Avril 2003 (1ere quinzaine)
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Rien à dire


Mercredi 2 avril


J'ai l'impression que, depuis que je ressens moins le besoin de déverser sur ces pages tous mes questionnements, j'ai un oeil plus critique sur mon écriture. Je prends le temps de réfléchir, affranchi de cette logorrhée ininterrompue qui poussait mes doigts à s'agiter frénétiquement sur le clavier. Et je mesure alors toute la difficulté qu'il y a à tenter d'écrire "bien". Lorsque je lis certaines personnes dont j'apprécie toute la maîtrise de l'écriture... je n'ose plus me laisser aller dans mes pauvres rabachages, diluant dans un fatras de mots et d'idées l'essentiel de ce que j'aurais à dire.

Je ne devrais pas lire les autres avant d'écrire... Mais si je le fais, c'est aussi parce que je n'ai "rien" à dire. Ou alors que je ne sais pas comment l'écrire.

Mon problème, c'est aussi mon état de vigilance défaillante, avec le sommeil qui s'acharne sur moi à coups de massue. J'écris souvent le soir. Or en ce moment je travaille jusque tard dans la journée, ce qui réduit d'autant mes soirées. Et puis je passe souvent le début de la nuit en aimable compagnie... ce qui a pour conséquence de réduire mes nuits, et donc d'augmenter ma fatigue. Ah la la, dure vie que d'avoir une cyber-amante, comme dirait ma fille (où va-t-elle chercher ça?). Bon, évidemment que ce n'est pas une amante, hein. Tout le monde l'avait compris j'espère. Du moins... pas dans le sens traditionnel et tout à fait vulgaire du mot.




Situation complexe


Jeudi 3 avril

Il y a des périodes ou je ne dispose jamais d'assez de temps pour tout faire. En ce moment, puisque mon travail m'occupe beaucoup, je ne parviens pas à écrire ici autant que j'aimerais le faire. Alors, souvent, je n'écris pas. Parce que je ne peux pas me contenter de survoler des sujets qui nécessitent un développement approfondi. Par contre, j'en parle beaucoup. Avec ma complice de réflexions, d'une part, mais aussi avec ma complice de vie, Charlotte.

Aujourd'hui, nous avons eu, Charlotte et moi, une très longue conversation centrée sur cette relation que j'entretiens avec ma complice. Parce que forcément Charlotte se pose des questions. Elle se demande ce que je vais chercher avec une autre, qu'elle ne peut m'offrir. Et elle doute d 'elle-même et de l'amour que je lui porte. Alors je tente d'expliquer, maintenant que j'y vois plus clair, ce que je trouve de différent avec ma complice. Et en entendant mes propres mots, je conceptualise encore mieux ce que je ressens vraiment.

Je parle sans tabous à Charlotte. Sans dire ce qui n'apporterait rien, je ne m'empêche pas d'exprimer sincèrement tout ce que je peux ressentir et qui a une importance dans notre équilibre. Je me rends compte que je le fais beaucoup plus librement qu'il y a quelques semaines, alors qu'une certaine culpabilité demeurait dans mon esprit par rapport à cette relation naissante. Je n'ai plus de gêne à lui dire toute l'importance que cette complice a prise dans ma vie. Et je m'empresse de préciser que cela ne nuit en rien, ne prend rien dans notre relation de couple.

En fait, sur le mode du raisonnement, elle parvient à comprendre ce que je ressens. Et elle l'accepte relativement bien... durant quelques jours. Mais régulièrement, il est nécessaire que je la re-rassure. Que je lui dise que je tiens à elle et à notre relation. Elle se rend compte qu'elle ne parvient pas à faire cohabiter l'idée que je puisse me sentir proche d'une autre sans que cela n'implique un éloignement à son égard. Pour elle, c'est soit l'une, soit l'autre. Pas les deux à la fois. Et pourtant... elle entend bien que ce n'est pas comme ça que je vis les choses. C'est comme si l'image ne collait pas avec le son.

Il est certain que la relation que je partage avec ma complice, au su de mon épouse, ne correspond pas vraiment à un schéma classique. On imagine plutôt le truc un peu malsain de l'homme qui trompe sa femme en douce. Ou alors le couple hyper-libéré (?) qui s'autorise toutes les fantaisies... au point qu'on se demande s'ils s'aiment vraiment. Mais dire clairement que je vis une relation forte, sans pour autant être amoureux... mais en étant bien plus qu'amis... Désirer rencontrer un jour cette complice, tout en ne voulant pas que la femme que j'aime n'en souffre... tout cela est un peu complexe.

Il arrive que Charlotte ait l'impression que je vais lui "mettre la pression" jusqu'à ce qu'elle cède à mes attentes. C'est d'ailleurs ce que m'avait dit une lectrice. Mais ce n'est pas ce que je veux, même si je sais que si elle cédait la situation serait plus simple. Non, j'ai envie de lui parler un peu de ce qui se passe dans ma tête afin que nous restions en contact. Parce que si je laissais un commode silence s'installer, je pense que nos chemins risqueraient de s'éloigner doucement. Ne pas lui parler, ce ne serait pas m'empêcher de penser. Mes réflexions sont là, cheminent, avancent. Si je ne veux pas découvrir un jour qu'un fossé sépare nos convictions, je veux en parler avec elle. Et puis ma réflexion se construit aussi sur la sienne, ses acceptations, ses limites. Notre couple s'est construit autour de valeurs et idées communes. Je ne peux ni ne veux cheminer seul alors que ce que je vis peut influer sur le couple que nous formons. Et puis surtout, je suis convaincu qu'il y a bien plus à gagner qu'à perdre, pour tout le monde.

Alors oui, fort de ces convictions, je lui dis mon cheminement.



Hasards


Vendredi 4 avril


Hier soir, avec ma complice, j'ai longuement parlé de la discussion que j'avais eue avec Charlotte (tiens, ça serait bien, idéalement, qu'on puisse en parler à trois plutôt que je fasse le lien entre les deux...). J'aime beaucoup cette transparence qui s'exerce dans les deux sens. Et j'apprécie énormément de pouvoir aborder les sujets qui me préoccupent, sans retenue. C'est comme ça que la pensée se précise.

