même d'entrer dans cette dimension plus intense de notre lien. Toutes ces idées sur le couple, la liberté, l'amour et l'amitié étaient en nous, en moi, et ne demandaient qu'à être mises à l'épreuve de la réalité.

C'est sûr que ça m'a tiraillé un peu en dedans (ouais, parfois beaucoup, d'accord...) et il m'est arrivé de me demander comment nous pourrions retrouver notre lien en vivant les choses avec autant de décalage. Car si nos idées étaient très semblables, nous différions largement dans la façon de les mettre en pratique.

Mais bon... je crois que finalement je suis allé au bout de ce qui m'était supportable et j'ai découvert une impasse. Ma façon d'aimer (et celle de beaucoup de gens, je crois) était sans issue. Sauf à accepter de vivre une certaine souffrance, ce qui était l'exact opposé de ce que nous désirions. Quelque chose ne marchait pas, de mon coté. En revanche, je voyais face à moi une nathalie sereine (du moins qui l'aurait été si elle ne m'avait pas senti mal en point) qui appréciait chacun des moments que nous passions ensemble tout en vivant de façon autonome le reste de sa vie. Je savais être pour elle présent au quotidien, que ce soit dans son esprit ou en face à face. Même absent, j'étais "là", en elle. C'est une bonne façon de vivre une relation sentimentale, ne trouvez-vous pas?


C'est un peu tout ça que j'ai retrouvé dans ces messages qu'elle m'adressait au printemps. Elle y avait déjà tout dit de sa façon de vivre... et s'y est tenue. Et ces mots étaient eux-mêmes issus de tout ce que j'ai lu d'elle depuis des années, lorsqu'elle était en recherche du chemin qu'elle semble avoir maintenant pleinement adopté.

Vous savez... c'est quelqu'un de vachement bien nathalie. Discrète, mais avec une personnalité très riche, originale, qui gagne vraiment à être connue. Et moi j'ai cette chance de la connaître de près waaoouuuw!

Hmmm, peut-être qu'un jour je vous parlerai un peu d'elle. Ça répondrait à des questions que des gens se (me) posent parfois sur la façon qu'elle a, elle, de vivre cette relation avec moi. Car depuis des années que je lis ses mots, je dispose d'une mine à coeur ouvert sur elle. Un peu comme ceux qui me lisent dans ce journal depuis longtemps savent tous les tourments et toutes les forces qui m'animent.


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Je reçois assez peu de mails en général, sur la boite de ce journal, mais je peux quand même les catégoriser.

Il y a ceux de mes connaissances, avec lesquels une correpondance très espacée et aléatoire s'est établie. Ils sont toujours très respectueux, encourageants, intéressés. En un mot: amicaux.

Il y a eu aussi, lorsque je me suis retrouvé embarqué dans des situations qui me faisaient manifestement souffrir (relations conflictuelles sur forums) des messages de deux types: ceux qui se désolaient de me voir me mettre dans un tel état et essayaient de m'apporter conseils et soutien, mais sans aucun jugement. Et ceux qui m'apportaient leurs "bons conseils", fonctionnant sans doute avec eux et qu'ils pensaient transposables à tous. Ceux là étaient souvent assez peu délicats et ne m'aidaient guère.

Et puis il y a, de temps en temps, des messages d'inconnus (qui sont souvent des inconnues) qui, soit me découvrent et me font partager leur plaisir (généralement en quelques mots), soit disent me lire depuis très longtemps sans s'être jamais manifesté... et saisissent l'occasion le jour où un de mes texte les touche particulièrement. Ces messages sont alors souvent assez longs, approfondis, et très confidents. Je suis toujours touché par cette confiance qui m'est faite, et heureux de savoir que mes réflexions apportent quelque chose à d'autres. Car je l'ai souvent dit, c'est bien le but principal de ce dévoilement public.

Et justement, depuis quelques temps, je reçois quelques messages de femmes qui vivent une relation similaire à ce que je décris depuis des mois. Et je ressens comme... un esprit d'entraide. Un partage d'expérience autour de cette forme de relations à distance, nouées sur internet. C'est encore récent, peu commun dans la vie courante (mais assez répandu dans le monde internet, apparemment) et il y a un désir de communication autour de ça. Une très jeune femme m'a expliqué comment elle et son ami avaient construit leur relation intercontinentale, sans jamais se rencontrer, en gardant une totale liberté dans leur vie "réelle". Une autre me demande, ce matin, comment je parviens à concilier cette relation à distance et ma vie conjugale.

J'aime ces échanges, cette entraide, ces liens qui se tissent le temps de quelques échanges... puis s'effacent généralement lorsque la mise en commun a été fructueuse pour chacun.


Et en y songeant, je me dis que parmi tous ces correspondant(e)s que j'ai eu... il y en a bien peu avec qui le contact a duré depuis les trois ans qu'existe ce journal. Je le dis sans amertume aucune, mais pour mieux mesurer l'importance de ces personnes pour moi.

Et il n'y en a qu'une seule avec qui l'intérêt a été suffisamment fort, et réciproque, pour qu'un inéluctable rapprochement s'opère. C'est amusant de constater combien, finalement, ce genre d'affinité exceptionnelle est rare. Parmi les centaines (milliers?) de personnes qui ont lu ce site, donc qui ont eu exactement la même vision de l"Idéaliste" (ou du moins la même possibilité), il n'y en a qu'une seule que j'ai... euh... séduite aussi fortement. Et elle est aussi la seule qui m'ait séduit aussi fortement. «Parce que c'était elle, parce que c'était lui»... faux destin, mais vraie rencontre.



[N.B. J'en profite pour faire passer en douce un message: je mets souvent du temps pour répondre, en ce moment, aux longs mails. Ma capacité d'écriture et de réflexion n'est hélas pas sans limites, essentiellement de temps. Que ceux qui m'ont écrit ne désespèrent pas devant le délai de réponse]





Souffrance d'enfance



Mardi 22 juillet


Psy 3.4

Je me suis rendu à la séance en ayant presque rien préparé. J'avais rapidement révisé (relecture de ma page 3.3) juste avant de partir afin de me remettre dans le bain pour ne pas risquer la panne de mots.
Faut dire que ma nuit avait été courte puisque j'avais discuté avec nathalie jusqu'à 3 h du matin. Ma séance étant à 8h30, et compte tenu du temps de trajet, je vous laisse faire le calcul...
De plus, mon esprit était passablement préoccupé puisque nathalie avait abordé le sujet de la rencontre que nous désirons... mais qu'il est bien difficile de programmer actuellement. Il a été question d'une éventualité à courte échéance, rendue "impossible" parce que je n'ai pas vraiment le choix de décider... sans tenir compte de Charlotte. Nous avons longuement parlé de ce choix/non-choix, qui n'est peut-être pas évident à concevoir pour nathalie, femme libre et ne vivant pas en couple. Mais de mon coté les conséquences de ce choix pourraient avoir tellement de répercussions que je ne peux pas le faire sur un coup de tête. Même si l'envie de cette rencontre est très forte et ardemment désirée (soupir).

Bref, j'étais un peu préoccupé par ça. Et aussi par la réaction de Charlotte qui, lorsque je suis allé me coucher, était un peu bougonne parce que je ne lui avais pas dit que je me coucherais si tard. Ce à quoi j'ai répondu qu'elle ne m'avait pas dit qu'elle m'attendait. Mouais... pas évident parfois de savoir ce que l'autre désire si on n'en parle pas, hein?
Et comme, généralement, Charlotte s'endort dès qu'elle est couchée... ben je n'ai pas bien de raisons de préférer m'endormir à coté d'elle plutôt que passer quelques heures en compagnie d'une personne qui me fait vivre des moments de partage complice. Si je vivais de tels bons moments en soirée avec Charlotte, je n'aurais jamais été happé par internet. Et je n'aurais pas non plus ressenti le besoin de discuter avec d'autres. Car je discute beaucoup avec Charlotte, mais généralement en journée. Je refuse donc de me culpabiliser à ce sujet, même si on peut penser qu'il est immoral, ou triste, de préférer passer du temps à distance avec une autre plutôt que de s'endormir dans les bras de celle qu'on aime. Voui, sauf que s'aimer en silence, sans dialogue... ben c'est pas mon truc. Pas en ce moment, alors que j'explore tant de choses. J'ai besoin d'échange d'abord et ensuite de tendresse, bisous et autres contacts... Ça marche pas dans le sens contraire. Je suis fait comme ça, c'est tout.
Il faut quand même avouer que Charlotte m'avait peu vu depuis trois jours car elle travaillait de nuit... et dormait une partie de la journée.


Donc (faut quand même que je suive le fil de ce dont je voulais parler...), je suis arrivé chez ma psy la tête à peu près vide. J'avais juste quelques idées principales, évoquées ici à l'issue de la séance 3.3. Je les ai rapidement énoncées... et puis finalement la suite s'est enchaînée sans hésitations. Et quelle suite! Jamais je n'aurais vécu une séance aussi... lacrymale.

