Laqk - "Le tunnel de mon existence"


20 février 2001

 

L'épuisement m'a rattrapé ce midi. Après le dîner (toujours en compagnie de Consoeur, mais beaucoup plus froide cette fois...), alors que je relaxais un peu avant de retourner au boulot, le coup de barre m'est tombé dessus comme une tonne de briques, et j'ai compris que je n'arriverais pas à passer le reste de la journée devant un ordinateur. J'ai donc pris congé et suis revenu ici, essentiellement pour pelleter cette hallucinante bordée de neige qui nous a enseveli durant la nuit. Alors que je pelletais, mon voisin, qui sortait de chez lui, me lance à la blague: "Tu n'as pas pu y échapper cette fois !", faisant allusion au fait que je n'avais pas touché à ma pelle depuis mon retour de voyage, me contentant d'écraser sous les roues de mon quatre par quatre et sous la semelle de mes bottes le peu de neige qui était tombé depuis.

 

Ce soir, je vais vous entretenir des relations virtuelles. Les miennes, et celles des autres.

 

Pourquoi ce soir ? Parce qu'un évènement s'est produit il y a quelques jours dans le monde merveilleux des diaristes du web, un évènement plutôt banal en soi, sauf pour la personne qui le vit bien sûr. Pour dire les choses simplement, une diariste que je lis régulièrement depuis quelque temps vient de vivre une rupture virtuelle. Je ne la nommerai pas ici, mais si elle me lit elle se reconnaîtra aisément, et vous aussi si vous la lisez déjà.

 

Cette rupture virtuelle m'a énormément surpris. Pourquoi ? Parce cela m'a révélé que cette diariste vivait une relation virtuelle, chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas. Pourquoi encore ? Parce que le peu de chose que je connais d'elle me portait à croire qu'elle n'était absolument pas le genre de personne à vivre une relation virtuelle.

 

Je m'explique. Et ce faisant, vous allez rire de moi. Et ce sera bien fait, parce que je le mérite.

 

Quel est donc le genre de personne qui, selon moi, peut vivre une relation virtuelle ?

 

Et bien d'abord, jusqu'à très récemment, j'en étais une.

 

Tu pourrais pas être un tout petit peu moins clair Laqk ? On comprend trop !

 

Ça va, ça va ! Je fais ce que je peux ! La vérité, c'est que je ne le sais pas très bien moi-même, et que j'écris ces lignes dans l'espoir de mieux comprendre.

 

Cette diariste est une de celles à qui je faisais allusion dans mon billet du premier février sur la nullité. En fait, la première chose qui m'a frappé quand j'ai commencé à la lire, c'est la qualité de sa plume et l'étendue de son érudition sur le plan littéraire. La lire était pour moi un délice (et l'est toujours), mais je n'ai jamais osé lui écrire pour lui en faire part, totalement persuadé que j'étais que si elle daignait répondre à un nul comme moi, ce serait davantage par pitié que par intérêt. Bref, je l'ai très vite mise sur un piédestal.

 

Et pour moi, les personnes que j'ai mise sur un piédestal ne tombent pas dans le piège des relations virtuelles.

 

On avance ! J'ai utilisé le mot "piège", ce qui implique une connotation péjorative, ce qui veut dire que je perçois les relations virtuelles comme quelque chose de négatif.

 

Pourquoi ? Parce que les personnes instruites et érudites ne sont pas naïves, et qu'il faut être un peu naïf pour oser croire que ces étranges passions que font naître en nous quelques mots sur un écran d'ordinateur puissent s'apparenter à un quelconque sentiment amoureux, non ?

 

Foutaises, bien sûr.

 

D'abord il n'y a aucune corrélation entre l'érudition et la naïveté.

 

Ensuite, les relations virtuelles ne sont pas toutes des attrapes nigaud. Je connais personnellement des personnes qui se sont rencontrés sur le net et qui sont actuellement très unis et très amoureux.

 

Mais j'en connais aussi d'autres (moi, pour ne pas les nommer...), qui ont vécu pendant des semaines, voire des mois, des passions virtuelles obsédantes et dévorantes, et qui dès les premières secondes de la fatidique rencontre ont vu ces passions s'évanouir instantanément, à leur grande surprise et, surtout, à leur grand désarroi...

 

Parce que c'est à ça que, ultimement, nous aspirons tous dans une relation: pouvoir voir, entendre, sentir, goûter l'autre; pouvoir être avec elle, totalement, entièrement, en pensée et en chair, vouloir la serrer si fort contre soi qu'on pourrait s'y fondre; s'y perdre et s'y trouver à la fois. Voilà l'évolution normale d'un amour auquel nous aspirons tous: passer successivement de communication à communion, puis de communion à fusion...

 

Et tant que cette passion dévorante que l'on pourrait, à tort, confondre avec l'amour, n'a pas franchi le test ultime de la rencontre, n'a pas traversé la frontière qui sépare le virtuel du réel, aussi intense, enivrante qu'elle puisse nous sembler, elle demeure aussi fragile et éphémère qu'une bulle de savon, elle demeure rien de plus qu'une illusion.

 

Avec du recul, je réalise que cette diariste était plutôt tout à fait encline à tomber dans le piège de la relation virtuelle. Qui d'autre qu'une femme très cultivée et amoureuse des mots pourrait justement se laisser séduire par ces mêmes mots ?

 

Quoi qu'il en soit, je sympathise avec elle. Pour l'avoir vécu moi-même, je la comprend très bien. La relation n'est peut-être qu'une illusion, mais la douleur de sa rupture n'en est pas moins tout aussi cruellement ressentie que si elle était réelle...

 

Je ne l'avais peut-être pas mis sur un piédestal finalement. C'était plutôt moi qui m'était creusé un trou juste à côté d'elle pour pouvoir la regarder de plus bas... Je devrais arrêter de me dévaloriser comme ça n'est-ce pas ? On ne chasse pas les veilles habitudes du jour au lendemain, mais on y travaille...

 

Tout cela m'amène à parler de Lectrice.

 

Cette chère Lectrice dont je m'ennuie. Voilà plus de deux semaines qu'elle ne me donne plus signe de vie, depuis mon dernier courriel auquel elle n'a jamais répondu. Je n'en parlais pas ici mais il ne se passait pas une journée sans que j'aie une petite pensée pour elle. Je crois qu'il est maintenant réaliste pour moi d'assumer que je n'aurai plus jamais de ses nouvelles, ce qui m'attriste beaucoup. Cela m'attriste parce que je dois me résigner à faire mon deuil d'une relation qui n'aura jamais eu la chance de naître. Une relation qui, je le sentais intuitivement, aurait pu être plus qu'un feu de paille dans nos vies respectives. Quoi au juste, je ne saurais le dire, mais j'aurais bien aimé avoir eu la chance de le découvrir. C'est notre mésentente sur les relations virtuelles qui nous a conduit à ce cul de sac, je pense. Je crois qu'elle aurait préféré que nous continuions à explorer cette voie, alors que moi, j'en ai soupé des relations virtuelles.

 

Enfin...

 

Lectrice, je n'écris pas ces lignes pour te faire réagir ou pour te passer un message. Mon message je te l'ai déjà fait parvenir. Te le répéter à outrance ne serait que du harcèlement.

 

Quand à vous, mes lecteurs et lectrices, aussi virtuels que vous soyez, je ne vous en aime pas moins pour autant :-)