Ma complice me surprend toujours par la liberté de son esprit. Je me sens encore bien pris dans tout un tas de principes, préjugés, blocages. Je suppose que c'est une question de patience et que n'est qu'au fil des années que je libèrerai mon esprit de ce que j'ai docilement intégré mais qui ne convenait pas à ma tournure d'esprit. C'est un travail lent et en profondeur. Je ne sais pas encore vers quoi je vais.

En fait, tout se fait comme si je suivais un appel... mais sans savoir d'où il provient. Je sais que ce qui m'arrive n'est pas le fruit du hasard. C'est bien moi qui oriente les choses de façon à ce que le hasard se produise. Mais je n'en ai pas conscience. Absolument pas. Lorsque j'ai cliqué un jour sur un Chat, par curiosité, j'ignorais totalement que cela m'ouvrirait un domaine d'expression que je n'imaginais pas exister. Et c'est là que, par "hasard" j'ai fait une rencontre qui allait répondre à une attente informulée: entrer dans un jeu de séduction en parallèle de ma vie conjugale. Ce soir là, j'entrais dans un processus qui allait profondément changer ma vision des rapports de couple. En fait, c'était simplement une révélation de quelque chose qui avait toujours existé dans ma tête... sans que je le sache. Ou plutôt: sans que je l'accepte. Parce que ce que j'avais pu ressentir comme attirance pour d'autres femmes que Charlotte était pour moi quelque chose d'anormal, de "pas bien". Je me demandais alors si j'aimais vraiment Charlotte puisque je regardais parfois "ailleurs". Je vivais tout cela de façon coupable.

Il y a une dizaine d'années, le jour où je suis tombé "amoureux" (c'est ce que je pensais alors) d'une stagiaire quasi-inconnue, de façon totalement irraisonnée et fulgurante, je n'ai rien compris à ce qui m'arrivait. J'étais rentré à la maison dans un état second et je n'avais pu que raconter tout ça à Charlotte, totalement désemparé devant cette situation inédite.

Et bien souvent Charlotte avait pu mesurer le lien très fort qui me retenait prisonnier de mon amour d'adolescence. Amour perdu qui cohabitait dans l'ombre, plus ou moins secrètement, avec celui que j'étais censé vivre à 100% avec elle...

En fait, tout au long de ma vie, j'ai ressenti des attirances qui me troublaient et occupaient mon esprit pendant des durées variables. Rarement (jamais?) Charlotte aura été mon unique amour. Et j'ai toujours vécu cela dans la culpabilité. Je ne pense pas que ce soit une façon très épanouissante de vivre les choses... Par contre, même si j'évitais de trop en parler, ma sincérité, mon souci de transparence, m'ont poussé bien souvent à confier ces troubles à Charlotte. Et elle saurait, j'en suis certain, nommer nombre de ces femmes qui m'ont occupé l'esprit.

Les années passant, soucieux de m'accepter tel que je suis, j'ai tenté de comprendre un peu mieux comment je fonctionnais. D'abord seul ou avec l'aide de Charlotte, ensuite avec une psychothérapie. Et forcément... ben j'ai compris. Et j'ai accepté (processus encore en cours). Accepter, c'est d'abord refuser de se culpabiliser. C'est s'écouter, arrêter de se boucher les yeux et les oreilles.

Entre autres problèmes, il y avait ce rapport aux femmes, à l'amitié/amour, la séduction, l'attirance, les fantasmes. Un gros conglomérat que je portais sans vouloir le disséquer. Quelque chose d'à la fois attirant et repoussant, selon que j'écoutais mes pensées ou mes principes. Une dichotomie finalement assez pénible à vivre et qui, forcément, limitait mon épanouissement. On ne peut pas se sentir bien en soi lorsqu'on refuse d'assumer les idées qu'on a dans la tête.

Donc... le "hasard" à fait que je me trouve dans des situations que j'avais toujours soigneusement évitées auparavant. Ce que je ne pouvais affronter dans le monde réel, c'est masqué derrière l'écran de la virtualité que j'y ai eu accés. Sans le chercher, sans le vouloir. Oh oui, j'aurais pu aussi bien fuir très vite en sentant toutes les potentialités qui se présentaient si facilement devant moi. C'est là que, en ne me détournant pas de ce vrai hasard, je l'ai rendu beaucoup moins imprévisible. J'ai saisi l'occasion, me mettant en position de favoriser d'autres hasards. Et ce qui pouvait arriver arriva. J'ai souvent décrit cette succession de rencontres marquées par une séduction réciproque. Oh, pas tant que ça: seulement trois. A chaque fois plus approfondie, plus réfléchie, choisie, assumée. La culpabilité s'atténuait et me permettait d'aller de plus en plus loin dans ces relations parallèles. Du coté brouillon et éphémère de de la première, je suis parvenu à quelque chose de posé et assez durable. Pourtant... quelque chose ne me convenait pas. C'était encore un peu confus dans ma tête. Je distinguais mal les ingrédients qui me poussaient vers ces bras-là, de moins en moins virtuels. Alors, non sans un certain soulagement, j'ai tout arrêté. Je savais désormais que je pouvais séduire et c'était une réponse importante à des interrogations anciennes. Je savais aussi que Charlotte ne me retenait pas prisonnier. Mais j'avais senti aussi qu'une attirance et le partage d'un certain nombre d'idées n'étaient pas suffisants pour me retenir... Et là, quelque chose n'était pas très clair. La modification assez brutale de la relation que j'avais développé avec Inès (la dernière des trois) m'avait laissé assez peu fier de moi...