J'ai abordé cette peur de ne pas plaire, généralisable à tous les gens que je cotoie. Ma mère, mon père, mes profs, mes patrons. Cette crainte de déplaire surtout, de n'être pas "à la hauteur", d'être rejeté. 
Inévitablement je lui ai parlé de certains forums internet, où je me suis si souvent senti mal à cause de l'agressivité et du rejet de l'autre qui peuvent y régner. Le côté, non pas masochiste à y rester, mais opiniatre... cherchant désespérément à me faire apprécier un jour par des gens qui manifestement n'en avaient rien à foutre. Ce coté acharné à vouloir qu'on s'entende, se comprenne, et arrivions à un point d'accord.
Je lui ai aussi parlé de ce journal en ligne, ou je m'expose et me rends vulnérable. C'est comme si, dans tous ces contacts virtuels, je recherchais absolument à être simplement estimé, apprécié. Et pour ce faire je suis prêt à ouvrir mon âme, à être transparent, à montrer à quel point je suis sincère. Me faire traiter d'hypocrite ou de faux-cul ayant été le pire de ce que j'ai pu endurer.

Par je ne sais quel raccourci, j'en suis venu à parler de l'explication possible de cette impression de n'être pas "aimable", ancrée au plus loin de mon enfance (naissance de mon frère). La psy a écouté, noté, mais n'a rien dit.

Là, ça a commencé a se gâter un peu...

Je sentais que les mots devenaient difficiles à sortir. J'ai parlé de mon rapport aux souvenirs d'enfance. Rien que le mot "enfance" était source d'émotion. Enfance... paradis perdu... période d'insouciance. Les mots étaient lourd de sens et peinaient à sortir. Hum, je sentais que je touchais quelque chose de pas accepté.

Et justement, en rapport avec cette émotion qui affleurait, j'ai voulu lui parler de ce que je ressens lorsque je vois des tout jeunes enfants. De 3 à 5 ans environ. Là... les mots ne pouvaient plus sortir sans larmes. Il fallait que j'énonce doucement, avec de longs temps de maîtrise de cette émotion. Je lui ahanais «petits enfants... en groupe... émotion intense». J'ai oublié de préciser «impression d'innocence... de vulnérabilité face au monde...» [zut, l'émotion revient en écrivant]. Puis je tentais de lui expliquer que je ne savais pas pourquoi je réagissais comme ça (j'étais en larmes).

Alors tout d'un coup, association de pensée inconsciente... je revois mon frère. Mon petit frère [merde ça recommence...]. Gargl... les mots ne pouvaient pas sortir. Non que je ne voulais les dire, mais que je ne voulais m'effondrer. Pas par gêne (ça je m'en fiche devant elle), mais parce que si je laissais jaillir l'émotion, je me serais mis à pleurer comme un veau. Et un veau ça n'articule plus rien, ça ne réfléchit plus. Donc, j'ai continué à dire mes mots un... par... un..., avec de très longs silence entre eux, pouvant à peine les terminer. [P'tain... rien qu'en laissant venir les idées, là, ça m'envahit encore]. «Petit frère... très proche... (idée d'amour, de fusion, de complicité) [brouff, je sanglotte en écrivant ça... mot à mot]... souffrance... à voir la violence... de mon père sur ce petit maladroit gaffeur... impression d'immense injustice». C'est sûr, voir quelqu'un de si proche, que j'aimais comme on aime étant enfant (de façon absolue), se faire gronder et prendre des fessées à longeur de temps... ça marque. Les colères de mon père, quasi quotidiennes, nous terrorisaient. Et moi, l'enfant bien sage [tiens ça explique sans doute bien des choses, ça encore], voyais impuissant ce double, ce presque jumeau, martyrisé par ce père autoritaire et rigide. Forcément, j'ai du en déduire, du haut de mes 5 ou 6 ans, que j'avais intérêt à être bien sage et bien gentil si je ne voulais pas subir le sort de mon pauvre acolyte.

[ouuuf, un grand soupir, ça va mieux]

Me sont alors revenus les souvenirs de cet "autre frère" (mais c'est bien le même) qui, devenant adolescent, a voulu montrer que, bien que mon cadet, il ne m'était pas inféodé. Et qui, à chaque occasion, ne manquait pas de montrer qui'il était plus grand et plus fort que moi. Il m'humiliait publiquement en se foutant de moi, ou en m'agressant (sans violence, seulement pour me dominer) devant les groupes d'élèves qui nous connaissaient, lorsque nous étions au collège. Je n'avais aucune envie de me battre et sa grande taille lui permettait de me maîtriser sans beaucoup d'efforts.
Souvenirs douloureux aussi de ce qui a marqué ma "rupture" de la confiance que j'avais en lui lorsqu'il s'est moqué devant toute la famille des confidences que je lui avais faites. Je crois que c'est ce jour là que mon "petit frère" est "mort" pour moi. Et de fait, jamais je n'ai retrouvé vraiment confiance en lui. Actuellement, bien que nous nous rencontrons au sein de la famille, nous ne nous disons rien. Nous sommes étrangers l'un à l'autre. Mais l'entente est cependant neutre. Aucune animosité ni rancune. Non, il n'y a qu'un rien. Sauf une souffrance à l'intérieur de moi. Et peut-être de lui?

Mon frère, c'est tout l'inverse de ce que je suis. Massif alors que je suis plutôt svelte, il est ce qu'on appelle une "grande gueule". C'est un amuseur, qui a toujours autour de lui des tas de copains. Ça rigole beaucoup et fort, ça taquine les autres... pas toujours avec tendresse. Ceux qui ne me connaissent pas sont ahuris d'apprendre que ce gars un peu effacé, discret, très peu bavard, est le frangin du grand rigolo.
Il est aussi l'inverse de moi en ce qui concerne l'expression de soi. Ah ça, il est bavard et mobilise toute l'attention autour de lui (au détriment des autres), où qu'il aille, mais question intériorité... zéro. Le néant. Sa devise, lorsqu'il a un problème d'ordre émotionnel: «je mets un caillou dessus et je continue mon chemin». Ouais... pas bien mon genre hein? Moi le décortiqueur de la moindre de mes émotions...

Pourtant je sais très bien que mon frère est quelqu'un de très sensible qui se cache sous une carapace de gars sûr de lui. Mais cette sensibilité est inaccessible. Je peux compter sur les doigts d'une seule main les fois où il je l'ai entendu se confier, en présence de Charlotte (qu'il aime bien). C'est quelqu'un qui est fin et sensible, mais se camoufle derrière un personnage de bon vivant, un brin vulgaire et grossier.

Bon, mais je ne vais pas écrire sur mon frère, hein. C'est pas son journal.


Mais je vois quand même là quelques pistes, notamment mon allergie au rapports de domination, aux grandes gueules qui prennent toute la place et se moquent des plus sensibles (ça, je dé-tes-te).

J'ai tenté, il y a quelques années, de lui expliquer tout ça par écrit. Je lui ai même demandé de me pardonner la seule et unique fois où j'ai fait preuve de lâcheté (euh... j'avais 6 ans) devant un père déchaîné qui nous frappait à tour de bras pour faire avouer le coupable d'une bêtise de gamins. C'était moi le coupable, aussi terrorisé que lui, mais il avait reçu bien davantage parce que c'était habituellement lui l'auteur des bêtises. J'ai traîné la honte de la responsabilité de cette injustice (certes minime) pendant bien longtemps. Et quand je lui ai demandé tout simplement pardon... il s'est foutu de ma gueule en disant que le pardon servait à autre chose que des conneries de gamin. Et que c'était tellement risible qu'il en parlerait à ses copains pour rigoler un bon coup. Je ne sais pas s'il l'a fait (et je m'en fous), mais en refusant d'accepter ma demande, mes excuses, ma main tendue, en se moquant de ma tentative, il a davantage marqué le vide qui nous sépare.

Mon frère est depuis longtemps un inconnu, un étranger, et le souvenir de mon petit frère est une douleur. C'est comme s'il était mort.
Je me demande si je ne recherche pas dans mes relations proches cette complicité, cet amour absolu... tout en craignant par dessus tout d'être rejeté plus tard. Ça expliquerait sans doute ma prudence et ma retenue dans les liens que je peux nouer. Mon extrême sensibilité à tout acte qui vise à rabaisser autrui, l'humilier.

Père, mère, frère... beaucoup de ce qui fait mon comportement actuel vient de ma petite enfance. Je n'ai rien vécu de terrible en soi, mais ma sensibilité à fait que j'ai pris de plein fouet certains actes de ces personnages-clé. J'en ai été fragilisé des années durant, ce qui m'a mené à être ce garçon effacé, mal dans ma peau, souffrant de me maintenir à l'écart des relations... dont j'ai finalement tant besoin. Ces fêlures, je les comprends peu à peu et apprends à les protéger. A ne pas les solliciter. Ce sont mes points de faiblesse, ceux qui me font le plus mal. Ma force (car je me sais fort), sera de protéger ces failles et de laisser vivre la part de moi qui a quelque chose à partager avec autrui.
Car je sais, maintenant, en dehors de ces acteurs principaux qui ne m'ont pas montré leur estime, ni qu'ils m'aimaient tel que j'étais, que je suis souvent apprécié. Et par des gens que j'estime et apprécie. Je sais que ce sont ces voix que je dois écouter. Et faire taire les voix de mon enfance qui me renvoient à une image négative, fataliste, rabaissante.