Il a donc fallu que je poursuive mes réflexions, que j'entende mes désirs et mes attentes, que j'analyse mes réactions. Cela s'est fait après un long temps de pause (trois ans), au cours duquel toutes ces préoccupations avaient pratiquement disparu. Du moins, je n'étais plus intégré dans un processus relationnel et je pouvais observer tout ça sans urgence, de façon détachée. Et c'est ce que j'ai fait épisodiquement avec une personne qui est devenue une amie virtuelle. Encore une fois le hasard... à fait que nous ayons un mode de fonctionnement très semblable. Et un autre hasard a fait qu'un jour je me confie à elle... ce qui eu pour effet de nous rapprocher davantage... et de remettre en route toutes ces réflexions qui étaient en suspens. Cette fois éclairées par une meilleure connaissance de mes attentes profondes. Et en particulier de cette tendance très ancienne à m'attacher à une autre que Charlotte, en parallèle. Parce que Charlotte ne peut répondre à toutes mes attentes et que j'aurais du mal à renoncer, sans excellentes raisons, à ce qui me permet de m'épanouir.

Il y a peut-être une part d'égoïsme dans cette démarche. Mais je n'en suis pas certain. C'est pour cette raison que je communique beaucoup avec Charlotte afin de vraiment savoir, au delà des habitudes et des blocages superficiels, ce qu'elle peut accepter. C'est une vaste remise en question. La mienne ayant forcément des répercussions sur celle qui partage ma vie. Mais je ne voudrais pas renoncer à cette aventure intérieure sous prétexte que cela peut occasionner quelques remous, ou même qu'un effondrement est possible. Parce que je suis vigilant et que j'estime prendre beaucoup de précautions afin que rien de trop douloureux ne se produise.


Long texte, encore une fois. Sans doute répétitif, puisque je sais que c'est ma façon de bien intégrer les choses. C'est pour moi un moyen de faire de temps en temps un état des lieux des choses acquises. Et puis bon, si je veux analyser correctement ce qui se passe, il faut bien que je retrace comment j'en suis arrivé là où j'en suis aujourd'hui.




«Comment faire pour être comme tout le monde ? Pour être raisonnable, pour pour avoir assez de confiance en soi pour ne pas sans arrêts attendre des autres qu'ils vous montrent leur confiance ? »

Immediate purple lifestyle (30/03/2003)





Amour et dépendance



Lundi 7 avril


Les idées se bousculent ce matin. Je vais tenter de les ordonner un peu, mais je sais que je dois les laisser venir spontanément. En espérant que ça reste compréhensible. Ecriture automatique.

D'abord, ce week-end je me suis absenté pour mon travail, et j'ai eu pas mal le temps de réfléchir en conduisant mon véhicule. De plus, depuis quelques jours les contacts que j'ai avec ma complice sont très réduits, frustrants parce que le temps dont nous disposons est largement insuffisant pour aborder les sujets qui nous importent, voire inexistants pendant quelques jours faute d'emplois du temps compatibles. Cette situation particulière me laisse seul dans mes réflexions, ce à quoi je n'étais plus habitué sans avoir de retour rapide. Le processus d'élaboration des idées en est bien différent.

Dans ma dernière entrée, j'ai écrit que "je ne suis pas amoureux". C'est un peu vite expédié. A bien y regarder, il faudrait nuancer un peu les choses. Je crois que j'ai écrit ça davantage pour m'en convaincre et "fuir" jusqu'à l'idée de cette situation émotionnelle particulière. Il aura fallu que je ressente l'absence, le manque, pour que je réalise à quel point l'attachement que je ressens vis à vis de ma complice ressemble au sentiment amoureux. Car comment qualifier cet état d'attente, ce désir de partager, cette envie de proximité? Je sais très bien que je vis désormais "avec" ma complice. Elle occupe mes pensées, elle conditionne le sens de mes réflexions, et de nos contacts dépend très largement mon humeur. Bref, je peux dire que "je l'ai dans la peau".

Pourtant... toutes ces sentations se situent à un niveau... différent de ce que je ressentirais si j'étais vraiment amoureux. Je veux dire par là que je n'en suis pas au point de perdre la tête (loin de là) et que je ne ressens pas cet... embrasement de tout mon être, comme j'ai pu le ressentir dans ma jeunesse. Je ne sais si c'est lié à la maturité, ou à la situation particulière de cette relation marquée par un coté "amitié". Hhrgnnnn, les mots sont toujours aussi rigides. Je ne parviens pas à mettre ceux qui conviennent pour cette amitié amoureuse.

Par facilité, je dirais volontiers que je l'aime... mais que je ne l'"aime" pas. Ce qui ne veut rien dire, sauf à chercher à préciser la subtilité de la situation. Par exemple, en roulant j'écoutais de la musique, et tout un tas de chansons sirupeuses, plus ou moins nostalgico-larmoyantes, sur l'"Amouuuuuur". Et je me disais alors que ce que je ressens vis à vis de ma complice n'a rien, mais alors rien à voir avec ce genre de choses. Ces "amour toujours, rien que toi pour la vie, ma vie sans toi n'est rien" (vous voyez le genre?). Non non non, rien à voir avec ça.

La forme d'... amour (mot a prendre avec des pincettes) que je vis avec ma complice est avant tout fondée sur la liberté. C'est toute la différence. Une contradiction entre l'attachement et la liberté. Un lien fort, mais sans conditions ni entraves, rien d'autre qu'un plaisir partagé à être bien ensemble.

Je trouve mal les mots, bute sur les concepts, mais l'idée maîtresse est là: attachement libre. Cette évidence est recurrente dans nos conversations ces derniers temps. Je me vois trèèèèès attaché à ma complice, je n'imagine plus ma vie sans elle (du moins... l'imaginer devient une souffrance), et chaque jour, chaque contact, renforce la trace de son existence qui s'imprime dans la mienne. Et... je crois savoir (je sais...) que la réciproque est vraie.

Tout ce que je décris ressemble en bien des points à l'amour au sens amoureux du terme... et pourtant, je persiste à bien différencier les deux. Peut-être parce que ça me semble plus confortable par rapport à ma situation matrimoniale? Car, objectivement, je ne saurais bien caractériser ces différences. Sauf par cette idée de liberté. Ce dont je ne dispose pas totalement avec Charlotte, par exemple, puisqu'il existe un engagement entre nous deux, à la fois moral et légal. Et puis... ma vie quotidienne est avec Charlotte et ne sera jamais avec ma complice.

Oui, c'est bien ça la différence: je ne partagerai jamais ma vie avec ma complice. Alors que bien souvent l'amour au sens classique se conjugue avec cette idée de partage du quotidien. En lisant mes collègues diaristes, par exemple, cette idée de couple est souvent au coeur de leurs relations amoureuses. L'envie ou la peur de l'engagement.

Mais je me dis aussi que, d'une certaine façon, la relation que je construis avec ma complice constitue aussi, littéralement, un couple. Un duo, avec ses secrets, ses habitudes, ses codes. Tout comme peut l'être une relation d'amitié forte, quoi que "simple".

Bon, comme vous pouvez le constater, mon désir de comprendre ce qui se passe dans ma tête me pousse à vouloir mettre des mots sur les choses. Et comme les mots ont des sens bien définis, mais parfois manquent de souplesse, je suis contraint de développer de précisions en précisions. Ce [pas de mot existant] que j'utilise parfois comme raccourci demande que je m'attarde de temps en temps sur le sens que je lui donne.


Bien... Tout cela est un vague condensé des pensées que j'ai eu au cours de mon trajet. Mais ce n'est pas tout. Il y a eu l'avant trajet, et l'aprés trajet (les deux étant reliés, vous allez voir).

Avant de partir, j'avais écrit un message à ma complice lui rappellant que je serais absent. C'était important puisque nous n'avions pas pu converser depuis deux jours. Au total trois jours (arghhh!) sans contact direct, et à peine par courts mails (la faute aux emplois du temps débordés). Or j'étais déjà un peu "en attente", frustré par ces difficultés à nous croiser. Donc, finaud, j'informe la belle que je partirai avant la fin de la journée. Clin d'oeil sensé lui faire comprendre qu'il fallait qu'elle m'écrive avant ce départ, si elle voulait le faire. Mais, l'heure du départ approchant, toujours rien. Je savais que peut-être (et sans doute) elle n'avait pas lu mon message. Ce n'était pas son genre de me laisser partir sans un mot. Sauf que... mes doutes éternels sur moi-même ont commencé à me travailler. En gros, c'est toujours la même chose: «peut-être que je ne l'intéresse plus...» (oui, je sais, c'est très con...). Bien sûr, je me suis raisonné: elle n'aura pas encore lu mon message. N'empêche que... une vilaine petite voix me disait aussi «pourquoi?». Pourquoi a t-elle oublié mon départ? pourquoi ne m'a t-elle pas écrit la veille? Pourquoi n'est-elle pas là maintenant que j'ai envie de sa présence?

Pas bon. Pas bon du tout! Je n'aimais pas cette forme de dépendance. Cette attente, cette exigence de ma part. Parce que c'est contraire à l'esprit de liberté dans lequel j'ai envie que notre relation s'épanouisse.

Alors... grrmpfff, j'ai tenté de ravaler tout ça, de repenser à toutes ces belles choses qu'elle m'a écrit à de nombreuses reprises. Et ça a à peu près marché. Je suis parti en me disant que j'étais bien bête de douter aussi vite de l'attachement qu'elle a pour moi. Et que si elle le savait elle en serait certainement attristée (putain de bordel de doutes de merde à la con!!!) [Ciboère de calisse de doutes de criss d'ostie!!!].

Honnêtement, ça m'énerve vraiment de sentir aussi vite venir cette incertitude. Je m'en veux, je m'engueule intérieurement, mais ça reste de peu d'effet. Elle seule sait les calmer... Et c'est ce qui s'est passé hier soir, enfin de retour.

Avant même d'arriver à la maison je n'avais qu'une idée en tête: filer voir la boitamails pour trouver un message de sa part. J'ai quand même pris le temps d'aller discuter un bon moment avec Charlotte, déjà couchée vu l'heure tardive. Elle aurait pas aimé que j'inverse les priorités... (oui, bon, c'est comme ça...). Donc, j'ai ensuite foncé sur ma boite, avec une fébrilité inquiète. Et si il n'y avait rien de sa part? Oh la la, les doutes revenaient à toute vitesse. Et cette impression de très grande dépendance: de la présence ou pas d'un message dépendait mon état. S'il n'y avait rien eu, j'aurais été profondément attristé, peiné, déçu. Preuve de mon exigence et de mon attente. Alors je crois que... je lui en aurais voulu. Beaaark! vilains sentiments négatifs! Horrible possessivité!

Mais... il y avait bien un message (imaginer là un laaarge sourire). Evidemment. Comment aurait-il pu en être autrement!? Pauv'con va! Douter comme ça sans aucune raison. Lecture faite, j'ai immédiatement foncé sur la petite boite de dialogue m'informant qu'elle était en ligne. Wouw... se retrouver après trois longs jours (oui oui, c'est long trois jours!) comme ça, en face à face. Un peu bizarre... Une brusque intimité qui fait qu'un passage par quelques mots un peu distants est nécessaire. Et ensuite seulement on peut entrer dans notre sphère rapprochée.

Beaucoup de choses à dire (trop pour le temps imparti), de son coté comme du mien. Alors les mots s'orientent d'eux même. Rapidement je lui évoque cette dépendance que je sens se manifester, et mon malaise qui en résulte. Miracle de la pensée positive; elle ne s'en offusque pas et semble me comprendre. Et elle m'informe que cette déception, frustration, tristesse que j'ai ressentie en l'absence de message... elle aussi l'a ressentie en me découvrant déjà parti. Ben oui, comment ai-je pu en douter? (m'en voulais de cet égoïsme, hier soir...). Et mieux que ça, elle m'apprend que je ne dois pas fuir ce que je ressens. Que je dois regarder en face ces sentiments qui sont la marque d'un attachement fort... et non pas d'une dépendance. Ou plutôt que cette dépendance est la manifestation de l'attachement, du désir de présence et de contact. Elle me dit que je ne dois pas chercher à contrôler tout mon être et les pulsions qui l'animent, parce que c'est la voie royale de la culpabilité...