Je n'en veux à personne de ce que j'ai vécu. C'est ma sensibilité naturelle qui m'a fait percevoir les choses avec une telle intensité. Je n'attends aucune réparation, car je sais que c'est en moi que se trouve la solution de mes maux. C'est moi qui ai mal vécu les choses, c'est à moi de corriger mon mode de pensée. Cependant je ne protègerai pas ceux qui m'ont fait vivre tout ça. Je le dévoile peu à peu, sans animosité, sans agressivité, au fur et à mesure que je comprends et accepte les évènements. Je n'ai pas envie de faire souffrir qui que ce soit par une culpabilisation tardive et inutile. 
Je ne veux pas davantage dépendre d'une reconnaissance de mes souffrances. Elle est importante pour aider à la transcender, mais pas indispensable pour la surmonter.

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Se remettre en question, c'est aussi entraîner les autres dans son sillage. Ce que j'ai vécu récemment avec nathalie (découvrir combien la dépendance à l'égard de l'autre est néfaste), c'est avec Charlotte que j'en discute maintenant. Parce qu'elle comprend qu'elle même est dépendante de moi, de l'amour que j'ai pour elle. Elle me l'a dit, en pleurs, au cours d'une discussion sur mon coucher tardif de la veille.
Je la vois se débattre comme je le faisais très récemment entre ses besoins, ses attentes, et les exigences qu'elle a envers moi.

Elle doute d'elle même et de l'amour que je lui porte. Elle a beau accepter que je passe du temps (a distance) avec une autre, constater le bien-être que ça m'apporte, il y a au fond d'elle une voix qui s'interroge sur ce qu'elle est pour moi. Alors je me revois en elle et je sais combien il est difficile d'avoir suffisamment confiance en l'autre, donc avant tout en soi, pour le laisser libre de ses choix. En lui expliquant que le bonheur naît de plaisirs partagés spontanément, j'entends encore la voix de nathalie me dire le même genre de mots. N'attendre rien de l'autre, mais prendre tout ce qui vient de lui au moment où on peut le partager.

J'en suis tellement convaincu, après avoir réfléchi des années là dessus, que les mots coulent de moi comme d'une source. C'est l'évidence qui parle en moi. Et j'en parle d'autant plus aisément que je me sais encore jeune novice en la matière, donc sujet à des rechutes. Ce que ressent Charlotte, je le ressentais il y a encore une dizaine de jours. Je ne suis certainement pas encore "guéri" de ce mode de pensée que j'ai eu pendant un quart de siècle.


Parfois je me dis qu'en me lisant on pourrait penser que je me suis laissé contaminer par ma complice, comme si elle avait agi, tel un gourou, sur un esprit faible et malléable. Or je sais que je ne suis pas un esprit faible. Si j'ai mis tant de temps pour changer de mode de pensée, avec toute la diversité de questions que j'ai pu me poser, c'est bien que je m'en suis imprégné en toute conscience. J'ai même (et surtout!) eu la chance de pouvoir mettre en pratique mes théories... et me planter lamentablement (schhplarff!) en ne les appliquant pas. J'allais droit vers la catastrophe et c'est en changeant de cap que j'ai pu sentir combien la voie était plus sereine. J'ai quitté les zones de turbulence pour entrer dans une mer de sérénité (ouais, bon, le lyrisme me fait un peu exagérer les choses). Mais ce qui est certain, c'est que je suis absolument convaincu que cette voie, celle qu'a choisie avant moi ma complice, est celle qui me convient. Même si la suivre demande des efforts et une certaine vigilance.

Je ne peux évidemment pas demander à Charlotte de prendre cette voie si elle n'y est pas prête, mais ce qui est certain c'est que moi je vais la poursuivre. Et il est probable que Charlotte devra se poser des questions: m'y suivre, ou vivre une certaine souffrance?

Car en étant à l'écoute de moi-même, en ne voulant pas forcément me plier a ses demandes si elles doivent me coûter, il y aura forcément poursuite des changements initiés il y a quelques années. C'est à dire avoir une vie plus autonome... en tous domaines. Y compris relationnel, évidemment. Et nécessité d'acceptation de partager moins de moments systématiquement en commun, afin de vivre pleinement, en communion, ceux qui auront été choisis ensemble de plein gré.

Ça me semble devenu tellement évident...

[Charlotte vient de lire ce chapitre qui la concerne. Elle en avait lu une ligne, reconnaissant le pseudo que je lui donne et était un peu interrogative. Alors je lui ai proposé de lire et elle a accepté.
Elle n'a rien dit, parce qu'elle savait déjà tout ça. On s'est embrassés et elle m'a proposé de faire l'amour. Ce qu'on a fait, voluptueusement et avec fougue. Deux fois de suite...]



Lorsque je fais l'amour avec Charlotte... que devient cette autre femme que j'aime, ma complice? Hé oui, vous vous posez peut-être la question, si vous n'avez pas connu deux amours simultanés. Et bien ma complice est là, en moi. Je suis avec Charlotte, entièrement, mais je sens la présence de nathalie, qui m'accompagne.

Non, je ne transpose pas sur Charlotte l'image de nathalie. Tout au plus durant quelques instants minimes il peut m'arriver d'imaginer ce qu'il en serait si j'étais dans les bras de cette autre femme que j'aime. Mais ça ne dure jamais. L'une et l'autre sont distinctes. Et lorsque l'intensité atteint son paroxysme, alors nathalie s'efface... et ne réapparait que lorsque vient le moment de la détente et du repos.

Et si un jour... (imaginons...) je peux me trouver dans les bras de nathalie, alors je sais que Charlotte serait là aussi, en moi. Non comme un regard culpabilisant, mais comme la femme que j'aime et qui accompagne ma vie. Si je ne parviens pas à vivre les choses de cette façon, alors je crois que cet échange ne serait pas possible. Car la culpabilité de "fauter" gacherait tout.


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Mercredi 23 juillet (matin)

Ce texte à plusieurs sujets, long, aura été quelque chose de fort pour moi. Il est écrit depuis une journée, relu plusieurs fois, et finalement peu modifié. Je n'ai rien censuré, bien qu'y ayant pensé pour certains passages.
Je ne sais pas jusqu'à quand je serai capable de m'exposer ainsi en ouvrant mon intériorité. Parfois je me dis qu'il y a quelque chose de fou a en dire autant. Mais il faut croire que ça m'est nécessaire. Il est probable que c'est une façon pour moi de regarder en face, et montrer, ce qui m'a construit. Je ne cache pas mes souffrances, même si certaines peuvent passer pour bien peu importantes. Car pour moi elles ont été importantes, et fondamentales par les blessures qu'elles ont causé.

Ce qui compte c'est la façon dont les choses ont été ressenties, pas l'objectivité froide d'une relativisation de la gravité des faits.

Si je témoigne de ce que je ressens, c'est en songeant à des gens qui pourraient me lire et sentir un écho dans l'énumération de ces micro-évènements marquants. Je sais qu'il y a des gens qui se demandent un peu en quoi consiste une psychothérapie, comment ça fonctionne, ce qu'on doit dire, le rôle du psy. Alors, comme, je suis devenu convaincu des bienfaits de cette remise en question de soi-même, j'ai envie de décrire ce qui se passe pour moi.

J'ai aussi envie de dire qu'on peut se construire en présence ce ceux qui ont pu nous causer des souffrances, sans tout rejeter, sans fuir ceux... qu'on aime quand même. Apprendre à se protéger, mais sans fermer les portes. Installer un voile, poreux au bien-être et au partage, mais étanche a ce qu'on sait être toxique, néfaste.




Eventualité hypothétique


Mercredi 23 juillet (soir)


La lointaine possibilité d'une rencontre avec nathalie, compliquée à imaginer parce qu'elle me met en porsition délicate par rapport à Charlotte, est venue subitement sur le devant de la scène de mes idées. Nous savions que, parce que je suis marié et que Charlotte n'est pas prête à me laisser passer quelques jours avec une autre femme que j'aime (je la comprends...), une rencontre entre nous, souhaitée de part et d'autre, ne pouvait être liée à un délai. nathalie m'avait même dit que s'il fallait attendre dix ans, ça ne l'inquiétait pas. Elle m'assurait aussi que, aussitôt que je serai d'accord, elle traverserait l'océan illico (ou presque).

Tout dépend donc de moi. Je suis l'élément commun de deux relations et c'est à moi de choisir ce que je souhaite. Hmmm, inutile de dire que si je me mettais la moindre pression ça tiraillerait sérieusement dans ma tête. Donc... je gardais cette possibilité pour plus tard, reportée sine die. Ce que je souhaite, moi je le sais. Par contre, tout cela ne concerne pas que moi...

Régulièrement je fais des allusions à cette rencontre sur le ton de la mi-plaisanterie avec Charlotte. Je lui parle de ce voyage outre-atlantique... Elle sait très bien que j'en ai envie, que je n'ai plus de limites, et on en reste là. Je suis patient... et elle connaît mon obstination à obtenir ce que je veux. Sauf que je ne veux pas qu'elle se sacrifie pour moi. Je ne veux pas non plus la culpabiliser comme étant "élément bloquant", car je sais qu'elle aimerait me faire plaisir... tout en écoutant sa propre incapacité à accepter ça.
Euh... et qu'on ne me dise pas que je la fais souffrir! Je ne veux pas faire souffrir Charlotte, parce que je l'aime. Mais je ne veux pas non plus me priver de vivre ma vie parce qu'elle n'est pas prête à me suivre.
La situation, bien complexe, est donc loin d'avoir trouvé une solution. Mais rien ne presse.


Sauf que... la lointaine possibilité est devenue depuis quelque jour une "éventuelle et hypothétique possibilité prochaine". Ça ne change pas fondamentalement les choses... mais ça me met face à quelque chose que je pensais bien loin. Ça réveille en moi un mélange d'espoir et d'inquiétude: et si... il devenait possible que je rencontre nathalie, non pas dans son pays, mais qu'elle aie l'opportunité de venir?

Je n'avais pas vraiment imaginé cette solution, même si je l'avais envisagée (oui oui, je fais une nuance entre les deux mots).

Rencontrer ma complice, là, dans un délai assez court (je ne sais même pas lequel tant l'éventualité est restée vague). Oh la la... mais c'est que c'est diablement palpitant ça! Quand elle m'en a parlé, j'ai senti mon coeur s'emballer dans ma poitrine. Je ne savais quoi répondre.

Elle ne viendrait pas "pour moi", étant accompagnée, mais il lui était difficile d'imaginer être si près de moi sans qu'on se rencontre. Ben tiens! et moi donc!!!
Les conditions seraient bien différentes de ce que j'avais imaginé (quelques jours dans sa ville), mais qu'importe! L'occasion de la rencontrer, de mettre enfin nos présences l'une en face de l'autre est vraiment tentante. C'est... comment dire... c'est tellement un manque cette impalpabilité. J'ai envie de la voir, toucher par tous mes sens sa présence, voir son visage en trois dimensions, entendre sa vraie voix, son vrai rire. Sentir passer en direct ce qui passe habituellement par par des réseaux électroniques. Mettre en jeu tous ces capteurs mal connus qui nous font réagir aux gestes infimes, aux phéromones, à tout ces phénomènes invisibles.

Et puis... et puis bien sûr que j'imagine aussi des contacts plus tactiles. Par les mains, par les corps, sur les bras, sur le visage... Et puis... et puis...bien sûr que j'imagine aussi des contacts plus proches encore. Peau sur peau, corps contre corps. Ces contacts dont on a envie avec quelqu'un qu'on aime (aoOOouwaaooOOouuUuuuwww!). Ces contacts que, justement, Charlotte ne peut accepter actuellement (flop!). Et ce qui a fait que j'avais reporté à bien loin l'idée d'une rencontre.

Alors, depuis que cette "éventuelle et hypothétique possibilité prochaine" a fait son apparition, j'imagine ce qu'il pourrait en être. Comment, sous quelle forme, jusqu'où?

Je n'ai aucune solution, et ne me presse pas pour en trouver. D'autant moins que je ne veux pas faire naître un espoir qu'il pourrait être frustrant de ne pas voir se réaliser.

N'empêche que j'y pense. Petite musique qui m'accompagne.

Et je sais déjà que, quelles que puissent être les conditions... je souhaite* rencontrer nathalie si elle traverse l'Atlantique.

Mais... restons zen... pour le moment notre relation reste marquée par le signe de l'éloignement et de l'intouchable. Et le restera peut-être encore longtemps.



* Précision ultérieure
J'ai donné ce texte à lire à nathalie, hier soir (avant mise en ligne), pendant que nous discutions, et je me suis rendu compte combien le sens des mots pouvait varier selon ce qu'on veut faire passer et ce qui en est compris. Je ne sais pas ce que vous, lecteurs, aurez compris de mes "souhaits" quant à cette rencontre. Mais nathalie, elle, à lu le mot "souhait", et l'ensemble du texte, comme si j'en restais à quelque chose d'impossible à réaliser. En gros, elle avait compris que nous ne pourrions pas nous voir.

Or ce "je souhaite" et ce qui le précède, signifiait pour moi un ardent désir (envie, volonté) de la rencontrer. Je n'avais pas mis le "JE VEUX" qui hurle dans ma tête... parce que... je ne voulais pas être trop insistant (oui, moi aussi j'ai tendance à ne pas oser croire en ce que je suscite chez elle). J'avais peur qu'elle se sente "forcée" de me rencontrer alors qu'elle ne viendrait pas spécifiquement pour moi. Je suis donc resté à ce moins exigeant "je souhaite". Et puis... j'ai préféré rester un peu vague parce que rien n'est sûr.

Mais bon... nous avons ensuite très longuement parlé de cette éventualité, et compris que notre "souhait" était aussi... ardent de part et d'autre. C'est... un rêve qui, de lointain, devient soudainement très proche.
Il m'est tout simplement impossible de concevoir que je ne puisse pas rencontrer nathalie si elle venait aussi près de moi (fût-ce à l'autre bout de la France).

Mais... je pense que je reparlerai de tout ça dans les jours à venir...

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J'ai été touché de voir que les réflexions que j'ai eues autour de mes souvenirs d'enfance ont réveillé quelque chose chez Ultraorange. Elle y raconte un rapport avec son petit frère bien différent de celui que j'ai eu avec le mien, question de rapport d'âge. Et les questions qu'elle pose «Je me demande... qui on est si ce n'est le résultat de notre histoire ?
Aurais-je été un peu la même si j'avais été fille unique ? Si j'avais été la ptite soeur de quelqu'un ?...
» fichent le tournis, comme elle dit.

Je me réfléchissais un peu à ça hier, cherchant la part héritée et la part "génétique" (pas sûr que ce soit le terme approprié) de ce qui m'avait fait. Il me semble que si je peux citer certains faits bien précis, que je sais avoir été marquants dans mon parcours, il y en a d'autres, tels que ma sensibilité, qui ne me semblent pas avoir été "appris". J'ai vraiment l'impression d'être né avec ça. Sinon, comment expliquer que mon frère, avec la même éducation soit aussi différent de moi? Tandis que ma dernière soeur se trouve être proche de moi dans son mode de fonctionnement.

J'ai bien aimé la façon d'Ultraorange de décrire des élements matériels de ses souvenirs. Elle parle des Lego (avec lesquels je jouais aussi avec mon frère) et des Playmobil (nés un peu trop tard pour moi puisque je devais avoir une douzaine d'années). C'est vrai, je me rends compte qu'en restant assez cérébral j'omet de "planter le décor", de donner un support à la machine à imaginer. Pour ça, j'aime beaucoup Ultraorange qui nous met dans l'ambiance de ce qu'elle vit. Ses récents souvenirs de vacances sont un régal tant les descriptions sont imagées. Je pourrais presque dire que j'y étais (ouais, bon, j'exagère un peu). Oh, et puis je craque pour ses multiparenthèses qui s'entremèlent... et qui finissent toujours par se refermer dans l'ordre inverse à celui de l'ouverture. Elle a de la suite dans les idées et sait ne pas perdre le fil.

Puis bon, sa façon de s'exprimer, sa fantaisie, son mode de pensée, son coté altruiste... j'aime bien. C'est très différent de moi et c'est pour ça que ça me plaît. Par contre, elle me décomplexe sur la longueur de mes textes, parce qu'à mon avis on doit être à peu près kif-kif. Au moins, on sait qu'on en a pour un moment en rentrant sur son blog, hé hé.

Voila, c'était mon coup de coeur du jour.



«Quand il y a conflit, je me sens mieux quand c'est moi plutôt qu'un autre qui s'en prend plein la gueule. S'il y a un problème dans l'air, je ne réussis pas à m'amuser, je culpabilise, je suis incapable de me dire "ce n'est pas ton problème" (enfin, j'essaie, mais ça ne marche pas).»

Immediate Purple Lifestyle (23/07/2003)




Dire à mots feutrés



Jeudi 24 juillet


De temps en temps, nous nous rendons compte, avec nathalie, qu'à force d'être discrets et retenus dans l'expression de ce qu'on ressent l'un pour l'autre, on en viendrait presque à ne plus savoir ce qu'il en est.

Alors que nous parlions de cette éventuelle et hypothétique future rencontre envisagée (ouf, y'en a assez?), nous avons tous les deux eu cette même remarque: «je ne sais pas si tu sais à quel point je tiens à toi». Bizarre, non? Elle s'imaginait dèjà que je n'accepterais pas qu'on se rencontre (pour raisons conjugales), alors que j'avais du mal à comprendre qu'elle ait pu imaginer que je puisse refuser cette rencontre. C'est au cours de l'explication, voulant me dire combien ce renoncement lui avait été «épouvantable» que je lui ai dit qu'il m'était inconcevable.