Je sais qu'elle a raison (et je regrette d'avoir perdu le passage ou elle en parlait bien mieux que ça). Ce sont des idées bien nouvelles pour moi, aussi étonnant que ça puisse paraître. J'essaie de me défaire de la culpabilité, mais peut-être que c'est en amont que je dois changer les choses. M'accepter tel que je suis, avec mes faiblesses. Et mes forces aussi. Renoncer à ce désir de perfection envers elle qui m'a si longtemps animé envers quiconque et à qui je croyais avoir tordu le cou (souhait davantage que réalité, en fait).

Je n'ai jamais vécu pareille relation et j'ai donc tout à apprendre. La complicité c'est aussi partager ce genre de choses. Et cette perspective a quelque chose d'imensément apaisant par les potentialités qu'elle offre. Wow, je n'en reviens pas de tout ce que je peux découvrir avec cette complice dont je me sens jour après jour plus proche. Toujours plus proche. Quelle chance inouïe j'ai eu de la rencontrer. Et... il paraît que c'est réciproque.

Vous voyez bien que c'est merveilleux...


_________



Pour ceux qui seraient intéressés par des réflexions sur le sujet, quelques liens intéressants:

- Polyamour.net
-
Sexualité plurielle

Parmi les diaristes que je lis:


«J'ai le genre de personnalité (complexe?!) qui fait que j'ai des envies variées et, surtout, que j'ai besoin de... diversité (ah! ben voilà! c'est tout à fait ça!). Et ça m'étonnerait beaucoup qu'une seule personne puisse m'apporter tout ce dont j'ai besoin. En fait, très sincèrement, je ne crois pas que cette personne existe. Du moins, je ne perds plus mon temps à la chercher sous un seul chapeau, car je peux y arriver autrement. Avec plusieurs personnes, par exemple.

(...)

Ça ne m'empêche pas d'aimer. Et j'aime de la même façon que je désire être aimée... sans chercher à posséder l'autre. Sans nécessairement m'approprier toute sa vie ou tout ce qui l'entoure. Et ma façon d'aimer est, certes, inévitablement liée à cette fameuse liberté dont j'ai tant besoin et pour laquelle les exigences d'un amour étroitement lié, le désir de possession exclusive de la personne aimée, les promesses de fidélité ou les histoires de jalousie n'ont pas leur place... »

Apologies inutiles et petites lubies sans façons
15/12/2001 "Une fille comme moi"




«Ce que je veux dire, c'est que oui, j'aime chacun de mes proches d'une façon différente. Il n'y pas qu'une seule façon d'avoir un ami. Ben il n'y a pas qu'une façon d'avoir unE amie. (je pars de ma position d'hétéro de base, les homos c'est l'inverse et les bis c'est encore plus riche...). Selon la personne, la complicité, l'échange sera plus ou moins verbal, plus ou moins émotionnel, plus ou moins intellectualisé, plus ou moins fortuitement un malentendu, plus ou moins physique. Avec une amie, le physique, suite à des millénaire d'apprentissage des rôles sociaux (pourquoi laisse-ton les cheveux des filles pousser et pas ceux des garçons dans l'enfance ? Essaye de répondre pour voir) d'entrée dans le mode du jeu et du non-dit. La différence entre ma conception et la conception classique, c'est que je voudrai avoir vraiment plus de marge. D'abord dans la simple réalité quotidienne et non érotique, puisque mon expression physique est d'ordinaire peu chaleureuse. C'est comme ça. Quand j'arrive à passer le pas, même comme un gros maladroit, je suis heureux (d'ailleurs, une accolade à un ami, le soutenir ou être soutenu par lui, c'est la même chose.) Mais surtout j'aimerai pouvoir, de temps en temps, avec une amie, parcequ'aujourd'hui oui, parce que demain on s'en fout, passer le pas suivant, le pas érotique, l'enjambée charnelle. Non, les copines, partez pas, j'ai TOUJOURS mon pantalon. »

Narcissite du Chien fou - 15/12/2002 et suivant



Infidèle idée



Mardi 8 avril


Ce que je vis en ce moment mobilise énormément de mon énergie. Je réfléchis beaucoup et c'est moralement épuisant. Si je passe des moments de sérénité et de bonheur, c'est aussi au prix d'une remise en question des fondements sur lesquels je m'étais construit.

Je ne me serais pas rendu compte de cet affaiblissement si je n'avais pas été un peu pris à partie sur un forum. Je n'y allais plus depuis quelques temps, faute de disponibilités, mais récemment un sujet intitulé "Amour et infidélité" n'a pu que retenir mon attention. Il était précisément question des relations plurielles et de la notion de fidélité. En plein dans le mille! Exactement ce qui me préoccupe. Alors j'ai fait part de mes impressions, sans rentrer dans les détails. Je me sentais bien à l'aise dans ce sujet, volontiers enthousiaste.

Il aura suffi de quelques remarques faisant la confusion entre amour-sentiment et amour-physique, entre fidélité des sentiments et fidélité des actes, plus quelques remarques assez désagréables me faisant passer dans le camp de ceux qui ne savent pas maitriser leurs pulsions et veulent satisaire leurs moindres désirs... pour déclencher un sentiment de culpabilité. J'ai tout remis en question. Est-ce que je suis fidèle? Qu'est-ce que la fidélité? Est-ce que je ferais passer égoïstement mon bonheur avent celui de mon épouse? Qu'est-ce que je cherche qu'elle n'aurait pas? Le vrai amour n'est-ce pas accepter l'autre tel qu'il est, sans en vouloir plus? Pfff, tout un tas de questions confuses qui me ramènent en arrière. Non pas qu'elles me font changer de direction, mais qu'elles compliquent mon cheminement à l'écoute de moi-même.