Et pourtant... combien nous dialoguons! Mais le sujet de l'attachement qu'on a l'un pour l'autre est forcément un peu sensible. On en parle à mots feutrés, souvent un peu détachés, même si parfois l'expression est très claire est sans ambiguité. Mais il y a comme une prudence à entrer dans ce domaine éminemment fragile. Parce que notre situation l'impose. Toujours à cause de cette distance géographique... et de mon statut conjugal.

Mais que la possible éventualité suppositive d'une rencontre existe... et la question revient en première ligne.

Euh.. quelle question au juste? Peut-être... «jusqu'où peut-on s'attacher l'un à l'autre?». Car vivre une relation amoureuse à 5900 km de distance... ben c'est pas facile. Et puis vivre une relation avec un homme marié, donc "pris", je suppose que ça implique aussi certains renoncements. Quant à vivre une relation en parallèle de son mariage... ça signifie aussi que certains développements sont impossibles. Il faut donc, "ecrêter" quelque chose. Maintenir les sentiments dans certaines limites (de temps partagé, de besoin de contact), tout en essayant de garder intacts lesdits sentiments et les sensations qu'ils procurent.

La prudence incite, je crois, à ne pas trop solliciter leur expression. Parce que... eh ben... se dire, et sentir, qu'on... s'aime... déclenche des souffles d'émotion. C'est sans doute pour ça qu'on ne se le dit jamais directement. Ces deux mots et demi, je ne sais pas si l'un de nous les a employés comme ça, isolément. J'allais dire "romantiquement". On les énonce parfois, au cours d'une discussion, comme un fait, au milieu de plein d'autres mots. Mais même, je crois qu'on s'abstient de trop les dire. Pour ne pas les user, ne pas les banaliser... alors qu'on les "neutralise" un peu en les insérant parmi d'autres. Tout cela aboutit à un certain flou, sans doute plus ou moins volontaire, où on ne dit pas, mais on sait. Sauf que, manifestement, parfois on ne sait plus bien. Ou bien on se trompe un peu en minimisant l'attachement de l'autre.

C'est à la fois rassurant de se garder une marge de prudence... et inquiétant de ne pas savoir très bien où l'autre se situe. Et puis ça conduit à des erreurs d'interprétation. Nombreuses de ma part lorsque j'étais encore en position de "demandeur", et partagées cette fois-ci par manque de... sincérité (transparence) dans l'expression des sentiments.

Pfff, mais c'est que le chemin est étroit! Trop en dire, et faire un peu peur (attention, ne pas trop s'attacher!) ou ne pas assez en dire, et faire un peu peur (que suis-je pour lui/elle?). Mouais... faut dire qu'on ne se retrouve pas dans la situation la plus simple hein?

Et déjà, si cette possible éventuelle rencontre supposée devait se réaliser... on songe à tout ce que ça va solliciter comme émotions et réveil de sentiments. L'avant (miam!), le pendant (miam miam!!)... et surtout le après (euh.... gloups!). Bon, mais inutile de trop y songer tant que l'incertitude demeure. J'aurais bien assez le temps de cogiter sur le sujet...

Pour le moment, cet espoir est amplement suffisant pour y goûter avec plaisir... tout en sachant que ça n'ira peut-être pas plus loin que de vagues projets. Prendre... sans attendre.




Feuilleton, suspens... et tomates vertes


Vendredi 25 juillet


Je me demande si ces derniers jours je n'ai pas transformé ce journal en une sorte de feuilleton "Les aventures d'Idéaliste et de sa complice". Je raconte ma vie sentimentale, mes problèmes, mes avancées... Et voila que j'évoque ce qui pourrait arriver dans les semaines à venir! Wow, quel suspens!
Idéaliste rencontrera t-il nathalie? Comment vont-ils préparer ça? Et si la rencontre devait avoir lieu (suspens, suspeeeens..) que va t-il se passer? Tadadaaaam!

Euh... zut, avant même de savoir si ça pourra se réaliser, va falloir que j'adopte une stratégie. En parler ou pas? Pas sûr que je sois bien tenté de me sentir "suivi" du regard (ouais, je crois pas non plus que tous les yeux soient tellement préoccupés par ce qui m'arrive...).

Non... en fait, si j'extrapole en supposant que l'éventualité puisse, éventuellement, devenir éventuellement possible, c'est à l'éventuel "après" que je pense déjà. Pas l'après avec nathalie (quoique...), mais l'après avec le lectorat.

Je me vois mal raconter ce qui se sera (peut-être) passé. Ben voui... Parce que... je crois que je ne voudrais pas donner la possibilité d'être jugé. Entre cette diariste qui m'a qualifié un jour d'"inhibé" (j'ai pas aimé...) et d'autres qui peuvent estimer que mon statut conjugal ne m'autorise pas ce genre de rencontres... et ben j'aurais pas envie de me sentir redevable d'explications ou de justifications. Donc... il se pourrait bien que je fasse le black-out. Ou tirer un voile pudique, quoique virtuel, sur ce qui ne regarde personne.

C'est la première fois que j'anticipe autant sur ce qui pourrait se passer avec mes écrits. Mais bon, j'ai le temps d'aviser puisque pour le moment il n'y a rien de concret. Je me fierai à mon intuition. Hé hé, j'augmente le suspens: Idéaliste racontera t-il ce qui va peut-être se passer?


A part ça... je me dis que je devrais peut-être parler un peu d'autre chose dans ce journal, non? On pourrait croire que toute ma vie n'existe plus que par nathalie. Naaaan, c'est pas vrai! Elle est "en moi", accompagne mon existence, mais ma vie continue comme avant.

Tenez, ce matin, par exemple, je me suis occupé un peu des tomates, dans le potager. On a planté ce printemps des variétés un peu spéciales (les tomates rondes et rouges, on en trouve de partout). Alors on a tenté la "Rose de Berne", très douce, savoureuse et pleine de chair. La "Green zebra", une tomate de petite taille, jaune rayé de vert (on aurait pu s'en douter, vu son nom), un peu plus acide. Bien pour les salades. De mignones tomates cerise aussi, a grignoter sans modération. Des rouges... et des jaunes. Pour faire joli. Normalement il y avait aussi de la "Noire de Crimée", mais elles sont pas encore mûres.

A propos de mûrissement... les poires le sont déjà! En juillet! Avec des 30 degrés dépassés quotidiennement depuis deux mois, ça accélère les choses. Hum... inquiétant cette météo détraquée...

Bon, je passe sur les courgettes, la courge-spaghetti, les melons, hein? Ça vous passionne pas... Le fenouil-bronze, la rhubarbe? Non? Ok, je change de sujet.

Tiens, coté famille. Encore une bonne dicussion avec Charlotte ce matin, pendant le petit-déjeuner. On évoquait notre rencontre, il y a 23 ans (date anniversaire il y a quelques jours). Et bien, même après tant d'années, j'en apprend encore. Ma chère Charlotte a cassé un peu brutalement une de mes illusions autour des moments magiques que je croyais avoir partagé avec elle. Un détail. Sur ma façon de la regarder droit dans les yeux alors qu'on ne se connaissait pas, ou à peine. Elle ne m'avait jamais dit qu'elle m'avait trouvé trop insistant. Et moi qui croyais que son regard répondait au mien...
Hum... et bien même autant d'années après, ça m'a attristé d'apprendre ça. Elle a vu mes yeux se mouiller et a tenté de rattraper les choses.

Pas bien grave.
[Euh... mais qu'est-ce que j'ai la larme facile depuis quelques temps. C'est de plus en plus marqué en vieillissant. Sans doute quelque chose qui se révèle, maintenant que je me libère de mes carcans...]

On a aussi parlé (comme souvent en ce moment) de notre attachement l'un à l'autre. Je l'aime de façon de plus en plus entière, de plus en plus consciente. Telle qu'elle est. Et... je crois bien que je l'aime à la fois mieux... et plus. Aimer en double n'a donc absolument rien de contradictoire. C'est même trèèèès bon.

Ce soir, c'est avec ma fille, Capucine (pseudo, évidemment) que j'ai discuté un moment. Elle me taquinait, une fois de plus, sur cette nathalie qu'elle ne sait pas très bien situer dans le rapport que nous avons. Quel genre de personne est cette célibataire pas solitaire? Et si elle était mariée, aurais-je peur de rendre son mari jaloux? Elle plaisante souvent autour de l'idée de jalousie de Charlotte. Alors je réponds de façon très sereine (quoique souvent avec un sourire pas tout à fait innocent) sur ce qu'est la jalousie: manque de confiance en soi, peur que l'autre trouve mieux que soi... Elle écoute de toutes ses oreilles. J'aimerai bien éviter à mes enfants de se former avec des idées trop étroites.

Plus tard, alors que nous étions à table, ma fille, mon fils âiné et moi, nous avons encore un peu parlé du coté relationnel. Capucine me posait des questions sur mon premier amour, sur ceux de Charlotte, la façon dont nous avions vécu ça. Puis la conversation a dévié sur l'expresson de soi. Oser être soi, s'affirmer dans ses idées, prendre le risque de déplaire... et celui de plaire! Mon fils aîné est très à l'aise avec tout ça. Il m'épate souvent, étant déjà capable de mettre en application de que je découvre lentement.

Bonne discussion, entre "adultes". C'est un des meilleurs moments de la vie de parents que de se rendre compte que ces jeunes adultes sont presque "prêts". Et bien dans leurs idées, bien dans leur tête (du moins... il semble que ce soit le cas). Ils savent se poser des questions, être critiques, autonomes dans leurs points de vue. Ils savent rire, manifester leur avis. Ils savent bouger, sont sportifs. Mouais... avec Charlotte, souvent on les regarde, un peu émus, et on est pas mécontente du "travail" accompli.

Oui oui, un peu d'autosatisfaction ne fait pas de mal.


Bref, voila de quoi s'est composé une de mes journées... en dehors des réflexions que je me fais autour de ma relation avec nathalie.
J'avais envie de rétablir un peu la balance, afin que ce journal ne donne pas une vision totalement faussée de ce qu'est ma vie.

Et... j'ai même pas parlé du boulot, qui mobilise quand même quelques heures dans la journée. J'en ai effectué une partie à l'ombre du grand tilleul qui caresse les granges de son feuillage. Un peu au frais sous cette canicule persistante.






Enfance, paradis perdu?


Samedi 26 juillet


Je viens de lire le dernier texte (on dit "entrée" en langage de diariste) d'Ultraorange et... j'en ai les larmes aux yeux (bouhouu... tous les deux on va se faire pleurer mutuellement). Parce qu'elle raconte des choses bien profondes, revenues de loin, enfouies. Et puis qu'elle parle d'elle au présent, en le reliant à son passé. Ces faux personnages que nous nous efforçons d'être alors qu'en fait nos blessures d'enfance sont toujours là, intactes. Comme des fissures qu'on masque de couches renouvellées de peinture... pour faire illusion.

Oh, je ne vais pas redire tout ce qu'elle écrit si bien, mais je vous conseille de lire cette entrée très touchante et sincère.


Une de ses phrases m'a marqué «Il est tellement plus facile, plus reposant, plus sûr, de rester cantonné à son adolescence». Car je crois que pendant très longtemps j'ai cherché l'origine de mon mal-être dans mon adolescence. Et j'y avais trouvé une foule de raisons, tout à fait valables. Il y avait là largement de quoi déstabiliser le garçon sensible que j'étais. Mépris, abandon, trahisons... c'était assez simple en fait: c'était la faute des autres ou celle de la fatalité. Depuis un moment j'avais compris que les autres n'avaient été finalement qu'acteurs, aux rôles plus ou moins importants, mais qu'en fait c'était moi le metteur en scène. Moi qui avais donné de l'importance à leur rôle.

Du coup, j'en restais à une mystérieuse période sombre, fondatrice, dans laquelle tout aurait pris naissance. Il y avait l'adolescence et son cortège de "malheurs" (rien de bien dramatique pourtant...), long purgatoire dont je pouvais précisément donner la date d'entrée: septembre 1972, entrée au collège (ouais, une part de ceux qui me lisent n'étaient même pas nés...). Et avant... une impression de paradis perdu. Je ne suis jamais tellement allé rechercher dans ce paradis-là. Peut-être parce que je sens qu'il n'en était pas un? Peut-être parce que ça me permettait de me focaliser sur tout ce qui n'avait pas été bien ensuite?

En fait, mon adolescence a été marqué par un isolement assez brutal, puis allant croissant. Certes dû en partie aux autres (j'étais le vilain petit canard qui ne réussissait pas les études et qu'on avait mis à part du cursus normal -une classe pour les cas psychologiques-), mais j'aurais pu ne pas accepter, en m'accrochant pour rester intégré au "groupe". Mais non, déjà, face à ce premier "rejet", je renonçais. Paraissant moins aimé (où l'ayant perçu comme ça), j'avais laissé les choses se faire. Pourtant, il n'y avait alors rien d'inéluctable, car je ne me souviens pas auparavant avoir ressenti ce genre de choses. Pourquoi alors ai-je commencé à m'auto-exclure, encourageant ainsi, ou acceptant (je ne sais pas) le verdict du groupe (groupe de copains issus de l'école primaire)?

Depuis des années je connais par coeur l'histoire de ce qui m'a fait tel que je suis. J'ai décomposé tout le processus, initié par cette entrée en classe de sixième. La suite des abandons, plus ou moins marquants, l'isolement qui a suivi, le sursaut miraculeux d'une année en fin de collège où je retrouvais enfin un statut, une existence avec une nouvelle bande de copains (et la belle Laura...) Une année magique, qui est restée pendant vingt ans comme un rêve, un mythe, une référence dans ma vie: 1977. Mais le rêve n'a pas duré et en entrant au Lycée (Lycée technique, celui des "mauvais" des "ratés", de ceux qui ne peuvent pas mieux faire -oui, je sais maintenant que c'est faux- ) je me suis de nouveau senti isolé... et abandonné (trahi) par cette fille qui m'avait redonné le goût de vivre. Bref... tout ça est intégré, compris, et accepté. C'est ce qui m'a fait tel que je suis aujourd'hui... et dont j'essaie de me sortir.

Mais avant? Avant cette entrée au collège, qui étais-je? Pourquoi ces "abandons" (tout le monde en vit au long de sa vie) ont-ils eu autant d'impact sur moi? Pourquoi, d'une façon générale, tout ce que j'ai si mal vécu a t-il aussi fortement imprégné mon existence? Qu'est-ce qui a fait que j'étais prêt à le vivre ainsi? Car, honnêtement, je sais que je n'ai pas vécu l'enfer. C'est moi qui l'ai perçu comme tel. Enfer n'est pas le bon terme. Ce serait plutôt "non-existence" (mais n'est-ce pas un enfer que de vivre sans vivre?). J'avais des parents aimants (bien que mal-aimants, parfois), une fratrie, un environnement de vie plutôt confortable. Tout (ou presque...) pour être heureux. Et je ne l'étais pas. Enfin... si, parfois quand même. Des photos, et des souvenirs, en attestent.

Qu'est-ce qui a fait que j'ai surtout ressenti (ou gardé le souvenir) de la tristesse? En parlant d'un "paradis perdu", songeant à ces années précédant le collège, je n'ai jamais vraiment cherché à savoir en quoi il consistait. Les mots qui me venaient étaient, sans que j'approfondisse: liberté, bien-être, amitié... mais souvent en référence à la bande de copains que j'avais. J'étais un des membres, ni plus ni moins écouté que les autres, mais j'y avais ma place. J'existais en tant qu'individu reconnu, et plutôt apprécié. Je crois (je sais) que j'étais tout simplement heureux.
Il s'agissait d'un petit monde protégé, celui d'un village, avec l'école comme au début du siècle. Déjà d'un autre âge, dans les années 70. Si je dis que j'écrivais à la plume (métallique hé oh, quand même pas la plume d'oie!) et à l'encre violette (versée à la bouteille dans les encriers en porcelaine), on pourrait croire que je suis né juste après la guerre! Ben non. J'ai seulement étudié "à l'ancienne" dans une école de campagne avec une seule maîtresse pour trois classes. Plein de souvenirs très bons, que je ne raconterai pas ici, faute de temps pour le faire. C'était ça mon paradis: un environnement social (copains) et naturel (cabanes et longues balades dans les champs et les forêts) mêlé à un environnement éducatif diversifié et ancré dans le réel qui me passionnait (j'étais plutôt bon élève), tout en restant à mon échelle (toute petite école où tout le monde se connaissait parfaitement) et bien douillet (institutrice douce, patiente... quasi-maternelle). Je m'y sentais très bien.

Un petit monde presque intime.

Mais cet environnement protégé n'était pas la vraie vie. Celle que j'ai découverte en entrant dans un collège de banlieue. Ce monde un peu hostile où il faut savoir prendre sa place pour exister. Ce monde auquel je ne suis toujours pas vraiment adapté. C'est pas pour rien que je suis venu m'installer dans un coin assez isolé de campagne et que je fuis les villes. Et ça explique aussi pourquoi je suis autant à l'aise dans l'intime que mal à l'aise dans les milieux potentiellement hostiles que sont le monde du travail... ou les forums. C'est pas mon monde ça. J'ai pas envie de m'y frotter. Je ne suis pas un agressif.

Mais... je digresse là.