Parce que c'est extrêmement difficile de tout remettre en jeu lorsqu'un couple fonctionne d'une certaine façon depuis aussi longtemps. Adepte d'une fidélité rigide, rigoureuse, je dirais presque "noble", depuis avant même que je connaisse Charlotte, je suis en train de reprendre à zéro mon raisonnement et mes "valeurs". Ça ne peut pas se faire sans peine. Je crois même qu'il y a un certain courage de ma part. Parce que je n'adapte pas mes convictions à la situation, mais c'est la situation qui me fait réfléchir à mes convictions. Et sans précipitation. Il ne s'agit pas de me donner bonne conscience après avoir été infidèle, mais de réfléchir à la notion de fidélité avant de, peut-être, approcher de près une personne qui me communique un bien-être par nos seuls échanges. Je ne sais même pas si l'intimité sexuelle dont nous parlons succinctement parfois (rarement) et qui, très logiquement, nous attire... aura lieu un jour. La... chance (???) à voulu que nous soyons géographiquement distants, ce qui nous impose un délai de réflexion qui pourrait bien se prolonger longtemps. Une partie de ce temps nous permet de discuter, de temps en temps, de ce que pourrait impliquer une rencontre. Et rien n'est établi. Nous ne savons pas actuellement ce qui nous conviendra le jour où on se rencontrera. Mais ce qui est certain c'est que mentalement je devrais être prêt, et clair dans ma tête. Avec ou sans intimité sexuelle. Et sans trace de culpabilité de ma part vis à vis de Charlotte. Car en fait c'est le seul facteur limitant, vu de mon coté.

Quand je parle d'intimité sexuelle, c'est bien sûr dans le sens du "sans limites" que j'évoquais il y a quelques semaines. Mais je crois qu'il est évident pour moi, désormais, que je ne pourrai rencontrer ma complice sans avoir de contact physique proche. Ça, c'est inévitable. Reste à savoir jusqu'où...

Pourquoi est-ce que je raconte tout ça? Certainement un besoin de me justifier. Avant tout pour moi-même. Afin de bien montrer que ce que je vis n'est pas une simple question d'attirance. Il y a aussi de l'attirance, mais ce n'est pas l'essentiel.

Et peut-être... peut-être que notre relation ne restera que dans une attirance sublimée? Sans cette intimité physique qui pourrait être trop complexe à gérer en parallèle de ma relation de couple légitime...

Je ne sais pas. Honnêtement, je ne sais absolument pas vers quoi je pourrais m'orienter dans l'avenir. Pour le moment je ne veux supprimer aucune éventualité. Dans les temps à venir devra se préciser la nature de la relation que nous pourrons avoir avec ma complice. Mais passer la nuit dans le même lit n'est pas un objectif final, c'est certain.

Par contre, accompagner le partage de nos intimités par des gestes de douceur est un souhait, assurément.


Voila une belle auto-justification, une fois de plus...



Les mots pour le dire



Mercredi 9 avril


Je suis en train de me rendre compte que si je ressens le besoin de me justifier, en expliquant longuement de quoi il s'agit quant aux sentiments que je vis (et surtout de quoi il ne s'agit pas), c'est qu'encore une fois les concepts véhiculés par les mots sont trop étroits pour convenir à la situation. Je dis «je l'aime, mais je ne l'aime pas», «je ne suis pas amoureux, mais je le suis quand même», «suis-je fidèle?... mais je ne suis pas infidèle». A moins que je ne me réfugie derrière un [pas de mot existant]. Tout ça parce que les mots sont partiellement vrais, mais trop (ou pas assez) précis. Je peux tout aussi bien écrire «je suis amoureux mais je ne l'aime pas, et je reste fidèle à ma femme». Ou bien «je l'aime mais n'en suis pas amoureux, sans pour autant être infidèle». Les phrases sont réversibles, opposées, incomplètes, insatisfaisantes. Tout ce que je peux dire c'est que je l'aime d'une façon différente du sens classique (surtout parce qu'on n'est pas en présence l'un de l'autre), que je suis amoureux d'une façon différente du sens commun (pour les mêmes raisons), et que je reste pourtant fidèle à mon épouse d'une manière différente de ce que mot signifie généralement.

Et tout cela est un peu confusant (l'existe ce mot?). Entre ma complice et moi il nous faut parfois de longs échanges à pas feutrés pour préciser douuuucement ce qu'on ressent mais n'osons pas trop dire... de peur que le sens des mots ne soit trop fort... ou trop faible. Des lignes et des lignes, des jours et des jours pour parvenir à formuler sans que ce ne soit ambigu, imprécis, déplacé. Et tout cela, tout ce temps qui nous est nécessaire, est à la fois la conséquence de la distance qui nous sépare et la raison même de cet attachement si particulier. Notre relation est fondée sur la distance. Celle de l'espace qui nous sépare et celle du temps qu'il nous faudra pour parvenir à nous toucher, un jour. Parce que je crois que c'est notre souhait le plus cher...

Contrairement à une relation qui se construit classiquement dans le monde réel, nous devons composer avec quelque chose qui nous maintient séparés. Alors que la présence déclenche, renforce l'attirance, la distance contraint cette attirance à rester un mélange de désir et de frustration. Peut-être même est-ce une façon de faire durer le plaisir? Comme un coït prolongé, tout de désir retenu, augmente la durée de ce moment de félicité. Pour nous, c'est très facilement vérifiable puisque chacun des procédés que nous utilisons pour nous rapprocher déclenche des flots d'émotions bien particuliers. Le simple fait de se voir, même si c'est à travers un oeil éléctronique assez myope, nous plonge souvent dans le silence de la contemplation partagée. Les mots deviennent inutiles puisque les regards, les sourires sont des vecteurs trés adaptés pour transmettre le sens qu'ils signifient. Et le téléphone, pourtant conçu pour transmettre des mots, laisse filtrer toute une émotion dans les sonorités variées qu'il véhicule. Et notamment le silence...

Pourtant, proportionnellement nous utilisons peu ces moyens de nous sentir plus proches. Peut-être parce qu'ils donnent une intensité troublante et que les émotions qui s'en dégagent sont contradictoires. Un mélange de bonheur et de tristesse. Bien souvent je sens ces vagues d'émotion me parcourir, et si mes yeux se mettent à briller, je ne sais pas si c'est de joie ou de souffrance.

Pourtant, parce que les émotions sont le sel de la vie, je ne renoncerais pour rien à ces instants. Je me sens vivant, je le partage à ce moment là, et c'est très très bon.