En parlant de ce monde "paradis", je sais que j'omet tout un pan de ma vie: le milieu familial. C'est en repensant à ce que je disais chez ma psy que je me suis rendu compte d'une contradiction: évoquant ce paradis de l'enfance j'ai finalement parlé de souffrances d'enfance. Car si je me suis senti si bien dans l'environnement que je viens de décrire... c'est sans doute que je n'étais pas très bien ailleurs. Et ailleurs, c'était à la maison... lorsque mon père y était. Ce bonhomme bizarre dont je me méfiais. Capable d'être très attentionné (matériellement parlant) pour ses enfants, ou sa femme, mais aussi capable de colères aussi inattendues que redoutables. Un dingue, parfois (j'ai compris bien plus tard que l'anxiété, la responsabilité, ainsi que son propre mal-être en étaient la cause). Quelqu'un d'insécurisant. Mon père a toujours "tout" fait pour nous. Il travaillait beaucoup et nous offrait toujours des vacances variées (on a parcouru une bonne part de l'Europe). Ski l'hiver, mer et/ou montagne l'été, on visitait des musées, des villes, ils nous parlait de technique et de sciences. On n'a manqué de rien... sauf de l'essentiel: son affection, sa tendresse, son écoute.
[Il ne m'a écrit qu'une seule fois dans mon enfance: au cours d'un long voyage au Japon, une carte postale avec photo d'un avion comme celui dans lequel il se trouvait. Quelques lignes... rien que pour moi] [putain merde! ai-je déjà écrit à mes enfants??? Hmmm, je ne suis jamais parti... mouais... pas convaiquant].
Le lien entre nous était matériel, financier, scolaire, studieux, éducatif... mais pas affectif. Ou du moins pas perceptible comme tel par un enfant. Pas directement perceptible. [J'étais adulte lorsque que ma mère m'a dit qu'il avait toujours fait passer la famille, et ses enfants, avant tout]. Il y avait toujours, de ma part, cette incompréhension entre les attentions "matérielles" qu'il avait pour nous et cette distance affective ponctuées de ses redoutables colères. En y songeant, je me dis que cette ambiance était insécurisante. On savait que le bien-être ne durerait pas et pouvait être interrompu n'importe quand. Le bonheur était fugace, toujours menacé d'une fin brutale. [tiens tiens...] Une autorité suprême régentait nos vies. En fait... on avait peur de mon père, et c'est le sentiment qui prédominait.

C'est là, je crois, que j'ai appris à filer doux et courber l'échine. Alors que mon frère s'est rebellé (comportements à risque). Une de mes soeurs a su amadouer mon père (forte en études... et fille) et la dernière a été amochée encore plus fort que moi.

Tiens... ma petite soeur. Voila justement un cas intéressant. Parce qu'à ma grande honte, j'ai participé à ce qu'elle est aujourd'hui. Mon frère, assez frondeur et rebelle, a vite compensé la domination qu'il subissait de la part de mon père en devenant lui même dominant. Il a cherché à me dominer... ce que j'ai plus ou moins accepté à l'adolescence (résignation) mais pas lorsque j'étais plus jeune. Je me souviens qu'il s'énervait contre moi en cherchant la bagarre et que je faisais comme si ses coups ne me faisaient pas mal (ce qui n'était pas le cas). Son impuissance apparente contre moi le mettait alors dans une rage folle. Mais il savait aussi très bien me faire bouillir intérieurement en jouant à l'insensible ("j'men fous") pour tout ce qui concernait l'affectif [tiens... comme mon père]. Pas moyen de discuter avec lui s'il n'avait pas envie de céder, rien ne pouvait le persuader... et surtout pas le coté sentiments. Ça me... arghh, ça m'énervaaaaaiiit!

Mais ce frère qui vivait mal d'être dominé par un père autoritaire, et par l'âge de son frère aîné, a fini par trouver sur qui exercer sa domination. Pas sa soeur cadette, trop proche de lui et trop vive pour se laisser marcher sur les pieds. Non, il s'est rabattu sur la petite dernière, la plus vulnérable... et la plus sensible de surcroît. Mais qu'est-ce qu'il a pu l'emmerder ma pauvre petite soeur; qu'est qu'il a pu être salaud avec elle.

Et moi là dedans, qu'ai-je fait? Et bien je n'en suis pas fier... j'ai souvent suivi. Parce qu'il est tellement facile de jouer au dépend d'un autre. Surtout si l'amuseur public le fait sur le ton du comique. Alors j'ai souvent suivi, bêtement. En riant des taquineries (rigolotes au premier degré) de mon frère. J'ai suivi le mouvement. Et ma soeur cadette aussi. On taquinait tous notre petite soeur. Je ne me souviens pas l'avoir fait très souvent, et sans méchanceté. Mais la répétition, et la force du nombre, sont forcément douloureuses.

Je crois que je me suis laissé emmener par le plaisir de dominer le faible, d'avoir du pouvoir sur quelqu'un. Parce que c'était "pour rire". Facile, trop facile. Dégueulasse. Je n'aime pas ce passé, mais j'assume mes actes.

[aparté: un jour je me suis rendu compte que j'avais un pouvoir considérable sur une des femmes que j'avais rencontré sur le chat (celle qui m'a tant fait souffrir ensuite). Je pouvais lui faire un mal inoui en quelques mots. La briser, la détruire, la faire souffrir intensément. Ce pouvoir m'a terrifié, j'avais une terrible peur de ce que j'avais entre les mains. Je ne m'en suis évidemment jamais servi, mais j'ai cru comprendre la jouissance horrible et perverse de ceux qui jouent à s'en servir. Une part d'(in)humanité qui m'a fait prendre conscience de ce que nous avons, tous en nous. Effrayant.]

[autre apparté (les souvenirs rappliquent): mon frère faisait partie des meneurs d'un petit groupe, qui excluait volontiers les "différents". Je me souviens d'un pauvre gars, bien gentil, qu'ils surnommaient "Le gros", victime quotidienne d'un jeu fort distrayant: le mettre par terre et le rouer de coups de pied "pour rire". Pas forts les coups de pied, mais devant tout le monde, dans la cour du collège. Honte de voir mon frère agir ainsi, et honte de moi à ne pas intervenir en restant au loin. Mais que faire contre une bande? Ce "gros" en question est devenu ensuite mon ami...]

[souvenir, encore, de l'habitude de mon frère à faire chaque jour un détour pour "embêter les filles" (ouééé, super le jeu!) avec une bande de copains. Ça consistait à les empêcher de rentrer chez elle en leur barrant la route (les enfants rentraient encore à pied de l'école à cette lointaine époque) et en leur donnant des coups de pied. Surtout la plus grosse, tête de turc évidente. Et moi... ben je suivais, pas bien à l'aise. J'ai peut-être même joué à ça de temps en temps (la honte m'empêche de m'en souvenir), mais je me souviens très bien pourquoi je suivais. Pour être en compagnie desdites filles. Mais étant garçon, j'étais d'office dans un des "camps". C'est à cet âge là, vers dix ou douze ans, que je me suis senti "différent" des autres garçons, parce que souhaitant beaucoup plus approcher les filles, sympathiser (si j'avais pu) que les maltraiter. D'ailleurs j'étais apprécié par ces filles, faisant partie de la toute petite minorité de garçons qu'elles invitaient à leurs anniversaires (mon frère en était exclu). Mouais... sauf que ma timidité naissante ne m'a pas permis de profiter de ce capital de sympathie. Et les années suivantes m'ont longtemps exclu de toute actvité festive de groupe]

[Tiens... je faisais aussi partie des derniers que l'on choisit dans la constitution des équipes de sports collectif. Le reliquat qu'on se partage, faute de mieux, parce qu'il faut bien en faire quelque chose. Bon, c'est vrai que j'étais nul en foot (je détestais ce sport de mecs agressifs, cette émulation virile, ces petits chef d'équipe qui ne supportaient pas que d'autres n'aient pas leur niveau. Beaaaark, je hais ce sport!). D'ailleurs, ça fait partie des choses qui m'ont écarté de mes anciens copains, lorsqu'en dehors du foot il n'existait pas de salut. Foot, foot, foot, et rien d'autre. Pfff, phénomène d'identification au groupe... et de rejet de ceux qui ne suivent pas. Toujours d'actualité, hélas]

[souvenir d'un connard aussi, chef de bande, qui, découvrant que nous étions frère eut cette parole aimable devant le groupe: «c'est ton frère lui? putain, mais si j'avais un frère plus jeune, mais plus grand que moi, je me mettrais un slip sur la tête!». Eclat de rire général (soupir). Je hais les comportements de moutons]


Là où je voulais en venir avant de partir dans tous les sens...(euh...en fait je ne sais plus très bien ce que je démontre avec ces exemples...), c'est que, comme disait Ultraorange, c'est probablement dans l'enfance qu'il faut rechercher ce que nous sommes. L'adolescence n'est que catalyseur de ce qui existait auparavant. On affirme ou infirme ce qui était en germe depuis l'enfance. Et si je peux expliquer en quoi mon adolescence a agi sur moi, je sais que c'est bien avant que je dois chercher ma part de "responsabilité" dans ce que je suis.

Je crois que je retrouve ce que j'étais vraiment, confirmant ce que me dit souvent nathalie: on ne change pas, on évolue. Et je précise: on va vers l'essence de soi. Si je vais donc autant dans l'intime, fuyant peu à peu (dans le domaine virtuel) toute communication en groupe, c'est que je suis fait pour ça. Comme je l'étais étant enfant, vivant mal le fait d'être contraint à m'intégrer dans des collectivités d'où l'individualité est gommée. Ou bien resérvée aux grandes gueules, à ceux qui savent s'imposer... souvent en dominant autrui (mais pas toujours). C'est simplement la loi de la nature, donc l'opposé de ce vers quoi tend l'humain.

En fait... je crois que je suis simplement humain, et que je vis mal avec des gens qui ont un comportement plus grossier. Ma fragilité m'a longtemps rendu inapte à la concurrence. Car je n'utiliserai plus jamais les mêmes armes que d'autres, moins scrupuleux ou respectueux que moi. Pourtant, je sais que pour exister je dois trouver ma place. Mais ne pas la prendre au détriment d'autrui. En n'oubliant pas que si chacun peut théoriquement prendre la place à laquelle il a droit, en pratique beaucoup n'osent pas, ou ne savent pas le faire. Prendre sa place sans empiéter sur celle des autres.

Oser s'affirmer, résister, exister, mais en ne s'appuyant que sur soi-même. Se défendre sans jamais "agresser"... même celui qui ne se plaint de rien. Ecouter ma voix intérieure, et la faire entendre, mais sans jamais imposer un point de vue.

Ouais, bref... essayer de s'approcher d'une forme de sagesse quoi...

Donc en commencant par me connaître moi-même. Mes limites, imperfections, lacunes, faiblesses... mais aussi forces. Donc... en poursuivant ce travail de reconquète de moi-même.

Voila, je suis content, je m'auto-démontre que j'ai raison de continuer. Et le pire, c'est que je suis persuadé d'avoir raison.

Wow, mais c'est bieeeen ça!



Tout pour être heureux


Lundi 28 juillet


Il m'arrive de temps en temps, généralement le soir en me couchant, de songer à ce que j'ai laissé de moi dans ce journal quelques heures auparavant. C'est parfois une bouffée de sueurs froides qui m'envahit lorsque, tout d'un coup, j'imagine autant d'yeux inconnus qui lisent ces secrets intimes, secrets infimes, que je dévoile. Parce que je montre "au monde entier" (on sait bien que ce n'est pas le cas) ces si petites choses qui m'ont forgé. Ces insignifiances qui ont pu me faire souffrir. Ces "presque rien" dont mon inconscient à fait des montagnes. Alors j'ai un peu honte de ce qu'on pourrait me dire: «quoi, à cause de ce petit rien du tout tu as ensuite mené ta vie de cette façon?». Car pris isoléments, il ne s'agit bien souvent que d'évènements presque insignifiants.

Culpabilité de me rendre compte que j'ai la "chance" d'avoir pu être sensible à ce genre de choses. De savoir que c'est parce que j'avais par ailleurs toute satisfaction que j'ai pu être à l'écoute de ces micro-blessures.

Alors j'ai un peu honte, parce que n'importe quel inconnu pourrait me dire que mes "malheurs" etaient finalement bien doux par rapport à ce que vivent d'autres.


Mais je ne sais pas si on peut mesurer l'échelle des souffrances. Car il s'agit d'une perception, d'une relativisation, en aucun cas de quelque chose de mesurable selon un étalon précis. Notre capacité à souffrir dépend de celle que nous avons à nous écouter. Ainsi, même entièrement satisfait sur le plan matériel, notre écoute deviendra attentive à des sources de souffrance qui seraient passés inaperçues si des besoins plus importants n'avaient pas été comblés. Je ne sais plus qui parle de la pyramide du bonheur, démontrant que l'on ne peut être réceptif qu'une fois que les besoins fondamentaux sont assouvis. Manger, être libre, être à l'abri, avoir du travail, etc... Mais le bonheur étant une quête qui ne finit que lorsque le moindre besoin est satisfait, ressentir des manques, et enventuellement en souffrir, peut arriver à quelque hauteur que l'on soit de la "pyramide". Et relativiser cette soufrance est certes nécessaire («regarde un peu la chance que tu as»), mais aussi terriblement culpabilisant («je n'ai pas le droit de me plaindre puisque j'ai "tout" pour être heureux»). Et pourtant... on n'est pas forcément (ou n'a pas été) heureux parce qu'on a beaucoup de besoins essentiels assouvis.

Ce malaise que je ressens parfois, après avoir écrit, est directement ancré dans cette culpabilisation. La même qui m'a empêché d'être à l'écoute de moi-même lorsque j'étais enfant, puis ado, et fait occulter tous ces manques affectifs que je ressentais. Puisque j'avais, matériellement, tout pour être heureux (ou du moins largement de quoi), je n'avais rien à attendre de plus. Or... le manque a bien été là, contribuant à ce mutisme et celle solitude dans lesquels je me suis isolé durant des années charnière. Et ce n'est que patiemment, très lentement, que je peux réouvrir ces boites partiellement vide, en faire l'inventaire, observer le contenu, et voir enfin ces manques, ces blessures. Regarder tout ça en face plutôt que de me dire que "j'avais tout pour être heureux".

C'est sans doute ce que je fais en étalant au grand jour une partie de ces blessures. Ça me permet à la fois de les relativiser et de comprendre comment elles se sont imbriquées, nourries, interdynamisées, au point d'inhiber des pans entiers de ce que je pourrais être. Car c'est avant tout une reconquète de moi, un réinvestissement de ma personnalité, qui s'effectue avec ce regard intro-retrospectif. Savoir qui je suis vraiment, et pourquoi je n'ai pas pu l'être jusqu'à présent.

Simplement parce que j'ai envie de vivre bien en moi. Pleinement.


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Les hasards étant facétieux, c'est précisément au sujet des blessures d'enfances que nous avons longuement, et passionnément, discuté hier chez un couple d'amis. On se rend compte que beaucoup de gens (tous?) en gardent des cicactrices. Et qu'il est bien difficile, et long, d'en parler. Petits évènements rendus marquants par effet cumulatif, décrits et perçus fort différemment selon que l'on se place coté "victime" ou "bourreau". Venant des parents, ou des frères/soeurs, tant de mots assassins, tant de comportements toxiques...

Et souvent une émotion palpable à parler de ces souffrances ordinaires, de ces coups de poignards anodins et involontaires.

Curieusement, il semble que c'est vers 35 ou 40 ans que des choses se révèlent. Comme s'il avait fallu un long purgatoire, un temps de reconstruction, d'appropriation de soi. Une coupure d'avec ces moments douloureux. Du moins dans le milieu que je fréquente, similaire à celui dont je suis issu (mariés jeunes et très tôt parents). Peut-être parce que nos enfants deviennent ados et nous renvoient à notre propre adolescence? Ou que, trop occupés à les aider à grandir, nous ayons été longtemps aveugles sur nous-mêmes?
A moins qu'un évènement marquant (dècès) ne déclenche cette prise de conscience, comme nathalie l'évoquait hier soir avec moi.

Et ceux qui font ce travail sur eux-même se heurtent inévitablement à une incompréhension, ou parfois rejet, de la part de ceux des leurs qui n'en sont pas rendus là. Ou bien ne peuvent/veulent pas s'y rendre. Souffrance supplémentaire de se sentir incompris dans une quète nécessaire, culpabilité de renvoyer ces autres à un passé qui les indispose, ou qu'ils préfèreraient oublier. Confrontation de deux logiques: en parler ou le taire.
Mais on sait bien que taire quelque chose ne l'a jamais fait disparaitre. Seule la parole permet de comprendre, puis effacer les douleurs enfouies. Même si la parole ravive souvent les douleurs avant de les atténuer.

Même si l'expression de soi à quelque chose d'épuisant.


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Il faudrait apprendre à établir des flux dans l'écoute de soi face à autrui, allant toujours vers le positif. Une écoute à sens unique.
- Je m'écoute pour ce que je sais bon pour moi, et n'écoute pas l'autre dans ce qu'il me fait ressentir de négatif.
- J'écoute l'autre dans tout ce qu'il me révèle de positif mais je refuse d'écouter ma voix intérieure quand elle me dévalorise.


Entre deux voix discordantes, toujours choisir la positive.





«Difficile de tout expliquer, même à moi-même, mais disons que j'ai vraiment le sentiment d'être au bord de quelque chose d'important en ce qui concerne ma vie et surtout ma façon de la ressentir. L'impression d'être trop entière parfois, de trop chercher à tout comprendre, à tout intégrer. La vie est tout sauf logique, du moins cette logique qui nous est accessible. Rien n'est blanc ou noir, tout est nuance. Le doute et l'imperfection sont partie prenante de la vie, il faut que je l'accepte.
(...)
Toute cette joie de vivre que je perds à pleurer sur des douleurs auxquelles je ne peux rien.»

Insomnies chroniques (27/07/2003)

[Lou, une personne très généreuse, ouverte, pleine d'une joie de vivre... que le doute et la culpabilité empêchent de vivre autant qu'elle le pourrait.]