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Suite de mes réflexions sur le sentiment de possessivité/jalousie

Si on était vraiment altruiste, on devrait être heureux d'offrir la liberté à celui/celle qu'on aime afin qu'il apporte le bonheur qu'on ressent dans sa présence à d'autres. Car quel égoïsme que de vouloir garder pour soi cet être d'exception, simplement parce qu'on a eu la chance de le rencontrer plus tôt que les autres. Si on aime ses qualités, pourquoi refuser qu'il les dispense aussi à d'autres que nous?

Je sais bien que tout cela est théorique, que le sentiment de possessivité est très répandu (mais pas universel), et qu'il est difficile de lutter contre. Mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras tout de suite... parce qu'on ne s'en sent pas capable. Et surtout parce que c'est plus commode et que ça évite de trop se remettre en question.

Je n'ignore pas que ce sentiment de possessivité m'habite. Mais je n'ai pas envie de le laisser diriger les choses. Je tente de le comprendre, l'analyser, et le réduire. Je sais très bien que, pour ma part, c'est une peur d'être abandonné. Je préfèrais donc que Charlotte n'aille pas voir ailleurs de crainte qu'elle trouve mieux. C'est con. D'abord parce que si je veux son bonheur, je ne peux que l'encourager à chercher ce qui lui convient. Ensuite parce que c'est idiot que, pour mon confort personnel, je lui demande de se satisfaire de mon éventuelle médiocrité. Et enfin c'est stupide parce que si je retiens cet être qui m'apporte du bonheur, et à qui je suis censé en apporter... et bien je nuirai à son bien-être. Donc elle sera encore plus tenté d'aller voir ailleurs.

Au contraire, si je lui laisse toute liberté, certes je risque peut-être de le/la perdre... mais j'ai aussi des chances pour qu'elle n'en apprécie que mieux ce qu'elle aime chez moi. Parce qu'elle sera libre de choisir ce qui lui plaît.

Théorie, théorie... je sais, je connais la chanson. N'empêche que je ne vois aucune objection valable. Si ce n'est l'acceptation de se laisser gouverner par des sentiments nécrosants. Et... je ne vois là rien de bien glorieux. Accepter de ressentir ces sentiments est une chose, ne pas vouloir les déclencher en est une autre. Et le chemin le plus facile n'est certainement pas la meilleure solution.

En fait c'est toute une démarche qui est nécessaire, qui passe par la confiance en soi, la discussion écoutante... et la recherche du bonheur. Du vrai bonheur, pas du plaisir éphémère. Je suis de plus en plus intimement persuadé qu'il y a davantage de courage et de grandeur d'âme à donner la liberté plutôt qu'à retenir prisonnier. Ou, autrement dit, à permettre des amours pluriels plutôt qu'exiger une fidélité de présence, de temps, de sentiments.

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Et puis merci. Merci à ces petits messages discrets que je reçois de temps en temps, réconfortants, encourageants... touchants.

Merci aussi à celles et ceux qui se gardent de me donner leur avis, même si je suppose qu'elles n'en pensent pas moins. Merci de respecter mes hésitations et mon parcours sinueux, à ma vitesse, avec mon rythme mélant enthousiasme et hésitations.

Oh... et puis merci à toi ma complice, publiquement (parce que toi tu le sais déjà), pour tout ce que tu m'apportes.

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Ce journal devient terriblement impudique, ne trouvez-vous pas? Qu'est-ce qui me pousse à me laisser aller de la sorte? Certainement une forme d'inconscience. Je ne réalise pas vraiment comment, et par combien de personnes je suis lu.

Et puis je crois que j'ai l'émotion communiquante. Que ce soit de la tristesse, de la souffrance, de la joie... j'ai pris l'habitude d'apprendre à laisser sortir ça de moi. Parce que ça me fait du bien, parce que ça me permet de le vivre de façon plus complète. Atténuer la tristesse, ou laisser infuser le bonheur afin qu'il dure encore, et que j'en garde trace.



Problème de définitions



Vendredi 11 avril


Je prends conscience que je parle (j'écris...) parfois de la relation extra-conjugale que je vis comme s'il s'agissait d'une sorte d'adultère virtuel. Enfin... pas vraiment puisque Charlotte sait que cette relation existe. Et puis bon, cette relation n'est qu'un partage de pensées. Je ne fais donc pas preuve de... de quoi? D'infidélité? Mais même ce mot... que voudrait-il dire alors que je ne peux pas approcher cette complice avec qui je passe tant de temps?

Ça veut dire quoi "être fidèle"? Fidèle dans les actes ou fidèle dans les pensées?

Je me considère sans aucune hésitation comme fidèle à Charlotte, puisque l'amour que je lui porte est non seulement intact, mais sans doute même supérieur. Je suis fidèle à l'amour que je lui ai déclaré/proposé il y a plus de vingt ans. Et puis cette relation que je vis ne se situe pas sur le même plan. Il n'y a pas de concurrence.

Maintenant, si on considère que la fidélité c'est n'aimer qu'une seule personne, alors je suis infidèle. Mais ça ne veut pas dire grand chose. Parce qu'on peut aimer de différentes façons. Et puis ce concept de "fidélité" me semblerait bien plus être une posture morale que quelque chose de sensé et réflechi. Donc... pfuit, je passe par dessus (plus facile à écrire qu'à faire...).

En fait, je pense que ce que je vis ne poserait de problèmes de conscience qu'a ceux qui sont un peu coincés dans une vision étriquées de ce que peut-être l'amour (euh... c'est précisément de cette vision que j'apprends à me détacher). Mais bien d'autres, plus libres dans leurs idées, pourraient me trouver timoré de prendre autant de précautions alors que je ne touche même pas cette complice.

En fait, c'est cette impossibilité de contact à court terme qui joue un grand rôle dans cette relation particulière. Il en aurait été tout autrement si nous pouvions nous rencontrer aisément. Parce que je sais que j'en aurais peur (position morale) et que cela conditionnerait forcément la dynamique relationnelle. De savoir que nous pourrions nous voir... et nous toucher, donc que je puisse me trouver très vite aux portes des limites morales qui me posent des problèmes de conscience, me rendrait méfiant. Parce que je sais que mes désirs se heurteraient à ma conscience. Envie folle de liberté d'un coté, opposée à une rigueur que je ne me sens pas autorisé à surmonter. Parce que Charlotte n'y est pas prête. Je me rends compte que son amour me retient prisonnier... puisque je ne veux pas la perdre.

C'est toute la définition de l'amour qui est faussée dans nos consciences. L'amour-possession, l'amour-exclusif. Et nous nous sommes construits selon ce modèle. Pas facile d'en sortir sans une solide remise en question. Si moi j'y suis aidé par la motivation, ce n'est pas le cas de Charlotte.

Je ne sais pas si c'est une question de générations, ou que je suis davantage à l'écoute de ce genre de préoccupations, mais il me semble que pas mal de gens remettent en question cette forme d'amour. Je sais que ce n'est pas nouveau... et nombre de couples s'y sont cassés les dents. Mais il me semble (c'est purement subjectif et infondé) que si il y a quelques décennies on prônait la libération des moeurs sur le plan sexuel, actuellement ce serait davantage sur le plan des sentiments. Comme s'il avait fallu passer par une étape plus superficielle avant d'entrer dans la vraie redéfinition de l'amour. Bon, je donne mes impressions hein, ça n'a rien d'étayé.

Quoi qu'il en soit, j'ai quelques contacts avec des personnes qui se trouvent dans une situation similaire à la mienne. Et bien souvent leur histoire est celle d'une rencontre sur internet. Parce que nous y sommes libérés de tous ces facteurs conventionnels mis en place dans la société pour que ne se produise pas trop ce genre de contacts. En accédant directement à la pensée de l'autre, il était inévitable que se prosuisent des "rencontres" avec des personnalités qui, jusque là, demeuraient cachées par la timidité et/ou les usages (on ne raconte pas facilement ses états d'âme à des inconnus, ni même à des connaissances).

Je sais que beaucoup de gens sont méfiants vis à vis d'internet, accusé d'être un paravent qui permettrait de cacher sa personnalité. C'est un discours très courant: «ce n'est pas la vraie vie», «c'est se cacher derrière l'anonymat», «les gens se créent des personnages», ou, encore mieux «internet, ce n'est que des suites d'octets». Comme si l'immatérialité empêchait les émotions et les sentiments de se communiquer! Alors que c'est bien souvent exactement l'inverse. Ou, pour être plus juste, c'est un champ d'action différent. Internet complète la vie sensorielle. Mais ne la remplace pas.

C'est bien pour cette raison qu'il est très frustrant de devoir se contenter seulement des échanges de pensées, aussi intenses soient-ils, sans pouvoir toucher, oui toucher avec les doigts, ou du regard, les personnes avec qui on voudrait communiquer de facon plus proche.

Chacun des deux mondes, le virtuel ou le sensoriel, offre une palettte de possibilités incomplète. Sans ce monde virtuel, j'aurais été privé de tant d'échanges qui m'ont fait aller vers moi-même, privé de tant de bons moments, de tant d'émotions. Car je sais très bien que je n'aurais pas pu en avoir autant dans le monde sensoriel. Parce qu'à mon âge vénérable j'ai quand même une petite idée de ce qui m'est possible ou pas. Je n'ai jamais aussi intensément vécu que depuis que je pratique les "relations virtuelles". Et depuis je vis mieux dans le monde sensoriel.

Tout comme je vis mieux avec Charlotte depuis que s'est établie cette complicité parallèle. Les deux se complètent et s'harmonisent. C'est comme si, de borgne, j'avais désormais accès à la vision stéréoscopique. Ma vie n'en a pris que plus de profondeur et d'intensité. Et si j'y ajoute tous les autres "yeux" qui me sont donnés par ces échanges que j'ai avec d'autres, je vais me sentir bientôt comme une araignée avec ses multiples yeux!

Peut-être que tout cela paraît évident à ceux qui ont toujours été entourés d'amis. Tant mieux pour eux, mais ce n'était pas mon cas. J'étais un handicapé de la parole, muet à cause d'une timidité gênée, et je découvre l'usage de la parole. Peut-être qu'internet est comme une prothèse, mais l'essentiel est que je puisse parler.

Euh... le rapport entre la fidélité et la timidité?

Aucun. Si ce n'est que c'est le même média qui m'a permis de dépasser mes limites.

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Oh la la, qu'est-ce qu'elle m'a fait peur en écrivant un "Cher tous"... J'ai cru qu'elle allait cesser son journal. J'ai vite vite descendu le texte jusqu'à la fin, pour voir si ce n'était pas ça... Ouuuuuf, non! Oh la la, grand soupir.

Ben oui, c'est que je me suis énormément attaché à certaines personnes que je lis, et avec qui un lien s'est établi depuis des années. Leur "disparition" serait quelque chose d'assurément attristant. Je ne m'en rends compte que lorsque j'ai l'impression que quelque chose est menacé: la poursuite du journal, ou une rencontre presque annulée...

Et même si bien souvent il existe une forme de distance due à l'écrit, ou au temps qui passe entre les mails, je ressens vraiment un attachement fort envers quelques personnes. Au point que je suis touché par leurs problèmes, comme je le serais chez mes plus proches. C'est curieux d'ailleurs, ces liens qui se créent en peu de temps et qui font que des inconnus deviennent importants...




«Aux tous débuts de mon journal, j'avais constamment besoin de vous. Vous étiez sinon la raison d'être, du moins la condition d'existence de ce journal. J'écrivais parce que vous me lisiez. J'écrivais pour que vous me lisiez. Cause ou conséquence, quel que soit l'endroit où vous étiez situés, vous étiez là. Vous m'observiez et plus vous me regardiez, plus j'avais envie de me montrer à vous, de vous faire voir qui j'étais. Si on est altruiste, on dira que mon écriture était un don. En fait, j'avais surtout l'impensable besoin de me sentir exister dans mes mots sous votre regard.»

Regards solitaires - 11/04/2003








Mois d'avril, 2eme quinzaine